Aelii Donati in Adelphos Terenti commentum
Praefatio
1 storax non rediit hac
nocte a cena aeschinvs 1 Haec
fabula palliata Adelphoe, ut ipsum indicat nomen, et plurali numero,
cum sit una, et genere masculino, cum sit comoedia, et Graeca
lingua, cum sit Latina, censetur. potuit eam Terentius Fratres dicere, sed et Graeci nominis
euphoniam perderet et praeterea togata uideretur, ad summam non
statim intellegeretur Menandri esse, quod Terentius imprimis cupit
scire lectorem, minus existimans laudis propria scribere quam Graeca
transferre. est igitur Menandri et a fratrum facto, quibus
argumentum nititur, nomen accepit. 2 Huius tota actio cum sit mixta ex utroque genere, ut
fere Terentianae omnes praeter Heautontimorumenon, tamen maiore ex
parte motoria est; nam statarios locos perpaucos habet. 3 Prodest autem et delectat actu et
stilo. 4 In hac primae partes sunt ut
quidam putant Demeae, ut quidam Syri. quodsi est, ut primas Syrus
habeat, erunt secundae Demeae, tertiae Micionis et sic deinceps.
quamquam etiam sunt, qui putant primas Micioni dandas, secundas
Syro, tertias Demeae. nam quod ait Terentius «
senes qui primi uenient
1 » non ad partes, quas dicimus, sed ad ordinem pertinet
exeuntium personarum. 5 Hoc etiam ut
cetera huiusmodi poemata quinque actus habeat necesse est choris
diuisos a Graecis poetis. quos etsi retinendi causa inconditi
spectatoris minime distinguunt Latini comici metuentes scilicet, ne
quis fastidiosus finito actu uelut admonitus abeundi reliquae
comoediae fiat contemptor et surgat, tamen a doctis ueteribus
discreti atque disiuncti sunt, ut mox aperiemus post argumenti
narrationem1. 6 In hac prologus
aliquanto lenior inducitur; magis etiam in se purgando quam in
aduersariis laedendis est occupatus. πρότασις turbulenta est, ἐπίτασις clamosa, καταστροφή lenior. quarum
partium rationem diligentius in principio proposuimus, cum de
comoedia quaedam diceremus. 7 Haec
sane acta est ludis scaenicis funebribus
L.
Lucii
Aemilii Pauli agentibus
L.
Lucio
Ambiuio et
L.
Lucio
Minucio Prothymo, qui cum suis gregibus etiam tum
personati agebant. modulata est autem tibiis dextris, id est Lydiis,
ob seriam grauitatem, qua fere in omnibus comoediis utitur hic
poeta. 8 Saepe tamen mutatis per
scaenam modis cantata, quod significat titulus scaenae habens
subiectas personis litteras M.M.C.; item deuerbia ab histrionibus
crebro pronuntiata sunt, quae significantur D. et V. litteris
secundum personarum nomina scriptis in eo loco, ubi incipit
scaena. 9 Adnotandum sane, quod haec
fabula προτατικὸν
πρόσωπον non habeat, hoc est personam, quae ad argumentum
nihil attineat quaeque sit adsumpta extrinsecus, ut est in Andria
Sosia. 10 Hanc dicunt ex Terentianis
secundo loco actam etiam tum rudi nomine poeta itaque sic
pronuntiatam Adelphoe Terenti,
non Terenti Adelphoe, quod
adhuc magis de fabulae nomine poeta quam de poetae nomine fabula
commendabatur. 11 In hac spectatur,
quid intersit inter rusticam uitam et urbanam, mitem et asperam,
caelibis et mariti, ueri patris et per adoptionem facti. quibus
propositis ad exemplum imitanda perinde fugiendaque Terentius
monstrans artificis poetae per totam fabulam obtinet laudem.
1 storax non rediit hac
nocte a cena aeschinvs203
cette comédie palliata des Adelphes, comme son nom
l'indique, a apparemment un titre au pluriel, bien qu'elle soit
unique, de genre masculin, bien que ce soit une comédie, et est en
langue grecque, bien qu'elle soit latine. Térence aurait pu
l'intituler Fratres (Les
Frères), mais alors il aurait perdu l'euphonie qu'apporte le nom
grec et, en outre, la pièce aurait été considérée comme une togata
et, au total, n'aurait pas été comprise d'emblée comme une pièce de
Ménandre, chose que Térence souhaite faire savoir au lecteur en
premier lieu, dans l'idée qu'il y a moins de gloire à écrire une
comédie originale qu'à en traduire une du grec. C'est donc une pièce
de Ménandre, intitulée à partir d'un fait qui concerne des frères,
sur lesquels s'appuie l'argument204. 2 L'action
entière de cette pièce, tout en étant mixte des deux genres, comme
presque toutes les comédies de Térence à l'exception de
L'Héautontimorouménos, est pourtant majoritairement
mouvementée, car les scènes statiques y sont peu nombreuses205. 3 Elle est utile et
plaisante par son action et son style206. 4 Le premier
rôle y est joué, selon certains, par Déméa, selon d'autres par Syrus
et dans ce cas, si c'est Syrus le premier rôle, c'est Déméa le
second, Micion le troisième et ainsi de suite. Il y en a d'ailleurs
d'autres qui pensent que c'est à Micion qu'il faut attribuer le
premier rôle, à Syrus le second, à Déméa le troisième. Car ce que
dit Térence, « senes qui primi uenient », ne se réfère pas aux rôles
dont nous parlons mais à l'ordre d'entrée en scène des
personnages207. 5 Cette œuvre aussi, comme toutes les autres de
ce genre, a nécessairement cinq actes, que les poètes grecs ont
séparés par des chœurs. Et bien que, pour tâcher de retenir un
spectateur mal dégrossi, les comiques latins aient très peu pratiqué
de subdivisions, dans l'idée probable d'éviter que, en proie à
l'ennui à la fin d'un acte ou incité à s'en aller, le spectateur, au
mépris du reste de la comédie, ne se lève, les actes ont tout de
même été isolés et séparés par des spécialistes d'autrefois, comme
nous le montrerons bientôt après avoir donné l'argument de la
pièce208. 6 Le prologue qui s'y trouve est un peu plus
calme ; il se préoccupe davantage de se justifier que d'attaquer ses
adversaires. L'exposition (πρότασις) y est agitée, le nœud (ἐπίτασις) bruyant et le
dénouement (καταστροφή) plus calme. Sur cette
typologie, nous nous sommes expliqué quelque peu en faisant quelques
remarques générales sur la comédie209. 7 Cette comédie a bel et bien été jouée pour les Jeux
Funèbres en l'honneur de Paul-Emile, avec Lucius Ambivius Turpion et
Lucius Minucius Prothymus comme acteurs qui, avec leurs troupes,
jouaient à l'époque encore masqués. Elle est accompagnée de musique
de flûtes de droite, c'est-à-dire de mode lydien, en raison de son
caractère sérieux, qui se trouve dans presque toutes les comédies de
ce poète210. 8 Souvent pourtant
il y a sur scène des passages chantés en mètres variés, ce
qu'indique la notice de la scène avec, sous les noms des
personnages, les lettres MMC (Mutatis Modis Cantata) ; de même les
diverbia sont prononcés de manière serrée par les acteurs et sont
signalés par les lettres DV à la suite des noms de personnages à
l'endroit où commence une scène. 9 Il
convient de bien noter qu'il n'y a pas dans cette pièce de
personnage protatique (προτατικὸν πρόσωπον), c'est-à-dire un
personnage qui ne participe en rien à l'intrigue et soit tiré du
dehors, comme l'est le Sosie de L'Andrienne. 10 On dit que dans la série des pièces de
Térence celle-ci a été jouée en second, en raison de l'encore faible
notoriété du nom du poète et qu'on l'a annoncée sous la forme
« Les Adelphes de Térence » et non pas « Térence :
Les Adelphes », parce le nom de la pièce à cette époque
faisait plus de publicité au poète que le nom du poète n'en faisait
à la pièce211. 11 On y voit la
différence entre la vie à la campagne et la vie en ville, entre une
vie douce et une vie rude, entre la vie d'un célibataire et celle
d'un homme marié, celle d'un père authentique et d'un père adoptif.
Avec ces types érigés en exemples, Térence, en montrant ce qu'il
faut imiter autant que ce qu'il faut éviter, obtient le titre
honorifique de poète artiste au fil de la pièce entière.
Ex duobus Atticis fratribus alter quidem
Demea nomine rus coluit, uxorem duxit, suscepit filios duos,
Aeschinum et Ctesiphonem. at alter Micio nomine uxorem ducere et
filios creare noluit: adoptauit sibi filium fratris Aeschinum atque
ita indulgenter eduxit a paruulo, ut effuse luxuriatus adulescens ad
postremum ciuem Atticam uirginem uitiaret captus amore eius. quo
facto etiam cum matre puellae pepigit eiusdem nuptias, quam
uitiauit. cumque rem gestam ad patris, a quo adoptatus fuerat,
conscientiam iam iamque perlaturus esset, precibus Ctesiphonis
fratris sui, qui apud durum patrem atque agrestem Demeam parcius
atque artius haberetur, impulsus est, ut eidem a lenone raperet
meretricem. quo facto multiplici errore completur fabula: nam et
Demea cum hoc ipso, id est cum Micione, litigabat tamquam cum eo,
qui corruperit adulescentem adoptatum in mores perditos, nesciens
suum sibi filium Ctesiphonem esse corruptum, eluditurque a Syro et
Micione per totam fabulam; et mater puellae iam decimo mense post
raptum uirginis et exactis a puero mensibus credit sibi
ipsum2 rapuisse meretricem: quae perturbatio cito in
tranquillum redacta est. nam re comperta de uitio uirginis Micio dat
amanti3 Aeschino, quam concupiuerat, eiusque matrem
ipse accipit. deprehenso uero Ctesiphone in amore meretricis primo
irascitur, post lenitur atque eius habendae dat4 licentiam Demea.
De deux frères athéniens, le premier,
nommé Déméa, habitait la campagne, prit une épouse, en eut deux
fils, Eschine et Ctésiphon. Quant à l'autre, nommé Micion, il se
refusa à prendre épouse et à avoir des enfants ; mais il adopta le
fils de son frère, Eschine, et lui donna dès l'enfance une éducation
si permissive que, habitué à une profusion de débauche, une fois
jeune homme il finit par outrager une jeune fille citoyenne
d'Athènes dont il s'était épris. La chose faite, il fit même affaire
avec la mère de la jeune fille qu'il avait outragée pour l'épouser.
Alors qu'il était sur le point de mettre au courant de l'affaire son
père adoptif, sur la prière de son frère Ctésiphon, qui, auprès de
son père sévère et campagnard Déméa, était élevé chichement et à la
dure, il se laissa convaincre d'enlever pour lui une courtisane à un
proxénète. La chose faite, la comédie se développe en de multiples
méprises : car Déméa se disputait avec lui, à savoir Micion, comme
avec quelqu'un qui élevait mal son jeune fils, sans savoir que son
fils Ctésiphon était tout aussi mal élevé, et il s'en fait railler
par Syrus et Micion pendant toute la comédie ; d'autre part, la mère
de la jeune fille, neuf mois après le viol de la jeune fille, durée
conclue par la naissance d'un enfant, croit que c'est Eschine qui a
enlevé pour son propre compte la courtisane : cette perturbation est
vite ramenée au calme, car, une fois l'affaire du viol de la jeune
fille élucidée, Micion accorde à l'amoureux Eschine la femme qu'il
convoitait et lui-même reçoit sa mère. Une fois Ctésiphon pris sur
le fait, Déméa commence par s'irriter contre cet amour pour une
courtisane, puis il s'adoucit et accorde à son fils le droit de la
garder.
1 Primus
actus haec continet: Micionis solius primo uerba, post eiusdem et
Demeae iurgium. 2 Secundus actus haec
continet: lenonis alteram rixam aduersus Aeschinum pro puella,
eiusdem apud Syrum querelas, laetitiam Ctesiphonis ob possessionem
amicae et eiusdem gratiarum actionem apud Aeschinum. 3 Tertius actus haec continet: trepidationem Sostratae
et Cantharae nutricis ob parturientem Pamphilam uitiatam ab
Aeschino, Getam nuntiantem dominae per errorem, quod sibi rapuerit
Aeschinus meretricem, reditum in scaenam Demeae eiusdemque cum Syro
ludificante eum sermocinationem, Hegionis interuentum et querelam
apud eundem Demeam de facto Aeschini et consolationem
Sostratae. 4 Quartus actus haec
continet: Ctesiphonis cum Syro conloquium de inlusione Demeae
eiusdemque in scaenam interuentum atque secundam frustrationem per
Syrum factam, Micionis cum Hegione sermonem, querelam Aeschini de
rebus suis eiusdemque cum Micione patre facetissimam disceptationem,
Demeae reditum in scaenam ex errore, in quem eum coniecerat Syrus,
et renouatum cum fratre eiusdem iurgium, processionem in scaenam
temulenti Syri. 5 Quintus actus haec
continet: deprehensionem Ctesiphonis cum meretrice, tertium cum
Micione iurgium Demeae eiusdemque pristinae uitae correptionem, et
per eum multa in comoedia noua, hoc est blandimentum circa Aeschinum
et adfabilitatem erga Getam, conciliationem Sostratae,
liberationem5
Syri et uxoris eius et ueniam circa Ctesiphonem permissionemque
habendae meretricis. 6 Seruatur autem
per totam fabulam mitis Micio, saeuus Demea, leno auarus, callidus
Syrus, timidus Ctesipho, liberalis Aeschinus, pauidae mulieres,
grauis Hegio. 7 In diuidendis actibus
fabulae identidem meminerimus, primo paginarum dinumerationem neque
Graecos neque Latinos seruasse, cum eius distributio eiusmodi
rationem habeat, ut ubi attentior spectator esse potuerit, longior
actus sit, ubi fastidiosior, breuior atque contractior; deinde etiam
illud, in eundem actum posse conici et tres et quattuor scaenas
introeuntium et exeuntium personarum. 8 Facta autem haec una est de duabus fabulis, Adelphis
Menandri et Commorientibus Diphili.
1 L'Acte
I contient les événements suivants : d'abord un monologue de Micion,
suivi d'une dispute entre lui et Déméa. 2 L'Acte II contient les événements suivants :
deuxième dispute, cette fois du proxénète avec Eschine au sujet de
la jeune femme, les plaintes d'Eschine auprès de Syrus, l'allégresse
de Ctésiphon parce qu'il possède sa maîtresse et ses remerciements à
Eschine. 3 L'Acte III contient
l'agitation de Sostrata, la mère, et de Canthara, la nourrice, en
raison de l'accouchement de Pamphila, la jeune femme outragée par
Eschine, puis l'annonce erronée à sa maîtresse par Géta qu'Eschine a
enlevé la courtisane pour son propre compte, le retour sur scène de
Déméa et sa conversation avec Syrus qui se joue de lui,
l'intervention d'Hégion et sa dispute avec ce même Déméa sur le
forfait d'Eschine, puis sa consolation à Sostrata. 4 L'Acte IV contient les événements suivants :
conversation de Ctésiphon avec Syrus sur la ruse faite à Déméa et
intervention en scène du même Déméa, avec une seconde fourberie
faite par Syrus, puis la conversation de Micion et d'Hégion, la
lamentation d'Eschine sur ses affaires et la dispute très drôle de
ce même Eschine avec son père Micion, puis le retour sur scène de
Déméa après la méprise dans laquelle l'avait jeté Syrus, et sa
nouvelle algarade avec son frère, puis l'entrée en scène de Syrus
tremblant. 5 L'Acte V contient les
événements suivants : prise en flagrant délit de Ctésiphon avec sa
courtisane, troisième algarade entre Micion et Déméa et autocritique
de ce dernier concernant son mode de vie passé et, par son
entremise, l'avalanche d'événements qu'on trouve dans une comédie
nouvelle, à savoir sa gentillesse à l'égard d'Eschine, son
affabilité envers Géta, sa réconciliation avec Sostrata,
l'affranchissement de Syrus et de son épouse et le pardon accordé à
Ctésiphon avec, pour lui, la permission de garder sa
courtisane. 6 On conserve dans toute
la comédie un Micion permissif, un Déméa sévère, un proxénète
cupide, un Syrus roublard, un Ctésiphon craintif, un Eschine
dépensier, des femmes terrorisées, un Hégion sérieux. 7 Pour ce qui est de la division en actes de la
comédie, souvenons-nous de même d'abord que ni les Grecs ni les
Latins n'ont respecté un nombre prescrit de pages, dans la mesure où
la subdivision obéit à ce principe : là où le spectateur est en
mesure d'être bien attentif, l'acte doit être assez long ; là où il
se fatigue, il faut l'abréger et le condenser ; et aussi que dans un
même acte on peut rassembler trois ou quatre scènes de sorties et
d'entrées de personnages. 8 Cette
comédie unique a été faite à partir de deux modèles grecs, Les
Adelphes de Ménandre et les Commorientes (les
Deux mourants) de Diphile212.
Prologus
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25
postquam poeta sensit scripturam
suam
Le poète, après s'être aperçu que son
ouvrage
1 postqvam poeta
s.
sensit
s.
scriptvram
s.
svam
postquam
pro quoniam, cuius
reciprocum quoniam pro
postquam. Plautus in
Aulularia «
is quoniam moritur - ita auido ingenio fuit
2 ». 2 postqvam sensit pro
postquam
sensisset. 3 scriptvram svam
indifferenter omnis qui aliquid scriberet scriptor a ueteribus dicebatur.
1 postqvam poeta sensit scriptvram svam
postquam est mis pour
quoniam (puisque) ,
comme réciproquement on a quoniam pour postquam. Plaute dans
L'Aululaire : « is quoniam moritur - ita auido
ingenio fuit » (après sa mort –il était si cupide). 2 postqvam sensit pour postquam sensisset au subjonctif
(dès lors qu'il se fut aperçu). 3 scriptvram svam sans distinction, quiconque
écrivait quelque chose était appelé scriptor (écrivain) par les
Anciens213.
ab iniquis obseruari et aduersarios
est mal vu par des gens injustes et que
ses adversaires
1 ab iniqvis
inimicis, ut «
fatis Iunonis iniquae
3 ». 2 observari obseruatio et ad honorem refertur, ut
«
praeterea regem non sic Aegyptus et
i.
ingens
L.
Lydia
n.
nec
p.
populi
P.
Parthorum
a.
aut
M.
Medus
H.
Hydaspes
o.
obseruant
4 ». sed nunc obseruari captari significat. 3 observari et honorari et captari et audiri significat, ut Plautus «
obseruatote ut blande palpetur mulieri
5 ». 4 observari et rapere in peiorem
partem6 uarietas per genera uerborum est: utrique
sententiae apte iungimus scripturam
suam.
1 ab iniqvis ses ennemis, comme : « fatis
Iunonis iniquae » (destins imposés par l'hostile Junon). 2 observari obseruatio (observation)214 se
comprend de plusieurs manières : le mot se rapporte à la
déférence, comme dans : « praeterea regem non sic Aegyptus et
ingens Lydia nec populi Parthorum aut Medus Hydaspes obseruant »
(en outre le roi ne jouit pas d'une telle considération, ni en
Egypte ni dans l'immense Lydie, ni chez les peuples parthes, ni
chez le Mède de l'Hydaspe) ; mais ici il se comprend au sens de
captari (être
surveillé). 3 observari signifie
"être perçu" (honorari) ou "être surveillé"
(captari) ou "être
entendu" (audiri),
comme chez Plaute « obseruatote ut blande palpetur mulieri »
(regardez/écoutez comme il va bien s'occuper de la
dame). 4 observari et rapere in peiorem
partem il y a une diversité dans la diathèse verbale ; aux
deux verbes nous pouvons accorder régulièrement scripturam suam215.
rapere in peiorem partem quam acturi
sumus,
présentent sous un mauvais jour la
pièce que nous allons représenter,
rapere in peiorem partem uitio dare,
uituperare.
rapere in peiorem partem tourner en
mauvaise part, blâmer.
indicio de se ipse erit, uos eritis
iudices,
viendra se dénoncer lui-même. C'est
vous qui serez juges
1 indicio de se
mire expressit simplicitatem uera dicturi, cum indicaturum de se dixit, non
narraturum. 2 Et indicio de se ipse erit pro index erit. 3 indicio de se ipse indicat is, qui de se uolens et de
aliis aliquid prodit, confitetur, qui de se tantum et qui
inuitus. 4 vos eritis ivdices bene,
quia apud iudices indicium
profitentur, qui accusatorem adiuuant.
1 indicio de se il exprime remarquablement la
simplicité de celui qui s'apprête à dire la vérité en disant qu'il
va indiquer (indicaturum) à son sujet une
preuve et non pas raconter (narraturum) quelque
chose. 2 Et indicio de se ipse erit
vaut pour index erit
(il sera son propre indicateur). 3 indicio de se ipse on dit qu'indique
(indicat) celui qui,
en voulant apporter quelque chose à son propos apporte aussi
quelque chose sur d'autres sujets, alors qu'avoue (confitetur) celui qui dit
seulement quelque chose à son sujet et le fait à
contrecœur. 4 vos eritis ivdices bien
trouvé, car c'est auprès des juges que ceux qui sont au côté de
l'accusateur avouent une preuve.
laudin an uitio duci id factum
oporteat.
si l'on doit louer ou blâmer ce qu'il a
fait.
lavdin an vitio medium non fecit, ut
appareat, si crimen non sit, laudem esse debere.
lavdin an vitio il n'a pas mis de milieu,
pour qu'il soit clair que, si la faute n'existe pas, il doit y
avoir louange.
Synapothnescontes Diphili comoedia
est:
Les Synapothnescontes est
une comédie de Diphile ;
synapothnescontes diphili comoedia est nec
numeri nec genera respicienda sunt contra sententiam remque
ipsam.
synapothnescontes diphili comoedia est il
ne faut pas faire l'accord en nombre ni en genre contre la phrase
et contre la chose même216.
eam Commorientes Plautus fecit
fabulam.
Plaute en a fait sa pièce des
Commorientes.
eam commorientes plavtvs fecit fabvlam ut
apud Graecos
δρᾶμα
, sic apud Latinos generaliter fabula dicitur, cuius species sunt
tragoedia, comoedia, togata, tabernaria, praetexta, crepidata, Atellana,
μῖμος
, Rintonica.
eam commorientes plavtvs fecit fabvlam de
même que les Grecs utilisent
δρᾶμα
, de même les Latins utilisent comme terme générique
fabula et comme
hyponymes tragoedia,
comoedia, togata, tabernaria, praetexta, crepidata, Atellana,
μῖμος
, Rintonica217.
in Graeca adulescens est, qui lenoni
eripit
Dans la pièce grecque, il y a un jeune
homme qui enlève à un proxénète
1 in graeca
Diphili scilicet. 2 advlescens est
ut si diceret: "est quidam adulescens qui lenoni eripit".
1 in graeca la pièce de Diphile,
implicitement. 2 advlescens est comme
s'il disait : "il y a un certain jeune homme qui enlève à un
proxénète".
meretricem in prima fabula: eum Plautus
locum
une fille au début de la pièce : ce
passage, Plaute
in prima fabvla pro in prima parte, ut dicimus
primis digitis; non enim et
secunda aut tertia fabula.
in prima fabvla pour "dans la première
partie", comme on dit primis
digitis (au bout des doigts). Car il n'y a pas de
deuxième ou de troisième pièce218.
reliquit integrum. eum hic locum
sumpsit sibi
l'a laissé intact, lui s'est pris
ledit passage
1 reliqvit
integrvm cum alia transferret. 2 svmpsit sibi libere tulit, hoc est non
furatus est, ut «
sume pater
6 ».
1 reliqvit integrvm en traduisant le
reste. 2 svmpsit sibi il l'a
pris librement, c'est-à-dire qu'il ne l'a pas volé, comme dans :
« sume pater » (prends, père).
in Adelphos, uerbum de uerbo expressum
extulit.
pour le mettre dans ses
Adelphes et l'a rendu mot pour mot.
1 in adelphos
Latine declinauit. 2 verbvm de verbo
expressvm extvlit hic approbatur uere de Graeco esse
sublatum, non de Plauto, ut dicit aduersarius. 3 extvlit mire non dixit transtulit sed extulit, ut ornasse Graeco uideatur
Latino stilo.
1 in adelphos il le décline en
latin. 2 verbvm de verbo expressvm
extvlit ici, il est prouvé qu'il s'agit d'un authentique
emprunt au grec, non pas à Plaute, comme le prétend son
adversaire. 3 extvlit il est remarquable
qu'il dise extulit
plutôt que transtulit
(il a transféré), pour paraître avoir embelli le grec par le style
latin.
eam nos acturi sumus nouam:
pernoscite
Voici la pièce nouvelle que nous nous
apprêtons à représenter. Examinez
1 eam nos actvri
Adelphos scilicet. 2 novam ueterem
Graecam intellegimus.
1 eam nos actvri il parle des
Adelphes, implicitement. 2 novam nous comprenons que l'ancienne c'est
la pièce grecque.
furtumne factum existimetis an
locum
si vous pensez qu'il y a eu vol, ou si
un passage
1 fvrtvmne
factvm hoc est uitio duci. 2 an locvm reprehensvm hoc est laudi duci.
1 fvrtvmne factvm c'est-à-dire que c'est un
défaut (uitio). 2 an locvm reprehensvm c'est-à-dire que c'est
une qualité (laudi).
reprehensum, qui praeteritus
neglegentia est.
a été repris, qui avait été omis par
négligence.
1 neglegentia
est Plauti scilicet, cuius «
aemulari exoptat neglegentia
7 ». 2 reprehensvm retentum,
resumptum.
1 neglegentia est négligence de Plaute
implicitement, « dont il souhaite dépasser le caractère
négligent ». 2 reprehensvm retenu,
repris.
nam quod isti dicunt maliuoli, homines
nobiles
Quant aux propos de ces méchants qui
prétendent que d'illustres personnages
1 nam qvod isti
dicvntnam
incipiendi uim habet modo, ut «
nam ego hanc machaeram me
c.
consolari
u.
uolo
8 ». 2 homines nobiles Scipionem
Africanum significat et Laelium Sapientem et Furium Philum.
1 nam qvod isti dicvnt nam (en effet) a parfois une
fonction d'inauguration de la phrase, comme dans : « nam ego hanc
machaeram me consolari uolo » (car je veux consoler cette
dague). 2 homines nobiles il
veut dire Scipion l'Africain, Laelius le Sage et Furius
Philus.
eum848 adiutare
adsidueque una scribere:
l'aident et passent leur temps à
écrire avec lui,
1 evm adivtare
et
legitur adiuuare.
Pacuuius in Chryse «
adiutamini
9 ». 2 assidveqve vna scribere non
sic dicit aduersarius, uerum hic oratorie crimen non tangit.
1 evm adivtare on lit aussi adiuuare. Pacuvius dans
Chrysès : « adiutamini » (faites-vous
aider). 2 assidveqve vna
scribere ce n'est pas ce que dit l'adversaire, mais ici,
de façon oratoire, il ne touche pas au chef d'accusation.
quod illi maledictum uehemens esse
existimant,
ce que ces gens-là estiment être une
insulte violente,
eam laudem hic ducit maximam, cum
illis placet,
il juge, lui, que c'est le plus grand
des éloges, puisqu'il plaît à ceux
qui uobis uniuersis et populo
placent,
qui plaisent à vous tous et au
peuple,
qvi vobis vniversis et popvlo uniuersos qui in cauea sunt dicit,
populum qui etiam praeter
theatrum, id est uniuersam urbem.
qvi vobis vniversis et
popvlo il veut dire par uniuersi tous ceux qui sont dans
les travées, et par populus le peuple, y compris
hors du théâtre, c'est-à-dire la ville entière219.
quorum opera in bello, in otio, in
negotio
de l'assistance desquels dans la
guerre, dans les loisirs, dans les affaires,
in bello Scipionis, in otio Furii Phili, in negotio
Laelii Sapientis.
in bello c'est-à-dire
Scipion l'Africain, in otio c'est-à-dire Furius Philus, in
negotio c'est-à-dire Laelius le Sage.
suo quisque tempore usus est sine
superbia.
chacun en son temps a usé sans
orgueil.
dehinc ne exspectetis argumentum
fabulae:
Après cela, n'attendez pas
l'exposition du sujet :
senes qui primi uenient, ei partem
aperient,
ce sont les vieillards qui viendront
en premier qui l'exposeront pour partie,
in agendo partem ostendent. facite
aequanimitas
et dans le cours de l'action vous le
montreront pour partie. Faites que votre bienveillance
1 in agendo partem
ostendent σχῆμα
ὑπεξαίρεσις: hic enim iam non senes accipiendi, sed et ceterae
personae. 2 Aut ipsi senes in
statario charactere partem aperient, in motorio partem ostendent.
nam duo agendi sunt principales modi, motorius et statarius, ex quibus ille tertius
nascitur, qui dicitur mixtus. 3 aeqvanimitas fauor et propitius animus. et
deest uestra.
1 in agendo partem ostendent figure de
sous-entendu (σχῆμα
ὑπεξαίρεσις) : car en l'espèce ce ne sont pas les
vieillards (senes)
qu'il faut comprendre, mais tous les autres personnages. 2 Ou bien ce sont les vieillards eux-mêmes qui
révéleront une partie de l'argument dans le passage statique, une
autre dans le passage agité. Car il y a deux modes d'action
principaux, le mode agité (motorius) et le mode statique
(statarius), desquels
découle le troisième mode, qui s'appelle le mixte (mixtus)220. 3 aeqvanimitas la faveur et l'indulgence. Et
il manque uestra
(votre).
poetae ad scribendum augeat
industriam.
pour le poète augmente son zèle à
écrire !
Actus primus
scaena prima
Micio
26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 | 43 | 44 | 45 | 46 | 47 | 48 | 49 | 50 | 51 | 52 | 53 | 54 | 55 | 56 | 57 | 58 | 59 | 60 | 61 | 62 | 63 | 64 | 65 | 66 | 67 | 68 | 69 | 70 | 71 | 72 | 73 | 74 | 75 | 76 | 77 | 78 | 79 | 80 | 81a
Storax! non rediit hac nocte a cena
Aeschinus
Mi.-Storax ! Eschine n'est pas rentré
cette nuit depuis son souper,
1 storax nomina
personarum, in comoediis dumtaxat, habere debent rationem et
etymologiam. etenim absurdum est comicum, cum7 apte argumenta
confingat, uel nomen personae incongruum dare uel officium, quod
sit a nomine diuersum. hinc seruus fidelis Parmeno, infidelis
Syrus uel Geta, miles Thraso uel Polemo, iuuenis Pamphilus,
matrona Myrrina et puer uel ab odore Storax uel a ludo et
gesticulatione Scirtus et item similia. in quibus summum poetae
uitium est, siquid e contrario repugnans contrarium diuersumque
protulerit, nisi per ἀντίφρασιν ioculariter nomen imposuit, ut
Misargyrides in Plauto dicitur trapezita. et fere apud alios hoc
modo poetas nomina componuntur per ἀντίφρασιν describentia quod
designant. 2 storax primae partes, sicut
in prologo ipse promisit, a senibus aguntur, quorum contentione ad
argumentum relata uita aspera cum leni et pater comis cum
seuerissimo comparantur. 3 storax
Storacem uocauit, non Aeschinum: cur igitur tacente puero hoc
absentem Aeschinum credit? quia seruuli adulescentibus
praestolantur, ut in Andria «
obseruabam mane illorum seruulos uenientis aut
abeuntis
10 ». sed quia fieri poterat, ut domino absente adesset
Storax, commodissime adiecit «
neque seruulorum quisquam qui aduersum ierant
11 ». 4 storax non rediit hac nocte a cena
aeschinvs hoc alii interrogatiue, alii pronuntiatiue
proferunt; sed magis pronuntiatiue dicendum.
1 storax les noms de personnages, au moins
pour ce qui est de la comédie, doivent avoir une justification et
une étymologie. Et de fait, il est absurde, alors même que le
poète invente un argument bien agencé, de donner à un personnage
ou bien un nom comique incongru ou bien une fonction qui soit en
contradiction avec son nom. D'où l'usage de nommer un serviteur
fidèle Parménon, un serviteur infidèle Syrus ou Géta, un soldat
Thrason ou Polémon, un jeune homme Pamphile, une dame Myrrhina et
un jeune esclave soit, à cause de son odeur, Storax, soit, à cause
de son jeu et de ses gesticulations, Scirtus et ainsi de suite.
Sur cette question, la plus grande erreur du poète consiste à
proposer, au contraire, un nom contradictoire, opposé et
contraire221, à moins que ce ne soit par
antiphrase (ἀντίφρασις) et par plaisanterie qu'il a
donné son nom au personnage, comme chez Plaute un banquier
s'appelle Misargyridès. Et chez presque tous les autres poètes
sont forgés des noms de ce genre qui décrivent ce qu'ils désignent
par antiphrase (ἀντίφρασις)222. 2 storax les premiers rôles sont tenus, comme
il l'a promis lui-même dans le Prologue, par les deux vieillards,
dont le débat, en relation avec l'argument, permet la comparaison
entre un mode de vie âpre et un mode de vie doux et entre un père
indulgent et un père très sévère. 3 storax il appelle Storax et non Eschine :
dans ce cas pourquoi, alors que l'esclave reste silencieux, a-t-il
le sentiment qu'Eschine est absent ? Parce que les petits esclaves
attendent l'arrivée des jeunes gens, comme dans
L'Andrienne : « obseruabam mane illorum seruulos
uenientis aut abeuntis »223. Mais comme il
aurait pu se faire que Storax soit présent bien que son maître fût
absent, il ajoute opportunément « neque seruulorum quisquam qui
aduersum ierant ». 4 storax non rediit
hac nocte a cena aeschinvs cette réplique, selon certains,
est une interrogation, selon d'autres une assertion ; mais il est
préférable de le dire de façon assertive224.
neque seruulorum quisquam, qui
aduersum ierant.
ni aucun des petits esclaves qui
étaient allés au-devant de lui.
1 neqve
servvlorvm praeter Storacem, quem abesse non respondendo
intelleximus. 2 qvi adversvm proprie
locutus est, nam aduersitores dicuntur. 3 ierant ierant producte8 pronuntiandum, quod
nos addita V iuerant
dicimus. tale est illud Vergilii «
nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas
12 ».
1 neqve servvlorvm mis à part Storax, dont le
défaut de réponse nous fait comprendre l'absence. 2 qvi adversvm il parle au sens propre, car
ces esclaves s'appellent aduersitores (chargés d'aller à la
rencontre)225. 3 ierant il
faut prononcer īerant
avec un i long, que nous prononçons, nous, en ajoutant un u :
īuerant. Même phénomène
chez Virgile : « nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas »
(nous sommes partis en bateau et avons gagné Mycènes avec le
vent)226.
profecto hoc uere dicunt: si absis
uspiam aut
On a bien raison de dire : si tu
t'absentes quelque part ou
1 profecto hoc vere
dicvnt absolute: non addidit qui. 2 si absis vspiam abundat uspiam aut deest profectus aut quid tale. 3 avt ibi uspiam; significat enim, scilicet
uspiam, et in loco et ad
locum. 4 si absis vspiam avt ibi si
cesses si absis ad
parentes propitios,
si cesses ad uxorem iratam refert.
1 profecto hoc vere dicvnt emploi indéfini :
il n'ajoute pas qui (ceux
qui...)227. 2 si absis vspiam
uspiam (quelque part) est
superflu ou alors il manque profectus (parti quelque part), ou
quelque équivalent. 3 avt ibi
quelque part ; car à l'évidence uspiam signifie "dans un lieu" ou
"vers un lieu"228. 4 si absis vspiam avt ibi si cesses
si absis se réfère à
parentes propitii,
si cesses à uxor irata.
ibi 849 si cesses, euenire ea satius
est,
que tu t'y attardes, mieux vaudrait
qu'il t'arrive
quae in te uxor dicit et quae in animo
cogitat
tout ce que dit à ton endroit ton
épouse et ce qu'elle rumine dans sa tête
1 in
te9
desertorem. 2 vxor subaudiendum et hic
irata
uxor
10. 3 et qvae in
animo omne, quod sentimus, aut cogitamus aut dicimus, et utrumque pro oratione est:
sed illa
ἐνδιάθετος
, quae in cogitatione est, haec
προφορικὸς
λόγος
dicitur, quae in uerbis est constituta. Vergilius
«
et mihi iam multi crudele canebant artificis scelus et
taciti uentura uidebant
13 », et ipse alibi «
nunc si quis est, qui hoc dicat aut sic cogitet
14 ».
1 in te toi qui abandonnes ton
foyer. 2 vxor sous-entendre ici
aussi irata uxor (épouse
en colère)229. 3 et qvae in
animo tout ce que nous ressentons, ou nous le "pensons" ou
nous le "disons", et l'un et l'autre tiennent lieu de discours.
Mais le premier, qui est dans la pensée, s'appelle discours
intérieur (ἐνδιάθετος
λόγος), le second, qui consiste en paroles, s'appelle
discours verbalisé (προφορικὸς λόγος). Virgile : « et mihi
iam multi crudele canebant / artificis scelus et taciti uentura
uidebant » (et beaucoup déjà me prédisaient le crime cruel de
l'artisane et sans le dire voyaient l'avenir)230, et Térence lui-même, ailleurs : « nunc si
quis est qui hoc dicat aut sic cogitet ».
irata, quam illa quae parentes
propitii.
de colère, plutôt que ce
qu'appréhendent des parents attentionnés.
qvam illa qvae parentes erudite: non
addidit in quem dicat, quia scit nomina uxoris et parentum τῶν πρός τι esse.
qvam illa qvae parentes savamment dit : il
n'ajoute pas au sujet de qui, parce qu'il sait que les noms
uxor et parentes sont des noms relatifs
(τῶν πρός
τι)231.
uxor, si cesses, aut te amare
cogitat
Une femme, si tu es en retard,
s'imagine ou que tu es amoureux
1 vxor si cesses
quare non si absis? an quia
iustius cessanti quam absenti suscensemus an quia irata uxor si cesses?
211 avt te amare cogitat
ἐφεξήγησις τῇ
ἐξεργασίᾳ. 3 avt te amare cogitat
avt minus peccati est amori proprio cedere quam alieno
amori obsequi nulla re impellente, sine uxore potare aut uelle
delicias. 4 Ergo αὔξησις est, nisi forte
τῷ ἰδιωτισμῷ hoc
putamus dictum. 5 avt te amare cogitat
avt tete amari cum duo proposuerit, alterum sumpsit. nam
cum dixisset «
quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat
15 », intulit aut te amare
cogitat et «
ego quia non rediit filius quae cogito
16 ». 6 avt te amare cogitat avt tete
amari quia te amare ἀμφιβόλως
dixerat, cito intulit quod certum est «
aut tete amari
17 »; et quia illud te dixerat, hoc geminauit et
tete dixit tamquam
significantius.
1 vxor si cesses pourquoi pas si absis (si tu t'absentes) ? Est-ce
parce qu'il y a plus de légitimité à se mettre en colère contre
quelqu'un qui se met en retard que contre quelqu'un qui est absent
ou parce que irata uxor si
cesses ? 2 avt te amare
cogitat épexégèse (ἐφεξήγησις) avec emprunt de circonstances
extrinsèques (ἐξεργασίᾳ). 3 avt te amare cogitat avt il y a moins de
faute à céder à l'amour-propre que d'obéir à l'amour pour autrui
sans y être contraint, de boire sans son épouse ou de vouloir des
plaisirs. 4 Donc il y a une
amplification (αὔξησις), à moins que nous ne pensions
que la phrase est dite par particularisme (τῷ
ἰδιωτισμῷ)232. 5 avt te amare
cogitat avt tete amari bien qu'il ait fait deux
hypothèses, il en fait une seule prémisse233. Car alors qu'il avait dit
« quae in te uxor dicit
et quae in animo cogitat », il a repris aut te amare cogitat et « ego quia
non rediit filius quae cogito ». 6 avt te amare cogitat avt tete amari parce
que te amare était
ambigu (ἀμφιβόλως)234, aussitôt il reprend par une
proposition univoque « aut tete amari » ; et comme il avait dit
te la première fois, il
le duplique la deuxième fois et dit tete comme pour que ce soit plus
signifiant.
aut tete amari aut potare atque animo
obsequi
ou qu'on est amoureux de toi ou que tu
bois ou que tu n'en fais qu'à ta tête
atqve animo obseqvi ἐπαναφορά.
atqve animo obseqvi épanaphore (ἐπαναφορά).235
et tibi bene esse, soli cum sibi sit
male.
et que tout va bien pour toi, pendant
que pour elle seule c'est l'horreur.
ego quia non rediit filius quae
cogito,
Moi, parce que mon fils n'est pas
rentré, qu'est-ce que je pense,
1 ego qvia non rediit
filivs plus est quod dixit ego quam si diceret parentes. 2 qvae cogito qvibvs et hoc sic pronuntiandum
est, ut horrere uideatur ipse cogitationem suam. 3 ego qvia non rediit filivs ἀνακόλουθον: non enim
dicit pater.
1 ego qvia non rediit filivs il dit plus en
disant ego qu'en disant
parentes (les
parents). 2 qvae cogito qvibvs et il
faut prononcer ces mots en faisant apparaître qu'il a peur de sa
propre idée. 3 ego qvia non rediit
filivs anacoluthe (ἀνακόλουθον) : il ne dit pas en effet
pater (le père)236.
quibus nunc sollicitor rebus! ne aut
ille alserit
de quels soucis je me mets en peine !
Il aura sûrement pris froid,
1 qvibvs nvnc
sollicitor hoc est: quam malis et non, ut uxor,
bonis. 2 ne avt ille alserit uide
quam teneri sit amoris hic timor, in iuuene praesertim. 3 ne avt ille alserit avt vspiam nimium
tenere amat, qui et haec in iuuene pertimescit, quae circa
infantulos cauere solent.
1 qvibvs nvnc sollicitor c'est-à-dire
"quelles pensées funestes", et non pas, comme pour l'épouse, des
pensées heureuses237. 2 ne avt ille alserit voyez quelle tendresse
il y a dans cette crainte, surtout à l'égard d'un jeune
homme. 3 ne avt ille alserit avt
vspiam il a une tendresse excessive, lui qui craint pour
un jeune homme ce qu'on tâche d'éviter d'ordinaire à l'égard de
jeunes enfants238.
aut uspiam ceciderit ac
praefregerit
ou sera tombé quelque part et se sera
cassé
1 avt vspiam
uspiam et in loco et ad
locum significat. 2 ceciderit ac
praefregerit iungendum, ut non solum ceciderit sed etiam praefregerit aliquid: haec sunt, quae
sibi euenire nemo uelit.
1 avt vspiam uspiam renvoie au lieu où l'on est
et au lieu où l'on va. 2 ceciderit ac
praefregerit il faut les lier, en sorte que non seulement
"il est tombé" mais il s'est aussi "cassé quelque chose" : voilà
ce que personne ne souhaiterait subir.
aliquid. uah, quemquamne hominem in
animo instituere aut
quelque chose ! Ah ! faut-il donc
qu'un homme installe en son cœur ou
qvemqvamne hominem sic dicimus de ea re,
quam miramur fere ab omnibus fieri.
qvemqvamne hominem ainsi disons-nous d'une
situation dans laquelle nous nous étonnons de voir presque tout le
monde se mettre239.
parare quod sit carius quam ipse est
sibi!
se forge une chose qui lui soit plus
chère que lui-même !
qvam ipse est sibi tamquam duo sint sed
licet hoc poetae comico.
qvam ipse est sibi comme s'ils étaient
deux ; mais c'est permis au poète de comédie240.
atque ex me hic natus non est, sed ex
fratre; is adeo
Et encore, ce n'est pas de moi qu'il
est né, mais de mon frère ; lequel est à ce point
1 atqve ex me hic natvs
non est quasi dicat: ex me non est et sic afficior; quid
paterer, si genuissem? 2 Et
non ex me natus
dixit, quasi12 diceret meus natus. 3 sed ex fratre id est: non omnino alienus
est. 4 is adeo transitus ad
argumentum subtilissimus. 5 adeo aut
abundat aut nimium
significat, ut in Eunucho «
adulescentem adeo nobilem
18 ».
1 atqve ex me hic natvs non est c'est comme
s'il disait : "il n'est pas de moi et pourtant je suis très
affecté ; que serait-ce si j'étais son géniteur" ? 2 Et il ne dit pas ex
me natus de la même manière qu'il dirait natus meus (mon fils)241. 3 sed ex
fratre c'est-à-dire : il ne m'est pas complètement
étranger. 4 is adeo passage très
subtil à l'argument de la pièce. 5 adeo ou c'est superflu ou le mot signifie
nimium (trop), comme dans
L'Eunuque : « adulescentem adeo habilem »242.
dissimili studio est iam inde ab
adulescentia.
différent de moi dans ses goûts depuis
l'enfance.
ego hanc clementem uitam urbanam atque
otium
Moi, c'est cette douce vie de la ville
et cette tranquillité
1 ego hanc clementem
vitam vrbanam ὀρθὴ
διήγησις διὰ τὰς πτώσεις. 2 clementem vitam figurate ipsam uitam
dicit13 clementem, quae clementes facit.
clemens autem est qui
colit mentem. 3 atqve otivm deest urbanum.
1 ego hanc clementem vitam vrbanam récit
direct par l'emploi des formes casuelles (ὀρθὴ διήγησις διὰ τὰς
πτώσεις). 2 clementem
vitam de façon figurée il qualifie de clémente la vie même
qui rend les gens cléments. Mais clemens désigne celui qui "cultive
son esprit" (colit
mentem)243. 3 atqve otivm il manque urbanum (de la
ville)244.
secutus sum et, quod fortunatum isti
putant,
que j'ai suivie et, chose qu'on
regarde comme un grand bonheur,
1 secvtvs svm
bene secutus quasi
magistram recte beateque uiuendi. 2 et qvod fortvnatvm isti pvtant Romani
scilicet, qui caelibem
quasi caelitem dicunt, et
item Graeci, apud quos sunt huiusmodi sententiae, ut
« ἁψῖδ᾿ ὃς εἶχε σχοινίων
πωλουμένων »14 et alibi
« γαμεῖ Πάμφιλος· γαμείτω.
καὶ γὰρ ἠδίκησέ με ». 3 fortvnatvm isti pvtant utique uxorem non
ducere. dicit autem Romanus id uideri, quos
peccatores15 habet Menander: ut «
ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ
λαμβάνω
19 »16. 4 fortvnatvm isti pvtant quidam putant sic
pronuntiandum et quod
fortunatum isti putant uxorem, et haec bona et
concinnata locutio est. 5 Et
putant bene dicit is, cui
displicet aliena sententia. isti autem id est: hi qui a me
dissentiunt.
1 secvtvs svm le verbe est bien trouvé, comme
on suit un modèle de vie droite et heureuse245. 2 et qvod fortvnatvm isti pvtant comprendre
"les Romains", qui disent que le célibataire est comme un dieu au
ciel (caelibem
caelitem)246, et les
Grecs aussi, chez qui on trouve le même genre d'énoncés comme
« ἁψῖδ᾿ ὃς εἶχε σχοινίων
πωλουμένων » (lui qui avait tout un filet à force de
s'être fait vendre des cordes)247 et ailleurs « γαμεῖ Πάμφιλος· γαμείτω. καὶ γὰρ ἠδίκησέ
με » (Pamphile se marie ; qu'il se marie ! De fait, il
m'a fait du tort)248. 3 fortvnatvm isti pvtant de toute manière de
ne pas prendre femme. Le personnage romain dit que c'est l'opinion
des gens que Ménandre tient pour fautifs : ainsi : « ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ
λαμβάνω » (O quel bonheur est le mien ! je ne prends pas
femme)249. 4 et qvod fortvnatvm
isti pvtant certains estiment qu'il faut prononcer
et quod fortunatum isti putant
uxorem250, et c'est une expression bonne et
élégante. 5 Et pvtant est bien dit par
qui réprouve une opinion qui lui est étrangère. Isti quant à lui désigne "ceux qui
ne sont pas d'accord avec moi".
uxorem numquam habui. ille contra haec
omnia:
je ne me suis jamais marié. Lui, c'est
tout le contraire :
vxorem nvmqvam habvi si non habeo dixisset, poterat uideri
habuisse.
vxorem nvmqvam habvi s'il avait dit
non habeo (je n'ai pas
d'épouse), on pourrait croire qu'il en avait eu une
autrefois251.
ruri agere uitam, semper parce ac
duriter
et de vivre à la campagne, sans arrêt
à se mener une vie chiche et dure ;
1 rvri agere
vitam «
contra haec omnia
20 »: suffecerat breuitas, sed subiungit fratris
descriptionem, ut uerbis ipsis malam uitae condicionem
ostendat. 2 semper parce ac dvriter
semper licet incertam
distinctionem habeat, tamen recte additum est, quia uel ruri agere uoluptatis est uel
parce ac duriter se habere
uirtutis. 3 Sed semper ad uictum, parce autem ad seruandum, duriter ad laborem referendum
est. 4 rvri agere semper parce ac dvriter
se habere uariauit, ut in Andria.
1 rvri agere vitam la brièveté de « contra
haec omnia » pouvait suffire, mais il ajoute en sous-main le
portrait de son frère pour faire bien voir par ses mots mêmes ses
mauvaises conditions de vie. 2 semper parce ac dvriter semper a beau avoir une ponctuation
ambiguë, c'est tout de même un ajout correct parce que soit
ruri agere a une
connotation de plaisir, soit parce et
duriter a une connotation de vertu252. 3 Mais semper doit se référer au mode de
vie, parce au sens de
l'épargne, duriter au
labeur. 4 rvri agere semper parce ac
dvriter se habere il fait une variation, comme dans
L'Andrienne253.
se habere, uxorem duxit, nati
filii
il a pris femme, lui sont nés des
fils,
1 vxorem dvxit
recte dicit, non ducere:
semel enim hoc fecit Demea. 2 vxorem dvxit
uarie per modos. 3 vxorem dvxit
adiuua pronuntiatione, ne singula uerba17 secuta uideantur; nam sic in fine fabulae ait
Demea: «
duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi! nati filii: alia
cura
21 ».
1 vxorem dvxit expression correcte, et non
pas au présent ducere :
de fait Déméa a accompli une seule fois cette action254. 2 vxorem dvxit
variation de modes255. 3 vxorem dvxit aider la compréhension par la
prononciation, pour éviter que les mots256 paraissent se suivre séparément ; car à la fin de
la pièce Déméa s'exprime ainsi : « duxi uxorem : quam ibi miseriam
uidi ! nati filii : alia cura ».
duo: inde ego hunc maiorem adoptaui
mihi:
deux : puis c'est moi qui ai adopté
l'aîné,
1 inde ego hvnc
maiorem mire inde
subiungit, cum personam praetulerit. sic alibi: «
e praedonibus, unde emerat, se audisse abreptam e
Sunio
22 ». 2 inde ego hvnc inde pro ex
quibus. et mihi
abundat. 3 et
bene hunc dixit, quia de
ipso loquebatur.
1 inde ego hvnc maiorem de façon étonnante il
relie par l'adverbe inde
alors qu'il avait indiqué des noms de personnes ; il fait de même
ailleurs : « e praedonibus unde emerat se audisse abreptam e
Sunio »257. 2 inde ego
hvnc inde est mis
pour ex quibus (parmi
lesquels). Et mihi est
pléonastique258. 3 Et il fait bien
de dire hunc, parce que
c'est de lui-même qu'il parle259.
eduxi a paruulo, habui, amaui pro
meo;
je l'ai élevé depuis tout petit, je
l'ai tenu, aimé pour le mien.
1 edvxi a
parvvlo quod nos educare dicimus educere ueteres dixerunt, ut «
educet siluis regem regumque parentem
23 ». 2 habvi amavi pro meo
quaeritur quid sit habui,
et cum multa dicantur, hoc solum uerum est: habui credidi, duxi, existimaui, ut alibi: «
semper eius dicta est haec atque habita est
soror
24 » et Cicero: «
ita habeantur atque dicantur
25 ». 3 Ergo pro meo bis subaudiendum est:
habui pro meo et amaui pro meo.
1 edvxi a parvvlo là où nous disons
educare, les Anciens
disaient educere260, comme dans : « educet siluis
regem regumque parentem » (elle élèvera dans les bois un roi, père
de rois). 2 habvi amavi pro meo la
question est de savoir261 ce qu'est habui ; et parmi les nombreuses
explications, celle-ci seule est vraie : habui signifie credidi (je l'ai cru), duxi (je l'ai considéré comme),
existimaui (je l'ai tenu
pour), comme ailleurs : « semper eius dicta est haec atque habita
est soror », et chez Cicéron : « ita habeantur atque dicantur »
(qu'on les tienne pour tels et les dise tels). 3 Donc pro
meo est à sous-entendre deux fois : habui pro meo et aussi amaui pro meo (je l'ai aimé comme le
mien).
in eo me oblecto: solum id est carum
mihi.
C'est lui qui fait toute ma joie ; il
est l'unique objet de ma tendresse.
1 in eo me oblecto solvm
id est carvm mihi absolute utrumque, et in eo et solum. – 2 in eo quasi in
ea re. – plus autem significat quam si diceret
solus is est carus
mihi. 3 in eo me
oblecto noue in eo me
oblecto pro eo me
oblecto.
1 in eo me oblecto solvm id est carvm mihi
les deux, in eo et
solum, sont construits
sans complément262. – 2 in eo équivaut à
in ea re (en cela). – et
c'est plus signifiant que s'il disait solus is est carus mihi (lui seul
m'est cher). 3 in eo me oblecto
construction inédite in eo me
oblecto au lieu de eo me
oblecto.
ille ut item contra me habeat facio
sedulo:
Pour qu'il ait mêmes sentiments à mon
égard, je m'emploie :
1 facio sedvlo
secus a dolo, id est
sine dolo et
impense. 2 ille vt item
habeat18
item similiter, contra uicissim. Plautus: «
ut illa illum contra: qui est amor cultu
optimus
26 ».
1 facio sedvlo sedulo vient de secus a dolo (autrement que par la
ruse), donc sine dolo
(sans ruse) et avec empressement. 2 ille vt item habeat item veut dire similiter (de la même façon),
contra veut dire
uicissim
(réciproquement). Plaute : « ut illa illum contra : qui est amor
cultu optimus » (et elle l'aimait de son côté, ce qui est le
meilleur amour à cultiver).
do, praetermitto, non necesse habeo
omnia
Je donne, j'autorise, je n'ai pas
besoin de tout
1 do
praetermitto do
sumptum, praetermitto
delicta. 2 non necesse habeo omnia pro meo
ivre agere etsi licet, non necesse est patrem saeuire,
quia pater est. 3 Inter ius et aequitas hoc interest: ius est quod omnia recta et
inflexibilia exigit, aequitas est quae de iure multum
remittit. ergo sensus hic est: "non necesse est, etiamsi licet,
saeuum esse patrem". 4 Et mire ostendit ius summ nisi necessitate
non esse seruandum.
1 do praetermitto do (je donne) de quoi dépenser,
praetermitto (je permets)
des délits. 2 non necesse habeo omnia pro meo
ivre agere même s'il en a le droit, le père n'a pas besoin
d'être sévère parce qu'il est le père. 3 La différence entre ius et aequitas (équité) est la suivante :
ius désigne ce qui exige
que tout soit droit et inflexible, aequitas désigne ce qui fait un
important adoucissement du droit. Le sens est donc : "il n'est pas
nécessaire, même si c'est permis, qu'un père soit
sévère". 4 Et paradoxalement il
montre qu'il ne faut pas user de ses droits sauf nécessité.
pro meo iure agere: postremo, alii
clanculum
régenter au nom de mes droits ; bref,
ce que les autres à l'insu
postremo alii clancvlvm non alii patres sed "alii adulescentes
clanculum patres suos".
postremo alii clancvlvm comprendre non pas
alii patres (d'autres
pères) mais "alii adulescentes clanculum patres suos" (d'autres
adolescents à l'insu de leur père)263.
patres quae faciunt, quae fert
adulescentia,
de leur père font, ce que comporte la
jeunesse,
1 qvae fert
advlescentia statim addidit ueniam, peccata ab
adulescentibus ad aetatem remouendo. 2 Et uide quam breuiter, quam pudice, quam
ignoscenter!
1 qvae fert advlescentia aussitôt il ajoute
une excuse en détournant la faute des jeunes gens vers leur
âge. 2 Et voyez cette concision,
cette réserve, cette indulgence.
ea ne me celet consuefeci filium.
j'ai habitué mon fils à ne pas me le
cacher.
ea ne me celet consvefeci filivm tribus
enim rebus uiuitur: natura, consuetudine, ratione.
ea ne me celet consvefeci filivm on vit en
effet selon trois notions : selon la nature, selon l'habitude,
selon la raison264.
nam qui mentiri aut fallere
insueuerit850 patrem
aut
Car qui s'est habitué à mentir ou à
tromper son père ou
nam qvi mentiri avt fallere
insveverit19
separatim subaudiendum πρὸς τὸ mentiri.
nam qvi mentiri avt fallere insveverit il
faut sous-entendre séparément insueuerit à côté de (πρὸς τὸ) mentiri.
audebit, tanto magis audebit
ceteros.
à être insolent, aura d'autant plus
d'insolence à l'égard des autres.
ceteros quia iam excepit patrem.
ceteros parce qu'il a déjà excepté le
père.
pudore et liberalitate liberos
C'est par le sens de l'honneur et la
générosité qu'on
1 pvdore et
liberalitate pudore ad filios rettulit, liberalitate ad parentes. 2 pvdore et liberalitate argumentum a
coniugatis: liberalitate,
inquit, regendi sunt, propter quod liberi dicuntur. liberalitate autem bonitate dicit.
1 pvdore et liberalitate il rapporte
pudore aux fils,
liberalitate aux
parents. 2 pvdore et liberalitate
argument par mots apparentés265 : il faut
régir ses enfants, dit-il, au moyen de la libéralité, en vertu de
quoi ils sont appelés liberi. Mais liberalitas signifie bonitas (bonté).
retinere satius esse puto851 quam metu.
retient mieux les enfants, à mon avis,
que par la crainte.
retinere sativs esse pvto bene retinere a uitiis, quia uitia filios
tenent, quos retinent patres, a uitiis scilicet.
nam retinet, qui aduersum
aliquem tenet.
retinere sativs esse pvto retinere est bien dit pour dire
retinere a uitiis
(retenir quelqu'un de mal agir), parce que les vices tiennent les
fils (tenent) et les
pères retiennent leurs fils (retinent), c'est-à-dire de mal agir.
Car on dit que retient (retinet) celui qui tient (tenet) contre quelqu'un.
haec fratri mecum non conueniunt neque
placent.
Voilà un point de désaccord entre mon
frère et moi, et des principes qui ne lui plaisent pas.
1 haec fratri mecvm non
convenivnt noua locutio. 2 Et non convenivnt pro non congruunt, ac per hoc: "in his
ego et frater dissentimus ac dissimiles sumus".
1 haec fratri mecvm non convenivnt expression
inédite266. 2 Et non
convenivnt est mis pour non
congruunt (ne s'accordent pas) et de ce fait on
comprend : "sur ce point mon frère et moi sommes en désaccord et
nous sommes différents".
uenit ad me saepe clamitans: « quid
agis, Micio?
Il vient à moi souvent, en criant :
« que fiches-tu, Micion ?
1 venit ad me saepe
clamitans et importunitatem ostendit odiosam uenit ad me dicendo et inconditam
assiduitatem addendo saepe. 2 Et congrue, postquam saepe dixit, adiecit aptius uerbum
non dicens clamans sed
clamitans. 3 qvid agis micio reminiscere lectionem et
inuenies huiusmodi interrogationem uel inuectionis principio uel
obiurgationis.
1 venit ad me saepe clamitans il montre d'une
part que son frère est odieusement importun, en disant uenit ad me, d'autre part que son
assiduité est grossière, en ajoutant saepe. 2 Et de façon concordante, après avoir dit
saepe, il ajoute un verbe
particulièrement adapté en disant non pas clamans (en criant) mais clamitans267. 3 qvid agis micio rappelez-vous la leçon et
vous saurez que ce genre d'interrogation convient à un début
d'invective ou à un début de reproche268.
cur perdis adulescentem nobis? cur
amat?
pourquoi nous gâtes-tu le petit ?
pourquoi est-il amoureux ?
1 cvr perdis
advlescentem nobis ἠθικῶς additum nobis, ut alibi nobis «
psaltriam nobis, si dis placet, parauit
27 ». 2 cvr amat cvr potat uide
quemadmodum ut durum obiurgatorem ostendat Demeam, cum ab eo ea
dicantur in crimen uocari, quae aut aetatis sunt, ut cur amat?, aut naturae, ut «
cur potat?
28 », aut pietatis, ut «
cur tu in his rebus sumptum suggeris?
29 » etc. 3 cvr amat cvr potat cur amat ad illud refert, quod ait
supra «
praetermitto
30 » - nam praetermitto
delicta intelleximus ex amore -, cur potat ad illud refert, quod ait:
« do » sumptum.
1 cvr perdis advlescentem nobis il ajoute
nobis en emploi éthique
(ἠθικῶς),
comme ailleurs « psaltriam nobis si dis placet parauit »269. 2 cvr amat cvr potat voyez
comme il montre en Déméa un censeur sévère, puisqu'il dit que sont
répréhensibles les faits qui relèvent de l'âge, comme cur amat ?, de la nature, comme
« cur potat ? » ou de la piété filiale, comme « cur tu in his
rebus sumptum suggeris ? ». 3 cvr amat cvr
potat cur amat
renvoie à ce qu'il a dit plus haut « praetermitto » (car nous
comprenons praetermitto
delicta, les méfaits de l'amour), cur potat nous le renvoyons à ce
qu'il disait : « do (sumptum) ».
cur potat? cur tu his rebus sumptum
suggeris?
pourquoi boit-il ? pourquoi fournis-tu
la dépense pour cela ?
uestitu nimio indulges; nimium ineptus
es ».
Tu le pourris avec trop de
garde-robe ; tu es trop stupide ».
nimivm ineptvs es utrumque dure, et
nimium et ineptus es.
nimivm ineptvs es les deux mots sont dits
de façon dure, tant nimium que ineptus es.
nimium ipse est durus praeter
aequumque et bonum,
C'est lui qui est trop dur comme père,
au-delà de ce qui est raisonnable et juste,
praeter aeqvvmqve et bonvm potuit et non
addi praeter aequumque et
bonum.
praeter aeqvvmqve et bonvm il aurait pu ne
pas ajouter praeter aequumque et
bonum.
et errat longe mea quidem
sententia,
et il se trompe lourdement, à mon
humble avis,
1 et errat
longe melius est longe simpliciter accipere, ut locale
sit, quam ualde. 2 mea qvidem sententia modeste additum
mea quidem sententia, ne
quis hoc pro praecepto dici existimet.
1 et errat longe il vaut mieux comprendre
longe simplement au sens
local, plutôt qu'au sens de ualde (beaucoup). 2 mea qvidem sententia par modestie il ajoute
mea quidem sententia,
pour que cela ne paraisse pas être dit en guise de leçon.
qui imperium credat grauius esse aut
stabilius
celui qui croit que l'empire qu'on a
est plus solide et plus stable
1 qvi imperivm
credat utrum quilibet an Demea? 2 gravivs esse avt
s.
stabilivs
20
grauius ad uim, stabilius ad tempus refertur.
1 qvi imperivm credat n'importe qui ou bien
Déméa ? 2 gravivs esse avt
stabilivs grauius
se rapporte à la force, stabilius au temps.
ui quod fit, quam illud quod amicitia
adiungitur.
quand il repose sur la force que celui
qui s'obtient par la tendresse.
1 vi qvod fit
id est metu ac malo. 2 vi qvod fit qvam illvd qvod amicitia
a.
adivngitvr
21 illud
fit quod ui, hoc adiungitur quod amicitia.
1 vi qvod fit c'est-à-dire metu et malo. 2 vi qvod fit qvam illvd qvod amicitia
adivngitvr l'un s'obtient (fit) parce qu'il y a la force
(ui), l'autre s'ajoute
(adiungitur) parce qu'il
y a de l'amitié (amicitia).
mea sic est ratio et sic animum induco
meum:
Pour moi, voici comment je raisonne,
voici le système que je me suis fait :
1 mea sic est ratio et
sic animvm
i.
indvco
m.
mevm
mea sic est
ratio ad superiora pertinet confirmanda, et sic animum induco meum ad ea
pertinet, quae dicturus est. 2 mea sic est ratio iterum modeste et
ἰδιωτικῶς. 3 et sic animvm indvco mevm senilis μακρολογία.
1 mea sic est ratio et sic animvm indvco mevm
mea sic est ratio est
destiné à confirmer ce qui précède, et sic animum induco meum se
rapporte à ce qu'il s'apprête à dire. 2 mea sic est ratio à nouveau avec modération
et en conformité avec son caractère (ἰδιωτικῶς)270. 3 et sic animvm indvco
mevm bavardage (μακρολογία) de vieillard.
malo coactus qui suum officium
facit,
quand c'est sous la contrainte du
châtiment qu'on fait son devoir,
1 malo coactvs
duo dicit: et malo et
coactus. 2 qvi svvm officivm facit22 ὁ τὸ καθῆκον ποιῶν, id
est qui recte efficit. officium autem dicitur quasi
efficium, ab efficiendo quod unicuique personae
congruat.
1 malo coactvs il dit deux choses : et que
c'est par un châtiment (malo) et que c'est contraint
(coactus). 2 qvi svvm officivm facit celui qui fait son
devoir (ὁ τὸ καθῆκον
ποιῶν), c'est-à-dire celui qui agit droitement.
Officium se dit, pour
ainsi dire, pour efficium, dérivé d'efficere, au sens de "réaliser ce
qui est conforme à chaque personne"271.
dum id852 rescitum iri
credit, tantisper cauet:
tant qu'on croit que la chose se
saura, pendant tout ce temps on fait attention.
1 dvm id rescitvm
iri "quod facit" scilicet. 2 tantisper quasi tantumper et
paulisper quasi paulumper ut parumper dicitur. 3 tantisper cavet peccare subaudiendum, nam totum
ἐλλειπτικῶς et
obscure. 4 Et bene cavet dicit quasi
malo.
1 dvm id rescitvm iri évidemment ce qu'il
fait. 2 tantisper comme si
c'était tantumper et
paulisper comme
paulumper comme on dit
parumper (pour un
instant). 3 tantisper cavet il faut
sous-entendre peccare
(commettre une faute), car l'ensemble est dit de façon elliptique
(ἐλλειπτικῶς)
et obscure. 4 Et cavet est bien dit, comme
si c'était "il se garde de la punition".
si sperat fore clam, rursus ad
ingenium redit.
Mais si l'on escompte que ça passera à
l'as, on revient à son naturel.
1 si sperat fore
clam iterum quod
facit subaudiendum. 2 rvrsvs ad ingenivm redit mire non intulit
cauet sed ad ingenium redit. 3 Et rvrsvm23 est retro
uersum, ut prorsum porro uersum.
1 si sperat fore clam à nouveau il faut
sous-entendre quod facit
(ce qu'il fait). 2 rvrsvs ad ingenivm
redit de façon remarquable il ne dit pas cauet mais ad ingenium redit. 3 Et rvrsvm c'est retro uersum (tourné vers
l'arrière), comme prorsum
c'est porro uersum
(tourné vers l'avant).
ille quem beneficio adiungas ex animo
facit,
Quant à celui qu'on s'attache par des
bienfaits, il agit en son âme et conscience,
1 ille qvem beneficio
adivngas non beneficio
adiunctus, ut supra malo
coactus. 2 ille qvem beneficio
adivngas καλῶς
ἀντέθηκεν, nam ille malo, hic beneficio, ille coactus, hic adiunctus, ille dum id rescitum iri credit, tantisper
cauet, hic praesens
absensque idem erit. 3 Et τὸ praesens et absens non ad locum aliquem sed ad
custodem monitoremque rettulit. 4 ille qvem beneficio contra illud quod ait
malo coactus. 5 ex animo facit officium scilicet.
1 ille qvem beneficio adivngas et non pas
beneficio adiunctus
(attaché par un bienfait), comme plus haut malo coactus272. 2 ille qvem beneficio
adivngas il fait une belle antithèse (καλῶς ἀντέθηκεν), car
pour le premier c'était malo, pour le second beneficio, le premier était
coactus, le second est
adiunctus, le premier
dum id rescitum iri credit, tantisper
cauet, le second praesens
absensque idem erit273. 3 Et les mots (τὸ) praesens et absens ne sont pas employés par
rapport à un lieu précis mais par rapport à un gardien et un
conseiller. 4 ille qvem beneficio c'est
le contraire de ce qu'il disait avec malo coactus. 5 ex animo facit son officium, évidemment.
studet par referre, praesens absensque
idem erit.
travaille à vous rendre la pareille ;
présent, absent, il restera le même.
1 stvdet par
referre id est bene24. 2 praesens absensqve idem erit contra illud
«
si sperat fore clam rursus ad ingenium redit
31 ».
1 stvdet par referre c'est-à-dire "bien"
(bene)274. 2 praesens absensqve idem erit c'est le
contraire de « si sperat fore clam rursus ad ingenium redit ».
hoc patrium est, potius consuefacere
filium
Voilà ce qui est proprement paternel :
apprivoiser son fils
1 hoc patrivm est
potivs superius a re tractum est, hoc iam a persona
ducitur argumentum. 2 consvefacere
non cogere sed consuefacere.
1 hoc patrivm est potivs l'argument antérieur
est tiré de la chose, celui-ci de la personne275. 2 consvefacere non pas cogere (forcer) mais consuefacere276.
sua sponte recte facere quam alieno
metu:
à bien agir de son propre chef plutôt
que par la crainte d'autrui ;
qvam alieno metv uide quemadmodum suam
indulgentiam ad effectum reuocet optimae disciplinae.
qvam alieno metv voyez comment il fait de
son indulgence l'effet d'une excellente éducation.
hoc pater ac dominus interest. hoc qui
nequit,
c'est en quoi un père et un maître
diffèrent. Qui en est incapable
1 hoc pater ac
dominvs a differentia personarum et officiorum. 2 interest differentia est. 3 hoc qvi neqvit longe melius nequit quam si diceret non uult.
1 hoc pater ac dominvs par une
différenciation de la personne et de la fonction. 2 interest c'est une
différenciation. 3 hoc qvi
neqvit nequit est
bien meilleur que s'il disait non
uult (il ne veut pas).
fateatur nescire imperare liberis.
doit avouer qu'il ne sait pas
gouverner ses enfants.
1 fateatvr nescire se
imperare liberis25 hoc est:
indicat se melius consulere et uolentem hoc exercere. 2 nescire se imperare liberis oratorie, quasi
artis sit indulgentissime agere. 3 imperare modo non ad superbiam sed ad
regendum referendum est. 4 nescire imperare
liberis deest se.
1 fateatvr nescire se imperare liberis
c'est-à-dire : "il indique qu'il donne de meilleurs conseils et
qu'il pratique cela de son plein gré". 2 nescire se imperare liberis de façon
oratoire, comme si c'était un art que de se montrer très
indulgent. 3 imperare de temps en
temps le mot se rapporte non pas à une position supérieure mais au
fait de diriger. 4 nescire imperare
liberis il manque se277.
sed estne hic ipse853, de quo agebam? et certe is est.
Mais n'est-ce pas là justement celui
dont je parlais ? Mais oui, c'est bien lui.
1 sed estne hic ipse de
qvo κατ᾽
οἰκονομίαν superuenit de quo sermo est, ut factis dicta
ostendantur. 2 et certe is est bene nunc
confirmat ipsum esse, cum propior est, utpote senili nec in longum
prospiciente conspectu.
1 sed estne hic ipse de qvo par souci
d'agencement (κατ᾽
οἰκονομίαν), survient celui dont on parle, pour que les
faits accréditent les paroles. 2 et certe is est il fait bien maintenant de
confirmer que c'est lui, au moment où il s'approche, comme s'il
avait une myopie de vieillard et non une vue qui porte loin.
nescio quid tristem uideo: credo iam,
ut solet
Il a je ne sais quoi de chagrin, je le
vois bien. A mon avis, comme d'habitude,
1 nescio qvid tristem
video orationis apparatus ex uultu ostenditur, ut «
stetit acri fixa dolore, tunc quassans caput hanc
effundit pectore uocem
32 ». 2 Et nescio qvid deest propter, ut sit: propter nescio quid. 3 credo iam vt solet causa, cur illum
frater aequo animo ferat: ut
solet inquit.
1 nescio qvid tristem video la teneur de son
discours est préparée par son visage, comme dans : « stetit acri
fixa dolore, tunc quassans caput hanc effundit pectore uocem »
(elle s'arrêta clouée par une douleur aiguë ; lors, secouant sa
tête, elle laisse sortir de son cœur cette parole). 2 Et nescio qvid manque propter, pour faire propter nescio quid (à cause de je
ne sais quoi). 3 credo iam vt solet la
raison pour laquelle son frère le supporte avec sang-froid :
ut solet, dit-il.
iurgabit. saluum te aduenire,
Demea,
il va me quereller. Tu arrives en
bonne santé, Déméa,
salvvm te advenire demea gavdemvs ut
asperior ostendatur Demea, etiam salutatur ab eo, quem
obiurgaturus est.
salvvm te advenire demea
gavdemvs pour que Déméa paraisse plus pénible, il reçoit
le salut de celui qu'il s'apprête à quereller.
gaudemus.
Tant mieux !
scaena altera
Micio Demea
81b | 82 | 83 | 84 | 85 | 86 | 87 | 88 | 89 | 90 | 91 | 92 | 93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 100 | 101 | 102 | 103 | 104 | 105 | 106 | 107 | 108 | 109 | 110 | 111 | 112 | 113 | 114 | 115 | 116 | 117 | 118 | 119 | 120 | 121 | 122 | 123 | 124 | 125 | 126 | 127 | 128 | 129 | 130 | 131 | 132 | 133 | 134 | 135 | 136 | 137 | 138 | 139 | 140 | 141 | 142 | 143 | 144 | 145 | 146 | 147 | 148 | 149 | 150 | 151 | 152 | 153 | 154
De.-hem854 opportune: te ipsum quaerito.
Dé.-Ah! te voici fort à propos, c'est
justement toi que je cherchais.
1 hem opportvne te ipsvm qvaerito in hoc
actu, diuersi homines, diuersi patres, diuersa studia proponuntur:
hic lenis hic amarus, hic facetus hic impolitus, hic facilis hic
pertinax et difficilis in delictis. 2 hem opportvne te ipsvm qvaerito melius quam
Menander, quod hic illum ad iurgium promptiorem quam resalutantem
facit.
1 hem opportvne te ipsvm qvaerito dans cette
scène278, des êtres humains différents, des pères
différents, des occupations différentes sont envisagés : l'un
affable, l'autre acariâtre ; l'un amusant, l'autre mal dégrossi ;
l'un traitable, l'autre tenace et intraitable à l'égard des
erreurs. 2 hem opportvne te ipsvm
qvaerito mieux que chez Ménandre, parce qu'ici il le rend
plus prompt à lancer la querelle qu'à retourner le salut279.
Mi.-quid tristis es? De.-rogas me, ubi
nobis Aeschinus
Mi.- Pourquoi cet air chagrin ? Dé.-Tu
me demandes, quand nous avons un Eschine,
1 qvid tristis
es bene interrogat, potuit enim non iratus frater
quaerere. 2 vbi nobis aeschinvs siet
quasi quaedam causa tristitiae sit.
1 qvid tristis es l'interrogation est bonne,
car son frère aurait pu le chercher sans être en colère. 2 vbi nobis aeschinvs siet comme si c'était
une cause de morosité.
siet, quid tristis ego sim? Mi.-dixin
hoc fore?
pourquoi cet air chagrin ?
Mi.-N'avais-je pas dit que cela arriverait ?
dixin hoc fore «
credo iam ut solet iurgabit
33 ».
dixin hoc fore cf. « credo iam ut solet
iurgabit ».
quid is fecit? De.-quid ille fecerit?
quem neque pudet
Qu'a-t-il donc fait ? Dé.-Ce qu'il a
fait ? lui qui n'a honte
1 qvid ille
fecerit animaduertendum, ut interrogatus interroget more
indignantium, quod ideo facit, quod uidet Micionem eo uultu
interrogare, ut uideatur minus reprehendere culpam
Aeschini. 2 qvem neqve pvdet qvicqvam nec
metvit qvemqvam uarie per casus. 3 qvem neqve pvdet qvicqvam contra illud,
quod alibi pater dicit «
erubuit: salua res est
34 ». 4 qvem neqve pvdet qvicqvam
magno ordine accusauit: non, inquit, pudore mouetur patris, non
metu parentum, non timore legum. 5 Ergo gradatim αὔξησις oratoria processit.
1 qvid ille fecerit il faut remarquer comment
en réponse à une question il pose une question, comme font les
gens en colère, et s'il fait cela, c'est parce qu'il voit que
Micion l'interroge avec un air à vouloir minimiser la faute
d'Eschine. 2 qvem neqve pvdet qvicqvam nec
metvit qvemqvam variation par l'emploi des cas280. 3 qvem neqve pvdet
qvicqvam le contraire de la réplique suivante du père :
« erubuit : salua res est ». 4 qvem neqve pvdet qvicqvam il met un grand
ordre dans ses accusations : il n'est pas ébranlé, dit-il, par la
retenue nécessaire devant un père, ni par la peur de ses parents,
ni par la crainte des lois. 5 Donc
par degrés s'est mise en place une gradation (αὔξησις) oratoire.
quicquam nec metuit quemquam neque
legem putat
de rien, qui ne craint personne, qui
croit qu'aucune loi
tenere se ullam. nam illa quae antehac
facta sunt
ne le retient ? Car ce qui a été fait
auparavant,
1 tenere se
vllam bene tenere,
quia legem. et est
ἀμφιβολία
oratoria. 2 nam illa qvae antehac
omnis accusatio duo tempora recipit: praeteritum ab ante gestis et
praesens ab his quae obiciuntur. ergo utrumque mira breuitate
perstrinxit.
1 tenere se vllam tenere est bien choisi parce qu'il
accompagne legem. Et
c'est une ambiguïté (ἀμφιβολία) oratoire281. 2 nam illa qvae antehac toute accusation
comprend deux temps : le passé, pour les faits précédents, et le
présent, pour ce qui est actuellement reproché. Donc il resserre
les deux moments avec une brièveté remarquable.
omitto: modo quid designauit!
Mi.-quidnam id est?
je n'en parle pas. Mais à l'instant,
l'exploit qu'il a fait ! Mi.-De quoi s'agit-il ?
1 modo qvid
designavit designare est rem nouam facere in
utramque partem, et bonam et malam. nam et designatores dicti, qui ludis
funebribus praesunt, credo ob eam causam, quod ipsis ludis multa
fiant noua et spectanda, simul etiam ut urbe retineantur, quae
fiunt aut in spectaculis aut in litibus. 2 modo qvid designavit puto ego designationem contractionem aut
conductionem populi in unum intellegi - hoc enim contingit ei, qui
aliquo flagitio populi in se oculos et ora conuertit et spectaculo
est uulgo -, quod designatores ludis funebribus
multitudinem retinent. 3 designavit
apud ueteres hoc uerbum duas res significabat: etenim praue et
recte facta designata
dicebantur. 4 qvidnam id est et hoc
contentiose interrogat Micio.
1 modo qvid designavit designare c'est faire une chose
nouvelle en bonne comme en mauvaise part. Car on appelle du nom de
designatores ceux qui
président aux jeux funèbres, pour la raison, je suppose, que dans
ces jeux mêmes se produisent beaucoup d'événements nouveaux et
qu'il faut considérer avec attention, pour qu'aussi dans le même
temps soient évités les troubles qui se produisent lors des
spectacles ou des litiges. 2 modo qvid
designavit je pense pour ma part que designatio se comprend comme
l'action de resserrer ou de conduire le public dans un endroit
- c'est ce qui arrive à celui qui par suite d'un scandale attire
sur lui les regards et les visages du public et devient un
spectacle pour la foule -, parce que les designatores dans les jeux funèbres
endiguent la cohue. 3 designavit
chez les Anciens, ce verbe avait deux sens : de fait les choses
mal faites ou les choses bien faites recevaient le nom de
designata. 4 qvidnam id est la question de Micion est
obstinée.
De.-fores effregit atque in aedes
inruit
Dé.-Il a enfoncé une porte et fait
effraction dans une maison
1 fores
effregit haec singula magna uociferatione inferenda sunt;
stomachatur enim aduersus male interrogantem. 2 fores effregit atqve in aedes totum quidem
unum crimen est: rapuit meretricem; sed uide, qua pompa, qua
uociferatione dilatatur accusatio de moribus Demeae nihil non in
maius inferentis.
1 fores effregit il faut prononcer ces mots
un par un avec une voix forte ; car il est en colère contre Micion
qui pose de mauvaises questions. 2 fores effregit atqve in aedes tout, en
vérité, ne forme qu'un seul chef d'accusation : il a enlevé une
courtisane. Mais voyez avec quelle emphase, quels cris est
amplifiée l'accusation de mauvaises mœurs que porte Déméa, qui
grossit tout et force le trait.
alienas: ipsum dominum atque omnem
familiam
étrangère : le propriétaire et toute
la maisonnée,
1 alienas
singula consideranda sunt. 2 Et bene alienas dicit quia lenonis si diceret, parua res
erat. 3 ipsvm dominvm iterum
suppressa est infamis persona. 4 atqve omnem familiam familiam pro seruis lenonis aut
meretricibus dicit.
1 alienas il faut considérer les mots un par
un. 2 Et il fait bien de dire
alienas parce que s'il
disait lenonis (du
proxénète), l'affaire serait mince282. 3 ipsvm
dominvm à nouveau il supprime la mention du personnage
infâme. 4 atqve omnem familiam il
dit familia pour désigner
les esclaves du proxénète ou ses courtisanes.
mulctauit855 usque ad mortem: eripuit mulierem
il le leur a fait payer cher, les
laissant pour morts ; il a enlevé une femme
1 mvlctavit
lacerauit, mutilauit, molliuit atque dissoluit. unde Mulciber quasi Mulctiber, a mulctando. 2 vsqve ad mortem magna inuidia caedis mortis
mentione, quae tamen nulli accidit. 3 eripvit mvlierem qvam amabat omnia magno
colore et accusatorie dicta sunt et hoc maxime, quod lenonem et meretricem non dixit, contentus facti
atrocitate personarumque uilitatem reticens. 4 eripvit mvlierem non abduxit sed eripuit.
1 mvlctavit il a déchiré (lacerauit), mutilé (mutilauit)283, brisé (molliuit) et pulvérisé (dissoluit). De là le nom de
Mulciber, comme si
c'était Mulctiber, dérivé
de mulctare284. 2 vsqve ad
mortem grande manifestation d'hostilité à l'égard du
massacre, par la mention de la mort, alors que rien de tel n'est
arrivé à qui que ce soit. 3 eripvit mvlierem
qvam amabat l'ensemble est dit avec une couleur
grandiloquente et un ton accusateur, et surtout le fait qu'il
n'évoque pas les termes de "proxénète" et de "courtisane", se
contentant d'indiquer l'atrocité du méfait en passant sous silence
le bas niveau social des personnages. 4 eripvit mvlierem il ne l'a pas "enlevée"
(abduxit), mais
"arrachée" (eripuit).
quam amabat. clamant omnes
indignissime
dont il était amoureux. Tous
s'exclament que c'est une honte
clamant a iudicato ex auctoritate
rumoris.
clamant jugement se fondant sur l'autorité
de la rumeur285.
factum esse. hoc aduenienti quod856 mihi, Micio,
d'agir ainsi. J'arrive à peine ici, et
voilà ce que, Micion,
hoc advenienti qvod mihi micio dixere
omnibus displicet, multi et accusant; nec tamen lenonis querelae
fit mentio oratorie. hoc
autem uel articulus uel aduerbium loci.
hoc advenienti qvod mihi micio dixere la
chose déplaît à tous, beaucoup se font même accusateurs ;
pourtant, de façon oratoire, il n'est fait nulle allusion à la
plainte du proxénète. Quant à hoc, c'est soit un article soit un
adverbe de lieu286.
dixere! in ore est omni populo.
denique,
on dit. Il est sur toutes les lèvres
en ville. Enfin,
1 in ore est omni
popvlo Sallustius «
in ore gentibus agens
35 ». 2 popvlo ciuitati.
1 in ore est omni popvlo Salluste : « in ore
gentibus agens » (agissant au vu et au su de tout le monde)287. 2 popvlo la
cité.
si conferendum exemplum est, non
fratrem uidet
s'il est besoin de prendre un exemple,
ne voit-il pas son frère
1 si conferendvm
exemplvm est tamquam non sit conferendum. 2 non fratrem videt rei dare operam satis
comice hoc infertur legentibus argumentum, nam magis in culpa est
ille ipse, quem laudat.
1 si conferendvm exemplvm est est dit comme
s'il ne fallait pas comparer. 2 non fratrem videt rei dare operam réplique
assez comique pour ceux qui ont lu l'argument de la pièce, car le
plus coupable est celui dont il fait l'éloge.
rei dare operam, ruri esse parcum et
sobrium?
s'occuper de ses affaires, vivre à la
campagne, économe et sobre ?
1 rei dare
operam non amori, rvri esse non in urbe, parcvm non prodigum,
sobrivm non insanum. 2 parcvm et sobrivm contra illud «
cur amat? cur potat?
36 ». 3 rei dare operam quam
facete poeta haec omnia falsa ex contrario facit Demeam
credere!
1 rei dare operam et non pas à l'amour,
rvri
esse et non pas en ville, parcvm et non pas
prodigue, sobrivm et non pas insensé. 2 parcvm et sobrivm le contraire de « cur
amat ? cur potat ? ». 3 rei dare
operam comme le poète s'amuse à faire croire à Déméa
toutes ces contre-vérités !
nullum huius simile factum857. haec cum illi, Micio,
Rien chez lui de semblable ! Et quand
je l'accuse, Micion,
1 nvllvm hvivs simile
factvm hac comparatione Micio tangitur, quasi ipsius culpa
sit, non fratris. 2 nvllvm hvivs
simile26 hoc cum admiratione indignantis est
pronuntiandum et ardentibus in Micionem oculis; et subaudiendum
est esse aut inueniri. 3 haec cvm illi micio dico tibi dico
illi pro in illum et tibi pro in te.
1 nvllvm hvivs simile factvm par cette
comparaison Micion est touché, comme si c'était sa faute à lui et
non celle de son frère. 2 nvllvm hvivs
simile il faut dire cela avec l'étonnement d'un homme en
colère et des yeux ardents dardés contre Micion ; et il faut
sous-entendre esse (il
n'y a) ou inueniri (on ne
trouve). 3 haec cvm illi micio dico tibi
dico illi pour
in illum et tibi pour in te.
dico, tibi dico: tu illum corrumpi
sinis.
c'est toi que j'accuse : c'est toi qui
le laisses se gâter.
1 tv illvm corrvmpi
sinis deest nam,
sed feruentius ἀσυνδέτως dicitur. 2 Et hoc tibi et tu pronuntiandum est intento digito
et infestis in Micionem oculis; nam hoc agi stomacho aduersum
dissimulatores solet. 3 tv illvm corrvmpi
sinis mitius modo dixit sinis
corrumpi, mox uehementius dicet «
an laudi putat fore si perdiderit gnatum?
37 ».
1 tv illvm corrvmpi sinis il manque
nam (car) mais il y a
plus d'ardeur avec l'asyndète (ἀσυνδέτως). 2 Et il faut prononcer tibi et tu en tendant le doigt et avec des
yeux méchants pointés vers Micion ; car c'est ainsi qu'on agit
habituellement à l'égard des dissimulateurs. 3 tv illvm corrvmpi sinis il dit sinis corrumpi avec plus de douceur
ici que ce qu'il dira tout à l'heure : « an laudi putat fore si
perdiderit gnatum ? ».
Mi.-homine inperito numquam quicquam
iniustius est,
Mi.-Il n'y a rien jamais de plus
injuste qu'un imbécile,
homine imperito nvmqvam qvicqvam inivstivs
miro stomacho apud ipsum de ipso tamquam de altero loquitur.
homine imperito nvmqvam qvicqvam inivstivs
avec une colère étonnante, il parle de lui en sa présence comme
s'il parlait d'un autre.
qui nisi quod ipse fecit nihil rectum
putat.
qui ne trouve bien que ce qu'il a
fait.
nihil rectvm pvtat proprie putat, nam hoc uerbum imperitorum
est. 2 Ordo est: "qui nihil rectum
putat nisi quod ipse fecit". 3 qvi nisi qvod ipse fecit
n.
nihil
r.
rectvm
p.
pvtat
ἰδιωτολογία: hoc enim proprium rusticorum
atque imperitorum.
nihil rectvm pvtat putat au sens propre, car c'est un
mot caractéristique d'un "imbécile" (imperitus)288. 2 L'ordre est : "qui nihil rectum putat nisi
quod ipse fecit". 3 qvi nisi qvod ipse
fecit nihil rectvm pvtat idiolectal (ἰδιωτολογία) : car
cette idée est le propre des paysans et des imbéciles289.
De.-quorsum istuc? Mi.-quia tu,
Demea, haec male iudicas.
Dé.-A quoi cela mène-t-il ? Mi.-C'est
que tu juges mal, Déméa, sur ce point !
1 qvorsvm istvc "ut
dicis"27. 2 qvia tv demea id est homo
imperitus. 3 qvia tv demea male
ivdicas28 pari uirtute haec leniter dicta
sunt, qua superiora uehementer.
1 qvorsvm istvc "comme tu dis". 2 qvia tv demea c'est-à-dire un homme
inculte. 3 qvia tv demea male
ivdicas ces mots sont dits avec autant de douceur qu'il y
avait de véhémence dans les précédents.
non est flagitium, mihi crede,
adulescentulum
Il n'y a pas de scandale, crois-moi,
à ce qu'un gamin
1 non est flagitivm non peccatum negat esse, sed flagitium non esse contendit, et ideo
subindignanter pronuntiandum est. 2 Vt si dicat: "scortari quidem adulescentulum
delictum est, sed non est
flagitium", ut ueniae
locus non tam in facto quam in persona sit constitutus. 3 non est flagitivm mihi crede advlescentvlvm
scortari mire respondit et oratorie ad haec, quae
inuidiose dicta sunt. nam quod ait ille eripuit mulierem quam amabat, hic
«
scortari
38 » dicit, quod irruit in aedes
alienas quasi ex uino furens, «
potare
39 », quod cum aliis graue propositum est, hoc solum dicendo
leue reddidit, id est «
fores effringere
40 ». 4 mihi crede quasi imperito
dicit mihi crede, non
me intellege. quod
imitatus Cicero sic Caecilium exagitat «
magna sunt enim ea quae dico, mihi crede: noli haec
contemnere
41 »; hic enim et auctoritas dicentis et contemptus
ostenditur audientis.
1 non est flagitivm il ne nie pas qu'il y ait
faute, mais il défend l'idée que ce n'est pas un flagitium, et par là même il faut
dire le mot avec une indignation contenue. 2 Comme s'il disait : "qu'un jeune homme coure les
filles est une faute, mais ce n'est pas un flagitium", ce qui donne une place
toute prête au pardon, non pas tant dans l'acte que dans la
personne qui l'a commis. 3 non est flagitivm
mihi crede advlescentvlvm scortari il répond de façon
paradoxale et oratoire aux méchantes paroles qu'on lui a dites.
Car là où l'autre disait « eripuit mulierem quam amabat », lui dit
« scortari », là où l'autre disait « irruit in aedes alienas »
comme sous l'emprise de la boisson, lui dit « potare », là où avec
d'autres c'est une assertion grave, lui en la disant seulement il
la rend légère, à savoir « fores effringere ». 4 mihi crede comme s'il parlait à un inculte,
il dit mihi crede et non
me intellege
(comprends-moi). C'est en imitant cela que Cicéron asticote
Caecilius : « magna sunt enim ea quae dico, mihi crede : noli haec
contemnere » (ce sont de grandes choses que j'évoque, crois-moi ;
ne les traite pas par le mépris). Car ici on sent à la fois
l'autorité de celui qui parle et son mépris pour son auditeur.
scortari, neque potare: non est:
neque fores
coure la gueuse, ou boive, non, non,
ou enfonce
neqve potare non est neqve fores effringere haec si
neqve ego neqve tv fecimvs quia dixit «
qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat
42 ».
neqve potare non est neqve fores effringere haec si
neqve ego neqve tv fecimvs parce qu'il a dit : « qui nisi
quod ipse fecit nihil rectum putat ».
effringere. haec si neque ego neque
tu fecimus,
des portes. Tout ça, si ni toi ni moi
ne l'avons fait,
non siit egestas facere nos: tu nunc
tibi
c'est que notre pauvreté ne nous l'a
pas permis : et maintenant, toi,
non siit egestas non uoluntas prohibuit sed
necessitas, et ideo nulla laus.
non siit egestas ce n'est pas la volonté
qui a fait obstacle, mais la nécessité ; de là, il n'y aucun éloge
à en tirer.
id laudi ducis, quod tum fecisti
inopia.
tu tires gloire d'un fait que tu ne
dois qu'à la misère.
qvod tvm fecisti inopia nota fecisti in eo quod significat
non fecisti.
qvod tvm fecisti inopia notez fecisti dans la mesure où il
signifie non fecisti (ce
que tu n'as pas fait)290.
iniurium est: nam si esset unde id
fieret,
Ce n'est pas juste : car si nous
avions eu de quoi le faire,
1 inivrivm est quia «
nihil quicquam iniustius homine imperito
43 ». 2 vnde id fieret fieret producta prima syllaba. Ennius
«
memini me fieri pauum
44 ». 3 nam si esset vnde
fieret29 non necessario consequens, sed
probabiliter admittitur apud30 oratores; non enim omnis, qui habet unde
faciat, continuo etiam facit.
1 inivrivm est parce que « nihil quicquam
iniustius homine imperito ». 2 vnde id fieret fieret avec une première syllabe
longue. Ennius : « memini me fieri pauum » (m'est avis que je
deviens un paon)291. 3 nam si esset vnde
fieret ce n'est pas une conséquence nécessaire mais on
l'accepte comme probable, comme chez les orateurs ; car quiconque
a les moyens d'agir n'agit pas pour autant séance tenante.
faceremus. et tu illum tuum, si esses
homo,
nous l'aurions fait. Et toi, à ton
garçon, si tu étais un homme,
et tv illvm tvvm si esses homo multum
progressus est accusans accusantem.
et tv illvm tvvm si esses homo il a fait un
grand pas en accusant son accusateur.
sineres nunc facere, dum per aetatem
licet,
tu le laisserais faire maintenant,
tant que son âge le lui permet,
potius quam, ubi te exspectatum
eiecisset foras,
au lieu que, après t'avoir mis dehors
les pieds devant,
1 exspectatvm odiosum et molestae uitae. nam
filiis parentes aut amabiles aut expectati: amabiles boni, exspectati mali, quorum mors in dies
singulos exspectanda et exoptanda sit. 2 Nam exspectamus ante diem, speramus ad diem; unde auidior
intellegitur ille qui exspectat, quam ille qui sperat. 3 eiecisset foras non dicit amisisset, sed ut quiddam abiciendum
eiecisset. 4 qvam vbi te exspectatvm eo rem perduxit, ut
ipse uideatur magis consulere disciplinae quam Demea.
1 exspectatvm odieux et pénible à vivre. Car
pour les fils, les pères sont ou amabiles ou expectati : amabiles ils sont bons, exspectati ils sont mauvais et il
faut attendre (exspectare) et souhaiter leur mort
jour après jour. 2 Car nous
attendons (exspectamus)
avant l'heure, mais nous espérons jusqu'à l'heure dite ; aussi
comprend-on que soit plus avide celui qui attend que celui qui
espère. 3 eiecisset foras il ne dit
pas amisisset (après
t'avoir perdu), mais eiecisset comme quelque chose dont
il faut se débarrasser. 4 qvam vbi te
exspectatvm il conduit son exposé au point de paraître
plus attaché à l'éducation que Déméa.
alieniore aetate post faceret
tamen.
il le fasse plus tard à un âge qui ne
sera pourtant plus de mise.
1 alieniore aetate post faceret tamen
ἀνακόλουθον:
deest enim quamuis. 2 Et faceret ultimum magnam uim habet: nihil
prodesset, insuper obesset retinere ab istis filium
iuuenem. 3 Et alieniore pro aliena dicens comparatiuum gradum pro
positiuo posuit.
1 alieniore aetate post faceret tamen
anacoluthe (ἀνακόλουθον). Il manque en effet
quamuis (bien
que)292. 2 Et faceret en dernière position a une force
particulière : il ne servirait de rien, il serait même nuisible de
tenir à distance de ces plaisirs son jeune fils. 3 Et alieniore pour aliena (autre) ; il a mis le
comparatif pour le positif.
De.-pro Iuppiter! tu, homo, adigis me
ad insaniam.
Dé.-Par Jupiter ! toi, bonhomme, tu
me rends fou.
1 pro ivppiter quia pro Iuppiter tragica exclamatio est,
bene tamquam ipse se reprehenderet Demea adiecit tu homo rediges me ad
insaniam. 2 Et tv homo dicens negat illi
familiaritatem.
1 pro ivppiter comme pro Iuppiter est une exclamation de
tragédie, il fait bien d'ajouter, comme si Déméa se corrigeait,
tu homo rediges me ad
insaniam293. 2 Et en disant tv homo il lui dénie le statut de membre de
sa famille294.
non est flagitium facere haec
adulescentulum? Mi.-ah,
Il n'y a pas de scandale à ce qu'un
gamin fasse ça ? Mi.-Ah!
non est flagitivm facere haec moraliter
indignatio expressa est isdem uerbis quae frater dixerat.
non est flagitivm facere haec conformément
à son caractère il exprime son indignation en reprenant les mêmes
mots que son frère avait utilisés.
ausculta, ne me obtundas de hac re
saepius.
écoute, cesse de me rebattre les
oreilles avec ça sans arrêt.
ne me obtvndas "ne me saepe et moleste
interpelles". nam obtundere est saepe aliquid odiose
repetere.
ne me obtvndas "cesse de m'interpeller
souvent et de façon agressive". Car obtundere c'est répéter souvent
quelque chose en marquant sa haine.
tuum filium dedisti adoptandum
mihi:
Tu m'as donné ton fils à
adopter :
tvvm filivm dedisti adoptandvm31
argumentatio per ἐπαγωγήν, quae inductio ab oratoribus dicitur, cum
per interrogationem peruenimus ad id quod uolumus
concludendum.
tvvm filivm dedisti adoptandvm
argumentation par induction (ἐπαγωγή), laquelle s'appelle inductio chez les orateurs, lorsque
par le biais de questions nous parvenons à la conclusion que nous
souhaitons295.
is meus est factus: si quid peccat,
Demea,
le voilà devenu mon fils. S'il cause
des soucis, Déméa,
1 is mevs est factvs sic progreditur, quasi
confessionis genus sit aduersarium tacuisse. 2 si qvid peccat demea conclusio dubiae rei a
non dubiis sumpta. 3 si qvid peccat
demea τῷ
ἰδιωτισμῷ interposuit Demea et repetitum peccat.
1 is mevs est factvs il avance, comme si le
silence de son adversaire était une sorte d'aveu. 2 si qvid peccat demea conclusion d'un fait
douteux tirée de faits indubitables. 3 si qvid peccat demea par idiotisme
(τῷ
ἰδιωτισμῷ), il intercale Demea et répète peccat.
mihi peccat: ego illi maximam partem
feram.
les soucis sont pour moi, c'est moi
qui en prendrai la plus grande part.
1 ego illi maximam partem feram errant qui
illi putant esse pronomen,
cum sit aduerbium, ut «
illi mea tristia facta degeneremque Neoptolemum narrare
memento
45 ». illi ergo:
ibi, ubi ille peccat. quare quidam etiam li syllabam discretionis causa, ut
locum significet, corripiunt. 2 Et maximam partem optime dicit: non enim
uniuersam, quia non solus
pater Aeschini est, sed maximam, quia hic magis est, cuius
filius esse coepit per adoptionem. 3 feram sustinebo, tolerabo.
1 ego illi maximam partem feram ils font
erreur ceux qui croient que illi est un pronom, dans la mesure
où c'est un adverbe de lieu, comme dans : « illi mea tristia facta
degeneremque Neoptolemum narrare memento » (n'oublie pas de
raconter là-bas mes sinistres exploits et comment Néoptolème
dégénère)296. Donc illi veut dire "à l'endroit où il
est en faute". C'est la raison pour laquelle, par souci de
différenciation, pour indiquer le lieu, certains abrègent la
quantité de la syllabe li297. 2 Et maximam
partem très bien dit : car il ne dit pas uniuersam (dans son entier), parce
qu'il n'est pas le seul père d'Eschine, mais maximam parce qu'est davantage père
celui dont le fils a été tel d'abord par l'adoption. 3 feram je soutiendrai, je tolèrerai.
obsonat, potat, olet unguenta? de
meo;
Il fait la fête, il boit, il se
parfume ? c'est à mes frais.
1 olet vngventa non dixit unguitur, ne haec exercitationis
palaestricae, non luxuriae dicerentur. 2 obsonat potat olet vngventa a summo ad imum
proposita soluuntur. 3 Et mira uarietas olet vngventa, ne diceret
obsonat potat
unguitur.
1 olet vngventa il ne dit pas unguitur (il ruisselle), pour que
cela ne passe pas pour les suites d'un exercice de gymnastique,
mais bien pour de la luxure. 2 obsonat potat olet vngventa les
propositions sont vidées de leur substance et passent du très
grave au très bénin298. 3 Et olet vngventa il y a une remarquable
variation, pour éviter de dire obsonat potat unguitur.
amat? dabitur a me argentum, dum erit
commodum;
Il est amoureux ? l'argent partira de
mon compte, tant que je le jugerai bon.
1 amat πρὸς τὸ «
cur amat
46 ». 2 dvm erit commodvm
dare scilicet.
1 amat se rapporte à (πρὸς τὸ) cur amat. 2 dvm erit commodvm évidemment de donner.
ubi non erit, fortasse excludetur
foras.
Quand ce ne sera plus le cas, sans
doute le mettra-t-on dehors.
1 vbi non erit non argentum scilicet sed commodum dare subaudiendum
est. 2 fortasse exclvdetvr foras
hoc ita intulit, quasi dicat, nihil sibi deperisse, si forte ad
amicam gratis fuerit admissus. 3 Et totum hoc τῷ ἐξουθενισμῷ legendum est. 4 Mire32 fortasse dicit ut pater indulgens et
credens adulescentem etiam amari ab amica posse; non enim
affirmauit, ut diceret excludetur
foras.
1 vbi non erit il faut sous-entendre non pas
argentum, mais commodum dare. 2 fortasse exclvdetvr foras il infère cela
comme s'il disait qu'il n'a rien perdu si le jeune homme a été
reçu par sa maîtresse. 3 Et il faut
lire tout cela avec un ton désinvolte (τῷ ἐξουθενισμῷ). 4 De façon étonnante il dit fortasse comme un père indulgent et
que le jeune homme peut même être aimé de sa maîtresse ; car il
n'a pas fait une affirmation catégorique, au point de dire
excludetur foras (on le
jettera dehors).
fores effregit? restituentur;
discidit
Il a enfoncé une porte ? on la
réparera ; il a déchiré
fores effregit restitventvr peruenit ad
praesens crimen; illa enim ante acta fuerant.
fores effregit restitventvr le voilà
parvenu au crime actuel : car les autres faits étaient
antérieurs.
uestem? resarcietur. est dis
gratia,
des vêtements ? on les recoudra.
Grâce aux dieux
resarcietvr re abundat.
resarcietvr le préfixe re est pléonastique299.
et unde haec fiant, et adhuc non
molesta sunt.
j'ai de quoi y pourvoir et pour
l'instant cela ne me dérange pas.
1 et vnde haec fiant iterum subaudiendum
est. 2 et adhvc non molesta svnt quia «
non est flagitium adulescentulum scortari
47 ».
1 et vnde haec fiant à nouveau il faut
sous-entendre est. 2 et adhvc non molesta svnt parce que « non
est flagitium adulescentulum scortari ».
postremo aut desine aut cedo quemuis
arbitrum:
Pour finir, arrête ou donne-nous
l'arbitre de ton choix :
te plura in hac re peccare ostendam.
De.-ei mihi!
c'est toi le plus coupable en cette
affaire, je le prouveraii. Dé.-Misère de moi !
pater esse disce ab illis qui uere
sciunt.
apprends donc la paternité de ceux
qui la connaissent réellement.
pater esse disce ab aliis superbum fuerat
a me dicere; melius ergo
ab aliis dictum est.
pater esse disce ab aliis c'eût été
orgueilleux de dire a me
(de ma bouche) ; donc ab
aliis est mieux dit.
Mi.-natura tu illi pater es,
consiliis ego.
Mi.-Toi, c'est la nature qui t'a fait
son père, moi, ce sont les conseils.
1 natvra tv illi pater es urbane Micio: plus
enim ad laudem ualet consilium quam natura. et simul ostendit poeta
uerbis Micionis, qui non natura sed affectu sit
pater33, nullum patrem esse
sapientem, eum uero posse sine perturbatione perfrui his quos
amat, quem patrem esse consilium fecerit, non natura, hoc est qui
filium adoptauerit. 2 Et mire cum naturam singulariter dixerit,
plurariter intulit consilia sua.
1 natvra tv illi pater es c'est
spirituellement dit de la part de Micion ; car la décision
(consilium) mérite plus
d'éloge que la nature (natura). Et en même temps le poète
montre, par cette réplique de Micion, qui n'est pas père par
nature mais par affection, qu'aucun père n'est sage, mais que
celui qui peut sans passion profiter en toute occasion des gens
qu'il aime est celui qu'une décision a rendu père, non pas la
nature, donc celui qui a adopté un fils. 2 Et étonnamment, alors qu'il avait dit natura au singulier, il a mis au
pluriel ses consilia.
Dé.-Toi tu conseilles en quoi que ce
soit ? Mi.-Si tu continues, je vais m'en aller.
1 tv consvlis qvicqvam apertior contumelia,
et ideo sequitur denuntiatio discedendi. 2 tv consvlis qvicqvam quia praedixit «
consiliis ego pater sum
48 », a coniugatis argumentatus respondit tu consulis quicquam quia a
consulendo consilia dicuntur et consultores. 3 si pergis abiero ut «
donec me flumine uiuo abluero
49 ». 4 si pergis abiero ἀρχαϊσμός pro abibo. 5 Et hoc gestu abeuntis uel abituri
pronuntiatur.
1 tv consvlis qvicqvam l'injure est plus
nette et c'est ce qui explique l'annonce qu'il va s'en
aller. 2 tv consvlis qvicqvam
parce qu'il avait dit ci-dessus « consiliis ego pater sum », il
fait une réponse en argumentant par des mots de même famille
tu consulis quicquam,
parce que consilia et
consultores viennent de
consulere300. 3 etsi pergis
abiero comme dans : « donec me flumine uiuo abluero »
(jusqu'à ce que je me sois baigné dans une eau vive)301. 4 etsi pergis
abiero emploi archaïque (ἀρχαϊσμός) du futur antérieur pour le
futur abibo. 5 Et cette réplique est prononcée avec le
geste de celui qui s'en va ou qui s'apprête à s'en aller.
De.-sicine agis? Mi.-an ego totiens
de eadem re audiam?
Dé.-Tu le prends comme ça ? Mi.-Mais
aussi pourquoi devrais-je entendre parler sans arrêt de la même
chose ?
1 sicine agis recte, quia iam abibat: quasi
reuocantis correptio est. 2 an ego
totiens hoc conuersum intellegas dicere. 3 avdiam deest te, sed durum fuit. 4 Et hoc est obtundere.
1 sicine agis bien, parce qu'il partait
déjà : c'est comme le reproche de quelqu'un qui rappelle son
interlocuteur. 2 an ego totiens on doit
comprendre qu'il dit cela en se retournant. 3 avdiam il manque te, mais c'eût été
désagréable. 4 Et cela revient à
obtundere.
De.-curae est mihi. Mi.-et mihi curae
est. uerum, Demea,
Dé.-C'est que ça me soucie. Mi.-Et
moi aussi, ça me soucie. Mais, Déméa,
cvrae est mihi Aeschinus scilicet.
cvrae est mihi implicitement Eschine.
curemus aequam uterque partem: tu
alterum,
partageons équitablement les soucis
toi et moi : toi l'un,
cvremvs aeqvam vterqve proprie uterque et aequam quasi particeps fratris.
cvremvs aeqvam vterqve uterque au sens propre et aequam au sens de "en se partageant
entre frères".
ego item alterum. nam ambos curare
propemodum
moi l'autre, pareil. Car s'occuper
des deux à la fois, c'est à peu près
propemodvm nisi addidisset propemodum, falsa uideretur esse
sententia.
propemodvm s'il n'avait pas ajouté
propemodum, la phrase
semblerait fausse302.
reposcere illum est quem dedisti.
De.-ah, Micio!
comme vouloir récupérer celui que tu
m'as donné. Dé.-Ah! Micion.
ah micio religiose commotus est. ac ueluti
incusatio est perfidiae, et ideo exclamat dolens et transit in
iracundiam concessionemque, quae ἐπιτροπή dicitur.
ah micio ses scrupules l'ébranlent. Et
comme c'est un reproche de perfidie, il pousse une exclamation de
douleur et passe à la colère et à la concession, ce qui s'appelle
une invocation (ἐπιτροπή).
Mi.-mihi sic uidetur. De.-quid istic?
tibi si istuc placet,
Mi.-Je le vois ainsi. Dé.-Que dire ?
Si c'est ta décision,
1 mihi sic videtvr rationabiliter non
sic est dixit, sed
sic uidetur: non uult enim
uerum esse. 2 qvid istic deest
loquor aut resisto, nam proprie significatio est
de sententia sua decedentis.
1 mihi sic videtvr de façon raisonnée, il ne
dit pas sic est (il en
est ainsi), mais sic
uidetur : car il ne veut pas que ce soit la
vérité. 2 qvid istic il manque
loquor (que dire ?) ou
resisto (pourquoi
résister ?), car c'est proprement la marque de celui qui renonce à
son opinion.
profundat, perdat, pereat! nihil ad
me attinet.
qu'il gaspille, qu'il perde, qu'il se
perde ! Ça ne me concerne pas.
1 profvndat perdat ἐπιτροπή figura. Vergilius «
i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas
50 ». 2 profvndat perdat haec sic
pronuntianda sunt, ut ostendatur gestu nolle quod loquitur.
1 profvndat perdat figure de l'invocation
(ἐπιτροπή).
Virgile : « i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas » (va,
poursuis vers l'Italie porté par les vents, va te chercher un
royaume de l'autre côté des flots)303. 2 profvndat
perdat il faut prononcer cette tirade avec un geste qui
montre qu'il ne veut pas ce qu'il est en train de dire.
iam si uerbum unum posthac...
Mi.-rursum, Demea,
Si un seul mot à l'avenir...
Mi.-Voilà que tu remets ça, Déméa,
1 si verbvm vnvm posthac ἀποσιώπησις: deest
tibi fecero aut tale
quid. 2 rvrsvm34 quasi:
"cur rursum irasceris?".
1 si verbvm vnvm posthac aposiopèse (ἀποσιώπησις) : il
manque tibi fecero (je te
fais) ou quelque équivalent. 2 rvrsvm comme s'il disait "pourquoi te
remets-tu en colère ?".
irascere? De.-an non credis? repeton
quem dedi?
avec ta colère. Dé.-Et tu ne crois
pas que... Moi, te reprendre celui que je t'ai donné ?
1 an non credis irasci scilicet. 2 repeton qvem dedi minus erat si Aeschinum diceret; plus est
quem dedi. 3 repeton qvem dedi rusticani stomachi est
repetere semper uerba, quae inuitus audierit.
1 an non credis implicitement irasci (se mettre en
colère). 2 repeton qvem dedi c'eût
été moins fort s'il avait dit "Eschine" ; quem dedi est plus fort. 3 repeton qvem dedi c'est la caractéristique
de la colère d'un paysan que de répéter toujours les mots qu'il a
entendus avec déplaisir304.
aegre est; alienus non sum; si
obsto... em desino.
Je regrette, mais je ne suis pas un
étranger pour lui. Si je m'oppose... Bon, j'arrête.
1 aegre est quasi dictum sit: "quid ergo
loqueris?" quod aegre est;
"cur aegre est?" quia alienus non
sum. 235 Quasi timeat iam dicere pater sum. 3 alienvs non svm satis cum stomacho; "si
patrem iam me esse non licet", alienus
non sum.
1 aegre est comme s'il avait dit : "que
dis-tu donc ?" ; quelque chose qui me coûte (aegre est) ; "pourquoi t'en
coûte-t-il ?" ; parce que alienus non
sum. 2 Comme s'il
craignait maintenant de dire "je suis son père". 3 alienvs non svm de façon quelque peu
colérique ; "s'il ne m'est plus permis d'être son père, au moins
alienus non sum".
unum uis curem? curo. et est dis
gratia,
Tu veux que je m'occupe d'un seul ?
Soit. Et c'est une bénédiction
cum ita ut uolo est; iste tuus ipse
sentiet
qu'il soit comme je le souhaite. Le
tien, de lui-même, s'apercevra
1 iste tvvs memoriter iste tuus ad illud quod dixerat
«
meus est factus
51 ». 2 iste tvvs ipse sentiet
quantus sis quantumque eum ames, hoc est decipietur per
indulgentiam tuam. 3 ipse sentiet
sentire multi pro malo
posuerunt, ut ipse alibi «
sit rogas? sensi. nam unam ei cenam atque eius
comitibus dedi
52 ». 4 iste tvvs ipse sentiet posterivs
nolo in illvm36 scilicet quam hoc. 5 nolo in
i.
illvm
37 nec enim Demea satis hoc graue
existimat dictum in eum, qui non prouideat in futurum,
et38 aptius, quia pater est.
1 iste tvvs iste
tuus est un rappel de ce qu'il avait dit : « meus est
factus ». 2 iste tvvs ipse sentiet
compléter "comme tu es important et comme tu l'aimes",
c'est-à-dire qu'il sera trompé par ton indulgence. 3 ipse sentiet beaucoup supposent que
sentire est connoté
négativement, comme on le voit ailleurs chez Térence : « sit
rogas ? sensi. Nam unam ei cenam atque eius comitibus dedi » (Tu
me demandes si elle y est ? J'ai senti ma douleur. Car je lui ai
donné un repas à elle et à ses compagnes). 4 iste tvvs ipse sentiet posterivs nolo in
illvm implicitement quam
hoc (que cela). 5 nolo in
illvm en même temps en effet Déméa ne pense pas avoir
parlé assez sévèrement de lui, parce qu'il ne sait pas envisager
l'avenir, et c'est plus adapté, parce qu'il est père.
posterius... nolo in illum grauius
dicere.
plus tard... Mais je ne veux pas
l'accabler davantage.
Mi.-neque nihil860
neque omnia haec sunt quae dicit tamen;
Mi.-Ce n'est ni tout blanc ni tout
noir, ce qu'il dit tout de même.
1 neqve nihil... non nihil λιτότης figura est
conueniens placidissimo seni, qui in reprehendendo adulescente
moderatur. 2 neqve nihil apparet
Terentium fauere lenissimis patribus, unde subiecit etiam rationem
facti Micioni seni. 3 neqve omnia haec svnt
qvae dicit tamen bene a Micione hoc dicitur, quia
indulgentioris est plura scire et supra dixit «
ea ne me celet consuefeci filium
53 ». 4 Et hic sensus est: nec contemnenda sunt
quae dicit nec omnia dicit tamen, hoc est: non haec sola sunt quae
dicit, sed alia multa sunt. et ordo: neque tamen.
1 neqve nihil... non nihil figure de la
litote (λιτότης), qui convient bien à un
vieillard très serein, qui, quand il fait des reproches à un jeune
homme, se montre modéré. 2 neqve nihil
il semble que Térence se montre favorable aux pères doux, c'est
pourquoi il ajoute aussi une justification de l'attitude adoptée
par le vieillard Micion305. 3 neqve omnia haec
svnt qvae dicit tamen il a bien fait de mettre cela dans
la bouche de Micion, parce que c'est le propre du personnage plus
indulgent que d'en savoir davantage et il a dit plus haut : « ea
ne me celet consuefeci filium ». 4 Et le sens est : il ne faut pas mépriser ce qu'il
dit, et encore il ne dit pas tout, c'est-à-dire : il n'y a pas que
ce qu'il a dit mais il y a beaucoup d'autres faits, et l'ordre est
neque tamen.
non nihil molesta haec sunt mihi; sed
ostendere
Tout cela n'est pas sans me causer
quelque désagrément ; mais lui montrer
1 non nihil molesta placidissime «
neque nihil
54 » dixit et non
nihil maluit repetere quam uehementer iracundiam
demonstrare. est enim altera λιτότης. 2 non nihil molesta haec svnt mihi optime
poeta Micionem commotum fecit, ne si omnino immobilis esset, non
indulgere adoptiuo filio, sed omnino eum non curare uideretur.
ergo sic in eo seruat placidum animum, ut tamen retineat patris
affectum. 3 sed ostendere me aegre
constat ergo «
aegre pati
55 »; nam aliter non erat parens.
1 non nihil molesta il a dit neque nihil de façon très sereine et
il préfère répéter non
nihil plutôt que de laisser paraître vivement sa
colère. Car c'est une seconde litote (λιτότης). 2 non nihil molesta haec svnt mihi de très
bonne façon, le poète fait ressentir à Micion de l'émotion, pour
éviter qu'on croie, s'il était tout à fait insensible, non pas
qu'il a de l'indulgence pour son fils adoptif, mais plutôt qu'il
n'en a absolument pas cure. Donc il lui fait conserver sa sérénité
tout en lui faisant garder son amour paternel. 3 sed ostendere me aegre il est donc clair
que « aegre pati » (il le prend mal) ; de fait, sinon, il ne
serait pas un père.
me aegre pati illi nolui. nam ita est
homo:
que je le prenais mal, ça je n'ai pas
voulu. Car le bonhomme est ainsi fait :
1 illi Demeae scilicet. 2 Aut: illic, ubi Demea litigabat. 3 nam ita est homo moraliter homo dixit; sic enim de his dicimus,
quos parce reprehendimus; ut alibi «
ut homo est, ita morem geras
56 ».
1 illi implicitement "à Déméa". 2 Ou : équivaut à illic (là), à l'endroit où Déméa le
querellait306. 3 nam ita est homo en
conformité avec son caractère, il dit homo ; car c'est ainsi que nous nous
exprimons quand nous faisons un reproche modéré ; ainsi ailleurs :
« ut homo est, ita morem geras ».
cum placo, aduersor sedulo et
deterreo,
quand j'essaie de le calmer, de lui
tenir tête résolument et de le dissuader,
cvm placo id est: "cum uolo placare".
cvm placo c'est-à-dire : "quand je veux
l'apaiser".
tamen uix humane patitur; uerum si
augeam
il a du mal à le supporter en homme ;
mais si je renchérissais
vervm si avgeam argumentum a contrario, nam
placare contrarium est
irritantibus augentibusque iracundiam.
vervm si avgeam argument par le contraire,
car placare est le
contraire de vouloir irriter et attiser la colère.
aut etiam si adiutor eius sim
iracundiae,
ou même me faisais l'auxiliaire de sa
colère,
avt etiam si39 adivtor
eivs sim iracvndiae σύλλημψις, nam a genetiuo casu
accusatiuus assumptus est.
avt etiam si adivtor eivs sim iracvndiae il
y a une syllepse (σύλλημψις), car l'accusatif a été
remplacé par le génitif307.
insaniam profecto cum illo. etsi
Aeschinus
sûr que je deviendrais fou avec lui !
Toutefois, Eschine
etsi aeschinvs nonnvllam in hac re rursus
λιτότης, ut sit
mitis reprehensio et hoc ipso grauis. nam etsi et nonnullam magis temperamento sunt
posita.
etsi aeschinvs nonnvllam in hac re encore
une litote (λιτότης), pour que le reproche soit
adouci et par là même digne. Car etsi et nonnullam sont mis là pour que le
propos soit plus tempéré308.
nonnullam in hac re nobis facit
iniuriam.
nous a bien causé du tort dans cette
affaire.
quam hic non amauit meretricem? aut
cui non dedit
Y a-t-il une courtisane d'ici dont il
n'ait été amoureux ? à qui il n'ait pas donné
1 qvam hic non amavit meretricem avt cvi non
dedit
ἠθικῶς
ὑπερβολή
40 quam non et cui non; ea tamen haec sunt, ut non
graui sono accusationis proferantur, sed solam reprehensionem
contineant; aliquid uero admirandum est, quod addidit
meretricem ut os
ostendatur41 Micionis hoc solum
adhuc scientis et nihil de uitiata uirgine. 2 qvam hic non amavit meretricem et hoc cum
uenia et defensione, nam colere meretricem flagitium42 est.
simul etiam uitiatae uirginis adhuc ignarus ostenditur
Micio. 3 non dedit aliqvid
aliquid dicendo
praetermisit uel mercedem uel numerum.
1 qvam hic non amavit meretricem avt cvi non
dedit conformément à son caractère, hyperbole (ἠθικῶς ὑπερβολή) : il
dit quam non et
cui non309 ; pour autant, il ne faut pas
prononcer cela avec le ton grave de l'accusateur, mais en marquant
seulement du reproche ; il y a quelque chose en revanche
d'étonnant : c'est qu'il ajoute meretricem, pour montrer la tête de
Micion, au courant pour l'instant de cet épisode seulement mais
ignorant du viol de la jeune fille. 2 qvam hic non amavit meretricem et cela est
dit avec indulgence et en le défendant, car entretenir une
courtisane est un scandale310. En même temps, il est prouvé que Micion est
encore ignorant du viol de la jeune fille. 3 non dedit aliqvid en disant aliquid il passe sous silence le
prix et la fréquence.
aliquid? postremo nuper (credo iam
omnium
quelque chose ? Enfin, dernièrement
(à mon avis, toutes les autres
credo iam omnivm taedebat παρένθεσις πρώτη: etenim
addimus ad ea, quae apud nos parum certa sunt, aut credo aut puto.
credo iam omnivm taedebat parenthèse de la
première catégorie (παρένθεσις πρώτη) : de fait nous ajoutons
à côté de ce dont nous ne sommes pas trop sûrs credo ou puto (je crois)311.
taedebat) dixit uelle uxorem
ducere.
l'ennuyaient), il a dit vouloir
prendre épouse.
dixit velle vxorem mirum est apud
Terentium, cur etiam per nescias personas indicet argumenta. nam
cum Micio nesciat amari ab Aeschino ciuem uirginem, tamen dicit
«
credo iam omnium taedebat et dixit uelle uxorem
ducere
57 ». sic ex parte magna ostendit nescius argumentum ideo,
quia ueri simile est amantissimum Aeschini Micionem omnes scire
affectus adulescentis et consuetudines. et apparet praeterea
conatum ex parte fateri uitiatum amore Aeschinum et pudore
impeditum tantum hoc dixisse quod honeste potuit, uelle se uxorem ducere, quam uellet,
tacuisse confusum.
dixit velle vxorem il est étrange chez
Térence qu'il indique l'argument de la pièce y compris par
l'intermédiaire de personnages qui ne sont pas au courant. Car
alors que Micion n'est pas au courant qu'Eschine est amoureux
d'une jeune fille citoyenne, il dit tout de même « credo iam
omnium taedebat et dixit uelle uxorem ducere ». Ainsi pour une
bonne part il dévoile sans le savoir l'argument de la pièce parce
qu'il est vraisemblable que, par l'affection qu'il a pour Eschine,
Micion connaisse toutes les passions du jeune homme et ses
habitudes. Et il est clair en outre que, contraint d'avouer en
partie qu'Eschine a été dépravé par l'amour, mais empêché de le
reconnaître par sa retenue, il dit seulement ce qu'il peut dire
honnêtement, à savoir qu'il veut prendre femme, mais il tait, dans
sa confusion, qui est celle qu'il désire312.
sperabam iam deferbuisse861
adulescentiam:
J'espérais que c'en était fait de
l'effervescence de la jeunesse.
1 sperabam iam defervisse advlescentiam recte
sperabam et gaudebam: sic enim dicimus, cum
errasse nos cernimus. 2 Et mire non dixit sperabam illum iam correctum, sed
mitis senex totum aetati attribuit, nihil filio. 3 defervisse advlescentiam seruat propositum
circa aetatis ueniam. 4 deferbvisse quasi "deorsum a feruore
tenuisse". 5 legitur et deseruisse43.
1 sperabam iam defervisse advlescentiam
emploi correct de sperabam et de gaudebam : ainsi nous exprimons-nous
quand nous voyons que nous nous sommes trompés313. 2 Et de façon
étonnante, il ne dit pas sperabam
illum iam correctum (j'espérais qu'il s'était
désormais corrigé), mais le vieillard indulgent met tout sur le
compte de l'âge et rien sur celui de son fils. 3 defervisse advlescentiam il conserve la
proposition sur l'indulgence à l'égard de l'âge. 4 deferbvisse équivaut à "retenir en deçà de
la ferveur"314. 5 On lit aussi deseruisse (abandonner).
gaudebam. ecce autem de integro! nisi
quidquid est
J'étais content. Et nous revoilà à la
case départ ! Mais, quoi qu'il en soit,
1 ecce avtem de integro nisi qvicqvid est
ἀποσιώπησις
prima, quia non uult credere. 2 nisi qvicqvid est deest quia, ut sit nisi quia. est etenim sensus: "nisi
quia non temere credo et uolo scire quicquid est".
1 ecce avtem de integro nisi qvicqvid est
aposiopèse de première catégorie (ἀποσιώπησις), parce qu'il ne veut pas le
croire. 2 nisi qvicqvid est il
manque quia, pour faire
nisi quia. Et de fait le
sens est : "sauf que je ne crois pas à la légère et que je veux
savoir ce qu'il en est".
uolo scire atque hominem conuenire,
si apud forum est.
je veux en avoir le cœur net et aller
trouver mon homme, s'il est au forum.
Actus alter
scaena prima
Sannio Aeschinus Bacchis Parmeno
155 | 156 | 157 | 158 | 159 | 160 | 161 | 162 | 163 | 164 | 165 | 166 | 167 | 168 | 169 | 170 | 171 | 172 | 173 | 174 | 175 | 176 | 177 | 178 | 179 | 180 | 181 | 182 | 183 | 184 | 185 | 186 | 187 | 188 | 189 | 190 | 191 | 192 | 193 | 194 | 195 | 196 | 197 | 198 | 199 | 200 | 201 | 202 | 203 | 204 | 205 | 206 | 207 | 208
Sa.-obsecro, populares, ferte misero
atque innocenti auxilium!
Sa.-Je vous en supplie, concitoyens,
apportez à un malheureux et à un innocent votre secours !
1 obsecro popvlares popularitas in omnis rei consortium
sumitur; nunc autem populares ciues dicit. et hoc est quod ueteres
quiritari dicebant:
"quirites conclamare". 2 obsecro popvlares
ferte misero atqve innocenti avxilivm hic exemplum est
contumeliosi per potentiam diuitis et in perniciem suam pauperis
contumacis. 3 misero atqve innocenti avxilivm
svbvenite
i.
inopi
44 tria sunt: miser, innocens, inops.
1 obsecro popvlares popularitas s'emploie pour toute
sorte de groupement d'hommes ; ici, par populares il veut dire ciues (citoyens). Et c'est ce que
les Anciens voulaient dire par quiritari (crier) : "appeler au
secours les quirites"315. 2 obsecro popvlares
ferte misero atqve innocenti avxilivm on voit ici
l'exemple d'un homme riche que sa puissance rend agressif et d'un
pauvre qui se bat pour sa propre perte. 3 misero atqve innocenti avxilivm svbvenite
inopi il ya trois aspects : il est pauvre (miser), innocent (innocens), sans assistance
(inops).
subuenite inopi! Ae.-otiose nunc iam
ilico hic consiste.
Venez à l'aide d'un homme sans
ressource ! Es.-Et maintenant, arrête-toi ici tranquillement.
1 svbvenite inopi uide quam posteriora
uehementiora sunt ad incendendum populum: primo «
miserum
58 », post «
innocentem
59 », ad ultimum inopem posuit, et primo «
ferte auxilium
60 », post subuenite. 2 Et totum hoc principium a beniuolentia
sumitur, quae comparatur ex inuidia potentiae Aeschini; nam
contraria uult intellegi esse in Aeschino. 3 otiose nvnciam otiose secure, nam nisi qui securus
est non est otiosus. 4 ilico modo
locum, non tempus significat. 5 otiose nvnc iam ilico hic consiste simul
imperauit modum, tempus, locum, factum: modum otiose, tempus nunc, locum hic, factum consiste; nam iam et ilico alterum tempori adiungitur,
alterum loco. 6 Et consistere est audacter et constanter
stare, ut «
constitit in digitos extemplo arrectus uterque
61 ».
1 svbvenite inopi voyez comme la suite
devient plus virulente, pour provoquer la révolte du public : il
dit d'abord « miserum », puis « innocentem », enfin inops, et d'abord « ferte
auxilium », puis subuenite316. 2 Et tout ce début
est une recherche de bienveillance, qui est mise en comparaison
avec l'attitude orgueilleuse de la puissance d'Eschine; car il
veut faire comprendre que pour Eschine c'est le
contraire. 3 otiose nvnciam otiose signifie "en sécurité", car
si on n'est pas en sécurité, on n'est pas de "loisir"317. 4 ilico est parfois un complément de lieu, et
non de temps. 5 otiose nvnc iam ilico hic
consiste il donne un ordre qui porte en même temps sur la
manière, le temps, le lieu et le fait : la manière avec otiose, le temps avec nunc, le lieu avec hic, le fait avec consiste ; car iam et ilico sont associés pour l'un au
temps, pour l'autre au lieu318. 6 Et consistere c'est se tenir debout
avec audace et en tenant bon, comme dans : « constitit in digitos
extemplo arrectus uterque » (l'un et l'autre, soudain dressés sur
la pointe de leurs orteils, tinrent bon).
quid respectas? nil pericli est:
numquam, dum ego adero, hic te tanget.
Que regardes-tu derrière ? Il n'y a
pas de danger : jamais, tant que je serai là, ce type ne te
touchera.
nvnqvam pro non. Vergilius «
numquam omnes hodie moriemur inulti
62 ».
nvnqvam mis pour non. Virgile : « numquam omnes hodie
moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous aujourd'hui sans être
vengés).
Sa.-ego istam inuitis omnibus...!
Sa.-Moi, celle-ci, que vous le
vouliez ou non vous tous... !
1 istam invitis omnibvs deest abducam. 2 ego istam invitis omnibvs bona ἔλλειψις: nemo enim
plane loquitur, qui luctatur.
1 istam invitis omnibvs il manque abducam (je l'enlèverai). 2 ego istam invitis omnibvs bonne ellipse
(ἔλλειψις) :
car personne ne fait des phrases complètes dans un
affrontement319.
Ae.-quamquam862
scelestus, non committet hodie umquam iterum ut uapulet.
Es.-Il a beau être un scélérat, il ne
fera rien de grave aujourd'hui sans morfler une deuxième fois.
1 qvamqvam scelestvs non committet ἀνακόλουθον primum, nam
cum praeposuisset quamquam, non subiecit tamen. 2 itervm vt vapvlet uiuaciter poeta priorem
litem sustulit dicendo iterum, ut non eadem lis esset, de
qua supra questus est Demea, sed instaurata noscatur. 3 committet perficiet; sed hoc proprie de
illicitis et puniendis facinoribus dicimus. simul hic ostendit
comicus adulescens caedem se lenoni inuitum intulisse et id
fecisse et facere lenonis culpa, non sua.
1 qvamqvam scelestvs non committet anacoluthe
(ἀνακόλουθον)
de première catégorie, car après avoir écrit quamquam, il n'a pas continué avec
tamen320. 2 itervm vt
vapvlet par souci de vivacité, le poète a supprimé la
première rixe en disant iterum, pour que l'on comprenne
qu'il ne s'agit pas de la même rixe que celle dont se plaignait
Déméa, mais qu'on la reconnaisse comme une rixe qui
recommence. 3 committet il accomplira
(perficiet) ; mais au
sens propre c'est pour des actes illicites et qu'il faut punir
qu'on l'emploie. Et en même temps, le jeune homme de comédie
montre ici que c'est malgré lui qu'il a massacré le proxénète et
que s'il l'a fait et continue à le faire, c'est de la faute du
proxénète et non de la sienne.
Sa.-Aeschine, audi, ne te ignarum
fuisse dicas meorum morum,
Sa.-Eschine, écoute, pour que tu ne
puisses pas dire que tu ignorais mon mode de vie,
leno ego sum... Ae.-scio. Sa.-...at
ita, ut usquam fuit fide quisquam optima.
je suis un proxénète, moi... Es.-Je
sais. Sa.-...mais de toute confiance, s'il en fut jamais.
1 leno svm leno terribiliter pronuntiandum,
quasi dicat cui supplex
eris; sed ex argumento est, quod contemnit Aeschinus
lenonis minas, utpote qui iam uxorem decreuerit ducere. 2 scio hic sic respondit, quasi in lenone
minutio capitis tantum consisteret. 3 fide qvisqvam optima fides in concipiendis comminationibus
denuntiatio comminantis est.
1 leno svm il faut dire leno avec un ton effrayant, comme
s'il disait "un proxénète que tu supplieras bientôt" ; mais c'est
du fait de l'intrigue qu'Eschine méprise les menaces du proxénète,
dans la mesure où il a déjà décidé de prendre femme. 2 scio il fait cette réponse comme si la
déchéance portait seulement sur le proxénète. 3 fide qvisqvam optima la loyauté (fides) à concevoir des menaces est
une dénonciation de celui qui fait les menaces.
tu quod te posterius purges, hanc
iniuriam mihi nolle
Mais toi, pour ce qui est de tes
excuses après coup, que tu n'aurais pas voulu que cet affront
me
factam esse, huius non faciam. crede
hoc, ego meum ius persequar:
soit fait, je m'en soucie autant que
de ça. Sois-en sûr, moi j'irai au bout de mes droits.
1 hvivs non faciam figurate quod te purges, huius non
faciam. 2 Ergo
quod te purges id est:
purgationem tuam. huius autem δεικτικόν: aut enim stipulam aut floccum
mouerat aut summum digitum. 3 ego mevm ivs
perseqvar hoc est lenonum. 4 mevm ivs "meam libertatem". 5 mevm ivs "meam uindictam", nam ut illa
«
iniuria
63 » est, quae fit innoxio, ita ius uindicta illa, quae redditur
reo. 6 perseqvar ulciscar. Cicero «
tu, dum tuas iniurias per te - id quod non potes -
persequi conaris
64 ». 7 hvivs non faciam Cicero
«
ne tantulum quidem commotus est
65 ».
1 hvivs non faciam au sens figuré quod te purges, huius non
faciam. 2 Donc
quod te purges c'est :
"tes excuses" (purgationem
tuam). Quant à huius, c'est un déictique (δεικτικόν) : car il
bougeait un brin de paille, un flocon ou le bout de son
ongle321. 3 ego mevm ivs
perseqvar c'est-à-dire le droit des proxénètes. 4 mevm ivs "ma liberté". 5 mevm ivs "la chose que je revendique", car
de même que l'injustice (iniuria) est celle qui est faite à
un innocent, de même la justice (ius) est la chose revendiquée qui
est rapportée à l'accusé322. 6 perseqvar
"je tirerai vengeance". Cicéron : « tu, dum tuas iniurias per te
- id quod non potes - persequi conaris » (toi, pendant que tu
essaies de poursuivre les injustices dont tu es victime - ce que
tu ne peux faire). 7 hvivs non
faciam Cicéron : « ne tantulum quidem commotus est » (il
n'a pas été ébranlé ne fût-ce qu'un petit peu)323.
neque tu uerbis solues umquam, quod
mihi re male feceris.
Et ce n'est pas de paroles que tu me
paieras jamais le méchant tour que tu m'as joué.
1 neqve tv verbis solves vmqvam qvod mihi re male
feceris γνωμικῶς. 2 Et solves "lues", "persolues", id est
"satisfacies ac te purgabis". 3 re male feceris acuendum est re et significanter proferendum:
ibi enim sententia est. 4 Et plus dixit male feceris quam iniuriam feceris.
1 neqve tv verbis solves vmqvam qvod mihi re male
feceris sentencieusement (γνωμικῶς). 2 Et solves "tu acquitteras", "tu paieras",
c'est-à-dire "tu donneras satisfaction et t'amenderas". 3 re male feceris il faut accentuer d'un aigu
re et le prononcer comme
si le mot était pris dans son sens fort : car c'est là qu'est le
sens324. 4 Et il dit plus en
disant male feceris
qu'iniuriam feceris (tu
as commis une injustice).
noui ego uestra haec « nollem
factum »: ius iurandum dabitur te esse
Je connais vos « je regrette ce que
j'ai fait ». Il y aura un serment pour me jurer : « tu
1 novi ego vestra haec ἔλλειψις; deest enim
uerba. 2 ivs ivrandvm dabitvr hoc est: "iurabimus te
indignum esse, cui iniuria fiat huiusmodi". 3 Aut separatim iusiurandum dabitur et separatim
te esse indignum iniuria
hac. 4 Et sic melius: uerba enim satisfacient, cum
res colligitur in generalibus causis. nam saepe irae ac lites sunt
iureiurando terminatae.
1 novi ego vestra haec ellipse (ἔλλειψις) ; il manque
en effet uerba (des
mots). 2 ivs ivrandvm dabitvr
c'est-à-dire "nous jurerons que tu es indigne qu'on te fasse une
injustice de ce genre". 3 Ou alors
il faut séparer iusiurandum
dabitur et te esse
indignum iniuria hac325. 4 Et c'est mieux ainsi : car les mots donneront
satisfaction quand l'affaire concerne des causes générales. Car
souvent les disputes et les rixes se terminent par un serment.
indignum iniuria hac, indignis cum
egomet sim acceptus modis.
ne mérites pas cet affront », alors
que ce qui n'est pas mérité, c'est la manière dont j'ai été
reçu.
indignvm inivria hac comice indignum...indignis.
indignvm inivria hac procédé comique avec
indignum...indignis326.
Ae.-abi prae strenue ac fores aperi.
Sa.-ceterum hoc nihil863 facis?
Es.-Passe devant, en force, et ouvre
la porte. Sa.-Par ailleurs, tu comptes mes paroles pour rien ?
1 abi prae strenve aut abi prae "prior abi", "praei", ut
«
i prae, sequor
66 », aut praestrenue ut «
praediuitis urbe Latini
67 ». 2 abi prae strenve magna
contemptio minarum lenonis, non respondisse Aeschinum ad ea quae
dixit. 3 cetervm hoc nihil facis
nihil pro non. 4 Legitur et nihili.
1 abi prae strenve soit abi prae (pars le premier, passe
devant), comme dans : « i prae, sequor », soit praestrenue (très vigoureusement),
comme dans : « praediuitis urbe Latini » (Latinus, très riche de
sa cité)327. 2 abi prae strenve c'est une marque de grand
mépris pour les menaces du proxénète de la part d'Eschine que de
ne pas répondre à ses paroles. 3 cetervm hoc nihil facis nihil mis pour non. 4 On lit aussi nihili328.
Ae.-i intro nunc iam tu. Sa.-at
enim864 non sinam. Ae.-accede illuc,
Parmeno:
Es.-Et toi, maintenant, entre.
Sa.-Mais enfin, je ne vais pas laisser faire. Es.-Avance là-bas,
Parménon :
At enim non sinam enim inceptiua particula apud ueteres
fuit, sed et conuenit perturbato45.
at enim non sinam enim était une particule de début de
phrase chez les Anciens, mais elle convient aussi au style d'un
homme sous le coup d'une émotion.
nimium istuc abisti: hic propter hunc
adsiste: em sic uolo!
non, là tu es allé trop loin ; ici,
mets-toi près de lui. Voilà, parfait !
1 nimivm istvc abisti quasi ex contumacia
lenonis appareat, quam multum abierit. 2 propter hvnc "iuxta hunc", ut Vergilius
«
templum de marmore ponam propter aquam
68 ». 3 em sic volo mire comicus
ex alterius uerbis quid faciat alter ostendit.
1 nimivm istvc abisti comme si c'était à la
pugnacité du proxénète qu'on estime de quelle distance il est trop
éloigné. 2 propter hvnc "à côté de
lui", comme dans Virgile : « templum de marmore ponam propter
aquam » (je placerai un temple de marbre près de l'eau). 3 em sic volo de façon remarquable, le poète
comique fait comprendre ce que fait l'un grâce aux mots de
l'autre.
caue nunc iam oculos a meis oculis
quoquam demoueas tuos,
Et maintenant ne bouge plus tes yeux
de mes yeux,
ne mora sit, si innuerim, quin pugnus
continuo in mala haereat.
pour ne pas manquer, au moindre signe
de ma part, de lui coller tout de suite ton poing sur la
mâchoire.
1 qvin pvgnvs continvo pugnus a pugna dicitur. 2 An ab illo pugna? 3 pvgnvs continvo id est uestigium
litigantis.
1 qvin pvgnvs continvo pugnus vient de pugna (lutte). 2 A moins que ce ne soit pugna qui vient de pugnus329 ? 3 pvgnvs continvo c'est-à-dire une trace
laissée par un combattant.
Sa.-istuc uolo ergo ipsum
experiri865. Ae.-em
serua: omitte mulierem!
Sa.-Je voudrais bien voir ça !
Es.-Hep ! attention : oublie cette femme !
1 istvc volo experiri expresse ostendit
pauperioris loquacem contumaciam usque ad periculum
caedis. 2 istvc volo experiri hoc
illo dicente seruus lenonem uerberat. 3 em serva nescias cui hoc dicat Aeschinus,
utrum lenoni an seruo; sed seruo magis.
1 istvc volo experiri de façon expressive il
montre la pugnacité hâbleuse du pauvre qui le mène jusqu'au risque
de se faire battre. 2 istvc volo
experiri pendant qu'il dit cela, l'esclave frappe le
proxénète. 3 em serva on ne sait trop
à qui Eschine dit cela, au proxénète ou à l'esclave ; mais à
l'esclave c'est préférable.
Sa.-o indignum facinus!
Ae.-geminabit, nisi caues. Sa.-ei misero mihi!
Sa.-O l'indigne attentat ! Es.-Il va
doubler la mise si tu ne fais pas attention. Sa.-Aïe, pauvre de
moi !
1 geminabit nisi caves hoc comminantis est,
non iubentis ferire; sed quia longe stat Parmeno, gemina putauit dictum. 2 Et geminabit
plagam. 3 geminabit nisi caves non
singularem pugnum et unum dabit, sed geminatos duplicatosque
numero inferet. 4 ei misero
mihi leno depulsatur.
1 geminabit nisi caves c'est le propos d'un
homme qui menace, non qui ordonne de frapper ; mais comme Parménon
se tient un peu loin, il a cru qu'on disait gemina (remets ça)330. 2 Et geminabit un coup. 3 geminabit nisi caves il ne donnera pas un
seul coup de poing au singulier, mais il en mettra des jumeaux,
des doubles en nombre. 4 ei misero
mihi le proxénète est repoussé.
Ae.-non innueram; uerum in istam
partem potius peccato tamen.
Es.-Mais je n'avais pas fait signe ;
enfin, trompe-toi plutôt dans ce sens-là.
1 non innveram conuenienter poeta auidiorem
maleficiendi inducit seruum, cum supra dominum inuitum ostenderit
cogi ad inferendam iniuriam. 2 in istam partem potivs peccato "ut uerberes
non iussus quam iussus non uerberes".
1 non innveram comme il faut, le poète met en
scène un esclave qui a bien envie de faire mal, alors que
ci-dessus il montrait que le maître était forcé malgré lui de
faire du tort à l'autre. 2 in istam partem
potivs peccato "de frapper sans en avoir reçu l'ordre
plutôt que de ne pas frapper en en ayant reçu l'ordre".
i nunc iam. Sa.-quid hoc rei est?
regnumne, Aeschine, hic tu possides?866
Vas-y maintenant. Sa.-Qu'est-ce que
c'est que cette histoire ? C'est un royaume, Eschine, que tu
possèdes ici ?
1 nvnc iam duae partes istae sunt. 2 nvnc iam46 bene iam, quia sero et post
plagas. 3 Et utrum hoc lenoni, ut abeat, an puellae,
ut introeat, dicitur? sed facetius, si lenoni intellegas dici,
quasi hoc factum sit quod uoluerit et quasi uenerit, ut
uapularet. 4 Et iam tarditatis incusatio est, ut Vergilius
«
iam melior, iam diua parens
69 ». 5 regnvmne aeschine
inuidiosa moraliter exclamatio et ardentior ob plagas. 6 regnvmne aeschine hic tv possides bene
hic, id est Athenis, ubi
grauius crimen est dominari uelle. nam tyranni semper ibi oppressi
sunt et maxime proxime.
1 nvnc iam il y a là deux mots. 2 nvnc iam iam est bien trouvé, parce que c'est
tardivement et après les coups. 3 Et
dit-il cela au proxénète, pour qu'il s'en aille, ou à la jeune
fille, pour qu'elle entre ? Mais c'est plus drôle si on comprend
que ça s'adresse au proxénète, comme s'il était arrivé quelque
chose qu'il souhaitait et qu'il fût venu dans le but de se faire
battre. 4 Et iam c'est un reproche de
lenteur, comme dans Virgile : « iam melior, iam diua parens » (et
toi, déesse mère, enfin, enfin un peu indulgente)331. 5 regnvmne
aeschine exclamation jalouse conforme à son caractère, et
rendue plus ardente à cause des coups. 6 regnvmne aeschine hic tv possides c'est
bien de dire hic,
c'est-à-dire à Athènes, où c'est un crime particulièrement grave
de vouloir dominer. Car les tyrans toujours y ont été réprimés, et
de façon absolument immédiate332.
Ae.-si possiderem, ornatus esses ex
tuis uirtutibus.
Es.-Si j'en possédais un, tu serais
décoré selon tes mérites.
1 si possiderem ἠθικὴ εἰρωνεία contemnentis
inuidiam. 2 ornatvs esses ex tvis
virtvtibvs cito ostendit, quantum a se longe sit regnum,
qui dixit ornari potuisse hunc lenonem ex uirtutibus suis.
347 Sic ueteres per ironiam uirtutes pro flagitiis dicebant.
Lucilius «
animo ac uirtutibus
70 ».
1 si possiderem ironie caractéristique
(ἠθικὴ
εἰρωνεία) de celui qui méprise la jalousie
d'autrui. 2 ornatvs esses ex tvis
virtvtibvs il montre aussitôt combien il est loin d'être
un roi, en disant que ce proxénète aurait pu être décoré de ses
vertus. 3 Ainsi les Anciens disaient
uirtutes ironiquement
pour désigner des défauts honteux. Lucilius : « animo ac
uirtutibus » (son âme et ses qualités).
Sa.-quid tibi rei mecum est? Ae.-nil.
Sa.-quid? nostin qui siem867? Ae.-non desidero.
Sa.-Pourquoi t'en prends-tu à moi ?
Es.-Pour rien. Sa.-Quoi ? Tu ne sais pas qui je suis ? Es.-Je n'en
ai pas besoin.
1 qvid tibi rei mecvm est hoc quia uerberatus
est dicit, ut quid tibi
debeo?, non quia sibi nihil debeatur. 2 nihil facete, quia et ipse abstulit et
nihil uult a se repeti. 3 qvid nostin qvi
siem proprie: sic enim dicit, qui nihil quicquam debet:
non me nouit, non quod
ignoretur, sed quod in iure non cernatur.
1 qvid tibi rei mecvm est il dit cela parce
qu'il a été roué de coups, comme quid
tibi debeo ? (quelle est ma dette à ton égard ?), non
parce qu'on ne lui doit rien à lui333. 2 nihil amusant, parce que
c'est lui l'auteur de l'enlèvement et qu'il ne veut rien se faire
reprendre. 3 qvid nostin qvi siem
proprement : car parle ainsi celui qui n'a absolument aucune
dette : non me nouit, non
au sens d'une chose ignorée, mais à celui d'une chose qui dans un
procès n'est pas instruite.
Sa.-tetigin tui quicquam? Ae.-si
attigisses, ferres infortunium.
Sa.-Ai-je touché à un de tes biens ?
Es.-Si tu y avais touché, tu sentirais bien ton malheur.
si attigisses ferres infortvnivm plus dixit
attigisses quam tetigisses; est enim multo minus quam
tangere.
si attigisses ferres infortvnivm il dit
plus avec attigisses
qu'avec tetigisses (tu
avais touché) ; car le verbe est très atténué par rapport à
tangere334.
Sa.-qui tibi magis licet meam habere,
pro qua ego argentum dedi?
Sa.-D'où alors t'autorises-tu à me
prendre cette femme, que j'ai échangée contre de l'argent ?
1 qvi tibi magis licet haec non tam
ratiocinatio est quam exclamatio per dolorem. 2 meam habere pro qva ego argentvm dedi
meam suffecerat, sed magna
moralitate additum est ad uociferationem pro qua ego argentum dedi. simul
etiam ostendit leno quid repetat. 3 qvi tibi magis licet si mihi, inquit, non
licet attingere tuam, cur
tibi licet meam non tangere, sed habere? 4 Et habere utrum domi in consuetudine an corrumpere
aut48 stuprare
intelligemus?
1 qvi tibi magis licet ce n'est pas tant un
raisonnement qu'une exclamation de douleur. 2 meam habere pro qva ego argentvm dedi
meam aurait suffi, mais,
avec un grand sens du caractère, il ajoute, jusqu'à crier,
pro qua ego argentum
dedi. En même temps aussi le proxénète révèle ce qu'il
réclame. 3 qvi tibi magis licet si
moi, dit-il, je n'ai pas le droit de l'effleurer (attingere), pourquoi toi as-tu le
droit non pas de la toucher (tangere), mais de la prendre
(habere) ? 4 Et habere est-ce la garder à la maison dans
une relation suivie, ou bien la corrompre ou la déshonorer, que
nous devrons comprendre ?
responde. Ae.-ante aedes non fecisse
erit melius hic conuicium:
Réponds. Es.-Tu feras mieux de ne pas
faire ce charivari devant la porte.
ante aedes non fecisse non erat, quod ad
haec iuste responderet, et ideo sic respondet, ut conuicium dicat, quod diuersum
est.
ante aedes non fecisse il n'y avait rien
d'autre de juste à répondre à cela, et il répond de façon à dire
conuicium, qui est une
façon de détourner l'accusation335.
nam si molestus pergis esse, iam
intro abripiere atque ibi
Car si tu continues à m'agacer, tu
vas te faire traîner dedans et là,
usque ad necem operiere loris.
Sa.-loris liber? Ae.-sic erit.
jusqu'à ce que mort s'ensuive, tu vas
te faire fouetter. Sa.-Fouetter ? Un homme libre ? Es.-Ce sera le
cas.
1 loris liber lora apud ueteres laura dicebantur a lauro triumphorum,
sub qua necesse erat captiuos uinciri ducique per pompam. ideo, ut
condicionis reminiscantur, loris caeduntur mancipia. 2 Nam mancipia dicuntur, quod manu capta sunt, serui quod seruati sunt, cum eos occidi
oporteret iure belli. unde Vergilius sic inducit captiuum rogantem
«
per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor,
hanc animam serues natoque patrique
71 ».
1 loris liber lora chez les Anciens se disait
laura, d'après les
lauriers du triomphe sous lesquels il fallait que les captifs
soient attachés et conduits dans le cortège. C'est pour qu'ils se
souviennent de leur condition que les esclaves sont frappés de
verges (loris). 2 Car si les esclaves sont appelés mancipia, c'est parce qu'ils sont
maintenus sous la mains (manu
capta), et s'ils sont appelés serui, c'est parce qu'ils ont été
préservés (seruati),
alors qu'on aurait dû les tuer en vertu du droit de la guerre. Du
coup, Virgile met en scène un captif qui supplie de cette
manière : « per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor,
hanc animam serues natoque patrique » (par les mânes de ton père
et les espérances que fait naître ton Iule qui grandit, préserve
mon âme pour mon fils et pour mon père)336.
Sa.-o hominem inpurum! hicine
libertatem aiunt esse aequam omnibus?
Sa.-Oh le sale bonhomme ! Et on dit
qu'on est au pays de la liberté et de l'égalité pour tous ?
1 hicine libertatem Athenis
scilicet. 2 o hominem impvrvm sic
ueteres impurum
generaliter pro improbo ponebant, ut in eadem hac
fabula «
persuasit ille impurus, sat scio
72 ». 3 aeqvam omnibvs quasi
dicat: "ubi non est quomodo Aeschinus loquitur". 4 Et bene omnibus, ne49 lenones quidem uideantur excepti.
1 hicine libertatem Athènes
implicitement. 2 o hominem impvrvm c'est
ainsi que les Anciens disaient impurus de façon générique pour
improbus (malhonnête),
comme dans cette même pièce : « persuasit ille impurus, sat
scio ». 3 aeqvam omnibvs comme s'il
disait : "là où ce n'est pas comme Eschine le dit". 4 Et c'est bien de dire omnibus, en sorte que même les
proxénètes ne se sentent pas exclus.
Ae.-si satis iam debacchatus, leno,
es, audi si uis nunciam.
Es.-Si tu penses avoir fini ton
carnaval, maquereau, écoute un peu maintenant, s'il te plaît.
Sa.-egon debacchatus sum autem an tu
in me? Ae.-mitte ista atque ad rem redi.
Sa.-C'est moi qui fais le carnaval ou
bien toi, à mes dépens ? Es.-Laisse tomber et reviens au fait.
mitte ista atqve ad rem redi superbe
adulescens non putat lenoni se esse purgandum. ad rem autem ad negotium, de quo agitur, dicit.
mitte ista atqve ad rem redi avec morgue,
le jeune homme ne juge pas indispensable de présenter ses excuses
au proxénète. Par ad
rem, il désigne l'affaire dont il s'agit.
Sa.-quam rem? quo redeam? Ae.-iamne
me uis dicere id quod ad te attinet?
Sa.-Quel fait ? Où dois-je revenir ?
Es.-Veux-tu que je te dise quelque chose qui te concerne ?
1 qvam rem "quam abduxisti?". res enim intellegitur pecunia uel id,
pro quo pecunia danda est. 2 qvo redeam
"ad quam euertisti domum?". quia «
fores effregit atque in aedes irruit alienas
73 ». 3 id qvod ad te attinet
"quod tibi prodest et commodum est".
1 qvam rem "celle que tu as enlevée ?". Car
res se comprend au sens
d'argent ou de ce qu'il faut échanger contre de
l'argent. 2 qvo redeam "dans la
maison que tu as mise sens dessus dessous ?", parce que : « fores
effregit atque in aedes irruit alienas »337. 3 id qvod ad te
attinet "quelque chose qui t'est utile et favorable".
Sa.-cupio; aequi modo aliquid!
Ae.-uah, leno iniqua me non uult loqui!
Sa.-Je le souhaite, pourvu que ce
soit quelque chose de juste ! Es.-Ah ça ! un maquereau qui ne veut
pas que je dise des paroles injustes !
1 cvpio ille «
uis
74 » dixit, hic cupio. 2 aeqvi modo aliqvid dicas subauditur. 3 vah leno nomen sacrilegum, nomen iniustum:
iniquitatem agitat, iustitiae patrocinatur! totum hoc εἰρωνικῶς pronuntiandum
est.
1 cvpio l'autre dit « uis », celui-ci
cupio. 2 aeqvi modo aliqvid dicas (puisses-tu dire !) est
sous-entendu. 3 vah leno nom sacrilège,
nom de l'injustice : il a une activité inique et il prône la
justice ! il faut dire tout cela avec un ton ironique (εἰρωνικῶς).
Sa.-leno sum, fateor, pernicies
communis adulescentium,
Sa.-Oui je suis maquereau, j'avoue,
le fléau général de la jeunesse,
leno svm figura συγχώρησις.
leno svm figure de l'aveu (συγχώρησις).
periurus, pestis; tamen tibi a me
nulla orta est iniuria.
un parjure, une vérole ; mais à toi
pourtant, je n'ai rien fait de mal.
orta inivria orta coepta.
orta inivria orta signifie coepta (commencé).
Ae.-nam hercle etiam hoc restat!
Sa.-illuc quaeso redi, quo coepisti, Aeschine.
Es.-Ma foi, il ne manquerait plus que
ça ! Sa.-Reviens à ton début, s'il te plaît, Eschine.
1 illvc qvaeso redi qvo coepisti figurate,
rectum enim erat, unde
coepisti, nisi forte pronomen est modo accipiendum
quo, ut sit a quo. 2 Et bene memor est dixisse Aeschinum «
mitte ista atque ad rem redi
75 ».
1 illvc qvaeso redi qvo coepisti de façon
figurée ; il aurait été en effet correct de dire unde coepisti (d'où tu es parti), à
moins peut-être qu'il ne faille seulement comprendre quo comme un pronom, valant
a quo338. 2 Et il se souvient bien des paroles d'Eschine :
« mitte ista atque ad rem redi ».
Ae.-minis uiginti tu illam emisti
(quae res tibi uertat male!):
Es.-C'est pour vingt mines que tu as
acheté cette fille (que cela te porte malheur !) :
1 qvae res tibi vertat male adicit
contumeliam, quasi et hoc multum sit et inimicum. 2 Vertumnus
dicitur deus, qui rebus ad opinata se uertentibus praeest. saepe
autem male cedit, quod bonum putatur, et hoc est male uertisse; ut ille gladius, qui
muneri datus adminiculum fuit pereuntis, de quo Vergilius «
ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in
usus
76 ».
1 qvae res tibi vertat male il ajoute une
insulte, comme si cela aussi était beaucoup, et un acte
hostile339. 2 Le dieu Vertumne
tire son nom du fait qu'il préside aux situations qui se changent
(uertentibus) en ce à
quoi on s'attend340. Or souvent tourne mal ce qu'on croit bon, et
c'est cela male uertisse
(tourner mal) ; ainsi de ce glaive offert en cadeau et qui est
devenu l'instrument de celle qui agonise, au sujet duquel Virgile
dit : « ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in
usus » (elle tire l'épée troyenne, cadeau non prévu pour cet
usage).
argenti tantum dabitur. Sa.-quid si
tibi ego868 illam nolo uendere?
on t'en donnera autant. Sa.-Et si je
ne veux pas te la vendre, moi ?
1 qvid si tibi ego illam nolo vendere haec
maioris sunt stomachi et ideo stultiora; nam quod iam amisit,
uenditurum se negat. 2 Et quid si
nolo noue dictum. 3 Et τῷ ἰδιωτισμῷ quid si nolo cogis me? potest autem
dici: "quid enim, si nolo? cogis me?".
1 qvid si tibi ego illam nolo vendere cela
procède d'une colère plus grande et est particulièrement sot ; car
ce qu'il a désormais perdu, il refuse de le vendre. 2 Et quid si
nolo est une expression inédite341. 3 Et il
dit quid si nolo cogis
me ? avec un idiotisme (τῷ ἰδιωτισμῷ). On aurait pu dire :
quid enim, si nolo ? cogis
me ? (car quoi, si je ne veux pas ? tu
m'obliges ?)342.
cogis me? Ae.-minime. Sa.-namque id
metui. Ae.-neque uendendam censeo,
Tu m'y forces ? Es.-Pas du tout.
Sa.-Ah, c'est ce que je craignais. Es.-C'est qu'elle n'est pas
vendable, à mon avis,
1 minime εἰρωνεία. 2 namqve id metvi εἰρωνεία contumacis et ridicula in eo,
qui iam amisit id, de quo dicit se cogi non posse.
1 minime ironie (εἰρωνεία). 2 namqve id metvi ironie (εἰρωνεία) d'un
personnage obstiné et ironie qui prête à rire de la part de
quelqu'un qui a déjà perdu ce à propos de quoi il dit qu'on ne
peut pas le forcer.
quae libera est: nam ego liberali
illam adsero causa manu.
vu qu'elle est libre : car moi je lui
impose la main pour la libérer.
nam ego liberali illam ordo est: "liberali
causa manu adsero". et sunt iuris uerba, a quibus etiam adsertores dicuntur uindices alienae
libertatis, ut et causa ipsa liberalis dicitur, quae actionem in
se continet libertatis.
nam ego liberali illam l'ordre est :
"liberali causa manu adsero" (je l'attire par la main dans
l'objectif de la libérer). Et c'est une formule juridique d'où
vient qu'on appelle adsertores les responsables de la
liberté d'autrui, de même que la cause même est appelée liberalis, parce qu'elle contient en
elle-même l'acte de libération.
nunc uide, utrum uis? argentum
accipere an causam meditari tuam?
Donc vois ce que tu veux : prendre
l'argent ou préparer ta défense ?
delibera hoc, dum ego redeo, leno.
Sa.-pro supreme Iuppiter!
Réfléchis-y, le temps que je
revienne, maquereau. Sa.-Par le grand Jupiter !
1 pro svpreme ivppiter haec allocutio ad hoc
inducta est, ut ex uerbis lenonis appareat, quam facile mitis
fieri possit et quiduis libenter accipere. 2 pro svpreme ivppiter supremum summum nunc dicit - ab eo
quod est superum et
superius fit supremum -, ut Vergilius «
rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos
ad limina misit
77 ». etsi non abhorret a persona et plebei et lenonis et
uim passi Iouem ipsum conuicio prosequi, ut cotidie uidemus ab
hominibus eius loci et ordinis fieri.
1 pro svpreme ivppiter cette adresse est mise
là dans le but de montrer, par les paroles du proxénète, combien
il peut s'adoucir et accepter de bon gré n'importe quoi. 2 pro svpreme ivppiter supremus veut dire ici summus (supérieur) - c'est de
superus et de superius qu'on fait supremus -, comme chez Virgile :
« rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos ad limina
misit » (c'est notre roi lui-même, de la descendance suprême de
Jupiter, le Troyen Enée, qui nous a envoyés sur tes bords).
D'ailleurs un personnage de plébéien, de proxénète, de victime de
violence, ne répugne pas à poursuivre jusqu'à Jupiter dans son
invective, comme on le voit faire tous les jours d'hommes de cette
condition et de ce rang.
minime miror qui insanire occipiunt
ex iniuria.
Je ne suis pas surpris qu'il y ait
des gens qui deviennent fous après une injustice.
1 minime miror qvi insanire occipivnt ex
inivria sensus hic est: "insanos fieri per iniuriam
plerosque mirabar, sed iam non miror, postquam ego ipse per
iniuriam, quam sum passus, insanire compellor adeo, ut exclamem
pro Iuppiter!". 2 Et simul animaduerte
uigilantem poetam, ubicumque in comoedia uocem tragicam extulerit,
statim personam insanam
dicere. sic et supra «
pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam!
78 ».
1 minime miror qvi insanire occipivnt ex
inivria voici le sens : "je m'étonnais que beaucoup
deviennent fous à cause d'une injustice, mais aujourd'hui je n'en
suis plus étonné après avoir moi-même, à cause d'une injustice que
j'ai subie, été poussé à la folie au point de m'exclamer
pro
Iuppiter !". 2 Et
remarquez en même temps la vigilance du poète qui, à chaque fois
que dans une comédie il produit une parole tragique, dit aussitôt
du personnage qu'il est fou (insanam). Ainsi ci-dessus
également : « pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam ! »343.
domo me eripuit, uerberauit; me
inuito abduxit meam.
Il m'a sorti de chez moi, m'a roué de
coups ; contre mon gré il m'a dérobé ma petite.
1 me invito abdvxit meam honestiori personae
haec querela sufficeret abduxit
meam, at leno bene addidit me inuito: nam abducuntur meretrices
et cum uoluntate lenonum. 2 Et decora locutio per ἔλλειψιν me inuito abduxit meam50: non enim addidit puellam aut quid tale.
1 me invito abdvxit meam pour un personnage
plus honorable, cette seule plainte aurait suffi : abduxit meam, mais le proxénète fait
bien d'ajouter me
inuito : car les courtisanes se font enlever y compris
avec l'assentiment des proxénètes. 2 Et l'expression est jolie grâce à l'ellipse
(per ἔλλειψιν) : me inuito abduxit meam : car il
n'ajoute pas puellam (ma
poule) ou quelque chose de ce genre.
homini misero plus quingentos
colaphos infregit mihi!
Pour mon malheur, il m'a flanqué plus
de cinq cents coups !
1 homini misero secundum illud Menandri
« †αιγοστηποιωντοιγο† ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην
λαβών51 ». 2 homini misero plvs qvingentos colaphos
contumeliosa caedes colaphos et indigna lenoni, qui et
infregit, ut illudens hoc
fecisse Aeschinus uideatur, cum sonitu se delectat. infregit autem inlisit, inflixit. 3 homini misero plvs qvingentos colaphos
flebiliter pronuntiandum: hoc enim exprimitur incusare eum in
alieno facto fortunam suam. 4 Et uide, quantum distet hoc ab illo, quod
supra dicebat «
ipsum istuc uolo experiri
79 »: hoc quia solus est, illud quia cum aduersario.
1 homini misero selon le mot de Ménandre
« †αιγοστηποιωντοιγο†
ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην λαβών » (...de sept cent
gnons, et il avait pris son domestique)344. 2 homini misero plvs
qvingentos colaphos colaphos caractérise une volée de
coups insultante et que le proxénète ne mérite pas, lui qui dit
aussi infregit, pour
qu'on ait l'impression qu'Eschine a fait cela par raillerie, en se
délectant du bruit des claques. Quant à infregit, il veut dire "il m'a
blessé" (inlisit),
"infligé" (inflixit)345. 3 homini misero plvs
qvingentos colaphos il faut le dire sur un ton
pleurnichard : car ce qui est dit là, c'est qu'il incrimine son
infortune à l'occasion de l'acte d'autrui. 4 Et voyez la différence de cette réplique à la
précédente ci-dessus : « ipsum istuc uolo experiri » : celle-ci
parce qu'il est seul, la précédente parce qu'il était avec un
adversaire.
ob malefacta haec tantidem emptam
postulat sibi tradier!869
Et en face de ces forfaits, il
réclame que la fille lui soit transférée au même prix !
tantidem emptam
postvlat legitur tantidem
emptam postulat sibi darier52.
tantidem emptam
postvlat on lit aussi tantidem emptam postulat sibi
darier (il réclame qu'on la lui donne au même
prix)346.
uerum enim quando bene promeruit,
fiat! suum ius postulat.
Mais enfin, puisqu'il a fait une
offre correcte, soit ! Il réclame son droit.
bene promervit bene multum; promeruit "adiuuit", "profuit", cui
contrarium est commeruit;
nam mereri et promereri est praestare beneficium.
Vergilius «
quique sui memores alios fecere merendo
80 » et «
numquam, regina, negabo promeritam
81 ».
bene promervit bene signifie multum (beaucoup) ; promeruit signifie "il a été aidant"
(adiuuit), "utile"
(profuit), et le
contraire est commeruit
(il s'est rendu coupable) ; car mereri et promereri c'est offrir un bienfait.
Virgile : « quique sui memores alios fecere merendo » (ceux qui
par leurs bienfaits ont fait se conserver leur souvenir dans la
mémoire des autres) et : « numquam, regina, negabo promeritam »
(jamais, reine, je ne nierai ma dette à ton égard).
age iam cupio, si modo argentum
reddat. sed ego hoc hariolor:
Allons, j'y consens, pour peu qu'il
donne l'argent. Mais j'ai un pressentiment :
ubi me dixero dare tanti, testis
faciet ilico,
dès que j'aurai dit que je la donne à
tant, il inventera aussitôt des témoins
vbi me dixero dare tanti recte dixit; ubi
enim pactio intercesserit pretii, iam ereptionis actio sublata
erit et pretium debebitur.
vbi me dixero dare tanti il dit juste ; car
quand un prix aura été fixé de gré à gré, alors l'acte
d'enlèvement sera aboli et le prix sera dû.
uendidisse me; de argento somnium;
mox: « cras redi ».
pour dire que j'ai déjà réalisé la
vente ; et l'argent, dans mes rêves ! ; ensuite : « reviens
demain ».
mox cras redi mire transiit ad μιμητικόν.
mox cras redi il passe de façon remarquable
au style direct (μιμητικόν).
id quoque possum pati870, si
modo reddat, quamquam iniurium est;
Je peux tolérer ça aussi, s'il paye,
malgré l'injustice ;
1 id qvoqve possvm pati ipsum «
mox, cras redi
82 », id est moram. 2 qvamqvam inivrivm
est uendere, quod nolis scilicet.
1 id qvoqve possvm pati la formule même
« mox, cras redi », c'est-à-dire un retard dans le
paiement. 2 qvamqvam inivrivm est de
vendre ce qu'on ne veut pas, implicitement.
uerum cogito id quod res est: quando
eum quaestum inceperis871,
mais je réfléchis à la réalité :
quand on entreprend de faire ce métier,
1 id qvod res est pro: "id quod uerum est".
noua locutio. 2 qvando evm qvaestvm
inceperis ut in Andria «
dein quaestum occipit
83 ».
1 id qvod res est mis pour : "ce qui est
réel". Expression inédite. 2 qvando evm qvaestvm
inceperis comme dans L'Andrienne : « dein
quaestum occipit ».
accipienda et mussitanda iniuria
adulescentulum est.
il faut accepter et garder pour soi
les mauvaises manières de ces gamins.
mvssitanda "patienda, consideranda cum
silentio et ut in amatore putanda ac per hoc perferenda".
mussitare enim proprie
"dissimulandi causa tacere" est, uel a muto uel ab M, quae est littera
nimium pressae uocis ac paene nullius adeo, ut sola omnium, cum
inter uocales inciderit, atteratur atque subsidat. hinc Vergilius
«
mussat rex ipse Latinus
84 ».
mvssitanda "qu'il faut endurer, regarder en
silence et juger à l'aune d'un amoureux", et par là même
"supporter". Car mussitare c'est au sens propre "se
taire pour cacher quelque chose", et l'origine est soit mutus (muet), soit la lettre
M347, qui est un son
excessivement étouffé et presque nul au point que, seule entre
toutes, quand elle se trouve entre deux voyelles, elle s'affaiblit
et s'amuït. D'où chez Virgile : « mussat rex ipse Latinus » (le
roi Latinus lui-même reste silencieux).
sed nemo dabit; frustra egomet mecum
has rationes puto.
Mais personne ne paiera ; c'est en
vain que je me fais tous ces calculs.
frvstra egomet mecvm praeparationis genus
ad accipiendas uiginti minas totius summa est disputationis.
frvstra egomet mecvm ce genre de
préparation pour accepter les vingt mines est le résumé de toute
la dispute.
scaena altera
Sannio Syrus
209 | 210 | 211 | 212 | 213 | 214 | 215 | 216 | 217 | 218 | 219 | 220 | 221 | 222 | 223 | 224 | 225 | 226 | 227 | 228 | 229 | 230 | 231 | 232 | 233 | 234 | 235 | 236 | 237 | 238 | 239 | 240 | 241 | 242 | 243 | 244 | 245 | 246 | 247 | 248 | 249 | 250 | 251 | 252 | 253
Sy.-tace, egomet conueniam iam ipsum;
cupide accipiat faxo atque etiam
Sy.-Sois tranquille, c'est moi qui
vais aller le trouver en personne ; je vais le faire accepter avec
gourmandise et même
1 tace egomet conveniam iam ipsvm in hac
scaena actus est exemplum continens uitae auarorum, qui saepe in
damnum ipsius auaritiae rationibus ruunt; simul etiam duorum inter
se nequam hominum spectanda quaedam uicissim et dolosa captio
est. 2 tace egomet conveniam iam
ipsvm tace si pro
aduerbio est positum, omnibus dicitur, si pro uerbo, Ctesiphoni
dicitur maxime sollicito et supplicanti omnibus ob metum patris.
iam autem nunc non
tardationis sed properationis est significatio.
1 tace egomet conveniam iam ipsvm dans cette
scène, l'action est un exemple touchant au mode de vie des gens
cupides, qui, souvent, courent à la banqueroute en suivant les
plans mêmes que leur souffle leur cupidité ; en même temps aussi,
il faut observer comment deux vauriens se jouent alternativement
des tours pendables. 2 tace egomet
conveniam iam ipsvm si tace fonctionne comme un adverbe,
il est dit à la cantonnade, s'il fonctionne comme verbe, il
s'adresse à Ctésiphon348, qui est le plus inquiet
et qui supplie tout le monde à cause de la crainte qu'il a de son
père. Quant à iam, il n'a
pas ici un sens de retardement mais d'accélération.
bene dicat secum esse actum. quid
istuc, Sannio, est quod te audio
le faire dire qu'on l'a bien traité.
Qu'est-ce c'est, Sannion, que j'entends là, que tu
1 bene dicat secvm esse actvm recte additum,
nam multa cupide accipimus, ita tamen, ut male nobiscum actum esse
dicamus. 2 qvid istvc sannio est
illud supra post scaenam, hoc iam in proscaenio dicitur. 3 Et uide quam ingeniose
Terentius, qui supra ab Aeschino lenonis nomine facit Sannionem
uocari, utpote ab homine arroganti et feroci ob aetatem ac
negotium, at hunc blande circumuenientem honorificentius inducit
cum lenone loqui et eum Sannionem uocare. fere qui in sordidis
professionibus agunt, honorifice proprio nomine appellas, at
splendidis artibus53
constituti gaudent artis nomine nuncupari, ut imperator orator
philosophus. sic et in Eunucho «
audire uocem uisa sum militis
8554 » apud se loquens meretrix,
et postquam illum comminus uidet «
salue mi Thraso
86 » inquit, non salue
miles, quod erat durissimum, et mox irata personat
«
miles, nunc adeo edico tibi
87 ».
1 bene dicat secvm esse actvm ajout correct.
Car il y a beaucoup de choses que nous recevons avec cupidité au
point de dire, pourtant, qu'"on nous a mal traités". 2 qvid istvc sannio est le début ci-dessus se
dit en coulisse, ce passage-ci sur l'avant-scène349. 3 Et voyez le talent de Térence, qui ci-dessus fait
interpeller Sannion par Eschine du nom de proxénète, dans la
mesure où Eschine est un être arrogant et sans pitié en raison de
son âge et de ses occupations, alors qu'il met en scène ici un
Syrus qui tente de circonvenir Sannion de façon agréable et qui
s'adresse à lui plus cérémonieusement et l'appelle de son nom.
Généralement, quand on a affaire à des gens qui exercent des
métiers sans prestige, on leur fait honneur en les appellant par
leur nom propre, alors que ceux qui se trouvent dans des
catégories professionnelles supérieures apprécient de se faire
appeler du nom de leur profession, par exemple un général, un
orateur, un philosophe. Ainsi dans L'Eunuque, la
courtisane dit dans un monologue : « audire uocem uisa sum
militis » ; et dès qu'elle le voit de près, elle dit : « salue mi
Thraso » et non pas "salue miles" (salut, soldat), propos qui eût
été très insultant ; puis, sous le coup de la colère, elle crie :
« miles, nunc adeo edico tibi »350.
nescio quid concertasse cum ero?
Sa.-numquam uidi iniquius
t'es disputé sur je ne sais quoi avec
mon patron ? Sa.-Jamais je n'ai vu de chose plus inégale
1 nescio qvid concertasse cvm ero argute
positum nescio quid: uult
enim ex illo audire, ut nanciscatur initium persuadendi, quod
cupit. 2 concertasse οἰκονομία: honorifice
lenonem tractat, ut et placidum sibi reddat et ut faciat eum ad
contemnendam pecuniam liberalem; nam honestas adimit auaritiam.
concertasse non
caesum
esse55.
1 nescio qvid concertasse cvm ero nescio quid est adroitement mis :
car Syrus veut apprendre l'histoire de la bouche de Sannion pour
trouver un début d'argumentaire pour le convaincre de ce qu'il
veut. 2 concertasse effet de
préparation (οἰκονομία) : il traite le proxénète
cérémonieusement, pour d'une part se l'amadouer et d'autre part le
rendre généreux jusqu'à mépriser son argent ; car la politesse a
raison de la cupidité. Concertasse et non caesum esse (tu t'es fait
massacrer)351.
certationem comparatam, quam quae
hodie inter nos fuit;
que cette dispute qui s'est faite
aujourd'hui entre nous deux ;
1 certationem comparatam ἓν διὰ δυοῖν quia
ille «
concertasse
88 » dixit56. 2 comparatam proprie, alias
constitutam. 3 Et comparatam ad Syri dictum refert, qui
ait concertationem fuisse
pares faciens Aeschinum et lenonem. nam Sannio uult sibi deberi et
pro eo quod uapulauit, quod illi abstulit Syrus dicendo eum non
uerberatum esse sed potius certauisse. 4 Et proprie dixit certationem ipsum actum; nam
certamen est ipsa res, de
qua certatur, uter columbam sagitta feriat, uter prior decurrat ad
metas -nam sic Vergilius in Bucolicis «
uelocis iaculi
c.
certamina
p.
ponit
i.
in
u.
ulmo
89 » -; at uero certatio ipse actus contentioque
certantium est.
certationem comparatam hendiadys (ἓν διὰ δυοῖν), parce
que lui disait « concertasse »352. 2 comparatam au sens
propre ; ailleurs353 cela signifie
constitutam
(décidé). 3 Et comparatam renvoie au mot de Syrus,
qui a dit qu'il y avait eu un conflit (concertatio), mettant ainsi à
égalité Eschine et le proxénète. Car Sannion veut rester débiteur
y compris des coups qu'il a reçus, ce dont Syrus le prive en
disant qu'il n'a pas été roué de coups mais plutôt qu'il s'est
battu354. 4 Et au sens
propre certatio désigne
l'acte lui-même ; car si certamen désigne la chose même qui
est l'objet de la lutte355, comme de savoir
lequel des deux tuera la colombe de sa flèche, lequel des deux
franchira la ligne d'arrivée en tête - ainsi Virgile dans les
Bucoliques356 : « uelocis iaculi certamina ponit in
ulmo » (il instaure un concours de lancer de javelot en plaçant la
cible sur un orme) -, certatio en revanche désigne
l'action et l'acte de débattre entre adversaires357.
ego uapulando, ille uerberando, usque
ambo defessi sumus.
moi à force d'encaisser, lui à force
de frapper, nous sommes tous les deux épuisés.
ille verberando vsqve incerta distinctio
est: uel uerberando usque
uel usque defessi. et est
usque aduerbium:
significat enim aut diu
aut multum.
ille verberando vsqve ponctuation
indécise : on segmente ou bien uerberando usque (jusqu'à me rosser)
ou bien usque defessi
(jusqu'à l'épuisement). Et usque est un adverbe : car il a le
sens de diu (longtemps)
ou de multum
(beaucoup)358.
Sy.-tua culpa. Sa.-quid facerem?
Sy.-adulescenti morem gestum oportuit.
Sy.-C'est de ta faute. Sa.-Qu'y
pouvais-je ? Sy.-Tu aurais dû te montrer complaisant avec ce jeune
homme.
1 tva cvlpa potest et nominatiuus et septimus
casus esse. si nominatiuus, deest est, si septimus, deest factum est. 2 advlescenti morem gestvm oportvit ab aetate
adiuuatur sententia, ideo adulescenti dixit, non Aeschino. 3 Et morem
gerere proprie lenonis est et meretricis, unde et ipse
sic respondet, ut non fugiens κακέμφατον dicat «
usque os praebui
90 ». 4 advlescenti morem gestvm
cum emphasi adulescenti
pronuntiandum, scilicet qui facile assensione caperetur.
1 tva cvlpa ce peut être un nominatif ou un
septième cas359. Si c'est
un nominatif, il manque est, si c'est l'ablatif, il manque
factum est (c'est
arrivé)360. 2 advlescenti morem
gestvm oportvit l'énoncé est appuyé par l'âge de Syrus, et
il peut dire "le gamin" au lieu de dire "Eschine". 3 Et morem
gerere (se montrer complaisant) c'est le propre d'un
proxénète et d'une courtisane ; c'est pourquoi lui-même répond,
sans échapper à l'allusion grivoise (κακέμφατον) : « usque os praebui »361. 4 advlescenti morem
gestvm il faut prononcer adulescenti avec emphase,
implicitement pour expliquer qu'un jeune homme se laisse
facilement prendre aux flatteries.
Sa.-qui potui melius, qui hodie usque
os praebui? Sy.-age, scis quid loquar?
Sa.-Comment pouvais-je faire mieux,
moi qui aujourd'hui ai été jusqu'à m'offrir docilement à ses coups
de boutoir ? Sy.-Allons, tu sais ce que je veux te dire ?
1 qvi potvi melivs subauditur morem gerere. et hoc subtiliter leno,
cum morem gerendum fuisse in meretricis pretio dixerit
Syrus. 2 hodie hodie non tempus significat, sed
iracundam eloquentiam ac stomachum, ut Vergilius «
numquam omnes hodie moriemur inulti
91 ». 3 age modo corripientis
aduerbium est. 4 scis qvid loqvar argute,
quia simulauerat leno non intellexisse quod dixerat
seruus. 5 scis qvid loqvar legitur
et si quid loquar.
1 qvi potvi melivs on sous-entend morem gerere (être complaisant). Et
le proxénète se montre ici subtil, puisque Syrus a dit qu'il
fallait se montrer complaisant dans le prix de revente de la
courtisane. 2 hodie hodie ne marque pas ici le temps
mais l'éloquence de la colère et le courroux, comme dans Virgile :
« numquam omnes hodie moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous
aujourd'hui sans être vengés)362. 3 age c'est parfois un adverbe de
reproche. 4 scis qvid loqvar subtil,
car le proxénète faisait semblant de ne pas avoir compris ce que
disait l'esclave. 5 scis qvid
loqvar on lit aussi si quid
loquar.
pecuniam in loco neglegere maximum
interdum est lucrum. Sa.-hui!
perdre de l'argent à propos est
parfois une très bonne affaire. Sa.-Ah oui ?
maximvm interdvm est lvcrvm bene additum et
in loco
et57 interdum: non enim semper.
maximvm interdvm est lvcrvm il fait bien
d'ajouter in loco et
interdum : car ce n'est
pas "toujours".
Sy.-metuisti, si nunc de tuo iure
concessisses paululum, atque
Sy.-Tu craignais, en renonçant un
tout petit peu à tes droits et
1 si nvnc de tvo ivre concessisses ne
diceret: "non erat res mea, quam uenalem habui". 2 An de tuo
iure de lenonia duritia, ut alibi «
meo iure utar, ut potior sit, qui prior ad dandum
est
92 »?
1 si nvnc de tvo ivre concessisses de ne pas
dire : "ce n'était pas mon bien, que j'ai acheté pour de
l'argent". 2 A moins que de tuo iure soit une allusion à la
dureté des proxénètes, comme ailleurs : « meo iure utar, ut potior
sit, qui prior ad dandum est » ?
adulescenti esses morigeratus,
hominum homo stultissime,
en te montrant complaisant avec le
jeune homme, espèce d'imbécile sans égal,
ne non tibi istuc faeneraret? Sa.-ego
spem pretio non emo.
que cela ne te rapporte pas
d'intérêts ? Sa.-Moi je n'achète pas l'espoir à prix d'argent.
1 ne non tibi istvc faeneraret faeneratum est "cum lucro redditum et
multiplicatum". faeneraret
ergo non Aeschinus sed ipsa res, in qua faeneratio. 2 ego spem pretio non emo ἀντινομία contra «
pecuniam in loco neglegere maximum interdum est
lucrum
93 ».
1 ne non tibi istvc faeneraret faeneratus veut dire "rendu avec
bénéfice et coefficienté". Donc faeneraretn'a pas pour sujet
Eschine, mais le bien lui-même, dans lequel il y a de
l'intérêt. 2 ego spem pretio non emo
c'est l'antinomie (ἀντινομία) contraire de : « pecuniam in
loco neglegere maximum interdum est lucrum ».
Sy.-numquam rem facies; abi, nescis
inescare homines, Sannio.
Sy.-Alors tu ne feras jamais
d'affaires ; file, tu ne sais pas appâter les gens, Sannion.
1 nvmqvam rem facies leno quidquid agit
ad lucrum refert. et sic lucri genus dicit esse rem Syrus ad lenonem, qua admodum
ipse persuadeat58. 2 Et nota rem et litem et negotium meretricis
et patrimonium et omnem pecuniam nominari. 3 nvmqvam rem facies secundum personam suam
et lenonis Syrus adhortatus est hominem ad lucrum, non ad
honestatem. 4 nescis inescare homines
sannio μεταφορά ab aucupibus, qui auibus
capiendis offundunt cibum.
1 nvmqvam rem facies tout ce que fait le
proxénète, il le rapporte au bénéfice possible ; et c'est ce qui
fait que Syrus nomme le genre de bénéfice qu'il va faire
rem afin d'être
lui-même tout à fait persuasif. 2 Et
notez que res désigne le
litige, l'affaire avec la courtisane, le patrimoine et toute
opération financière. 3 nvmqvam rem
facies en suivant la nature de son personnage et de celui
du proxénète, Syrus exhorte le bonhomme à prendre un bénéfice,
plutôt qu'à se montrer honnête. 4 nescis inescare homines sannio métaphore
(μεταφορά) de
la langue des oiseleurs, qui pour attraper les oiseaux répandent
de la nourriture.
Sa.-credo istuc melius esse: uerum
ego numquam adeo astutus fui,
Sa.-Je crois que ta méthode est
meilleure ; mais moi je n'ai jamais été assez malin
credo istvc melivs esse uide comicum
errorem utriusque personae, et callidi lenonis et captiosissimi
famuli.
credo istvc melivs esse voyez la méprise
comique des deux personnages, aussi bien le proxénète félon que le
domestique très rusé.
quin quidquid possem mallem auferre
potius in praesentia.
pour ne pas préférer prendre tout ce
que je pouvais en direct.
Sy.-age, noui tuum animum: quasi iam
usquam tibi sint uiginti minae
Sy.-Allons, je connais ton âme :
comme si tu en étais à vingt mines près
1 age nunc uerbum est significans dic, quod iam prope est, ut
consentiat persuadenti. 2 tvvm animvm
id est liberalem. 3 qvasi iam vsqvam tibi sensus est: "quasi
in59 numero aliquo ducas et in aliqua
aestimatione constituas et non, si uelis, penitus contemnas
uiginti minas, dum modo huic obsequaris". 4 qvasi iam vsqvam tibi sint et
eum60 non profecturum dixit sed etiam «
proficisci
94 », et ne neget, non ab uno id audiri, sed «
aiunt
95 »aiunt
inquit61.
1 age ici c'est un verbe au sens de
dic (dis), parce que là
il est tout près de se trouver d'accord avec celui qui tente de le
persuader. 2 tvvm animvm c'est-à-dire
liberalem (d'homme libre
et généreux). 3 qvasi iam vsqvam tibi le
sens est : "comme si tu donnais quelque importance et attribuais
de la valeur à ces vingt mines au lieu de les mépriser
complètement, si tu le voulais, pourvu que cela fasse plaisir à
Eschine". 4 qvasi iam vsqvam tibi
sint il ne dit pas profecturum au futur (que tu
partiras), mais déjà un présent « proficisci », et pour éviter que
Sannion ne nie, il ne dit pas que la chose a été entendue par un
seul témoin, mais il dit aiunt (les gens disent)363.
dum huic obsequare. praeterea autem
te aiunt proficisci Cyprum... Sa.-hem!
pourvu que tu lui obéisses ! En outre
d'ailleurs, on raconte que tu pars pour Chypre... Sa.-Hein !
praeterea avtem ἀρχαϊσμός figura, nam ueteres libenter
coniunctiones multiplicabant.
praeterea avtem figure d'archaïsme
(ἀρχαϊσμός),
car les Anciens aimaient à multiplier les mots de liaison364.
Sy.-coemisse hinc quae illuc ueheres
multa, nauem conductam; hoc, scio,
Sy.-Que tu as acheté ici de quoi en
rapporter là-bas en quantité, que le navire est loué ; c'est ça,
je le sais,
1 coemisse hinc qvae illvc nusquam hoc
ostendit alias Terentius, sed ex confessione lenonis apparet uera
esse omnia. 2 Et mira uarietas; proficisci, coemere, conducere. 3 Nauem
conductam62 esse addidit, ut
dilationem res habere non possit. 4 hoc scio animvs tibi pendet hoc et correpte legi potest, ut
articulus demonstratiuus sit, et producte, ut significet aut "hanc
rem"63 aut "ad hunc locum", id est
Cyprum.
1 coemisse hinc qvae illvc Térence n'indique
nulle part ailleurs ce renseignement, mais de l'aveu du proxénète,
il appert que tout est vrai365. 2 Et il y a une remarquable variété dans le choix
des verbes ; proficisci,
coemere, conducere. 3 Et il ajoute nauem
conductam (que le navire a été loué), pour que
l'affaire ne puisse pas être différée. 4 hoc scio animvs tibi pendet hoc peut se lire avec une voyelle
brève, pour être le déterminant démonstratif, ou avec une longue,
pour signifier soit "vers cela" soit "vers ce lieu", à savoir
Chypre366.
animus tibi pendet. ubi illinc spero
redieris, tamen hoc ages.
qui te tient l'esprit en haleine.
Quand tu seras revenu de là-bas, j'espère, tu le feras tout de
même.
1 vbi illinc spero redieris ex spe sua uult
Syrus ostendere, quid leno debeat sperare, id est non se
accepturum modo. 2 tamen hoc
ages exiges debitum; nam hoc
agere dicimus eum, qui instat negotio suo.
1 vbi illinc spero redieris c'est à partir de
son espérance propre que Syrus montre ce que le proxénète devrait
espérer, à savoir de ne rien toucher367. 2 tamen hoc
ages tu exigeras ta dette ; car nous disons hoc agere pour celui qui persiste à
mener son affaire.
Sa.-nusquam pedem! perii hercle! hac
illi spe hoc inceperunt. Sy.-timet;
Sa.-Je n'y mettrai pas le pied ! Ma
foi, je suis mort ! Voilà l'espoir qu'ils avaient en se mettant à
cette entreprise ! Sy.-Il a peur ;
nvsqvam pedem quia exclamatio est, per
aposiopesim non completur.
nvsqvam pedem comme c'est une exclamation,
elle reste incomplète par aposiopèse.
inieci scrupulum homini. Sa.-o
scelera! illuc uide,
j'ai mis un grain de sable dans les
rouages du bonhomme. Sa.-Ah les traîtres ! Regardez-moi ça,
1 inieci scrvpvlvm homini hoc leno non audit:
simul enim dicitur, cum ille clamat, et ideo simul legi non
potest. 2 Et hic ostendit Syrus, quo consilio haec
locutus sit. 3 illvd vide uide τῷ ἰδιωτισμῷ dixit.
1 inieci scrvpvlvm homini cette phrase n'est
pas entendue du proxénète : en effet, Syrus la dit pendant que
l'autre crie, et on ne peut pas la lire en même temps368. 2 Et
Syrus montre ici avec quelle idée en tête il a parlé. 3 illvd vide uide est dit par particularisme
(τῷ
ἰδιωτισμῷ)369.
ut in ipso articulo oppressit! emptae
mulieres
comme il me bloque les engrenages !
J'ai acheté des femmes,
1 vt in ipso articvlo oppressit μεταφορά perseuerans a
scrupulo, id est lapillo, qui nos in calceo latens plerumque
laedit. 2 Et oppressit uel Aeschinus uel res ipsa, quam
subicit, id est quod ait emptae
mulieres complures et item hinc alia
364 In lenonis mercibus ἐξοχή mulieres. et est σύλλημψις: emptae et empta.
1 vt in ipso articvlo oppressit métaphore
(μεταφορά)
filée à partir du mot scrupulus, c'est-à-dire du petit
caillou que l'on a dans la chaussure à son insu et qui fait
souvent mal370. 2 Et oppressit le sujet est soit Eschine soit
l'affaire même qui est sous-jacente, à savoir emptae mulieres complures et item hinc
alia. 3 Parmi les
marchandises du proxénète, les femmes représentent le principal
(ἐξοχή). Et
c'est une syllepse (σύλλημψις) : emptae et empta371.
complures et item hinc alia quae
porto Cyprum.
plusieurs, et aussi d'autres
marchandises d'ici que je transporte à Chypre.
qvae porto cyprvm hanc insulam
dictam65 uel quod Veneri sacrata sit, ut Horatius
«
sic te diua potens Cypri
96 », uel quod mercatus in ea sit, ut idem «
numquam dimoueas, ut trabe Cypria Myrtoum pauidus nauta
secet mare
97 ».
qvae porto cyprvm cette île ainsi nommée,
parce que soit elle est consacrée à Vénus372,
comme on voit chez Horace : « sic te diua potens Cypri » (ainsi
toi, déesse qui possèdes Chypre...), soit il s'y trouve un marché,
comme on voit chez le même Horace : « numquam dimoueas, ut trabe
Cypria Myrtoum pauidus nauta secet mare » (jamais on ne le
détournerait jusqu'à ce que, marin craintif, il fende la mer de
Myrtos avec une étrave de Chypre)373.
nisi eo ad mercatum uenio, damnum
maximum est.
Si je n'y arrive pas pour la foire,
ma perte est énorme.
1 nisi eo ad mercatvm eo aduerbium est loci, id est Cyprum.
mercatus autem locum
tempusque significat. 2 damnvm maximvm
est quia adhuc damnum in pretio mulieris est.
1 nisi eo ad mercatvm eo est un adverbe de lieu, qui
renvoie à Chypre374. Quant à mercatus, il désigne à la fois le
lieu et le temps375. 2 damnvm maximvm est parce qu'il y a encore
de la perte sur le prix de la jeune femme376.
nunc si hoc omitto, actum872 agam
ubi illinc rediero,
Mais si je laisse tomber ce
dossier-ci, l'affaire sera faite quand je serai de retour de
là-bas,
1 nvnc si hoc omitto quod damnum est, sed
leuiter. hoc autem dicit
negotium cum Aeschino. 2 actvm agam
prouerbium, id est: "nihil agam". quod enim in iure semel
iudicatum fuerit, rescindi et iterum agi non potest. sic in
Phormione «
actum aiunt ne agas
98 ».
1 nvnc si hoc omitto cette chose qui est un
dommage, mais légèrement. Quant à hoc, il désigne l'affaire en cours
avec Eschine. 2 actvm agam proverbial, à
savoir : "je ne ferai rien". Car ce qui, en droit, a été jugé une
fois ne peut être défait et rejugé. De même dans le
Phormion : « actum aiunt ne agas »377.
nihil est, refrixerit res: « nunc
demum uenis?
plus rien, ce sera tout refroidi :
« C'est maintenant que tu arrives ?
1 nihil est noue nihil est pro: nulla spes est. 2 refrixerit pro refrigescet.
1 nihil est il utilise de façon inédite
nihil est pour nulla spes est (il n'y a nul
espoir). 2 refrixerit futur
antérieur pour le futur refrigescet.
cur passus es? ubi eras? » ut sit
satius perdere
Pourquoi t'es-tu laissé faire ? Où
étais-tu ? », au point qu'il vaut mieux perdre l'argent
vt sit sativs perdere per ὑπερβολήν hoc accipe,
nam non conuenit personae lenoniae damna contemnere.
vt sit sativs perdere c'est par hyperbole
(ὑπερβολή)
qu'il faut prendre cette réplique, car il ne convient pas à un
personnage de proxénète de n'avoir cure d'un dommage matériel.
quam aut nunc manere tam diu aut tum
persequi.
que de s'attarder maintenant trop
longtemps ou poursuivre après coup.
1 nvnc manere "dum non nauigo". 2 tvm perseqvi "cum rediero".
1 nvnc manere "sans transporter mon
fret". 2 tvm perseqvi "à mon
retour".
Sy.-iamne enumerasti id quod ad te
rediturum putes?
Sy.-As-tu fini le compte de ce qui
doit te revenir à ton avis ?
1 iamne envmerasti fingit Syrus se non
intellegere, quid apud se ipsum leno locutus sit. adeo illi aliud
ait, atque ille secum disputauerat. 2 id qvod ad te reditvrvm pvtes hoc dicto
significat tantum illum accepturum, quantum ille dederat in
puella. nam hoc ad nos redit, quod a nobis
abierit. 3 Et dicendo rediturum ostendit super uiginti
minas nihil illum sperare oportere. sic enim supra «
minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat
male
99 »66.
1 iamne envmerasti Syrus fait semblant de ne
pas comprendre ce que le proxénète se dit à lui-même. Aussi lui
dit-il autre chose que ce que l'autre débattait en
lui-même. 2 id qvod ad te reditvrvm
pvtes il montre en disant cela qu'il est prêt à accepter
autant qu'il a donné pour l'achat de la fille. Car nous revient
(redit) ce qui est parti
de nous. 3 Et en disant rediturum, il montre qu'il ne lui
faut plus espérer plus que les vingt mines de départ. Car Eschine
a dit ci-dessus : « minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi
uertat male ».
Sa.-hocine illo dignum est? hocine
incipere Aeschinum,
Sa.-Est-ce que ce procédé est digne
de lui ? Eschine, entreprendre ça,
1 hocine illo dignvm est huiusmodi
comploratio summam desperationem lenonis ostendit. 2 hocine incipere67 incipere quasi de magno facinore
dixit, ut in Heautontimorumeno «
uide, quod inceptet facinus
100 ». Aeschinum
autem cum laudatione dixit, quasi quem non deceat male
facere. 3 Et uide, quam omnia experiatur impotens ac
miser ob recuperandam rem suam.
1 hocine illo dignvm est ce genre de
déploration révèle le degré de désespoir du proxénète. 2 hocine incipere il dit incipere comme on le dit d'un grand
forfait, comme dans L'Héautontimorouménos : « uide,
quod inceptet facinus » (vois un peu quel acte il
entreprend !)378. Quant
à Aeschinum, il le dit
avec une certaine estime, comme s'il nommait un homme qu'on ne
devrait pas voir faire le mal. 3 Et
voyez comme il est prêt à tout essayer dans son impuissance et son
malheur pour récupérer son bien.
per oppressionem ut hanc mihi eripere
postulet?
prétendre m'enlever de force cette
fille !
1 vt hanc mihi eripere postvlet non dicit
quam, quia de illa sermo est. 2 postvlet "uelit" aut "speret". Cicero
«
ut temporibus rei publicae cedat, non est
postulandum
101 », hoc est "cupiendum" aut "exspectandum". 3 Ἐν
ἤθει eripere
postulet dixit, non eripuerit, tamquam adhuc non fecerit.
et sic loquuntur, qui nolunt circa se perseuerare iniuriam.
1 vt hanc mihi eripere postvlet il ne dit pas
qui, puisque c'est d'elle qu'on parle. 2 postvlet uelit (veuille) ou speret (espère). Cicéron : « ut
temporibus rei publicae cedat, non est postulandum » (que tu cèdes
aux circonstances de la république, il ne faut pas y compter),
c'est-à-dire "le souhaiter" ou "l'espérer". 3 Il est dans son caractère (ἐν ἤθει) quand il dit
eripere postulet et non
pas eripuerit (il me l'a
enlevée), comme si la chose n'était pas déjà faite. Et c'est ainsi
que s'expriment ceux qui ne veulent pas que perdure l'injustice
qui leur est faite.
Sy.-labascit. unum hoc habeo; uide si
satis placet:
Sy.-Il flanche. J'ai une seule
proposition ; vois si elle t'agrée :
1 labascit hoc presse dicitur. 2 Et proprie dixit labascit, ut et suam instantiam et
cunctationem tarde incipientis consentire monstraret. nam
inchoatiuum uerbum est, μεταφορᾷ ab arbore siccante68
facta, quae multis succisa ictibus ferri tandem incipit in casum
pendere ruinamque minari. 3 vnvm hoc
habeo hoc clare. 4 Et subaudiendum quod dicam uel dicere. 5 vide si satis placet non placet dixit, sed satis placet ueluti magnum consilium
praebiturus.
1 labascit ce passage se dit à voix
basse. 2 Et il dit labascit au sens propre, à la fois
pour montrer son propre travail de sape et les atermoiements de
Sannion qui commence lentement à consentir. Car c'est un verbe
inchoatif, à partir d'une métaphore (μεταφορᾷ) de l'arbre desséché qui, après
avoir reçu de nombreux coups de hache commence enfin à pencher
vers la chute et à menacer ruine379. 3 vnvm hoc habeo ceci à voix haute. 4 Et il faut sous-entendre quod dicam (à dire) ou dicere (à dire). 5 vide si satis placet il ne dit pas
placet, mais satis placet en homme qui s'apprête
à faire une proposition importante.
potius quam uenias in periculum873, Sannio,
plutôt que de faire quitte ou double,
Sannion,
potivs qvam venias in pericvlvm oratoria
comparatione peiorum dicit hoc esse, quod suggerit, eligendum.
potivs qvam venias in pericvlvm en
comparant de façon oratoire avec une situation pire, il dit que
c'est sa suggestion qu'il faut choisir.
seruesne an perdas totum, diuiduum
face.
à tout garder ou à tout perdre, fais
moitié moitié.
1 dividvvm face hoc est diuide: figura μακρολογία. 2 dividvvm a diuisione, dimidium a dimensione dicimus.
1 dividvvm face c'est-à-dire diuide (divise) : figure de
prolixité (μακρολογία)380. 2 dividvvm nous disons diuiduus d'après l'idée de
division, dimidius
d'après celle de dimension381.
minas decem corradet alicunde. Sa.-ei
mihi,
Eschine grattera bien dix mines
quelque part. Sa.-Aïe,
1 minas decem scit illum uiginti posse
accipere, sed idcirco sic agit, ut optet leno, quod paulo ante
nolebat. 2 Et alicvnde dictum est non habentis. 3 corradet alicvnde nam nec ipsae in promptu
sint. 4 ei mihi etiam de sorte nvnc venio
in dvbivm miser sors est summa, cui extrinsecus
acquiritur faenus. ergo sortem dicit pretium, quo empta est,
id est uiginti minas. 5 Et uide illum damno exclamare quam
iniuria.
1 minas decem il sait que l'autre peut
accepter vingt mines, mais il fait en sorte que le proxénète
finisse par souhaiter ce que tout à l'heure il refusait. 2 Et alicvnde c'est le mot de quelqu'un qui ne
les a pas. 3 corradet alicvnde car
même ces dix mines ne sont pas disponibles. 4 ei mihi etiam de sorte nvnc venio in dvbivm
miser le mot sors
désigne la somme à partir de laquelle on acquiert du dehors des
intérêts. Donc en disant sortem il veut dire le montant
auquel il l'avait achetée, à savoir vingt mines. 5 Et voyez que l'autre pousse une exclamation
davantage à cause de la perte que du mauvais traitement qui lui a
été fait.
etiam de sorte nunc uenio in dubium
miser?
voilà que maintenant je ne suis pas
sûr de sauver mon capital, pauvre de moi !
nvnc venio in dvbivm in periculum.
Vergilius «
nec tibi de sorte in
d.
d???
c.
c???
102 ».
nvnc venio in dvbivm en danger. Virgile :
« nec tibi de sorte in d. c. »382.
pudet nihil? omnes dentes labefecit
mihi,
Il n'a pas honte ? Il m'a ébranlé
toutes les dents,
1 omnes dentes labefecit iniuria lenoni tunc
dolet, cum adiuncta damno est, «
accipienda et mussitanda
103 », cum in quaestu uidetur. idcirco enumeratis contumeliis
adicit «
etiam insuper defraudat?
104 ». 2 Et uide, ut eadem quae supra, sed ardentius
et cum auxesi repetat. sic et
Vergilius in maius repetit, quod non semel dicit.
1 omnes dentes labefecit le mauvais
traitement subi fait mal au proxénète au moment où s'y ajoute le
risque d'une perte financière, alors qu'il pouvait "l'accepter et
le passer sous silence" (« accipienda et mussitanda ») quand il
prévoyait un bénéfice. Aussi, après avoir fait le décompte de ses
déboires, il ajoute : « etiam insuper defraudat ? ». 2 Et voyez comme il répète ses propos
antérieurs, mais avec plus d'ardeur et en les amplifiant. Ainsi
fait aussi Virgile quand il majore en le répétant un énoncé qu'il
ne se contente pas de dire une fois383.
praeterea colaphis tuber est totum
caput:
et, à force de gifles, ma tête n'est
plus qu'une grosse bosse :
colaphis tvber est totvm capvt tuber cibi genus est collectum ex
tumentibus et quasi praegnantibus harenis. plus autem hic quam
supra dixit «
plus quingentos colaphos infregit mihi
105 ».
colaphis tvber est totvm capvt le mot
tuber (tubercule) désigne
une sorte de nourriture qu'on ramasse dans des tertres sablonneux
et ressemblant à des ventres de femmes enceintes384. Il en dit plus ici que
ci-dessus : « plus quingentos colaphos infregit mihi ».
etiam insuper defraudet874? nusquam abeo. Sy.-ut libet.
et en plus il m'escroquerait ? Je ne
vais nulle part. Sy.-A ta guise.
1 etiam insvper defravdat αὔξησις apta lenoni
auaro, nam honestior persona non hunc ordinem faceret. 2 defravdet "fraude decipiat". 3 nvsqvam abeo hoc dictum uim habet
comminationis, nisi illud cum contemptu susceperit
Syrus. 4 vt libet neglegenter
seruus respondet, ut rogetur a lenone.
1 etiam insvper defravdat amplification
(αὔξησις)
propre à un proxénète cupide, car un personnage plus honorable
n'aurait pas mis les arguments dans cet ordre. 2 defravdet "il me tromperait par une
ruse". 3 nvsqvam abeo cet énoncé a
la force d'une menace, sauf que Syrus le traite par le
mépris. 4 vt libet l'esclave répond
négligemment, pour que le proxénète lui fasse sa requête.
numquid uis quin abeam? Sa.-immo
hercle hoc quaeso, Syre,
Veux-tu autre chose ou puis-je me
retirer ? Sa.-Oui, ma foi, je veux quelque chose, Syrus :
1 nvmqvid vis qvin abeam haec est plena
oratio, nam numquid uis
desiderat supplementum. et hoc uti dicto discedentes
solent. 2 qvin quare non significat. 3 immo hercle hoc qvaeso syre vtvt haec svnt
ipse sibi satisfacit - utut enim quoquo modo significat -,
diuerticulum ad preces faciens.
1 nvmqvid vis qvin abeam l'énoncé est
complet, car numquid uis
a besoin d'un complément385. Et c'est la
formule qu'on utilise habituellement en s'en allant. 2 qvin signifie quare non (pourquoi ne
pas...). 3 immo hercle hoc qvaeso syre vtvt
haec svnt il se donne satisfaction - utut en effet signifie quoquo modo (de quelque manière
que) -, en faisant une digression vers la prière.
utut haec sunt facta, potius quam
lites sequar,
au point où en sont arrivées les
choses, plutôt que d'attaquer en justice,
potivs qvam lites seqvar quia dixerat
Aeschinus «
nunc uide utrum uis: argentum accipere an causam
meditari tuam
106 ».
potivs qvam lites seqvar parce qu'Eschine
avait dit : « nunc uide utrum uis : argentum accipere an causam
meditari tuam ».
meum mihi reddat875, saltem quanti empta est, Syre.
je veux qu'il me rende mon dû au
moins le prix que je l'ai payée, Syrus.
1 mevm mihi reddat sortem, de qua supra sola
recusabat. 2 Et oratorie: non enim quanto emi, sed inuidiose meum mihi reddat. 3 saltem τὸ ἔσχατον. natum est autem saltem a captiuis, qui nihil aliud
praeter salutem a uictore
petant.
1 mevm mihi reddat son capital, la seule
chose sur laquelle, ci-dessus, il refusait de négocier. 2 Et de façon oratoire : car il ne dit pas
quanto emi (au prix où je
l'ai achetée), mais avec agressivité meum mihi reddat. 3 saltem c'est l'argument ultime (τὸ ἔσχατον). Car le mot
saltem est issu de la
langue des prisonniers, qui n'ont rien d'autre à réclamer à leur
vainqueur que le salut (salutem)386.
scio te non usum antehac amicitia
mea;
Je sais que tu n'as pas jusqu'ici
exploité mon amitié ;
scio te non vsvm antehac amicitia mea
figura ἀξιοπιστία, per quam ostendit fideliter
se promittere, quod promittit. Vergilius «
scio me
D.
Danais
e
c.
classibus
u.
unum
107 ».
scio te non vsvm antehac amicitia mea
figure de recherche de confiance (ἀξιοπιστία), par laquelle il montre qu'il
promet ce qu'il promet d'une façon digne de foi. Virgile : « scio
me Danais e classibus unum » (je sais et j'avoue être l'un de ceux
qui, débarqués des navires grecs...)387.
memorem me dices esse et gratum.
Sy.-sedulo
mais tu pourras dire de moi que je
sais me souvenir et que j'ai de la reconnaissance. Sy.-C'est de
mon mieux que
1 memorem me dices figurate inducta promissio
praemiorum. 2 Et bene utrumque, nam non continuo qui
memor etiam gratus est. 3 Memor est, qui apud se meminit,
gratus qui meruit hoc
uocari, dum uicem reddit; nam multi memores, ingrati
tamen. 4 sedvlo faciam sic
promittit, ut nihil interesse sua credatur. 5 sedvlo de industria, sine dolo.
1 memorem me dices de façon figurée est
induite une promesse de récompense. 2 Et il fait bien d'utiliser les deux adjectifs, car
celui qui est memor (qui
se rappelle) n'est pas toujours aussi gratus (reconnaissant). 3 Est dit memor celui qui se souvient en son
for intérieur, est dit gratus celui qui mérite ce nom au
moment où il rend la pareille ; car il y en a beaucoup qui ont de
la mémoire et qui sont néanmoins ingrats. 4 sedvlo faciam il promet sans qu'on ait
l'impression que rien le concerne. 5 sedvlo avez zèle, sans ruse (sine dolo)388.
faciam. sed Ctesiphonem uideo. laetus
est
je ferai. Mais je vois Ctésiphon. Il
est tout content
1 sed ctesiphonem video laetvs est de amica
aduentus in proscaenio personarum cum consulto consilio fingantur
a poeta, tamquam superueniunt aliis rebus in medio positis, quae
ipsarum interuentu finiantur. mire tamen, quod quasi ex argumento
futuri actus sui, antequam loqui incipiant,
describuntur. 2 laetvs est de amica hoc
lentius et submisse.
1 sed ctesiphonem video laetvs est de amica
les entrées en scène de personnages, tout en étant imaginées en
toute conscience par le poète, surviennent pour ainsi dire au
milieu d'événements auxquels l'intervention des personnages met
fin. Il est néanmoins remarquable que, en préparation de ce qu'ils
vont faire, on les décrive avant qu'ils ne commencent à
parler. 2 laetvs est de amica ces
mots sont dits plus lentement et à mi-voix.
de amica. Sa.-quid quod te oro?
Sy.-paulisper mane.
pour sa jeune amie. Sa.-Et ma
demande ? Sy.-Attends un peu.
1 qvid qvod te oro deest agis et ego. 2 qvod te oro aut si quid aut propter quod intellegamus, ut sit:
"quid mihi respondes de eo propter quod te oro?" aut: "si quid te
oro?". 3 Et quam bene fastidiosum lenonem facit
Syrus, ut optans ille desperando accipiat uiginti minas! nam et
supra non intendenti dicit totiens in uno sensu «
Syre
108 ». 4 de amica potest hoc et
interrogatiue pronuntiari.
1 qvid qvod te oro il manque agis (tu fais) et ego (moi). 2 qvod te oro comprenons ou bien si quid ou bien propter quod, pour faire : "quid
mihi respondes de eo propter quod te oro ?" (que me réponds-tu sur
le sujet à propos duquel je te sollicite ?) ou bien : "si quid te
oro ?" (que me réponds-tu pour ce que je te demande ?). 3 Et comme Syrus réussit à épuiser le
proxénète, au point que par désespoir il accepte, en les
souhaitant, les vingt mines ! Car ci-dessus, pour qui fait
attention, ce n'est pas dans la même intention qu'il dit plusieurs
fois « Syre ». 4 de amica on peut aussi
dire cela sur un ton interrogatif389.
scaena tertia
Sannio Syrus Ctesipho
Ct.-abs quiuis homine, cum est opus,
beneficium accipere gaudeas;
Ct.-D'où qu'il vienne, quand on en a
besoin, on est content de recevoir un service ;
1 abs qvivis homine cvm est opvs beneficivm accipere
gavdeas in hac scaena gratiarum actio est ex persona et
eius qui praestitit et eius cui praestitum est et ex ipsius
praestiti quantitate. nam omne quod geritur, aut in rebus est aut
in personis aut in attributis eorum. 2 abs qvivis homine bene sic coepit dicturus
«
o frater frater
109 ». 3 Et qui secundum regulam dixit, quia
dicimus quibus. ceterum
a quo quis facit et non quibus. 4 Et incerta distinctio est: uel cum opus est beneficium accipere uel
cum opus est
beneficium69, hoc uetuste,
illud communiter.
1 abs qvivis homine cvm est opvs beneficivm accipere
gavdeas dans cette scène, l'acte de remercier porte à la
fois sur la personne qui a rendu service, sur celle à qui le
service a été rendu et sur l'importance du service lui-même. Car
tout se qui se fait est soit dans les choses, soit dans les
personnes, soit dans leurs attributs. 2 abs qvivis homine c'est un bon début pour
celui qui va bientôt dire : « o frater frater ». 3 Et qui
est accordé selon la règle, puisque nous disons quibus. Par ailleurs a quo fait quis au pluriel et non pas
quibus390. 4 Et la
ponctuation n'est pas sûre : ou l'on segmente cum opus est beneficium accipere
(quand on a besoin de recevoir un bienfait) ou cum opus est beneficium (quand un
bienfait est nécessaire) ; cette dernière expression est vieillie,
la première est commune391.
uerum enim uero id demum iuuat, si
quem aequum est facere is bene facit.
mais c'est vraiment le bonheur quand
c'est celui qui doit faire le bien qui le fait.
1 id demvm ivvat ostendit plus esse quod
iuuat quam gaudium. 2 is bene facit
bene subaudiendum est bis
numero.
1 id demvm ivvat il montre que ce qui réjouit
(iuuat) est plus fort que
la joie (gaudium). 2 is bene facit il faut sous-entendre une
deuxième fois bene392.
o frater frater! quid ego nunc te
laudem? satis certo scio:
O mon frère, mon frère ! Comment
aujourd'hui ferais-je ton éloge ? je ne le sais que trop :
1 o frater frater Vergilius «
et fratrem ne desere, frater
110 ». unum relatum ad appellationem, alterum ad
laudem. et subdistinguendum, ut uideatur quaesisse quid ultra
diceret et plus inuenire non potuisse quam frater. 2 qvid ego nvnc quid propter quid. et nunc τῷ ἰδιωτισμῷ additum de superfluo, ut
«
tu nunc
C.
Carthaginis
a.
altae
f.
fundamenta
l.
locas
111 ». 3 qvid ego nvnc te lavdem
distinguendum. quid autem
propter quid.
1 o frater frater Virgile : « et fratrem ne
desere, frater » (et n'abandonne, pas, frère, un frère). La
première occurrence renvoie à l'appellation, la seconde à l'éloge.
Et il faut mettre une pause courte, pour qu'il donne l'impression
d'avoir cherché un autre terme sans avoir trouvé rien de mieux que
frater393. 2 qvid ego nvnc quid vaut propter quid. Et nunc, par particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ), est un
ajout superflu, comme dans : « tu nunc Carthaginis altae
fundamenta locas » (toi, maintenant, tu places les fondements de
l'altière Carthage)394. 3 qvid ego nvnc te lavdem il faut poser une
ponctuation. Quant à quid, il vaut propter quid395.
numquam ita magnifice quicquam dicam,
id uirtus quin superet tua.
je ne dirai jamais rien de si
généreux que ton mérite ne le surpasse.
1 nvmqvam deest quod, ut sit quod numquam. 2 ita magnifice qvicqvam dicam70 duplex causa est omittendae laudis: si res
aut nimium mala est aut nimium bona. 3 id virtvs qvin svperet tva bona περίφρασις: uirtus tua potius quam tu.
1 nvmqvam il manque quod, pour faire quod numquam396. 2 ita magnifice
qvicqvam dicam il y a deux raisons de renoncer à l'éloge :
si la chose est trop mauvaise ou si elle est trop bonne. 3 id virtvs qvin svperet tva bonne périphrase
(περίφρασις) :
uirtus tua plutôt que
tu (toi).
itaque unam hanc rem me habere
praeter alios praecipuam arbitror
Aussi je pense avoir un unique
avantage sur les autres,
itaqve vnam hanc rem me habere itaque et subiunctiuum potest esse
correpta media syllaba et praepositiuum producta eadem syllaba, ut
sit itáque.
itaqve vnam hanc rem me habere itaque peut à la fois être postposé,
s'il a sa syllabe centrale brève, soit antéposé, si cette même
syllabe est longue, pour faire itáque397.
fratrem hominem neminem876 esse primarum artium magis principem.
c'est qu'il n'existe aucun autre
frère plus remarquable en qualités primordiales.
1 fratrem noue dixit unam rem fratrem. 2 sed ego puto fratrem non subdistinguendum sed
legendum contexte usque ad principem. nam si distinxeris
fratrem, bis erit
arbitror subaudiendum, et
supra et infra. quod si fratrem inferioribus iunxeris, et cum
admiratione pronuntiabitur et subaudietur quam mihi. hanc sane
locutionem scire debemus propter personam elaboratam. nam et
nimium gaudet et rusticus adulescens est, qui conatur laudare
Aeschinum titubans ac paene balbutiens. 3 hominem neminem noue auribus nostris, sed
ueterum consuetudine locutus est. nam cum neminem71
hominem significet, quid opus fuit dicere hominem neminem? 4 Sed, ut diximus, figura est ἀρχαϊσμός.
1 fratrem développement inédit de unam rem par fratrem398. 2 Mais moi399
je pense qu'il ne faut pas ponctuer après fratrem mais lire d'un seul tenant
jusqu'à principem. Car si
l'on sépare fratrem, il
faudra sous-entendre arbitror une deuxième fois,
au-dessus et en dessous. Alors que si l'on rattache fratrem aux mots qui suivent, d'une
part il se prononcera avec un ton admiratif, d'autre part on
sous-entendra quam
mihi400.
Nous devons bien savoir que cette manière de parler est élaborée
en fonction du personnage. Car d'une part il est trop content,
d'autre part c'est un jeune homme de la campagne qui entreprend de
faire l'éloge d'Eschine avec des hésitations et des sortes de
balbutiements. 3 hominem neminem étrange à
nos oreilles, mais il parle selon l'usage des Anciens401. De fait, puisque neminem implique hominem, quel besoin y avait-il de
dire hominem
neminem ?402 4 Mais, comme nous l'avons dit, c'est une figure
d'archaïsme (ἀρχαϊσμός).
Sy.-o Ctesipho. Ct.-o Syre, Aeschinus
ubi est? Sy.-ellum, te exspectat domi. Ct.-hem.
Sy.-O Ctésiphon ! Ct.-O Syrus !
Eschine, où est-il ? Sy.-Le voilà qui t'attend à la maison.
Ct.-Hein !
1 o ctesipho mire coepit gaudium
significans. 2 o
ctesipho o syre72 ille
ut gaudens, hic ut qui non praeuiderit o dicit. 3 syre aeschinvs vbi est bene de illo statim,
cui agebat gratias. 4 ellvm
ecce illum. 573 Vel pronomen est uel aduerbium
demonstrantis. aliqui74 ellum interrogatiue legunt, ut sit:
ellum dicis? te expectat
domi; ut sit ellum pronomen, id est illum. nam et illum et ellum et ollum ueteres dixerunt. 6 domi aduerbium est in loco. 7 hem interiectio est laetantis.
1 o ctesipho remarquablement, l'énoncé
inaugural manifeste sa joie. 2 o ctesipho o syre le premier dit o en persone qui se réjouit, le
second en personne qui n'avait d'abord pas vu l'autre. 3 syre aeschinvs vbi est de belle manière, il
interroge aussitôt sur celui à qui il faisait ses
remerciements. 4 ellvm vaut ecce illum. 5 C'est soit un pronom, soit un adverbe
démonstratif403. Certains lisent ellum sous la forme interrogative,
pour faire ellum dicis ? te expectat
domi (lui, tu veux dire ? il t'attend à la maison) ;
en sorte que ellum est un
pronom, équivalant à illum (celui-ci). Car les Anciens
disaient aussi bien illum
qu'ellum et ollum. 6 domi adverbe du lieu où l'on est. 7 hem interjection de joie.
Sy.-quid est? Ct.-quid sit? illius
opera, Syre, nunc uiuo: festiuum caput,
Sy.-Qu'y a-t-il ? Ct.-Ce qu'il y a ?
C'est grâce à lui, Syrus, que je suis vivant à cette heure :
quelle gentille personne !
1 festivvm capvt huic contrarius sensus est
«
ridiculum caput
112 ». alii putant festiuum
caput non Aeschini intellegendum, sed orationis, quam
habet Ctesipho agens gratias fratri. ita in Eunucho «
quam uenuste quod dedit principium adueniens!
113 ». quod si est, et «
nihil potest supra
114 »75 "hanc laudationem", non "supra hoc factum" erit
accipiendum. 2 Sed male; nam
caput Aeschini dicit, hoc
est ipsum Aeschinum, ut in toto pars sit per συνεκδοχήν, in qua
figura ea pars pro toto ponenda est, quae aut eminet ex toto aut
maioris pretii est ad id quod agitur. ceterum quod ipsum seruatum
auctoribus bonis sit, si exempla συνεκδοχῆς penitus consideraris,
inuenies. 3 illivs opera dicendo
opera et corporeum laborem
Aeschini ostendit et religionem: corporeum laborem, ut «
hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc
operam
115 », religionem, ut «
annua magnae sacra refer Cereri laetis operatus in
herbis
116 ». 4 qvid sit deest quaeris; sed admirantis magis quam
interrogantis aduerbium est. 5 illivs opera nvnc vivo o miram
amplificationem beneficii! non dixit illius opera amicam habeo, sed, quod
satis graue et satis amatorium, illius
opera inquit nunc
uiuo.
1 festivvm capvt on trouve le sens contraire
avec : « ridiculum caput ». D'autres pensent que festiuum caput ne doit pas être
compris comme signifiant la tête d'Eschine, mais celle du discours
que Ctésiphon tient en remerciant son frère. Ainsi dans
L'Eunuque : « quam uenuste quod dedit principium
adueniens ! ». Mais s'il en est ainsi, il faudra aussi comprendre
nihil potest supra comme
signifiant "au-dessus de cet éloge" et non pas "au-dessus de ce
fait"404. 2 Mais c'est une
mauvaise interprétation ; car il évoque la tête (caput) d'Eschine, c'est-à-dire sa
personne entière, en sorte qu'il s'agit de la partie dans le tout
par synecdoque (συνεκδοχή), figure par laquelle on met
pour le tout une partie qui soit dépasse du tout, soit est d'une
valeur particulièrement forte pour désigner ce dont il s'agit405. Du reste,
si l'on examine à fond les exemples de synecdoque (συνεκδοχή), on trouvera
que les bons auteurs conservent cette figure. 3 illivs opera en parlant d'opera, il évoque autant l'effort
physique d'Eschine que sa sollicitude : l'effort physique, comme
dans : « hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc
operam » (accorde-moi, vierge née de la Nuit, le propre fruit de
ton travail, de ton œuvre), la sollicitude, comme dans : « annua
magnae sacra refer Cereri laetis operatus in herbis » (chaque
année renouvelle ton sacrifice à la grande Cérès en procédant sur
l'herbe grasse)406. 4 qvid sit il manque
quaeris (tu demandes) ;
mais il s'agit davantage d'un adverbe d'étonnement que
d'interrogation407. 5 illivs opera nvnc
vivo quelle remarquable amplification du bienfait reçu !
car il ne dit pas illius opera amicam
habeo (c'est grâce à son action que j'ai une
maîtresse), mais, ce qui est plutôt sérieux et digne d'un
amoureux, il dit illius opera nunc
uiuo.
quin omnia sibi post putarit esse
prae meo commodo,
Certes, il aura pensé que tout pour
lui passe après mon intérêt,
1 qvin omnia admiratiue additum quin et sic pronuntiandum. 2 qvin τὸ πλῆρες quine. 3 prae meo commodo id est: mei commodi comparatione. et in
Eunucho «
hic ego illum contempsi prae me
117 », id est mei
comparatione.
1 qvin omnia quin est un ajout admiratif et il
faut le prononcer comme tel. 2 qvin la forme complète (τὸ πλῆρες) est
quine. 3 prae meo commodo c'est-à-dire : mei commodi comparatione (en
comparaison de mes mérites). De même dans L'Eunuque :
« hic ego illum contempsi prae me », c'est-à-dire mei comparatione (en comparaison
avec moi)408.
maledicta, famam! meum laborem et
peccatum in se transtulit;
les insultes, le scandale ! ma peine
et la faute, il les a prises sur lui ;
1 maledicta famam aut Sannionis aut Demeae
maledicta, famam populi. nam si aliter
acceperis, idem uidebitur maledicta et malam famam. 2 mevm laborem et peccatvm de rapienda
meretrice et de amanda. 3 maledictvm
famam cum dixisset omnia, intulit duo tantum maledictum et famam, ut
«
omnia Mercurio similis uocemque
c.
coloremque
118 », ut sit defectus quidam intellegendus ex affectu
gratias agentis. 4 in se
transtvlit pulchra παρασκευή, qua erratura est Sostrata
circa Aeschinum, quemadmodum iam errauit Demea, quod credit ab
illo amari meretricem.
1 maledicta famam il s'agit des insultes de
Sannion ou de Déméa, de l'opinion du peuple. Car si on comprend
autrement, maledicta et
famam paraîtront être la
même chose. 2 mevm laborem et peccatvm
pour l'enlèvement de la courtisane dans le premier cas, le fait
d'en être amoureux dans l'autre. 3 maledictvm famam après avoir dit omnia (tout), il n'indique que deux
éléments, maledictum et
famam, comme dans :
« omnia Mercurio similis uocemque coloremque » (semblable en tout
à Mercure, et par la voix et par le teint)409, comme s'il fallait
comprendre que les mots lui manquent en raison de l'affectivité
qu'il met dans ses remerciements. 4 in se transtvlit bel effet de préparation
(παρασκευή),
qui trompera Sostrata au sujet d'Eschine, comme elle a déjà trompé
Déméa, parce qu'il croit que c'est Eschine qui est amoureux de la
courtisane.
nihil pote supra. quidnam fores
crepuit? Sy.-mane, mane; ipse exit foras.
il n'y a rien de mieux. Mais pourquoi
la porte grince-t-elle ? Sy.-Attends, attends, c'est lui justement
qui sort de la maison.
1 nihil pote svpra ἔλλειψις per admirationem: subauditur
esse uel dici. 2 Et pote pro potis, ut mage pro magis τῷ ἀρχαϊσμῷ. 3 qvidnam fores crepvit crepuit "acre sonuit", unde
decrepiti dicti sunt
clamosi senes. fores
singularis numeri casus nominatiuus. 4 mane mane gaudentis hoc dictum est, non
opperiri iubentis.
1 nihil pote svpra ellipse (ἔλλειψις) admirative :
on sous-entend esse
(être) ou dici (être
dit). 2 Et pote mis pour potis, comme mage (davantage) mis pour magis (même sens) par archaïsme
(τῷ
ἀρχαϊσμῷ). 3 qvidnam fores
crepvit crepuit
veut dire "a rendu un son aigu", d'où l'on appelle decrepiti (décrépits) les vieillards
criards410. Fores est un nominatif
singulier411. 4 mane mane c'est davantage un mot de joie
que l'ordre d'attendre.
scaena quarta
Sannio Syrus Ctesipho Aeschinus
265 | 266 | 267 | 268 | 269 | 270 | 271 | 272 | 273 | 274 | 275 | 276 | 277 | 278 | 279 | 280 | 281 | 282 | 283 | 284 | 285 | 286 | 287
Ae.-ubi est ille sacrilegus? Sa.-men
quaerit? num quidnam effert? occidi!
Es.-Où est ce bandit ? Sa.-C'est moi
qu'il cherche ? Est-ce qu'il a quelque chose à la main ? Mort de
moi !
1 vbi est ille sacrilegvs mire Aeschinus
seruat aduersus lenonem superbiam, qua ostenditur tanto esse
alienior animo ab amoribus meretriciis76, quanto audacior in
lenonem. 2 men qvaerit nvm qvidnam
effert sperat leno aliquid se accepturum praeter
conuicium, ut alibi «
minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat
male: argenti tantum dabitur
119 ». 3 Et uide quanti faciat leno prae lucro
iniuriam: sacrilegi nomine se significari non solum non dolet, sed
etiam cupit. oportet autem men
quaerit cum quadam gesticulatione et subsaltatione
pronuntiari sperantis lenonis ad hoc se quaeri, ut
accipiat. 4 occidi nihil video
occidi non quia sacrilegus dictus, sed quia nihil
accipit. et simul gestum considera loquentis ex uerbis. 5 occidi nihil video mire hoc uerbo apparet
in uultu lenonis et spem mortuam et restinctum gaudium. iam et
apta ἔλλειψις
haec dicentis est occidi, nihil
uideo: neque enim addidit proferri aut quid tale.
1 vbi est ille sacrilegvs il est remarquable
qu'Eschine conserve à l'endroit du proxénète sa morgue, qui montre
qu'il est aussi peu intéressé par les amours tarifées qu'il a de
l'audace contre le proxénète. 2 men qvaerit nvm qvidnam effert le proxénète
espère recevoir autre chose que des insultes, comme dans : « alibi
minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male : argenti
tantum dabitur ». 3 Et voyez quelle
importance il donne à l'insulte en comparaison du gain qu'il
convoite : non seulement il ne lui est pas insupportable d'être
désigné du nom de sacrilegus, mais même il le
revendique. Il faut alors prononcer men quaerit avec les gestes et les
sursauts de celui qui espère qu'on le cherche pour lui donner
quelque chose. 4 occidi nihil video il dit
occidi non parce qu'il a
été traité de sacrilegus,
mais parce qu'il n'y a rien pour lui. Et en même temps,
représentez-vous les gestes du locuteur à partir de ses
paroles412. 5 occidi nihil
video de façon remarquable, avec ce mot apparaît sur le
visage du proxénète la fin de ses espérances et la disparition de
sa gaieté. Et c'est une ellipse (ἔλλειψις) qui convient bien à celui qui
dit : occidi, nihil
uideo : car il n'ajoute pas proferri (être apporté) ou quelque
chose de cet acabit.
Je ne vois rien. Es.-Hé toi, tu
tombes bien ! C'est justement toi que je cherche. Comment va,
Ctésiphon ?
hem interiectio repentinae rei. 2 opportvne te ipsvm qvaerito ἀσύνδετον: deest
uenisse. non enim
sequenti adnectitur. 3 qvid fit
ctesipho quid fit
blandum initium est: non enim nunc interrogat, cum ipse dicat
«
in tuto est omnis res
120 ». sic ipse mox in subditis «
iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster,
quid fit, quid agitur?
121 ».
hem interjection signalant une chose
soudaine. 2 opportvne te ipsvm
qvaerito asyndète (ἀσύνδετον) : il manque uenisse (être venu). Car il ne fait
pas de liaison avec ce qui suit413. 3 qvid fit ctesipho quid fit est une entrée en matière
agréable : car il n'est pas en train de poser une question,
puisqu'il vient de dire : « in tuto est omnis res ». De même, il
dira bientôt en personne : « iam nunc haec tria addidi praeter
naturam : o noster, quid fit, quid agitur ? ».
in tuto est omnis res: omitte uero
tristitiam879 tuam.
L'affaire est dans le sac ; laisse
tomber ton chagrin.
1 in tvto est omnis res quasi amatori
omnem rem dixit negotium
de amica. 2 An omnis res et lenonis iurgium et
suspicio patris Demeae? 3 omitte vero
uero abundat aut
correptiuum est iamdudum non omittentis. 4 tristitiam tvam sic dixit quasi nimiam.
1 in tvto est omnis res comme il s'adresse à
un amoureux, omnem rem
signifie "l'affaire au sujet de ta maîtresse". 2 Ou bien omnis
res renvoie-t-il à la dispute avec le proxénète et aux
soupçons de Déméa ? 3 omitte vero
uero est superflu, ou
alors c'est une marque de reproche envers quelqu'un qui met du
temps à laisser tomber. 4 tristitiam
tvam il le dit comme s'il disait "excessive".
Ct.-ego illam hercle uero omitto, qui
quidem te habeam fratrem. o mi Aeschine,
Ct.-Oui ma foi, je le laisse tomber,
puisque c'est toi que j'ai comme frère. O mon cher Eschine,
1 ego illam hercle vero omitto apparet nunc
non primum dici Ctesiphoni ab Aeschino omitte tristitiam nec nunc primum
responsum omitto, sed ideo
additum hercle uero, quia
nunc demum data est plena securitas. 2 qvi qvidem te habeam fratrem acuendum est
te.
1 ego illam hercle vero omitto il appert donc
que ce n'est pas la première fois que Ctésiphon dit à Eschine
omitte tristitiam ni
qu'il lui est répondu omitto, mais s'il ajoute hercle uero, c'est parce que cette
fois-ci la situation est pleinement sécurisée. 2 qvi qvidem te habeam fratrem il faut
accentuer d'un aigu le pronom te.
o mi germane! ah uereor coram in os
te laudare amplius,
ô mon frère de sang ! Ah ! j'ai peur
de te louer davantage en face à face,
1 o mi germane mi meus, sed uocatiuo casu
dixit. 2 coram in os coram ad ipsum pertinet qui laudat et
ad eos qui audiunt; in os
ad ipsum qui laudatur. 3 Nam
coram laudat, qui non
tacet apud alios et hoc agit non per epistulam sed ipse praesens;
in os, qui apud ipsum
loquitur quem collaudat. 4 lavdare
amplivs quia iam77 laudauit.
1 o mi germane mi de meus, mais il emploie le
vocatif. 2 coram in os coram renvoie à l'auteur de l'éloge
et aux auditeurs ; in os
au destinataire de l'éloge. 3 Car on
fait un éloge coram
(ouvertement), quand on ne reste pas silencieux devant les autres
et qu'on le fait non par écrit mais en étant présent ; et
in os (en face), quand on
parle en présence de celui même dont on fait l'éloge. 4 lavdare amplivs parce qu'il a déjà fait son
éloge.
ne id adsentandi magis quam quod880
habeam gratum facere existimes.
de peur que tu n'ailles croire que je
fais ça pour te flatter plus que par reconnaissance.
1 ne id assentandi antiqua ἔλλειψις: deest enim
causa. 2 assentandi "adulandi". et utrum deest
causa an absolute sic
dicitur? 3 ne id assentandi specta,
si non rusticus adulescens est et purissimae simplicitatis, adeo
ut etiam uelle laudare fratrem nimio pudore non possit hoc solo,
quia praesens est, cum illum nimium laudarit absentem. 4 qvam qvod habeam gratvm uarie: non enim
intulit, quas gratias agenti. 5 qvo quia.
1 ne id assentandi ellipse (ἔλλειψις) archaïque :
car il manque causa. 2 assentandi "de flatter". Et manque-t-il
causa ou la construction
est-elle absolue414 ? 3 ne id
assentandi observez si ce n'est pas un jeune paysan d'une
simplicité si authentique qu'il va jusqu'à se refuser, par un
excès de retenue, à faire l'éloge de son frère au seul motif qu'il
est présent, alors qu'il l'a abondamment loué en son absence415. 4 qvam qvod habeam
gratvm variation : en effet il ne précise pas quels
remerciements. 5 qvo pour quia416.
Ae.-age inepte, quasi nunc non
norimus nos inter nos, Ctesipho.
Es.-Allons, idiot ! comme si nous ne
nous connaissions pas l'un l'autre, Ctésiphon !
age inepte non est iniuria, quia et maior
frater est et blanda dicturus.
age inepte ce n'est pas une insulte, parce
qu'il est l'aîné et qu'il va dire ensuite de gentilles choses.
hoc mihi dolet, nos paene sero
rescisse et paene in eum locum
Ce qui me soucie, c'est que nous
ayons su presque trop tard et qu'on en était presque arrivé
1 hoc mihi dolet τῷ ἀττικισμῷ mihi dolet pro doleo. 2 Et dolet bis subaudiendum est. 3 et paene in locvm insinuatio beneficii ex
periculo, difficultatis78 ob tempus.
1 hoc mihi dolet par atticisme (τῷ ἀττικισμῷ) il dit
mihi dolet pour
doleo (je souffre)417. 2 Et
dolet doit être
sous-entendu une deuxième fois418. 3 et paene in locvm il insinue que le
bienfait a été obtenu au fort du danger et que les difficultés
étaient dues au retard.
redisse, ut, si omnes cuperent, tibi
nil possent auxiliarier.
au point où, même en voulant t'aider,
tous y auraient échoué.
vt si omnes cvperent non "si ego
tantum, multis79
aduersantibus".
vt si omnes cvperent et non pas "si j'avais
été moi tout seul contre beaucoup d'autres".
Ct.-pudebat. Ae.-ah, stultitia est
istaec, non pudor: tam ob paruulam
Ct.-J'avais honte. Es.-Eh bien c'est
de la bêtise que tu avais là, non de la honte : pour une si
petite
1 pvdebat deest fateri. 2 stvltitia est istaec non80 fateri ei, qui ipse patri numquam quicquam
celauerit. 3 tam ob parvvlam ergo et
diminutiuis adiungitur tam
particula. 4 Et
deest perire, sed
τῷ εὐφημισμῷ
tacetur. 5 tam ob parvvlam id est
meretricem. et bene haec Aeschinus, quia maiora expertus sit, id
est uitium uirginis.
1 pvdebat il manque fateri (d'avouer). 2 stvltitia est istaec de ne pas se confier à
celui qui, lui-même, n'a jamais rien caché à son père. 3 tam ob parvvlam donc la particule
tam s'adjoint aussi à des
diminutifs419. 4 Et il manque perire (périr), mais on le passe
sous silence par euphémisme (τῷ εὐφημισμῷ). 5 tam ob parvvlam à savoir la courtisane. Et
c'est bien dit d'Eschine parce qu'il a, lui, expérimenté des
choses plus graves, à savoir la défloration d'une fille
vierge.
rem paene ex patria! turpe dictu.
di881 quaeso ut istaec prohibeant.
chose, quasiment s'expatrier ! C'est
grotesque à dire. Je prie les dieux de nous éviter ça.
1 paene ex patria deest fugere, quia amatores comici cito
comminantur patriam se deserturos, ut amicam
consequantur. 2 paene ex patria ἀποσιώπησις εὐφημισμοῦ
χάριν. Menander mori illum uoluisse fingit, Terentius
profugere. 3 tvrpe dictv hoc est:
"turpe dictu te fugere". et deest est. 4 di istaec prohibeant id est exilium
fugamque patriae.
1 paene ex patria il manque fugere (s'enfuir), parce que les
amoureux de comédie ont tôt fait de menacer de s'exiler pour
obtenir leur maîtresse. 2 paene ex
patria aposiopèse par euphémisme (ἀποσιώπησις εὐφημισμοῦ
χάριν). Ménandre imagine qu'il a voulu se tuer, Térence
qu'il a voulu s'exiler. 3 tvrpe dictv
c'est-à-dire : "il est honteux de dire que tu t'exiles". Et il
manque est. 4 di istaec prohibeant à savoir l'exil et la
fuite loin de sa patrie.
Ct.-peccaui. Ae.-quid ait tandem
nobis Sannio? Sy.-iam mitis est.
Ct.-J'ai commis une faute. Es.-Et que
nous dit Sannion ? Sy.-Il s'est radouci.
1 peccavi approbauit ex periculo magnitudinem
beneficii. 2 qvid ait tandem nobis
sannio nobis
τῷ ἰδιωτισμῷ
additum; non enim nobis
ait intellegendum est. 3 iam mitis est quia supra «
iam debacchatus es, leno
122 » dixit.
1 peccavi il entérine la grandeur du bienfait
par rapport au danger. 2 qvid ait tandem
nobis sannio nobis est un ajout par idiotisme
(τῷ
ἰδιωτισμῷ)420 ; car il ne faut pas
comprendre nobis ait (il
nous dit). 3 iam mitis est parce que
ci-dessus il disait : « iam debacchatus es, leno ».
Ae.-ego ad forum ibo, ut hunc
absoluam; tu intro ad illam, Ctesipho.
Es.-Je vais aller au forum pour le
payer ; toi, Ctésiphon, entre et va la voir.
1 ego ad forvm ibo tunc enim in foro et de
mensae scriptura magis quam ex arca domoque uel cista pecunia
numerabatur. 2 vt hvnc absolvam id est:
"ut hunc reddito illi pretio dimittam"; nam uelut ligati sunt,
quibus debetur aliquid. dicuntur autem et illi solui, qui cum
debitores pretiorum fuerint, pecuniam reddunt debitam. 3 Est ergo absoluam a me soluam. 4 An iocatur in tristitia lenonis, qui illum cum
barba lenonia et maesto uultu sequitur uelut reus? 5 tv intro ad illam ctesipho bona ἔλλειψις, significans
licentiam potiendae meretricis.
1 ego ad forvm ibo car à cette époque on
allait chercher de l'argent au forum et dans un compte en banque
plutôt que dans un coffre-fort et chez soi ou dans une
cassette421. 2 vt hvnc absolvam c'est-à-dire : "pour me
débarrasser de lui après lui avoir payé son dû" ; car ils sont
comme liés, ceux à qui on doit quelque chose. On dit aussi que se
libèrent (solui) ceux
qui, après avoir été débiteurs de quelque argent, rendent la somme
due. 3 Donc absoluam se comprend comme
a me soluam (pour le
détacher de moi). 4 A moins qu'il ne
plaisante sur la morosité du proxénète, qui le suit avec sa barbe
de proxénète et son visage affligé, comme un accusé422 ? 5 tv intro ad illam ctesipho bonne ellipse
(ἔλλειψις),
qui signifie la permission de posséder sa maîtresse.
Sa.-Syre, insta. Sy.-eamus: namque
hic properat in Cyprum. Sa.-ne tam quidem!
Sa.-Syrus, insiste. Sy.-Allons-y :
car l'autre est pressé d'aller à Chypre. Sa.-Pas tant que ça.
1 syre insta iam Syrus non ut adiuuet, sed ut
instanter adiuuet rogatur. 2 eamvs namqve hic
properat hoc clamat Syrus, ut beneficium ostentet, sane ut
et rursum lenonem de profectione conterreat. 3 ne tam qvidem hoc a lenone inconstanter
dicitur, ut perturbatio metuentis magnum damnum possit
ostendi. 4 ne tam qvidem tam pro tantum. 5 An tam pro
tamen?
1 syre insta désormais on demande à Syrus non
pas d'aider, mais d'aider instamment. 2 eamvs namqve hic properat Syrus hurle cela
pour bien montrer sa bonne action, et aussi sûrement pour
épouvanter une nouvelle fois le proxénète à propos de son
départ. 3 ne tam qvidem la chose
est dite par le proxénète sans beaucoup d'assurance, pour qu'on
puisse comprendre le trouble de celui qui redoute une grande
perte. 4 ne tam qvidem tam mis pour tantum. 5 Ou tam
pour tamen ?
quamuis etiam maneo otiosus hic.
Sy.-reddetur: ne time.
Et même, je reste ici à attendre.
Sy.-On te remboursera, n'aie crainte.
1 etiam deest dicas me properare aut propero, ut sit etiam aduerbium hortantis uel
consentientis. 2 qvamvis etiam pro
quantum uis. etiam particula utrum consentientis
aduerbium est an coniunctio, qua significat et properare se et non
in tantum, ut neglegat quod sibi debetur? 3 maneo otiosvs hic hoc separatim inferendum
est quasi pertinaciter asseuerante lenone instaturum se. 4 Exclamatione agendum maneo otiosus hic. dixit enim
propero et rursum
consenserat in Syri uerba properasse se dicens. 5 reddetvr ne time quod desperauerat leno,
Syri ostendit sermo.
1 etiam il manque dicas me properare (bien que tu
dises que je me hâte) ou propero (bien que je me hâte), en
sorte que etiam est un
adverbe d'encouragement ou de consentement423. 2 qvamvis etiam mis pour
quantum uis (autant que
tu veux). La particule etiam est-elle un adverbe de
consentement ou une conjonction qui marque qu'il se hâte mais pas
au point de négliger ce qu'on lui doit ? 3 maneo otiosvs hic il faut prononcer cela en
le séparant bien, comme si le proxénète était en train d'affirmer
avec obstination qu'il va continuer. 4 Il faut jouer sur le mode exclamatif maneo otiosus hic. Il a dit en effet
propero et il avait l'air
de nouveau d'accord avec les paroles de Syrus qui disait qu'il se
hâtait. 5 reddetvr ne time la
réplique de Syrus révèle ce qui avait fait perdre espoir au
proxénète.
Sa.-at ut omne reddat! Sy.-omne
reddet. tace modo ac sequere hac. Sa.-sequor.
Sa.-Mais qu'il rende l'intégralité !
Sy.-Il rendra l'intégralité. Tais-toi seulement et viens par là.
Sa.-Je viens.
1 at vt omne reddat propter illud, quod
dixerat Syrus «
diuiduum face
123 ». et probatum est completumque, quod ait «
cupide accipiat faxo
124 ». et hoc ipsum cum trepida et uultuosa supplicatione
pronuntiandum est. 2 tace modo ac seqvere
hac sic ait Syrus, quasi nunc lenonem doceat, quae sit ars
non perdendi. et totum cum supercilio praestantis magnum
beneficium dicit. 3 seqvor hoc
responso leno satis commitigatus ostenditur.
1 at vt omne reddat répond à la réplique de
Syrus : « diuiduum face ». Et la mission que Syrus s'était
assignée se trouve avérée et remplie : « cupide accipiat faxo ».
Et il faut dire cette réplique avec une physionomie tremblante et
suppliante. 2 tace modo ac seqvere hac
Syrus parle désormais comme s'il faisait la leçon au proxénète sur
la méthode pour ne pas perdre d'argent. Et il dit tout cela avec
l'air de quelqu'un qui fait une bonne action importante. 3 seqvor par cette réponse, le proxénète se
montre suffisamment adouci.
Ct.-heus heus, Syre! Sy.-em, quid
est? Ct.-obsecro te hercle, hominem istum impurissimum
Ct.-Hé ! Hé, Syrus ! Sy.-Oui, qu'y
a-t-il ? Ct.-S'il te plaît, par ma foi, ce sale bonhomme,
1 hevs hevs syre ex argumento est ostendere,
quantum timeat Ctesipho saeuum patrem. 2 hevs hevs uox est de longinquo
reuocantis. 3 obsecro te hercle satis
mansuete, quasi lenonem
aut non possit rusticus aut non audeat dicere, hominem dixit. 4 istvm impvrissimvm auarissimum. et totum
cum exsecratione lenonis.
1 hevs hevs syre c'est de l'argument de la
pièce qu'on voit à quel point Ctésiphon a peur de son père
sévère. 2 hevs hevs c'est la voix
de quelqu'un qui appelle de loin. 3 obsecro te hercle de façon assez
doucereuse, comme si, en paysan, il n'arrivait pas ou n'osait pas
dire le mot leno, il dit
homo. 4 istvm impvrissimvm très cupide. Et
l'ensemble sur un ton de haine envers le proxénète.
quam primum absoluitote, ne, si magis
irritatus siet,
payez-le au plus vite, pour éviter
que, si son courroux augmente,
1 qvam primvm absolvitote ne si magis irritatvs
siet uelut clamet scilicet. 2 Et proprie de lenone, quem irritari dicit ut canem; nam
irritari proprie canes
dicuntur. Lucilius de littera R «
irritata canis quam homo quam planius dictat
125 ». lenonem autem timet Ctesipho ut rusticus, ut sub patre
duro, ut amator.
1 qvam primvmv absolvitote ne si magis irritatvs
siet et, par exemple, aille crier,
implicitement. 2 Et au sens propre
en parlant du proxénète, qui, dit-il, est excité (irritari) comme un chien ; car ce
sont les chiens qui, au sens propre, sont excités (irritari). Lucilius, parlant de la
lettre R : « irritata canis quam homo quam planius dictat »
(<lettre> qu'une chienne irritée prononce plus clairement
qu'un humain)424. Or Ctésiphon a peur du proxénète, en
tant que paysan, en tant que fils élevé à la dure, en tant
qu'amoureux.
aliqua ad patrem hoc permanet atque
ego tunc perpetuo perierim.
d'une manière ou d'une autre
l'affaire ne vienne aux oreilles de mon père et que je n'aie plus
qu'à mourir pour toujours.
1 aliqva ad patrem hoc permanet non dicit
quid, sed intellegimus raptum puellae significari. 2 aliqva ad patrem proprie secretum latens
latici comparatur intra uas clausum exsistenti, quod cum
effunditur manat. sic et
alibi de committendis secretis loquens, «
plenus, inquit, rimarum sum, hac atque illac
perfluo
126 ». 3 atqve ego tvnc perpetvo
perierim quasi et nunc se perisse sentiat sed non
perpetuo.
1 aliqva ad patrem hoc permanet il ne dit pas
quoi, mais nous comprenons qu'il veut dire l'enlèvement de la
jeune femme. 2 aliqva ad patrem
proprement, le secret caché est comparé à un liquide contenu dans
un récipient fermé qui, quand du liquide s'échappe, fuit
(manat). De même
ailleurs, à propos de secrets qu'on doit lui confier, un
personnage dit : « plenus rimarum sum, hac atque illac
perfluo ». 3 atqve ego tvnc perpetvo
perierim comme s'il avait le sentiment d'être mort, mais
pas pour l'éternité.
Sy.-non fiet, bono animo esto882: tu
cum illa te intus oblecta interim
Sy.-Cela n'arrivera pas,
tranquillise-toi : prends là-dedans avec elle du plaisir en
attendant
1 non fiet bono animo esto ut illi liberalis
timor sit, ita in Syro seruilis confidentia. 2 tv cvm illa te intvs oblecta moraliter
illa dictum est, ut «
daturne illa Pamphilo
127 » et «
illa quidem nostra erit
128 ». 3 tv cvm illa te intvs
oblecta honeste explicauit turpe dictu.
1 non fiet bono animo esto de même qu'il y a
en Ctésiphon une crainte de fils de bonne famille, de même il y a
en Syrus la confiance caractéristique de l'esclave. 2 tv cvm illa te intvs oblecta conformément à
son caractère, il dit illa, comme dans : « daturne illa
Pamphilo » et : « illa quidem nostra erit »425. 3 tv cvm illa te intvs oblecta il explique de
façon polie une situation honteuse à dire426.
et lectulos iube sterni nobis et
parari cetera.
et fais-nous installer les banquettes
et tout préparer.
et lectvlos ivbe sterni nobis nobis "seruis": nihil tam comicum. et
cum uultu, ut totum superbe ac magnifice loquatur.
et lectvlos ivbe sterni nobis "nous les
esclaves" : il n'y a rien d'aussi comique. Et avec une grimace,
pour dire l'ensemble sur un ton orgueilleux et grandiloquent.
ego iam transacta re conuertam me
domum cum opsonio.
Moi, quand tout sera conclu, je
reviendrai à la maison avec les provisions.
convertam me domvm conuertam magnifice dictum; uerbum
enim est magni moliminis et grauaminis ingentis. nam conuertere se dicitur, quem pompa
praecedit; et imperator proprie conuertit exercitum. ex hoc
spectatur, ut moribus arrogantes serui sint, cum laetantur.
convertam me domvm conuertam est dit sur un ton
grandiloquent ; car c'est un mot qui a beaucoup de volume et de
poids. Car celui dont on dit qu'il s'en retourne (conuertere se), c'est celui qui est
précédé d'un cortège ; et c'est le général qui, au sens propre,
met une armée en fuite (conuertit). On voit donc à quel
point les esclaves ont une nature arrogante quand ils sont
joyeux.
Ct.-ita, quaeso: quando bene
successit883, hilarem hunc sumamus
diem.
Ct.-Oui, s'il te plaît : puisque tout
a réussi, prenons ce jour comme un jour de fête.
ita qvaeso qvando bene svccessit uolunt
quidam et hunc uersum Syri personae adiungendum, sed Ctesiphonis
uerba esse ex subditis planum est, cum dicit «
nam hunc diem misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum
in laetitia degere
129 ».
ita qvaeso qvando bene svccessit certains
sont d'avis que ce vers aussi doit être mis au compte du
personnage de Syrus ; mais ce sont des paroles de Ctésiphon, la
suite le démontre, lorsqu'il dit plus bas : « nam hunc diem misere
nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere ».
Actus tertius
scaena prima
Sostrata Canthara
So.-obsecro, mea nutrix, quid nunc
fiet? Ca.-quid fiat roges?
So.-De grâce, ma chère nourrice,
comment cela va-t-il se passer maintenant ? Ca.-Comment cela va se
passer, tu me le demandes ?
1 obsecro mea nvtrix haec scaena tragoediae
ordinem seruat, nam tragoedia in tria diuiditur: exspectationem,
gesta, exitum. hic quoque exspectatio est81, in Getae nuntio gesta, in planctu Sostratae
exitus. 2 obsecro mea nvtrix hinc
demonstratur, qui sit maternus affectus, quam grata in dominos
seruorum fides sit, eundemque laborem et dolorem esse ex falsis
quam ex ueris malis. 3 obsecro mea
nvtrix personae aut ex suis uerbis aut ex alienis
insinuantur: ex suis, ut nunc persona Sostratae, ex alienis, ut
initio Aeschini persona ex Micionis oratione ac Demeae. 4 obsecro mea nvtrix qvid nvnc fiet
mea nunc pro blandimento
ponitur, et quid nunc fiet
imploratio magis est trepidantis quam ignorantis interrogatio.
namque illius nutrix est, quippe anicula est, neque sapientior
nutrix est quam domina sua. ipsum etiam quod dicit nutrix honorificum est, ut «
Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem
130 »; sunt enim nomina ad aliquid, quibus nos tamen uelimus
ab omnibus appellari, ut magister, medicus, orator.
1 obsecro mea nvtrix cette scène suit le plan
d'une tragédie ; en effet, dans la tragédie il y a trois parties :
attente, action, issue. Ici aussi : il y a une attente, dans
l'annonce de Géta une action, dans les lamentations de Sostrata
une issue427. 2 obsecro mea
nvtrix on y montre ce qu'est l'affection maternelle,
quelle faveur obtient auprès des maîtres la loyauté des
serviteurs, et qu'il y a même souffrance et même douleur à partir
de fausses nouvelles que de vraies nouvelles de malheur. 3 obsecro mea nvtrix les personnages sont
introduits soit avec leurs propres mots soit à partir du discours
d'autrui : avec leurs mots propres, comme ici le personnage de
Sostrata, avec ceux d'autrui comme le personnage d'Eschine au
début au travers du discours de Micion et de Déméa428. 4 obsecro mea nvtrix qvid nvnc fiet
mea est mis ici pour
enjôler et quid nunc fiet
est davantage une question qui témoigne de l'affolement que de
l'ignorance. De fait, il s'agit de sa nourrice, c'est bien sûr une
petite vieille, et une nourrice n'est pas plus sage que sa
maîtresse. Ce mot même de nutrix est honorifique, comme dans :
« Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem » (nourrice chère à
mon cœur, va chercher ma sœur Anna) ; car il y a des noms relatifs
par lesquels nous voudrions cependant être appelés de tout le
monde, comme maître,
médecin, orateur429.
recte edepol spero: modo dolores, mea
tu, occipiunt primulum;
Bien, nom d'un chien, j'espère : les
douleurs n'en sont, ma chère maîtresse, qu'au tout début ;
1 modo dolores mea tv occipivnt primvlvm
euidenter hic modo
temporis praesentis aduerbium est. et rursum mea tu blandimentum est, sine quo non
progreditur colloquium feminarum et maxime trepidantium. 2 primvlvm initium et ipsa origo dolorum
diminutiue demonstrata est; non enim primum sed primulum dicit.
1 modo dolores mea tv occipivnt primvlvm
évidemment ici modo est
un adverbe de temps présent. Et à nouveau mea tu est une cajolerie sans
laquelle la conversation des deux femmes n'avance pas, surtout
qu'elles sont affolées. 2 primvlvm le
début et l'origine mêmes des douleurs sont marqués par l'emploi du
diminutif ; elle ne dit pas en effet primum mais primulum.
iam nunc times, quasi numquam
adfueris, numquam tute pepereris?
et déjà tu as peur, comme si tu
n'avais jamais assisté à ça ni accouché toi-même !
1 nvmqvam tvte pepereris uide praeparationem
doloris: nihil mali adhuc secutum est et iam sic perturbatur
Sostrata. 2 iam nvnc times qvasi nvmqvam
adfveris nvmqvam tvte pepereris docte duo proposuit,
quibus experientes scientesque rerum sumus: uidere et pati. sic
Vergilius «
quaeque
i.
ipse
m.
miserrima
u.
uidi
et
q.
quorum
p.
pars
m.
magna
131 »82. tute autem pro tu παρέλκον est, quod si reiteratur, facit
tute et tutemet et tutemet ipse.
1 nvmqvam tvte pepereris voyez la préparation
de la douleur : rien de fâcheux n'est encore survenu que déjà
Sostrata se trouble430. 2 iam nvnc times qvasi
nvmqvam adfveris nvmqvam tvte pepereris habilement, elle
propose les deux choses grâce auxquelles nous avons l'expérience
et la connaissance des choses : voir et souffrir. Ainsi Virgile :
« quaeque ipse miserrima uidi et quorum pars magna » (tous les
pires malheurs que j'ai vus de mes yeux et auquel j'ai pris une
grande part). Quant à tute mis pour tu, c'est un pléonasme (παρέλκον) qui, si on le
réitère, fait tute et
tutemet (toi-même) et
tutemet ipse (toi-même en
personne).
So.-miseram me! neminem habeo (solae
sumus, Geta autem hic non adest)
So.-Pauvre de moi ! Je n'ai personne
(nous sommes seules, quant à Géta il n'est pas là)
1 solae svmvs cum hoc nomen singularitatis
sit, mire solae pluraliter
dixit. 2 neminem habeo solae svmvs geta
avtem hoc non adest muliebriter queritur et ex
perturbatione sua aestimans metu multa facit ea, quae pauca
sunt. 3 geta avtem hoc non adest
hic apparatio est, ut ostendatur absens, qui superuenturus
est. 4 miseram me proprium est
mulierum, cum loquuntur, aut aliis blandiri, ut «
Annam, cara
m.
mihi
n.
nutrix
,
h.
huc
s.
siste
s.
sororem
132 », aut se commiserari, ut «
miserae hoc tamen unum exsequere, Anna, mihi
133 ». nam haec omnia muliebria sunt, quibus pro malis
ingentibus quasi in aceruum rediguntur et enumerantur nullius
momenti querelae. 5 neminem habeo
"quid enim opus est aut cur nunc quereris?". 6 solae svmvs numquam pluraliter solae. 7 geta avtem hic non adest ueniet.
1 solae svmvs quoique cet adjectif
caractérise l'unicité, paradoxalement il utilise solae au pluriel431. 2 neminem habeo solae
svmvs geta avtem hoc non adest elle se plaint comme une
femme et jugeant à l'aune de son trouble, par peur elle multiplie
des faits qui sont peu nombreux. 3 geta avtem hic non adest c'est une
préparation, pour que soit envisagé en son absence celui qui
s'apprête à survenir. 4 miseram me
c'est le propre des femmes, quand elles parlent, ou bien d'enjôler
les autres, comme dans « Annam, cara mihi nutrix, huc siste
sororem » (nourrice chère à mon cœur, va chercher ma sœur
Anna)432, ou bien de
se lamenter sur elles-mêmes, comme : « miserae hoc tamen unum
exsequere, Anna, mihi » (obéis-moi, malheureuse que je suis, en
cela seulement, Anna). Car tout cela constitue des manières de
femme, par lesquelles, en guise de grands malheurs, des plaintes
sans aucune portée sont ramassées comme en tas et
énumérées. 5 neminem habeo car "de
quoi a-t-on besoin ou pourquoi maintenant te plains-tu ?"433. 6 solae svmvs
solae n'est jamais au
pluriel434. 7 geta avtem hic non
adest il viendra.
nec quem ad obstetricem mittam nec
qui accersat Aeschinum.
pour envoyer quérir la sage-femme ni
pour aller chercher Eschine.
1 nec qvem ad obstetricem mittam deest
habeo, sed in consuetudine
est sic loqui, cum utrumque nobis, non alterutrum deesse
conquerimur. 2 nec qvem ad obstetricem mittam nec
qvi accersat aeschinvm habeo subauditur. et magis a
trepidante quam rationabiliter dicitur; nam refellit hoc totum
nutrix Canthara.
1 nec qvem ad obstetricem mittam il manque
habeo, mais c'est l'usage
de parler ainsi quand nous nous plaignons que l'un et l'autre nous
font défaut et non l'un ou l'autre. 2 nec qvem ad obstetricem mittam nec qvi accersat
aeschinvm habeo
est sous-entendu. Et c'est dit davantage par un personnage affolé
que de façon raisonnable ; car la nourrice Canthara réfute
l'ensemble.
Ca.-pol is quidem iam hic aderit; nam
numquam unum intermittit diem
Ca.-Nom d'un chien, il sera là dans
un instant ; car jamais il ne laisse passer un seul jour
nvmqvam pro non.
nvmqvam mis pour non435.
quin semper ueniat. So.-solus mearum
miseriarum est remedium.
sans venir à chaque fois. So.-Lui
seul de mes malheurs est le remède.
1 Et semper non ad omne tempus rettulit - nam
qui potest? - sed omnes dies83, secundum quod ait «
nam numquam unum intermittit diem
134 ». 2 solvs mearvm
miseriarvm84 bona locutio.
1 Et
semper ne se réfère pas à toute époque
- car comment serait-ce possible ? - mais signifie "tous les
jours", en vertu de ce qu'elle a dit « nam numquam unum
intermittit diem ». 2 solvs mearvm
miseriarvm bonne expression436.
Ca.-e re nata melius fieri haud
potuit quam factum est, era.
De cette situation, il ne pouvait
rien arriver de mieux que ce qui est arrivé, maîtresse,
1 e re nata sic proprie dicimus de his, quae
contra uoluntatem nostram acciderunt, ut nunc uitium uirginis.
- ergo e re
nata ex uitio
uirginis . - sic Lucilius «
puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust
135 »85. 2 Et sic maluit dicere, quae non Aeschino
culpam sed potius casui attributam uellet. est autem ordo: "nihil
melius potuit e re nata fieri quam id quod factum est, era", ut
quandoquidem uitianda erat uirgo, ab eo uitiaretur, qui erat
expetendus ad matrimonium. sensus enim hic est: malum quidem est
uim fieri uirgini, sed ex condicione eius, quae uitiata sit, nihil
potuit melius euenire quam86 contigit, ut ab eo uitiaretur, cuius non
paeniteret. intellegere autem debemus fieri et factum est pro euenire et contigit dici. 3 melivs fieri havd potvit si fieri pro euenire acceperis, erit consecutio
locutionis, sin minus, deerit quantum
intellego.
1 e re nata ainsi disons-nous proprement des
événements qui se sont produits contre notre volonté, comme ici le
viol de la jeune fille. - donc e re
nata veut dire ex uitio
uirginis (du viol de la jeune fille) -. Ainsi
Lucilius : « puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust » (en
la circonstance, notre jeune esclave leur répondit en ces termes :
il n'était pas sans finesse)437. 2 Et ainsi préfère
s'exprimer celle qui voudrait que la faute incombât non à Eschine
mais plutôt au hasard. L'ordre est : "nihil melius potuit e re
nata fieri quam id quod factum est, era", de sorte que puisqu'il
devait y avoir viol de la jeune fille, elle se trouve déshonorée
par celui qui était prévu pour l'épouser. Car le sens est : "c'est
certes un malheur qu'une violence soit commise à l'égard d'une
jeune fille, mais étant donné la condition de celle qui a été
déshonorée, rien ne pouvait arriver mieux que comme cela s'est
produit, à savoir qu'elle se trouve déshonorée par un garçon qui
ne laisse pas de regret". Nous devons donc comprendre que
fieri et factum est équivalent à euenire (se produire) et contigit (il est arrivé). 3 melivs fieri havd potvit si on prend
fieri au sens
d'euenire, il y aura une
cohérence de l'énoncé438, sinon il manquera
quantum intellego (pour
autant que je comprends).
quando uitium oblatum est, quod ad
illum attinet potissimum,
que, puisqu'un viol a été commis,
pour ce qui le concerne,
1 qvando vitivm oblatvm est hoc est
e re nata. 2 oblatvm dicitur, quod offertur
inuito. 3 vitivm oblatvm est qvod ad illvm
attinet potissimvm quasi uitium oblatum sit potissimum, hoc est bonum; sed ex
persona eius qui obtulit uitium factum est bonum, quod per se
ipsum malum est. 4 Et hoc est «
quod melius haud fieri potuit quam factum est
136 ». illum autem
dicit Aeschinum. 5 potissimvm
autem superlatiuum est ab eo quod est potis et potius. sic enim facit potis potius potissimum. 6 Et qvod modo exceptionem significat, ut sit:
quantum ad illum attinet,
id est Aeschinum.
1 qvando vitivm oblatvm est c'est-à-dire
e re nata. 2 oblatvm se dit de ce qui est proposé à
quelqu'un malgré lui. 3 vitivm oblatvm est
qvod ad illvm attinet potissimvm comme si le viol proposé
était potissimum,
c'est-à-dire bon, mais c'est du fait du personnage qui a commis le
viol qu'une chose mauvaise en soi est devenue une bonne
chose. 4 Et c'est ce que signifie
« melius haud fieri potuit quam factum est ». Illum, quant à lui, désigne
Eschine. 5 potissimvm est le
superlatif de potis et de
potius ; en effet, cela
fait potis, potius, potissimum. 6 Et qvod de temps en temps signale une
restriction, pour faire quantum ad
illum attinet (pour autant que cela le concerne),
c'est-à-dire Eschine.
talem, tali genere atque animo, natum
ex tanta familia.
il soit ce qu'il est, d'une si bonne
condition, d'un si bon caractère, issu d'une si grande
famille.
1 tali genere laus ante illum, talem et tali animo in illo. 2 Et genus iam ad uiuos pertinet,
familia etiam ad
defunctos. alii genus ad
nobilitatem referunt, familiam ad copias, unde et
pater familias
dicitur, ut sit ex tanta
familia ex tam diuite
domo. 3 Haec omnis
περίστασις
tragica est: gaudiorum introductio ante funestissimum
nuntium. 4 talem a corpore, id est a
forma, a pulchritudine; tali genere ab his quae extrinsecus sunt,
id est ab honestate generis; atqve animo ab animo, id est a sapientia,
modestia87: hoc modo igitur nihil praetermisit in laude.
1 tali genere c'est un éloge qui porte sur
une période antérieure à lui, alors que talem et tali animo portent sur
lui. 2 Et genus concerne les vivants,
familia concerne aussi
les morts. D'autres rapportent genus à la noblesse, familiam au patrimoine, d'où on dit
aussi pater familias
(père de famille)439, en
sorte que ex tanta
familia signifie ex tam
diuite domo (d'une maison si riche). 3 Toute cette circonstance (περίστασις) est
tragique : introduction d'éléments heureux avant une annonce très
funeste. 4 talem se dit du physique,
c'est-à-dire de la beauté ; tali genere se dit de ce qui lui est
extérieur, c'est-à-dire l'honorabilité de sa famille ; atqve animo
de son caractère, c'est-à-dire sa sagesse, sa modération : donc,
ce faisant, rien n'a été oublié dans l'éloge.
So.-ita pol est ut dicis; saluus
nobis deos quaeso ut siet.
So.-Oui nom d'un chien, tu as
raison ; je prie les dieux qu'ils nous le préservent en bonne
santé.
salvvs nobis deos qvaeso vt siet quam bonus
est, cui nihil ad uota praeter salutem!
salvvs nobis deos qvaeso vt siet quel homme
de bien que celui à qui on ne peut souhaiter que d'être sain et
sauf !
scaena altera
Sostrata Canthara Geta
299 | 300 | 301 | 302 | 303 | 304 | 305 | 306 | 307 | 308 | 309 | 310 | 311 | 312 | 313 | 314 | 315 | 316 | 317 | 318 | 319 | 320 | 321 | 322 | 323 | 324 | 325 | 326 | 327 | 328 | 329 | 330 | 331 | 332 | 333 | 334 | 335 | 336 | 337 | 338 | 339 | 340 | 341 | 342 | 343 | 344 | 345 | 346 | 347 | 348 | 349 | 350 | 351 | 352 | 353 | 354
Gé.-Nous voilà arrivés à un point où,
même si tous les hommes mettaient en commun tous leurs avis
1 nvnc illvd est qvom si omnes omnia88 hic locus secundum artem comicam seruum currentem
exprimit et nuntiantem mala. maxima itaque pars scaenae motoria
est. significat autem: nunc tale negotium est, nunc tale periculum
est. 2 Aut uero cum significationem temporis habet,
ut si diceret quando aut
quo tempore. 3 nvnc illvd est utrum periculum an tempus?
est enim ἔλλειψις. 4 qvom si omnes omnia sva consilia ὑπερβολή cum παρονομασίᾳ omnes omnia. hinc Cicero «
omnes in hoc iudicio conentur omnia
137 ».
1 nvnc illvd est qvom si omnes omnia cette
scène, selon la technique de la comédie, met en scène un esclave
qui court et qui annonce de mauvaises nouvelles. C'est pourquoi le
gros de la scène est du type agité440. 2 Ou alors cum a un sens temporel, comme s'il
disait quando (quand) ou
quo tempore (au moment
où). 3 nvnc illvd est veut-il
dire le danger ou le moment ? Car il y a une ellipse (ἔλλειψις)441. 4 qvom si omnes omnia
sva consilia hyperbole (ὑπερβολή) avec paronomase (παρονομασίᾳ) dans
omnes omnia. De là
Cicéron : « omnes in hoc iudicio conentur omnia » (que tous, dans
ce procès, tentent tout)442.
atque huic malo salutem quaerant,
auxili nihil afferant,
et cherchaient un remède à notre
malheur, ils ne seraient d'aucun secours
1 salvtem qvaerant non remedium ut aegro, sed ut pereunti
salutem. 2 Et noue dixit malo salutem pro contra malum. 3 avxili nihil afferant mire de proximo
repetitum est παρόμοιον, id est conferant et afferant. hoc conuenit praesertim
stomacho uerba minus curantis, sicut supra omnes omnia.
1 salvtem qvaerant il ne dit pas remedium (remède) comme pour un
malade, mais comme pour un agonisant salutem. 2 Et le tour malo
salutem est inédit pour contra malum (contre le
malheur)443. 3 avxili nihil afferant
étonnamment il répète dans un contexte très court un mot
ressemblant (παρόμοιον), à savoir conferant et afferant. Cela convient
particulièrement à la colère d'un homme qui fait moins attention à
ses mots, comme ci-dessus omnes
omnia444.
quod mihique eraeque filiaeque erili
est. uae misero mihi!
à ce qui nous touche, moi, ma
patronne et la fille de la patronne. Aïe, pauvre de moi !
1 qvod mihiqve eraeqve filiaeqve erili mira
in seruo fides: primum se ponit in erili malo et post se matrem,
in ultimo puellam. 2 mihiqve eraeqve
filiaeqve erili est πολυσύνδετον secundum, ut «
omnia secum
a.
armentarius
A.
Afer
a.
agit
tq.
tectumque
lq.
laremque
aq.
armaque
Aq.
Amyclaeumque
c.
canem
Cq.
Cressamque
p.
pharetram
13889 ». 3 vae misero mihi ἐμπαθῶς σχετλιάζει.
1 qvod mihiqve eraeqve filiaeqve erili
étonnante loyauté chez un esclave : il se place en premier dans le
malheur de sa maîtresse, devant la mère et, en dernier, la
fille. 2 mihiqve eraeqve filiaeqve erili
est polysyndète (πολυσύνδετον) de deuxième catégorie,
comme dans « omnia secum armentarius Afer agit, tectumque laremque
armaque Amyclaeumque canem Cressamque pharetram » (le vacher
africain emporte tout avec lui, et son toit et son dieu lare et
ses armes et son chien d'Amyclées et son carquois crétois)445. 3 vae misero mihi il se lamente de façon
empathique (ἐμπαθῶς
σχετλιάζει)446.
tot res repente circumuallant se886,
unde emergi non potest:
Tant de soucis se dressent d'un coup
tout autour, dont on ne peut se sortir,
1 tot res repente circvmvallant90 se
circa nos et stipant se inuicem; nam circumuallamus et nos et alios. tamen
rara locutio est. 2 Et circumuallant dixit uelut inimica
acies contra nos, et ideo addidit unde
emergi non potest. nam impressio dicitur hostium, ut
Sallustius «
pressi undique multitudine
139 » et Cicero «
qui semper premuntur et numquam emergunt
140 ». 3 Et emergi noue, nam emergo dicitur, non emergor. sed ideo usus est, quia sine
compositione et mergo et
mergor facit. 4 vnde emergi non potest unde absolute. 5 An deest illud? an unde pro ex quibus?
1 tot res repente circvmvallant ils se
pressent (circumuallant)
contre nous et se serrent l'un contre l'autre ; car nous pressons
(circumuallamus)
nous-mêmes et autrui. Toutefois l'expression est rare447. 2 Et il
dit circumuallant comme
d'une armée ennemie qui vient contre nous, et dans cette idée il
ajoute unde emergi non
potest. Car les ennemis font ce qu'on appelle une
impressio (assaut), comme
chez Salluste : « pressi undique multitudine » (pressés de toutes
parts par la foule) et Cicéron : « qui semper premuntur et numquam
emergunt » (qui toujours se font presser sans jamais s'en
sortir)448. 3 Et emergi est dans un emploi inédit,
car on dit emergo, et non
pas emergor. Mais il l'a
utilisé sous cette forme parce que le verbe non composé fait aussi
bien mergo que mergor449. 4 vnde emergi non
potest unde est
sans antécédent. 5 Ou bien
manque-t-il illud ? ou
unde est-il mis pour
ex quibus
(desquels) ?
uis, egestas, iniustitia, solitudo,
infamia.
violence, misère, injustice,
solitude, déshonneur !
vis egestas inivstitia solitvdo infamia hae
res sunt quae circumuallant: uis illata, egestas ipsius puellae, iniustitia iudicum, solitudo a defensoribus, infamia ab his, qui credunt pretio
uitiatam; nam et in subditis sic habes «
quando ego conscia sum mihi, a me culpam esse hanc
procul, neque pretium neque rem ullam intercessisse
141 ».
vis egestas inivstitia solitvdo infamia
telles sont les choses (res) qui pressent (circumuallant) : la violence commise
(uis), la pauvreté de la
jeune fille même (egestas), l'injustice des juges
(iniustitia), la solitude
sans défenseur (solitudo), le déshonneur (infamia) qui vient du discours de
ceux qui croient qu'elle a été violée pour de l'argent ; en effet,
on trouve aussi ci-dessous « quando ego conscia sum mihi, a me
culpam esse hanc procul, neque pretium neque rem ullam
intercessisse ».
hocine saeculum887! o scelera, o genera sacrilega, o hominem
inpium...
Quelle époque ! O crimes, ô
générations sacrilèges, ô maudit bonhomme...
1 hocine saecvlvm ἐν ἤθει questurus de homine saeculum
accusat prius, ut «
o tempora, o mores!
142 » et e contrario saecula in omnibus rebus laudantur, ut
«
quae te tam laeta tulerunt saecula?
143 ». 2 hocine saecvlvm o scelera o genera
sacrilega o hominem impivm moris est nimis dolentibus
incusare alia ex aliis. Vergilius «
cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos
atque astra uocat crudelia mater
144 » et «
quem non incusaui amens hominumque deorumque
145 ». 3 o hominem impivm Aeschinum
scilicet. et hoc ἠθικῶς; nam semper ultimum ponimus eum,
cui maxime irascimur, ut in Andria post accusatum socerum et
uituperatam sponsam «
nam quid ego dicam de patre
146 » et in Phormione «
itane tandem uxorem duxit Antipho
147 » et post multa «
o facinus audax! o Geta monitor!
148 », unde ille «
uix tandem
149 » inquit.
1 hocine saecvlvm conforme à son caractère
(ἐν ἤθει), au
moment de se plaindre d'un individu, il incrimine d'abord le
siècle, comme « o tempora, o mores ! » (ô temps, ô mœurs !) et a
contrario le siècle est l'objet d'éloges en toute occasion,
comme : « quae te tam laeta tulerunt saecula ? » (quelle est
l'époque bénie qui t'a porté ?)450. 2 hocine saecvlvm o scelera o
genera sacrilega o hominem impivm c'est une
caractéristique de ceux qui souffrent trop que d'incriminer les
choses les unes après les autres. Ainsi Virgile : « cum complexa
sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia
mater » (tandis que tenant embrassé le corps pitoyable de son
enfant la mère invoque et les dieux et les cieux cruels) et « quem
non incusaui amens hominumque deorumque » (qui n'ai-je pas accusé
et parmi les hommes et parmi les dieux ?)451. 3 o hominem
impivm Eschine, implicitement. Et conformément à son
caractère (ἠθικῶς) ; car nous mettons toujours en
dernier celui qui est la principale cause de notre colère, comme
dans L'Andrienne après l'accusation contre le
beau-père et le dénigrement de la promise : « nam quid ego dicam
de patre » et dans Phormion : « itane tandem uxorem
duxit Antipho » et après plusieurs mots : « o facinus audax ! o
Geta monitor ! » d'où il enchaîne « uix tandem ».
So.-me miseram, quidnam est quod sic
uideo timidum et properantem Getam?
So.-Malheur de moi, que se passe-t-il
donc pour que je voie Géta ainsi affolé et agité ?
video timidvm et properantem getam
timidum perturbatum, non
enim timet sed dolet. sic Plautus in Bacchidibus «
nam ut ex mari timida es
150 ».
video timidvm et properantem getam
timidus signifie
"troublé", car il n'a pas peur mais il a mal. De même Plaute dans
Les Sœurs Bacchis : « nam ut ex mari timida es » (car
tu es tout indisposée de ton voyage en mer).
Ge.-...quem neque fides neque
iusiurandum neque illum misericordia
Gé.-...lui que ni la foi jurée, ni
les serments, ni la pitié
1 qvem neqve fides ordo est: "hominem impium
quem neque fides". 2 Et saepe repetitum neque exaggerat crimen
admissum. 3 qvem neqve fides quia
promisit; neqve ivsivrandvm quia iurauit; neqve illvm
misericordia quia uim intulit. 4 neqve illvm secundum παρέλκον, nam abundat
illum; ut «
nunc dextra ingeminans, nunc ille sinistra
151 ». 6 neqve illvm misericordia
repressit ne auderet.
1 qvem neqve fides l'ordre est : "hominem
impium quem neque fides"... 2 Et la
répétition fréquente de neque amplifie le crime
commis. 3 qvem neqve fides parce
qu'il a promis ; neqve ivsivrandvm parce qu'il a juré ;
neqve illvm
misericordia parce qu'il a fait violence. 4 neqve illvm pléonasme de deuxième catégorie
(παρέλκον),
car illum est superflu ;
de même dans : « nunc dextra ingeminans ictum, nunc ille
sinistra » (redoublant de coups tantôt de la main droite, tantôt,
lui, de la main gauche)452. 6 neqve illvm
misericordia repressit ne l'a retenu d'être audacieux.
repressit neque reflexit neque quod
partus instabat prope
n'ont retenu ni fléchi, ni non plus
le fait que l'accouchement était imminent
1 neqve reflexit ne faceret. et sic hoc
dictum est, ut a Vergilio «
num fletu ingemuit nostro? num lumina flexit? num
lacrimas uictus dedit aut miseratus amantem est?
152 » etc. 2 Et si non potuit reprimi ne faceret, saltim
ut in peccando esset mitior, debuit commoueri. sed melius quod
supra. 3 neqve qvod partvs instabat
prope αὐξητικῶς; non enim addidit mariti
sed patris scelus91.
1 neqve reflexit ne l'a détourné d'agir. Et
cela se dit ainsi, comme chez Virgile : « num fletu ingemuit
nostro ? num lumina flexit ? num lacrimas uictus dedit aut
miseratus amantem est ? » etc. (a-t-il gémi de mes pleurs ? a-t-il
détourné les yeux ? a-t-il, vaincu, versé des larmes ou s'est-il
apitoyé sur une amante ?)453. 2 Et s'il n'a pu s'empêcher d'agir, au moins,
pour que sa faute en soit atténuée, aurait-il dû en être ébranlé.
Mais la meilleure solution est la première454. 3 neqve qvod partvs
instabat prope par amplification (αὐξητικῶς) ; car il
n'ajoute pas un grief qui le concerne en tant que mari mais qui le
concerne en tant que père.
cui miserae indigne per uim uitium
obtulerat. So.-non intellego
pour cette malheureuse qu'il avait
indignement violée et déshonorée ! So.-Je ne comprends pas
1 cvi miserae deest ei. 2 indigne impie, crudeliter, ut Vergilius
«
quae causa indigna serenos foedauit uultus?
153 ». 3 non intellego ad hoc
Sostrata ignorans inducitur, ut malo nuntio repente feriatur. et
quia oportuit ipsam priorem loqui, praesens loquitur. quia autem
non est perdenda tam suauis ἠθοποιΐα dolentis ad irascentem, idcirco
non audit Geta, conuersus ne ob illam loqui desinat.
1 cvi miserae il manque ei455. 2 indigne de façon impie, cruelle, comme chez
Virgile : « quae causa indigna serenos foedauit uoltus ? » (quel
indigne traitement a souillé ton visage serein ?). 3 non intellego si c'est une Sostrata
ignorante qui est mise en scène, c'est pour qu'elle soit frappée
par surprise de la mauvaise nouvelle. Et parce qu'il fallait
qu'elle parle la première, elle parle en étant présente. Mais
comme il ne faut pas perdre l'occasion d'une si agréable éthopée
(ἠθοποιΐα)
d'un homme qui passe de la souffrance à la colère, pour cette
raison Géta ne l'entend pas et lui tourne le dos pour ne pas
s'interrompre devant elle.
satis quae loquatur888. Ca.-propius obsecro accedamus, Sostrata.
Ge.-ah
suffisamment ce qu'il dit.
Ca.-Approchons, s'il te plaît, Sostrata. Gé.-Ah !
satis qvae loqvatvr adhuc non audiente Geta
loquitur. idcirco nec audit eam seruus nec uidetur ab eo
Sostrata.
satis qvae loqvatvr elle parle sans se
faire encore entendre de Géta. Aussi l'esclave ne l'entend-il pas
et Sostrata n'est pas vue de lui.
me miserum! uix sum compos animi, ita
ardeo iracundia.
pauvre de moi ! j'ai peine à me
maîtriser tant je brûle de colère !
1 vix svm compos animi aut uix tandem aut non, ut Lucilius «
carcer, uix carcere dignus
154 ». 2 Et compos animi id est competentis animi uel sani animi, cui contrarium est
impos animi. Sallustius
«
neque animo neque auribus aut lingua satis
competere
155 », cum de amente Septimio loqueretur. alii compotem animi compositum animi intellegunt.
1 vix svm compos animi soit uix signifie uix tandem (avec peine, mais enfin)
ou non (négation), ainsi
chez Lucilius : « carcer, uix carcere dignus » (prisonnier à peine
digne de ta prison)456 2 Et compos animi équivaut à competentis animi (à l'esprit
capable) ou sani animi (à
l'esprit sain) ; son contraire est impos animi (incapable de se
maîtriser). Salluste : « neque animo neque auribus aut lingua
satis competere » (n'avoir pas de capacité suffisante au plan de
l'intellect, de l'ouïe ou du langage), alors qu'il parlait de la
folie de Septimius. D'autres comprennent compos animi au sens de compositus animi (qui s'est composé
un esprit)457.
nihil est quod malim quam illam totam
familiam dari mi obuiam
Il n'est rien que je ne souhaiterais
davantage que de me trouver face à face avec cette famille tout
entière,
qvam illam totam familiam hic non tam culpa
familiae quam scelus Aeschini ostenditur, propter quam omnes
cruciandi sunt.
qvam illam totam familiam ici ce n'est pas
tant la faute de la famille qui est montrée que le crime
d'Eschine, à cause de qui tous doivent être massacrés.
ut ego iram hanc in eos euomam omnem,
dum aegritudo haec est recens.
pour épancher sur eux toute ma
colère, tandis que mon aigreur est toute récente.
iram hanc hanc interdum pro qualitate, interdum
pro quantitate accipimus, interdum pro utroque. ut «
tuaque animam hanc effundere dextra
156 » et «
hunc ego te, Euryale, aspicio?
157 » sed nunc pro utroque hanc dixit, ut Sallustius de scripto
Celtiberi ait «
hanc igitur redarguit Tarquitius
158 ».
iram hanc nous interprétons hic tantôt comme ayant une valeur
qualitative, tantôt quantitative, tantôt les deux à la fois.
Ainsi : « tuaque animam hanc effundere dextra » (rendre cette
mienne âme sous les coups de ta main) et « hunc ego te, Euryale,
aspicio ? » (est-ce tel, Euryale, que je te revois ?), mais là il
l'utilise dans les deux sens à la fois, comme Salluste à propos du
texte du Celtibère : « hanc igitur redarguit Tarquitius »
(Tarquitius la réfuta donc)458.
satis id mihi889
habeam supplici, dum illos ulciscar modo.
Je me satisferais de mon châtiment
pour peu seulement que je me venge d'eux.
1 satis id mihi habeam svpplici moraliter
loquitur. nam fere cum quisquis irascitur, sibi uidetur
fortis92 tamquam plus
audet. 2 dvm illos vlciscar modo
uerum est hanc esse uindictam, quae ex recentissimis flagitiis
properata sit. Vergilius «
te Turne superbum caede noua quaerens
159 ».
1 satis id mihi habeam svpplici il parle
conformément à son caractère. Car généralement, quand on se met en
colère, on se croit fort en tant qu'on a plus d'audace. 2 dvm illos vlciscar modo c'est vrai que
c'est la vengeance qui se met en branle à partir des outrages les
plus récents. Virgile : « te Turne superbum caede noua quaerens »
(c'est toi, Turnus, qu'il cherche, avec l'orgueil que te donne ton
récent massacre).
seni animam primum exstinguerem ipsi,
qui illud produxit scelus;
Au vieux d'abord je ferais rendre
l'âme, lui qui a donné le jour à ce scélérat ;
1 seni animam primvm exstingverem bene
exstinguerem, quia ignis
est93. Vergilius «
igneus est ollis uigor et caelestis origo
seminibus
160 ». 2 Et primum addidit, quod ordinem
significat; tunc enim adicitur, cum multa subsecutura monstrantur,
ut «
cui fracta prius crura bracchiaque
161 » etc. 3 Vindicta in
Aeschinum tota prominens ostenditur etiam per aliena
supplicia.
1 seni animam primvm exstingverem exstinguerem est bon parce que l'âme
c'est du feu. Virgile : « igneus est ollis uigor et caelestis
origo seminibus » (ces germes de vie ont une vigueur ignée et une
origine céleste). 2 Et il ajoute
primum qui indique une
chronologie ; car on l'ajoute quand beaucoup d'événements
subséquents sont indiqués, comme dans : « cui fracta prius crura
bracchiaque » etc. (on lui brise d'abord les jambes et les
bras...)459. 3 La vengeance contre Eschine, qui déborde tout
entière, se voit aussi dans les tourments réservés aux autres.
tum autem Syrum inpulsorem, uah,
quibus illum lacerarem modis!
et puis Syrus, l'instigateur, oh ! de
quelle manière je le taillerais en pièces !
1 impvlsorem causa poenae. 2 vah qvibvs illvm lacerarem modis hic
uoluntas immodica ostenditur poenam pro merito
reposcentis. 3 Et nota, cum Syrum dixerit, addidisse de
supercilio rursus illum.
1 impvlsorem la cause du châtiment. 2 vah qvibvs illvm lacerarem modis ici on
voit la volonté implacable de celui qui réclame un châtiment
proportionné à l'acte. 3 Et notez
qu'après avoir dit Syrus
il ajoute à nouveau illum
avec morgue.
sublimen890 medium
primum arriperem et capite in terra statuerem,
Je le soulèverais d'abord en
l'attrapant par la ceinture et le ficherais en terre par la
tête
1 svblimen ista poena est. 2 statverem vt cerebro dispergat viam et
cerebrum et uia dispergi potest; ideo uidetur ambiguum, ut apud
Vergilium «
ensemque cruore spumantem sparsasque manus
162 ». aliter enim dicitur «
spargite humum foliis
163 », aliter «
sparserat et latices simulatos
f.
fontes
A.
Auerni
164 ».
1 svblimen c'est le châtiment. 2 statverem vt cerebro dispergat viam on peut
trouver comme sujet de dispergi aussi bien un mot comme
cerebrum que comme
uia ; d'où il résulte de
l'ambiguïté, comme chez Virgile : « ensemque cruore spumantem
sparsasque manus » (son épée écumante de sang et ses mains
souillées). Car on dit dans un sens : « spargite humum foliis »
(jonchez le sol de feuilles), dans un autre : « sparserat et
latices simulatos fontes Auerni » (elle avait répandu un liquide
qui simulait les eaux de l'Averne)460.
ut cerebro dispergat uiam;
pour qu'il arrose la rue de sa
cervelle ;
adulescenti ipsi eriperem oculos,
posthac praecipitem darem;
au jeune homme lui-même,
j'arracherais les yeux, après quoi je le jetterais tête la
première ;
1 advlescenti ipsi eriperem ocvlos bene
oculos, amoris inlices
adiutoresque flagitii. 2 posthac praecipitem
darem grauior poena caecitatis, non prouidere quo
cadas.
1 advlescenti ipsi eriperem ocvlos oculos est bon, car les yeux sont
des pièges d'amour et les auxiliaires de l'outrage. 2 posthac praecipitem darem le pire châtiment
de la cécité c'est de ne pas se prémunir de la chute.
ceteros ruerem, agerem, raperem,
tunderem et prosternerem!
tous les autres, je voudrais les
renverser, pousser, secouer, assommer, coucher par terre !
1 ceteros rverem ruerem actiuam uim habet: Sallustius
in secundo «
ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur
165 ». ruere autem
est toto corpore niti ad impellendum, quod faciunt qui ipsi
praecipites alios prosternunt. inde sues ruere dicuntur: Vergilius «
ipse ruit dentesque Sabellicus
e.
exacuit
s.
sus
166 » et Horatius «
hac rabiosa fugit canis, hac lutulenta ruit sus
167 ». 2 tvnderem et prosternerem
uide quam fortis sibi uidetur, qui dolet et irascitur. 3 agerem "prosequerer", "premerem", ut
Vergilius «
cursu palantis
T.
Troas
ag.
agebat
168 » et «
agit uentos
169 » id est nimia celeritate prosequitur et paene occupat
praeuenitque.
1 ceteros rverem ruerem a un sens actif : Salluste au
livre II : « ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur » (sous
l'impulsion de ceux qui se ruaient dans le fleuve). Ruere c'est mettre toutes ses forces
physiques à attaquer, ce que font ceux qui, en se jetant tête la
première, abattent les autres. De là on dit que les
cochons461 chargent (ruere) ; Virgile : « ipse ruit
dentesque Sabellicus exacuit sus » (le sanglier sabellien charge
et aiguise ses défenses) et Horace : « hac rabiosa fugit canis,
hac lutulenta ruit sus » (par là passe en courant un chien enragé,
par là se précipite un porc plein de fange)462. 2 tvnderem et prosternerem
voyez comme il se croit fort celui qui ressent douleur et
colère. 3 agerem "je le
poursuivrais", "je le presserais" ; de même Virgile : « cursu
palantis Troas agebat » (il serrait de sa course des Troyens
dispersés) et « agit uentos » (il pousse les vents), c'est-à-dire
il pourchasse avec une vitesse excessive et en vient presque à
rattraper et à dépasser.
sed cesso eram hoc malo inpertire
propere? So.-reuocemus. Geta! Ge.-hem,
Mais ne vais-je pas me dépêcher de
faire part de ce malheur à ma maîtresse ? So.-Rappelons-le. Géta !
Gé.-Hein ?
quisquis es, sine me. So.-ego sum
Sostrata. Ge.-ubi ea est? te ipsam quaerito,
Qui que tu sois, laisse-moi. So.-Mais
c'est moi, Sostrata. Gé.-Où çà ? c'est justement toi que je
cherche,
1 ego svm sostrata haec ideo inducuntur, ut
ueri simile sit supra non uisam Sostratam, quando etiam nunc uix
agnoscitur ab irato. 2 te ipsam exspecto
oppido opportvne94 incerta distinctio,
utrum te exspecto oppido
an oppido95
opportune sit
dicendum. 3 An exspectare impatienter cupere et sine
praescriptione temporis, sperare iuxta certum tempus? unde
apparet ad te exspecto,
quia per se nimium est, non esse iungendum oppido.
1 ego svm sostrata la réplique vise à rendre
vraisemblable que Sostrata n'a pas été aperçue plus tôt, puisque
encore maintenant c'est tout juste si l'esclave en colère la
reconnaît. 2 te ipsam exspecto oppido
opportvne on ne sait comment ponctuer : faut-il dire
te exspecto oppido (c'est
tout à fait toi que je cherchais) ou oppido opportune (tout à fait
opportunément) ? 3 A moins que
exspectare ne signifie
"désirer avec impatience" et sans limitation de durée, alors que
sperare implique un temps
limité ? Dans ce cas, il appert que te exspecto, parce que le mot dénote
en soi l'excès, ne doit pas être complété par oppido463.
te expecto; oppido opportune te
obtulisti mihi obuiam.
toi après qui j'en ai ; ça tombe
vraiment bien que tu te sois trouvée sur mon chemin.
era... So.-quid est? quid trepidas?
Ge.-ei mihi. Ca.-quid festinas, mi Geta?
Maîtresse... So.-Quoi ? Pourquoi
trembles-tu ? Gé.-Hélas pauvre de moi ! Ca.-Qu'as-tu à te hâter
ainsi, mon Géta ?
qvid festinas mi geta Probus personae
assignat hoc Sostratae, Asper non uult ad omnia seruum respondere,
sed nutricem putat hoc loqui. festinas autem "perturbaris" et
"commotus est".
qvid festinas mi geta Probus attribue la
réplique à Sostrata, Asper n'est pas d'avis que l'esclave répond à
tout mais pense que c'est la nourrice qui dit cela. Quant à
festinas il veut dire
perturbaris (tu es
troublé) et commotus es
(tu es remué).
animam recipe. Ge.-prorsus...
So.-quid istuc prorsus ergo est? Ge.-...perimus891!
Reprends ton souffle. Gé.-Nous sommes
complètement... So.-Eh bien quoi, « complètement » ?
Gé.-...perdus !
1 prorsvs apta κόμματα fesso et anhelanti ob
perturbationem et contentum cursum. 2 animam recipe quod in lectione gestu
ostendi minime potuit, id ex uerbis Sostratae ostenditur in Geta.
nam ideo dicitur animam
recipe, quod ille prae anhelitu crebriora uerba
continuare non possit. 3 perimvs actvm
est iam bina uerba iunguntur. 4 perimvs actvm est uerba sunt desperationis,
nam actum est dicitur in
ea re, de qua iam sit lata sententia.
1 prorsvs segments de phrase (κόμματα) qui
conviennent à un personnage épuisé et à bout de souffle à cause de
son trouble et de la course qu'il vient de faire. 2 animam recipe ce qui à la lecture ne
pouvait guère être montré par un geste est montré, par les mots de
Sostrata, à propos de Géta. Car si elle dit animam recipe, c'est parce que Géta,
du fait de son essoufflement, ne peut pas tenir une conversation
serrée. 3 perimvs actvm est cette
fois ce sont deux verbes qui sont associés464. 4 perimvs actvm
est ce sont des verbes de désespoir, car actum est se dit d'une affaire qui a
déjà connu son verdict.
actum est. So.-eloquere ergo, obsecro
te, quid sit? Ge.-iam... So.-quid iam, Geta?
C'en est fait. So.-Eh bien parle, je
t'en conjure, de quoi s'agit-il ? Gé.-Désormais... So.-Eh bien
quoi, « désormais », Géta ?
1 eloqvere obsecro te bene eloquere, nam conatur tantum, quod
nec explicatur nec intellegitur; cui uitio contraria uirtus est
eloquentia. 2 Iam hic plus gestu quam dictu agitur, quia,
ut supra diximus, et lassus est qui nuntiat et integratur dolor
nuntii, cum apud illam loquitur, ad quam maxime calamitas
pertinet: quo dolore uox plerumque subtrahitur atque
singultit. 3 Et simul dat iam signum perditarum
rerum.
1 eloqvere obsecro te eloquere est bon car il ne fait
qu'entreprendre un propos qui reste inexpliqué et
incompréhensible ; or la qualité contraire de ce défaut est
l'éloquence (eloquentia). 2 Ici il est question davantage de gestes que de
paroles parce que, comme nous l'avons dit ci-dessus, d'une part le
messager est épuisé et d'autre part est restituée intacte la
douleur que cause le message, lorsque l'on parle devant la
personne qui est le plus concernée par le malheur : cette douleur
très souvent fait défaillir la voix et la fait hoqueter. 3 Et en même temps il signale l'état désespéré
de la situation.
Ge.-...Aeschinus... So.-quid is ergo?
Ge.-...alienus est ab nostra familia. So.-hem!
Gé.-...Eschine... So.-Eh bien
qu'est-ce qu'il a ? Gé.-...est étranger à notre famille.
So.-Hein ?
alienvs est a nostra familia bene
alienus: Getae enim ipsi
iam dominus, Sostratae gener, Pamphilae maritus uocabatur.
alienvs est a nostra familia alienus est bon : car pour Géta
lui-même c'est un maître, pour Sostrata un gendre, pour Pamphila
un mari qu'Eschine avait vocation à devenir.
perii. qua re? Ge.-amare occepit
aliam. So.-uae miserae mihi!
Je suis perdue. Pourquoi ? Gé.-Il
s'est mis à en aimer une autre. So.-Aïe pauvre de moi !
1 vae miserae mihi interponitur mulieris
affectus nouo nuntio. 2 amare occepit
aliam peius est amare
occepit quam amat; nam in eo quod dixit occepit augmenta mali metuenda sunt,
ut in principiis quae auctum recipiunt non statim imminutionem
spectant. 3 Et occepit magnum facinus dixit.
1 vae miserae mihi vient s'interposer au
milieu de l'annonce de la nouvelle une marque féminine
d'affect. 2 amare coepit aliam c'est
pire de dire amare coepit
que de dire amat (il
aime) ; car dans le mot occepit on doit craindre une
aggravation du malheur, de même que dans les commencements, ce qui
est en cours d'accroissement ne vise pas immédiatement la
diminution465. 3 Et
occepit signale un grand forfait.
Ge.-neque id occulte fert, ab lenone
ipsus eripuit palam.
Gé.-Et il ne s'en cache pas, il l'a
enlevée lui-même à un proxénète, ouvertement.
1 ab lenone ipsvs eripvit sic nuntiat, ut
ultima peiora sint. 2 Et his argumentis uult probare, quod
immodice amauit Aeschinus et paene plus quam amauit uirginem; nam
pudori qui non consulit, amat. quis autem magis potuit impudens
esse, quam qui post honestum amorem ab
lenone amet? hoc enim significat meretricem. 3 Ergo non honestam sed ab lenone, non per alium, sed ipsus, nec emit aut abduxit, sed ob impatientiam ualde
amantis eripuit, neque id
occulte, ut qui celaret
factum, tamquam satisfacturus uxori uideretur, sed palam. [ 4 ab lenone ipsvs eripvit sic nuntiat, ut
ultima peiora sint.]
1 ab lenone ipsvs eripvit il fait son annonce
de manière à ce que le pire soit à la fin. 2 Et en argumentant ainsi, il veut prouver
qu'Eschine aime sans mesure et presque davantage qu'il n'a aimé la
jeune fille ; car qui ne se soucie pas de l'honneur est amoureux.
Or qui pourrait davantage manquer à l'honneur que celui qui, après
un amour décent, va aimer "chez le proxénète" (ab lenone) ? Car cela implique qu'il
s'agit d'une courtisane. 3 Donc il
ne dit pas honnête mais
chez le proxénète
(ab lenone), non
par l'intermédiaire d'un
autre, mais lui-même (ipsus), et il ne l'a pas achetée ni enlevée, mais à cause de son
impatience d'amoureux fou, arrachée (eripuit), et il ne l'a pas fait
en cachette (occulte), comme quelqu'un qui
dissimulerait le fait pour paraître avoir des égards pour son
épouse, mais ouvertement
(palam)466. 4 ab lenone ipsvs
eripvit il fait son annonce de manière à ce que le pire
soit à la fin467.
So.-satin hoc certum est? Ge.-certe
hisce oculis egomet uidi, Sostrata. So.-ah
So.-La chose est-elle prouvée ?
Gé.-La preuve, c'est que je l'ai vu faire moi-même de mes yeux,
Sostrata. So.-Ah !
1 satin hoc certvm est magnis malis non
statim creditur. hoc ergo ex dolore dixit, quod stupet audiens,
non quia non habet fidem. 2 hisce ocvlis
ἰδιωτισμός
asseuerantis. 3 ah interiectio est
flentis.
1 satin hoc certvm est on ne croit pas
immédiatement aux grands malheurs. Donc elle dit cela de douleur,
parce qu'elle est stupéfaite de ce qu'elle entend, et non pas
parce qu'elle n'y accorde pas foi. 2 hisce ocvlis particularisme (ἰδιωτισμός) de celui
qui fait une assertion. 3 ah
interjection de quelqu'un qui pleure.
me miseram! quid iam credas? aut cui
credas? nostrumne Aeschinum,
que je suis malheureuse ! Que croire
désormais ? ou qui croire ? notre cher Eschine,
1 me miseram qvid iam credas mira affectio,
nam lacrimae non sinunt finiri sensum. 2 qvid credas avt cvi credas fides aut
personae qualitate seruatur, si grauis persona est cui creditur,
aut ipsius rei qualitate, si ea res creditur, in qua fallere cui
creditur aut non debet aut non potest. hic ergo mire in utroque
dixit iam fidem nullam esse: et in persona et in re. quod etiam
Vergilius transtulit breuiusque dixit «
nusquam tuta fides
170 », hoc est nec in re nec in persona; et hic ipse in
Heautontimorumeno «
pro Iuppiter, ubinam est fides?
171 ». 3 nostrvmne aeschinvm nostram vitam
omnivm ἐλλειπτικῶς omnia, quia fletus impedit
uerba. deest autem hoc
fecisse uel tale quid.
1 me miseram qvid iam credas étonnante
affection, car les larmes ne laissent pas la phrase se
finir. 2 qvid credas avt cvi
credas le crédit est garanti soit par la qualité de la
personne, si c'est une personne sérieuse que l'on croit, soit par
la qualité de la chose même, si ce qu'on croit est une chose dans
laquelle celui qu'on croit ne doit ni ne peut tromper. Donc ici,
étonnamment, c'est sur les deux aspects qu'elle dit qu'il n'y a
plus de crédit : ni dans la personne, ni dans la chose. C'est ce
que Virgile a aussi transcrit et dit de façon plus ramassée :
« nusquam tuta fides » (la confiance n'est plus en sûreté nulle
part), c'est-à-dire ni dans une chose ni dans une personne ; et
Térence lui-même dans L'Héautontimorouménos : « pro
Iuppiter, ubinam est fides ? » (par Jupiter, où est donc passée la
confiance ?)468. 3 nostrvmne aeschinvm
nostram vitam omnivm le tout de façon elliptique (ἐλλειπτικῶς), parce que
les pleurs empêchent les mots. Or il manque hoc fecisse (qu'il ait fait cela !)
ou quelque chose de ce genre.
nostram uitam omnium892, in quo nostrae spes opesque omnes
sitae
notre vie à tous, sur qui reposaient
tous nos espoirs et toutes nos ressources,
sitae erant sitae positae; nam situm est quicquid in loco suo
positum non euertitur.
sitae erant sitae veut dire "placées" ; car on
dit qu'est situm tout ce
qui, mis à sa place, ne se fait pas renverser.
erant, qui sine hac iurabat se unum
numquam uicturum diem,
qui jurait que sans elle il ne
pourrait vivre un seul jour,
qui se in sui gremio positurum puerum
dicebat patris,
qui disait qu'il irait déposer son
bébé dans le giron de son père,
1 qvi se in svi gremio positvrvm pvervm
puerum dixit si puer
nasceretur, non quia diuinabat. ad uotum ergo cupientis rettulit
puerum, non quia necesse
erat marem nasci. 2 Et haec omnia magno stupore dicuntur ad
exaggerandam perfidiam illius cui creditur et dolorem eorum qui
crediderunt.
1 qvi se in svi gremio positvrvm pvervm il
disait puer pour le cas
où lui naîtrait un enfant, non pas parce qu'il en devinait le
sexe. Donc il rapporte le mot puer au souhait du père qui désire
un fils, non parce qu'il était nécessaire que ce fût un
garçon469. 2 Et toute la réplique se dit dans un état de
grande stupeur pour exagérer la perfidie de celui en qui l'on
avait confiance et la douleur de ceux qui avaient eu
confiance.
ita obsecraturum ut liceret hanc sibi
uxorem ducere!
qu'il le supplierait tant qu'on le
laisserait l'épouser !
Ge.-era, lacrimas mitte ac potius
quod ad hanc rem opus est porro prospice;
Gé.-Maîtresse, oublie tes larmes et
regarde plutôt vers l'avant ce qu'il convient de faire ;
1 era lacrimas mitte ac potivs qvod ad hanc rem opvs
est hinc Vergilius «
non lacrimis
h.
hoc
t.
tempus
a.
ait
S.
Saturnia
I.
Iuno
172 »; sentit autem non lacrimis agendum ubi consilio est
opus. 2 porro prospice porro in reliquum, deinde uel in
futurum. porro enim
ordinis et temporis aduerbium est, non coniunctio.
1 era lacrimas mitte ac potivs qvod ad hanc rem opvs
est d'où Virgile : « non lacrimis hoc tempus ait Saturnia
Iuno » (ce n'est pas le temps des larmes, dit Junon fille de
Saturne) ; il sent qu'il n'y a que faire des larmes quand il est
besoin de réflexion. 2 porro
prospice porro
c'est pour ce qui reste, ensuite même dans le futur. Car
porro est un adverbe
logique et un adverbe de temps, non une conjonction470.
patiamurne an narremus cuipiam?
Ca.-au au, mi homo, sanusne es?
faut-il souffrir en silence ou bien
le divulguer ? Ca.-Holà, mon gaillard, as-tu toute ta tête ?
1 av mi homo sanvsne es hoc ex persona
nutricis legendum est: illa enim dissimulandam rem
putat. 2 mi pro meus.
1 av mi homo sanvsne es il faut faire dire
cela au personnage de la nourrice : car c'est elle qui est d'avis
qu'il faut dissimuler l'affaire. 2 mi pour meus471.
an hoc proferendum tibi uidetur
usquam? Ge.-mihi quidem non placet.
Crois-tu vraiment qu'il faille
publier n'importe où cette histoire ? Gé.-Non, ça ne me dit rien
qui vaille.
an hoc
proferendvm tibi videtvr
an hoc
proferendvm tibi videtvr
472
iam primum illum alieno animo a nobis
esse res ipsa indicat.
D'abord, que son cœur se soit éloigné
de nous, l'événement même le montre.
nunc si hoc palam proferimus, ille
infitias ibit, sat scio;
Du coup, si nous publions la chose au
grand jour, lui fera du déni, je le sais bien ;
tua fama et gnatae uita in dubium
ueniet. tum si maxime
c'est ta réputation et la vie de ta
fille qui seront en cause. Et puis quand bien même
1 tva fama et gnatae vita tibi enim crimini
erit uitiatam esse filiam, illi uero etiam oberit. 2 Et utrum uitam salutem dicit? 3 in dvbivm in periculum.
1 tva fama et gnatae vita car on te
reprochera que ta fille ait été déshonorée, mais à elle aussi cela
fera tort. 2 Et est-ce que par
uitam il veut dire
salutem (le
bien-être) ? 3 in dvbivm en danger.
fateatur, cum amet aliam, non est
utile hanc illi dari.
il avouerait, dès lors qu'il en aime
une autre, il n'est pas utile que ce soit notre jeune maîtresse
qui lui soit donnée en mariage.
fateatvr "uitiasse filiam". et complexio
est
dipleuros
96 oratoria,
in qua utrum concesseris, contrarium tollis cogiturque quod ex
altera parte sit, hoc est tacere.
fateatvr "qu'il a déshonoré ta fille". Et
c'est un dilemme oratoire (complexio dipleuros)473 dans lequel, quoi qu'on ait concédé, on prend le
contraire et force l'autre option, qui consiste à se taire.
quapropter quoquo pacto tacito est
opus. So.-ah minime gentium!
Aussi, quoi qu'il en soit, il faut se
taire. So.-Ah non ! Pas le moins du monde !
qvapropter qvoqvo pacto tacito est
opvs ah minime gentivm97 congrue
et pro persona et pro muliere et in malis constantem esse
demonstrat.
qvapropter qvoqvo pacto tacito est opvs ah minime
gentivm bien dans le ton et du personnage et d'une femme,
elle montre que même dans le malheur il faut être constant.
non faciam. Ge.-quid ages?
So.-proferam. Ca.-hem! mea Sostrata, uide quam rem agis.
Je n'en ferai rien. Gé.-Que
feras-tu ? So.-Je vais divulguer la chose. Ca.-Hein ? Ma Sostrata,
songe à ce que tu fais.
non faciam non
faciam dixit pro non
tacebo, quasi tacere actionem aliquam habeat. sed
moralis significatio est et communis omnibus, sicut aduocatum
dicimus male fecisse, quia
tacuerit.
non faciam elle dit non faciam au lieu de non tacebo (je ne me tairai pas),
comme si se taire recelait quelque action que ce soit. Mais c'est
un sens moral et commun à tous, comme quand nous disons d'un
avocat qu'il a "mal agi" parce qu'il s'est tu474.
So.-peiore res loco non potest893 esse quam in quo nunc sita est:
So.-La situation ne peut pas être en
plus mauvaise posture qu'elle ne l'est actuellement :
1 peiore res loco non potest esse satis
argute poeta facit inter Getam et Sostratam sententias ex
perturbatione nutare. 2 qvam in qvo nvnc sita
est causa nihil timendi.
1 peiore res loco non potest esse de façon
assez subtile, le poète fait changer Géta et Sostrata d'avis sous
l'effet du trouble. 2 qvam in qvo nvnc
sita est raison pour n'avoir peur de rien.
primum indotata est; tum praeterea,
quae secunda ei dos erat,
d'abord, elle est sans dot ; et puis
en plus, ce qui était pour elle comme une seconde dot,
1 primvm indotata est ratio subiecta est
causae. 2 Et indotatam modo pauperem
dicit. 3 tvm qvae secvnda ei dos
erat uidelicet «
pro uirgine dari nuptum
173 ». 4 Et incerta distinctio est; etenim
erat si98
distinguimus, bis audiendum pro
uirgine dari nuptum.
1 primvm indotata est la raison est mise sous
la cause. 2 Et indotata veut parfois dire
"pauvre". 3 tvm qvae secvnda ei dos
erat évidemment « pro uirgine dari nuptum ». 4 Et la ponctuation n'est pas sûre ; de fait,
si nous ponctuons après erat, il faut entendre deux fois
pro uirgine dari
nuptum.
periit; pro uirgine dari nuptum non
potest. hoc reliquum est:
est perdu : on ne peut plus la donner
à marier pour vierge. Mais il reste ceci :
1 non potest iungemus dari nuptum non potest. 2 pro virgine dari nvptvm id est uirgo, ut
«
nunc plane est pro noua
174 » id est noua99. 3 An100 nec uirgo nec pro uirgine potest nubere? nec
uirgo quia uitiata est, nec pro
uirgine quia diffamata est res.
1 non potest nous accrocherons dari nuptum non potest. 2 pro virgine dari nvptvm c'est-à-dire
vierge, comme dans : « nunc plane est pro noua » (on la donne
aujourd'hui pour neuve), c'est-à-dire neuve475. 3 Ou bien
est-elle empêchée d'épouser parce qu'elle n'est pas vierge ni ne
peut passer pour vierge ? Elle n'est pas vierge puisqu'elle a été
déshonorée, elle ne peut pas passer pour vierge parce que
l'affaire a été ébruitée476.
si infitias ibit, testis est
mecum894 anulus quem amiserat.
s'il fait du déni, j'ai pour témoin
l'anneau qu'il avait perdu.
1 si infitias ibit si negabit. 2 testis est mecvm anvlvs locutio haec
sic capienda est, hoc est "anulus pro me testis est" uel sic
"anulus mecum101 testes sumus"
sed melius quod supra.
1 si infitias ibit s'il vient à
nier. 2 testis est mecvm anvlvs
il faut ainsi comprendre cette expresion, à savoir : "anulus pro
me testis est" (l'anneau est un témoin en ma faveur", ou ainsi
"anulus mecum testes sumus" (l'anneau et moi en sommes témoins).
Mais la première solution est meilleure477.
postremo quando ego conscia sum
mihi895, a me culpam esse hanc procul,
Enfin, du moment que j'ai ma
conscience pour moi sachant que je ne suis pas en faute dans cette
affaire,
postremo qvando ego conscia svm mihi
quando pro quoniam uel quandoquidem.
postremo qvando ego conscia svm mihi
quando vaut quoniam (puisque) ou quandoquidem (dès lors que).
neque pretium neque rem ullam
intercessisse illa aut me indignam, Geta,
qu'aucun avantage n'est intervenu ni
rien qui puisse faire honte à elle ou à moi, Géta,
1 neqve rem vllam hoc est internuntium,
pactum, donum aut promissum. 2 Et bene totum exsecratiue dixit, ut alii
facinore102 abhorreant. 3 illa filia scilicet.
1 neqve rem vllam à savoir un négociateur, un
contrat, un cadeau, une promesse. 2 Et elle fait bien de dire le tout sur un ton de
malédiction, pour détourner autrui de mal agir. 3 illa sa fille implicitement.
j'esterai. Gé.-Que dire à cela ? Je
cède à tes bons arguments. So.-Et toi fais ton possible,
1 experiar "apud iudices agam". 2 qvid istic uerbum est aegre consentientis,
quasi qui dicat: "quid istic resistam?". 3 accedo vt melivs dicas hoc est: "ut
consentiam, ueluti melius potens sis dicere". 4 qvantvm potes deest cito, ut sit "quantum potes cito
abi".
1 experiar "je plaiderai devant les
juges". 2 qvid istic c'est le mot
de quelqu'un qui consent du bout des lèvres, comme quelqu'un qui
dirait : "quid istic resistam ?" (que rétorquer à ça ?). 3 accedo vt melivs dicas c'est-à-dire : "j'en
viens à m'accorder avec toi de la même façon que tu es capable de
t'exprimer au mieux". 4 qvantvm
potes il manque cito (vite), pour faire "quantum
potes cito abi" (va-t'en au plus vite).
abi atque Hegioni cognato huius rem
enarrato omnem ordine;
va chez Hégion le parent de ma fille
et raconte-lui l'affaire comme elle s'est passée ;
1 atqve hegioni apud Menandrum Sostratae
frater inducitur. 2 hvivs filiae
suae scilicet.
1 atqve hegioni chez Ménandre, c'est le frère
de Sostrata qui est mis sur scène. 2 hvivs de sa fille, implicitement.
nam is nostro Simulo fuit summus et
nos coluit maxime.
car il était intime de notre cher
Simulus et il nous a beaucoup choyées.
1 simvlo nomen patris puellae est,
diminutiuum a Simo uel a Simone. et nota nomen in palliata fabula
Latine diminutum. 2 simvlo fvit
svmmvs summus an
ad cognatum an ad amicum refertur? an absolute, ut in Eunucho
«
plurima salute Parmenonem summum suum impertit
Gnatho
175 »? 3 et nos colvit maxime
miserabilius coluit quam
si diceret colit.
Vergilius «
per caput
h.
hoc
i.
iuro
p.
per
q.
quod
p.
pater
a.
ante
s.
solebat
176 ». colere autem
et maioribus et minoribus conuenit, ut
posthabita coluisse Samo
177.
1 simvlo c'est le nom du père de la jeune
fille, diminutif de Simus ou de Simon. Et remarquez que le nom,
dans une palliata, a un diminutif latin478. 2 simvlo fvit svmmvs summus se rapporte-t-il au degré de
parenté ou au degré d'amitié ? ou est-il utilisé tout seul, comme
dans L'Eunuque : « plurima salute Parmenonem summum
suum impertit Gnatho » ? 3 et nos colvit
maxime cela fait plus pitié de mettre coluit au passé que de dire
colit au présent. Ainsi
Virgile : « per caput hoc iuro per quod pater ante solebat » (je
jure par cette tête par laquelle mon père jurait autrefois). Quant
à colere, il convient
autant aux grandes qu'aux petites choses, comme dans « posthabita
coluisse Samo » (elle l'a honorée en la préférant à Samos).
Ge.-nam hercle alius nemo respicit
nos. So.-propera tu, mea Canthara,
Gé.-Oui, ma foi, personne d'autre ne
nous respecte ainsi. So.-Et toi, dépêche-toi, ma chère
Canthara,
1 nos monosyllabo finit exprimens uultuosam
pronuntiationem. 2 tv mea
canthara tristis ac seriae feminae blandimentum est
mea magis quam pronomen
possessiuum. deest enim cara uel quid tale, quod additum
pronomen faceret mea.
1 nos il finit sur un monosyllabe, en usant
d'une prononciation avec des grimaces. 2 tv mea canthara c'est le mot caressant
d'une femme triste et sérieuse que ce mea, plus que ne le serait le pronom
possessif. Car il manque cara (chère) ou quelque chose de ce
genre qui, si on l'ajoutait, ferait de mea un pronom.
curre, obstetricem accerse, ut cum
opus sit ne in mora nobis siet.
cours, va chercher la sage-femme pour
que, quand il le faudra, elle ne nous fasse pas attendre.
1 cvrre mire dictum aniculae curre. 2 vt cvm opvs sit hoc est: "cum adesse
coeperit partus". 3 ne in mora nobis
siet locutio103 qualis supra104.
1 cvrre c'est étrange de dire à une petite
vieille curre. 2 vt cvm opvs sit c'est-à-dire : "quand le
travail d'accouchement aura commencé". 3 ne in mora nobis siet expression du même
genre que plus haut479.
scaena tertia
Demea Syrus
355 | 356 | 357 | 358 | 359 | 360 | 361 | 362 | 363 | 364 | 365 | 366 | 367 | 368 | 369 | 370 | 371 | 372 | 373 | 374 | 375 | 376 | 377 | 378 | 379 | 380 | 381 | 382 | 383 | 384 | 385 | 386 | 387 | 388 | 389 | 390 | 391 | 392 | 393 | 394 | 395 | 396 | 397 | 398 | 399 | 400 | 401 | 402 | 403 | 404 | 405 | 406 | 407 | 408 | 409 | 410 | 411 | 412 | 413 | 414 | 415 | 416 | 417 | 418 | 419 | 420 | 421 | 422 | 423 | 424 | 425 | 426 | 427 | 428 | 429 | 430 | 431 | 432 | 433 | 434 | 435 | 436 | 437 | 438 | 439 | 440 | 441 | 442 | 443 | 444 | 445 | 446
De.-disperii: Ctesiphonem audiui
filium
Dé.-Je suis fichu : je viens
d'apprendre que mon fils Ctésiphon
disperii ctesiphonem avdivi filivm hic
ostenditur, quod seueri homines ac recti et honesti tenaces uel
ridiculi sint uel odio habeantur, quoquo accesserint. magno autem
affectu et quasi exclamans addidit filium, quasi causam redderet, cur
dixerit disperii.
disperii ctesiphonem avdivi filivm la scène
montre que les hommes austères, droits et honorables sont obstinés
ou ridicules ou se font détester, à quelque décision qu'ils soient
arrivés. Et c'est avec beaucoup de passion et presque en poussant
une exclamation qu'il ajoute filium, comme s'il donnait la raison
du fait qu'il ait dit disperii.
una fuisse898 in
raptione cum Aeschino.
a participé au rapt avec Eschine.
vna fvisse in raptione cvm aeschino
οἰκονομία, in
qua ostenditur, quantum commouebitur Demea ipsa re comperta, cum
ex parua rei suspicione tantum se afficiat. raptio autem ad personam refertur,
rapina ad rem, raptus ad stuprum, si proprie uolumus
loqui.
vna fvisse in raptione cvm aeschino
préparation (οἰκονομία) par laquelle on montre quelle
pourra être l'émotion de Déméa quand il aura une connaissance
pleine et entière de l'affaire, dans la mesure où à partir d'un
mince soupçon il en vient à être à ce point affecté. Raptio (rapt) se rapporte à une
personne, rapina (larcin)
à une chose, raptus
(viol) à l'acte de déshonorer, si nous voulons nous exprimer
proprement480.
id misero restat mihi mali, si illum
potest,
il ne manque plus à mon malheur que,
s'il le peut, celui
1 id misero restat bene restat, tamquam iam summum mali sit
Aeschinum esse corruptum. 2 Et misero
mihi quasi qui nihil nesciat nihil curante
Micione. 3 si illvm potest non
dubitat uelle et ideo potest dicit.
1 id misero restat restat est bon, comme si encore le
malheur suprême était qu'Eschine est corrompu. 2 Et il dit misero
mihi en homme qui n'ignore rien, alors que Micion ne
s'occupe de rien. 3 si illvm
potest il ne doute pas de sa volonté, c'est pourquoi il
dit potest.
qui alicui rei est etiam, eum ad
nequitiam899 adducere.
qui valait encore quelque chose,
l'autre ne le pousse à être un vaurien.
1 qvi alicvi rei est recte, de hoc enim supra
dixit «
non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac
sobrium?
178 ». 2 etiam evm ad neqvitiam
addvcere quasi inuitum dixit non uocare sed adducere. ducimus enim etiam orantes,
adducimus inuitos.
nequitia autem proprie
libidinosa inertia dicta est, quod nihil queat nullique rei apta sit.
unde et nugae quod nihil agant uel a non agendo.
1 qvi alicvi rei est c'est exact, car il a
dit de Ctésiphon ci-dessus « non fratrem uidet rei dare operam,
ruri esse parcum et sobrium ? ». 2 etiam evm ad neqvitiam addvcere comme si
c'était malgré lui, il dit non pas uocare (il l'invite), mais
adducere. De fait, nous
amenons (ducimus)
même des gens qui nous en prient, mais nous poussons (adducimus) les gens malgré eux.
Quant au mot nequitia, au
sens propre d'inertie libidineuse, il s'applique étymologiquement
à un état qui nihil queat
(ne peut rien faire) et n'est apte à rien. De la même façon aussi
on dit nugae
(balivernes), parce que l'on ne fait rien (nihil agant) ou par dérivation de
non agere (ne rien faire)
481.
ubi ego illum quaeram? credo abductum
in ganeum
Où dois-je le chercher ? je suppose
qu'on l'aura emmené dans un bouge
1 vbi ego illvm qvaeram credo abdvctvm non
isse eum dicit sed
abductum esse, ut adhuc
culpa non sit illius. 2 in ganevm
ganeum ueteres tabernam
meretricum dixerunt ἀπὸ
τῆς γαίας, τουτέστι
γῆς, eo
quidem quod ipsa sit in terra, non in cenacula superius. unde et
taberna quasi trabena a ualidioribus dicta
trabibus, quibus superiora
suspensa sunt.
1 vbi ego illvm qvaeram credo abdvctvm il ne
dit pas qu'il y est "allé" (isse) mais qu'il y a été "emmené"
(abductum), de sorte que
ce n'est toujours pas de sa faute. 2 in ganevm ganeum, pour les Anciens, est le nom
d'une taverne à filles qui vient de γαῖα, c'est-à-dire γῆ (terre) (ἀπὸ τῆς γαίας, τουτέστι
γῆς), du fait que cette salle se trouve dans la terre et
non pas dans l'étage du dessus. De là également le mot taberna, pour ainsi dire trabena, tire son nom des poutres
(trabes) solides sur
lesquelles les étages supérieurs sont suspendus482.
aliquo: persuasit ille impurus, sat
scio.
quelque part : l'autre débauché
l'aura persuadé, pour sûr.
1 persvasit ille impvrvs suademus facilia, persuademus difficilia. 2 Et suadere facientis est, persuadere perficientis. 3 impvrvs pro improbo ponitur apud
Terentium. 4 Et hic quoque excusata uoluntas est
Ctesiphonis, cui a maiore fratre et improbo ingesta sit
persuasione nequitia.
1 persvasit ille impvrvs nous conseillons
(suademus) de faire des
choses faciles, mais nous persuadons (persuademus) d'en faire des
difficiles. 2 Et suadere (conseiller) est le propre
de quelqu'un qui fait quelque chose, persuadere le propre de quelqu'un
qui achève quelque chose483. 3 impvrvs
équivaut à improbus
(malhonnête) chez Térence. 4 Et ici
encore est mise hors de cause l'intention de Ctésiphon, chez qui
la mauvaise conduite a été insufflée de façon persuasive par son
malhonnête de frère aîné.
sed eccum Syrum ire uideo: iam hinc
scibo ubi siet.
Mais voilà Syrus que je vois
arriver ; j'en apprendrai bien où se trouve mon fils.
1 sed eccvm syrvm ire video ire et abire et uenire significat. 2 ire video ire pro uenire, ut «
nec uero Aeacidem me sum
l.
laetatus
e.
euntem
a.
accepisse
179 »105.
1 sed eccvm syrvm ire video ire signifie à la fois "s'en aller"
(abire) et "venir"
(uenire). 2 ire video ire est mis pour uenire (venir), comme dans « nec
uero Aeacidem me sum laetatus euntem accepisse » (je ne me suis
pas réjoui d'avoir accueilli le fils d'Eaque484).
atque hercle hic de grege illo est:
si me senserit
Mais ma foi, il est de leur bande ;
si jamais il sent que je
1 atqve hercle hic de grege illo est ἐπανάλημψις
figura. 2 de grege illo est
ordo uel bonorum uel
malorum dicitur et grauium, ut equester ordo, senatorius ordo; grex uel bonorum uel malorum et
leuium est, ut Cicero «
in his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri
impudicique uersantur
180 ».
1 atqve hercle hic de grege illo est figure
d'épanalepse (ἐπανάλημψις). 2 de grege illo est ordo s'emploie en parlant d'hommes
importants, soit bons soit mauvais, comme dans equester ordo, senatorius ordo (ordre équestre,
ordre sénatorial), alors que grex s'emploie en parlant d'hommes
sans importance, soit bons soit mauvais, comme dans Cicéron : « in
his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri impudicique
uersantur » (dans ces jolies bandes se trouvaient tous les
joueurs, tous les dépravés et les débauchés).
eum quaeritare, numquam dicet
carnifex.
suis à sa recherche, il ne parlera
jamais, le bourreau.
1 qvaeritare instanter quaerere. 2 carnifex pro ganeo positum est.
1 qvaeritare rechercher instamment. 2 carnifex mis pour ganeum (bordel)485.
non ostendam id me uelle.
Sy.-...omnem rem modo seni
Je ne vais pas lui montrer ce que je
veux. Sy.-...toute l'affaire, à l'instant, au vieillard,
non ostendam id me velle scilicet "scire
ubi siet".
non ostendam id me velle implicitement
"savoir où il est".
quo pacto haberet enarramus
ordine:
comme elle s'est passée, nous l'avons
racontée par le menu.
1 qvo pacto haberet enarramvs ordine hoc
recte, quia dixerat Micio «
nisi quicquid est uolo scire atque hominem conuenire,
si apud forum est
181 ». 2 enarramvs pro enarrauimus, ut «
omnis humo fumat
N.
Neptunia
T.
Troia
182 ». 2 Et ordine bene, quia simpliciter fatetur.
fallax autem et captiosa narratio est, quando timemus fateri.
1 qvo pacto haberet enarramvs ordine c'est
justement dit, parce que Micion avait dit : « nisi quicquid est
uolo scire atque hominem conuenire, si apud forum est ». 2 enarramvs mis pour enarrauimus, comme dans « omnis humo
fumat Neptunia Troia » (toute la Neptunienne Troie fait monter sa
fumée du sol)486. 2 Et ordine bien dit, parce qu'il fait un aveu
simple et sans détour. Au contraire, le récit est trompeur et
captieux quand nous craignons d'avouer.
nihil quicquam uidi laetius...
De.-pro Iuppiter,
Je n'ai rien vu, rien, de plus
enjoué... Dé.-Par Jupiter,
nihil qvicqvam vidi laetivs quartum
παρέλκον.
nihil qvicqvam vidi laetivs pléonasme
(παρέλκον) de
quatrième catégorie487.
hominis stultitiam! Sy.-collaudauit
filium;
l'idiotie de ce bonhomme ! Sy.-Il a
félicité son fils ;
1 hominis stvltitiam scilicet quia laetatur
ignorans «
ubi Aeschinus siet
183 ». 2 collavdavit filivm plus
est: non solum non accusauit, sed et collaudauit.
1 hominis stvltitiam évidemment parce que
Micion se réjouit sans savoir « où se trouve Eschine ». 2 collavdavit filivm il en rajoute : non
seulement il ne l'accuse pas mais en plus il l'en félicite.
mihi, qui id dedissem consilium, egit
gratias.
moi, qui avais donné ce conseil, il
m'a remercié.
De.-disrumpor. Sy.-argentum
adnumerauit ilico;
Dé.-J'éclate ! Sy.-Il a compté la
somme séance tenante ;
1 disrvmpor mire: his enim uerbis commouetur
collaudauit, et egit gratias. et uide αὔξησιν stomachi
reseruatam. 2 argentvm envmeravit contra
illud est «
cur tu his rebus sumptum suggeris?
184 ». 3 Et non solum inquit enumerauit, sed quod peius est
ilico.
1 disrvmpor c'est paradoxal : car les mots
qui suscitent son émotion sont collaudauit et egit gratias. Et voyez comment
l'amplification (αὔξησιν) de la colère est
ménagée. 2 argentvm envmeravit c'est
l'attitude contraire de la réplique : « cur tu his rebus sumptum
suggeris ? ». 3 Et non seulement il
dit enumerauit, mais, ce
qui est pire, ilico.
dedit praeterea in sumptum dimidium
minae:
il a donné en plus pour des faux
frais une demi-mine :
id distributum sane est ex sententia.
De.-hem!
ça a été ventilé exactement selon mon
idée. Dé.-Hein !
id distribvtvm sane est ex sententia
distributum in diuersa
tributum, hoc est dispertitum per pulmentaria.
id distribvtvm sane est ex sententia
distributum signifie
"distribué pour servir à plusieurs usages", c'est-à-dire "ventilé
entre différents petits plats".
huic mandes, si quid recte curatum
uelis!
voilà bien le type à qui il faut
confier ce dont tu veux prendre soin !
hvic mandes si qvid recte cvratvm velis
εἰρωνεία est
maioris stomachi, quia ille dixit «
ea distributum
185 », id est, ut iudicat Demea, non distributum106, dilapidatum. sic alibi «
columen familiae, bone custos, salue
186 ».
hvic mandes si qvid recte cvratvm velis
c'est là de l'ironie (εἰρωνεία) due à une colère importante,
parce que Syrus avait dit « ea distributum », c'est-à-dire, au
jugement de Déméa, non pas "réparti" mais "gaspillé". De même
ailleurs : « columen familiae, bone custos, salue ».
Sy.-hem900 Demea,
haud aspexeram te; quid agitur?
Sy.-Tiens, Déméa, je ne t'avais pas
aperçu ; comment ça va ?
1 hem demea hem interiectio est commoti et quasi
perculsi re subita et noua. 2 qvid agitvr
blandientis est, non interrogantis, ut alibi «
o noster, quid fit? quid agitur?
187 ».
1 hem demea hem est l'interjection d'un
personnage ébranlé et comme frappé à l'annonce d'une nouvelle
soudaine. 2 qvid agitvr formule de
sympathie et non pas d'interrogation véritable, comme ailleurs :
« o noster, quid fit ? quid agitur ? »488.
De.-quid agatur? uostram nequeo
mirari satis
Dé.-Comment ça va ? Je ne parviens
pas à m'étonner assez de votre
1 neqveo mirari satis mira sunt etiam illa, quae uehementer
praua sunt, et ideo mirari
pro horrere ac
reprehendere positum
est. 2 Et «
rationem
188 » ἰδιωτικῶς dixit malam, cum non sit ratio
nisi bona. sed sic loquitur populus.
1 neqveo mirari satis on qualifie de
mira également les choses
qui sont résolument mauvaises, et du coup ici mirari est mis pour "éprouver et
blâmer". 2 Et rationem est dit de façon
particulière (ἰδιωτικῶς) en mauvaise part, alors qu'il
ne saurait y avoir de raison que bonne. Mais c'est ainsi que
s'exprime le peuple.
rationem. Sy.-est hercle inepta, ne
dicam dolo, atque
manière d'être. Sy.-Ma foi, elle est
idiote, pour parler sans détour, et
1 est hercle inepta hoc ad senem. 2 ne dicam dolo "ne mentiar", hoc est "quasi
ex contrario dicere uidear, sed ut sedulo dicam". 3 atqve absvrda ineptum est stultum tantum,
absurdum quod et stultum
est et in ipsa stultitia diuersum et quasi repugnans sibi. sic
ergo locutus est, ut uideatur ineptam
rationem ad Aeschinum referre, absurdam ad Micionem, quoniam
stultum fieri contrarium107 senectuti est.
1 est hercle inepta s'adresse au
vieillard. 2 ne dicam dolo "sans
mentir", c'est-à-dire "comme si tout en semblant dire le contraire
je parlais en fait franchement". 3 atqve absvrda ineptus signifie seulement stupide,
absurdus ce qui est
stupide et en même temps, dans le cadre de la stupidité,
incohérent et presque contadictoire. Donc il dit cela dans l'idée,
en parlant d'ineptie, d'évoquer Eschine et, en parlant
d'absurdité, d'évoquer Micion, puisque le fait de devenir stupide
est incompatible avec la vieillesse489.
absurda. pisces ceteros purga,
Dromo;
absurde. Nettoie les autres poissons,
Dromon ;
congrum istum maximum in aqua sinito
ludere
quant à cet énorme congre-là,
laisse-le jouer dans l'eau
1 congrvm istvm maximvm διαστολή, quia erant
alii non maximi; ut e contrario «
argitisque minor
189 », quia est et maior. nam istum quod ait δεικτικόν est; uidetur
enim ostendere digito, quem dicat. 2 in aqva sinito lvdere pavlisper sic
ostenditur bene obsonasse, qui uiuos attulit pisces; nam non ludit
piscis nisi uiuus.
1 congrvm istvm maximvm distinction (διαστολή), parce qu'il
y avait d'autres congres qui n'étaient pas très grands ; de même
pour le contraire : « argitisque minor » (et la petite vigne
blanche), parce qu'il en existe une grande. Car le istum qu'il dit est déictique
(δεικτικόν) ;
en effet il semble montrer du doigt lequel il veut dire490 . 2 in aqva sinito lvdere pavlisper il montre
par là qu'il a fait un bon marché puisqu'il a rapporté des
poissons vivants ; car un poisson ne joue que s'il est vivant.
paulisper901;
ubi ego uenero, exossabitur;
un petit peu ; quand je reviendrai,
on lui enlèvera ses arêtes ;
prius nolo. De.-haecine flagitia!
Sy.-mihi quidem non placet902,
mais pas avant. Dé.-Ce scandale !
Sy.-Moi non plus je n'aime pas ça,
1 privs nolo superbe et pro auctoritate non
dixit non oportet sed
nolo. subauditur autem
purgari eum. 2 Et nihil ex mora corruptelae
accessurum pisci ex eo ostendit, quod ait ludere, hoc est uiuere et non laesum
uiuere; non enim dixit natare, quod possunt etiam languidi
pisces. ipse etiam planum fecit, quid sit purga dicendo exossabitur. purga igitur exossa significat, non ut quidam
putant exossabitur,
comedetur. 3 mihi qvidem non placet rursus hoc ad senem.
et uide quam totum superbe et confidenter dixerit ob amicitiam
omnium dominorum excepto uno Demea, quem tam de illis
contemnit.
1 privs nolo avec orgueil et du fait de son
autorité, il n'a pas dit non
oportet (il ne faut pas), mais nolo. Et on sous-entend "qu'on le
prépare". 2 Et il montre que le
poisson n'est pas du tout gâté par une attente trop longue en
disant qu'il joue, c'est-à-dire qu'il est vivant, et qu'il est
vivant sans être blessé ; car il ne dit pas qu'il flotte, ce que
même des poissons en mauvais état peuvent faire. Il clarifie aussi
lui-même le sens de purga
en disant exossabitur.
Purga donc signifie
exossa (désosse), au
contraire de ceux qui croient qu'exossabitur signifie comedetur (on le mangera). 3 mihi qvidem non placet s'adresse à nouveau
au vieillard. Et voyez avec quel orgueil et quelle confiance en
lui il a dit l'ensemble, en raison de l'amitié qui le lie à tous
les maîtres, à l'exception du seul Déméa, qu'il méprise tant sur
ces questions.
et clamo saepe. salsamenta haec,
Stephanio,
et je le crie souvent. Cette
salaison, Stéphanion,
1 salsamenta hoc ad discipulum. 2 salsamenta aut salsi pisces aut
lardum. 3 salsamenta haec stephanio
in tota comoedia opera danda est, ut stomachetur Demea, excepto
quod se ipse in fine commutat. haec ergo causa, quare Syrus quoque
illi obicitur magnifice inferens se ut luxuriosum licentemque
seruum, praesertim qui adolescentum paedagogus fuerit.
1 salsamenta s'adresse au jeune
apprenti. 2 salsamenta ou des harengs
saurs ou du lard. 3 salsamenta haec
stephanio dans toute la comédie, il faut veiller à faire
enrager Déméa, sauf au moment où, à la fin, il s'amende. C'est la
raison pour laquelle Syrus aussi est placé en travers de son
chemin, avec sa manière très grand style de se montrer un esclave
exubérant et permissif, surtout après avoir été le pédagogue de
jeunes gens.
fac macerentur pulchre. De.-di
uostram fidem!
fais-la joliment macérer. Dé.-Bonté
divine !
utrum studione id sibi habet an laudi
putat
est-ce qu'il pense qu'il sera homme
de goût ou glorieux
1 vtrvm stvdione aut ordo est utrumne aut est παρέλκον tertium aut
uero per ἔλλειψιν
accipitur, quasi dicat utrum
est? aut utrum uerum
est? quod qui accipit, utrum subdistinguat et separet a
sequentibus necesse est. 2 vtrvm
stvdione aut utrum
superuacuum est aut ne aut
certe τμῆσις
figura est pro utrumne. 3 stvdione id sibi habet si sciens laedit
filium? 4 lavdi pvtat quia
decipit.
1 vtrvm stvdione soit l'ordre des mots est
utrumne, soit c'est un
pléonasme (παρέλκον) de troisième catégorie, soit
cela se comprend avec une ellipse (per ἔλλειψιν), comme s'il disait utrum est ? (en est-il ainsi ?) ou
utrum uerum est ? (est-ce
vrai ?), ce qui oblige l'auditeur à ponctuer après utrum et à le séparer de ce qui
suit. 2 vtrvm stvdione soit
utrum est superflu, soit
c'est ne soit du moins
c'est une figure de tmèse (τμῆσις) pour utrumne491. 3 stvdione id sibi
habet si en conscience il lèse son fils ? 4 lavdi pvtat parce qu'il déçoit.
fore, si perdiderit gnatum? uae
misero mihi!
d'avoir causé la perte de son fils ?
Aïe, pauvre de moi !
1 si perdiderit gnatvm et magno affectu non
dixit Aeschinum et mire
non addidit, cuius gnatum. 2 vae misero
mihi hoc est quod supra dixit «
aegre est, alienus non sum
190 ».
1 si perdiderit gnatvm d'une part, avec
beaucoup d'affect, il n'a pas dit Aeschinum, d'autre part il n'a pas
ajouté du fils de qui il parlait. 2 vae misero mihi cela reprend ce qu'il a dit
ci-dessus : « aegre est, alienus non sum. »
uidere uideor iam diem illum, cum
hinc egens
j'ai l'impression de déjà voir le
jour où d'ici, ruiné,
videre videor iam diem illvm illum dixit quasi quendam tristem ac
funestum.
videre videor iam diem illvm il dit
illum comme pour désigner
un jour triste et funeste.
profugiet aliquo militatum. Sy.-o
Demea!
il s'enfuira pour s'engager quelque
part comme soldat. Sy.-O Déméa !
istuc est sapere, non quod ante pedes
modo est
la sagesse c'est de ne pas seulement
voir ce qu'on a devant les pieds,
non qvod ante pedes modo est videre hoc
sumpsit poeta de illo in physicum peruulgato ancillae dicto «
quod ante pedes est, non uident: caeli scrutantur
plagas
191 ».
non qvod ante pedes modo est videre le
poète a tiré cette expression du bon mot bien connu de la servante
au naturaliste : « quod ante pedes est, non uident : caeli
scrutantur plagas » (ils ne voient pas ce qui est à leurs pieds,
car ils scrutent les zones du ciel)492.
uidere, sed etiam illa quae futura
sunt
mais aussi de se projeter dans
l'avenir.
sed etiam illa qvae fvtvra svnt magis
ridicula est assentatio, si quis maxime laudetur quibus maxime
caret.
sed etiam illa qvae fvtvra svnt la
flagornerie est plus drôle si on loue quelqu'un particulièrement
pour des qualités dont il est particulièrement dépourvu.
prospicere. De.-quid? istaec iam
penes uos psaltria est?
Dé.-Bon alors, cette musicienne, elle
est maintenant entre vos mains ?
qvid istaec iam penes vos psaltria est
dicendo istaec ostendit
iamdudum hac se indignari.
qvid istaec iam penes vos psaltria est en
disant istaec, il montre
que cela fait quelque temps déjà qu'il s'indigne de la présence de
cette musicienne.
Sy.-ellam intus. De.-eho, an domi est
habiturus? Sy.-credo, ut est
Sy.-Oui, elle est là-bas dedans.
Dé.-Hé ! il compte la prendre chez lui ? Sy.-Je crois, étant donné
sa
1 ellam intvs ut «
ellum confidens catus
192 ». 2 an domi est habitvrvs
proprie, quia haberi uxor
dicitur et haberi mulier,
cum coit. 3 credo vt est dementia sic
et in Eunucho: et nominatiuus et septimus casus potest esse. si
septimus, subaudias praeditus aut quid tale; sed melius
nominatiuum accipimus casum.
1 ellam intvs comme dans : « ellum confidens
catus »493. 2 an domi est habitvrvs au sens propre, parce
qu'on dit qu'on prend une épouse (haberi) et qu'on prend une femme
(haberi), au moment d'un
rapport sexuel. 3 credo vt est
dementia c'est comme dans L'Eunuque : le mot peut être un
nominatif ou un ablatif. Si c'est un ablatif, il faut
sous-entendre praeditus
(pourvu de) ou quelque chose d'équivalent ; mais nous comprenons
mieux avec le nominatif494.
dementia. De.-haecine fieri!
Sy.-inepta lenitas
folie. Dé.-Qu'on puisse faire une
chose pareille ! Sy.-Indulgence insensée
1 inepta lenitas patris et facilitas prava
lenitas ad permittendum,
facilitas ad
ignoscendum. 2 Sic quidam; sed ego
lenitatem ad Micionem
refero, qui haec leniter patitur, facilitatem ad Aeschinum, cui haec
per licentiam facilitas datur. prauum autem est quod ipsum laedit
facientem, malum quod
alios tantum.
1 inepta lenitas patris et facilitas prava
indulgence (lenitas) pour
permettre, facilité (facilitas) à pardonner. 2 C'est l'opinion de certains ; mais moi je
rapporte lenitas à
Micion, qui accepte cela avec indulgence, facilitas à Eschine, à qui cette
facilité est octroyée par laxisme. Quant à prauus, il désigne quelque chose qui
fait du tort à celui même qui le fait, malus (mauvais) ce qui fait du tort
aussi à autrui.
patris et facilitas praua.
De.-fratris me quidem
d'un père ! laxisme coupable !
Dé.-Mon frère me fait vraiment
1 fratris me qvidem piget pvdetqve pudet in his quae turpiter facit,
piget in his quae cum
damno ac malo. 2 Et pudere ad dedecus, pigere ad dolorem refertur. 3 Pudet quod turpe est, piget quod dolet.
1 fratris me qvidem piget pvdetqve il a honte
à l'égard de ce qu'il fait de façon lamentable, il est contrarié à
l'égard de ses dépenses et pertes. 2 Et pudere
réfère au déshonneur, pigere à la douleur. 3 On a honte (pudet) de ce qui est lamentable, on
est contrarié (piget) de
ce qui fait mal.
pudet pigetque903. Sy.-nimium inter uos, Demea, ac
honte et me contrarie. Sy.-Il y a
entre vous, Déméa, trop
nimivm inter vos
d.
demea
μετὰ
διορθώσεως
108: nunc enim redditum est quod supra
debebatur. et praeterea repetendo nimium confirmauit superius dictum et
τὸ
κρεμάμενον109 soluit.
nimivm inter vos demea avec rectification
(μετὰ
διορθώσεως) : car ici est donné ce qui était attendu
ci-dessus. Et en outre, en répétant nimium, il confirme ce qui était dit
ci-dessus et met un terme à la suspension (τὸ κρεμάμενον)495.
(non quia ades praesens dico hoc)
pernimium interest.
(je ne dis pas cela parce que tu es
ici présent), oui, vraiment trop de différence :
tu quantus quantus es nihil nisi
sapientia es,
toi, dans toute ta personne, tu n'es
que sagesse,
1 tv qvantvs qvantvs110 id est
quantuscumque. 2 nihil nisi sapientia ridicule prius additum
nihil quam quicquam laudis
nomine; deinde si sapiens
dixisset, non tanta esset irrisio. 3 Sed ὑπερβολή: "stultus es". 4 nihil nisi sapientia es ille somnivm nec tu
sapiens sed sapientia, nec ille somniculosus, sed somnium: ὑπερβολή.
tv qvantvs qvantvs c'est-à-dire quantuscumque (quelque grand que tu
sois). 2 nihil nisi sapientia pour
faire rire il met nihil
avant quoi que ce soit d'élogieux sous la forme d'un
nom496 ; ensuite, s'il avait dit sapiens (sage), la raillerie aurait
été moins forte. 3 Mais c'est une
hyperbole (ὑπερβολή) : "tu es stupide". 4 nihil nisi sapientia es ille somnivm pas
plus qu'il n'avait dit tu
sapiens mais sapientia, il ne dit ille somniculosus (c'est un rêveur),
mais somnium : hyperbole
(ὑπερβολή)497.
ille somnium. sineres uero illum
tu904 tuum
et lui un mauvais rêve. Toi, pour de
vrai, tu aurais autorisé ton fils
1 sineres vero illvm tvvm ab argumento
fabulae repetit sineres
nunc. 2 Et εἰρωνικῶς interrogat.
1 sineres vero illvm tvvm en partant de
l'argument de la pièce, il répète ici sineres. 2 Et il fait une interrogation ironique (εἰρωνικῶς)498.
facere haec? De.-sinerem illum? aut
non totis sex905 mensibus
à faire ça ? Dé.-Moi, l'autoriser ?
est-ce que je n'aurais pas, six longs mois
1 totis sex mensibvs totis quasi longi sint. 2 Hoc est integris, ut ne unum quidem diem
minus a sex mensibus sciat, quid coepturus sit filius: nimis
comica et moralis asseueratio.
1 totis sex mensibvs totis comme s'ils étaient
longs. 2 C'est-à-dire entiers, au
point de savoir, sans manquer un seul jour sur les six mois, ce
que son fils a l'intention d'entreprendre : l'assertion est fort
comique et caractéristique.
prius olfecissem, quam ille quicquam
coeperit906?
avant qu'il n'ait entrepris quoi que
ce soit, dûment flairé la chose ?
1 qvam ille qvicqvam coeperit multum dixit et
ante sex menses et
olfecissem et prius quam coeperit non
fecerit111. 2 Et totum ridicule; nam quid olfecisset, qui
nondum scire coepisset cuiusque naribus nihil obiectum fuisset?
nam ideo nares dictae a
naritate, quia nos odoratu
doceant praesto et prope esse, quod oculi adhuc non uident.
1 qvam ille qvicqvam coeperit il dit beaucoup
de choses : dans les six mois, et olfecissem et prius quam coeperit, non pas "qu'il
ait agi". 2 Et c'est tout à fait
risible ; car que pourrait-il avoir flairé, celui qui n'a pas
encore commencé à savoir quoi que ce soit et aux narines de qui
rien n'est encore arrivé ? Car les narines (nares) tirent leur nom de naritas (connaissance), parce que
les narines nous enseignent grâce à l'odeur que se trouve là ou à
côté quelque chose que les yeux ne voient pas encore499.
Sy.-uigilantiam tuam tu mihi narras?
De.-sic siet
Sy.-Que me vantes-tu ta vigilance ?
Dé.-Qu'il en aille
1 vigilantiam tvam tv mihi narras id est:
quam maxime scio. 2 sic siet modo vt nvnc
est non dicit qui.
ergo respice ad argumentum et ridebis haec optantem Demeam.
1 vigilantiam tvam tv mihi narras
c'est-à-dire "que je connais fort bien". 2 sic siet modo vt nvnc est il ne continue
pas celui qui... Donc
regardez l'argument et vous rirez de ce souhait de
Déméa500.
modo ut nunc est, quaeso. Sy.-ut
quisque suum uult esse, ita est.
toujours comme aujourd'hui, voilà ma
demande. Sy.-Chacun a les enfants qu'il souhaite.
vt qvisqve svvm vvlt esse ita est hae sunt
sententiae et semper hyperbolicae et pro personis ridiculae.
Plautus in Milite glorioso «
nimia est miseria, nimis pulchrum esse hominem
193 ».
vt qvisqve svvm vvlt esse ita est ce sont
là des maximes, toujours hyperboliques et, en considération du
personnage qui les prononce, risibles. Plaute, dans Le
Soldat fanfaron : « nimia est miseria, nimis pulchrum esse
hominem » (c'est une belle misère d'être un trop bel homme !).
De.-quid eum? uidistin hodie?
Sy.-tuumne filium?
Dé.-Et lui ? Tu l'as vu aujourd'hui ?
Sy.-Qui ? Ton fils ?
1 qvid evm vidistin hodie quid eum? initium interrogationis
fururae de persona alicuius. sic in Heautontimorumeno «
sed Syrum -quid eum?
194 ». 2 tvvmne filivm hoc
clare. 3 tvvmne filivm moris est,
ut qui cogitat quid respondeat, interrogatione remoretur.
1 qvid evm vidistin hodie quid eum ? marque le début d'une
question future sur la personne de quelqu'un. Ainsi dans
L'Héautontimorouménos : « sed Syrum -quid eum ? »
(Mais Syrus... -Quoi, Syrus ?). 2 tvvmne filivm cela à haute voix501. 3 tvvmne
filivm c'est un trait de caractère pour celui qui
réfléchit à sa réponse de gagner du temps en posant une
question.
abigam hinc rus. iam dudum aliquid
ruri agere arbitror.
Il faut que je le chasse à la
campagne. Cela fait quelque temps déjà qu'il trime aux champs, je
crois.
1 abigam hinc rvs ut pecudem dixit abigam, non ut hominem mittam. 2 abigam hoc lentius. 3 Et abigam dixit, ut abactores dicti. Cicero in Verrinis
«
equarum greges istum abigendos curasse
195 ». 4 iam dvdvm aliqvid rvri hoc
clare. 5 aliqvid rvri agere
arbitror hoc plus est quam illic esse: uult enim cum laude eius
loqui, ut supra «
rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium
196 ». 6 Et agere proprie dixit, nam ab
agendo ager dictus est, quod in eo multa
agenda sunt.
1 abigam hinc rvs il dit abigam comme pour parler d'une bête,
et non pas mittam
(j'enverrai) comme pour parler d'un être humain. 2 abigam il dit cela plus bas. 3 Et il dit abigam, comme on parle des
abactores (voleurs de
troupeaux). Cicéron dans les Verrines : « equarum
greges istum abigendos curasse » (que c'est lui qui s'est occupé
de rabattre des troupeaux de juments). 4 iam dvdvm aliqvid rvri cela à haute
voix. 5 aliqvid rvri agere
arbitror c'est plus que illic
esse (il est là-bas) : car il veut parler de lui de
façon élogieuse, comme ci-dessus : « rei dare operam, ruri esse
parcum ac sobrium ». 6 Et il dit
agere au sens propre, car
c'est d'agere que vient
le mot ager (champ),
parce qu'on y a beaucoup de choses à faire502.
De.-satin scis ibi esse? Sy.-oh, quem
egomet produxi. De.-optime est;
Dé.-Et tu es sûr qu'il y est ?
Sy.-Ben, c'est moi qui l'y ai envoyé ! Dé.-Bon, tant mieux ;
qvem egomet prodvxi mutata praepositione
non deduxi sed produxi dixit, id est porro duxi.
qvem egomet prodvxi par changement du
préfixe, il ne dit pas deduxi (je l'ai détourné) mais
produxi, c'est-à-dire
porro duxi (je l'ai
conduit vers l'avant).
metui ne haereret hic. Sy.-atque
iratum admodum.
j'avais peur qu'il reste collé par
ici. Sy.-Et très en colère.
metvi ne haereret hic et haec translatio ut
subleuat Ctesiphonem ita Aeschino inuidiosa est; nam haeret auis
non animo nec uoluntate, sed uisco decipientis aucupis.
metvi ne haereret hic et cette métaphore à
la fois rehausse Ctésiphon et rabaisse Eschine ; car c'est
l'oiseau qui reste collé, sans intention et sans le vouloir, mais
sous l'effet de la glu du chasseur qui l'a piégé.
De.-quid autem? Sy.-adortus est
iurgio fratrem apud forum
Dé.-Pourquoi donc ? Sy.-Il s'est
disputé avec son frère sur la place
1 qvid avtem quid quare uel ob quam causam. Vergilius «
quid ueniant
197 ». cui contrarium est idem significans «
id quod te oro
198 »112. 2 adortvs est ivrgio aggredimur de longinquo, adorimur ex insidiis et ex proximo.
nam adoriri est quasi ad
alienum oriri, id est
exsurgere.
1 qvid avtem quid signifie quare (pourquoi) ou ob quam causam (pour quelle raison).
Ainsi chez Virgile : « quid ueniant » (pourquoi ils viennent).
Dans un contexte contraire avec la même signification : « id te
oro ». 2 adortvs est ivrgio nous
attaquons (aggredimur)
depuis une longue distance, nous assaillons (adorimur) depuis une embûche et de
tout près. Car adoriri
c'est aller vers autrui en sortant (oriri), c'est-à-dire surgir
(exsurgere)503.
de psaltria istac. De.-ain uero?
Sy.-uah, nihil reticuit.
au sujet de cette danseuse. Dé.-Pour
de bon ? Sy.-Houlà ! il n'a rien omis.
1 nihil reticvit mirum enim minorem fratrem
non pepercisse maiori nec reticuisse quidquid erat opus. 2 de psaltria istac hic mire senem imitatus
est et memoriter, quia ille dixerat «
quid? istaec iam penes uos psaltria est?
199 ».
1 nihil reticvit on peut de fait s'étonner
que le jeune frère n'ait pas eu pitié de son aîné et n'ait pas
passé sous silence ce qu'il aurait fallu. 2 de psaltria istac ici, de façon
remarquable, il imite le vieillard et le cite par cœur, parce que
le vieillard avait dit : « quid ? istaec iam penes uos psaltria
est ? »504.
nam ut numerabatur forte argentum,
interuenit
Car alors qu'on se trouvait à compter
l'argent, arrive
1 intervenit homo de improviso interuenire est in medio negotio
quasi ex insidiis superuenire et opprimere in ipso actu eos, qui
rem celatam uellent. 2 Et uide, quam oratorie narrat gestionem
rei, quae numquam facta sit; his enim fides fit113.
1 intervenit homo de improviso interuenire c'est survenir au beau
milieu d'une affaire, comme dans une embuscade, et prendre sur le
fait ceux qui auraient voulu que la chose reste secrète. 2 Et voyez avec quel talent oratoire il
raconte comment s'est passé un événement qui n'a pas eu lieu ; car
par là même on le croit.
homo de inprouiso: coepit clamare « o
Aeschine!
notre homme à l'improviste ; il
commence à crier : « Eschine !
1 coepit clamare ἠθικῶς totum, et coepit clamare et quod
sequitur. 2 aeschine haecine flagitia facere
te a persona accusatio. et uide pondus in nomine
Aeschini.
1 coepit clamare tout est conforme au
caractère (ἠθικῶς), et coepit clamare et la
suite. 2 aeschine haecine flagitia facere
te accusation par la personne. Et voyez quel poids prend
le nom d'Eschine505.
haecine flagitia facere te! haec te
admittere
Toi, faire un tel scandale ! toi
laisser faire
1 haec te admittere αὔξησις, nam plus est admittere quam facere. 2 haec te admittere indigna pronum est haec
statim credere «
Demeam de eo, quem et superius laudauerit non fratrem
uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium?
200 », unde mira poetae arte et initia et media et postrema
sibi congruunt atque respondent.
1 haec te admittere amplification (αὔξησις), car il y a
plus de force dans admittere que dans facere506. 2 haec te admittere indigna il est facile
d'obtenir que Déméa croie aussitôt ce qui est dit d'un garçon dont
il a également fait l'éloge ci-dessus : « non fratrem uidet rei
dare operam, ruri esse parcum ac sobrium ? », ce qui fait que,
grâce à la remarquable technique du poète, le début, le milieu et
la fin sont homogènes et se répondent.
indigna genere nostro! » De.-lacrimor
prae907 gaudio.
des choses indignes de notre
famille ! ». Dé.-Je pleure de joie !
lacrimor prae gavdio immoderata laetitia et
maxime parentum lacrimas habet. recte ergo additum gaudio, quia solum lacrimor maerorem significat.
lacrimor prae gavdio une joie importante,
et surtout celle de parents, fait naître des larmes. Il a donc
raison d'ajouter gaudio,
parce que lacrimor tout
seul dénote la tristesse.
Sy.-« non tu hoc argentum perdis, sed
uitam tuam ».
Sy.-« Ce n'est pas de l'argent que tu
perds, c'est toi-même ! ».
non tv hoc argentvm perdis sed vitam tvam
haec figura oratoria
δεινότης
dicitur; etenim ostenditur non esse mediocre quod
factum est.
non tv hoc argentvm perdis sed vitam tvam
cette figure rhétorique s'appelle habileté (
δεινότης
) ; en effet, on montre que l'acte accompli n'est
pas de médiocre importance507.
De.-saluus sit! spero, est similis
maiorum suum. Sy.-hui!
Dé.-Qu'il soit sauvé ! j'ai de
l'espoir, il ressemble à ses ancêtre. Sy.-Fichtre !
hvi quasi admiretur ipse, quae narrat.
hvi comme s'il était admiratif de son
propre récit.
De.-Syre, praeceptorum plenus est
istorum ille. Sy.-phi908!
Dé.-Syrus, il est rempli de ces
maximes-là. Sy.-Diantre !
1 syre praeceptorvm plenvs est istorvm ille
uide Demeam non desinere culpam Aeschini in Micionem conferre, cum
e contrario praeceptorum suorum uult esse quod sapit
Ctesipho. 2 Et istorvm "quae dicis" scilicet «
non tu hoc argentum perdis
201 » etc. 3 phi
interiectio est mirantis.
1 syre praeceptorvm plenvs est istorvm ille
voyez que Déméa ne cesse pas de faire porter la faute d'Eschine
sur Micion, alors qu'au contraire il prétend que c'est du fait de
ses leçons morales que Ctésiphon est sage. 3 Et istorvm désigne "les choses que tu
dis"508, à savoir : « non tu hoc argentum
perdis » etc. 3 phi interjection
d'étonnement.
domi habuit unde disceret. De.-fit
sedulo:
c'est qu'il avait à la maison un bon
maître. Dé.-On fait comme on peut :
1 domi habvit vnde disceret id est
"te". 2 fit sedvlo ἠθικῶς dictum est
fit. 3 Et sedvlo "sine dolo", id est "instanter",
quia neglegentes dolosi
dicuntur.
1 domi habvit vnde disceret c'est-à-dire
"toi"509. 2 fit sedvlo
fit est dit en conformité
avec son caractère (ἠθικῶς)510. 3 Et sedvlo "sans tricher" (sine dolo), c'est-à-dire
"instamment", parce que les négligents sont appelés dolosi511.
nil praetermitto; consuefacio;
denique
je ne laisse rien passer ; je
l'habitue ; finalement
inspicere tamquam in speculum uitas
hominum909
je l'incite à regarder comme dans un
miroir la vie des autres
inspicere tamqvam in specvlvm vitas hominvm
ivbeo uidendum, an recte speculum induxerit, cum alienas uitas
dicit inspiciendas esse; nisi forte hoc ad causam admouendi
speculi, non ad effectum referemus. nam causa inspiciendi speculi emendatio
est uultus, affectus
formae per imaginem resultatio.
inspicere tamqvam in specvlvm vitas hominvm
ivbeo il faut examiner si l'emploi de speculum (miroir) est correct, alors
qu'il dit que c'est la vie d'autrui qu'il faut regarder ; mais
peut-être est-ce à la cause du déplacement du miroir, non à son
effet, que nous renverrons. Car la cause pour laquelle on regarde
un miroir, c'est la volonté d'améliorer son visage, l'effet c'est
le résultat de la forme à travers l'image512.
iubeo atque ex aliis sumere exemplum
sibi:
et à y prendre des exemples pour
lui-même :
« hoc facito ». Sy.-recte sane.
De.-« hoc fugito ». Sy.-callide.
« Fais ceci ». Sy.-Fort bien.
Dé.-« Evite cela ». Sy.-Habile.
1 callide callidus dictus est etiam qui exercet
dolos. 2 Callidus dicitur, qui callum sibi usu artis induxerit.
1 callide on qualifie de callidus (rusé) y compris celui qui
fait des fourberies. 2 On appelle
callidus celui qui, à
force de faire son métier, s'est fait un cal (callum)513.
De.-« hoc laudi est ». Sy.-istaec res
est. De.-« hoc uitio datur ».
Dé.- « Ça c'est louable ». Sy.-Bonne
chose. Dé.- « Ça c'est blâmable ».
1 hoc lavdi est et hoc vitio datvr non
philosophice, sed ciuiliter monet; non enim dicit hoc bonum est sed hoc laudi est, nec hoc malum est sed hoc uitio datur. 2 Ergo ut idioticus et comicus pater, non ut sapiens
et praeceptor. 3 istaec res est non quam
rem gerit Micio; non enim utilem agit. et significat: "hoc uerum
est, hoc utile est".
1 hoc lavdi est et hoc vitio datvr c'est un
conseil non pas de philosophe mais de citoyen ; car il ne dit pas
hoc bonum est (c'est cela
le bien), mais hoc laudi
est, ni hoc malum
est (c'est cela le mal), mais hoc uitio datur. 2 Donc il parle en simple particulier et en père de
comédie, non en sage et en éducateur514. 3 istaec res est et non pas
ce que fait Micion515, car il ne fait rien d'utile. Le sens est : "voilà
la vérité, voilà l'utilité".
Sy.-probissime. De.-porro autem...
Sy.-non hercle otium est
Sy.-Remarquable. Dé.-Et aussi...
Sy.-Ma foi, je n'ai pas le temps,
1 porro avtem prope delinitus erat Demea
contra institutum argumenti. artificiose igitur poeta subiecit ex
persona serui, unde illum ad amaritudinem prouocet. 2 Et porro autem, at, uero et huiusmodi principia sunt
narrationum, quibus superiora sequentibus conectuntur.
1 porro avtem Déméa était presque radouci,
contre l'intérêt de l'intrigue. Donc avec savoir-faire le poète
soumet au personnage de l'esclave un moyen de le pousser à
l'aigreur. 2 Et porro signifie autem (mais), at (mais), uero (mais) et les mots de ce type
inaugurent des récits grâce auxquels ce qui précède est relié à ce
qui suit.
nunc mi auscultandi; pisces ex
sententia
tout de suite, de t'écouter ; j'ai
trouvé des poissons à mon idée :
nactus sum: i mihi ne corrumpantur
cautio est;
je dois veiller à ce qu'ils ne
pourrissent pas ;
nam id nobis tam flagitium est quam
illa, Demea,
car pour nous, il y a à cela autant
de déshonneur, Déméa, qu'il y en a
1 nam id nobis tam flagitivm est non dixit
peccatum irridens senem,
sed flagitium. 2 Et quid est flagitium? corrumpi pisces uel
talia.
1 nam id nobis tam flagitivm est il ne dit
pas peccatum (erreur) en
se moquant du vieillard, mais flagitium. 2 Et en quoi consiste le scandale ? A laisser
pourrir des poissons ou autres choses de cet acabit.
non facere uobis, quae modo dixti, et
quod queo
pour vous à ne pas faire ce que tu
disais à l'instant, et, autant que je puis,
qvod qveo "quod possum". sed sic maluit
dicere, ut alludentem se de sua arte fecisset
Syrus114 et hac re ostenderet nihil ab illo dici serio;
quod queo enim a
coquendo παρόμοιον sumpsit. sic
et infra «
sedulo moneo, quae possum pro mea sapientia
202 ». et Ciceronis dictum refertur in eum, qui coqui filius
secum causas agebat «
tu quoque aderas huic causae
203 »; nam apud ueteres coquus non per C litteram, sed per Q
scribebatur.
qvod qveo "ce que je peux". Mais il préfère
le dire ainsi de sorte que Syrus s'est représenté comme faisant
allusion à son propre métier et que Térence montre que même en
cette affaire il ne saurait rien dire de sérieux ; car quod queo est choisi en raison d'une
paronomase (παρόμοιον) avec coquo (cuisiner). De même aussi
ci-dessous : « sedulo moneo, quae possum pro mea sapientia ». Et
on rappelle le bon mot de Cicéron à l'égard de celui qui, fils de
cuisinier, plaidait avec lui : « tu quoque aderas huic causae »
(toi aussi tu étais à ce procès) ; car chez les Anciens coquus (cuisinier) s'écrivait non
avec un C mais avec un Q516.
conseruis ad eundem istum praecipio
modum:
je donne à mes collègues esclaves des
leçons du même tonneau :
ad evndem istvm praecipio modvm arguta
imitatio ad deridendum Demeam omnium, quae ille serio supra
dixerat.
ad evndem istvm praecipio modvm imitation
précise, pour faire rire de Déméa, de tout ce que ce dernier avait
dit de façon sérieuse ci-dessus.
« hoc salsum est, hoc adustum est,
hoc lautum est parum:
« cela est salé, cela est brûlé, cela
est trop peu apprêté ;
1 hoc salsvm est hoc advstvm hoc coniuncte et
contexte dicitur, quia non uicissim Syro assentatur
senex. 2 lavtvm lauatum115.
1 hoc salsvm est hoc advstvm cela est dit de
façon liée et enchaînée, parce que le vieillard n'approuve pas à
chaque fois. 2 lavtvm équivaut à
lauatum (lavé).
illud recte; iterum sic memento ».
sedulo
ça c'est bien ; souviens-t'en pour la
prochaine fois ». Avec zèle,
moneo, quae possum pro mea
sapientia;
je prodigue les conseils que je peux,
en fonction de mon goût ;
pro mea sapientia διασυρτικῶς sapientia dixit, quia condimenta
gustu et sapore temperant coqui.
pro mea sapientia il dit sapientia de façon moqueuse
(διασυρτικῶς),
parce que les cuisiniers mélangent les condiments en goût et en
saveur517.
postremo tamquam in speculum in
patinas, Demea,
enfin, comme dans un miroir, c'est
dans les casseroles, Déméa,
inspicere iubeo et moneo quid facto
opus siet910.
que je les incite à regarder et leur
dis ce qu'il faut faire.
inspicere ivbeo et moneo qvid facto opvs
siet et hic speculum non ad imaginem uultus, sed
ad contuitum contrapositae rei rettulit.
inspicere ivbeo et moneo qvid facto opvs
siet et cette fois, le miroir (speculum) ne renvoie pas à l'image
du visage, mais au reflet de ce qui est posé en face.
inepta haec esse nos quae facimus
sentio;
Qu'il y ait de l'ineptie à ce que
nous faisons, je m'en aperçois bien ;
1 nos qvae facimvs non coqui sed Micio
Aeschinus et familia. 2 An
nos pro domini posuit? an nos pro ego? et hoc melius. 3 sentio cum dilatione et uultuose dicendum
sentio.
1 nos qvae facimvs non pas nous, les
cuisiniers, mais Micion, Eschine et la maisonnée. 2 Ou bien a-t-il mis nos pour domini (nous les maîtres) ? Ou
nos pour ego ? Cette solution est
meilleure. 3 sentio c'est avec enflure
et des grimaces qu'il faut dire sentio.
uerum quid facias? ut homo est, ita
morem geras.
mais qu'y faire ? Les gens sont comme
ils sont, on doit faire avec.
1 vervm qvid facias quid facias pro quid faciat unus quisque
scilicet. 2 vt homo est ita morem
geras utrum seruis aptum prouerbium an amicis, ut «
obsequium amicos, ueritas odium parit
204 »? 3 Et
haec sententia modo uelut querela demissa uoce proferenda
est.
1 vervm qvid facias quid facias pour quid faciat unus quisque (que peut
faire chacun ?), évidemment518. 2 vt homo est ita
morem geras est-ce aux esclaves que s'applique ce
proverbe, ou aux amis, comme : « obsequium amicos, ueritas odium
parit » ? 3 Et cette maxime doit
être prononcée seulement comme une plainte, en baissant la
voix.
numquid uis? De.-mentem uobis
meliorem dari.
Tu veux autre chose ? Dé.-Oui, qu'on
vous fasse cadeau d'une meilleure mentalité.
mentem vobis meliorem dari πρὸς τὸ numquid uis respondit agresti
ueritate; nam respondendum erat recte aut ualeas. sed hic, ne uel abiens
blandus esset, pro salutationibus ipsis amara supponit. et memento
nunc etiam eundem insalutatum relinquere, qui adueniens paulo ante
nec salutauerit nec resalutauerit fratrem. meliorem autem pro bona ac tolerabiliore posuit; non enim bonam
credit, ut meliorem optet. sic et Vergilius «
di meliora piis
e.
erroremque
h.
hostibus
i.
illum
205 ».
mentem vobis meliorem dari répond au
(πρὸς τὸ)
numquid uis à la façon
d'un vrai paysan ; car il aurait fallu répondre recte (ça va) ou ualeas (adieu). Mais lui, pour ne
pas être agréable même au moment de prendre congé, remplace les
formules de salutation par des paroles amères. Et rappelez-vous
que maintenant encore ce même Déméa laisse son interlocuteur sans
le saluer, lui qui peu auparavant à son arrivée n'avait pas salué
son frère ni ne lui avait rendu son salut519. Quant à
melior, il le met pour
bona (bonne) et
tolerabilior (plus
acceptable) ; car il ne la juge pas bonne, puisqu'il la souhaite
meilleure. Ainsi également chez Virgile : « di meliora piis
erroremque hostibus illum » (dieux, donnez des choses meilleures
aux fidèles et cet égarement aux ennemis !).
Sy.-tu rus hinc ibis? De.-recta.
Sy.-nam quid tu hic agas
Sy.-Et toi, tu ne vas pas aller à la
campagne ? Dé.-Si, de ce pas. Sy.-De fait, que pourrais-tu faire
ici
1 tv rvs hinc abis uult Syrus nosse, an
eat. 2 nam qvid tv hic agas
addidit hortatum, ut quam primum abeat. 3 tv rvs hinc abis qui consuetudinis memor
est, animaduertit has interrogationes non inquirendi causa poni,
sed admonitionis loco esse apud eos, quos uelimus abscedere. sic
igitur interrogat, ut hortetur, et sic pronuntiat, ut et fiat et
amplietur, quod facit.
1 tv rvs hinc abis Syrus veut savoir s'il va
y aller. 2 nam qvid tv hic agas il
ajoute un encouragement, pour que Déméa s'en aille au plus
vite. 3 tv rvs hinc abis celui
qui se souvient de l'usage, remarque que ces sortes
d'interrogations ne servent pas à questionner mais servent
d'avertissement à ceux qu'on souhaiterait voir partir. Donc il
pose des questions pour prodiguer en fait un encouragement, et
prononce cet énoncé pour que se réalise et s'amplifie ce qu'il
fait520.
ubi si quid bene praecipias, nemo
obtemperat911?
où, quelque bon conseil que tu
donnes, personne ne t'écoute ?
De.-ego uero hinc abeo, quando is,
quam ob rem huc ueneram
Dé.-Je m'en vais donc, puisque celui
pourquoi j'étais venu
qvando is qvam ob rem noua locutio
is quam ob rem pro
is propter quem. sic et
alibi «
in eo me oblecto, solum id est carum mihi
206 ».
qvando is qvam ob rem expression inédite
que ce is quam ob rem au
lieu de is propter quem
(celui à cause de qui). De même aussi ailleurs : « in eo me
oblecto, solum id est carum mihi »521.
rus abiit: illum curo unum, ille ad
me attinet.
est parti à la campagne : c'est de
lui seul que j'ai souci, lui seul m'importe.
illvm cvro vnvm cum exceptione unum. et tamen sic loquitur, ut
appareat non posse illum sibi imperare obliuionem Aeschini. nam
idcirco addidit «
quando ita uult frater, de istoc ipse uiderit
207 ».
illvm cvro vnvm il dit unum pour marquer une exception.
Mais en même temps, il le dit de telle façon qu'on comprend qu'il
n'arrive pas à s'obliger à oublier Eschine. C'est pour cette
raison qu'il ajoute « quando ita uult frater, de istoc ipse
uiderit ».
quando ita uult frater, de istoc ipse
uiderit.
Et puisque mon frère le veut ainsi,
pour ce qui est de l'autre, qu'il y veille lui-même !
Amare coeperat et ideo tenet, nam «
ambos curare propemodum reposcere illum est quem
dedisti
208 »116.
Il commençait à avoir de l'affection
pour lui et il se retient, car : « ambos curare propemodum
reposcere illum est quem dedisti ».
sed quis illic est, quem uideo
procul? estne Hegio
Mais qui est-ce là que je vois
là-bas ? N'est-ce pas Hégion
sed qvis illic est qvem video procvl estne
hegio inuenta causa est, cur non abeat Demea propter
reliquam fabulae partem, et simul117 aliud quod indignetur
inueniat. bene autem dubitat esse familiarem ciuem ut multum
absens a conspectu ciuium.
sed qvis illic est qvem video procvl estne
hegio c'est une trouvaille pour empêcher Déméa de s'en
aller, à cause de la suite de la pièce, et en même temps pour
qu'il trouve un autre motif d'indignation. Et c'est bien de le
faire hésiter à reconnaître un citoyen de ses amis, lui qui est
souvent à l'écart du regard de ses concitoyens.
tribulis noster? si satis cerno, is
hercle est: uah!
de la même tribu que moi ? Si je vois
bien, c'est bien lui ; youpi !
homo amicus nobis iam inde a puero.
di boni!
C'est un ami d'enfance. Bonté
divine !
ne illius modi iam912 magna nobis
ciuium
Des citoyens de cette trempe,
aujourd'hui, il y en a un grand
1 ne illivs modi magna nobis penvria est
ne ualde; illius modi cuiusmodi Hegio est id est
qualis. 2 Et magna οἰκονομίᾳ senex
laudatur, ut postulationi eius statim adsit fides.
1 ne illivs modi magna nobis penvria est
ne signifie ualde ; illius modi signifie "de la façon
dont est Hégion", c'est-à-dire qualis (tel qu'il est). 2 Et c'est avec un grand sens de la
préparation (οἰκονομίᾳ) qu'est fait l'éloge du vieil
Hégion, afin que sa demande soit aussitôt digne de confiance.
penuria est! homo antiqua uirtute ac
fide.
besoin ! Un homme à la vertu et à la
loyauté antiques !
haud cito mali quid ortum ex hoc sit
publice.
Ce n'est pas de sitôt qu'on le
verrait faire du mal à l'état.
havd cito mali qvid ortvm ex hoc sit
pvblice utrum hoc optantis est, ne moriatur, an
testimonium uitae hominis numquam obfuturi rei publicae?
havd cito mali qvid ortvm ex hoc sit
pvblice hoc
est-il l'expression de quelqu'un qui souhaite qu'il ne meure pas
ou un témoignage sur la vie d'un homme qui ne nuira jamais à
l'état522 ?
quam gaudeo, ubi etiam huius generis
reliquias
Que je suis content de voir que des
vestiges de cette trempe
vbi etiam hvivs generis118 id est paucos ac raros bonos; nam
reliquias pro relictis paucisque dicunt. ideo et
«
restare
209 » dixit.
vbi etiam hvivs generis c'est-à-dire des
hommes de bien en petit nombre et rares ; car on dit reliquiae pour relicti paucique (de reste et en
petit nombre). C'est pourquoi il dit aussi « restare ».
restare uideo! uah, uiuere etiam nunc
libet.
il en reste encore ! Youpi ! la vie a
encore du bon.
vivere etiam nvnc libet ex hac delectatione
ostenditur Demea et quam peccantibus sit amarus ac saeuus et quam
facile huius incusationi tamquam graui testimonio crediturus sit
et quantum doliturus sit pro Aeschino, qui distat a talibus
uiris.
vivere etiam nvnc libet avec cette
exclamation de plaisir, il est montré à quel point Déméa est
pénible et intraitable à l'égard de ceux qui sont en faute, avec
quelle facilité il va se révéler prêt à se fier à l'accusation
d'Hégion comme à un témoignage irréfutable et quelle douleur il va
ressentir pour Eschine, qui est si différent des hommes de cette
trempe.
opperiar hominem hic, ut salutem et
conloquar.
Je vais à sa rencontre pour lui dire
bonjour et lui parler.
scaena quarta
Demea Hegio Geta (Pamphila)
447 | 448 | 449 | 450 | 451 | 452 | 453 | 454 | 455 | 456 | 457 | 458 | 459 | 460 | 461 | 462 | 463 | 464 | 465 | 466 | 467 | 468 | 469 | 470 | 471 | 472 | 473 | 474 | 475 | 476 | 477 | 478 | 479 | 480 | 481 | 482 | 483 | 484 | 485 | 486 | 487 | 488 | 489 | 490 | 491 | 492 | 493 | 494 | 495 | 496 | 497 | 498 | 499 | 500 | 501 | 502 | 503 | 504 | 505 | 506 | 507 | 508 | 509 | 510
He.-pro di immortales, facinus
indignum, Geta!
Hé.-Dieux immortels, quel forfait
indigne, Géta !
1 pro di immortales facinvs indignvm geta
haec scaena fidem amici erga defunctum, maturitatem senilis
orationis et accusationem eius, quem laedere nolit ipse accusator,
continet. 2 facinvs indignvm recte,
indignum facinus iam narrauit Geta; non enim apud spectatores
iterum fuerunt dicenda, quae dicta sunt. illud sane admirandum
eiusmodi Hegionis uerba induci, qualia esse debuerunt tantum
praelaudati uiri et eiusdem Hegionis amici Demeae.
1 pro di immortales facinvs indignvm geta
cette scène évoque la loyauté d'un ami à l'égard d'un défunt,
l'urgence du discours d'un vieillard et son accusation contre une
personne que l'accusateur même souhaiterait ne pas
léser. 2 facinvs indignvm d'une
façon correcte, Géta a déjà raconté le forfait indigne ; de fait,
il n'aurait pas fallu redire devant les spectateurs un récit qui a
déjà été fait523. On
doit admirer beaucoup le fait que les mots d'Hégion sont tels
qu'ils devaient être de la part d'un homme qui a été l'objet d'un
tel éloge et qui est, qui plus est, un ami de Déméa.
quid narras? Ge.-sic est factum.
He.-ex illan familia
qu'est-ce que tu me racontes là ?
Gé.-Ce qui s'est passé. Hé.-Dans une telle famille,
qvid narras mirantis est, non
interrogantis.
qvid narras exclamation d'étonnement, et
non pas interrogation.
tam illiberale factum913 esse ortum! o Aeschine,
qu'un acte aussi grossier se soit
produit ! O Eschine,
1 o aeschine pol havd paternvm mira
maturitas, in qua nescias, utrum magis iniuria facta orbae uirgini
an Aeschinum peccasse plus doleat. seruatur enim in Hegione, quod
et bonus uir sit et amicus. 2 tam illiberale
factvm hoc est non odisse cui succenseas, laudare homines,
factum reprehendere.
1 o aeschine pol havd paternvm étonnante
urgence de l'énoncé, dans lequel on ne sait pas si c'est l'outrage
subi par la jeune orpheline ou le fait qu'Eschine ait commis une
faute qui lui cause le plus de douleur. Car on garde dans Hégion
et le fait qu'il est un homme de bien et qu'il est un
ami. 2 tam illiberale factvm
c'est ne pas haïr celui contre qui on est en colère que de faire
l'éloge des hommes tout en blâmant l'acte.
pol haud paternum istuc dedisti!
De.-uidelicet
nom d'un chien, elle est bien peu
conforme à ton père l'image que tu as donnée là ! Dé.-De toute
évidence
1 havd paternvm istvc dedisti deest
facinus. 2 Et dedisti pro fecisti; sed sic dicitur in re magna,
ut «
dabit ille ruinas
a.
arboribus
s.
stragemque
s.
satis
210 ». 3 videlicet de psaltria hac
avdivit uidelicet
confirmatiuum est. 4 Vt uidelicet uidere licet, sic et scilicet scire licet et ilicet ire licet.
1 havd paternvm istvc dedisti il manque
facinus
(forfait). 2 Et dedisti est mis pour fecisti (tu as fait) ; mais c'est
ainsi que l'on s'exprime dans les affaires d'importance, comme
dans : « dabit ille ruinas arboribus stragemque satis » (il
donnera la ruine aux arbres et l'abattement aux
moissons). 3 videlicet de psaltria hac
avdivit uidelicet
sert à confirmer. 4 De même que
uidelicet représente
uidere licet (on peut
voir), de même scilicet
(assurément) représente scire
licet (on peut savoir) et ilicet (c'en est fait) ire licet (on peut partir).
de psaltria hac audiuit; id illi nunc
dolet
il a ouï dire de cette musicienne ;
et la chose lui est pénible
de psaltria hac avdivit sic errat Demea, ut
intellegatur, quantum debeat irasci in his, quae inopinata
audiet.
de psaltria hac avdivit Déméa est dans
l'erreur de façon à ce que l'on mesure combien il devra se mettre
en colère quand il entendra des nouvelles inattendues.
alieno. pater, is nihil914 pendit: ei mihi,
bien qu'il ne soit pas de la famille.
Le père, lui, n'en a rien à faire. Pauvre de moi,
1 is nihil pendit abundat is, ut in Heautontimorumeno «
perii! is mihi, ubi adbibit plus paulo, sua quae narrat
facinora!
211 ». 2 Aut is pro ipse, subiunctiuum pronomen
pro119 minus quam finito.
1 is nihil pendit is est superflu, comme dans
L'Héautontimorouménos : « perii ! is mihi, ubi
adbibit plus paulo, sua quae narrat facinora ! » (je suis fait !
celui-là, dès qu'il a bu un peu trop, comme il me raconte ses
exploits !). 2 Ou bien is est mis pour ipse, donc un pronom anaphorique
pour un semi-défini524.
utinam hic prope adesset alicubi
atque audiret haec!
que n'est-il quelque part ici dans le
coin pour entendre ça !
vtinam hic prope adesset quasi non sibi
crediderit dicenti «
in ore est omni populo
212 ».
vtinam hic prope adesset comme s'il ne
s'était pas cru lui-même quand il a dit : « in ore est omni
populo ».
He.-nisi facient quae illos aequum
est, haud sic auferent.
Hé.-S'ils ne font pas ce qu'ils
doivent faire, ils ne s'en tireront pas à si bon compte.
1 havd sic avferent quomodo accipimus
haud sic auferent? an:
"factum suum auferent"? an: nisi correxerint culpam, non silentio
transituros ipsos id ipsum quod factum est? 2 Et nisi si
non significat. 3 sic δεικτικόν est. 4 qvae illos aeqvvm est subauditur facere120 a superiore per σύλλημψιν intellectum. 5 havd sic avferent id est: "leuiter abibunt"
uel "substrahent culpam". 6 havd sic
avferent ciuilis et matura comminatio. et est sic δεικτικόν gestum continens leuissimae et
paruae significationis.
1 havd sic avferent comment comprenons-nous
haud sic auferent ?
est-ce: "ils ne supprimeront pas ce qu'ils auront fait" ? Ou que,
sauf à avoir corrigé leur faute, eux-mêmes ne passeront pas sous
silence ce qu'ils ont fait ?525 2 Et nisi signifie si non (si... ne pas). 3 sic c'est un déictique (δεικτικόν)526. 4 qvae illos aeqvvm est on
sous-entend facere
(faire), qui se déduit de ce qui précède par syllepse (per
σύλλημψιν)527. 5 havd sic avferent c'est-à-dire : "ils s'en
iront de façon légère" ou "ils annuleront leur faute". 6 havd sic avferent menace polie et
pressante. Et sic est un
déictique (δεικτικόν) qui accompagne un geste qui
signifie une chose très légère et de peu de portée.
Ge.-in te spes omnis, Hegio, nobis
sita est:
Gé.-C'est en toi que tout notre
espoir, Hégion, réside :
in te spes omnis hegio ut narratio non
fuerat necessaria, ita preces interponendae sunt.
in te spes omnis hegio autant le récit
n'était pas nécessaire, autant ces prières doivent être mises
là.
te solum habemus, tu es patronus, tu
es parens;
nous n'avons que toi, tu es notre
patron, tu es notre parent ;
1 tv es patronvs tv es parens patronus aut temporale nomen est
defensoris aut certe appellatio, per quam ostenditur, quod illi
cultus et obsequium debeatur; est enim nomen ad aliquid.
parens autem ueri amoris
nomen est et aequali loco continet interpretationem. 2 Et uide, quam uigilanter
poeta, cum simpliciter matronam de absente Hegione loquentem
induceret «
coluit nos
213 » dixit, cum seruus et supplex apud praesentem loquitur,
tu es patronus
inquit. 3 Et tv es patronvs ab honesto; tv es parens
a iusto.
1 tv es patronvs tv es parens patronus est ou bien un nom
occasionnel pour désigner l'avocat, ou bien sûr l'appellatif par
lequel on montre qu'on doit à cette personne révérence et
obéissance ; car c'est un nom relatif528. Quant
à parens c'est un nom qui
désigne un amour véritable et il se comprend au sens d'une parenté
d'égal à égal529. 2 Et voyez avec
quelle vigilance le poète faisait dire en toute simplicité à la
matrone Sostrata, quand elle évoquait Hégion en son absence,
« coluit nos », et fait dire à l'esclave et suppliant Géta, en
présence d'Hégion : tu es
patronus. 3 Et tv es
patronvs argument de l'honnête ; tv es parens argument du
juste.
ille tibi moriens nos commendauit
senex;
c'est à toi que le bon vieillard en
mourant nous a recommandés ;
ille tibi moriens nos commendavit senex
seruus magnum addidit ueritatis indicium dicendo moriens; nemo enim moriens non uera
loquitur et urgentia, unde in iure ultima indicia certiora sunt.
sic et alibi «
hanc mihi in manum dat, mors continuo ipsam
occupat
214 ».
ille tibi moriens nos commendavit senex
l'esclave ajoute une grande dose d'authenticité en disant
moriens ; car au moment
de mourir on dit toujours des choses vraies et urgentes, ce qui
fait qu'en droit les dernières paroles sont des preuves plus
sûres. De même ailleurs : « hanc mihi in manum dat, mors continuo
ipsam occupat ».
si deseris tu, perimus915. He.-caue dixeris:
si tu nous abandonnes, nous sommes
morts. Hé.-Attention à ce que tu dis :
1 si deseris tv perimvs proprie quasi
patrono, nam socius deficit, parens prodit, patronus deserit. sic Sallustius «
post defectionem sociorum et Latii
215 » et «
unius ob iram prodimur
216 » et «
prodidisti et te et illam miseram et gnatum, quod
quidem in te fuit
217 »; Plautus «
qui libertos habent, eos deserunt
218121 ». hinc et milites, qui defensores patriae debent
esse, desertores
dicuntur. 2 Haec omnia magnam uim
habent, si per singulas partes orationis considerentur, ad
commouendum precibus Hegionem. 3 Et si deseris tv perimvs et huic maxime rei
respondet contrarie, quae illum maxime commouit, ut «
en ego uicta situ
219 » et «
pulsus ego?
220 ». alii πρὸς
τὸ perimus
τῷ εὐφημισμῷ
responsum putant.
1 si deseris tv perimvs au sens propre pour
un patron, car c'est un allié qui fait défection (deficit), un parent qui trahit
(prodit), un patron qui
abandonne (deserit).
Ainsi chez Salluste : « post defectionem sociorum et Latii »
(après la défection des alliés et du Latium), et : « unius ob iram
prodimur » (à cause de l'animosité d'une seule divinité, nous
sommes trahis), et : « prodidisti et te et illam miseram et
gnatum, quod quidem in te fuit » ; Chez Plaute : « qui libertos
habent, eos deserunt » (ceux qui ont des affranchis, ils les
abandonnent). De là vient que les soldats , qui doivent être les
défenseurs de la patrie, sont dit desertores (déserteurs)530. 2 Tous ces termes ont une grande valeur, si on en
considère les parties du discours une par une, pour ébranler
Hégion par des prières. 3 Et si deseris tv
perimvs et en disant le contraire, il répond
principalement à ce qui provoque principalement son émotion, comme
dans : « en ego uicta situ » (me voici, moi qu'a vaincue la
décrépitude) et « pulsus ego ? » (moi, repoussé ?). Certains
estiment que c'est à ce (πρὸς τὸ) perimus qu'Hégion fait sa réponse
par euphémisme (τῷ
εὐφημισμῷ)531.
neque faciam neque me satis pie posse
arbitror.
je ne compte pas le faire et je pense
que ce serait bien impie de ma part.
1 satis pie posse deest facere. 2 neqve me satis pie posse arbitror honesta
locutio, quae significat: quicquid fecerit pro pietatis debito,
illius merito parum esse. sensus autem hic est: "neque faciam quod
nefas est, ut uos deseram, nec hoc ipsum quod facio, satis pium
est, pro tanta necessitudine". 3 Et bene addidit satis, ut etsi pius est, non tamen
satis122.
1 satis pie posse il manque facere (de le faire). 2 neqve me satis pie posse arbitror bonne
expression, qui signifie que, quoi qu'il ait fait pour satisfaire
à son devoir de piété, eu égard aux mérites du défunt, c'est trop
peu. Et le sens est : "je ne ferai pas ce qui est un interdit
sacré, à savoir vous abandonner, et cela même que je fais n'est
pas un acte de piété suffisant, eu égard à la force du lien qui
nous tient". 3 Et il fait bien
d'ajouter satis, pour :
"si pieux qu'il soit, ça ne suffit pas".
De.-adibo. saluere Hegionem
plurimum
Dé.-Je vais l'aborder. Mes meilleures
salutations, Hégion,
salvere hegionem plvrimvm ivbeo ideo
praeuidit Demea, non praeuisus est, quia oportuit illum audire,
quae loqueretur Hegio, et ex illius iam uerbis in indignationem
moueri. iubeo autem
uolo significat, ab eo
quod sequitur id quod praecedit; non iubemus enim nisi quod
uoluerimus. et est Homericum «
κέλεαι δέ με πάντ᾽
ἀποδοῦναι
221 » et «
οὐκ ἐθέλω
πολεμιζέμεν Ἕκτορι... νηήσας εὖ νῆας
222 »123.
salvere hegionem plvrimvm ivbeo Déméa l'a
vu en premier sans être vu en premier, parce qu'il fallait qu'il
entende Hégion parler et qu'à ses paroles il s'émeuve et
s'indigne. Quant à iubeo,
il veut dire uolo, comme
on tire ce qui suit de ce qui précède532 ; de
fait, nous n'ordonnons que ce que nous avons d'avord voulu. Et
c'est homérique : « κέλεαι δέ πάντ᾽ ἀποδοῦναι » (tu m'invites
à rendre tout) et « οὐκ ἐθέλω πολεμιζέμεν Ἕκτορι... νηήσας εὖ
νῆας » (je ne veux plus faire la guerre à Hector...
maintenant que j'ai bien fait charger mes nefs)533.
iubeo. He.-oh, te quaerebam ipsum:
salue, Demea.
s'il te plaît. Hé.-Tiens, c'est toi
que je cherchais justement : salut, Déméa.
De.-quid autem? He.-maior filius tuus
Aeschinus,
Dé.-Alors ? Hé.-Ton fils aîné
Eschine,
maior filivs tvvs aeschinvs
artificiosissima postulatio; in qua statim124 Demea diceret nihil ad se hanc querelam
pertinere, quippe qui Ctesiphonem curare debeat, infertur causa,
cur non dissimulet pater, quia filius, quia maior, est, quia Aeschinus, si quid est in ipso nomine
caritatis, quia fratris adoptiuus, quia bonus et liberalis et
contra haec quibus laudatus est fecit.
maior filivs tvvs aeschinvs il y a beaucoup
d'art dans cette réclamation ; devant celle-ci tout de suite Déméa
aurait pu dire que cette plainte ne le concernait en rien, dans la
mesure où c'est de Ctésiphon qu'il a à s'occuper, mais est
indiquée une raison qui empêche le père de dissimuler que c'est
son fils, que c'est l'aîné, que c'est Eschine, s'il y a dans ce
nom même matière à s'attendrir, qu'il est le fils adoptif de son
frère, qu'il est bon et généreux et qu'il a commis un acte
contraire aux qualités pour lesquelles on le loue.
quem fratri adoptandum dedisti, neque
boni
celui que tu as donné à adopter à ton
frère, ce n'est pas en garçon bien
neqve boni quasi id quod est uel id quod
esse debet.
neqve boni presque ce qu'il est ou ce qu'il
doit être.
neque liberalis functus est
officium916
uiri.
ni en homme bien élevé qu'il s'est
acquitté de ses devoirs.
neqve liberalis fvnctvs est officivm viri
quaerendum, inter bonum et
liberalem quid intersit:
an bonus est qui non
nocet, liberalis qui etiam
prodest? an bonus est qui
non peccat in facto, liberalis qui nec in uerbo
quidem?
neqve liberalis fvnctvs est officivm viri
la question est de savoir quelle différence il y a entre
bonus et liberalis : est-ce qu'on est bon
(bonus) quand on ne fait
pas de mal, et généreux (liberalis) quand en outre on fait du
bien ? ou est-ce qu'on est bon (bonus) quand on ne fait pas de faute
en acte et généreux (liberalis) quand on n'en commet pas
même en parole ?534
De.-quid istuc est? He.-nostrum
amicum noras Simulum atque
Dé.-De quoi s'agit-il ? Hé.-Tu
connaissais Simulus, notre ami et notre
aequalem? De.-quidni? He.-filiam eius
uirginem
contemporain ? Dé.-Evidemment. Hé.-Eh
bien sa fille vierge,
1 aeqvalem125
aequaeuum, ὁμήλικα126. 2 qvidni plus est quidni? quam noueram; nam quasi corripit
dubitantem dicendo quidni?, ut subaudiatur nouerim. 3 filiam eivs virginem127 uide quantum
ualeat in128 iniuria uel
dignitas personarum: non contentus facinore personas ante credidit
ponendas.
1 aeqvalem veut dire aequaeuus (de même âge),
ὁμῆλιξ
(de même classe d'âge)535. 2 qvidni il ya plus de force dans quidni ? que dans noueram (oui, je le connais) ; car
pour ainsi dire, il rabroue celui qui a posé la question, en
disant quidni ? et en
sous-entendant nouerim
(comment ne le connaîtrais-je pas ?). 3 filiam eivs virginem voyez quelle valeur,
dans la parole blessante, prend le statut des personnes : non
content de nommer le crime, il croit bon de mettre en tête
l'identité des personnes concernées.
uitiauit. De.-hem! He.-mane; nondum
audisti, Demea,
il l'a déshonorée. Dé.-Hein !
Hé.-attends ; tu n'as pas encore entendu, Déméa,
hem interiectio nunc irati est et irati
uehementer, quippe qui aliud uitium audiebat praeter crimina, quae
sciebat.
hem interjection d'un homme qui est
maintenant en colère, et même violemment en colère, lui qui vient
d'entendre un autre outrage que les crimes qu'il connaissait
déjà.
quod est grauissimum. De.-an
quicquam917 est etiam amplius?
le plus grave. Dé.-Peut-il y avoir
plus important encore ?
1 qvod est gravissimvm quia illud
graue. 2 an qvicqvam est etiam
amplivs amplius
quantitatis est, nam ideo nondum etiam
audisti quod est grauissimum. 3 amplivs id est maius.
1 qvod est gravissimvm parce que l'autre fait
est grave. 2 an qvicqvam est etiam
amplivs amplius
est quantitatif, car pour cette raison nondum etiam audisti quod est
grauissimum. 3 amplivs
c'est-à-dire plus important536.
He.-uero amplius: nam hoc quidem
ferundum aliquo modo est;
Hé.-Oui vraiment plus important : car
ça, à la limite, on peut le tolérer ;
persuasit nox, amor, uinum,
adulescentia:
il a été poussé par la nuit, le
désir, l'ivresse, la jeunesse :
1 persvasit nox amor vinvm advlescentia
Plautus in Bacchidibus «
quid hoc illecebrosius fieri potest, nox mulier uinum,
homini adulescentulo?
223 ». 2 Et haec omnia ab impulsionis parte
dicuntur, non a ratiocinationis, ideo et persuasit dixit, nam instans
persuasio impulsio
dicitur, ut ipse «
dum in dubio est animus, paulo momento huc uel illuc
impellitur
224 ». 3 persvasit nox amor vinvm
advlescentia haec ἀσυνδέτως inferuntur, ut multa
uideantur. 4 vinvm plus dixit
uinum quam si uinolentia diceret, ut «
tu nihil nisi sapientia es, ille somnium
225 ». 5 Proximum huic et
simile est in Hecyra «
cum uirgine una adulescens ut129 cubuerit plus potus, se abstinere ut
potuerit? non ueri simile dicis nec uerum arbitror
226 ». Vergilius «
Bacchus et ad culpam causas dedit
227 ».
1 persvasit nox amor vinvm advlescentia
Plaute dans Les Sœurs Bacchis : « quid hoc
illecebrosius fieri potest, nox mulier uinum, homini
adulescentulo ? » (que peut-il y avoir de plus tentant pour un
tout jeune homme que la nuit, une femme, du vin ?). 2 Et tout cela relève d'une part d'impulsion,
non pas de raison, et c'est dans cette idée qu'il dit aussi
persuasit, car une
persuasion pressante s'appelle impulsio (impulsion), comme il le
dit lui-même : « dum in dubio est animus, paulo momento huc uel
illuc impellitur »537. 3 persvasit nox amor vinvm advlescentia ces
mots se disent sans liaison (ἀσυνδέτως), ce qui donne l'impression
qu'il y en a beaucoup. 4 vinvm il dit
plus en disant uinum que
s'il disait uinolentia,
comme dans : « tu nihil nisi sapientia es, ille
somnium ». 5 On trouve quelque chose
de très proche et de semblable dans L'Hécyre : « cum
uirgine una adulescens ut cubuerit plus potus, se abstinere ut
potuerit ? non ueri simile dicis nec uerum arbitror ». Virgile :
« Bacchus et ad culpam causas dedit » (Bacchus aussi donne des
prétextes à l'accusation).
humanum est. ubi scit factum, ad
matrem uirginis
c'est humain. Dès qu'il a su ce qu'il
avait fait, c'est chez la mère de la jeune fille
1 hvmanvm est nihil iam de ea sumptum
consuetudine est, quod non humanum. et hoc dicere solemus, ubi
peccatum quidem non negamus, sed tolerabile esse
dicimus. 2 vbi scit factvm id est:
"intelligit", "sentit", quia superatus furore130 peccauerat et quia qui
impulsione peccat, non peccat ratiocinatione. 3 Et hic locus illi rei occurrit: "cur ergo
tacuisti?".
1 hvmanvm est il n'y a rien, dans le mode de
vie décrit, qui ne soit pas humain. Et nous nous exprimons ainsi
habituellement quand nous ne nions certes pas la faute mais que
nous disons qu'elle est supportable. 2 vbi scit factvm c'est-à-dire : "il
comprend", "il sent", parce qu'il avait commis cette faute sous
l'emprise de la folie et parce qu'il faute de façon impulsive, non
de façon raisonnée. 3 Et ce passage
rencontre cet événement : "pourquoi t'es-tu tu ?".
uenit ipse918 ultro lacrimans, orans,
obsecrans
qu'il est allé de lui-même, en
pleurant, priant, suppliant,
1 orans obsecrans orare est placidos petere, obsecrare iratos rogare; unde plus
facit obsecrans quam
orans, plus uero
orans quam rogans. Cicero «
rogare et orare
228 ». 2 venit ipse vltro lacrimans
mire: ad matrem uenit ultro, ne quid leniter aut mollius mulier
tulisse ac prope pactionem iniisse uideretur.
1 orans obsecrans orare c'est faire une requête à des
gens calmes, obsecrare
c'est demander quelque chose à des gens en colère ; donc
obsecrans a plus de poids
qu'orans, et orans plus que rogans. Cicéron : « rogare et
orare »538. 2 venit ipse vltro lacrimans admirable : il
est venu de lui-même voir la mère, pour qu'on n'ait pas
l'impression que la femme a pris la chose de bon cœur et
souplement, et est toute prête à faire des fiançailles.
fidem dans, iurans se illam ducturum
domum.
promettant, jurant qu'il l'épouserait
et la mènerait chez lui.
ignotum est, tacitum est, creditum
est. uirgo ex eo
On lui a pardonné, on a tu l'affaire,
on lui a fait confiance. Mais la jeune fille,
1 ignotvm est tacitvm est creditvm est
ἀσυνδέτως ut
solet per συντομίαν. sic loquitur, ut «
imus uenimus uidemus
229 ». ignotum est
autem, quod «
ultro uenerat
230 » et «
lacrimans
231 »; tacitum est,
quod «
orabat
232 » et «
obsecrabat
233 » ; creditum est,
quod «
fidem dabat
234 » et «
iurabat
235 ». 2 Et honestius impersonaliter quam ignouimus, tacuimus,
credidimus. 3 virgo ex eo compressv
gravida est131 hoc addidit, ne ex
uiliore usu et inhonesta patientia uirginis ad conceptum libido
peruenerit. et praeterea quia et hoc dici potuit: "ille quidem
uitiauit uirginem, sed quid si ex alio concepit postea, quae iam
grauida facta est?", idcirco et a uitio uirginis tempus ostendit,
ut cum facto ratio conueniret.
1 ignotvm est tacitvm est creditvm est avec
asyndète (ἀσυνδέτως), comme il fait souvent par
brièveté (per συντομίαν). Il s'exprime ainsi, comme
dans : « imus uenimus uidemus ». Ignotum est, parce qu'il était venu
spontanément (ultro
uenerat) et en pleurant (lacrimans) ; tacitum est, parce qu'il priait et
suppliait (orabat et
obsecrabat) ; creditum est, parce qu'il donnait sa
promesse et jurait (fidem
dabat et iurabat)539. 2 Et c'est plus
conforme aux bonnes manières avec un tour impersonnel qu'avec les
formes personnelles ignouimus,
tacuimus, credidimus (nous avons pardonné, gardé le
silence, fait confiance). 3 virgo ex eo
compressv gravida est il ajoute cela pour qu'on n'aille
pas croire que c'est après une relation suivie et une complaisance
malhonnête de la jeune fille que l'acte sexuel a abouti à une
grossesse. Et en outre, parce qu'on aurait aussi pu dire : "le
garçon a certes violé la jeune fille, mais comment être sûr
qu'elle n'a pas conçu d'un autre ultérieurement en tombant alors
enceinte ?", pour cette raison il indique le temps écoulé depuis
le viol de la jeune fille, pour que l'événement et le décompte
coïncident.
compressu grauida facta est (mensis
hic decimus est).
après cette étreinte, s'est trouvée
enceinte (nous voilà à neuf mois révolus).
ille bonus uir nobis psaltriam, si
dis placet,
Mais notre bonhomme s'entiche d'une
musicienne, n'en déplaise aux dieux,
1 ille bonvs vir εἰρωνεία indignantis in loco addita est
uerbis ardentibus. 2 ille bonvs vir nobis
psaltriam si dis placet conclusio accusantis. 3 Et bonus uir εἰρωνεία quidem est, sed ab eo posita,
qui indignetur uirum bonum esse debuisse qui non sit; ut supra
«
neque boni neque liberalis functus est officium
uiri
236 ». 4 Et simul considera,
quo nomine Aeschinum uocet, uirum appellans scilicet, qui uult
eius certa esse promissa et qui illum iam pridem uideri maritum
uelit. 5 nobis autem ex
abundanti τῷ
ἀττικισμῷ ad indignationem relatum est. 6 si dis placet bene interpositum ad inuidiam
si dis placet, scilicet
per quos iuratum est. 7 psaltriam
nobis τῷ
ἰδιωτισμῷ; sic enim dicimus. et est consuetudinis
peruulgatae.
1 ille bonvs vir ironie (εἰρωνεία) d'indignation
qui prend place après des paroles pleines d'ardeur. 2 ille bonvs vir nobis psaltriam si dis
placet conclusion d'accusateur. 3 Et bonus
uir est ironique (εἰρωνεία), mais s'il met ici de l'ironie,
c'est pour s'indigner de ce qu'un homme devrait être bon mais ne
l'est pas ; de même ci-dessus : « neque boni neque liberalis
functus est officium uiri ». 4 Et en
même temps observez de quel nom il désigne Eschine, en l'appelant
homme (uirum), évidemment, parce qu'il veut
que ses promesses soient tenues et qu'il voudrait qu'il donne
l'impression d'être déjà marié. 5 Quant à nobis, superflu
par atticisme (τῷ
ἀττικισμῷ), il renvoie à de l'indignation540. 6 si dis placet il fait bien de mettre en
incise, pour qu'on le déteste, si dis
placet, à savoir les dieux par lesquels on
jure. 7 psaltriam nobis
particularisme (τῷ
ἰδιωτισμῷ) ; car c'est ainsi que nous parlons. Et c'est
un usage galvaudé541.
parauit quicum uiuat; illam
deserit.
et se l'est payée pour vivre avec
elle ; il abandonne l'autre.
1 illam deserit hoc est: cui e132 contrario dum uiuat
obstrictus est. 2 Et deserit uirginem scilicet.
1 illam deserit c'est-à-dire : "celle à
laquelle au contraire aussi longtemps qu'il vit il se trouve
lié". 2 Et deserit "la jeune fille",
implicitement.
De.-pro certon tu istaec dicis?
He.-mater uirginis
Dé.-Tiens-tu pour sûr ce que tu dis ?
Hé.-La mère de la jeune fille
1 pro certon tv istaec dicis hoc ideo non
dicit, quia fidem non habeat narranti, sed quia mira sunt
scelera. 2 mater virginis in medio
est terribiliter satis in
medio est, quasi retineri non possit nec cohiberi,
quin rem prodat publice. et praeterea cum argumentorum genera duo
sint, ἔντεχνον καὶ
ἄτεχνον, sicut in rebus manifestis ἀτέχνῳ utitur. 3 Hoc ergo sublatis superciliis dicendum est
in medio est; nam lentius
erat, si diceret praesto
est.
1 pro certon tv istaec dicis il ne dit pas
cela parce qu'il n'a pas confiance dans celui qui fait le récit,
mais parce qu'il s'agit de crimes étonnants. 2 mater virginis in medio est in medio est sonne assez comme une
menace, comme si on ne pouvait pas l'empêcher ni la retenir de
produire l'affaire en public. Et en outre, puisqu'il y a deux
genres d'arguments, le genre technique (ἔντεχνον) et le non-technique (ἄτεχνον), ici, comme
dans le cas de choses manifestes, il se sert du non-technique
(ἀτέχνῳ). 3 Donc il faut dire ce in medio est avec les sourcils
levés ; car ce serait trop lent s'il disait praesto est (elle est prête à).
in medio est, ipsa uirgo, res ipsa,
hic Geta
est là pour en témoigner, la jeune
fille elle-même, les faits eux-mêmes, et ce Géta
ipsa virgo scilicet quae in Aeschinum reum
et testis et crimen est. et ideo addidit res ipsa, hoc est pondus uteri
exactis ad pariendum mensibus.
ipsa virgo évidemment celle qui contre
l'accusé Eschine est à la fois témoin et chef d'accusation. Et
c'est pourquoi il ajoute res
ipsa, c'est-à-dire son ventre lourd prêt à accoucher à
terme.
praeterea, ut captus est
seruorum919, non malus
en plus, qui, dans la loterie des
esclaves, n'est pas un mauvais numéro
1 praeterea vt captvs est servorvm ad haec
intellegamus aliter dici non inertem
Socratem, aliter non
inertem seruum; aliter non
malum Scipionem, aliter seruum non malum esse. 2 vt captvs est quantum capit animus
seruilis, tantum non malus neque
iners Geta. 3 An vt captvs est
"quemadmodum saepe aucupium in seruis habendis bonum euenit, ut in
captu auium uel piscium uel ferarum plurimarum fortuna dominatur"?
et hoc ideo, quia seruum bonum euenire non ratio est aut natura,
sed casus utpote in re rarissima; ut sit ut captus est seruorum ut euentus est
in seruis. 4 vt captvs est servorvm non
malvs id est ut se habet condicio seruorum. Afranius in
Simulante «
uti seruorum captus est, facillime domo atque nostra
familia prouenditur
237 ». 5 Ergo captus sortem intellego. 6 non malvs hoc est "fidelis".
1 praeterea vt captvs est servorvm à ce
propos, nous devons comprendre que c'est une chose de dire que
Socrate n'est pas malhabile (iners) et une autre qu'un esclave
n'est pas malhabile, une chose de dire que Scipion n'est pas
mauvais (malus), une
autre qu'un esclave n'est pas mauvais542. 2 vt captvs
est pour autant que son âme servile peut saisir, dans
cette mesure Géta n'est pas mauvais ni malhabile. 3 Ou alors vt captvs est signifie "souvent le coup de
filet, quand on prend un esclave, se produit de la même façon que
dans la prise d'oiseaux, de poissons ou de la plupart des bêtes
sauvages : c'est la chance qui dirige l'opération" ? Et cela parce
que, si un bon esclave échoit, ce n'est pas par raison ni par
nature, mais par hasard, surtout dans une affaire exceptionnelle ;
ça donne : ut captus est
seruorum "comme l'événement se produit parmi les
esclaves". 4 vt captvs est servorvm non
malvs c'est-à-dire "conformément à la condition servile".
Afranius dans Le Simulateur : « uti seruorum captus
est, facillime domo atque nostra familia prouenditur » (vu la
loterie des esclaves, on n'a guère de mal à vendre de chez nous et
de notre maisonnée). 5 Donc
j'interprète captus au
sens de "lot"543. 6 non malvs
c'est-à-dire "fidèle".
neque iners; alit illas, solus omnem
familiam
ni un malhabile ; il nourrit ces
dames, tout seul, toute la maisonnée
1 neqve iners "et artem habens". 2 Oratorie futurum testem et indicem laudat,
sed ne id improbe facere uideatur, parcius id facit. non ergo
dicit bonus et sollers,
sed quod in seruo sufficit non malus
neque iners. 3 Et proferendi Getae hoc maxime causa est,
ne, quod permittere uideatur in seruo pauperis, atrocius
fiat. 4 Et simul ut haec προθεράπευσις non contristet Getam, quem
prius laudat dicturus «
hunc abduce, uinci, quaere rem
238 ». 5 alit illas solvs duas hic
res docet: et unde uiuant, quod testimonium pudicitiae est, et
grauem testem posse esse Getam. 6 solvs incerta distinctio est solus, sed melius est solus omnem familiam sustentat.
1 neqve iners équivaut à "et qui a du
métier"544. 2 De façon
oratoire, il fait l'éloge d'un futur témoin et instrument de la
preuve, mais pour ne pas avoir l'air de le faire de façon
malhonnête, il n'en rajoute pas trop. Donc il ne dit pas
bonus et sollers (bon et
habile), mais, ce qui est suffisant pour un esclave, non malus neque iners. 3 Et la raison principale de mettre Géta en
avant, c'est d'éviter que ce qu'il autorise de faire à l'esclave
d'un pauvre ne devienne pas trop atroce545. 4 Et
en même temps, pour que cette préparation (προθεράπευσις) de la
suite n'attriste pas Géta, qu'il loue d'abord avant de dire « hunc
abduce, uinci, quaere rem ». 5 alit illas solvs il nous apprend ici deux
choses : d'abord de quoi elles vivent, ce qui plaide en faveur de
la pureté de leurs mœurs546, ensuite que Géta peut être un témoin
honorable. 6 solvs on ne sait comment
ponctuer solus, mais la
meilleure solution est solus omnem
familiam sustentat547.
sustentat; hunc abduce, uinci, quaere
rem.
il l'entretient ; emmène-le,
attache-le, soumets-le à la question.
1 Hoc
uerbo tenuis uictus ostenditur, quod bene frugi esse monstratur in
feminis133. 2 hvnc abdvce vinci qvaere rem non multum
permittit utpote de alieno seruo; adeo Geta plus de se largietur.
ipse tamen tria posuit ἀσυνδέτως, ut multa uideretur
dicere. 3 hvnc abdvce ut «
tu Voluse, armari Volscorum edice maniplis
239 »; nam postea E littera huiusmodi uerbis
ablata. 4 hvnc abdvce vinci bono
ordine: et abduce
abduc
134 illuc, ubi nemo possit intercedere, et uinci, ne solutus sit, ut
scias uerum, si135 seruus accuset. 5 qvaere rem latenter praeter uincula etiam
tormenta significauit, nam hoc quaere
rem pete rei
ueritatem significat.
1 Ce
verbe548 désigne une nourriture chiche, parce qu'il est
montré que ces femmes ont de la tempérance. 2 hvnc abdvce vinci qvaere rem il ne laisse
pas d'échappatoire, surtout pour un esclave qui n'est pas à lui ;
Géta du coup payera encore plus de sa personne. Cependant il met
les trois verbes sans les lier (ἀσυνδέτως) pour donner l'impression d'en
dire beaucoup. 3 hvnc abdvce comme dans :
« tu Voluse, armari Volscorum edice maniplis » (toi, Volusus,
ordonne aux escadrons des Volsques de s'armer) ; car ce n'est
qu'ultérieurement que la lettre E, dans les verbes de ce type,
s'est amuïe549. 4 hvnc abdvce vinci l'ordre est le
bon550. Abduce est pour abduc551 (emmène-le), là où personne
ne pourra s'interposer, et "attache-le", qu'il ne soit pas libre
de ses mouvements552, pour que tu saches le vrai, dans la mesure où
c'est un esclave qui accuse553. 5 qvaere rem
implicitement, en plus des liens, ce sont des tortures qui sont
désignées, car quaere rem
signifie pete rei
ueritatem (va chercher la vérité de l'affaire).
Ge.-immo hercle extorque, nisi ita
factum est, Demea;
Gé.-Oui, ma foi, torture-moi si ça ne
s'est pas passé ainsi, Déméa ;
1 immo hercle extorqve ἄτεχνος πίστις. et bene
ipse de se plus apertiusque largitur. 2 extorqve multum dixit: non torque sed extorque. 3 Et torquemus hominem, extorquemus ueritatem.
1 immo hercle extorqve preuve non-technique
(ἄτεχνος
πίστις)554. Et il fait bien de payer spontanément de sa personne
davantage et de façon plus nette. 2 extorqve il dit beaucoup, non pas
torque (torture) mais
extorque (extorque)555. 3 Et c'est un homme que nous torturons (torquemus), la vérité que nous
extorquons (extorquemus).
postremo non negabit; coram ipsum
cedo.
d'ailleurs pour finir, lui-même ne
niera pas ; mets-le devant moi.
De.-pudet; nec quid agam nec quid
huic respondeam
Dé.-Quelle honte ! Que faire et que
lui répondre,
1 pvdet auersus hoc dicit et perturbatus
Demea. 2 Maioris erit ponderis
pudet dictum, si
me nec addas nec
subaudias.
1 pvdet c'est de dos et troublé que Déméa dit
cela. 2 Il y aura plus de poids dans
ce pudet, si on n'ajoute
ni ne sous-entend me
(quelle honte pour moi !).
scio. Pa.-miseram me, differor
doloribus!
je l'ignore. Pa.-Pauvre de moi, je
suis déchirée de douleurs !
differor doloribvs "diuellor",
"discrucior", "dilaceror". et proprie hoc genus querelae conuenit
parturienti et cui uiscera distenduntur et ei quae inexpertum
dolorem iam primum sentiat.
differor doloribvs " je suis écartelée,
"mise à la torture", "déchirée"556. Et ce
genre d'exclamation de souffrance convient proprement à une femme
qui accouche, dont les organes se tordent et qui ressent pour la
première fois une douleur qu'elle n'a jamais expérimentée.
Iuno Lucina, fer opem! serua me
obsecro! He.-hem,
Junon Lucine, assiste-moi !
Sauve-moi, je t'en conjure ! Hé.-Hein !
1 ivno lvcina fer opem bona procuratio
poetae, ut et uox parturientis pro testimonio succedat ad
inflammandum Demeam. et nota puellarum, quae in comoediis honestae
sunt et ex amore ducuntur, aut nullam in scaena esse aut
rarissimam uocem. 2 fer opem
partui, serva
me obsecro parturientem; duas enim res poscit haec
precatio; et nascentis et parturientis salutem.
1 ivno lvcina fer opem bonne préparation557 du
poète qui fait que même la voix de la parturiente, au lieu d'être
une preuve, contribue à la colère de Déméa. Et notez que les
jeunes filles qui, dans les comédies, sont honorables et agissent
par amour, ne profèrent aucune réplique sur scène, ou alors à
peine quelques bribes de discours558. 2 fer opem
pour la naissance, serva me obsecro à savoir la parturiente ;
en effet, cette prière demande deux choses : le salut du bébé et
celui de la mère.
numnam illa, quaeso, parturit?
Ge.-certe, Hegio. He.-em
ne dirait-on pas, s'il vous plaît,
qu'elle accouche ? Gé.-Si, Hégion. Hé.-Hé !
nvmnam illa qvaeso partvrit illa scilicet, de qua sermo est. quid
enim opus fuerat nomine?
nvmnam illa qvaeso partvrit illa implicitement désigne celle
dont on parle. Quel besoin en effet y aurait-il de dire son
nom ?
illaec fidem nunc uestram implorat,
Demea;
elle implore désormais votre secours,
Déméa ;
1 illaec fidem nvnc vestram haec oratoria
πλάσις est: non
enim uere rogat, sed hoc uidetur facere. 2 Et implorare est in malis positos cum
ploratu aliquem rogare.
1 illaec fidem nvnc vestram c'est une fiction
oratoire (πλάσις) : car il ne fait pas une vraie
question mais c'est ce qu'il paraît faire. 2 Et implorare c'est le fait que des
personnes en mauvaise posture sollicitent quelqu'un en
pleurant.
quod uos uis cogit, id uoluntate
impetret!
ce à quoi vous contraint la
nécessité, qu'elle l'obtienne de vous de bon cœur !
qvod vos vis cogit id volvntate
artificiose, ne totum suppliciter agendo diffidere causae
uideatur. uis igitur
legum intellegitur.
qvod vos vis cogit id volvntate fait avec
art, pour éviter que, en agissant en tout sur le mode de la
supplication, il ne paraisse douter de la cause. Donc uis se comprend comme "la force des
lois".
haec primum ut fiant deos quaeso ut
uobis decet;
Qu'il en soit ainsi à votre honneur,
c'est ma toute première prière aux dieux ;
1 deos qvaeso vt vobis decet hoc est: non
uoluntate aduersarium fore. 2 vt vobis
decet παραινετικῶς dixit, non ut puellae utile est, sed ut uobis decet. 3 vobis decet Graece dixit: ὑμῖν πρέπει. et deest
facere.
1 deos qvaeso vt vobis decet c'est-à-dire :
"de ne pas vous opposer volontairement". 2 vt vobis decet il dit sur le ton de
l'exhortation (παραινετικῶς) non pas ut puellae utile est (comme il est
utile à la petite), mais ut uobis
decet. 3 vobis decet
le grec dit : ὑμῖν
πρέπει. Et il manque facere559.
sin aliter animus uester est, ego,
Demea,
mais si vous avez d'autres
intentions, moi, Déméa,
1 sin aliter animvs est officium amici
exsequitur in reddenda causa, cur aduersarius futurus
sit. 2 ego demea ἐν ἤθει ego Demea.
1 sin aliter animvs est il assume son rôle
d'ami en expliquant pourquoi il sera leur adversaire. 2 ego demea il est dans son rôle (ἐν ἤθει) en disant
ego Demea560.
summa ui defendam hanc atque illum
mortuum:
de toutes mes forces je défendrai la
petite et celui qui est mort :
1 svmma vi defendam hanc non dixit id quod
est uos ulciscar sed
bene defendam. 2 atqve illvm mortvvm idonea causa aduersus
uiuos faciendo pro mortuo scilicet. 3 Quasi136 iure et officio suo locutus est
et exaggerauit culpam Aeschini, qui uidebatur in uno et eodem
facinore uiuos mortuosque laesisse.
1 svmma vi defendam hanc il ne dit pas
uos ulciscar (je tirerai
vengeance de vous), mais bene
defendam (je la défendrai bien). 2 atqve illvm mortvvm dans une cause adaptée
à des vivants, en agissant pour un mort, implictement. 3 Il est dans son droit et dans son devoir en
disant cela, et il amplifie la faute d'Eschine, qui paraît, en un
seul et même forfait, avoir lésé à la fois les vivants et les
morts.
cognatus mihi erat; una a pueris
paruulis
c'était un mien parent ; c'est
ensemble, dès la prime enfance,
1 cognatvs mihi erat causa exposita iam agit
Hegio de persona sua utrum recte faciat, et quam personam deinde
acturus sit ostendit. dicit137, cum amicitiarum duo genera sunt, unum
necessarium, id est propinquitas sanguinis, alterum uoluntarium,
quo nobis etiam alienissimi coniunguntur, Micionem sibi ac Demeam
et uiuos et uoluntarios tantum amicos esse, Simulum uero et
mortuum et non solum amicum uoluntate sed etiam necessitudine
fuisse coniunctum. 2 Et cognatvs mihi erat uultu adiuuat, quia non
a coniunctione inceptiua sumpsit exordium. 3 cognatvs mihi erat officia multa contra
unum officium amicitiae Demeae ac Micionis.
1 cognatvs mihi erat après avoir exposé la
cause, désormais Hégion plaide pour sa propre personne en se
demandant s'il fait bien d'agir ainsi et il montre ensuite quel
rôle il jouera. Il dit, alors qu'il existe deux genres d'amitié,
l'un qui relève de la nécessité, à savoir le lien de sang, l'autre
du choix, par lequel même des gens tout à fait étrangers
s'attachent à nous, que Micion et Déméa, qui sont vivants, ne sont
pour lui des amis que par son choix, alors que Simulus, même mort,
est non seulement son ami par choix mais aussi qu'il était lié à
lui par les liens du sang. 2 Et
cognatvs mihi
erat il appuie cette réplique du regard, parce qu'il n'a
pas commencé sa phrase avec une conjonction de liaison. 3 cognatvs mihi erat plusieurs devoirs
d'amitié contre un seul qui l'unit à Déméa et Micion.
sumus educti; una semper militiae et
domi
que nous avons été élevés ; c'est
ensemble sous les drapeaux et en privé
fuimus; paupertatem una pertulimus
grauem.
que nous avons passé notre temps ;
ensemble que nous avons supporté une pesante misère.
1 pavpertatem vna pertvlimvs ἐπαναφορά. 2 Et quia magis coniungit
malorum consortium quam bonorum.
1 pavpertatem vna pertvlimvs épanaphore
(ἐπαναφορά). 2 Et parce qu'on s'attache plus à ceux qui ont
partagé des malheurs que des bonheurs.
quapropter ita920 faciam, experiar, denique
C'est pourquoi j'agirai ainsi,
j'esterai, bref
1 ita faciam experiar sic dicit, ne dicat
uindicabo, quod uult magis
significatum esse quam dictum. 2 Et ne138 ei diceretur
nihil poteris, quod ad
incipiendum sufficit dixit experiar.
1 ita faciam experiar il dit cela pour ne pas
dire uindicabo, parce
qu'il veut que cela en dise plus qu'il n'en dit
vraiment. 2 Et pour qu'on ne puisse
pas lui dire "tu ne pourras pas réussir", il dit, ce qui suffit
pour commencer, experiar561.
animam relinquam potius quam illas
deseram.
j'y laisserai mon âme plutôt que de
les abandonner.
animam relinqvam modesta comminatio: prius
quid sibi possit euenire dixit, quam quid passurus sit
Aeschinus.
animam relinqvam légère menace : il dit ce
qui pourrait lui arriver avant de dire ce qui arrivera à
Eschine.
quid mihi respondes? De.-fratrem
conueniam, Hegio.
Que me réponds-tu ? Dé.-Je vais
trouver mon frère, Hégion.
1 fratrem conveniam hegio uultuose
pronuntiandum hoc quod addidit Hegio, quasi dicat: "res in manu
fratris est constituta, non mea". 2 qvid mihi respondes respondere proprie dicitur, cui lis
intenditur. spondere enim
proprie est priorem loqui quasi spondeo id est
uerba fundere, ut «
funditque has ore querelas
240 », respondere posteriore loco
dicere.
1 fratrem conveniam hegio il faut prononcer
avec un jeu de physionomie cet ajout Hegio, comme s'il disait :
"l'affaire est entre les mains de mon frère, non entre les
miennes". 2 qvid mihi respondes
respondere se dit
proprement de celui à qui est intenté un procès. Car spondere au sens propre, c'est dire
le premier en quelque sorte spondeo (je m'engage)562, c'est-à-dire
"répandre des mots", comme dans « funditque has ore
querelas »563 (il répand ces plaintes de sa bouche)564, respondere c'est parler en second
lieu.
He.-sed, Demea, hoc tu facito cum
animo cogites:
Hé.-Oui mais, Déméa, en même temps
réfléchis :
sed demea hoc tv facito ἐπιθεράπευσις supra
habitae comminationis.
sed demea hoc tv facito remède (ἐπιθεράπευσις) contre
la menace faite ci-dessus.
quam uos facillime agitis, quam estis
maxime
plus vous menez une vie facile, plus
vous êtes
qvam vos facillime agitis ut «
facile uictum
q.
quaerere
241 ». 2 Et uide, quam oratorie laudes sumpserit
argumenta suadendi.
qvam vos facillime agitis de même dans :
« facile uictum quaerere »565. 2 Et voyez avec quel talent oratoire il peut
recueillir des éloges pour savoir trouver des arguments
convaincants.
potentes, dites, fortunati,
nobiles,
puissants, riches, heureux,
notables,
tam maxime uos aequo animo aequa
noscere
et plus vous devez reconnaître avec
justice ce qui est juste,
aeqvo animo aeqva noscere oportet bene
dixit aequo animo, quia
potentior et fortior contra naturam est aequitas.
aeqvo animo aeqva noscere oportet il fait
bien de dire aequo animo,
parce que l'égalité est particulièrement puissante et forte contre
la nature.
oportet, si uos uultis perhiberi
probos.
si vous voulez qu'on vous tienne pour
des gens honnêtes.
De.-redito; fient quae fieri aequum
est omnia.
Dé.-Tu peux repartir ; il adviendra
ce qu'il est légitime qu'il advienne.
redito prosequebatur abeuntem, quemadmodum
apparet ex uerbis.
redito il se lançait à la poursuite de
celui qui partait, comme il appert de la réplique.
He.-decet te facere. Geta, duc me
intro ad Sostratam.
Hé.-C'est ce que tu dois faire. Géta,
introduis-moi chez Sostrata.
decet te facere sollicita obsequela
Hegionis ultima in loquendo ostendit impotentiorem personam contra
Aeschinum; quo magis gaudium crescit comoediae, quando tali ac
tanto pauperior puella sed tamen cupita iungetur.
decet te facere par l'ultime complaisance
inquiète d'Hégion, il fait comprendre l'impuissance du personnage
contre Eschine ; la joie de la comédie grandit d'autant plus quand
c'est à un homme doté de telles qualités et aussi important qu'une
jeune fille pauvre et néanmoins désirée se trouve unie.
De.-non me indicente haec fiunt:
utinam hoc921
sit modo
Dé.-Ce n'est pas faute que j'aie
prévenu, si tout cela arrive : pourvu au moins que tout ça
soit
1 non me indicente quia dixerat «
ipse sentiet posterius
242 ». 2 Et nimis dura compositio sed apta
irascenti. 3 vtinam hic sit modo
defvnctvm utinam
desperandi uim habet. 4 hoc id est
negotium in raptu uirginis. 5 defvnctvm
"finitum", id est: "ut non peiora committat". 6 defvnctvm "finitum", hoc est: "ne ulterius
peccet Aeschinus".
1 non me indicente parce qu'il avait dit
ipse sentiet
posterius. 2 Et la
construction est un peu rude, mais convient à un homme en
colère. 3 vtinam hic sit modo
defvnctvm utinam
dénote le désespoir. 4 hoc
c'est-à-dire l'affaire de l'enlèvement de la jeune
fille. 5 defvnctvm "fini",
c'est-à-dire : "qu'il n'en commette pas de pire". 6 defvnctvm "fini", c'est-à-dire :
"qu'Eschine cesse de commettre des fautes".
defunctum! uerum nimia illaec
licentia
révolu ! Mais cet excès de
laxisme
nimia illaec licentia quam illi dat
Micio.
nimia illaec licentia celle dont fait
preuve Micion à son égard.
profecto euadet in aliquod magnum
malum.
aboutira sûrement à un grand
malheur.
profecto evadet per ardua et interrupta
ueniet.
profecto evadet "arrivera" par des voies
ardues et qui s'interrompent.
ibo ac requiram fratrem, ut in eum
haec euomam.
Je vais aller chercher mon frère pour
lui répandre ce que j'ai sur le cœur.
haec evomam non effundam sed euomam, utpote "quae me aequum
faciunt, quibus me releuabo, cum ille languor egestus sit". nam
euomam translatione hoc
significat.
haec evomam non pas effundam (je répandrai) mais
euomam, comme par exemple
"les choses qui me rendront d'humeur égale, dont je me soulagerai,
quand cette cette langueur se sera exhalée". Car
euomam a ce sens
par métaphore.
scaena quinta
Hegio
He.-bono animo fac sis, Sostrata, et
istam quod potes
Hé.-Fais en sorte de garder bon
courage, Sostrata, et ta fille, autant que possible,
1 bono animo fac sis sostrata hi sex
uersus in quibusdam non feruntur. in hac scaena uidetur iam
locutae Sostratae Hegio respondere: potest tamen et ipse incipere,
tamquam qui et rem nouerit et maerore eius moueatur. 2 bono animo fac sis sostrata meminisse
debemus, quod dixit «
duc me intro ad Sostratam
243 » et quod hoc intro in proscaenio est παρὰ τὸ πιθανόν, non
post scaenam. nam aliud significat «
eamus intro
244 »139, ubi dicitur «
intus despondebitur, intus transigetur, si quid est
quod restet
245 »; illud enim interius agitur extra omne
proscaenium. 3 fac sis sostrata
sis honorifice additur
uerbo, ne, quod imperatiuo modo pronuntiatur, superbum sit;
deductum est autem a senatus consulti formula: ubi aliquid senatus
consulibus iniungit, addit si eis
uideatur. 4 et istam qvod
potes quia uox ipsa tristis est et circa tristem filiam,
quod potes dixit.
1 bono animo fac sis sostrata Ces six vers ne
sont pas présents dans certains exemplaires566. Dans cette scène, il semble
qu'Hégion réponde à Sostrata qui lui a parlé : pourtant il peut
aussi commencer de lui-même, en homme qui connaît l'affaire et est
ébranlé par l'angoisse qu'elle suscite567. 2 bono animo fac sis sostrata nous devons
avoir en mémoire qu'il a dit « duc me
intro ad Sostratam » et que ce "dedans" se trouve sur
l'avant-scène, contre le vraisemblable (παρὰ τὸ πιθανόν), et non dans la
coulisse. Car ce n'est pas la même chose de dire « eamus intro » (entrons là- dedans),
que de dire « intus despondebitur,
intus transigetur, si quid est quod restet » ; car il
s'agit là d'un lieu plus intérieur, en dehors de toute
avant-scène568. 3 fac sis sostrata
sis s'ajoute par
politesse à un mot, pour enlever à la tournure à l'impératif un
peu de morgue ; l'expression vient d'une formule des
sénatusconsultes : quand le sénat enjoint quelque chose aux
consuls, il ajoute si eis
uideatur (si bon leur en semble)569. 4 et istam qvod potes comme le mot même est
triste570 et évoque la fille, qui est
triste, il ajoute quod
potes.
fac consolere; ego Micionem, si apud
forum est,
tâche de la consoler ; moi c'est
Micion, au cas où il soit sur la place,
1 fac consolere duas res dixit, quas et
ordine locutus est: et "tu bonum animum habe", inquit, et "filiam
fac habere". 2 ego micionem quia Demeam
iam uidit.
1 fac consolere il dit deux choses, qu'il
expose dans l'ordre : d'une part "toi garde courage", dit-il,
d'autre part "fais que ta fille garde courage". 2 ego micionem parce qu'il a déjà vu
Déméa.
conueniam atque ut res gesta est
narrabo ordine;
que je vais chercher pour lui
raconter l'affaire comme elle s'est passée par le menu ;
si est facturus ut sit officium
suum,
s'il est prêt, pour peu qu'il le
soit, à faire son devoir,
si est factvrvs officivm hoc dicendo
promittit ipsum esse facturum; nam facile est unum quemque officio
suo fungi.
si est factvrvs officivm en disant cela, il
promet que lui le fera ; car il est facile à chacun de s'acquitter
de son devoir.
faciat; sin aliter de hac re est eius
sententia,
qu'il le fasse ; mais s'il voit la
chose autrement,
respondeat mihi ut quid agam quam
primum sciam.
qu'il me réponde pour que je sache
dès que possible ce que je dois faire.
vt qvid agam qvam primvm mature neque
comminatur neque segnem ostentat se fore.
vt qvid agam qvam primvm de façon parfaite,
sans proférer de menace, il montre qu'il ne sera pas
négligent.
Actus quartus
scaena prima
Ctesipho Syrus
517 | 518 | 519 | 520 | 521 | 522 | 523 | 524 | 525 | 526 | 527 | 528 | 529 | 530 | 531 | 532 | 533 | 534 | 535 | 536 | 537 | 538 | 539
Ct.-ain patrem hinc abisse rus?
Sy.-iamdudum. Ct.-dic sodes. Sy.-apud uillam est;
Ct.-Tu dis que mon père est parti à
la campagne ? Sy.-Depuis longtemps. Ct.-Raconte, s'il te plaît.
Sy.-Il est à la ferme ;
1 ain patrem hinc abisse rvs hic ostenditur
timiditas boni adulescentis et reuersi ad peccandum ex delicti
conscientia et reuerentia parentis. apparet item mos uerorum
patrum circa filios Syro Demeam describente. 2 ain patrem hinc abisse rvs compendio
ostenditur, quid sit iam locutus Syrus.
1 ain patrem hinc abisse rvs est présenté ici
le caractère craintif d'un bon jeune homme qui est ramené sur le
terrain de la faute à cause de la conscience qu'il a de son délit
et de la crainte qu'il a de son père. On voit aussi la manière
d'être des pères authentiques à l'égard de leurs fils dans la
description que fait Syrus de Déméa. 2 ain patrem hinc abisse rvs est présenté un
résumé de ce que Syrus a dit.
nunc cum maxime operis aliquid facere
credo. Ct.-utinam quidem!
je pense qu'à l'instant même il est à
l'ouvrage. Ct.-Pourvu seulement !
1 nvnc cvm maxime operis aliqvid facere credo
uide quasi ἰδίωμα uerborum Syri esse, de opere
loqui; sic enim dixit et Demeae, sed illud falso, hoc
serio. 2 vtinam qvidem apud uillam sit subaudiendum et
distinguendum, antequam inferas quod sequitur.
1 nvnc cvm maxime operis aliqvid facere credo
voyez qu'il y a comme un tic de langage (ἰδίωμα) de Syrus dans
le fait de parler de travail ; il l'a en effet déjà fait en
parlant à Déméa571, mais là c'était
un mensonge, ici c'est sérieux. 2 vtinam qvidem il faut sous-entendre
apud uillam sit (qu'il
soit à la ferme !) et placer une pause avant de lancer la
suite.
quod cum salute eius fiat, ita se
defetigarit uelim,
Soit dit en lui souhaitant la santé,
je voudrais qu'il se fatigue tant
qvod cvm salvte eivs fiat hoc est non
odisse patrem, sed tantum timere ex proprio delicto; seruatur enim
in eo et amor filii et amoris affectus.
qvod cvm salvte eivs fiat ce n'est pas là
haïr son père, mais seulement le craindre à cause de la faute
qu'on a commise ; car on préserve en lui et son amour filial et
son sentiment amoureux.
ut triduo hoc perpetuo prorsum e
lecto nequeat surgere.
que pendant la durée pleine de ces
trois prochains jours il ne puisse se lever de son lit.
1 vt tridvo hoc perpetvo quantum sufficiat
amatori. 2 Et non opus erat perpetuo dicere, si triduum dixisset.
1 vt tridvo hoc perpetvo la durée nécessaire
pour un amoureux. 2 Et il n'aurait
pas été nécessaire de dire perpetuo, s'il avait dit triduum (pendant trois jours)572.
Sy.-ita fiat, et istoc si quid922
potis est rectius. Ct.-ita; nam hunc diem
Sy.-Soit, et mieux encore que cela,
si cela se peut. Ct.-Oui ; car ce jour,
1 et istoc si qvid potis est rectivs deest
addi, nam si mortem
significaret, non conueniret adulescentem ita dicere. uidetur enim plus
temporis optasse languori. 2 nam hvnc diem misere
nimis cvpio moriatur scilicet. et hoc auersus
seruus debet dicere, ne indecorum adulescentis personae sit ad
haec ita dixisse. quamquam
eiusmodi adulescentes inducant comici, ut Naeuius in Tribacelo:
«
deos quaeso, ut adimant et patrem et matrem
meos
246 ».
1 et istoc si qvid potis est rectivs il
manque addi (être
ajouté), car s'il évoquait la mort de Déméa, il ne serait pas
convenable que le jeune homme réponde "oui". Car ce qu'il semble
avoir émis comme souhait, c'est d'avoir plus de temps pour se
consacrer à sa passion. 2 nam hvnc diem misere
nimis cvpio "qu'il meure", implicitement. Et l'esclave
doit dire cela de dos, pour qu'il ne soit pas inconvenant au
personnage du jeune homme de dire ita (oui)573. Encore que les comiques mettent en scène des jeunes
gens de ce genre, comme Naevius dans le Tribacelus :
« deos quaeso, ut adimant et patrem et matrem meos » (je supplie
les dieux qu'ils m'ôtent mes père et mère)574.
misere nimis cupio, ut coepi,
perpetuum in laetitia degere.
j'ai méchamment l'intention, comme je
l'ai commencé, de le passer tout entier dans le plaisir.
misere nimis cvpio abundat nimis more comicorum, qui hoc dicto
asseuerationem inculcabant. 2 cvpio vt coepi
perpetvvm in laetitia degere qui et supra dixit: «
ita quaeso, quando bene successit, hilarem hunc sumamus
diem
247 ».
misere nimis cvpio nimis est superflu, selon l'usage
des comiques, qui donnaient à ce mot une valeur
assertive. 2 cvpio vt coepi perpetvvm in
laetitia degere lui qui disait aussi ci-dessous : « ita
quaeso, quando bene successit, hilarem hunc sumamus diem ».
et illud rus nulla alia causa tam
male odi, nisi quia prope est:
Et cette campagne, je ne la déteste
tant que parce qu'elle est près d'ici :
1 et illvd rvs nvlla alia cavsa tam male odi
mire ostendit omnia ex delictis in prauum uerti, adeo ut miseram
putet adulescens suburbanam uillam, qua re ceteri delectantur.
illud ergo tamquam cum
detestatione dixit. 2 Et male nimis et misere, nam nimium et malum et miserum est secundum illam
sententiam: «
ut ne quid nimis
248 ».
1 et illvd rvs nvlla alia cavsa tam male odi
il montre remarquablement que tout, depuis la faute commise, est
vu de façon négative, au point que le jeune homme juge misérable
leur ferme suburbaine, chose dont tous les autres font leurs
délices. Il dit donc illud avec une sorte de ton
haineux. 2 Et male signifie nimis (trop) et misere (salement), car nimius signifie à la fois malus et miser conformément à l'adage : « ut
ne quid nimis » (rien de trop).
quod si abesset longius,
Car si elle était plus loin,
qvod si abesset longivs iam amori magis
quam rei consulit adulescens.
qvod si abesset longivs pour l'heure, c'est
à l'amour plus qu'à son patrimoine que songe le jeune homme.
prius nox oppressisset illi, quam huc
reuerti posset iterum.
la nuit l'aurait surpris avant qu'il
ne puisse revenir ici.
nunc ubi me illic non uidebit, iam
huc recurret, sat scio;
Mais là, dès qu'il ne me verra pas
là-bas, il va revenir en courant, je le sais bien ;
iam hvc recvrret mire de sene recurret dixit, ut eius instantiam
demonstraret.
iam hvc recvrret il est paradoxal de dire
recurret en parlant d'un
vieillard, pour manifester la menace qu'il représente575.
rogitabit me, ubi fuerim: « quem ego
hodie toto non uidi die! ».
il me demandera sans cesse où
j'étais : « je ne t'ai pas vu de la journée » !
quid dicam? Sy.-nihilne in mente923 est? Ct.-numquam quicquam. Sy.-tanto nequior.
Que lui dirai-je ? Sy.-Il ne te vient
rien à l'esprit ? Ct.-Pas le moins du monde. Sy.-Que tu es
bête !
1 nihilne in mente est sic hoc accipiendum
est, ut adulescenti libero malitiam putemus, non sapientiam
deesse: adeo in hac re magister est seruus. 2 tanto neqvior sic hoc dictum est, ut e
contrario dicimus tanto
melior. 3 nvmqvam
qvicqvam παρέλκον pro numquam, id est non.
1 nihilne in mente est ce qu'il faut
comprendre c'est que nous devons penser que ce qui fait défaut à
un jeune homme de bonne famille, c'est la malice, non pas la
sagesse : et dans ce domaine, le maître c'est l'esclave. 2 tanto neqvior c'est une expression qui a
pour contraire tanto
melior (d'autant meilleur). 3 nvmqvam qvicqvam pléonasme (παρέλκον) pour
numquam, c'est-à-dire
non (ne pas)576.
cliens, amicus, hospes nemo est
uobis? Ct.-sunt; quid postea?
Client, ami, hôte, vous n'avez
personne ? Ct.-Si ; et après ?
1 cliens amicvs hospes nemo est vobis uide
magistrum ad nequitiam, ut simplici adulescenti mentiendi uiam
demonstret et honestum temptet afferre argumentum ad mendacium:
propter clientem, amicum aut hospitem in urbe cessare; quod tamen
nec sic intelligit ut rudis ac rusticus adulescens. 2 cliens amicvs hospes nemo est vobis mire
sic interrogauit, ut qui agrestes inhumanosque reprehendat et
insociabiles aliis ob asperitatem rustici senis.
1 cliens amicvs hospes nemo est vobis voyez
ce maître en rouerie, comme il inculque à un jeune homme simple la
méthode du mensonge et comment il s'ingénie à couvrir d'un
argument honorable un bobard : qu'il s'est attardé en ville à
cause d'un client, d'un ami ou d'un hôte ; mais cela le jeune
homme, en tant qu'il est mal dégrossi et campagnard, ne le
comprend pas de la même façon577. 2 cliens amicvs hospes nemo est
vobis étonnamment, il dit cela sur le mode interrogatif,
en homme qui les traite de rustauds, de sous-hommes, d'associaux
en raison de la dureté du vieux paysan.
Sy.-hisce opera ut data sit? Ct.-quae
non data est924, non potest fieri.
Sy.-potest.
Sy.-Des gens à qui il faudrait
apporter de l'aide ? Ct.-Sans qu'une aide ait été apportée, ce
n'est pas possible. Sy.-Si, ça l'est.
1 qvae non data est non potest fieri a
superiore subauditur ueniat in
mentem, id est: "cogita dari potuisse et datam
dicito". 2 qvae non data est non potest
fieri hic de facto quaestio est, in qua quidam disputant
quaedam tunc possibilia intellegi, cum facta sint; cum autem non
fiant, non modo non fieri, sed ne possibilia quidem esse dicenda:
qui locus περὶ
δυνατῶν dicitur. 3 potest iterum
subauditur ut data sit uel
ut credatur data.
1 qvae non data est non potest fieri on
sous-entend de ce qui précède ueniat
in mentem (que ça vienne à l'esprit)578, c'est-à-dire : "imagine qu'une aide aurait pu
être apportée, et prétends qu'elle l'a été"579. 2 qvae non data est non potest fieri il
s'agit ici d'une question sur le factuel, sur laquelle certains
dissertent en disant qu'il y a des choses qu'on peut interpréter
comme possibles au moment où elles se sont réalisées, mais que,
quand elles ne se réalisent pas, non seulement elles ne se
réalisent pas, mais même elles ne peuvent pas être dites
possibles ; c'est le raisonnement dit des possibles (περὶ δυνατῶν)580. 3 potest on
sous-entend à nouveau ut data
sit (qu'elle ait été donnée) ou bien ut credatur data (qu'on la croie
donnée).
Ct.-interdius ; sed si hic pernocto,
causae quid dicam, Syre?
Ct.-En plein jour ; mais si je
découche, quel prétexte vais-je trouver, Syrus ?
interdivs bene, quia amatori maxime noctu
opus est.
interdivs bien dit, parce que l'amoureux a
surtout besoin de la nuit.
Sy.-uah, quam uellem etiam noctu
amicis operam mos esset dari!
Sy.-Ah ! comme j'aimerais que même la
nuit les amis aient coutume d'apporter de l'aide !
1 vah qvam vellem etiam noctv hoc utriusque
personae conuenit, sed melius a Syro et facetius
dicitur. 2 Et quidam totum personae Ctesiphonis
assignant ab usque interdius. 3 Et quam
uellem proprie dicimus in his, quae non uidemus fieri.
bene igitur deficiente argumento cum aliud non inueniret, in uota
conuersus est: unde uidentur magis haec uerba Ctesiphonis
esse.
1 vah qvam vellem etiam noctv la réplique
convient aux deux personnages, mais elle est meilleure et plus
drôle si c'est Syrus qui la dit. 2 Et certains attribuent toute la réplique depuis
interdius à
Ctésiphon. 3 Et nous disons
quam uellem au sens
propre pour ce que nous ne voyons pas se réaliser. C'est bien donc
que, à court d'argument et faute d'en trouver d'autres, il en
vienne aux souhaits : aussi semble-t-il préférable que ces paroles
soient celles de Ctésiphon581.
quin tu otiosus esto; ego illius
sensum pulchre calleo.
Mais bon, sois tranquille, toi ; moi
je connais parfaitement son caractère.
calleo "callide scio".
calleo "je sais de façon avisée"
(callide)582.
cum feruit maxime, tam placidum quam
ouem reddo. Ct.-quo modo?
Dès qu'il s'est bien échauffé, je le
rends doux comme un agneau. Ct.-Comment ?
1 cvm fervit maxime tertia coniugatione
dixit, unde et feruĕre
dicitur correpta media syllaba. 2 qvo modo miratur, quia timet eum quem iste
contemnit.
1 cvm fervit maxime il utilise le verbe à la
troisième conjugaison, d'où aussi l'infinitif feruĕre avec une syllabe médiane
brève583. 2 qvo modo
Ctésiphon s'étonne parce qu'il a peur de celui que Syrus traite
par le mépris.
Sy.-laudarier te audit libenter:
facio te apud illum deum:
Sy.-Il adore entendre dire du bien de
toi ; alors je te divinise à ses yeux :
lavdarier te avdit libenter quod de Demea
dicitur, in omnes parentes dici puta; nam nemo tam asper est
pater, qui non statim mitescat laudato filio.
lavdarier te avdit libenter ce qui est dit
de Déméa, pensez qu'on le dit de tous les pères ; car il n'y a pas
de père si sévère qui ne s'adoucisse dès qu'on fait l'éloge de son
fils.
uirtutes narro. Ct.-meas? Sy.-tuas:
homini ilico lacrimae cadunt
j'énumère tes vertus. Ct.-Les
miennes ? Sy.-Les tiennes : le bonhomme aussitôt a les larmes qui
lui viennent,
1 virtvtes narro non dixit elegantem indolem sed uirtutes. sunt autem perfecti
sapientis uel diui alicuius. 2 Et bene cum stupore respondet meas? ostendens quod nullae
essent. 3 meas tvas et meas et tuas cum gestu pronuntiare debemus,
ut intellegatur irrisio.
1 virtvtes narro il ne dit pas elegantem indolem (caractère
distingué) mais uirtutes.
Or il s'agit de l'apanage du sage accompli ou d'un dieu. 2 Et Ctésiphon répond à juste titre meas ?, montrant par là qu'il n'en a
aucune. 3 meas tvas nous devons
prononcer et meas et
tuas avec un geste, pour
faire comprendre la moquerie.
quasi puero gaudio. em tibi autem!
Ct.-quidnam est? Sy.-lupus in fabula.
comme à un enfant, de joie. Aïe, gare
à toi ! Ct.-Quoi donc ? Sy.-Voici le loup de la fable.
1 qvasi pvero gavdio deest prae ut sit: prae gaudio. 2 lvpvs in fabvla silentii indictio est in
hoc prouerbio atque eiusmodi silentii, ut in ipso uerbo uel ipsa
syllaba conticescat, quia lupum uidisse homines dicimus, qui
repente obmutuerunt; quod fere his euenit, quos prior uiderit
lupus, ut cum cogitatione in qua fuerint etiam uerbis et uoce
careant. nam sic Theocritus: «
οὐ φθέγξῃ ; λύκον
εἶδες
249 » et Vergilius: «
uox quoque Moerim iam fugit ipsa, lupi Moerim
u.
uidere
p.
priores
250 ». alii putant ex nutricum fabulis natum pueros
ludificantium terrore lupi paulatim Capua140 uenientis usque ad limen cubiculi. nam
falsum est quod dicitur interuenisse lupum Naeuianae fabulae
Alimonio Remi et Romuli, dum in theatro ageretur.
1 qvasi pvero gavdio il manque prae pour faire : prae gaudio (en raison de sa
joie). 2 lvpvs in fabvla il y a
l'ordre de faire silence dans ce proverbe584, et un silence complet, de sorte que l'on
s'interrompt sur le mot même, voire sur la syllabe même, parce
qu'on dit qu'ont vu le loup les hommes qui se taisent d'un coup.
Et c'est ce qui arrive généralement à ceux que le loup a vus en
premier, au point que, se bloquant sur l'idée qu'ils étaient en
train de suivre, ils restent sans mots et sans voix. En effet,
voici ce que dit Théocrite : « οὐ φθέγξῃ ; λύκον εἶδες (ne diras-tu
rien ? as-tu vu le loup ?) et Virgile : « uox quoque Moerim iam
fugit ipsa, lupi Moerim uidere priores » (déjà la voix aussi fuit
Moeris, les loups ont vu Moeris les premiers). D'autres pensent
que cela vient des histoires que les nourrices racontent aux
enfants pour se moquer d'eux en leur faisant peur avec le loup qui
vient pas à pas de Capoue jusqu'au bord du lit585. Mais c'est faux ce qu'on dit à propos du loup
qui serait entré pendant que la pièce de Naevius Les
Enfances de Romulus et Rémus se jouait sur la scène586.
Ct.-pater est? Sy.-ipsus est.
Ct.-Syre, quid agimus? Sy.-fuge modo intro; ego uidero.
Ct.-Mon père ? Sy.-En personne.
Ct.-Syrus, que faisons-nous ? Sy.-Réfugie-toi là-dedans ; moi,
j'aviserai.
fvge modo intro non dixit i uel abi uel uade, sed fuge: tanta celeritate opus est.
fvge modo intro il ne dit pas i (vas-y) ou abi (va t-en) ou uade (pars), mais fuge : il y a urgence.
Ct.-si quid rogabit, nusquam tu me...
audistin? Sy.-potin ut desinas?
Ct.-S'il te demande quoi que ce soit,
nulle part tu ne m'as... Compris ? Sy.-Peux-tu cesser ?
1 si qvid rogabit nvsqvam tv me magna uirtute
Terentius rudem, simplicem timidumque inducit Ctesiphonem ab
initio, ut is sit, qui mox opprimetur cum meretrice accumbens
interuentu patris ob imprudentiam et rusticitatem suam. 2 nvsqvam tv me familiaris ἔλλειψις et apta
properanti, quare haec omnia et pressa uoce cum celeritate
pronuntianda sunt.
1 si qvid rogabit nvsqvam tv me avec beaucoup
de talent, Térence met en scène depuis le début un Ctésiphon mal
dégrossi, simple et craintif, au point que c'est lui encore qui se
laissera bientôt prendre en flagrant délit, couché avec sa
maîtresse et surpris par l'arrivée de son père, à cause de son
imprévoyance et de son caractère paysan. 2 nvsqvam tv me ellipse (ἔλλειψις) familère et
propre à un personnage qui se hâte, raison pour laquelle toute
cette réplique doit être dite aussi à voix basse et à toute
vitesse.
scaena altera
Ctesipho Syrus Demea
540 | 541 | 542 | 543 | 544 | 545 | 546 | 547 | 548 | 549 | 550 | 551 | 552 | 553 | 554 | 555 | 556 | 557 | 558 | 559 | 560 | 561 | 562 | 563 | 564 | 565 | 566 | 567 | 568 | 569 | 570 | 571 | 572 | 573 | 574 | 575 | 576 | 577 | 578 | 579 | 580 | 581 | 582 | 583 | 584 | 585 | 586 | 587 | 588 | 589 | 590 | 591
De.-ne ego homo infelix sum925! primum
fratrem nusquam inuenio gentium;
Dé.-Ouais, que je suis malheureux !
D'abord je ne trouve mon frère nulle part au monde ;
1 ne ego homo infelix svm in hoc actu
exemplum est, neminem facilius quam optimum quemque falli atque
deludi. 2 Et ne ualde significat, ut «
ne illi uehementer errant
251 » Cicero in Catilinam. 3 ne ego homo svm infelix uide initium
conueniens perpetuo maerori Demeae: per totam fabulam aut «
disperii
252 » dicit aut «
defessus sum
253 » aut tale quid semper, quo queratur, ita tamen, ut cum
augmento sit miseria, quotienscumque processerit. nam plus est
quod nunc dixit ne ego sum
infelix quam «
disperii
254 ». 4 nvsqvam invenio gentivm
abundat gentium.
1 ne ego homo infelix svm dans cette scène,
on voit par l'exemple que personne n'est plus facile à tromper et
à berner qu'un homme excellent. 2 Et
ne signifie ualde, comme dans : « ne illi
uehementer errant » (oui vraiment, ils se trompent lourdement),
dans les Catilinaires de Cicéron587. 3 ne ego homo svm infelix voyez un début qui
convient bien à l'éternel mécontentement de Déméa : dans toute la
pièce, il dit toujours « disperii » ou « defessus sum » ou quelque
équivalent qui montre qu'il se plaint, mais de manière à ce que
son désarroi grandisse à chaque fois qu'il entre en scène. Car il
dit plus en disant ne ego sum
infelix qu'en disant « disperii ». 4 nvsqvam invenio gentivm gentium est superflu588.
praeterea autem, dum illum quaero, a
uilla mercennarium
ensuite, alors que je le cherchais,
c'est un des ouvriers de ma ferme
1 a villa mercennarivm vidi sapientissime
Terentius etsi proxima uilla est, necessarium senem ad reliquos
actus fabulae noluit ab urbe discedere personae senilis memor. nam
et arduum fuerat dum redit et cruciabile, ne fatigatio eius in
tragoediam transiliret. recte igitur inuenit a mercennario illi in
urbe narratum ruri non esse Ctesiphonem. at ubi persona est
adulescentis, et proficiscitur ad uillam et continuo redit, ut in
Eunucho Phaedria. 2 Et a villa utrum a pro de positum est, ut sit de uilla, an deest uenisse, ut sit: a uilla uidi uenisse
mercennarium?
1 a villa mercennarivm vidi de manière très
avisée, Térence, même si la ferme est toute proche, n'a pas voulu
éloigner de la ville un viellard nécessaire aux autres actes de la
pièce, en se souvenant que c'est un personnage de vieillard. Car
il eût été difficile, en lui faisant faire l'aller-retour, et
pénible de ne pas faire de son épuisement un tremplin vers la
tragédie. Donc à juste titre il invente le récit fait en ville à
Déméa par un ouvrier de la ferme, selon lequel Ctésiphon n'est pas
au domaine. Mais quand il s'agit d'un personnage de jeune homme,
il va à la ferme et il en revient aussitôt, comme Phédria dans
L'Eunuque589. 2 Et a villa
est-ce que a est mis pour
de, pour faire de uilla (un ouvrier de la ferme),
ou manque-t-il uenisse
(était venu), pour faire : a uilla
uidi uenisse mercennarium (j'ai vu qu'un ouvrier était
venu de la ferme) ?590
uidi; is filium negat esse ruri; nec
quid agam scio.
que j'ai vu ; et lui m'affirme que
mon fils n'est pas au domaine ; je ne sais plus quoi faire.
nec qvid agam scio "utrum fratrem an filium
magis quaeram". nam senex querulus tria dicit sibi esse incommoda:
quod fratrem non inueniat, quod Ctesipho ruri non sit, quod utrum
in urbe maneat an ad uillam abeat ipse nesciat.
nec qvid agam scio "dois-je d'abord
chercher mon frère ou mon fils ?". Car le vieillard plaintif dit
qu'il a trois soucis : il ne trouve pas son frère, Ctésiphon n'est
pas au domaine, il ne sait pas lui-même s'il doit rester en ville
ou partir à la ferme.
Ct.-Syre! Sy.-quid est? Ct.-men
quaerit? Sy.-uerum. Ct.-perii. Sy.-quin tu animo bono es.
Ct.-Syrus ! Sy.-Quoi ? Ct.-C'est moi
qu'il cherche ? Sy.-De fait. Ct.-Je suis perdu. Sy.-Mais non,
reste tranquille.
1 vervm modo uerum nomen est. 2 An aduerbium confirmantis, id est uere? 3 perii qvin tv animo bono es haec
Ctesiphonis perturbatio huc tendit poetae arte, ut deprehendatur
cum amica filius repente intrante sene. 4 Nunc quin
pro immo positum est.
1 vervm parfois uerum est un nom. 2 A moins qu'il ne s'agisse d'un adverbe de
confirmation, c'est-à-dire uere (vraiment) ? 3 perii qvin tv animo bono es le trouble de
Ctésiphon est amené par l'art du poète au point que le jeune homme
se fera prendre avec sa maîtresse sitôt le vieillard
entré. 4 Ici quin est mis pour immo.
De.-quid hoc, malum, infelicitatis?
nequeo satis decernere,
Dé.-Qu'est-ce que c'est que cette
misère de malheur ? Je n'y vois plus bien clair,
1 qvid hoc malvm malum abundat. 2 qvid hoc malvm infelicitatis deest
sit. et est ordo: "quid
hoc infelicitatis sit, nequeo discernere". hic autem malum pro interiectione est positum,
quasi dicat o malum. et
est dictum anxii hominis et perturbati nimis.
1 qvid hoc malvm malum est superflu. 2 qvid hoc malvm infelicitatis il manque
sit. Et l'ordre des mots
est : "quid hoc infelicitatis sit, nequeo discernere" (de quel
genre de malheur il s'agit, je n'arrive pas à le voir). Or ici
malum est mis en fonction
d'interjection, comme s'il disait o
malum (ô malheur !). Et c'est le propos d'un homme
angoissé et passablement perturbé.
nisi me credo huic esse natum rei,
ferundis miseriis.
sauf que je crois que je suis né pour
une chose : supporter des avanies.
1 nisi me credo pro: nisi quia iam superest, ut me
credam. hic enim sensus est in huiusmodi
locutione. 2 nisi me credo hvic
esse natvm rei nisi
me141 noua locutio pro: nisi
quia credo. et huic
rei potest subtrahi incolumi sensu, ut142: nisi me credo
natum esse ferundis miseriis. ergo huic rei subdistinguendum et sic
inferendum ferundis
miseriis. 3 Ergo
huic rei pro ad hanc rem.
1 nisi me credo pour : nisi quia iam superest, ut me
credam (si ce n'est qu'il me reste désormais à me
croire). C'est le sens des expressions de ce genre. 2 nisi me credo hvic esse natvm rei
nisi
me591 est une
expression inédite pour : nisi quia
credo592 (si ce n'est que je crois que je...). Et
huic rei peut être
supprimé sans gêne pour le sens, d'où : nisi me credo natum esse ferundis
miseriis (sauf à me croire né pour endurer des
avanies). Donc il faut ponctuer après huic rei et continuer ainsi :
ferundis
miseriis. 3 Donc
huic rei équivaut à
ad hanc rem (pour cette
chose)593.
primus sentio mala nostra, primus
rescisco omnia,
Je suis le premier à éprouver les
malheurs de notre famille, le premier à tout deviner,
1 primvs143ἐπαναφορά. 2 primvs sentio mala ridiculus error
Demeae. 3 Et primus ad ordinem, solus ad numerum dicitur.
1 primvs épanaphore (ἐπαναφορά)594. 2 primvs sentio mala erreur risible de
Déméa. 3 Et primus renvoie à la succession,
solus au nombre.
primus porro obnuntio; aegre solus,
si quid fit, fero.
le premier à annoncer les mauvaises
nouvelles ; c'est moi qui subis seul la moindre contrariété.
1 primvs porro obnvntio qui malam rem
nuntiat, obnuntiat, qui
bonam, adnuntiat. nam
proprie obnuntiare
dicuntur augures, cum aliquid mali ominis scaeuumque
uiderint. 2 Ergo obnuntio malum imminens nuntio, quasi
omen nuntio: inde enim
ἐτυμολογία
huiusce uerbi est. 3 aegre solvs si qvid
fit fero praue scilicet.
1 primvs porro obnvntio pour celui qui
annonce une mauvaise nouvelle, on dit qu'il obnuntiat, pour une bonne nouvelle,
qu'il adnuntiat. Car au
sens propre obnuntiare se
dit des augures, quand ils ont vu un signe de mauvais présage et
funeste. 2 Donc obnuntio veut dire "j'annonce un
malheur imminent", comme si c'était omen nuntio (j'annonce un présage) :
car c'est là l'étymologie (ἐτυμολογία) de ce verbe595. 3 aegre solvs si qvid
fit fero en mal, implicitement.
Sy.-rideo hunc; primum ait se scire:
is solus nescit omnia.
Sy.-Il me fait rire ; il dit qu'il
est le premier à savoir : il est le seul à tout ignorer !
is solvs nescit omnia bene solus utpote de multis, quia, cum
sciat Micio, Syrus, Aeschinus, Ctesipho, populus, hic solus
fallatur.
is solvs nescit omnia solus est bien trouvé, à savoir seul
parmi plusieurs, puisque, alors que sont déjà au courant Micion,
Syrus, Eschine, Ctésiphon et le public, lui seul est dans
l'erreur.
De.-nunc redeo; si forte frater
redierit uiso. Ct.-Syre,
Dé.-Me voilà donc de retour ; si
d'aventure mon frère est revenu, je vais aller le voir.
Ct.-Syrus,
si forte frater redierit viso pro:
si rediit.
si forte frater redierit viso pour
si rediit au parfait de
l'indicatif.
obsecro, uide ne ille huc prorsus se
inruat. Sy.-etiam taces?
par pitié, veille à ce qu'il ne se
précipite pas tout de suite à la maison. Sy.-Mais enfin, ne vas-tu
pas te taire ?
1 prorsvs se inrvat neutrum uerbum quasi
actiuum se inruat
prorsus144. 2 vide ne ille
hvc iam metuitur quod futurum est. 3 Et cum neutrum sit irruat, noue intulit se. praeterea sic dixit irruat tamquam de eo qui pugnaturus
sit, ut in Eunucho «
quam mox irruimus?
255 » aut tamquam de sue, ut Horatius «
hac lutulenta ruit sus
256 » et Vergilius «
ipse ruit dentesque
S.
Sabellicus
e.
exacuit
s.
sus
257 ». 4 etiam taces antique pro
tace. sic in Andria «
etiam tu hoc respondes?
258 » pro responde.
est ergo correptionis significatio.
1 prorsvs se inrvat il utilise un verbe
neutre en en faisant quasiment un actif : se inruat prorsus596. 2 vide ne ille hvc désormais on s'inquiète de
l'avenir. 3 Et bien que irruat soit un verbe neutre, dans
une construction inédite il ajoute se. Par ailleurs il utilise
irruat pour parler de
quelqu'un qui s'apprête à se battre, comme dans
L'Eunuque : « quam mox irruimus ? » ou pour parler
d'un cochon, comme Horace : « hac lutulenta ruit sus » (par là se
précipite un porc plein de fange) et Virgile : « ipse ruit
dentesque Sabellicus exacuit sus » (le sanglier sabellien charge
et aiguise ses défenses)597. 4 etiam taces archaïque pour tace (tais-toi). Ainsi dans
L'Andrienne : « etiam tu hoc respondes ? » pour
responde
(réponds)598. C'est donc une expression qui
connote le blâme.
ego cauebo. Ct.-numquam hercle hodie
ego istuc committam tibi;
Je m'en occupe. Ct.-Jamais, ma foi,
je ne vais te confier aujourd'hui cette tâche ;
hodie ego istvc committam tibi "quod ago",
id est complexum mulieris.
hodie ego istvc committam tibi "ce que je
suis en train de faire", à savoir l'amour avec une femme.
nam me iam in cellam aliquam cum illa
concludam; id tutissimum est.
et pour l'heure, je vais m'enfermer
avec elle dans quelque cachette ; c'est le plus sûr.
1 nam me iam in cellam aliqvam cvm illa
conclvdam id agit stulte adulescens, ut ibi deprehendatur,
ubi conclusus est; sed sic ipse agit, ut possit subterfugere non
deprehensus conspectum patris. 2 in cellam aliqvam cvm illa eleganter
figurauit in locum quasi in loco: in
cellam concludam, non in
cella. 3 Et mire, ut reclusum tutumque locum
subiret, cellam scilicet, quam ob ea quae in ipsa celantur clausam
esse conueniat. nam et cella et cellarium a reponendis celandisque rebus esculentis et
poculentis dicitur.
1 nam me iam in cellam aliqvam cvm illa
conclvdam c'est là agir sottement de la part du jeune
homme, au point de se faire prendre là où il s'est enfermé ; mais
s'il agit ainsi, c'est pour pouvoir échapper sans se faire prendre
au regard de son père. 2 in cellam aliqvam
cvm illa élégante figure par laquelle il indique le lieu
où l'on va comme si c'était le lieu où l'on est : in cellam concludam, et non pas
in cella à
l'ablatif599. 3 Et
paradoxalement, pour pénétrer furtivement dans un endroit fermé et
sûr, c'est-à-dire la cachette, dont il conviendrait qu'elle soit
fermée en raison des choses qu'on y cache. Car et cella et cellarium (cellier) tirent leur nom
du fait qu'on y dépose et dissimule (celare) des denrées comestibles et
liquides.
Sy.-age, tamen ego hunc amouebo.
De.-sed eccum sceleratum Syrum.
Sy.-Va, je vais quand même bien
l'éloigner. Dé.-Tiens, mais c'est ce coquin de Syrus.
1 age tamen ego hvc amovebo mire amouebo dixit, non deterrebo; nam proprie amouetur de loco saxum. quo uerbo
significat imminere sibi magnum laborem in hoc opere. 2 Et uide αὔξησιν: supra ut
pecudem «
abigam hinc rus
259 » dixit, modo ut saxum amouebo inquit.
1 age tamen ego hvc amovebo : de façon
étonnante, il dit amouebo, et non pas deterrebo (je le détournerai) ; car
au sens propre, c'est un rocher qu'on amouet (déplace) de son logement.
Avec ce verbe, il signifie que c'est une grande épreuve qui
l'attend dans cette tâche. 2 Et
voyez l'amplification (αὔξησις) : ci-dessus il en parlait comme
d'une tête de bétail en disant : « abigam hinc rus », ici comme
d'un rocher en disant amouebo.
Sy.-non hercle hic quidem durare
quisquam, si sic fit, potest.
Sy.-Non, morbleu, personne ne peut
durer ici dans ces conditions.
non hercle hic qvidem dvrare qvisqvam si sic fit
potest nimis moraliter expressa uerba sunt Syri uerberatum
se indicantis: quis non ex uerbis seruum intellegat? et seruum
recens uerberatum? et seruum fugam comminantem? mire autem non
ego sed quisquam dixit nec permanere sed durare; nam hoc uerbum perferendis
malis conuenit, ut Vergilius «
durate et uosmet rebus seruate secundis
260 ». haec autem omnia sic dicit, quasi non uideat
Demeam.
non hercle hic qvidem dvrare qvisqvam si sic fit
potest c'est en pleine conformité à son caractère que
Syrus s'exprime ainsi en indiquant qu'il a été frappé : qui
pourrait ne pas comprendre, à ces mots, qu'il s'agit d'un
esclave ? Et d'un esclave qui vient d'être frappé ? Et d'un
esclave qui menace de s'enfuir ? De façon remarquable, il ne dit
pas ego (moi), mais
quisquam, ni permanere (rester) mais durare ; car c'est un verbe qui
convient bien à l'endurance de tortures, comme chez Virgile :
« durate et uosmet rebus seruate secundis » (tenez bon et
préservez-vous pour un avenir favorable). Et il dit tout cela en
feignant de ne pas voir Déméa.
scire equidem uolo quot mihi sint
domini. quae haec est miseria!
Je voudrais savoir combien j'ai de
maîtres. Cette misère !
1 qvot mihi sint domini et hoc apparet non a
legitimo domino uerberatum esse. 2 qvae haec est miseria deest quam patior. et quasi comploratio
quaedam est flebilis post querelas.
1 qvot mihi sint domini et il appert que ce
n'est pas par son maître légitime qu'il a été frappé. 2 qvae haec est miseria il manque quam patior (que j'endure). Et c'est
comme une sorte de déploration pitoyable après les plaintes.
De.-quid ille gannit? quid uult? quid
ais, bone uir? est frater domi?
Dé.-Mais qu'est-ce qu'il est en train
de glapir ? Que veut-il dire ? Que dis-tu, mon bon monsieur ?
Est-ce que mon frère est à la maison ?
qvid ille gannit gannit proprie: gannitus est ueluti ploratus
uapulantium.
qvid ille gannit gannit au sens propre : le terme
gannitus désigne une
sorte de déploration de ceux qui reçoivent des coups600.
Sy.-quid, malum, « bone uir » mihi
narras? equidem perii. De.-quid tibi est?
Sy.-Qu'est-ce que tu me chantes,
malheur, avec ton « bon monsieur » ? Je suis bel et bien mort.
Dé.-Qu'est-ce qui t'arrive ?
qvid malvm et hic malum pro interiectione abundat.
qvid malvm et ici malum en position d'interjection est
superflu601.
Sy.-rogitas? Ctesipho me pugnis
miserum et istam psaltriam
Sy.-Tu le demandes ? Ctésiphon, à
coups de poings, pauvre de moi, moi et la musicienne,
ctesipho me pvgnis miservm et istam psaltriam vsqve
occidit mire interiecit miserum. et necessario usque addidit, ut ostenderet τὸ «
occidit
261 » nimiae caedis uerbum, non occisionis intellegi
oportere.
ctesipho me pvgnis miservm et istam psaltriam vsqve
occidit de façon étonnante il utilise miserum comme interjection. Et par
nécessité il ajoute usque, pour montrer que le verbe
(τὸ)
occidit doit
s'interpréter comme désignant une rossée excessive, non un
massacre.
usque occidit. De.-hem, quid narras?
Sy.-em uide ut discidit labrum.
il nous a presque tués. Dé.-Hein,
qu'est-ce que tu racontes ? Sy.-Tiens, regarde comme il m'a fendu
la lèvre.
1 vsqve occidit "prope" occidit. aut usque pro ualde est. 2 vsqve occidit pro: uehementer cecidit; nam
occidere et praecidere ad caedem referebantur
apud ueteres. 3 vsqve occidit ἰδιωτικῶς: nunc enim
occisus loquitur. 4 em vide vt discidit
labrvm non ostendit sed uidetur ostendere seni parum iam
uidenti et intra os. 5 em vide vt discidit
labrvm Asper mediam longam a caedendo accipit, ego mediam breuem a
scindendo.
1 vsqve occidit "il m'a presque tué". Ou
alors usque équivaut à
ualde
(beaucoup). 2 vsqve occidit mis pour :
"il a frappé fort" ; car occidere et praecidere (tailler, découper) se
rapportaient aux coups chez les Anciens. 3 vsqve occidit dit de façon particulière
(ἰδιωτικῶς) :
car il dit cela après avoir été frappé602. 4 em vide vt discidit
labrvm il ne montre pas vraiment mais fait semblant de
montrer au vieillard, qui ne voit pas très bien, et qui plus est à
l'intérieur de sa bouche. 5 em vide vt discidit
labrvm Asper le comprend avec une syllabe médiane longue,
dérivé de caedere
(frapper), moi avec une brève, dérivé de scindere (déchirer)603.
De.-quamobrem? Sy.-me inpulsore hanc
emptam esse ait. De.-non tu eum rus
Dé.-Pourquoi ? Sy.-Il dit que c'est à
mon instigation que la fille a été achetée. Dé.-Mais n'était-ce
pas lui qu'à la campagne tu
1 non tv evm rvs prodvxe aiebas mire
Terentius eos ipsos qui falluntur ex aliqua parte cautos facit, ut
eo delectabilius spectatoribus procedant doli. nam quae gratia est
aut delectatio non stultissimum145 falli! 2 non tv evm rvs prodvxe aiebas memoriter
senex non solum quid sibi dixerit Syrus paulo ante, sed et quibus
uerbis dixerit refert. nam sic dixerat «
quem egomet produxi
262 »146.
1 non tv evm rvs prodvxe aiebas de façon
remarquable, Térence fait de ceux qu'on berne des personnages
d'une certaine manière avisés, pour que les fourberies se
présentent au spectateur avec d'autant plus d'agrément. Car quel
agrément il y a ou quel plaisir à voir berner quelqu'un qui n'est
pas un pur imbécile ! 2 non tv evm rvs
prodvxe aiebas de mémoire, le vieillard rappelle non
seulement ce que Syrus lui a dit auparavant, mais aussi en quels
termes il le lui a dit. Car il s'était exprimé ainsi : « quem
egomet produxi ».
produxe aiebas926? Sy.-factum; uerum uenit
post insaniens;
avais expédié, selon tes propres
dires ? Sy.-Je l'ai fait ; mais il est revenu peu après comme un
fou ;
vervm venit post insaniens nunc «
produxi... iratum admodum
263 », nunc αὐξητικῶς non iratum praedicat, sed insanum.
vervm venit post insaniens d'abord :
« produxi... iratum admodum », là, avec amplification (αὐξητικῶς), il ne dit
pas iratum (en colère),
mais insanum.
nihil pepercit. non puduisse
uerberare hominem senem!
il n'a rien épargné. Tout de même, ne
pas avoir eu honte de frapper un vieillard !
1 nihil pepercit ut supra «
nihil reticuit
264 ». sic dicimus in his, quae praeter exspectationem gesta
sunt. 2 verberare hominem senem
miserum fit de aetate id, quod de condicione non poterat.
1 nihil pepercit comme ci-dessus : « nihil
reticuit ». Ainsi disons-nous quand quelque chose a été fait qui
dépasse les attentes. 2 verberare hominem
senem il se produit du pathétique avec la mention de l'âge
qui n'aurait pu se produire avec la mention du statut604.
quem ego modo puerum tantillum in
manibus gestaui meis.
Moi qui l'ai tenu naguère dans mes
bras enfant, tout petit comme ça !
1 qvem ego modo pvervm addidit aetati
inuidiam et meritum recens; hoc est enim, quod dicit modo. 2 Et tantillvm δεικτικόν est: uidetur enim manu fingere
quam paruulum.
1 qvem ego modo pvervm il ajoute à l'âge de
l'animosité et le caractère récent de son bienfait ; car voilà ce
que siginifie modo. 2 Et tantillvm est un déictique (δεικτικόν) : il semble
en effet figurer de la main la petite taille de l'enfant.
De.-laudo, Ctesipho: patrissas. abi,
uirum te iudico.
Dé.-Bravo, Ctésiphon : tu es digne de
ton père. Allez, te voilà un homme selon mes critères.
1 lavdo ctesipho patrissas facile inductus
est senex uarietate fraudis et doli. nam Syrus et supra ut
laudans, non ut uituperans Ctesiphonem, et nunc ut accusans idem
perficit atque persuadet. 2 patrissas
αὔξησις, nam ut
supra dixerat «
spero, est similis maiorum suorum
265 », hic confirmauit quod sperare se dixerat. 3 Et uirum te iudico inquit, non
adulescentulum: hoc enim
ad aetatem et probitatem, non ad sexum refertur. 4 patrissas attende quam bene inuentum sit
ita senem dicere! nonne uidetur tibi stultissimus, cum huiusmodi
laude non modo se nunc laudare uelit, quod odiosum est, sed etiam
filium apud intellegentes uituperare uideatur? siquidem non solum
hic stultus est, sed etiam ille, quia patrissas inquit. 5 patrissas abi tam securus est, ut se
laudet. et abi addidit
quasi dicat: "non est quod iam <te> demorer, perfectus
es". 6 lavdo ctesipho hic totus
uersus mire delusum ostendit senem.
1 lavdo ctesipho patrissas le vieillard s'est
laissé facilement tromper par la variété de la ruse et de la
fourberie. Car Syrus, d'abord en faisant ci-dessus l'éloge de
Ctésiphon au lieu de le blâmer, et maintenant en se faisant
accusateur, obtient le même effet et emporte l'adhésion. 2 patrissas amplification (αὔξησις), car comme il
avait dit ci-dessus : « spero, est similis maiorum suorum », il
confirme ici les espoirs qu'il avait énoncés. 3 Et il dit uirum te
iudico, et non pas adulescentulum (jeune homme) : car
c'est à l'âge et aux qualités que cela renvoie, non au
sexe. 4 patrissas examinez quelle
belle invention il y a à faire s'exprimer ainsi le vieillard ! Car
est-ce qu'il ne paraît pas très sot de vouloir avec un pareil
éloge non seulement se louer soi-même, ce qui est détestable, mais
aussi blâmer son fils auprès de ceux qui comprennent ? De fait,
non seulement lui est stupide, mais son fils aussi, puisqu'il dit
patrissas (tel père, tel
fils). 5 patrissas abi il est
assez rassuré pour faire son propre éloge, et il ajoute abi comme s'il disait : "je n'ai pas
de raison de te retenir, tu es parfait". 6 lavdo ctesipho l'intégralité de ce vers
illustre que le vieillard est berné.
Sy.-laudas? ne ille continebit
posthac, si sapiet, manus.
Sy.-Bravo ? Alors, s'il est sage, il
retiendra dorénavant sa main.
ne ille continebit posthac si sapiet manvs
comminatio et subtilis et parcior uelut serui.
ne ille continebit posthac si sapiet manvs
menace subtile et limitée comme il se doit de la part d'un
esclave.
De.-fortiter. Sy.-perquam; quia
miseram mulierem et me seruulum,
Dé.-Très fort. Sy.-Oui vraiment ;
pour avoir, sur une pauvre femme et le petit esclave que je
suis,
1 perqvam nimis: εἰρωνεία. 2 et me servvlvm ὡς orator non seruum sed seruulum, cum sit senex.
1 perqvam "trop" : c'est de l'ironie
(εἰρωνεία). 2 et me servvlvm en bon orateur (ὡς), il ne dit pas
seruum (esclave) mais
seruulum, alors qu'il est
âgé605.
qui referire non audebam, uicit; hui!
perfortiter!
qui n'osais pas rendre les coups,
remporté la victoire ? Oui ! Trop fort !
1 non avdebam hoc est: "non
poteram". 2 hvi perfortiter hoc gestu
seruili et nimis leuiori personae congrue dictum est.
1 non avdebam c'est-à-dire : "je ne pouvais
pas". 2 hvi perfortiter cela se
dit avec un geste d'esclave et d'une façon particulièrement
adaptée à un personnage de faible condition.
De.-non potuit melius; idem quod ego
sensit: te esse huic rei caput.
Dé.-Il ne pouvait mieux faire ; il a
eu la même idée que moi : que c'est toi la tête pensante de cette
affaire.
1 non potvit melivs hoc est: «
laudo, Ctesipho
266 ». 2 Et deest fieri ut sit: "non potuit melius
fieri". 3 idem qvod ego hoc est
«
patrissas: uirum te iudico
267 ».
1 non potvit melivs c'est-à-dire : « laudo,
Ctesipho ». 2 Et il manque
fieri, pour faire :
non potuit melius fieri
(ça n'aurait pas pu mieux arriver). 3 idem qvod ego c'est-à-dire : « patrissas :
uirum te iudico ».
sed estne frater intus? Sy.-non est.
De.-ubi illum inueniam cogito.
Mais est-ce que mon frère est à la
maison ? Sy.-Non. Dé.-Je me demande chez qui je pourrais le
trouver.
sed estne frater intvs "responde ut
sit", sed ut non sit respondit147 .
sed estne frater intvs "dans ta réponse
arrange-toi pour qu'il y soit", mais il répond qu'il n'y est
pas606.
Sy.-scio ubi sit, uerum hodie numquam
monstrabo. De.-hem, quid ais? Sy.-Ita.
Sy.-Je sais où il est, mais jamais
d'aujourd'hui je ne le ferai savoir. Dé.-Hein, que dis-tu ?
Sy.-C'est ainsi.
vervm hodie nvmqvam monstrabo uolens senem
auidius quaerere, quod hic semper ardor paratissimus credendi
etiam falsis est, fingit se nolle dicere. hodie autem aut abundat, ut «
numquam omnes
h.
hodie
m.
moriemur
i.
inulti
268 » aut numquam
hodie pro: nullo
tempore huius diei, quia numquam per se generale est.
vervm hodie nvmqvam monstrabo voulant que
le vieillard cherche avec plus de curiosité, il fait semblant de
ne pas vouloir le dire. Quant à hodie, soit il est superflu, comme
dans : « numquam omnes hodie moriemur inulti » (nous ne mourrons
pas tous aujourd'hui sans être vengés), soit numquam hodie équivaut à : "à aucun
moment de cette journée", parce que numquam a en soi un sens
général607.
De.-diminuetur tibi quidem iam
cerebrum. Sy.-at nomen nescio
Dé.-Mais tu vas te faire aplatir la
cervelle, crois-moi. Sy.-Mais j'ignore le nom
1 diminvetvr tibi qvidem iam cerebrvm
comminationis genus uerba ipsa indicant, ut appareat senem baculum
sustulisse. 2 at nomen nescio illivs hominis sed
locvm novi vbi sit recte, quia si nomen diceret, non erat
errandum agnita persona hominis; sed ubi habitet cognito, seu
notus est seu ignotus, nulla causa quaerendi superest.
1 diminvetvr tibi qvidem iam cerebrvm c'est
un genre de menace que les mots eux-mêmes indiquent, en sorte
qu'il appert que le vieillard a soulevé son bâton608. 2 at nomen nescio
illivs hominis sed locvm novi vbi sit c'est correctement
dit, parce que s'il disait le nom, il n'y aurait plus lieu de se
tromper, une fois connue l'identité du bonhomme ; mais une fois
connu son domicile, que le bonhomme soit connu ou inconnu, il ne
reste plus de raison d'interroger.
illius hominis, sed locum noui ubi
sit. De.-dic ergo locum.
de ce type, je ne connais que
l'endroit où il est. Dé.-Alors dis l'endroit.
1 dic ergo locvm dic ergo ait, quasi inuitum
coegerit. 2 ergo semper addimus, ut
hortemur tarde facientes, ut Vergilius «
ergo age, care
p.
pater
,
c.
ceruici
i.
imponere
n.
nostrae
269 ».
1 dic ergo locvm il dit dic ergo comme s'il forçait son
interlocuteur à parler malgré lui. 2 ergo s'ajoute toujours pour encourager ceux
qui sont lents à agir, comme dans Virgile : « ergo age, care
pater, ceruici imponere nostrae » (eh bien allons, cher père,
installe-toi sur notre cou).
Sy.-nostin porticum apud macellum
hanc deorsum? De.-quidni norim927?
Sy.-Tu connais ce portique près du
marché en bas ? Dé.-Evidemment.
1 nostin porticvm apvd macellvm conuenit
rustico et parcissimo seni macellum in urbe nescire, et ideo sic
interrogatur a seruo. 2 hanc deorsvm
bene hanc deorsum, quia
non est una. 3 qvidni norim correptiue
quidni pro quid nisi: etenim quamuis rusticus,
tamen ciuis est Demea.
1 nostin porticvm apvd macellvm il est
conforme à un personnage de vieillard paysan et avare d'ignorer le
marché en ville, et voilà pourquoi l'esclave lui pose cette
question. 2 hanc deorsvm bien dit,
hanc deorsum, parce qu'il
n'y en a pas qu'un seul portique. 3 qvidni norim c'est pour blâmer qu'il
emploie quidni au lieu de
quid nisi : de fait, bien
que paysan, Déméa n'en est pas moins citoyen.
Sy.-praeterito hac recta platea
sursum; ubi eo ueneris,
Sy.-Dépasse-le en empruntant tout
droit cette avenue au-dessus ; quand tu y seras,
1 hac recta proprie hac hac
parte, ut manu uiam ostendere uideatur. 2 vbi eo veneris clivvs deorsvm versvm est hac te
praecipitato hoc lentius quidam. aliqui clauus legunt, aliqui cliuus, ut sit praecipitato148 cito
descende.
1 hac recta au sens propre hac signifie hac parte (de ce côté-ci), en sorte
qu'il paraît montrer la route de sa main. 2 vbi eo veneris clivvs deorsvm versvm est hac te
praecipitato cette réplique est en aparté selon
certains609. Certains lisent clauus (clou), certains
cliuus en sorte que
te praecipitato signifie
cito descende
(dépêche-toi d'y descendre)610.
cliuus deorsum uersum est; hac te
praecipitato; postea
il y a une rue qui descend en face ;
jette-toi de ce côté ; puis
est ad hanc manum sacellum; ibi
angiportum propter est,
il y a de ce côté un petit
sanctuaire ; là à côté, il y a une ruelle.
ad hanc manvm τῶν πρός τί πως ἔχοντα149 dicitur, in quo non permanet
certum dextrum nec certum sinistrum, et ideo proficit in errorem.
uult enim seruus haec signa esse perplexa. 2 Et sacellum, ut Varro ait, sacra cella est. 3 propter prope, ut Vergilius «
templum de
m.
marmore
p.
ponam
p.
propter
a.
aquam
270 » et Lucretius «
propter aquae riuum sub ramis arboris altae
271 ».
ad hanc manvm c'est un nom quasi-relatif
(τῶν πρός τι πως
ἐχόντων)611 qui est utilisé, dans lequel il
ne reste ni la certitude que c'est à droite, ni la certitude que
c'est à gauche, ce qui induit en erreur. Car l'esclave veut que
ces signes soient ambigus. 2 Et
sacellum, aux dires de
Varron, équivaut à sacra
cella (loge sacrée)612. 3 propter signifie prope (près de), comme chez
Virgile : « templum de marmore ponam propter aquam » (je placerai
un temple de marbre près de l'eau) et Lucrèce : « propter aquae
riuum sub ramis arboris altae » (près d'un filet d'eau sous la
ramure d'un arbre haut).
De.-quodnam? Sy.-illi ubi etiam
caprificus magna est. De.-noui. Sy.-hac pergito.
Dé.-Laquelle ? Sy.-Là où se trouve un
grand figuier. Dé.-Je connais. Sy.-Continue par là.
1 illi vbi etiam caprificvs magna est in hoc
Homerum imitatus est, qui dicit caprificum prope Troiana moenia
constitutam. 2 hac pergito non ito, sed quia longum est pergito.
1 illi vbi etiam caprificvs magna est en
l'espèce, il imite Homère, qui dit qu'un figuier sauvage était
placé près des remparts de Troie613. 2 hac pergito il ne dit pas ito (vas-y), mais, vu la longueur du
trajet, pergito614.
De.-id quidem angiportum non est
peruium. Sy.-uerum hercle! uah!
Dé.-Mais cette ruelle est une
impasse. Sy.-Bon sang, c'est vrai ! Ah !
1 id qvidem angiportvm id est angusta et
curua uia quasi anguiportus, ut Angitia Anguitia. alii quod inter portus sit locus angustus, hoc est inter domos; nam
domos uel portus uel
insulas ueteres
dixerunt. 2 Et obserua Terentianam consuetudinem, qua
inducit nonnihil sapere eos qui falluntur.
1 id qvidem angiportvm c'est-à-dire une voie
étroite et sinueuse, comme si c'était anguiportus, comme on a Angitia ou Anguitia. D'autres pensent que c'est
parce que c'est un lieu étroit (angustus) entre les ports
(portus), c'est-à-dire
entre les maisons ; car les maisons étaient nommées des ports
(portus) ou des îlots
(insulae) par les
Anciens615. 2 Et observez
l'habitude de Térence, par laquelle il induit que ceux qui se font
berner savent quelque chose.
censen hominem me esse? erraui. in
porticum rursum redi;
Tu penses sans doute que je suis un
homme : je me suis trompé. Reviens au portique ;
1 censen me hominem esse erravi calliditas
est maxima, deprehensum mendacium non defendere sed fateri, ut
opinionem simplicitatis acquirat. uides igitur, ut ipse sibi
succenseat, tamquam imprudens errauerit, non dolosus impulerit
interrogantem. 2 Et mire se negat hominem, tamquam homo
corde sit, non corpore.
1 censen me hominem esse erravi c'est le
summum de la ruse que de ne pas se défendre d'un mensonge éventé
mais de l'avouer, afin d'acquérir une réputation de sincérité.
Vous voyez donc comme il s'irrite contre soi-même, en homme qui
s'est trompé par imprévoyance et non en roublard qui a ébranlé
celui qui l'interroge. 2 Et de façon
paradoxale, il affirme qu'il n'est pas un être humain, comme s'il
était homme moralement, non pas physiquement616.
sane hac multo propius ibis et minor
est erratio.
tu iras bien plus vite par là et le
risque de se tromper est moindre.
1 sane hac mvlto propivs ibis quasi errasse
profuerit illa uia. 2 Et sane pro satis ac ualde, quia qui sanus est, idem et
ualidus. 3 minor est erratio erratio
pedum, error animi est et loci in quo erratur.
1 sane hac mvlto propivs ibis comme s'il
avait été utile d'errer de l'autre côté. 2 Et sane
est mis pour satis
(assez) et ualde
(beaucoup), parce que qui est sain (sanus) est en même temps en bonne
santé (ualidus)617. 3 minor est
erratio erratio
(errance) concerne les pas, error (erreur) concerne l'esprit et
le lieu dans lequel on erre618.
scin Cratini huius ditis aedes?
De.-scio. Sy.-ubi eas praeterieris,
Tu connais la maison de ce nanti de
Cratinus ? Dé.-Oui. Sy.-Quand tu l'auras dépassée,
cratini hvivs ditis aedes congrue nomen
inuenit diuiti Cratinus
ἀπὸ τοῦ
κράτους, id est a potentia.
cratini hvivs ditis aedes de façon
adéquate, il a trouvé pour ce riche le nom de Cratinus qui vient de κράτος (ἀπὸ τοῦ κράτους), qui
signifie "puissance"619.
ad sinistram hac recta platea, ubi ad
Dianae ueneris,
prends à gauche par cette avenue
toute droite ; quand tu seras au temple de Diane,
1 ad sinistram hac deest ito: figura ἔλλειψις. 2 vbi ad dianae veneris sic absolute dicebant
non addito templum.
Sallustius «
ad Iouis mane ueni
272 ».
1 ad sinistram hac il manque ito (va) : figure d'ellipse
(ἔλλειψις). 2 vbi ad dianae veneris c'est ainsi qu'on
disait, dans une construction absolue, sans ajouter templum. Chez Salluste : « ad Iouis
mane ueni » (viens le matin au temple de Diane).
ito ad dextram; prius quam ad portam
uenias, apud ipsum lacum
va à droite ; avant d'arriver à la
porte, près de l'abreuvoir,
1 privs qvam ad portam venias portam dicendo ostendit usque ad
muros finemque ciuitatis erraturum Demeam. porta autem ab aratro portando dicta est, quod eo
loco coloniae conditor et deductor subiunctis uacca et tauro
aratrum, quo urbem designat, suspendit manu, ne imprimat sulcos,
ubi ciuitatis aditus relinquendi sunt. 2 apvd ipsvm lacvm credibiliter addidit
lacum, nam Varro docet
semper lacum portis additum scilicet ob usum iumentorum exeuntium
et introeuntium, et praeterea, ut aduersum hostilem ignem portis
de proximo subueniretur.
1 privs qvam ad portam venias en disant
portam, il montre que
c'est jusqu'aux remparts et au bout de la ville que Déméa va
errer. Quant au mot porta, il tire son nom du fait de
porter la charrue (aratrum
portare), parce que c'est à cet endroit que le
fondateur et chef de la colonie, après avoir attelé une vache et
un taureau, soulève de ses mains le soc, avec lequel il trace les
limites de la ville, afin de ne pas imprimer de sillons là où
doivent être laissés les accès de la ville620. 2 apvd ipsvm lacvm par
souci de vraisemblance, il ajoute un abreuvoir, car
Varron621 enseigne qu'on place
toujours un abreuvoir à côté des portes, à l'usage des bêtes qui
sortent ou qui entrent, et en outre pour qu'on puisse, en cas
d'incendie des portes par des ennemis, intervenir de près.
est pistrilla, et exaduorsum fabrica:
ibi est. De.-quid ibi facit?
il y a une petite boulangerie et en
face un atelier : c'est là qu'il est. Dé.-Qu'est-ce qu'il fait
là ?
est pistrilla ueteres absolute dicebant
pistrinam ut sutrinam et medicinam, ad tabernam referentes;
nam pistrino pistrilla non conuenit, etsi multa
diminutiua diuersa sunt a genere nominum primae positionis, ut
rana ranunculus, scutum scutella, canis canicula.
est pistrilla les Anciens disaient dans
l'absolu pistrina
(boulangerie) comme sutrina (cordonnerie) et medicina (cabinet médical), pour
désigner la boutique de l'artisan ; car le féminin pistrilla (petite boulangerie) ne
concorde pas avec le neutre pistrinum (moulin), même si l'on a
beaucoup de diminutifs qui ont un genre différent du mot du
premier degré, comme rana
(grenouille), féminin, qui fait ranunculus (rainette), masculin,
scutum (bouclier),
neutre, qui fait scutella
(écuelle), féminin, canis
(chien), masculin, qui fait canicula (petite chienne)622.
Sy.-lectulos in sole iligneis pedibus
faciundos dedit.
Sy.-Il a donné à fabriquer des petits
lits d'extérieur à pieds de chêne.
lectvlos in sole iligneis pedibvs facivndos
dedit in urbe conuiuium aut in sole aut in umbra pro
condicione temporis instruebatur. repente igitur interrogatus quod
minime opinabatur quaesiturum senem, arripuit statim lectulos, et quia potuit senex
dicere "mentiris, nam habet lectulos", addidit ex tempore
in sole, et ne eos quoque
habere diceret, addidit iligneis
pedibus faciundos. sed hoc gestu actoris adiutum est,
quasi eodem tempore seruus et quaerat quid dicat et
respondeat.
lectvlos in sole iligneis pedibvs facivndos
dedit en ville, on installait un banquet soit au soleil,
soit à l'ombre, selon le temps qu'il faisait. Du coup, interrogé
abruptement sur un détail qu'il ne pensait pas que le vieillard
demanderait, il sort aussitôt "des petits lits", et comme le
vieillard aurait pu rétorquer : "tu mens, car il a déjà des petits
lits", il ajoute dans la foulée in
sole, et pour éviter que l'autre ne lui dise qu'il en
a aussi, il ajoute iligneis pedibus
faciundos. Mais cela est appuyé d'un geste de
l'acteur, comme si l'esclave dans le même temps cherchait quoi
dire et répondait.
De.-ubi potetis uos? recte928
sane. sed cesso ad eum pergere?
Dé.-Pour que vous vous y soûliez ?
Bon, parfait. Mais qu'est-ce que j'attends pour le rejoindre ?
1 vbi potetis vos incerta persona, nam uel
Syro uel Demeae hoc dictum iungi potest. 2 recte sane haec εἰρωνεία est, non approbatio.
1 vbi potetis vos attribution incertaine à un
personnage, car on peut accrocher ça soit aux paroles de Syrus,
soit aux paroles de Déméa623. 2 recte sane ça c'est de l'ironie (εἰρωνεία), non de
l'approbation.
Sy.-i sane; ego te exercebo hodie, ut
dignus es, silicernium!
Sy.-Vas-y donc ; quant à moi, je vais
t'entraîner comme tu le mérites, cadavre ambulant !
1 sane sane aut abundat aut inferioribus
iungitur. 2 silicernivm cena quae
infertur dis manibus, quod eam silentes cernant, id est umbrae
possideant, uel quod qui haec inferant, cernant tantum neque degustent; nam
de his, quae libantur inferis, quisquis comederit aut biberit,
funestatur. et erit silicernium senex, qui iam iamque
silentibus umbrisque
cernendus sit. et sic est
melius quam, ut quidam γέροντα interpretantur γῆν ὁρῶντα, sic et nos
silicernium intellegere,
hoc est silicem cernentem
senem, dum incuruus est, dum uel stratae saxo uiae est
intentus uel sarcophagi iam iamque appropinquantis sibi.
1 sane ou bien sane est superflu, ou il s'accroche
à ce qui suit624. 2 silicernivm c'est le repas qu'on sert aux
dieux mânes, parce qu'ils le regardent en silence (silentes cernant), c'est-à-dire que
ce sont des ombres qui s'en emparent, ou bien parce que ceux qui
le servent se contentent de regarder (cernant) sans goûter ; car pour ce
qui est des libations faites aux dieux d'en bas, quiconque en
mange ou en boit est frappé de malheur. Et on dira silicernium d'un vieillard qui de
plus en plus se fait regarder (cernendus) par les ombres
silencieuses (silentibus). Et cette interprétation
est meilleure que celle qui, sur le modèle de γέρων (vieillard)
compris comme γῆν
ὁρῶν (qui regarde la terre), nous fait comprendre
silicernium comme un
vieillard qui regarde les pierres (silicem cernens), en se courbant, en
faisant attention aux pierres de la chaussée ou à celle du
sarcophage qui s'approche de lui de jour en jour625.
odiose Aeschinus cessat929; prandium corrumpitur;
Eschine est odieusement en retard ;
le repas se gâte ;
1 odiose aeschinvs cessat prandivm
corrvmpitvr ἀσύνδετον: deest et. 2 prandivm corrvmpitvr ut coquus dixit, qui
sciat conditionem150 quandam magis feruentem placere.
1 odiose aeschinvs cessat prandivm
corrvmpitvr asyndète (ἀσύνδετον) : il manque et. 2 prandivm corrvmpitvr il parle en cuisinier,
qui sait que telle préparation plaît davantage quand elle est
brûlante.
Ctesipho autem in amore est totus.
ego iam prospiciam mihi;
Quant à Ctésiphon, il est tout à son
amour. Je vais désormais m'occuper de moi ;
1 ego iam prospiciam mihi iam interdum significat
festinationem ut nunc, interdum ad describendam ponitur et
increpandam moram, ut «
iam melior, iam diua, precor
273 » et «
uos quoque Pergameae
i.
iam
f.
fas
est
p.
parcere
g.
genti
,
d.
dique
d.
deaeque
o.
omnes
274 ». 2 Et prospiciam
mihi dixit, tamquam hoc sentiat: "illi quia sua agunt
negotia, et ego illorum exemplo consulam mihi". 3 Et bene prospiciam quasi: "non pransurus
nisi prouidero mihi". 4 ctesipho avtem
in amore est totvs non potuit plus dici de incondita ac
nimia uoluptate.
1 ego iam prospiciam mihi iam désigne parfois de la hâte,
comme ici, parfois il s'utilise pour décrire et blâmer une lenteur
à agir, comme dans : « iam melior, iam diua, precor » (et toi,
déesse, enfin, enfin un peu indulgente, je te supplie...)626 et : « uos quoque Pergameae iam fas est
parcere genti, dique deaeque omnes » (vous aussi, il vous est
permis d'éparner la nation de Pergame, dieux et déesses, vous
tous...). 2 Et il dit prospiciam mihi, comme s'il
ressentait ceci : "eux, puisqu'ils sont à leurs petites affaires,
eh bien moi aussi je vais penser à moi à leur exemple". 3 Et il fait bien de dire prospiciam, comme s'il disait : "je
ne suis pas près de dîner si je ne prends pas soin de
moi". 4 ctesipho avtem in amore est
totvs on ne pouvait pas dire davantage sur une volupté
désordonnée et excessive.
nam iam abibo atque unum quidquid,
quod quidem erit bellissimum
je vais y aller et tout ce qu'il y
aura de plus joli,
bellissimvm proprie bellissimum dixit, unde et huiusmodi
ad irritandam gulam cibi bellaria dicuntur.
bellissimvm il dit au sens propre
bellissimum, d'où
également le nom de bellaria (friandises) pour les mets
de ce genre qui mettent en appétit.
carpam et cyathos sorbilans paulatim
hunc producam diem.
je vais le prendre et je vais tirer
ce jour en longueur, en douceur, en dégustant des coupes.
1 carpam modo eligam; alias laedam significat, ut «
carpit enim uires paulatim
u.
uritque
u.
uidendo
f.
femina
275 ». alias fruar,
ut «
carpamus, dum mane nouum, dum gramina crescunt
276 » et Persius «
indulge genio, carpamus dulcia
277 », id est: "fruamur rebus dulcibus". 2 pavlatim hvnc prodvcam bono uerbo usus est
ad metaphoram tamquam uel morientis diei, ut «
nec te tua
f.
funera
m.
mater
p.
produxi
278 »151 et «
qui egomet produxi
279 ».
1 carpam signifie parfois eligam (je choisirai) ; dans un
autre sens, signifie laedam (je blesserai), comme dans :
« carpit enim uires paulatim uritque uidendo femina » (car la
femelle le prive peu à peu de ses forces, et il brûle quand il la
voit), dans un autre sens fruar (je jouirai), comme dans :
« carpamus, dum mane nouum, dum gramina crescunt »627 (jouissons, tant que le matin est récent, tant que
les gazons poussent) et Perse : « indulge genio, carpamus dulcia »
(sois indulgent avec le génie, cueillons les douceurs),
c'est-à-dire : "jouissons de douces choses". 2 pavlatim hvnc prodvcam il utilise le bon
verbe pour faire une métaphore du jour qui pour ainsi dire se
meurt, comme : « nec te tua funera mater produxi » (je n'ai pas,
moi ta mère, conduit le long cortège de tes funérailles) et :
« qui egomet produxi »628.
scaena tertia
Micio Hegio
592 | 593 | 594 | 595 | 596 | 597 | 598 | 599 | 600 | 601 | 602 | 603 | 604 | 605 | 606 | 607 | 608 | 609
Mi.-ego in hac re nihil reperio
quamobrem lauder tantopere, Hegio;
Mi.-Pour ma part, je ne vois rien
dans cette affaire qui me vaille tant d'éloges, Hégion ;
1 ego in hac re nihil reperio haec scaena
plena est sententiarum senilium ad officia demonstranda. 2 Et tantopere uim
aduerbialem in se continet, nam significat nimis.
1 ego in hac re nihil reperio cette scène est
remplie de maximes de vieillards propres à montrer ce qu'on doit
faire. 2 Et tantopere contient en
soi et pour soi une valeur adverbiale, car il signifie nimis (trop)629.
meum officium facio, quod peccatum a
nobis est ortum930 corrigo;
je fais mon devoir, la faute qui est
venue de nous, je la corrige ;
qvod peccatvm a nobis est ortvm corrigo si
diceret peccatum a nobis
est, participium faceret; iam quia ortum addidit, nomen est: numquam
enim eadem pars orationis iungi nisi per ἀσύνδετον potest.
qvod peccatvm a nobis est ortvm corrigo
s'il disait peccatum a nobis
est, il ferait un participe ; mais là, puisqu'il a
ajouté ortum, c'est un
nom : car jamais on ne peut juxtaposer la même partie du discours
sauf par asyndète (ἀσύνδετον)630.
nisi si me in illo credidisti esse
hominum numero qui ita putant
à moins que tu n'aies cru que j'étais
du nombre de ces gens qui pensent
sibi fieri iniuriam ultro, si quam
fecere ipsi expostulant931,
qu'on leur fait du tort quand on
réclame pour celui qu'ils ont eux-mêmes fait,
1 si qvam fecere hoc distingue et separatim
infer ipsi
expostulant. 2 si qvam fecere ipsi
expostvlant sensus manifestus est, sed obscura sunt uerba
et eorum collocatio et distinctio. nam incertum utrum si expostulant intellegendum sit an
si quam pro una parte
orationis accipi oporteat.
1 si qvam fecere il faut mettre une pause et
détacher ipsi
expostulant. 2 si qvam fecere ipsi
expostvlant le sens est clair mais l'obscurité est dans
les mots, dans leur place et dans la ponctuation. Car on ne sait
pas s'il faut comprendre si
expostulant ou s'il faut interpréter si quam comme valant une seule
partie du discours631.
et ultro accusant. id quia non est a
me factum, agis gratias?
et qui se font accusateurs les
premiers. Est-ce parce que je n'ai pas fait cela que tu me
remercies ?
1 vltro accvsant ultro nunc praue ac peruerse. 2 id qvia non est a me factvm haec
interrogatio quasi subtristi uultu est proferenda.
1 vltro accvsant ultro ici vaut praue (à tort) et peruerse (de façon
tordue). 2 id qvia non est a me
factvm cette question doit être dite avec une sorte de
mimique triste.
He.-ah! minime! numquam te aliter
atque es in animum induxi meum.
Hé.-Ah ! Point du tout ! Jamais je ne
t'ai imaginé autre que tu es.
ah minime non "minime ago", sed "minime te
credo esse illorum in numero".
ah minime non pas : minime ago (je ne te remercie pas du
tout), mais : minime te credo esse
illorum in numero (je ne crois pas du tout que tu sois
de ce nombre)632.
sed quaeso ut una mecum ad matrem
uirginis eas, Micio,
Mais je te demande de venir avec moi
voir la mère de la jeune fille, Micion,
1 sed qvaeso vt vna mecvm seruauit τὸ πρέπον adiciendo
mecum. 2 vna mecvm eas quippe ad incognitam matrem
familias.
1 sed qvaeso vt vna mecvm il préserve les
convenances (τὸ
πρέπον) en ajoutant mecum633. 2 vna mecvm
eas à savoir chez une mère de famille inconnue.
atque istaec eadem quae mihi dixti
tute dicas mulieri:
et de dire la même chose que tu m'as
dite à cette femme,
tvte dicas mvlieri in nomine ostendit, cur
haec ipse dicat: mulieri
enim, inquit, nimis pauidae ac diffidenti.
tvte dicas mvlieri c'est dans le choix du
nom qu'il montre pourquoi il dit cela : car c'est à une "femme"
qu'il faut parler, donc à un personnage particulièrement inquiet
et méfiant634.
suspicionem hanc propter fratrem eius
esse et ipsam932
psaltriam.
que ce soupçon est né à cause de son
frère et de la musicienne elle-même.
1 svspicionem hanc propter fratrem eivs esse
nimis breuiter et succincte et ut oportuit inter
scientes. 2 et ipsam psaltriam
propter subaudiendum
est.
1 svspcionem hanc propter fratrem eivs esse
particulièrement bref et succinct, comme il se doit entre gens qui
sont déjà au courant. 2 et ipsam
psaltriam il faut sous-entendre propter.
Mi.-si ita aequum censes aut si opus
est facto, eamus. He.-bene facis;
Mi.-Si tu le juges bon ou s'il faut
le faire, allons-y. Hé.-Tu fais bien ;
1 si ita aeqvvm censes a iusto et utili est
tota sententia. 2 Et sane hi uersus desunt152, quos multa
exemplaria non habent «
nam et illi animum releuabis
280 » et deinceps.
1 si ita aeqvvm censes toute la phrase
argumente sur le juste et l'utile. 2 Et ces vers manquent, ils sont absents de nombreux
exemplaires : « nam et illi animum releuabis » et la suite635.
nam et illi animum iam releuabis,
quae dolore ac miseria
car d'une part tu vas lui redonner du
courage, à elle qui, de douleur et de misère,
1 Et illi maluit quam
nurui dicere, adhuc
diuitem reueritus. 2 dolore ac
miseria dolore
partitudinis, miseria
iniuriae ab Aeschino acceptae.
1 Et
il préfère dire illi plutôt que nurui (à ta belle-fille), parce
qu'il a encore de l'appréhension à l'égard d'un riche636. 2 dolore ac
miseria dolore à
cause de l'accouchement, miseria à cause de l'affront qu'elle
a subi de la part d'Eschine.
tabescit, et tuo officio fueris
functus. sed si aliter putas,
dépérit, d'autre part tu auras
accompli ton devoir. Mais si tu es d'un autre avis,
sed si aliter pvtas artificiose remittendo
quod petebat extorsit magis.
sed si aliter pvtas en renonçant avec art à
sa demande, il obtient davantage.
egomet narrabo quae mihi dixti.
Mi.-immo ego ibo. He.-bene facis;
je lui raconterai moi-même ce que tu
m'as dit. Mi.-Mais non, j'irai moi. Hé.-Tu fais bien ;
immo ego ibo hoc aduerbio quod ait
immo ostendit se prompte
agere et instanter quod promisit.
immo ego ibo avec cet adverbe immo, il montre qu'il réalise
promptement et instamment sa promesse.
omnes quibus res sunt minus secundae
magis sunt nescio quo modo
tous ceux qui ont moins de chance
sont, je ne sais comment, plus
1 minvs secvndae sic maluit, ne diceret
miserae. 2 magis svnt nescio qvo modo haec uehementia
est nulla palam ratione.
1 minvs secvndae il préfère dire cela, pour
éviter de dire miserae
(malheureuses). 2 magis svnt nescio
qvo modo cette virulence n'a aucune raison de s'exprimer
ouvertement637.
suspiciosi; ad contumeliam omnia
accipiunt magis;
soupçonneux ; ils prennent tout
plutôt comme une injure ;
accipivnt magis mire additum magis, cum possit sensus et sine hoc
esse integer.
accipivnt magis il ajoute bizarrement
magis, alors que le sens
peut être complet sans ce mot.
propter suam impotentiam se semper
credunt neglegi933.
à cause de leur impuissance, ils
croient toujours qu'on les néglige.
1 propter svam impotentiam infirmitatem. et
rursus noluit humilitatem
aut miseriam
dicere. 2 neglegi legitur et
claudier id est
claudicare.
1 propter svam impotentiam faiblesse. Et une
fois de plus, il se refuse à dire humilitas (humilité) ou miseria (misère). 2 neglegi on lit aussi claudier c'est-à-dire claudicare (boîter).
quapropter te ipsum purgare ipsi
coram placabilius est.
Aussi si tu te justifies toi-même en
sa présence, ce sera plus apaisant.
1 qvapropter te ipsvm pvrgare utrum
te ipsum una pars
orationis an diuise accipiendum te Micionem ipsum Aeschinum purgare? 2 coram placabilivs153 et coram
praesentem et coram
praesentibus. 3 Et coram indiget adiectionis,
palam non
indiget. 4 Et praeterea coram ad certas personas refertur,
palam generaliter
dicitur.
1 qvapropter te ipsvm pvrgare faut-il
comprendre te ipsum en un
seul mot ou en deux : te
pour renvoyer à Micion, ipsum
purgare pour renvoyer à Eschine ?638 2 coram placabilivs coram signifie aussi bien "en sa
présence" que "en leur présence". 3 Et coram
a besoin d'un complément, palam (ouvertement) n'en a pas
besoin. 4 Et en outre, coram renvoie à des personnes
précises, palam s'emploie
en général639.
Mi.-et recte et uerum dicis.
He.-sequere me ergo hac intro. Mi.-maxime.
Mi.-Tu parles juste et vrai.
Hé.-Suis-moi donc par là-dedans. Mi.-Absolument.
et recte et vervm dicis recte ad uerba rettulit, uerum ad rem et ad sententiam;
potest enim recte et falsum dici, dummodo nullo uitio uerborum
nominumque dicatur. quamquam et ipsum fallere in tempore quidam de
officiis scribentes rectum putent.
et recte et vervm dicis recte renvoie aux mots, uerum à la situation et au sens ;
car on peut dire quelque chose qui soit à la fois correct et faux,
pour peu qu'il n'y ait aucune faute contre l'emploi des verbes et
des noms640.
D'ailleurs, certains qui écrivent des traités sur les devoirs
pensent que tromper selon les circonstances est correct641.
scaena quarta
Aeschinus
610 | 611 | 612 | 613 | 614 | 615 | 616 | 617 | 618 | 619 | 620 | 621 | 622 | 623 | 624 | 625 | 626 | 627 | 628 | 629 | 630 | 631 | 632 | 633 | 634 | 635a
Ae.-discrucior animi!
Es.-Mon âme est à la torture !
discrvcior animi hoc loco χαρακτῆρα amantis
immodice iuuenis et senis facit indulgentis ac lepidissimi
patris. 2 discrvcior animi ἀντίπτωσις figura, ut
«
o praestans animi
i.
iuuenis
281 ».
discrvcior animi dans cette scène, Térence
montre le type (χαρακτήρ) d'un jeune homme amoureux fou
et d'un vieillard indulgent et père très affable642. 2 discrvcior animi figure de l'antiptose
(ἀντίπτωσις),
comme dans : « o praestans animi iuuenis » (ô jeune homme
remarquable de magnanimité !)643.
hocine de improuiso mali mihi obici
tantum
Qu'à l'improviste un si grand malheur
me tombe dessus, au point
1 obici proprie, quia inopinanti; nam
obici dicitur in utramque
partem, ut si quos ante quis uidet quam exspectauerit. quo uerbo
magnitudo doloris ostenditur ex improuiso incommodo. 2 hocine de improviso mali haec uerba
repentino nuntio percussum indicant Aeschinum prope
diuortium stare et iram circa se Sostratae et eius filiae
ob raptum meretricis154.
1 obici au sens propre, parce qu'il ne s'y
attendait pas ; de fait obici se dit en bonne et en mauvaise
part, comme quand quelqu'un voit des gens avant même d'avoir eu à
les attendre. Ce verbe marque l'importance de la douleur qui vient
d'un événement fâcheux inattendu. 2 hocine de improviso mali ces termes
signalent qu'Eschine, frappé par la nouvelle subite, reste
immobile en raison de la séparation et de la colère à son endroit
que ressentent Sostrata et sa fille, à cause de l'enlèvement de la
courtisane.
ut neque quid me faciam nec quid agam
certum est934!
que je ne sais ni quoi faire de moi
ni comment agir !
1 vt neqve qvid me faciam plus est quid me faciam quam quid faciam: illud enim de rebus,
hoc de ipso homine intellegitur. 2 nec qvid agam certvm est certum est pro certum sit; nisi forte ut o
quam significat, ut sit: o quam certum est155.
1 vt neqve qvid me faciam il y a plus de
force dans quid me faciam
que dans quid faciam (que
faire ?) : car l'autre expression concerne la situation, celle-ci
concerne l'individu lui-même. 2 nec qvid agam certvm est certum est est mis pour certum sit ; à moins peut-être que
ut ait la valeur de
o quam, pour faire :
o quam certum est (o
combien il est certain...)644.
membra metu debilia sunt; animus
timore obstipuit;
Mes membres flageolent de peur ; mon
esprit reste interdit de crainte ;
membra metv debilia svnt metu patris, timore diuortii.
membra metv debilia svnt metus c'est la crainte qu'il a de
son père, timor c'est la
peur qu'il a du divorce.
pectore consistere nihil consili
quit. uah!
de mon esprit ne peut s'établir
aucune idée. Ah !
quomodo me ex hac expediam turba?
comment me dépêtrer de cet
embarras ?
tanta nunc suspicio de me incidit,
neque ea immerito;
Un tel soupçon pèse désormais sur
moi, et non sans raison ;
tanta nvnc svspicio modo ostenditur causa
trepidationis Aeschini.
tanta nvnc svspicio on voit à l'instant la
raison du trouble d'Eschine.
Sostrata credit mihi me psaltriam
hanc emisse; id anus mihi indicium fecit.
Sostrata croit que c'est pour moi que
j'ai acheté cette musicienne ; c'est ce que la vieille m'a
signifié.
id anvs mihi indicivm fecit illa anus, cui
Sostrata dixerat «
curre, obstetricem accerse
282 ».
id anvs mihi indicivm fecit la vieille
femme à qui Sostrata disait : « curre, obstetricem accerse ».
nam ut hinc forte ad obstetricem erat
missa, ubi uidi, ilico
Car quand il se trouve qu'on l'a
envoyée d'ici chercher la sage-femme, dès que je l'ai vue, tout de
suite
1 nam vt hinc forte ad obstetricem erat missa
apparet inter cetera anum dixisse, ad obstetricem se missam. an
ultro hoc suspicatus est Aeschinus? hinc autem addendo ostendit se ante
fores Sostratae stare, ut alibi «
ex Andro commigrauit huc uiciniae
283 ». 2 vbi vidi sunt qui addant
superuacue hanc et legant
hanc ubi uidi.
1 nam vt hinc forte ad obstetricem erat missa
il appert entre autres choses que la vieille a dit qu'elle était
envoyée pour chercher la sage-femme. A moins que spontanément
Eschine l'ait deviné ? Et en ajoutant hinc, il montre qu'il se tient
devant la porte de Sostrata,comme ailleurs : « ex Andro
commigrauit huc uiciniae »645. 2 vbi vidi certains
ajoutent de façon superflue le pronom hanc et lisent hanc ubi uidi (dès que je l'eus
aperçue).
accedo; rogito Pamphila quid agat,
iam partus adsiet,
je l'aborde ; je la presse de
questions sur ce que fait Pamphila, si l'accouchement se
précise,
pamphila qvid agat iam partvs adsiet
amatoria interrogatio, qua monstrat Aeschinus curae sibi esse res
omnes.
pamphila qvid agat iam partvs adsiet
question d'amoureux, par laquelle Eschine montre qu'il prend tous
les détails à cœur.
eon obstetricem accersat. illa
exclamat: « abi, abi iam, Aeschine,
si elle va chercher la sage-femme. Et
elle s'écrie : « va, va-t-en désormais, Eschine,
1 illa exclamat non respondet sed exclamat. 2 Et bene uim addidit et dicit exclamationem
fuisse. ergo a uocis sono exclamat, non a uerbis. 3 abi abi iam aeschine satis div dedisti
verba "usque dum intellegeremus".
1 illa exclamat non pas respondet (elle répond), mais
exclamat (elle
s'exclame). 2 Et il fait bien
d'ajouter de la force et de dire que c'était une exclamation.
C'est donc la force de la voix qui fait qu'on s'exclame, non les
mots que l'on dit646. 3 abi abi iam aeschine satis div dedisti
verba "jusqu'à ce que nous comprenions".
satis diu dedisti uerba; sat adhuc
tua nos frustrata est fides ».
tu nous a suffisamment payées de
mots ; tes promesses nous ont à ce jour suffisamment
trompées ».
sat adhvc tva nos frvstrata est fides
"usque dum deciperemur".
sat adhvc tva nos frvstrata est fides
"jusqu'à ce que nous soyons trompées dans nos attentes".
hem! quid istuc, obsecro, inquam,
est? « ualeas, habeas illam quae placet ».
« Hein ! De quoi s'agit-il, s'il te
plaît », dis-je. « Adieu, possède donc celle qui te plaît ».
1 hem qvid istvc obsecro inqvam est
hem interiectio est nouas
res et inopinas audientis. 2 valeas habeas
illam quasi recedat et longe absit, ut in Andria «
ualeant qui inter nos discidium uolunt
284 ».
1 hem qvid istvc obsecro inqvam est
hem est l'interjection de
quelqu'un qui entend des nouvelles inattendues. 2 valeas habeas illam comme s'il s'en allait
pour une longue absence, comme dans L'Andrienne :
« ualeant qui inter nos discidium uolunt ».
sensi ilico id illas suspicari; sed
me reprehendi tamen
J'ai tout de suite compris qu'elles
avaient ce soupçon ; mais je me suis repris tout de même
ne quid de fratre garrulae illi
dicerem ac fieret palam.
pour ne rien dire de mon frère à
cette bavarde et ne rien laisser s'ébruiter.
1 garrvlae utpote anui. 2 ac fieret palam Demeae scilicet fieret palam, cui minime opus
fuit.
1 garrvlae c'est-à-dire la vieille
femme. 2 ac fieret palam qu'elle
s'ébruite évidemment aux oreilles de Déméa, le dernier qui devrait
être au courant.
nunc quid faciam? dicam fratris esse
hanc? quod minime est opus
Et maintenant, que faire ? Dois-je
dire que cette fille est à mon frère ? C'est ce qu'il ne faut
absolument pas
nvnc qvid faciam figura διαπόρησις.
nvnc qvid faciam figure de de l'embarras
(διαπόρησις)647.
usquam efferri. ac mitto: fieri potis
est ut ne qua exeat;
divulguer. Mais je renonce : il peut
se faire que rien ne sorte ;
vt ne qva exeat erumpat, ut «
cum spumeus
a.
amnis
e.
exiit
o.
oppositasque
e.
euicit
g.
gurgite
m.
moles
285 ».
vt ne qva exeat "ne s'échappe", comme :
« cum spumeus amnis exiit oppositasque euicit gurgite moles »
(quand un fleuve écumant est sorti de son lit et a surmonté de son
tourbillon les digues qu'on lui oppose...).
ipsum id metuo ut credant; tot
concurrunt ueri similia:
Mais ce qui me fait peur, c'est
qu'elles ne me croient pas ; il y a un tel concours de
circonstances :
1 ipsvm id metvo ipsum: quod fratri rapuit. 2 Et vt pro ne non posuit. 3 tot concvrrvnt veri similia "ut mea esse
credatur".
1 ipsvm id metvo ipsum : le fait qu'il l'a enlevée
pour son frère. 2 Et vt est
mis pour ne
non. 3 tot concvrrvnt veri
similia il y en a tant qu'elle va passer pour être à
moi.
egomet rapui; ipse egomet solui
argentum; ad me abducta est domum.
c'est bien moi qui l'ai enlevée ;
c'est bien moi qui ai versé de l'argent ; c'est chez moi qu'elle a
étésoustraite.
1 ad me abdvcta est domvm proprie dixit non
adducta, sed abducta: abducitur enim alienum. sic ipse in
Heautontimorumeno «
abducimus tuam Bacchidem
286 ». ad me domum
autem moraliter dixit pro ad domum
meam. 2 An ideo
ad me, quia et illic
luctatus leno est in retinenda contra Aeschinum puella?
1 ad me abdvcta est domvm il dit au sens
propre non pas adducta
(conduite), mais abducta
(soustraite) : de fait, c'est une chose étrangère que l'on
abducit (soustrait).
Ainsi dit-il lui-même dans L'Héautontimourouménos :
« abducimus tuam Bacchidem » (nous soustrayons ta Bacchis)648. Quant à ad me domum, il le dit conformément
à son caractère au lieu de ad domum
meam (dans ma maison). 2 A moins qu'il ne dise ad me parce que là-bas aussi le
proxénète s'est battu contre Eschine pour tenter de garder la
petite ?649
haec adeo mea culpa fateor fieri: non
me hanc rem patri
Et je reconnais que ce qui se passe
est de ma faute : quand je pense que je n'ai pas mis mon père au
courant de cette affaire,
utut erat gesta indicasse! exorassem
ut eam ducerem.
comment tout s'est passé ! Je
l'aurais supplié de me laisser l'épouser.
1 vtvt erat gesta "indicassem" hoc est
"simul et gesta erat"; aut rem156 certam qualitatem significat,
utut incertam, quasi
dicat: quoquo modo,
male bene. 2 exorassem vt eam dvcerem sic enim
promiserat Sostratae se facturum fuisse.
1 vtvt erat gesta "je l'aurais mis au
courant", c'est-à-dire, "sitôt faite". Ou bien rem exprime une qualité définie,
utut en exprime une
indéfinie, comme s'il disait : quoquo
modo (de quelque façon que), male bene (bon an mal an)650. 2 exorassem vt eam dvcerem car c'est ce qu'il
avait promis à Sostrata qu'il ferait.
cessatum usque adhuc est; nunc935
porro, Aeschine, expergiscere!
On a assez perdu de temps comme ça ;
maintenant, Eschine, réveille-toi !
1 nvnc porro aeschine expergiscere sic et
alibi «
enimuero, Daue, nihil loci est segnitiae neque
socordiae
287 ». 2 Legitur et iam, quod est correptiuum
interdum.
1 nvnc porro aeschine expergiscere de même
ailleurs : « enimuero, Daue, nihil loci est segnitiae neque
socordiae ». 2 On lit aussi
iam, qui est parfois un
adverbe de blâme651.
nunc hoc primum est: ad illas ibo ut
purgem me. accedam ad fores.
et voici la première chose à faire :
je vais aller chez elles pour me justifier. Je vais m'approcher de
la porte.
1 nvnc hoc primvm est primum ab eo quod rogandus est
pater. 2 accedam ad fores
Sostratae scilicet.
1 nvnc hoc primvm est primum "la première chose" en
partant de ce pour quoi son père doit être sollicité652. 2 accedam ad fores la porte de Sostrata,
évidemment.
perii, horresco semper, ubi pultare
hasce occipio miser!
Au secours, je tremble toujours quand
je commence à frapper à cette porte, pauvre de moi !
horresco semper satis amatorie, nam nimium
semper calorem frigus praecedit in corpore, ut «
totus, Parmeno,
t.
tremo
h.
horreoque
,
p.
postquam
a.
aspexi
h.
hanc
288 ».
horresco semper c'est bien du langage
amoureux, car la grande chaleur est toujours précédée d'une
sensation de froid dans le corps, comme dans : « totus, Parmeno,
tremo horreoque, postquam aspexi hanc »653.
heus! heus! Aeschinus ego sum!
aperite aliquis actutum ostium!
Hé ! Hé ! C'est moi Eschine ! Ouvrez
tout de suite cette porte, quelqu'un !
1 aperite aliqvis actvtvm ostivm uim pluralem
habet aliquis, quamuis
singulare uideatur; non est enim aliquis nisi de multis. recte
ergo aperite
aliquis. 2 Et noue, nam ueteribus non placet illud,
ubi duae distinctiones sunt: aperite una, altera aliquis actutum ostium, ut assumatur
rursus aperiat. proprie
enim ueteres et quis et
aliquis et quisquam non obseruabant quo genere
aut quo numero declinarent. est ergo figura ἀρχαϊσμός.
1 aperite aliqvis actvtvm ostivm il y a une
valeur de pluriel dans aliquis, bien qu'il semble être un
singulier ; car on ne peut être "quelqu'un" que parmi plusieurs.
Donc l'expression aperite
aliquis est correcte. 2 Et c'est inédit, car les Anciens n'aiment pas les
passages où il y a deux pauses : une après aperite, une seconde à aliquis actutum ostium, pour qu'on
reprenne une deuxième fois aperiat (qu'il ouvre). Car
proprement, les Anciens n'observaient pas de règle stricte sur le
genre ou le nombre avec lesquels ils déclinaient les pronoms
quis (quelqu'un),
aliquis (même sens) et
quisquam (même sens).
C'est donc une figure d'archaïsme (ἀρχαϊσμός)654.
prodit nescio quis: concedam
huc.
Quelqu'un approche : je vais passer
de ce côté.
scaena quinta
Aeschinus Micio
635b | 636 | 637 | 638 | 639 | 640 | 641 | 642 | 643 | 644 | 645 | 646 | 647 | 648 | 649 | 650 | 651 | 652 | 653 | 654 | 655 | 656 | 657 | 658 | 659 | 660 | 661 | 662 | 663 | 664 | 665 | 666 | 667 | 668 | 669 | 670 | 671 | 672 | 673 | 674 | 675 | 676 | 677 | 678 | 679 | 680 | 681 | 682 | 683 | 684 | 685 | 686 | 687 | 688 | 689 | 690 | 691 | 692 | 693 | 694 | 695 | 696 | 697 | 698 | 699 | 700 | 701 | 702 | 703 | 704 | 705 | 706 | 707 | 708 | 709 | 710 | 711 | 712
Mi.-ita ut dixi, Sostrata
Mi.-Comme je l'ai dit, Sostrata,
1 ita vt dixi sostrata facite hinc apparet
Micionem iam multa dixisse.
1 ita vt dixi sostrata facite il appert de
ces mots que Micion en a déjà beaucoup dit655.
facite; ego Aeschinum conueniam ut
quomodo acta haec sunt sciat.
faites ainsi ; moi je vais voir
Eschine pour qu'il sache comment ça s'est passé.
1 facite iubet, ut uel securae sint uel
adornent nuptias. 2 ego
aeschinvm mire occursurus Aeschino Aeschinum quaerit.
1 facite il leur donne l'ordre soit de se
tranquilliser, soit de préparer le repas de noces. 2 ego aeschinvm étrangement, c'est au moment
où il s'apprête à tomber sur Eschine qu'il cherche Eschine.
sed quis ostium hic pultauit?
Ae.-pater hercle est, perii. Mi.-Aeschine!
Mais qui vient de frapper ici à la
porte ? Es.-Morbleu, mon père ! je suis perdu ! Mi.-Eschine !
pater hercle est quid hoc est, quod Micio
timetur? an quia illi non confessus est? ostendit autem poeta
tantumdem pudorem posse aut amplius quam timorem.
pater hercle est pourquoi donc Micion
fait-il peur ? Est-ce parce qu'Eschine ne s'est pas confessé à
lui ? En tout cas, le poète montre que la honte a autant de
pouvoir, voire davantage, que la peur.
Ae.-quid huic hic negoti est?
Mi.-tune has pepulisti fores?
Es.-Mais qu'est-ce qu'il fait ici ?
Mi.-C'est toi qui as frappé à la porte ?
1 qvid hvic hic negoti est alius timor, quod
hinc egreditur pater. 2 tvne has pepvlisti
fores sic coepit interrogare, ut negationi locum
praebeat. 3 Et nota pepulisti elatum uerbum et tragico
coturno magis quam loquelae comicae accommodatum.
1 qvid hvic hic negoti est son autre crainte
est qu'il est en train de voir son père sortir d'ici. 2 tvne has pepvlisti fores il commence par un
mode d'interrogation qui laisse la place à une réponse
négative. 3 Et notez l'emploi de
pepulisti, verbe de ton
élevé et qui est plus adapté au cothurne de la tragédie qu'à la
phraséologie comique656.
tacet. cur non ludo hunc
aliquantisper? melius est,
Il se tait. Pourquoi ne
m'amuserais-je pas un peu avec lui ? L'idée est assez bonne,
1 tacet hoc apud se loquitur Micio. 2 melivs est et non bonum est sed melius, et hoc meliore affectu
dixit, quam si diceret dignus
est.
1 tacet cette réplique est faite en aparté
par Micion. 2 melivs est et il ne dit
pas bonum est (c'est
bien), mais melius, et il
le dit avec un sentiment plus favorable que s'il disait dignus est (il mérite).
quandoquidem hoc numquam mihi ipse
uoluit credere.
vu que lui n'a jamais voulu me
confier l'affaire.
hoc nvmqvam mihi ipse volvit credere contra
illud quod ait «
denique alii clanculum patres quae faciunt, quae fert
adulescentia, ea ne me celet, consuefeci filium
289 ». credere autem
magno affectu dixit: non enim confiteri ut patri, sed credere ut parenti aut sodali
suo.
hoc nvmqvam mihi ipse volvit credere c'est
le contraire de ce qu'il disait : « denique alii clanculum patres
quae faciunt, quae fert adulescentia, ea ne me celet, consuefeci
filium »657. Quant à
credere, il le dit avec
beaucoup d'affect : car il ne dit pas confiteri (avouer), comme on le fait
à l'égard d'un père, mais credere (confier), comme à un parent
ou à son camarade.
nihil mihi respondes? Ae.-non equidem
istas, quod sciam.
Tu ne me réponds rien ? Es.-Cette
porte, moi ? non, pas que je sache.
1 non eqvidem istas deest pulsaui. 2 qvod sciam hoc est: "quantum scio".
1 non eqvidem istas il manque pulsaui (j'ai frappé). 2 qvod sciam c'est-à-dire : "autant que je
sais".
Mi.-ita; nam mirabar quid hic negoti
esset tibi.
Mi.-Bon ; c'est que je me demandais
ce que tu pouvais bien avoir à faire ici.
ita nam mirabar qvid hic negoti esset tibi
accepit negationem Micio, ut ludere Aeschinum possit.
ita nam mirabar qvid hic negoti esset tibi
Micion entérine la réponse négative afin de pouvoir se jouer
d'Eschine.
erubuit; salua res est. Ae.-dic,
sodes, pater,
Il a rougi ; l'affaire est en bonne
voie. Es.-Dis-moi, s'il te plaît, père,
1 ervbvit salva res est nimis paterna
sententia. e contrario Simo in Andria «
uide num eius color pudoris signum usquam
indicat
290 ». 2 Et quanti affectus est non dixisse
erubuit: saluus est, sed
salua res est! nonne
uidetur tibi res eius omnis in Aeschino constituta? eodem animo et
supra dixit «
in eo me oblecto, solum id est carum mihi
291 »; non enim solus intulit quod exspectabatur,
sed absolute quasi ex omnibus solum
id est inquit.
1 ervbvit salva res est phrase pleine d'un
sentiment tout paternel. Tout au contraire, Simon dans
L'Andrienne disait : « uide num eius color pudoris
signum usquam indicat ». 2 Et quelle
grande manifestation d'affection que de dire non pas erubuit : saluus est (il a rougi :
il est sauvé), mais salua res
est ! Car n'a-t-on pas l'impression que tout son
capital est constitué par Eschine658 ? Dans le même
ordre d'idée, il disait ci-dessus : « in eo me oblecto, solum id
est carum mihi » ; en effet, il n'a pas mis solus au masculin, comme on s'y
attendait, mais il a utilisé une construction absolue équivalant à
ex omnibus solum id est
(de toutes les choses, c'est la seule)659.
tibi uero quid istic est rei?
Mi.-nihil mihi quidem;
pour de vrai, qu'as-tu à faire par
ici ? Mi.-Rien pour mon compte ;
1 nihil mihi qvidem mihi hoc est: "meae propriae
rei". 2 Et callida negatione coepit, ut et illi
adimat confitendi locum ac fiduciam simulque fiat ei desperatio
ducendae eius, cuius mentio tam contemptim ab ipso tractetur.
1 nihil mihi qvidem mihi s'interprète : meae propriae rei (pour mes propres
affaires). 2 Et il commence avec un
énoncé habilement négatif, pour à la fois ôter à Eschine
l'opportunité d'avouer et la confiance, et en même temps pour lui
insuffler le désespoir de pouvoir jamais épouser celle dont il
fait une mention si pleine de mépris.
amicus quidam me a foro abduxit
modo
c'est un ami qui m'a soustrait au
forum tout à l'heure
1 amicvs qvidam me a foro hinc incipit
mendacium mixtum uero; nam amicus et a foro uerum est, huc aduocatum falsum. sed huc et quidam modo ἔμφασιν habent lenis
negotii et in quo nec magnae personae nec res difficilis operae
aut longae occupationis habebantur. 2 Et aduocatum dicendo, alienum negotium
demonstrauit. nam et sibi
non uacat; si enim mulieribus addidisset, potuit aliud
sperari.
1 amicvs qvidam me a foro ici commence son
mensonge mêlé de vérité ; car amicus et a foro sont des informations
exactes, huc aduocatum en
est une fausse. Mais huc
et quidam marquent une
sorte d'emphase (ἔμφασις) à l'égard d'une affaire simple
et dans laquelle ne sont impliquées ni des personnes d'importance,
ni un travail difficile ou qui demande beaucoup de
temps. 2 Et en disant aduocatum, il signale qu'il s'agit
de l'affaire d'un autre. Car même sibi fait sens ; de fait, s'il avait
ajouté mulieribus (pour
les dames), on pourrait avoir autre chose à espérer.
huc aduocatum sibi. Ae.-quid? Mi.-ego
dicam tibi:
pour que je l'assiste ici.
Es.-Pourquoi ? Mi.-Je vais te le dire :
1 qvid deest ait, ut sit: quid ait?. 2 ego dicam tibi seniliter, nam iam dicendum
fuit. 3 Et hoc habet ἔμφασιν uilis rei, quae uel facile dici
possit uel non celanda sit.
1 qvid il manque ait, pour faire : quid ait ? (que dit-il ?). 2 ego dicam tibi caractéristique d'un
vieillard, car il aurait dû déjà le dire660. 3 Et il y a une sorte d'emphase (ἔμφασις) à l'égard
d'une affaire sans valeur, qui soit peut se plaider facilement,
soit n'a pas besoin d'être cachée.
habitant hic quaedam mulieres
pauperculae;
habitent ici des dames, des petites
pauvresses ;
1 mvlieres pavpercvlae non potuit magis
spoliare dignitate formae et aetatis puellam, quae amatur ab
Aeschino, quam ut eam primo eodem nomine cum matre nominaret,
deinde communiter diceret de ambabus uniuersa, quibus contemni
debeant. 2 mvlieres pavpercvlae
addidit pauperculae, ut
magis desperet Aeschinus impetrare posse has nuptias a patre, et
item quaedam, ut
ignobiles demonstrentur. 3 Et totum hoc cum abiectione
pronuntiandum. 4 Et quaedam et pauperculae dicendo ademit omnem
spem nuptiarum; nam quaedam ignobilem indicat,
pauperculae indotatam.
quid ergo remanet, quod speret Aeschinus? 5 pavpercvlae nec pauperes saltem.
1 mvlieres pavpercvlae il ne pouvait pas
davantage dépouiller du mérite de la beauté et de la jeunesse la
jeune fille qui est aimée d'Eschine qu'en commençant par la
désigner de la même appellation que sa mère, puis d'utiliser
systématiquement des noms communs pour parler d'elles deux en même
temps, pour qu'on doive les mépriser. 2 mvlieres pavpercvlae il ajoute pauperculae, pour qu'Eschine
désespère davantage d'obtenir de son père le droit de se marier,
et aussi quaedam, pour
montrer leur absence de notoriété. 3 Et toute la réplique doit se dire avec un ton de
dégoût. 4 Et en disant quaedam et pauperculae, il supprime tout espoir
de mariage ; car quaedam
indique une absence de notoriété661, pauperculae une absence de dot. Que
reste-t-il donc à espérer pour Eschine ? 5 pavpercvlae et non pas mêmepauperes (pauvres)662.
ut opinor has non nosse te, et certo
scio:
à mon avis tu ne les connais pas,
d'ailleurs j'en suis sûr :
1 et certo scio ἐπανόρθωσις: parum dixi inquit. 2 opinor uelut adeo obscurae sint et nullius
pretii. 3 vt opinor has non nosse
te potuit recte dicere et hoc ut opinor, has non nosti, sed illud
uetustius. 4 vt opinor has non nosse
te aut abundat ut, aut deest scilicet. magnum autem crimen est in
forma uicinae puellae, incognitam esse adulescenti de proximo et
quia scit hunc esse, de quo dixerit «
quam hic non amauit meretricem aut cui non debuit
aliquid?
292 », subdidit causam, ne dignitatis pudorisque esset, quod
eam incognitam esse Aeschino dixisset: «
neque enim huc diu commigrauerunt
293 » inquit. 5 Et vt opinor mire ipse sibi sumit atque
confirmat, quod nondum ille confessus est.
1 et certo scio épanorthose (ἐπανόρθωσις) : "j'ai
dit trop peu", dit-il663. 2 opinor comme
si elles étaient à ce point inconnues et sans valeur. 3 vt opinor has non nosse te il aurait pu
aussi dire de façon correcte : ut
opinor, has non nosti (à ce que je crois, tu ne les
connais pas), mais sa formule est plus archaïque. 4 vt opinor has non nosse te soit ut est superflu, soit il manque
scilicet (il est clair
que...)664. Or c'est un grand
crime contre la beauté de la jeune voisine que de dire qu'elle est
inconnue d'un jeune homme du voisinage, et comme il sait que c'est
de ce jeune homme qu'il disait : « quam hic non amauit meretricem
aut cui non debuit aliquid ? », pour éviter que d'avoir dit
qu'Eschine ne connaissait pas la jeune femme soit pour elle une
preuve d'honorabilité et de moralité, il change la raison :
« neque enim huc diu commigrauerunt », dit-il665. 5 Et vt opinor étrangement, il prend à son
compte et confirme ce qu'Eschine n'a pas encore reconnu.
neque enim huc diu commigrauerunt.
Ae.-quid tum postea?
car elles n'ont emménagé ici que
depuis peu. Es.-Et alors ?
qvid tvm postea gratissime proditur
Aeschinus amator, cum sedulo dissimulet.
qvid tvm postea de façon très agréable,
Eschine se dénonce comme amoureux, bien qu'il fasse ses efforts
pour le dissimuler.
Mi.-uirgo est cum matre. Ae.-perge.
Mi.-haec uirgo orba est patre;
Mi.-C'est une jeune fille avec sa
mère. Es.-Continue. Mi.-La jeune fille est orpheline de père ;
1 virgo est cvm matre uult Micio sic audire
Aeschinum tamquam alienissimum, et ideo uelut inscius facti
diligentius narrat. uirginem autem τῷ
ἀρχαϊσμῷ157 pro muliere dixit. 2 perge uide instantius interrogantem, quam
percontatorem decuit.
1 virgo est cvm matre Micion veut qu'Eschine
écoute comme s'il agissait d'une affaire qui ne le concerne pas du
tout, et il fait un récit assez précis comme si le jeune homme ne
connaissait pas les circonstances. Quant à uirgo, il le dit par archaïsme
(τῷ ἀρχαϊσμῷ)
pour mulier
(femme). 2 perge voyez comme il
interroge avec plus d'insistance qu'il n'en faudrait à quelqu'un
qui pose une question666.
hic meus amicus illi genere est
proximus;
ce mien ami est son plus proche
parent ;
hic mevs amicvs qui «
me aduocatum abduxit a foro
294 ».
hic mevs amicvs celui qui "m'a soustrait au
forum pour que je l'assiste"667.
huic leges cogunt nubere hanc.
Ae.-perii! Mi.-quid est?
les lois obligent la fille à épouser
mon ami. Es.-Je suis mort ! Mi.-Comment ?
1 hvic leges cogvnt nvbere non permittunt dixit nec iubent, sed cogunt ad perturbandum
Aeschinum. 2 Et recte: alia enim sinunt leges, alia cogunt fieri. 3 Et ne esset, quo resisteretur illi, uult
ut mulieres a lege cogantur. 4 perii audit hoc Micio, sed dissimulat.
1 hvic leges cogvnt nvbere il ne dit pas
permittunt (elles
autorisent) ni iubent
(elles enjoignent), mais cogunt (elles contraignent), pour
troubler Eschine. 2 Et c'est
correct : car certains points sont autorisés par les lois,
d'autres sont contraints. 3 Et pour
qu'il n'y ait aucun moyen de résistance668, il imagine que les femmes sont contraintes par
la loi669. 4 perii Micion
entend l'aparté d'Eschine, mais fait semblant de rien.
Ae.-nihil. recte. perge. Mi.-is uenit
ut secum auehat;
Es.-Rien. C'est exact. Continue.
Mi.-Il est venu pour l'emmener avec lui ;
1 Et recte id est: "recte quod perii". nihil
magis comicum. 2 Et uide trisyllabum artificiose esse
subiectum, ut qui perii
dixit, uix hoc locutus fuisse uideatur. 3 is venit vt secvm avehat aliud peius in
amatam, ne Athenis saltem alteri nuberet.
1 Et
recte
c'est-à-dire : "il est exact que je suis mort". Et rien n'est plus
comique670. 2 Et voyez l'art avec lequel il met un trisyllabe,
au point que celui qui dit perii, semble à peine avoir proféré
cela671. 3 is venit vt secvm
avehat un autre argument pire contre la femme aimée, pour
l'empêcher de rester au moins à Athènes pour épouser le rival.
nam habitat Mileti. Ae.-hem! uirginem
ut secum auehat?
car il habite Milet. Es.-Hein ! pour
emmener la jeune fille avec lui ?
1 nam habitat mileti πιθανῶς Mileti. et est aduerbium
locale. 2 hem virginem vt secvm
avehat hic acrius commoueri proditur adulescens, ut
affectu fateatur quod uerbis negat.
1 nam habitat mileti l'indication Mileti est vraisemblable (πιθανῶς). Et c'est un
adverbe de lieu672. 2 hem virginem vt secvm avehat ici, le jeune
homme trahit sa violente émotion, au point d'avouer par sa
réaction ce qu'il nie en paroles.
Mi.-sic est. Ae.-Miletum usque,
obsecro? Mi.-ita. Ae.-animo male est.
Mi.-C'est ça. Es.-Jusqu'à Milet, s'il
te plaît ? Mi.-Oui. Es.-Je défaille.
1 sic est miletvm vsqve obsecro ita animo male
est ille oblitus sui sic indignatur, ut in re propria, hic
rursus callide uultu utitur tamquam aliena narrantis. 2 miletvm vsqve obsecro ita bene usque, nam est Miletus colonia
Atheniensium in Ponto. 3 animo male
est animo male
fieri dicitur, cum ictu alicuius maeroris perculsus
animus non sustinet corpus sequiturque ruina membrorum.
1 sic est miletvm vsqve obsecro ita animo male
est l'un, s'oubliant lui-même, s'indigne comme on le fait
dans une affaire personnelle, l'autre, tout à sa ruse, prend
l'expression d'un homme qui raconte une histoire qui ne le
concerne pas. 2 miletvm vsqve obsecro ita
usque est bien trouvé,
car Milet est une colonie athénienne sur le Pont-Euxin673. 3 animo male
est on dit animo male
fieri (qu'on se sent mal) quand l'esprit, ébranlé par
le coup d'une mauvaise nouvelle, ne soutient plus le corps et que
s'ensuit la chute du corps tout entier.
quid ipsae? quid aiunt? Mi.-quid
illas936 censes? nihil enim.
Et elles ? Que disent-elles ? Mi.-Que
veux-tu qu'elles disent ? Rien, de fait.
1 qvid ipsae qvid aivnt non satis credit
Aeschinus pudicam matrem familias statim consentire
nuptias158 nouas ignoti
uiri. 2 qvid illas censes
dicere posse
subaudiendum. 3 nihil enim dicunt subaudiendum. et sic
intelligendum nihil non
"quod taceant", sed "quod nihil confirmantis habeat id quod
dicunt".
1 qvid ipsae qvid aivnt Eschine n'arrive pas
à croire que cette mère de famille réservée consente si vite au
mariage de sa fille avec un inconnu. 2 qvid illas censes il faut sous-entendre
dicere posse (que
penses-tu qu'elles peuvent dire ?). 3 nihil enim il faut sous-entendre dicunt. Et il faut avec nihil interpréter non pas qu'elles
se taisent, mais mais que ce qu'elles disent n'a rien d'une
confirmation674.
commenta mater est esse ex alio
uiro
La mère a inventé qu'il y avait un
autre homme,
1 commenta mater est nondum dixit quid
dicat. 2 Et159 commenta dicit, hoc est "fallaciam
confinxisse uerisimilem", comminisci160. 3 ex alio viro iam de proximo tangit
Aeschinum.
1 commenta mater est il ne dit pas encore ce
qu'elle dit675. 2 Et maintenant il dit commenta, c'est-à-dire qu'il dit
qu'elle a "forgé un mensonge plausible", comminisci676. 3 ex alio viro là il touche Eschine de très
près.
nescio quo puerum natum, neque eum
nominat;
je ne sais qui, qu'un enfant était
né, mais elle ne donne pas le nom du père ;
priorem esse illum, non oportere huic
dari.
que cet inconnu est le premier, qu'il
ne faut pas la donner à l'autre.
priorem esse illvm mire tractat etiam
partes Aeschini.
priorem esse illvm paradoxalement, il joue
le rôle d'Eschine677.
Ae.-eho, nonne haec iusta tibi
uidentur esse937 postea?
Es.-Eh ! Est-ce que ça ne te paraît
pas juste après coup ?
1 nonne haec ivsta tibi videntvr esse
scilicet illa quae amicus tuus dixerat quasi haec
audires161. 2 ivsta tibi iusta: quae postea audisti quam illa quae pro
Lemnio dicebas prius. 3 Aut si hoc
non est, quaere quid sit postea. uidetur enim mihi postea sic abundare, quomodo
interdum hodie de
stomacho adicitur loquentis et uulgus dicit a mane et nos quam diu.
1 nonne haec ivsta tibi videntvr esse
implicitement "les choses qu'avait dites ton ami", comme si tu
étais en train de les entendre678. 2 ivsta tibi iusta : les circonstances que tu as
entendues "après" (postea) celles que tu disais juste
avant, dans ta plaidoirie pour le Lemnien679. 3 Ou alors, si ce
n'est pas cela, demandez-vous ce que peut être ce postea680. Car il me
semble que postea est
aussi superflu que parfois le hodie qu'on ajoute pour marquer la
colère du locuteur681 ou que le latin vulgaire a mane682 (dès le matin) et
nous, quand nous disons quam
diu (combien longtemps)683.
Mi.-non. Ae.-obsecro, non? an illam
hinc abducet, pater?
Mi.-Non. Es.-Comment ça, non ? Est-ce
qu'il va l'emmener d'ici, père ?
1 non uultuose pronuntiandum non. 2 an illam hinc abdvcet hinc tamquam singultus ploraturi
est; nam sic pronuntiandum est. 3 pater quasi hoc a supplicante dicatur.
1 non il faut prononcer non avec une grimace. 2 an illam hinc abdvcet hinc est comme le hoquet de qui
s'apprête à pleurer ; car c'est ainsi qu'il faut le
prononcer. 3 pater comme si la phrase
était dite par un suppliant.
Mi.-quid illam ni abducat? Ae.-factum
a uobis duriter
Mi.-Et pourquoi ne l'emmènerait-il
pas ? Es.-Vous avez agi durement,
factvm a vobis dvriter non dure id est crudeliter, sed quasi dura mente,
hoc est inflexibili, et quod dicunt Graeci ἀμεταπείστως162.
factvm a vobis dvriter il ne dit pas
dure (durement),
c'est-à-dire crudeliter
(cruellement), mais pour ainsi dire "avec un état d'esprit dur",
c'est-à-dire inflexible, et ce que les Grecs disent sous la forme
ἀμεταπείστως
(inflexiblement)684.
immisericorditerque et si est
dicendum,
et impitoyablement, et, si l'on peut
parler,
1 immisericorditerqve nota octo syllabarum
aduerbium atque insuper compositum et cum coniunctione
prolatum. 2 et si est dicendvm pater magis
aperte id est apertius, quia iam apertum fuerat
duriter et immisericorditer. 3 Et bene praefatus est, ne contumax
aduersus patrem uideretur.
1 immisericorditerqve notez l'emploi d'un
adverbe de huit syllabes, en outre composé et allongé par une
conjonction685. 2 et si est dicendvm
pater magis aperte c'est-à-dire apertius (de façon plus franche),
parce que les mots duriter et immisericorditer étaient déjà
francs686. 3 Et il fait bien
de prendre cette précaution oratoire, pour ne pas paraître
agressif envers son père.
pater938, magis aperte,
inliberaliter.
père, avec plus de franchise, de
façon inélégante.
1 inliberaliter αὔξησις, nam multa duriter et iam, si opus sit,
immisericorditer quoque
et facienda sunt et patienda, si ita ratio et causa cogat, ut non
sit illiberale, hoc est
malum atque inhonestum. 2 inliberaliter "iniuste", "inclementer",
"non bene", quia liberalis bonus.
1 inliberaliter amplification (αὔξησις), car beaucoup
d'actes peuvent être commis et subis de façon dure (duriter) et même, si nécessaire, de
façon également impitoyable (immisericorditer), pour peu qu'une
raison et un motif y contraignent, sans toutefois qu'il y ait de
la mauvaise éducation (illiberale), c'est-à-dire de la
méchanceté et de la malhonnêteté. 2 inliberaliter de façon injuste, sans
clémence, pas bien, parce que liberalis veut dire bonus (bon).
Mi.-quamobrem? Ae.-rogas me? quid
illi tandem creditis
Mi.-Pourquoi ? Es.-Cette question !
Que sera enfin, d'après vous,
qvamobrem delectari magis cupiens Micio
uult Aeschinum protrahere ad defensionem sui.
qvamobrem désireux de s'amuser davantage,
Micion veut obliger Eschine à tirer en longueur jusqu'à son propre
plaidoyer.
fore animi misero, qui illa939 consueuit prior,
l'état d'esprit du malheureux, qui a
eu une relation avec elle en premier,
1 fore animi misero quid de se plus diceret,
si factum fateretur? 2 qvi illa consvevit
prior legitur et illam. et dicebant ueteres
hanc rem
consueui. 3 Et εὐσχημόνως, ut Plautus «
et clandestina ut celetur consuetudo
295 ». 4 Et maiore affectu non amorem allegauit, sed quod est
commune cum bonis et multo iustius, consuetudinem.
1 fore animi misero que pourrait-il dire de
plus s'il avouait sa faute ? 2 qvi illa consvevit prior on lit aussi
illam. Et les Anciens
utilisaient consueui avec
l'accusatif. 3 Et il dit cela avec
un maintien grave (εὐσχημόνως), comme chez Plaute : « et
clandestina ut celetur consuetudo » (et pour que demeure cachée
cette liaison clandestine)687. 4 Et avec une émotivité plus grande, il ne parle pas
d'amor (amour), mais, ce
qui est partagé avec les gens de bien et beaucoup plus légitime,
de consuetudo
(liaison).
qui infelix haud scio an illam misere
nunc amet,
qui, dans son malheur, l'aime sans
doute à la folie à l'heure qu'il est,
qvi infelix non qui sed qui infelix et non amet dixit sed misere amet: ita affectu proditur,
qui ut alienus uult loqui.
qvi infelix il ne dit pas qui mais qui infelix, non pas amet mais misere amet : ainsi se trahit par
son émotivité celui qui voudrait parler comme quelqu'un qui n'est
pas impliqué directement.
cum hanc sibi uidebit praesens
praesenti eripi,
quand il verra, présent, qu'on la lui
enlève en sa présence,
1 praesens praesenti eripi adiuuant
significationem haec ex abundanti addita, ut «
illum absens absentem auditque uidetque
296 » et «
fratrem
n.
ne
d.
desere
f.
fratrem
297 ». sic Caecilius in Exhautuhestoti «
est haec caterua plane gladiatoria, cum suum sibi alius
socius socium sauciat
298 ». 2 Et totus hic locus est translatus a
Vergilio in quarto
Aen.
Aeneidis
«
quis tibi
n.
nunc
163,
D.
Dido
,
c.
cernenti
t.
talia
s.
sensus
299 » etc.
1 praesens praesenti eripi ce sont des
auxiliaires du sens que ces ajouts superflus, comme dans : « illum
absens absentem auditque uidetque » (elle absente, lui absent,
elle croit l'entendre et le voir), et : « fratrem ne desere
frater » (en frère, n'abandonne pas un frère). Ainsi Caecilius,
dans L'Exhautuhestôs688 : « est haec caterua plane
gladiatoria, cum suum sibi alius socius socium sauciat » (c'est
vraiment une escouade de gladiateurs, quand chacun blesse son ami,
camarade contre camarade)689. 2 Et l'ensemble de ce passage est transposé par
Virgile dans le livre IV de L'Enéide : « quis tibi
tum, Dido, cernenti talia sensus », etc. (quel est ton sentiment,
Didon, pendant que tu regardes un tel spectacle, etc.)690.
abduci ab oculis? facinus indignum,
pater!
qu'on la soustrait à ses yeux ? Quel
ignoble procédé, mon père !
Mi.-qua ratione istuc? quis
despondit? quis dedit?
Mi.-Comment cela ? Qui la lui a
promise ? Qui la lui a donnée ?
1 istvc deest dicis. 2 qvis despondit latenter obiurgat Aeschinum
rem sine patre gessisse. et dicitur figura ἐπιτροχασμός. 3 qvis despondit quia non interfuit
pater. 4 qvis dedit quia rapuit
ante quam peteret.
1 istvc il manque dicis (tu dis). 2 qvis despondit à mots couverts, il reproche
à Eschine d'avoir mené l'affaire sans le concours de son père. Et
c'est la figure dite d'épitrochasme (ἐπιτροχασμός). 3 qvis despondit parce que son père n'a pas
été partie prenante. 4 qvis dedit
parce qu'il l'a prise avant de la demander.
cui quando nupsit? auctor his rebus
quis est?
A qui a-t-elle été jamais mariée ?
Qui est garant dans cette affaire ?
1 qvando nvpsit quia nuptiae non factae
sunt. 2 Et nupsit moleste additum, quasi aliena
sit quae non legibus ducta sit. 3 avctor his rebvs qvis est datiuo casu, non
harum rerum. et
Sallustius «
qui tunc Romanis imperator erat
300 ». 4 avctor ἀρχηγός164. 5 avctor his rebvs qvis est iterum obiurgat,
quia non interfuit pater. 6 Et agit sic dolens ueluti minus sibi
amoris praebitum fuerit Micio, ut his se in quantum amor patitur
uideatur ulcisci, quia negotium non sibi confiteatur
Aeschinus.
1 qvando nvpsit parce que le mariage n'a pas
été réalisé. 2 Et nupsit est un ajout péjoratif, comme
si restait étrangère une fille qui n'a pas été prise pour femme
dans les règles. 3 avctor his rebvs
qvis est avec un datif et non un génitif. De même
Salluste : « qui tunc Romanis imperator erat » (qui était alors
général pour les Romains)691. 4 avctor initiateur (ἀρχηγός)692. 5 avctor his rebvs qvis est
à nouveau il lui reproche de ne pas avoir fait participer son
frère. 6 Et Micion agit ainsi en se
plaignant en quelque sorte d'avoir eu moins d'affection en
partage, en sorte qu'il paraît se venger de cette situation, dans
la mesure de sa tendresse, parce qu'Eschine ne s'est pas confié à
lui dans cette affaire.
cur duxit alienam? Ae.-an sedere
oportuit
Pourquoi a-t-il pris pour femme une
étrangère ? Es.-Fallait-il donc rester assis
1 an sedere oportvit sedere proprie ignauae cessationis
est, ut Vergilius «
sedeant spectentque Latini
301 » et «
quid sedes Verres? quid exspectas?
302 ». 2 cvr dvxit alienam utrum
filiam an: "quae possit
aliena esse?" nam omnes alienas filias ducunt.
1 an sedere oportvit sedere, au sens propre, dénote une
inaction paresseuse, comme chez Virgile : « sedeant spectentque
Latini » (que les Latins restent inertes et spectateurs), et :
« quid sedes Verres ? quid exspectas ? » (que tardes-tu, Verrès ?
Qu'attends-tu ?). 2 cvr dvxit
alienam veut-il dire "la fille d'un autre" ? ou "qui
pourrait être étrangère" ? Car à vrai dire, tous les hommes
épousent des filles d'autrui693.
domi uirginem tam grandem, dum
cognatus hinc
à la maison, pour cette jeune fille
déjà âgée, à attendre qu'un parent d'ici
1 tam grandem grandem ad aetatem ueteres
rettulerunt, non ad corpus. et in parte aetatis dicitur grandis, non in tota uita, nisi si
additur natu, ut «
grandis natu parens adductus ad supplicium
303 ». et grandis
infans et grandis
puer et grandis
ephebus et grandis
uirgo recte dicitur. 2 Et unde scit Aeschinus? an grandem sic fingit ignotam? an quia
dixit pater «
commenta mater est esse ex alio uiro nescio quo puerum
natum
304 »? ergo et illa grandis et serus Milesius, qui tunc
uirginem petit, cum iam alteri data sit uel rapta sit
alteri. 3 dvm cognatvs hinc illinc
veniret prouerbialiter hinc
illinc.
1 tam grandem grandis chez les Anciens se réfère à
l'âge, non à la taille694. Et c'est seulement pour une classe d'âge qu'on
dit grandis, non pour la
vie entière, à moins d'ajouter natu, comme dans : « grandis natu
parens adductus ad supplicium » (un père âgé conduit au supplice).
Et on dit de façon correcte grandis
infans (un bébé déjà grand), grandis puer (un enfant déjà
grand), grandis ephebus
(un garçon dans la fin de son éphébie), grandis uirgo (une jeune fille
presque femme)695. 2 Et d'où
Eschine a-t-il eu ce renseignement696 ? Est-ce parce qu'il imagine un peu âgée
l'inconnue ? Est-ce parce que son père a dit : « commenta mater
est esse ex alio uiro nescio quo puerum natum » ? Donc à la fois
la fille est assez âgée et en retard le rival de Milet qui prétend
à la main de la jeune femme alors qu'elle a déjà été donnée à un
autre ou enlevée par un autre. 3 dvm cognatvs hinc illinc veniret tour
proverbial hinc
illinc.
illinc ueniret exspectantem? haec, mi
pater,
ou de là se présente à ses attentes ?
Voilà, mon père,
te dicere aequum fuit et id
defendere.
ce que tu aurais dû dire et
plaider.
et id defendere non potuit magis amatorie
nec magis pueriliter loqui, quam ut, non contentus quod ait
haec dicere te aequum
fuit, adderet et id
defendere. patet autem, qualis affectus sit, cum etiam
blanditur patri ob alienam causam, ut ipse nunc simulat.
et id defendere il ne pouvait pas parler
plus en amoureux ou en enfant : au lieu de se contenter de dire :
haec dicere te aequum
fuit697, il ajoute :
et id defendere. Or il
montre bien dans quel état d'émotion il se trouve lors même qu'il
flatte son père698 pour une cause qui lui est étrangère, comme il
essaie de le faire croire.
Mi.-ridicule940!
aduersumne illum causam dicerem
Mi.-Ridicule que tu es ! Devais-je
plaider contre celui
ridicvle uocatiuus casus ab eo quod est
ridiculus.
ridicvle c'est le vocatif de ridiculus699.
cui ueneram aduocatus? sed quid
istaec941, Aeschine,
que j'étais venu assister ? Mais en
quoi cette affaire, Eschine,
1 sed qvid istaec aeschine nostra iam haec
ultima desperatio et Aeschinum protrahet in confessionem et in
finem fallaciae deducet senem. 2 Et bene quidem nostra dixit; memor est enim
respondisse se Aeschino interroganti «
tibi uero quid istic est rei?
305 » «
nihil mihi quidem
306 ». totum hoc autem senex ad id redegit, non tam ut
torqueret Aeschinum quam ut maius faceret beneficium suum
exponendo, in quod paene periculum amor eius inciderit.
1 sed qvid istaec aeschine nostra c'est là le
comble du désespoir, qui va pousser Eschine à avouer sa faute et
inciter le vieillard à mettre fin à son mensonge. 2 Et il a certes raison de dire nostra ; car, à Eschine qui lui
demandait : « tibi uero quid istic est rei ? », il se souvient
qu'il a répondu « nihil mihi quidem ». Dans toute cette réplique,
l'idée du vieillard n'est pas tant de torturer Eschine que de
majorer son bienfait en exposant dans quel péril l'amour du jeune
homme a failli tomber.
nostra, aut quid nobis cum illis?
abeamus. quid est?
nous concerne-t-elle, et qu'avons
nous à faire avec ces gens-là ? Allons-nous-en. Qu'y a-t-il ?
qvid est qvid lacrimas quasi repente
animaduerterit flentem et quasi causam omnem nesciat, sic
inquirit.
qvid est qvid lacrimas comme s'il
s'apercevait tout soudain qu'il pleure, et comme s'il en ignorait
la raison, il pose cette question.
quid lacrimas? Ae.-pater, obsecro,
ausculta! Mi.-Aeschine, audiui omnia
Pourquoi pleures-tu ? Es.-Mon père,
je t'en prie, écoute ! Mi.-Eschine, j'ai déjà tout entendu
aeschine non hic exhibuisset personam
patris, nisi pietate uictus pati filium nollet confessione
torqueri. Vergilius «
nec plura querentem passa Venus
m.
medio
s.
sic
if.
interfata
d.
dolore
e.
est
307 ». bene ergo intellegunt, qui sic accipiant perrecturum
adhuc fuisse Micionem, nisi uictus affectu fallaciam
proiecisset.
aeschine il ne serait pas pleinement dans
son rôle de père si, vaincu par son amour paternel, il ne refusait
pas de supporter que son fils se torture en avouant. Ainsi
Virgile : « nec plura querentem passa Venus medio sic interfata
dolore est » (mais Vénus, ne supportant pas davantage ses
plaintes, l'interrompit au milieu de ce douloureux récit). Donc
ils ont raison ceux qui interprètent que Micion aurait poursuivi
si, vaincu par l'émotion, il n'avait décidé d'abandonner son
mensonge.
et scio; nam te amo, quo magis quae
agis curae sunt mihi.
et je sais tout ; car je t'aime et ce
que tu fais me tient d'autant plus à cœur.
nam te amo bene addidit nam te amo etc. nam et inuidis et
inimicis moris est scire quid agamus.
nam te amo bon ajout de nam te amo etc. Car c'est un trait
de caractère y compris des jaloux et des ennemis que de savoir ce
que nous faisons700.
Ae.-ita uelim me promerentem ames,
dum uiuas, mi pater,
Es.-Je voudrais mériter que tu
m'aimes, pendant toute ta vie, mon père,
ita velim me promerentem quam pie additum
promerentem, tamquam
illic sit uotum Aeschini, cum possit pater etiam immeritum amare!
et animaduertendum ut165 semper sequi uel statim uel ex interuallo
maxime in huiusmodi affirmationibus. sic Cicero «
ita uelim deos mihi propitios, ut cum illius temporis
mihi uenit in mentem
308 » etc. uelim
autem pro uolo antique
dicitur.
ita velim me promerentem quel beau
témoignage d'amour filial dans cet ajout de promerentem, comme si là Eschine
faisait ce vœu alors même que son père pourrait l'aimer sans qu'il
le mérite ! Et il faut remarquer qu'un ut suit toujours ou immédiatement ou
après un intervalle de quelques mots, surtout dans des
affirmations de ce genre. Ainsi Cicéron : « ita uelim deos mihi
propitios, ut cum illius temporis mihi uenit in mentem » etc.
(j'aimerais que les dieux me soient favorables dans la même mesure
que, quand m'est venue l'idée etc.)701. Quant à uelim, il équivaut à uolo (je veux) ches les Anciens.
ut me hoc delictum admisisse in me,
id mihi uehementer dolet,
autant que le fait que j'aie commis
cette faute contre moi-même me peine vivement,
admisisse in me in me αὐξητικῶς adiectum est.
admisisse in me in me est ajouté de manière
amplificatoire (αὐξητικῶς)702.
et me tui pudet. Mi.-credo hercle;
nam ingenium noui tuum
et j'ai honte pour toi. Mi.-Je te
crois, ma foi ! Car je connais ta nature
et me tvi pvdet ambiguum quidem, sed
apparet adulescentem propter suum peccatum dicere, non quod
quicquam turpe fecerit pater.
et me tvi pvdet il y a là certainement de
l'ambiguïté, mais il appert que le jeune homme évoque sa propre
faute, non une quelconque turpitude de son père703.
liberale; sed uereor ne indiligens
nimium sies.
honnête ; mais je crains que tu ne
sois bien indélicat.
1 ne indiligens nimivm sies non ergo ingratus
sed neglegens Aeschinus, nec neglegens sed indiligens nec in alterum sed in se
deliquit. 2 Mirae clementiae genus
est aut omnino ignoscere aut obprobrium in leuius commutare. nam
tota obiurgatio ita amica est, ut non multum a blandimento
discrepet magisque proficiat apud audientem, ut uult Terentius,
quamquam sint illa aspera atque praefracta.
1 ne indiligens nimivm sies donc Eschine
n'est pas ingrat mais négligent, pas négligent mais indélicat
(indiligens), et il n'a
pas fauté contre un autre mais contre lui-même. 2 C'est un remarquable genre de clémence que de
pardonner complètement ou de transformer un acte scandaleux en
peccadille. Car toute la remontrance est à ce point amicale
qu'elle ne se différencie guère d'une marque d'affection et
qu'elle est d'un plus grand profit auprès de l'intéressé, selon
l'intention de Térence, quelque durs et hachés que soient ses
mots.
in qua ciuitate tandem te arbitrare
uiuere?
Mais enfin, dans quelle cité crois-tu
vivre ?
1 in qva civitate tandem te arbitrare vivere
communem locum inducit a loco, a persona, a facto, a
tempore. 2 in qva civitate aliter
pronuntiandum est, id est presse ac leniter, ne faciat illud
Tullianum «
pro di immortales! ubinam gentium sumus? quam rem
publicam habemus? in qua urbe uiuimus?
309 ». 3 Et tandem pro tamen. 4 in qva civitate hoc est: "oblitus es
Athenis te esse, ubi legibus uiuitur?". uide et omnes sententias
poni accusatorias et nihil amaroris. isti sunt colores orationum
difficillimi, sed elaborauit Terentius Micionem facere molliter
accusantem et inducere Demeam durissime blandientem. 5 in qva civitate quod obiurgat Micio, et
magni amoris est et necessaria pro persona asseueratio. non enim
conuenit patrem, etiam nimium diligentem filium, eius praeterire
peccata.
1 in qva civitate tandem te arbitrare vivere
il construit un argument à partir du lieu, de la personne, de
l'acte, du temps. 2 in qva
civitate il faut le prononcer autrement, c'est-à-dire à
mi-voix et doucement, pour éviter de le faire à la Cicéron : « pro
di immortales ! ubinam gentium sumus ? quam rem publicam habemus ?
in qua urbe uiuimus ? » (dieux immortels ! Mais dans quel endroit
du monde sommes-nous ? Quelle république est la nôtre ? Dans
quelle ville vivons-nous ?)704. 3 Et tandem est mis pour tamen. 4 in qva civitate c'est-à-dire : "as-tu
oublié que tu es à Athènes, où l'on vit dans un cadre légal ?".
Voyez aussi que toutes les phrases qui se trouvent là sont
accusatrices mais sans le moindre soupçon d'amertume. Il s'agit là
de couleurs oratoires très difficiles, mais Térence a travaillé à
faire un Micion qui accuse avec douceur et à présenter un Déméa
qui cajole avec une extrême dureté705. 5 in qva
civitate la remontrance de Micion témoigne d'une part
d'une grande affection et, d'autre part, est une affirmation forte
et nécessaire à son personnage. Car il n'est pas convenable pour
un père, même plein d'affection pour son fils, de laisser passer
ses erreurs.
uirginem uitiasti quam te non ius
fuerat tangere.
Tu as déshonoré une jeune fille à
laquelle tu n'avais pas le droit de toucher.
virginem vitiasti uide et rem dici et
abesse tragicam exclamationem, et delictum ostendi et ad ueniam
festinari; nam statim dicet «
iam id peccatum primum magnum, at humanum tamen
310 ». et tota pronuntiatio in huiusmodi uerbis submissa
debetur166.
virginem vitiasti voyez que la chose est
nommée sans qu'il y ait d'exclamation tragique et que la faute est
montrée en même temps qu'on se dirige à grands pas vers le
pardon ; car il s'apprête à dire : « iam id peccatum primum
magnum, at humanum tamen ». Et la prononciation entière, dans une
réplique de ce genre, doit se faire à mi-voix.
iam id peccatum primum magnum, at
humanum tamen;
C'est déjà une première grande faute,
même si elle est humaine ;
fecere alii saepe item boni ; at
postquam id euenit, cedo,
d'autres honnêtes gens en ont souvent
fait autant ; mais après cet accident, dis-moi,
1 fecere alii saepe item boni moris est
exemplo lenire quod purgare non possis. 2 fecere alii saepe item boni consolatio ab
exemplo. et boni non:
"cum hoc facerent", sed: "alias boni". 3 at postqvam id evenit euenit inquit, non commissum est: nihil ignoscentius
dici potuit.
1 fecere alii saepe item boni c'est un trait
de caractère d'adoucir par l'exemple ce que l'on ne peut pas
justifier. 2 fecere alii saepe item
boni consolation par l'exemple. Et boni se comprend non pas "bons quand
ils faisaient cela" mais "bons par ailleurs". 3 at postqvam id evenit il dit euenit, non pas commissum est (une fois que la chose
a été commise) : on ne peut rien dire de plus indulgent706.
numquid circumspexti? aut numquid
tute prospexti tibi
as-tu regardé autour de toi ? Ou
t'es-tu consulté pour savoir
1 nvmqvid circvmspexti συγκοπὴ ἢ
μεταπλασμός167 pro circumspexisti. 2 Et circumspicimus praesentia,
prospicimus futura.
1 nvmqvid circvmspexti forme syncopée ou
métaplasme (συγκοπὴ ἢ
μεταπλασμός) pour circumspexisti707. 2 Et circumspicere (regarder autour de
soi) se dit des choses présentes, prospicere (regarder devant) se dit
des choses futures.
ce qui allait se passer, comment cela
allait de passer ? comment, si tu avais honte de m'en parler
toi-même,
1 qvid fieret168 id est: "qua ratione, quo modo
fieret". 2 Et qua "ratione", id est "quibus
adminiculis" uel "per quas personas". 3 si te ipsvm mihi pvdvit dicere puduit dicere optime additum est,
quasi non debuerit Aeschinum apud Micionem pudere.
1 qvid fieret708 c'est-à-dire : "de
quelle manière", "de quelle façon" ça se produit. 2 Et qua
signifie qua ratione (de
quelle manière), c'est-à-dire "avec quels auxiliaires" ou "par
l'entremise de quels personnages". 3 si te ipsvm mihi pvdvit dicere puduit dicere est un excellent
ajout, comme si Eschine ne devait pas avoir honte devant
Micion.
qua resciscerem? haec dum dubitas,
menses abierunt decem.
je viendrais à le savoir ? A force de
tergiverser, dix mois ont passé.
1 qva resciscerem qua hoc est: "per quos". et ad omnia
subauditur «
numquid circumspexti
311 ». 2 qva resciscerem deest
re uel ratione. 3 menses abiervnt decem mire abierunt, quasi dicat: "te cessante
menses cessere". et locus est incusationis a tempore. 4 Et abire dicitur quod paulatim nos
deserit. hoc autem ex partu intellegit.
1 qva resciscerem qua c'est-à-dire per quos (par l'intermédiaire de
qui). Et pour tout cela, on sous-entend « numquid
circumspexti ? ». 2 qva
resciscerem il manque re (qua
re, pourquoi) ou ratione (qua ratione, de quelle
manière). 3 menses abiervnt decem
abierunt est étrange,
comme s'il disait : "pendant que tu ne faisais rien, les mois sont
passés". Et c'est un argument d'accusation par le temps. 4 Et abire se dit de ce qui nous
abandonne petit à petit. Or ici, on comprend qu'il s'agit de
l'accouchement.
prodidisti et te et illam miseram et
gnatum, quod quidem in te fuit.
Tu as trahi toi-même, cette
malheureuse et cet enfant, pour ce qui te regardait.
1 prodidisti et te et illam miseram
Sallustius «
quod in familia nostra fuit, praestitit, ut in omnibus
bellis adesset uobis
312 » et Cicero «
senator populi Romani, quod in uobis fuit, iacuit et
pernoctauit in publico
313 ». 2 prodidisti et te et illam
uide festiuum senem, quantum se adulescenti accommodet: non enim
illum quem causa deposcit, sed amatorium ordinem fecit prius
dicendo prodidisti te
quam illam, tum etiam
gnatum, ut ex animo eius
amare uideatur id quod natum est. 3 Et prodidisti decepisti uel deseruisti, ut Vergilius «
unius ob iram prodimur
314 ». 4 qvod qvidem in te fvit
pro: id quod in te erat,
id est: "quantum in officio tuo spei et auxilii
partiumque tuarum fuit", uel "quantum ad te
spectabat". 5 Et hoc est illud, quod obsequentissimus
pater uult omnia per se esse correcta.
1 prodidisti et te et illam miseram
Salluste : « quod in familia nostra fuit, praestitit, ut in
omnibus bellis adesset uobis » (notre famille, pour autant qu'il
lui incombait, a fait en sorte de vous assister dans chaque
conflit) et Cicéron : « senator populi Romani, quod in uobis fuit,
iacuit et pernoctauit in publico » (un sénateur du peuple romain,
chose qui vous incombait, est resté couché et a passé la nuit en
public)709. 2 prodidisti et te et illam
voyez comme ce vieillard plein d'humour s'adapte au jeune homme :
car il ne met pas les choses dans l'ordre que la cause réclame,
mais dans celui qui prévaut chez les amoureux en disant d'abord
prodidisti te710 avant
illam, et même avant
gnatum, pour donner
l'impression que c'est à partir de l'état d'esprit du jeune homme
qu'il aime l'enfant qui est né. 3 Et
prodidisti équivaut à
decepisti (tu as déçu) ou
à deseruisti (tu as
abandonné), comme chez Virgile : « unius ob iram prodimur » (à la
colère d'une seule divinité nous sommes abandonnés). 4 qvod qvidem in te fvit mis pour :
id quod in te erat (pour
ce qui était en ton pouvoir), c'est-à-dire "pour autant qu'il y
avait en ton office d'espoir, d'assistance et de rôle à jouer pour
toi", ou "pour autant que cela te regardait". 5 Et la raison en est qu'un père très complaisant
veut que tout ce qui se fait par son intermédiaire soit
correct.
quid? credebas dormienti haec tibi
confecturos deos
Quoi ? Tu croyais que dans ton
sommeil les dieux te finiraient la chose
1 dormienti haec tibi confectvros deos quam
mitis, quam faceta obiurgatio! uide ut satis Micio sit ille ante
descriptus. 2 qvid credebas dormienti haec tibi
confectvros deos incerta distinctio, nam et per se
quid et quid credebas legi potest. et ueluti
subaccusatur hic Aeschinus. 3 dormienti haec tibi
confectvros deos ἀπὸ τοῦ ἀδυνάτου. et quae sint quae di
cessantibus praestare non possint, sequenti uersu docet, ne
uideatur de dis male sensisse. 4 dormienti multo melius quam si diceret
cessanti. et non
facturos, sed quod plenum
est confecturos. 5 Et mire deos ponit in eo negotio, quod
ipse praestat, tamquam hic et se excuset et deos, quod non
fecerint Aeschino quae uolebat etiam dormienti.
1 dormienti haec tibi confectvros deos quelle
douceur, quel humour dans la remontrance ! Voyez comme ce Micion a
suffisamment été décrit auparavant. 2 qvid credebas dormienti haec tibi confectvros
deos ponctuation incertaine, car on peut lire quid tout seul et quid credebas. Et ici, Eschine est
l'objet d'une accusation sous-jacente. 3 dormienti haec tibi confectvros deos
argument de l'impossible (ἀπὸ τοῦ ἀδυνάτου). Et quelles sont les
choses que les dieux ne peuvent pas fournir aux hommes qui ne font
rien, le vers suivant le montre, pour éviter qu'on croie qu'il a
une mauvaise opinion des dieux. 4 dormienti c'est bien meilleur que s'il
disait cessanti (pendant
que tu ne fais rien). Et il ne dit pas facturos, mais la forme complète
confecturos. 5 Et étrangement, il met les dieux dans cette
histoire, qu'il propose lui-même, comme s'il excusait ici et
lui-même et les dieux de n'avoir pas fait à Eschine dans son
sommeil ce qu'il désirait.
et illam sine tua opera in cubiculum
iri deductum domum?
et qu'elle te serait, sans ton
concours, amenée dans ton lit chez toi ?
1 et illam sine tva opera in cvbicvlvm iri
ἀπὸ τοῦ ἄλλου
ἀδυνάτου. 2 iri dedvctvm
domvm ordo: "deductum iri".
1 et illam sine tva opera in cvbicvlvm iri
autre argument de l'impossible (ἀπὸ τοῦ ἄλλου ἀδυνάτου)711. 2 iri dedvctvm domvm l'ordre est : deductum iri712.
nolim ceterarum rerum te socordem
eodem modo.
Je ne voudrais pas que tu sois aussi
indolent pour le reste.
nolim ceterarvm rervm te socordem quam
nihil imperiose ac pro auctoritate patria! nolim te inquit socordem ceterarum rerum esse, non
ne sis socors.
nolim ceterarvm rervm te socordem comme il
ne dit rien de façon impérieuse tout en se conformant à son
autorité paternelle ! Il dit nolim te
socordem ceterarum rerum esse, et non pas ne sis socors (ne sois pas
indolent)713.
bono animo es, duces uxorem. Ae.-hem!
Mi.-bono animo es, inquam. Ae.-pater,
Mais garde courage, tu l'épouseras.
Es.-Hein ! Mi.-Garde courage, dis-je. Es.-Père,
1 bono animo es apparet flenti haec dicta
omnia. et hoc decuit uerecundum adulescentem ex ui tantae
orationis et metu amittendae amatae nimium puellae. 2 bono animo es es modi imperatiui est temporis
praesentis, nam esto
futuri est. 3 dvces vxorem datur in
ultima obiurgatione et breuiter et plena securitas. 4 hem singultiens fletu et gaudio dixit
hem.
1 bono animo es il appert que c'est à un
Eschine en larmes que cette réplique s'adresse. Et c'est
l'attitude qui convient à un jeune homme respectueux, étant donné
la force d'un tel discours et la crainte qu'il a de perdre une
jeune femme qu'il aime éperdument. 2 bono animo es es est un impératif présent ; car
c'est esto le
futur. 3 dvces vxorem à la fin de
la remontrance, et de façon lapidaire, est donnée une pleine et
entière garantie. 4 hem c'est en
hoquetant de sanglots et de joie qu'il dit hem714.
obsecro, num944 ludis tu me? Mi.-ego te? quamobrem? Ae.-nescio;
je t'en prie, n'es-tu pas en train de
te jouer de moi ? Mi.-Moi, de toi ? Pourquoi ? Es.-Je ne sais
pas ;
1 obsecro nvm lvdis tv me maestus amatoris
animus ludentem senem loqui credit, et uera dicentem quia
optata sunt adeo eum adludere nunc putat ludere nunc et ob hanc
causam dixit ludis tu me
nunc non quondam cum antea
luxerit169. 2 ego te qvamobrem magna uis pronominum, cur
non ludat, quibus et accessit consideratio rei, nam primo
ego, deinde te, deinde causae
propositio. 3 Et recte ludis: est enim amantis
insulsum metum conicere170 imminente laetitia, inimici
uero qualibet saeuitia in falsum gaudium quemquam impellere sub
alicuius maeroris aduentum. ideo negat se Micio in hac parte
lusurum Aeschinum, qui in aliis luserat. 4 nescio religiose dixit nescio, quasi non sit ratio quare
non credat patri, quamuis subiecerit causam.
1 obsecro nvm lvdis tv me l'esprit affligé de
l'amoureux croit que le vieillard parle en s'amusant et alors même
qu'il dit la vérité, du fait que c'est là ce qu'il désire au plus
haut point, il pense maintenant qu'il se moque de lui. Et c'est la
raison pour laquelle il dit ludis
tu nunc me, "maintenant" et non pas "tout à l'heure"
quand auparavant il s'affligeait715. 2 ego te
qvamobrem il y a un grand jeu des pronoms qui montre qu'il
n'est pas en train de se moquer, et grâce auxquels on en arrive à
la prise en compte de la situation : car il dit d'abord ego, ensuite te, ensuite la proposition de la
raison. 3 Et ludis est correct : car c'est bien
d'un amoureux de conjecturer une crainte stupide à l'approche même
du bonheur, c'est bien d'un ennemi en revanche d'utiliser la
première cruauté venue pour pousser quelqu'un dans une fausse joie
à l'approche de quelque mauvaise nouvelle. C'est pour cela que
Micion à cet endroit affirme qu'il cesse de se moquer d'Eschine,
lui qui s'en était moqué auparavant. 4 nescio il a des scrupules à dire nescio, comme s'il n'y avait pas de
raison de ne pas croire son père, bien qu'il ait suggéré la
raison.
quia tam misere hoc esse cupio uerum,
eo uereor magis.
c'est parce que je souhaite
méchamment que ce soit vrai que j'ai de l'appréhension.
qvia tam misere hoc esse cvpio vervm
misere pro nimis, quia nimia miseria, ut «
ne quid nimis
315 ». hoc enim putant qui uirtutes mediocritates esse
dixerunt.
qvia tam misere hoc esse cvpio vervm
misere est mis pour
nimis (trop), parce qu'il
y a de l'excès dans la misère, comme dans : « ne quid nimis »716. Car c'est l'avis de ceux qui pensent
que les qualités sont dans la moyenne.
Mi.-abi domum ac deos comprecare ut
uxorem accersas; abi.
Mi.-Va à la maison et fais des
prières aux dieux pour pouvoir aller chercher ta femme ; va.
1 abi domvm ad deos comprecare magnus
institor sui beneficii est, qui a dis petendum dicit esse, quod
ipse praestabit. 2 An ideo, quia
ordinis fuerat prius rem diuinam facere et sic uxorem
accersere? 3 Et bene repetitum abi quasi haerenti morantique, ut
«
uos istaec intro auferte: abite
316 ».
1 abi domvm ad deos comprecare il est le
grand colporteur de son propre bienfait, lui qui dit qu'il faut
demander aux dieux ce qu'il offrira lui-même. 2 Ou alors est-ce parce qu'il serait dans l'ordre
des choses de faire d'abord un sacrifice et ainsi de faire venir
son épouse ? 3 Et il fait bien de
répéter abi, comme à
quelqu'un qui reste collé là et qui traîne, de même que dans :
« uos istaec intro auferte : abite ».
Ae.-quid? iam uxorem? Mi.-iam.
Ae.-iam? Mi.-iam quantum potes945. Ae.-di me, pater,
Es.-Quoi ? Déjà ma femme ? Mi.-Déjà.
Es.-Déjà ? Mi.-Autant déjà que possible. Es.-O mon père, que les
dieux me
1 qvid iam vxorem accessit ad beneficium
tempus, et ideo iam quasi
gestiens repetit adulescens. 2 qvantvm potes aut deest cito aut quantum pote scilicet esse.
1 qvid iam vxorem le temps s'ajoute au
bénéfice et c'est pourquoi le jeune homme répète iam en s'impatientant
presque. 2 qvantvm potes soit il
manque cito (vite), soit
quantum pote implique
esse717.
omnes oderint ni magis te quam oculos
nunc ego amo meos!
haïssent dans leur totalité si je ne
t'aime pas plus aujourd'hui que mes propres yeux !
1 ni magis te qvam ocvlos nvnc ego amo meos
nunc addidit. 2 Et eleganter inuentum est,
quod in se amator multum diligat, id est oculos, ut in Eunucho «
adulescenti ipsi eriperem oculos
317 », hoc est ipsos, de quibus amat.
1 ni magis te qvam ocvlos nvnc ego amo meos
il ajoute nunc. 2 Et c'est une trouvaille heureuse de parler
de ce que l'amoureux préfère en lui-même, à savoir les yeux, comme
dans L'Eunuque : « adulescenti ipsi eriperem
oculos »718, c'est-à-dire précisément les organes à
partir desquels il peut être amoureux.
Mi.-quid? quam illam? Ae.-aeque.
Mi.-perbenigne! Ae.-quid? ille ubi est Milesius?
Mi.-Ah bon ? Plus qu'elle ?
Es.-Autant. Mi.-A la bonne heure ! Es.-Eh bien ? Où est ce type de
Milet ?
1 qvid qvam illam commendat se Micio et
familiariorem amatori facit mentionem faciendo saepius de amica in
uxorem ducenda. 2 aeqve sic
infert hoc, quasi dubitando inuenerit. 3 perbenigne multum putat, quia amator hoc
dixit. ergo benigne large abundeque. 4 qvid ille vbi est milesivs non amat si
statim timere desinit. unde Vergilius «
omnia
t.
tuta
t.
timens
318 ».
1 qvid qvam illam Micion se recommande et se
fait plus familier aux yeux de l'amoureux en faisant mention
souvent de son mariage avec sa maîtresse. 2 aeqve il dit cela comme s'il l'avait trouvé
en hésitant. 3 perbenigne il estime que
c'est beaucoup, parce que c'est un amoureux qui dit cela. Donc
benigne veut dire
large (largement) et
abunde
(abondamment). 4 qvid ille vbi est
milesivs il n'est pas amoureux s'il cesse aussitôt d'être
inquiet. D'où Virgile : « omnia tuta timens » (elle qui craint
tout, même ce qui est sans danger).
Mi.-periit; abiit, nauem
ascendit946. sed cur cessas? Ae.-abi, pater,
Mi.-Il s'est perdu ; il est parti, il
a pris le bateau. Mais qu'attends-tu ? Es.-Vas-y toi, mon
père,
1 abiit navem ascendit abiit facete, ne diceret mentitus sum. atque ita dixit, ut
infantibus nutrices de terriculis solent dicere, quas cum ipsae
confinxerint, abolitas uolunt, postquam illos uident nimium
pauere. 2 Sed mihi uidetur ridens
haec dixisse, ut intellegat Aeschinus Micionem ioco fuisse
mentitum.
1 abiit navem ascendit abiit est spirituel, pour ne pas
dire "j'ai tout inventé". Et il dit comme les nourrices, souvent,
à propos des épouvantails719
que, après les avoir inventés, elles veulent faire disparaître,
après avoir constaté que les petits ont trop peur. 2 Mais j'ai le sentiment qu'il dit cela en riant,
pour qu'Eschine comprenne que Micion a tout inventé par jeu.
tu potius deos comprecare; nam tibi
eos certo scio,
plutôt, pour prier les dieux ; car
j'ai la certitude qu'avec toi,
quo uir melior multo es quam ego,
obtemperaturos magis.
parce que tu es un homme tellement
meilleur que moi, ils auront plus de complaisance.
1 tibi obtemperatvros magis mira sententia:
obsequi deos bonis, quasi bonis hominibus multum
debeant. 2 Et in excusatione precandi deos uide quae
facultas nata sit patrem sine assentatione laudare! non est autem
iniuriosum ad patrem referre deprecationem deorum, sed magis
honorabile. nam tale est apud Vergilium «
tu, genitor, cape sacra manu
p.
patriosque
p.
penatis
319 », ut ipse patrem portet, hic deos.
1 tibi obtemperatvros magis étrange idée que
les dieux sont complaisants avec les hommes de bien, comme s'ils
avaient une dette importante à l'égard des hommes de
bien. 2 Et voyez dans ce prétexte de
la prière aux dieux quelle possibilité il y a de louer son père
sans flagornerie ! Ce n'est pas une insulte de déléguer à son père
la prière aux dieux, mais c'est une plus grande marque d'honneur.
De fait, on trouve la même chose chez Virgile : « tu, genitor,
cape sacra manu patriosque penatis » (toi, mon père, prends dans
ta main les objets sacrés et les pénates de notre patrie), en
sorte que lui porte son père et ce dernier les dieux720.
Mi.-ego eo intro ut quae opus
sint947 parentur; tu fac ut dixi, si sapis.
Mi.-Je vais donc là-dedans pour
préparer tout ce qu'il faut ; quant à toi, fais comme j'ai dit, si
tu es sage.
ego eo intro vt qvae opvs sint parentvr tv fac vt
dixi si sapis hic uersus in quibusdam non inuenitur.
ego eo intro vt qvae opvs sint parentvr tv fac vt
dixi si sapis ce vers ne se trouve pas dans certains
exemplaires.
Ae.-quid hoc est negoti? hoc est
patrem esse aut hoc est filium esse?
Es.-Quelle affaire ! Est-ce là être
un père ou être un fils ?
qvid hoc est negoti hoc est patrem esse et
mirantis haec et laudantis oratio est. et paene uidetur huiusmodi
patrem Terentius probare.
qvid hoc est negoti hoc est patrem esse
c'est un discours d'admiration et d'éloge. Et Térence paraît
presque donner lui-même son approbation à ce genre de père.
si frater aut sodalis esset, qui
magis morem gereret? hic948
Si c'était mon frère ou mon camarade,
comment pourrait-il être plus complaisant ? Cet homme
1 qvi magis morem gereret qui quo
modo, qua re,
qua ratione. 2 hic non amandvs omnia perfecit hic pater,
ut et ametur et laudetur et foueatur.
1 qvi magis morem gereret qui vaut pour quo modo (comment), qua re (pourquoi), qua ratione (de quelle
manière). 2 hic non amandvs le père a
réussi ici d'un coup à se faire aimer, à se faire louer et à se
faire chérir.
non amandus? hicine non gestandus in
sinu est? hem!
peut-on ne pas l'aimer ? peut-on ne
pas le porter dans son cœur ? Hein !
itaque adeo magnam mihi iniecit sua
commoditate curam
C'est pourquoi il m'a insufflé, avec
son affabilité, un grand soin
magnam mihi iniecit sva commoditate cvram
mira sententia: mala nobis etiam de bonis nasci? an bonus parens
magnae curae est filio?
magnam mihi iniecit sva commoditate cvram
étrange idée que des maux peuvent naître aussi de bonnes choses.
Ou bien est-ce parce qu'un bon père est un grand objet de souci de
la part de son fils ?
ne forte imprudens faciam quod nolit;
sciens cauebo.
de ne pas faire imprudemment quelque
chose qu'il ne voudrait pas ; j'y veillerai en conscience.
sciens cavebo facere quod nolit, scilicet.
sciens cavebo implicitement facere quod nolit (je me garderai de
faire des choses qu'il ne voudrait pas).
sed cesso ire intro, ne in mora meis
nuptiis egomet siem!
Mais que tardé-je à rentrer, au
risque de différer moi-même mes noces !
sed cesso ire intro ne in mora meis nvptiis egomet
siem bene hoc utpote obiurgatus.
sed cesso ire intro ne in mora meis nvptiis egomet
siem bien dit, en homme qui a reçu des remontrances.
scaena sexta
Demea
De.-defessus sum ambulando; ut, Syre,
te cum tua
Dé.-Je suis épuisé à force de
marcher ; Syrus, toi et tes
1 defessvs svm ambvlando hic exemplum
inducitur saeui patris ex affectu uero et ob hoc inuisi omnibus:
non tam amari uult quam ipse amat neque sibi nec cuiquam alii sed
filio tantum consultum cupit. de autem ualde significat. 2 vt syre te cvm tva monstratione ut pro utinam. et haec omnia anhelans
dixit. 3 te cvm tva adhuc non
credit in errorem se missum fuisse. 4 vt te cvm tva monstratione ἰδιωτικῶς te cum tua monstratione.
1 defessvs svm ambvlando ici est développé
l'exemple d'un père sévère en raison d'une émotion authentique et
par là même odieux à tous : car il ne veut pas être aimé autant
qu'il aime et ce n'est pas pour lui mais seulement pour son fils
qu'il désire une consultation. Et de- signifie ualde (beaucoup)721. 2 vt syre te cvm tva monstratione ut est mis pour utinam (pourvu que). Et il dit toute
cette réplique essoufflé. 3 te cvm tva
il n'arrive pas encore à croire qu'il a été envoyé
promener. 4 vt te cvm tva
monstratione te cum tua
monstratione est un particularisme (ἰδιωτικῶς).
monstratione magnus perdat
Iuppiter!
indications, que le grand Jupiter
vous fasse périr !
perreptaui usque omne oppidum, ad
portam, ad lacum,
J'ai rampé par toute la ville,
jusqu'à la porte, à l'abreuvoir,
1 perreptavi vsqve omne oppidvm tardus
incessus non perambulatio
sed perreptatio
dicitur. 2 ad portam ad lacvm qvo
non mire propinquiora omisit, utpote porticum, macellum,
Cratini aedes, templum Dianae, et ultima posuit, ut quantum
peragrauerit demonstraret. 3 ad lacvm
facete poeta memorem inducit senem, quorum minime opus fuit
meminisse.
1 perreptavi vsqve omne oppidvm une marche
lente se dit non pas perambulatio (longue promenade) mais
perreptatio (action de
parcourir en rampant). 2 ad portam ad lacvm
qvo non remarquablement, il n'évoque pas les points de
repère les plus proches, comme le portique, le marché, la maison
de Cratinus, le temple de Diane, et il évoque les derniers, pour
montrer quelle distance il a parcouru. 3 ad lacvm avec esprit, le poète montre un
vieillard qui garde la mémoire d'éléments qu'il n'est pas du tout
utile de mémoriser.
quo non? neque illi fabrica ulla erat
nec fratrem homo
où encore... ? et là-bas, il n'y
avait pas d'atelier, et mon frère, aucun type
qvo non duobus dictis quo non addidit quasi et ad dicendum
lassus.
qvo non aux deux indications données, il
ajoute quo non comme s'il
était fatigué même d'énumérer.
uidisse se aibat quisquam. nunc uero
domi
ne m'a dit l'avoir vu, personne. Donc
pour l'heure, c'est chez lui
certum obsidere est usque donec
redierit.
que j'ai décidé de faire le siège,
jusqu'à ce qu'il rentre.
1 certvm obsidere est vsqve donec redierit
proprie obsidere dixit:
conuenit enim et irato et repente aggressuro. 2 et ab eo quod est obsideo obsidēre facit producta media
syllaba, ab eo quod est obsido obsidĕre facit eadem syllaba
correpta.
1 certvm obsidere est vsqve donec redierit il
dit au sens propre obsidere : c'est un terme, en effet,
qui convient à un personnage irrité et qui s'apprête à
attaquer. 2 Et la forme obsideo fait obsidēre avec une syllabe centrale
longue, la forme obsido
fait obsidĕre avec une
syllabe centrale brève722.
scaena septima
Demea Micio
719 | 720 | 721 | 722 | 723 | 724 | 725 | 726 | 727 | 728 | 729 | 730 | 731 | 732 | 733 | 734 | 735 | 736 | 737 | 738 | 739 | 740 | 741 | 742 | 743 | 744 | 745 | 746 | 747 | 748 | 749 | 750 | 751 | 752 | 753 | 754 | 755 | 756 | 757 | 758 | 759 | 760 | 761 | 762
Mi.-ibo, illis dicam nullam esse in
nobis moram.
Mi.-J'y vais ; je vais leur dire que
chez nous il n'y a pas de retard.
1 ibo illis dicam in hac scaena exemplum est
intempestiuae obiurgationis ac per hoc ridiculae. 2 ibo illis dicam moris est secum loqui uel
senes uel maxime aliquid ex animo agentes. 3 illis dicam Sostratae et filiae.
1 ibo illis dicam dans cette scène, on a un
exemple de remontrance intempestive et par là même
risible. 2 ibo illis dicam
monologuer est une caractéristique des vieillards ou du moins de
ceux qui ont quelque chose qui leur tient à cœur723. 3 illis dicam à Sostrata et à sa fille.
De.-sed eccum ipsum. te iamdudum
quaero, Micio.
Dé.-Mais le voilà, justement. C'est
toi que je cherche depuis une heure, Micion.
Mi.-quidnam? De.-fero alia flagitia
ad te ingentia
Mi.-Pourquoi cela ? Dé.-Je t'apporte
d'autres scandales géants
1 fero alia flagitia ad te ingentia boni
magno sonitu et ingenti ostentatione futurae accusationis exorsus
est; magna enim sunt omnia, et fero et alia flagitia et ingentia et quod εἰρωνικῶς «
boni illius adulescentis
320 » dicit.
1 fero alia flagitia ad te ingentia boni
c'est avec beaucoup de bruit et une manière très ostentatoire
qu'il commence par évoquer l'accusation dont il va parler ; car
tout est grandiloquent : fero, alia flagitia, ingentia et sa remarque ironique
(εἰρωνικῶς)
« boni illius adulescentis ».
boni illius adulescentis... Mi.-ecce
autem! De.-noua!
de ce bon jeune homme... Mi.-Nous y
voilà ! Dé.-Des nouveaux !
1 boni illivs advlescentis εἰρωνεία, quae semper
amarius ponitur quam criminatio manifesta. 2 ecce avtem ecce dicitur, cum repente triste
aliquid rebus interuenit laetis. 3 Aut certe, cum quando aliud agitur aliud emergit
nouum, ut «
ecce autem gemini a
T.
Tenedo
t.
tranquilla
p.
per
a.
alta
h.
horresco
r.
referens
321 » et «
ecce trahebatur
p.
passis
P.
Priameia
u.
uirgo
c.
crinibus
a
t.
templo
322 » et Cicero «
ecce autem repente, ebrio Cleomene, cunctis
esurientibus
323 » etc. 4 nova
recentia. an mira et magna, ut «
Pollio et ipse facit noua carmina
324 »?
1 boni illivs advlescentis c'est de l'ironie
(εἰρωνεία),
laquelle marque toujours plus de rancœur que l'indication claire
du reproche. 2 ecce avtem on dit
ecce quand un événement
sinistre intervient soudain au milieu de la liesse. 3 Ou alors certainement quand, alors qu'on
fait une chose, c'est une autre, nouvelle, qui sort, comme dans :
« ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta, horresco
referens » (voici soudain que, depuis Ténédos, par la mer
tranquille, surgissent deux serpents, je frémis en le
racontant...) et : « ecce trahebatur passis Priameia uirgo
crinibus a templo » (voici qu'on amenait, cheveux dénoués, la
fille vierge de Priam depuis le temple), et Cicéron : « ecce autem
repente, ebrio Cleomene, cunctis esurientibus » etc. (voici
soudain, alors que Cléomène était ivre et que tous avaient
faim...). 4 nova "récents". Ou alors
"remarquables et grands", comme dans : « Pollio et ipse facit noua
carmina » (Pollion lui-même fait des poèmes inédits) ?
capitalia! Mi.-ohe iam! De.- ah!
nescis qui uir siet. Mi.-scio.
Des gravissimes ! Mi.-Mais oui !
Dé.-Ah ! Tu ignores quel homme c'est. Mi.-Je le sais.
1 nescis qvi vir siet εἰρωνεία, nam
uir ad laudem poni solet,
ut alibi «
uirum te iudico
325 ». 2 scio satis ridicule non,
quod ille cupit, Micio uult consentiendo mitigare, sed acriorem
fieri iracundiam Demeae. nam scio ad negotii totius gestionem
rettulit, non ad illud quod ait nescis quis uir siet.
1 nescis qvi vir siet c'est de l'ironie
(εἰρωνεία),
car uir est d'ordinaire
laudatif, comme on le voit ailleurs : « uirum te
iudico ». 2 scio de façon assez
drôle, contre le souhait de l'autre, Micion ne veut pas, en
marquant son consentement, calmer la colère de Déméa, mais au
contraire la rendre plus vive. Car scio renvoie à l'intégralité de
l'affaire, non à la réplique précédente nescis quis uir siet.
De.-o stulte! tu de psaltria me
somnias
Dé.-Imbécile ! Tu te figures que
c'est après la musicienne
agere? hoc peccatum in uirginem est
ciuem. Mi.-scio.
que j'en ai ? La faute dont je te
parle est contre une jeune citoyenne. Mi.-Je le sais.
De.-eho, scis, et patere? Mi.-quidni
patiar? De.-dic mihi,
Dé.-Quoi, tu le sais et tu le
tolères ? Mi.-Pourquoi ne le tolérerais-je pas ? Dé.-Dis-moi,
eho scis et patere iam et illi irascitur,
non Aeschino modo.
eho scis et patere dès lors, il est
courroucé aussi contre lui et non plus seulement contre
Eschine.
non clamas, non insanis, non...?
Mi.-malim quidem...
tu ne cries pas, tu ne deviens pas
fou, tu ne... ? Mi.-Bien sûr je préfèrerais...
non malim qvidem alii uolunt Micionem
dicere malim quidem, alii
Demeam.
non malim qvidem certains sont d'avis que
c'est Micion qui dit malim
quidem, d'autres que c'est Déméa.
De.-puer natus est... Mi.-di bene
uortant! De.-uirgo nihil habet...
Dé.-Il y a un enfant qui est né...
Mi.-Que les dieux le protègent ! Dé.-La fille n'a rien...
1 pver natvs est di bene vertant hic bono
exemplo inducitur Micio irascentem iuste Demeam leniter ferre,
quia exanimato ob maerorem non conuenit inclementer ire obuiam,
cum possit in tempore obiurgari, postquam destomachatus
fuerit. 2 Et uide quam facete, cum ille puer natus est ad argumentum mali
attulerit, hic ita respondit, quemadmodum illi, quibus puellam
nasci metuentibus nuntiatur puerum natum esse. nam in omnibus,
quae cupite euenerunt, di bene
uertant solet dici, quia saepe homines ea optauerunt,
quae illis aliter atque exspectauerunt contigissent. quam
potestatem rerum uertentium semet in utramque partem
Vertumno deo superesse
ueteres exisitimabant. 3 virgo nihil
habet uult rem sine remedio uideri, quia scit posse
nuptiis finiri sollicitudinem. 4 Et uide amaritudinem Demeae contra omnes,
ut nec uirgini ipsi parcat.
1 pver natvs est di bene vertant ici, d'une
façon bien exemplaire, on voit Micion supporter le courroux
légitime de Déméa avec bonhomie, parce qu'il n'est pas convenable
de s'opposer violemment à un homme que le chagrin met hors de lui,
dans la mesure où le moment venu on peut se le faire reprocher,
une fois que la colère est retombée. 2 Et voyez avec quel humour, alors que l'autre a dit
puer natus est en
argumentant à charge, Micion répond, comme font ceux à qui, alors
qu'ils redoutent que ne leur naisse une fille, on annonce que
c'est un garçon. Car à l'occasion de tout événement qui survient
selon nos souhaits, on a coutume de dire di bene uertant, parce que souvent
les hommes souhaitent des choses qui leur arrivent autrement
qu'ils ne l'avaient espéré. Cette faculté qu'ont les événements à
se tourner (uertere) d'un
côté ou de l'autre, c'est au dieu Vertumne (Vertumnus) que les Anciens pensaient
en confier la charge724. 3 virgo nihil habet Déméa
veut que la situation paraisse insoluble, parce qu'il sait que le
mariage peut mettre fin à tous les soucis. 4 Et voyez que Déméa a de l'amertume contre tout le
monde, au point d'être sans pitié même contre la jeune femme.
Mi.-audiui. De.-...et ducenda
indotata est. Mi.-scilicet.
Mi.-Je l'ai entendu dire. Dé.-...et
il faut l'épouser sans dot. Mi.-Evidemment.
1 avdivi ἀφελῶς et cum ἐξουθενισμῷ respondendum, quasi leue sit,
quod admissum est. 2 indotata
est171 et ducenda scilicet ne damnatus sit
Aeschinus. 3 Et hoc uerbum uim necessitatis habet, ut
«
pacem Troiano ab
r.
rege
p.
petendum
326 ».
1 avdivi c'est avec un ton simple (ἀφελῶς) et avec
désinvolture (ἐξουθενισμῷ) qu'il faut faire cette
réponse, comme si l'acte commis était une peccadille. 2 indotata est et pourtant il faut bien
l'épouser, évidemment pour éviter à Eschine d'être condamné725. 3 Et ce verbe a une
valeur d'obligation, comme dans : « pacem Troiano ab rege
petendum » (il faut demander la paix au roi Troyen)726.
De.-quid nunc futurum est? Mi.-id
enim quod res ipsa fert:
Dé.-Et maintenant, que va-t-il
arriver ? Mi.-Mais, ce qu'implique la situation :
qvid nvnc fvtvrvm more irascentium, cum
ipse dixerit quid futurum sit, Micionem interrogat. et huiuscemodi
interrogatio secundum figuram suam non habet responsionem, sed
Micio respondit quasi simpliciter inquirenti.
qvid nvnc fvtvrvm à la manière des gens en
colère, alors qu'il a lui-même dit ce qui allait se passer, il
pose la question à Micion. Et ce genre de question, conformément à
sa nature, n'appelle pas de réponse, mais Micion répond comme si
c'était une demande simple.
illinc huc transferetur uirgo.
De.-pro949 Iuppiter!
la fille va passer de cette maison-là
à celle-ci. Dé.-Par Jupiter !
1 illinc hvc transferetvr virgo uirginem quae iam cum uiro fuit
uocat. Vergilius «
ah uirgo infelix
327 ». 2 pro ivppiter istocine pacto fieri
oportet pro
Iuppiter tragice adiecit auersus, istocine pacto ad ipsum Micionem
respiciens dixit.
1 illinc hvc transferetvr virgo il appelle
uirgo (vierge) une jeune
femme qui a déjà été avec un homme. Virgile : « ah uirgo infelix »
(ah ! malheureuse jeune fille)727. 2 pro ivppiter istocine pacto fieri oportet à
la manière d'un tragique il ajoute pro Iuppiter de dos, il dit
istocine pacto à Micion
de face728.
istocine pacto fieri950
oportet? Mi.-quid faciam amplius?
Faut-il donc que ça se passe ainsi ?
Mi.-Que puis-je faire de plus ?
Dé.-Ce que tu peux faire ? Si en
réalité la chose ne te chagrine pas,
si non re ipsa istvc tibi dolet rem nunc pro ueritate posuit.
si non re ipsa istvc tibi dolet rem ici est mis pour ueritas (vérité).
simulare certe est hominis. Mi.-quin
uirginem
il est au moins humain de faire
semblant. Mi.-Mais enfin, la fille,
simvlare certe est hominis non dicit, quia
hominis est mentiri, sed quia saepe iracundiae simulatio custodia
disciplinae est.
simvlare certe est hominis il ne dit pas
cela parce que le propre de l'homme est de mentir, mais parce que
souvent la colère feinte sert à maintenir la discipline.
iam953
despondi; res composita est, fiunt nuptiae;
je l'ai obtenue ; l'affaire est
conclue, le mariage est en cours ;
1 iam despondi res composita est fivnt
nvptiae mira uarietas: despondi, res composita est, fiunt nuptiae, ne diceret despondi, composui, facio. 2 Et despondet puellam qui petit,
spondet a quo petitur;
recte ergo socer futurus despondi dixit.
1 iam despondi res composita est fivnt
nvptiae admirable variété : despondi, res composita est, fiunt nuptiae, ce qui lui évite de
dire despondi, composui (j'ai réglé), facio (je fais)729. 2 Et on parle de
despondere (demander en
fiançailles) pour celui qui fait la demande d'une jeune fille, de
spondere (fiancer) pour
celui à qui on fait la demande ; c'est donc correct pour un futur
beau-père de dire despondi.
dempsi metum omnem; haec magis sunt
hominis. De.-ceterum
j'ai dissipé toutes les craintes ;
c'est ça qui est plus humain. Dé.-Pour le reste,
1 haec magis svnt hominis bene repetit
hominis: ille enim
dixerat «
simulare certe est hominis
328 ». 2 cetervm placet tibi factvm
micio nihil aliud uolebat Demea nisi ut saeuiret Micio,
quod impetrare non potuit etiam ab eadem sentiente de prauitate et
peccato Aeschini.
1 haec magis svnt hominis il fait bien de
répéter hominis : car
Déméa avait dit « simulare certe est hominis ». 2 cetervm placet tibi factvm micio la seule
chose que voulait Déméa, c'était que Micion sévisse, ce qu'il n'a
pas réussi à obtenir même d'un homme qui a la même opinion sur la
dépravation et la faute d'Eschine.
placet tibi factum, Micio? Mi.-non,
si queam id
tu es d'accord avec ce qu'il a fait,
Micion ? Mi.-Non, si je pouvais le
mutare; nunc cum non queo, animo
aeque fero.
modifier ; mais puisque je ne le puis
pas, je le supporte avec patience.
ita uita est hominis954 quasi
cum ludas tesseris:
La vie humaine c'est comme quand on
joue aux dés :
ita vita est hominis qvasi cvm lvdas
tesseris rectum erat, si diceret ita uita est hominum quemadmodum tesseris
ludere aut quemadmodum
ludus est tesserarum. nota ergo genus locutionis.
ita vita est hominis qvasi cvm lvdas
tesseris c'était correct s'il avait dit ita uita est hominum quemadmodum tesseris
ludere (la vie des hommes est comme jouer aux dés) ou
quemadmodum ludus est
tesserarum (comme est le jeu de dés). Notez donc ce
genre d'expression730.
si illud quod maxime opus est iactu
non cadit,
si la combinaison dont on a le plus
besoin ne tombe pas,
si illvd qvod maxime opvs est iactv utrum
opus est iactu an
iactu non cadit, incerta
distinctio.
si illvd qvod maxime opvs est iactv est-ce
opus est iactu (il faut
un lancer), ou iactu non
cadit (la bonne combinaison ne tombe pas au lancer),
la ponctuation est ambiguë.
illud quod cecidit forte, id arte ut
corrigas.
alors celle qui est tombée par
hasard, il faut la corriger avec adresse.
1 illvd qvod cecidit forte id arte vt
corrigas ars adhibenda pro fortuna; non enim si male
iactus ceciderit, deserendus est ludus. 2 Et nunc forte pro fortuna intellegendum.
1 illvd qvod cecidit forte id arte vt
corrigas il faut faire preuve d'adresse à défaut de
chance ; car ce n'est pas parce qu'une mauvaise combinaison tombe
qu'il faut quitter le jeu. 2 Et ici
il faut comprendre forte
au sens de fortuna
(chance)731.
De.-corrector nempe! tua arte uiginti
minae
Dé.-Correcteur, ouais ! avec ton
adresse, c'est vingt mines
corrector quia dixit arte ut corrigas. sed moris est
iratis ab ultimo uerbo contradicentis incipere.
corrector pace que Micion avait dit
arte ut corrigas. Mais
c'est un trait de caractère des gens en colère de rebondir sur le
dernier mot de leur contradicteur.
pro psaltria periere; quae quantum
potest
qui se sont envolées pour une
musicienne ; autant que faire se peut
aliquo abicienda est; si non pretio,
gratiis.
on va devoir l'éjecter quelque part ;
et si ce n'est pas pour de l'argent, ce sera gratis.
Mi.-neque est neque illam sane studeo
uendere.
Mi.-C'est hors de question et je n'ai
nullement l'intention de la vendre.
neqve est neqve illam sane stvdeo vendere
in scrupulo uersatur Micio, in quo eligit ineptus uideri potius
quam prodat Ctesiphonem patri.
neqve est neqve illam sane stvdeo vendere
Micion se trouve dans un dilemme dans lequel il choisit de passer
pour inepte plutôt que de dénoncer Ctésiphon à son
père732.
De.-quid igitur facies? Mi.-domi
erit. De.-pro diuum fidem!
Dé.-Que vas-tu donc en faire ?
Mi.-Elle habitera à la maison. Dé.-Par tous les dieux !
meretrix et mater familias una in
domo!
Une courtisane et une mère de famille
sous un même toit !
Mi.-cur non? De.-sanum te credis
esse? Mi.-equidem arbitror.
Mi.-Pourquoi pas ? Dé.-Penses-tu être
sain d'esprit ? Mi.-Par ma foi, je le crois.
cvr non posset dicere non est Aeschini amica, sed celanda
est culpa Ctesiphonis.
cvr non il aurait pu dire "ce n'est pas la
maîtresse d'Eschine", mais il faut dissimuler la faute de
Ctésiphon.
De.-ita me di ament, ut uideo tuam
ego ineptiam,
Dé.-Que les dieux m'assistent, mais
quand je vois ta sottise,
1 ita me di ament vt video tvam ego ineptiam
ordo est: "ita me di ament, te facturum credo, ut habeas quicum
cantites". 2 Ipse se
fallit172 non inquirendo interiorem causam retentae in domo
meretricis. mire autem cantites quasi turpius sit cantare
senem cum psaltria quam coire.
1 ita me di ament vt video tvam ego ineptiam
l'ordre des mots est : "ita me di ament, te facturum credo, ut
habeas quicum cantites"733. 2 Il
se fourvoie lui-même en ne cherchant pas la cause profonde pour
laquelle on garde la courtisane à la maison. Et étrangement, il
dit cantites, comme si
c'était plus honteux pour le vieillard de chanter avec la
musicienne que de coucher avec elle734.
facturum credo ut habeas quicum
cantites.
je crois que tu veux réussir à avoir
quelqu'un avec qui pousser la chansonnette.
Mi.-cur non? De.-et noua nupta eadem
haec discet? Mi.-scilicet.
Mi.-Pourquoi pas ? Dé.-Et la jeune
mariée, elle prendra les mêmes cours ? Mi.-Evidemment.
et nova nvpta eadem haec discet alius
audiet diceret, sed o
magna in uerbis elegantia! uide enim quam uim significet
discet et ideo non
uxor, sed noua nupta, quam ad omnia docilem
esse ipsum indicat nomen.
et nova nvpta eadem haec discet un autre
aurait dit audiet (elle
écoutera), mais quel talent dans le choix des mots ! Car voyez
toute la portée du verbe discet (elle apprendra), et c'est
pourquoi il dit non pas uxor (épouse), mais noua nupta, la jeune mariée dont le
nom même indique qu'elle est docile en tout.
De.-tu inter eas restim ductans
saltabis. Mi.-probe.
Dé.-Et toi, entre elles deux, tu
danseras en tenant la corde. Mi.-Parfait.
1 tv inter eas restim dvctans saltabis lusus
est natus ab eo fune, quo introductus equus durius in Troiam est,
cum conexis manibus fune chorum ducunt saltantes. 2 Hoc a quibusdam dicitur, at ego puto manu
consertos puerorum choros puellarumque cantantes restem ducere
existimari et id maxime conuenire ad exagitandam improbitatem
senis ueluti pueros imitantis, simul etiam quia iste conexus
manuum lasciuus et petulans adimit discretionem condicionis,
dignitatis, aetatis inter meretricem, nouam nuptam et
senem. 3 Vide hoc quemadmodum dictum
est et quanto stomacho! iam ab Aeschino recessum est, iam
transitum ad Micionis luxuriam describendam.
1 tv inter eas restim dvctans saltabis le jeu
vient de cette corde grâce à laquelle fut introduit avec beaucoup
de difficulté le cheval dans la ville de Troie, lorsqu'en chantant
ils mènent un chœur avec une corde à laquelle s'accrochent toutes
les mains735. 2 C'est ce que
disent certains, mais moi je crois que ce sont des chœurs de
garçons et de filles qui se tiennent pas la main et qui,
pense-t-on, tirent une corde, et cela convient bien pour mettre en
valeur la débauche du vieillard en train d'imiter des enfants,
d'autant également que cette chaîne lascive et grivoise de mains
jointes abolit les différences de statut, de dignité et d'âge
entre la courtisane, la jeune mariée et le vieillard. 3 Voyez comme cela est dit, et avec quelle
colère ! Maintenant on a quitté Eschine, maintenant on est passé à
la description de la débauche de Micion.
De.-probe? Mi.-et tu nobiscum una, si
opus sit. De.-ei mihi!
Dé.-Parfait ? Mi.-Et toi aussi, avec
nous, si nécessaire. Dé.-Pauvre de moi !
non te haec pudent? Mi.-iam uero
omitte, Demea,
Ces choses ne te font pas honte ?
Mi.-Laisse tomber, Déméa,
iam vero omitte demea mire urbanitatem
expressit ultro obiurgantis qui obiurgatus est.
iam vero omitte demea il exprime
remarquablement le caractère spirituel de celui qui fait de son
propre chef une remontrance après avoir été l'objet de
remontrances.
tuam istam iracundiam, atque
ita955 uti decet
le courroux qui est le tien, et comme
il convient
1 tvam istam iracvndiam tuam istam dicendo ridiculam et
superuacuam significat. 2 Et bene iracundiam, nam ira de causa est, iracundia de uitio multum
irascentis. 3 atqve vti decet hilarem et
libentem bene addidit et
libentem: multi enim hilares simulantes se non
libentes sunt.
1 tvam istam iracvndiam en disant tuam istam, il veut dire "ridicule"
et "superflu". 2 Et iracundia est bien choisi, car
ira (colère) se dit d'une
circonstance, iracundia
(caractère coléreux) du défaut de celui qui s'irrite
beaucoup736. 3 atqve vti decet
hilarem et libentem il fait bien d'ajouter et libentem : car beaucoup de gens
font semblant d'être joyeux sans être vraiment de bonne
humeur.
hilarum956 ac libentem fac te in gnati
nuptiis.
montre-toi joyeux et de bonne humeur
pour les noces de mon fils.
1 hilarvm uetuste, non hilarem. 2 fac te non dixit esto, sed: "elabora ut esse
possis".
1 hilarvm les Anciens disent ainsi, et non
pas hilarem737. 2 fac te il ne dit pas esto (sois), mais : "fais un effort
pour pouvoir l'être".
ego hos conuenio; post huc redeo.
De.-o Iuppiter!
Pour ma part, je vais aller les
chercher, puis je reviens ici. Dé.-Par Jupiter !
hancine uitam! hoscine mores! hanc
dementiam!
quel mode de vie ! quelles mœurs !
quelle folie !
hancine vitam hoscine mores hanc dementiam
ἐλλειπτικῶς
omnia utpote stomachatus secum loquens: deest enim esse aut quid tale.
hancine vitam hoscine mores hanc dementiam
tout en ellipse (ἐλλειπτικῶς), comme un homme en colère
qui se parle à soi-même : car il manque le verbe être ou quelque chose de ce
genre.
uxor sine dote ueniet, intus psaltria
est,
Une épouse sans dot va venir ici, une
musicienne s'y trouve déjà,
domus sumptuosa, adulescens luxu
perditus,
la maison gaspille, le jeune homme
est un débauché accompli,
domvs svmptvosa domus id est homines.
domvs svmptvosa domus c'est-à-dire les
habitants.
senex delirans: ipsa si cupiat
Salus,
le vieux est en plein délire : même
si la déesse Salus en personne le souhaitait,
1 ipsa si cvpiat salvs servare prorsvs non
potest σωματοποιΐα. Plautus «
libentiorem te faciam quam Libentia est
329 ». etenim ὑπερβολή est ipsa Salus si cupiat, prorsus non potest
seruare hanc familiam. 2 Hinc licet aestimare, quantum et coloris et
grauitatis apud Terentium sit ad imitationem Caecilii; nam uide
quantum creuerit a superioribus, ut sic finiret!
1 ipsa si cvpiat salvs servare prorsvs non
potest personnification (σωματοποιΐα). Plaute : « libentiorem te
faciam quam Libentia est » (je te ferai plus fervent que
Libentia). Et de fait, il y a hyperbole (ὑπερβολή) : ipsa Salus si cupiat, prorsus non potest
seruare hanc familiam. 2 On peut juger de là quelle densité de couleur et
de sérieux il y a chez Térence dans l'imitation de Cécilius ; car
voyez comme il y a une progression par rapport à ce qui précède,
pour finir de la sorte !
seruare prorsus non potest hanc
familiam.
elle ne pourrait pas sauver cette
famille.
Actus quintus
scaena prima
Syrus Demea
Sy.-edepol Syrisce, te curasti
molliter,
Sy.-Nom d'un chien, mon petit Syrus,
tu t'es gentiment traité,
1 edepol syrisce hic exemplum inducitur
licentiae seruorum sub miti domino. 2 edepol syrisce te cvrasti molliter quia
detegi Ctesiphonem iam oportet, ebrius inducitur Syrus, per cuius
fallacias tegitur adhuc. 3 Et Syriscum se dicit, non Syrum, τῷ ὑποκορίσματι. 4 molliter delicate.
1 edepol syrisce on montre dans ce passage un
exemple de l'insolence des esclaves qui servent sous un maître
indulgent. 2 edepol syrisce te cvrasti
molliter comme il faut désormais que Ctésiphon soit
découvert, c'est en état d'ébriété qu'arrive Syrus, dont les ruses
l'ont jusqu'ici couvert. 3 Et il se
désigne du nom de Syriscus, non de Syrus, avec diminutif affectueux
(τῷ
ὑποκορίσματι). 4 molliter
délicatement.
lauteque munus administrasti
tuum,
et tu as joliment administré ta
charge.
1 lavteqve mvnvs administrasti tvvm ut «
quicquid esset bellissimum carperes cyathosque
sorbilares
330 ». 2 Aut munus seruile: esse et bibere.
1 lavteqve mvnvs administrasti tvvm au point
de prendre tout ce qu'il y avait de plus joli et de déguster des
coupes738. 2 Ou alors il
s'agit de la tâche de l'esclave (munus) : manger et boire.
abi. sed, postquam intus sum omnium
rerum satur,
Allez ! Mais maintenant que je suis
rentré, gavé de tout,
abi uerbum uel sibi uel alteri cum
laudatione blandientis. nam sic dicunt, qui iam compotes sunt
uotorum omnium perfectique in rebus uniuersis.
abi c'est un mot d'encouragement avec
louange, soit à soi-même soit à un autre. Car c'est ce qu'on dit
quand on a réalisé ses souhaits et qu'on a bien fait toutes ses
affaires.
prodeambulare huc libuit. De.-illud
sis uide
j'ai voulu faire un petit tour par
ici. Dé.-Viens voir ça, s'il te plaît,
1 prodeambvlare nota duas praepositiones uni
dictioni adiunctas, ut «
pede prosubigit terram
331 » et «
ἀμφιπερικρήνην
332 ». 2 Et opportune ad delicias exprimendas hoc
uerbum conuenit, nam procedere
segnem prodeambulare significat. nam
deambulare etiam intus
potuit.
1 prodeambvlare notez qu'il y a deux
prépositions accolées dans un seul mot739, comme
dans : « pede prosubigit terram » (de son pied il ameublit la
terre)740 et « ἀμφιπερικρήνην » (tout
autour d'une source)741. 2 Et ce
verbe convient de façon opportune pour exprimer des choses
agréables, car prodeambulare signifie "marcher sans
avoir rien à faire". Car pour ce qui est de déambuler (deambulare), il aurait pu le faire
en restant chez lui742.
exemplum disciplinae! Sy.-ecce autem
hic adest
modèle de discipline ! Sy.-Tiens,
voici ici
1 exemplvm disciplinae quia unus ex multis
reliquis. 2 An quia senior et nuper
etiam paedagogus, ut ipse ait «
quem ego modo puerum tantillum in manibus gestaui
meis
333 »?
1 exemplvm disciplinae parce qu'il est l'un
parmi beaucoup d'autres. 2 Ou est-ce
parce qu'il est âgé et que récemment encore il était esclave
pédagogue, comme il le dit lui-même : « quem ego modo puerum
tantillum in manibus gestaui meis » ?
senex noster. quid fit? quid tu es
tristis? De.-oh scelus!
notre vieillard. Comment va ?
Pourquoi cette mine sinistre ? Dé.-Oh le scélérat !
qvid fit qvid tv es tristis mire
securitatem ebrii expressit: numquid enim pertimescit interuentum
senis, ut solebat, Syrus aut quicquam praecauet? subblanditur
tantum et ita rerum oblitus est, ut cum eum saeuum sciat, causam
tristitiae eius inquirat.
qvid fit qvid tv es tristis remarquable
manière d'exprimer l'impunité que ressent celui qui est ivre : car
en quoi Syrus craint-il les interventions du vieillard, qu'il
craint d'habitude, ou quelles précautions prend-il ? Il se
contente de faire de menus cajoleries et a tellement tout oublié
que, alors qu'il sait Déméa méchant, il lui demande pourquoi il
est sinistre.
Sy.-ohe iam, tu uerba fundes957
hic, sapientia!
Sy.-Holà ! te voici prêt à répandre
ici des flots de parole, ô sagesse !
1 tv verba fvndes hic sapientia sapientia uerba an tu sapientia, quia dixit supra
«
tu quantus quantus es, nihil nisi sapientia es
334 »? 2 fvndes utrum: "sine ulla
cessatione proferes", an: "perdes", secundum illud «
nam quid tu agas, ubi si quid bene praecipias, nemo
obtemperat
335 »?
1 tv verba fvndes hic sapientia est-ce
sapientia uerba (de sages
paroles), ou tu sapientia
(toi, la sagesse incarnée), vu qu'il a dit ci-dessus :« tu
quantus quantus es, nihil nisi sapientia es »743 ? 2 fvndes
est-ce : "tu parleras sans aucune trève", ou : "tu laisseras se
perdre", conformément à sa réplique : « nam quid tu agas, ubi si
quid bene praecipias, nemo obtemperat » ?
De.-tun si meum esses... Sy.-dis
quidem esses, Demea,
Dé.-Toi, si tu étais à moi...
Sy.-Alors tu serais riche, Déméa,
dis qvidem esses demea ab eo quod est
dis ditis dites facit, ab eo quod est
diues diuitis diuites.
dis qvidem esses demea de la forme
dis on a ditis et dites, de la forme diues on a diuitis et diuites744.
ac tuam rem constabilisses.
De.-...exempla omnibus
et tu aurais consolidé ton bien.
Dé.-...des exemples pour tous,
curarem ut essent! Sy.-quamobrem?
quid feci? De.-rogas?
je me débrouillerais pour qu'il y en
ait ! Sy.-Pourquoi ? Qu'ai-je fait ? Dé.-Cette question !
1 qvamobrem qvid feci nihil nunc in Syro nisi
purum et simplex est ob ebrietatem. 2 Et uide quamobrem? quid feci? dicere non
esse sobrii Syri.
1 qvamobrem qvid feci il n'y a plus chez
Syrus que sincérité et franchise, en raison de son
ivresse. 2 Et voyez que dire
quamobrem ? quid feci ?
n'est pas dans la manière d'un Syrus à jeun745.
in ipsa turba atque in peccato
maximo,
En pleine tourmente, après une faute
gravissime
in ipsa tvrba non minus ridicula
importunitas Demeae est quam ebrietas Syri, qui aduersum
temulentum tantae grauitatis oratione personat, ut ex dicentis
uultu uerbisque et ex audientis habitu et stupore magnam
uoluptatem percipiant spectatores. uide enim, quanto pondere
uerborum cum ebrio litiget!
in ipsa tvrba le caractère pénible de Déméa
n'est pas moins risible que l'ivresse de Syrus ; Déméa, face à
l'esclave éméché, fait résonner des propos si sérieux que de la
physionomie et des paroles du locuteur comparées à l'attitude et à
la stupeur de l'auditeur naît un grand plaisir chez les
spectateurs. Voyez en effet quel poids il met dans ses mots pour
rivaliser avec l'ivrogne !
quod uix sedatum satis est,
potastis958, scelus,
qui n'est pas bien réparée encore,
vous vous êtes soûlés, scélérat,
potastis scelvs non quia plus uidet quam
obicitur oculis, sed oratorie potastis dixit, cum unum ebrium
cernat, propter illud quod ait «
exemplum disciplinae
336 », quasi in omnibus sit, quod in uno nunc aspicitur.
Vergilius «
et crimine ab
u.
uno
d.
disce
o.
omnis
337 ».
potastis scelvs ce n'est pas que le
vieillard voie plus que ce qui s'offre à ses yeux, mais c'est de
façon oratoire qu'il utilise le pluriel potastis, bien qu'il ne voie qu'un
seul ivrogne, à cause de sa formule « exemplum disciplinae »,
comme si tous avaient en eux ce qu'on distingue dans un seul
exemplaire. Virgile : « et crimine ab uno disce omnis » (et d'un
seul crime apprends à connaître tous les Grecs).
quasi re bene gesta! Sy.-sane nollem
hunc959 exitum.
comme si tout allait bien !
Sy.-J'aurais préféré ne pas faire cette sortie !
sane nollem hvnc exitvm et hoc dictum
obliti omnium rerum est nihil Demeae per fallaciam respondisse,
sed tantummodo paenitet quod exierit.
sane nollem hvnc exitvm et cette parole de
celui qui a tout oublié veut dire qu'il n'a rien répondu à Déméa
par ruse mais seulement qu'il regrette d'être sorti.
scaena altera
Syrus Demea Dromo
Dr.-heus, Syre! rogat te Ctesipho ut
redeas. Sy.-abi!
Dr.-Hé, Syrus ! Ctésiphon te demande
de rentrer. Sy.-Fiche le camp !
1 hevs syre quam clare dicat, ostenditur ex
eo, quod heus praemisit,
antequam loqueretur. 2 ctesipho
mire additum nomen, cum aut sine hoc aut per pronomen possit
intellegi Ctesipho. 3 vt redeas
redeas dicendo ostendit
et illum inter pocula, a quo egressus est ebrius.
1 hevs syre il le dit à haute voix ; cela se
remarque au fait qu'il commence par heus avant de
parler746. 2 ctesipho il ajoute bizarrement le nom
propre, alors qu'on pourrait comprendre sans cette précision ou
avec un pronom, qu'il s'agit de Ctésiphon747. 3 vt redeas en disant redeas, il montre que celui de chez
qui il est sorti éméché est lui aussi entre deux verres.
De.-quid Ctesiphonem hic narrat?
Sy.-nihil. De.-eho, carnufex!
Dé.-Qu'est-ce qu'il raconte avec son
Ctésiphon ? Sy.-Rien. Dé.-Eh, boucher !
est Ctesipho intus? Sy.-non est.
De.-cur hic nominat?
Est-ce que Ctésiphon est là ?
Sy.-Non. Dé.-Pourquoi dit-il son nom, alors ?
Sy.-est alius quidam parasitaster
paululus,
Sy.-C'en est un autre, un petit
parasitoïde,
1 est alivs qvidam parasitaster pavlvlvs non
alius parasitaster sed
alius Ctesipho, qui est
parasitaster. 2 Et bene non alter sed alius, quasi non duo sed multi sint
Ctesiphones. 3 Et hoc sic pronuntiandum est, ut simul et
dicat et quaerat.
1 est alivs qvidam parasitaster pavlvlvs non
pas "un autre parasitoïde", mais "un autre Ctésiphon, qui est
parasitoïde". 2 Et il fait bien de
dire non pas alter (le
deuxième) mais alius (un
autre), comme s'il y avait non pas deux mais plusieurs
Ctésiphon. 3 Et il faut prononcer
cela à la fois comme une assertion et comme une question.
nostin...? De.-iam scibo. Sy.-quid
agis? quid960 abis? De.-mitte me.
tu le connais... ? Dé.-J'en aurai le
cœur net. Sy.-Que fais-tu ? Où vas-tu ? Dé.-Oublie-moi.
1 nostin quasi sycophanta addidit nostin?, nam ueteratoris est
mentientem confidere. 2 qvid agis qvid
abis hoc iam ebrio conuenit, non illi quam cognouimus
Syro; nam quod retinet senem, confessionis genus est.
1 nostin c'est presque en dénonciateur qu'il
ajoute nostin ?, car
c'est le propre d'un vieux routier que d'être sûr de soi tout en
mentant. 2 qvid agis qvid abis c'est
une réplique qui convient à un ivrogne, non au Syrus que nous
connaissons ; car sa tentative pour retenir le vieillard est une
forme d'aveu.
Sy.-noli inquam. De.-non manum
abstines, mastigia?
Sy.-N'y va pas, dis-je. Dé.-Tu ne vas
pas me lâcher, fouettard ?
non manvm abstines mastigia etiam
iniecissse manum, ut teneret Demeam, ex ipsius uerbis
cernitur.
non manvm abstines mastigia il a même mis
la main sur Déméa pour le retenir, on le voit des mots de Déméa
lui-même.
an tibi iam mauis cerebrum dispergam
hic? Sy.-abiit961.
Ou préfères-tu que je fasse du jus de
cervelle ici ? Sy.-Il est parti.
1 an tibi iam mavis cerebrvm dispergam hic ut
apparet, baculo minatur. 2 abiit quia
prohibere non potuit, demisso et desperanti uultu quid factum sit
dicit et abiisse pronuntiat.
1 an tibi iam mavis cerebrvm dispergam hic
comme il appert, il le menace de son bâton748. 2 abiit comme
il n'a pas réussi à l'empêcher, il dit avec le visage baissé et
désespéré ce qui vient de se passer et annonce que le vieux est
parti.
edepol comessatorem962
haud sane commodum,
Fichtre, le convive vraiment pas
commode que voilà,
edepol comessatorem havd sane commodvm
facete τῷ
χλευασμῷ: tam inopinatus superuenit, ut omnia sic
offendat, quemadmodum qui comessatum ingreditur, quia comessatoris
est superuenire ad scortum et uociferare aliquid in iocularem
strepitum. quare totum salse ad Demeam contulit.
edepol comessatorem havd sane commodvm
amusant, avec une raillerie (τῷ χλευασμῷ) : il est arrivé si
inopinément, qu'il bouscule tout comme quelqu'un qui vient pour
faire la fête, parce que c'est le propre d'un fêtard d'arriver à
l'improviste chez une prostituée et de faire quelque tapage en
criant des plaisanteries salaces. C'est pourquoi c'est spirituel
de rapporter tout cela à Déméa.
praesertim Ctesiphoni! quid ego nunc
agam,
et surtout pour Ctésiphon ! Et moi,
que dois-je faire maintenant,
praesertim ctesiphoni bona exceptio, ut
appareat omnibus incommodum et in his Aeschino, sed praecipue
Ctesiphoni.
praesertim ctesiphoni bonne mise en
vedette, pour qu'on voie bien que s'il est pénible à tous et
notamment à Eschine, il l'est principalement à Ctésiphon.
nisi, dum hae silescunt turbae,
interea in angulum
sinon, en attendant que ce vacarme se
calme un peu, trouver quelque recoin
nisi dvm hae silescvnt tvrbae non quae iam
sunt, sed quae erunt.
nisi dvm hae silescvnt tvrbae non pas le
vacarme actuel, mais le futur.
aliquo abeam atque edormiscam hoc
uilli? sic agam.
où me retirer et cuver un peu ce
petit coup de vin ? C'est ce que je vais faire.
hoc villi ὑποκόρισμα est uini, ut unus ullus, asinus asellus, uannus uallus, suinus suillus.
hoc villi c'est le diminutif (ὑποκόρισμα) de
uinum (vin), comme on a
unus ullus (un, quelque), asinus asellus (âne, ânon), uannus uallus (panier à vanner, corbeille à
vanner), suinus
suillus
(porcin)749.
scaena tertia
Demea Micio
787 | 788 | 789 | 790 | 791 | 792 | 793 | 794 | 795 | 796 | 797 | 798 | 799 | 800 | 801 | 802 | 803 | 804 | 805 | 806 | 807 | 808 | 809 | 810 | 811 | 812 | 813 | 814 | 815 | 816 | 817 | 818 | 819 | 820 | 821 | 822 | 823 | 824 | 825 | 826 | 827 | 828 | 829 | 830 | 831 | 832 | 833 | 834 | 835 | 836 | 837 | 838 | 839 | 840 | 841 | 842 | 843 | 844 | 845 | 846 | 847 | 848 | 849 | 850 | 851 | 852 | 853 | 854
Mi.-parata a nobis sunt ita ut dixi,
Sostrata:
Mi.-Tout est prêt de notre côté,
comme j'ai dit, Sostrata :
1 parata a nobis svnt ita vt dixi sostrata in
hac scaena collatio est personarum mitis ac saeui
parentis. 2 parata a nobis svnt de
uerbis abeuntis uult ostendere poeta, quam orationem cum Sostrata
habuerit ingressus Micio. 3 Et uide quas ἐλλείψεις interposuerit: primo parata a nobis sunt et non
dixit quae, sed ut
dixi dicendo, significat dixisse se omnia; deinde
«
ubi uis
338 »: fiant
nuptiae uel quid tale aut omisit aut dicturus hoc
ipsum audit uehementius fores esse pulsatas et quod agebat
abiecit.
1 parata a nobis svnt ita vt dixi sostrata
dans cette scène, il y a comparaison des personnages de père, l'un
doux et l'autre sévère. 2 parata a nobis
svnt à propos de la réplique du personnage qui entre en
scène750, le
poète veut faire comprendre quelle conversation avait Micion avec
Sostrata au moment d'arriver. 3 Et
voyez quelles ellipses (ἐλλείψεις) il a laissées : d'abord
parata a nobis sunt sans
dire de quoi il parle, mais en disant ut dixi il marque qu'il a déjà tout
dit ; ensuite « ubi uis » : il passe sous silence fiant nuptiae (que le mariage se
fasse) ou quelque chose de ce genre, ou alors il s'apprêtait à le
dire quand il entend qu'on frappe à grands coups à la porte et
abandonne l'énoncé qu'il entreprenait.
ubi uis... quisnam a me pepulit tam
grauiter fores?
quand tu veux... Mais qui donc a
claqué si fort la porte de chez moi ?
1 qvisnam a me pepvlit a me modo id est meas. 2 tam graviter quia irati omnia concite
faciunt, cum pulsandae fores essent exituro foras, Demea sic eas
pulsauit, ut et his ipsis irasci uideretur.
1 qvisnam a me pepvlit il dit seulement
a me, c'est-à-dire
meas (ma
porte). 2 tam graviter comme les
gens en colère font tout de façon impulsive, alors qu'il devait
claquer la porte de Micion au moment de sortir de la
maison751, Déméa la claque d'une telle façon
qu'on a l'impression qu'il est en colère y compris contre la
porte.
De.-ei mihi, quid faciam? quid agam?
quid clamem aut querar?
Dé.-Hélas, pauvre de moi ! Que
faire ? Comment agir ? Que crier ? Quelles plaintes exhaler ?
1 ei mihi qvid faciam qvid agam qvid clamem avt
qverar o caelvm o terra o maria neptvni multum laborauit
Terentius, ut ἀναλογίαν
seruaret in dolore Demeae, quod maior debet in
Ctesiphone esse reprehensio quam in delictis Aeschini. 2 Et nota, quod ubi non
inuenit quid dignum loqueretur, ab interiectione coepit ei mihi. et adhuc cum pro rei
magnitudine oratio parua esset, quid
faciam? inquit; in alieno indignatus est, in suo
quid faciam? ait; in
alieno litigauit, hic ait quid
agam?; in alieno clamauit et questus est, quid huic in
suo relinquitur praeter διαπόρησιν? in Aeschini peccato Micionem
accusauit, in Ctesiphonis elementa cum dis omnibus ac toto
mundo. 3 Mira αὔξησις, quam imitatus
Vergilius in Orpheo post amissam rursus Eurydicen «
quid faceret?
339 », inquit; omnia enim consumpserat primus dolor. «
quo se rapta bis coniuge ferret?
340 » nam quid praeter omnes terras atque inferos loci
remanebat, quod non lugeret? «
quo fletu Manes
341 »173 per quem fletum manes, qui
omnes primis luctibus impleuerat lacrimis, «
quae numina uoce moueret?
342 », cui nec ira quidem remanserat inexperta. 4 Et uide hic gradus doloris
et iracundiae in tantum auctos, ut iam crescere non possint.
quippe in initio fabulae tantum tristis est Demea, nam sic audit a
Micione «
quid tristis es?
343 » et ipse «
rogas me, ubi nobis Aeschinus siet? quid tristis ego
sim?
344 » inde Demea procedit in peius adeo, ut sic incipiat
«
disperii! Ctesiphonem audiui filium una fuisse in
raptione cum Aeschino
345 », inde postea dicit «
ne ego homo sum infelix
346 », ad postremum ei mihi!
quid faciam? quid agam? et naturali quodam modo
postquam summus furor ad extrema peruenit, repente senex mutatur
et mitis est.
1 ei mihi qvid faciam qvid agam qvid clamem avt
qverar o caelvm o terra o maria neptvni Térence a beaucoup
œuvré à préserver la proportion (ἀναλογία) dans l'affliction de Déméa,
parce que les reproches qu'il fait à Ctésiphon doivent être plus
grands qu'à l'égard des fautes d'Eschine. 2 Et notez que, faute de trouver des mots adaptés,
il commence par l'interjection ei
mihi. Et comme ici encore, étant donné la gravité de
la situation, le discours est faible, il dit quid faciam ? ; il a trouvé des mots
indignés dans le cas du fils de son frère, dans le cas du sien il
dit quid faciam ? ; il a
fait un réquisitoire à propos du fils de son frère, ici il dit
quid agam ?752 ; dans le cas du fils de son frère, il a hurlé
et poussé des plaintes, que lui reste-t-il dans le cas du sien
hormis l'embarras (διαπόρησις) ? Pour la faute d'Eschine, il
a accusé Micion, pour celle de Ctésiphon, les éléments en même
temps que tous les dieux et l'univers entier. 3 Remarquable amplification (αὔξησις), que Virgile a
imitée dans le passage d'Orphée, une fois qu'il a perdu Eurydice
pour la deuxième fois753 : « quid faceret ? » (que pouvait-il
faire ?), dit-il ; de fait, son premier deuil avait déjà tout
consumé. « Quo se rapta bis coniuge ferret ? » (où pourrait-il
bien porter ses pas, maintenant que son épouse lui était ravie une
seconde fois ?) : car quel endroit restait-il, en dehors de la
terre entière et des Enfers, pour ne pas s'affliger ? « Quo fletu
Manes... » (de quelle déploration les Mânes...), au moyen de
quelle déploration pourrait-il ébranler les Mânes, lui qui les
avait déjà tous couverts de ses larmes lors du premier deuil ?
« quae numina uoce moueret ? » (quels dieux pourrait-il émouvoir
de sa voix ?), lui qui n'avait laissé aucune forme de colère sans
l'essayer754. 4 Et
observez qu'ici755 les
degrés de l'affliction et de la colère sont arrivés au point où
ils ne peuvent plus grandir756. De fait, au début de la pièce Déméa est
seulement morose, car il se fait dire par Micion : « quid tristis
es ? », et lui-même dit : « rogas me, ubi nobis Aeschinus siet ?
quid tristis ego sim ? » ; puis Déméa aggrave son cas, en
commençant ainsi : « disperii ! Ctesiphonem audiui filium una
fuisse in raptione cum Aeschino » ; puis plus tard il dit : « ne
ego homo sum infelix » ; et pour finir : ei mihi ! quid faciam ? quid
agam ? et par une sorte de biais naturel, après que sa
fureur extrême est allée à son paroxysme, soudain le vieillard
change et devient affable.
o caelum, o terra, o maria Neptuni!
Mi.-em tibi!
O ciel, ô terre, ô mers de Neptune !
Mi.-A ton tour !
1 o caelvm o terra o maria neptvni quod
medius sit Neptunus inter caelum et inferos, dum utriusque regni
particeps est, habetur elementorum potior omnium. nam ideo
tridentem habet pro numero trium elementorum, et apud Vergilium
idcirco dicit «
iam caelum terramque
m.
meo
s.
sine
n.
numine
,
u.
uenti
,
m.
miscere
347 » et apud Homerum sic idem «
γαῖα δ᾽ ἔτι ξυνὴ
πάντων καὶ μακρὸς Ὄλυμπος
348 ». 2 Et hoc est, quod ait Horatius in arte
poetica «
interdum tamen et uocem comoedia tollit
349 ». 3 In haec enim tria
rerum natura diuiditur, ut «
principio maria ac terras
c.
caelumque
p.
profundum
350 », et per hoc totum mundum accusauit. 4 o caelvm o terra o maria neptvni utrum de
eo elementa inuocat, quia dis quoque irascitur qui in his
commorantur, ut dolentes solent, an, quia deos esse non putat,
ideo haec omnia Neptuni dicit, quasi dicturus esset Neptuni fiant, nisi intercederet
persona Micionis, quem uidens ad aliud conuersus desiit diluuium
et interitum rebus optare obiecto fratre, cui maxime irascitur et
propter quem detestabatur omnia? tale est apud Vergilium «
omnia uel medium fiat mare
351 ». an omnia accusat, ut indignantes solent? ut «
quem non incusaui amens hominumque deorumque?
352 » et «
atque deos atque
a.
astra
u.
uocat
c.
crudelia
m.
mater
353 ». 5 em tibi τῷ ἰδιωτισμῷ: nulli
enim tibi Micio
loquitur.
1 o caelvm o terra o maria neptvni du fait
que Neptune est au milieu du ciel et des Enfers, en étant partie
prenante des deux royaumes, il est considéré comme le maître de
tous les éléments. Et c'est la raison pour laquelle il a un
trident, symbolisant les trois éléments, et chez Virgile, il dit
pour cette raison : « iam caelum terramque meo sine numine, uenti,
miscere » (voilà que le ciel et la terre, sans mon autorisation,
vents, vous osez les mélanger ?) et chez Homère, le même Neptune
s'exprime ainsi : « γαῖα
δ᾽ ἔτι ξυνὴ πάντων καὶ μακρὸς Ὄλυμπος » (la Terre
encore, commune à tous, et le grand Olympe). 2 Et c'est ce que dit Horace dans L'Art
poétique : « interdum tamen et uocem comoedia tollit »
(parfois pourtant, même la comédie pousse sa
voix)757. 3 Car c'est en ces trois éléments que la Nature se
divise, comme dans : « principio maria ac terras caelumque
profundum » (d'abord les mers, les terres et le ciel profond)758, et en disant cela, c'est l'univers
entier qu'il accuse. 4 o caelvm o terra o
maria neptvni est-il en train d'invoquer les éléments
parce qu'il est en colère aussi contre les dieux qui y résident,
comme le font souvent ceux qui se plaignent, ou bien parce qu'il
ne croit pas à l'existence des dieux et qu'il dit que tout
appartient à Neptune comme s'il avait été sur le point de dire
Neptuni fiant (mettons ça
sur le compte de Neptune)759, si le personnage de Micion ne l'avait interrompu,
car en le voyant après s'être tourné dans une autre direction, il
cesse de souhaiter le déluge et la fin du monde en face de son
frère, contre qui il est le plus en colère et à cause de qui il
détestait l'univers ? Chez Virgile on a quelque chose de
comparable : « omnia uel medium fiat mare » (que tout soit la
haute mer, soit !). Ou bien accuse-t-il l'univers, comme le font
d'ordinaire les gens indignés ? Ainsi : « quem non incusaui amens
hominumque deorumque ? » (qui dans ma démence n'ai-je pas
incriminé des hommes et des dieux ?), et : « atque deos atque
astra uocat crudelia mater » (la mère en appelle aux dieux et aux
astres cruels). 5 em tibi
particularisme (τῷ
ἰδιωτισμῷ) : de fait, Micion ne s'adresse à personne en
disant tibi.
resciuit omnem rem: id nunc clamat.
scilicet963,
Il sait toute l'affaire : voilà
pourquoi il crie. A l'évidence,
id nvnc clamat id ob
id.
id nvnc clamat id pour ob id (à cause de cela).
paratae lites: succurrendum est.
De.-eccum adest
le procès est ouvert : il faut porter
secours. Dé.-Le voici,
1 paratae lites uidetur et ipse pertimuisse
dicendo scilicet paratae
lites, sed ut rursus confirmet se ipsum, succurrendum est ait. 2 Et svccvrrendvm Ctesiphoni
scilicet.
1 paratae lites il semble avoir lui-même de
l'appréhension en disant scilicet
paratae lites, mais pour se rassurer lui-même, il dit
succurrendum
est. 2 Et svccvrrendvm
à Ctésiphon implicitement.
communis corruptela nostrum
liberum!
le débaucheur commun de nos
enfants !
1 commvnis corrvptela nostrvm libervm qui
communiter ambos corruperit. 2 commvnis corrvptela nostrvm libervm maior
est accusatio ista quam prior, quippe cum iam modo de ambobus
accusetur Micio et non de uno.
1 commvnis corrvptela nostrvm libervm celui
qui les a corrompus ensemble tous les deux. 2 commvnis corrvptela nostrvm libervm cette
accusation est plus grave que la précédente, dans la mesure où
c'est pour les deux ensemble que Micion est accusé, non pour un
seul.
Mi.-tandem reprime iracundiam atque
ad te redi.
Mi.-Réfrène donc ton courroux et
reviens à toi.
1 tandem reprime iracvndiam mire, quia
reprehendere irascentem non potest, nimietatem reprehendit
irati. 2 Et ira de causa est, iracundia de moribus. 3 atqve ad te redi quia ira ab eo quod est ire dicitur, quod a se eat qui
irascitur et furit. 4 Et proprie ad
te redi, ut Vergilius «
uerum ubi nulla
f.
fugam
r.
reperit
f.
fallacia
,
u.
uictus
ad se redit
354 » et Cicero «
redit ad se atque ad mores suos
355 ».
1 tandem reprime iracvndiam de façon
remarquable, faute de pouvoir s'en prendre à celui qui est en
colère, il s'en prend au degré excessif de sa colère. 2 Et la colère (ira) est un trait de circonstance,
l'irascibilité (iracundia) est un trait de
caractère760. 3 atqve ad te
redi parce que le mot ira (colère) vient du verbe
ire (aller), parce que
celui qui se met en colère et est fou furieux s'éloigne de
lui-même761. 4 Et il dit au sens propre ad te redi, comme Virgile : « uerum
ubi nulla fugam reperit fallacia, uictus ad se redit »762 (mais comme aucune ruse n'a trouvé
d'échappatoire, vaincu il se rend à soi-même) et Cicéron : « redit
ad se atque ad mores suos » (il revient à lui et à son
caractère).
De.-repressi, redii, mitto maledicta
omnia;
Dé.-Je l'ai réfréné, je suis revenu à
moi, je laisse tomber toutes les injures ;
repressi redii non quid dicatur, sed quo
gestu dicatur specta et uidebis neque repressisse adhuc iracundiam
neque ad se rediisse Demeam. sed quam mira perspicuaque moralitas
in huiuscemodi rebus apparet!
repressi redii ce n'est pas ce qu'il dit,
mais avec quel geste il le dit qu'il faut examiner, et vous verrez
que Déméa n'a pas encore réfréné son courroux et qu'il n'est pas
revenu à lui. Mais quelle remarquable caractérologie on a ici, et
comme elle est bien vue dans une situation de ce genre !
rem ipsam putemus. dictum hoc inter
nos fuit
pensons à l'affaire elle-même. Il a
été décidé entre nous
1 rem ipsam pvtemvs uidetur paulo ocius
destomachatus quam res etiam174 incerta poscebat. sed et hoc morale, nam iuste irati
omissa saeuitia ad ratiocinationes saepe festinant. et praeterea
illud accedit, quod non inuenit iam quod condigne dicat, simul
etiam quia increpitus est a fratre, quod apud se ipsum ipse iam
non sit per iracundiam uehementem. 2 rem ipsam pvtemvs "tractemus", "purgemus".
nam hinc et putamina
dicta sunt purgamenta, ut Plautus in Captiuis ait «
nucleum amisi, retinui pignoris putamina
356 ». et Vergilius «
multa putans
357 » dixit. putare
est enim falsa et cassa a ueris et utilibus resecare, unde arborum
purgatores putatores
dicuntur. 3 Et rem causam ipsam ostendit, ut «
mitte ista atque ad rem redi
358 ».
1 rem ipsam pvtemvs il semble avoir décoléré
un peu plus vite que la situation, toujours bien indécise, ne
l'exigeait. Mais même ce trait est conforme à son caractère, car
ceux qui ont un juste motif de colère, mettant de côté leur
hargne, tâchent assez vite de se raisonner. Et en outre s'ajoute
le fait qu'il ne trouve rien à dire qui soit en rapport avec la
situation, et aussi que son frère lui reproche de ne pas être
revenu à lui à cause de la violence de sa colère. 2 rem ipsam pvtemvs "traitons-la",
"purgeons-la". Car c'est de là que vient aussi le mot putamina (déchets de branchages)
pour désigner des immondices (purgamenta), comme dit Plaute dans
Les Captifs : « nucleum amisi, retinui pignoris
putamina »763 (j'ai perdu
l'amande, j'ai gardé les déchets en gage). Et Virgile dit : "multa
putans" (absorbé dans ses pensées). Car putare c'est tailler le faux et le
vain du vrai et de l'utile, d'où le nom de putatores (élagueurs) qu'on donne
aux nettoyeurs (purgatores) d'arbres. 3 Et rem désigne la cause même, comme
dans : « mitte ista atque ad rem redi ».
(ex te adeo est ortum), ne tu curares
meum
(c'est de toi qu'est venue l'idée),
que tu ne t'occuperais pas de mon fils,
ne tv cvrares mevm car il a dit : « ambos
curare propemodum reposcere illum est quem dedisti ».
neue ego tuum? responde. Mi.-factum
est, non nego.
ni moi du tien ? Réponds. Mi.-C'est
un fait, je ne le nie pas.
factvm est apparet Micionem minutim quidem
fateri, sed facete contemnere obiecta.
factvm est il appert que Micion avoue
certes dans le détail, mais qu'avec drôlerie il a du mépris pour
ce qu'on lui reproche.
De.-cur nunc apud te potat? cur
recipis meum?
Dé.-Donc pourquoi est-il en train de
se soûler chez toi ? Pourquoi reçois-tu mon fils ?
cur emis amicam, Micio? num qui
minus
Pourquoi lui paies-tu une maîtresse,
Micion ? Pourquoi serait-il moins
1 cvr emis amicam micio inclamatio ista
nominis magnam inuidiam significat, ut «
regnumne, Aeschine, hic possides?
360 » et «
pacem te poscimus omnes, Turne
361 ». 2 nvm qvi minvs mihi idem ivs
aeqvvm est esse aut num aut qui abundat. et est ordo: "qui minus
aequum est esse idem ius mihi". qui ergo quare uel cur significat.
1 cvr emis amicam micio cette apostrophe
nominative recèle beaucoup d'agressivité, comme dans : « regnumne,
Aeschine, hic possides ? » et : « pacem te poscimus omnes, Turne »
(c'est la paix que nous réclamons tous de toi, Turnus). 2 nvm qvi minvs mihi idem ivs aeqvvm est esse
soit c'est num soit c'est
qui qui est pléonastique.
Et l'ordre est : "qui minus aequum est esse idem ius mihi"
(comment est-il moins légitime que j'aie le même droit ?). Donc
qui signifie quare (pourquoi) ou cur (pourquoi).
mihi idem ius aequum est esse quod
mecum est tibi?
légitime que j'aie les mêmes droits
sur toi que toi sur moi ?
quando ego tuum non curo, ne cura
meum.
Puisque je ne m'occupe pas du tien,
ne t'occupe pas du mien.
Mi.-non aequum dicis, non; nam uetus
uerbum hoc quidem est,
Mi.-Tu n'as pas raison de dire ça,
non ; car il y a un vieux proverbe qui dit
non nam vetvs verbvm hoc qvidem est
confidenter non repetiuit
non habens rationem quam subiceret, nisi illi prouerbium uenisset
in mentem. nam quia se uidet in malam causam incidisse, totum
uerniliter et facete agit et subicit aequitatem, ubi iusto se
tueri non potest. quod tamen a Demea statim conuincitur dicendo
«
nunc demum istaec nata oratio est
362 », ut ostendat illum perturbatum contraria protulisse
dictis suis superioribus.
non nam vetvs verbvm hoc qvidem est il
répète non avec
confiance, sans avoir de raison à soumettre en dehors de ce
proverbe qui lui vient à l'esprit. Car comme il se voit tombé dans
un mauvais cas, il dit l'ensemble d'une manière bouffonne et
facétieuse, et il soumet la question de l'égalité, où il ne peut
pas se retrancher derrière la justice. Néanmoins, il se fait tout
de suite contrer par Déméa qui lui dit « nunc demum istaec nata
oratio est », pour montrer que c'est parce qu'il est troublé qu'il
profère le contraire de ce qu'il venait de dire.
communia esse amicorum inter se
omnia.
que tout est commun entre amis.
commvnia esse amicorvm inter se omnia inter
Pythagoreos ortum dicitur.
commvnia esse amicorvm inter se omnia on
dit que c'est un dicton dont l'origine est pythagoricienne.
De.-facete: nunc demum istaec oratio
nata est964?
Dé.-Amusant : elle vient de sortir,
cette maxime ?
facete nvnc demvm istaec oratio nata est
alii totum iniungunt, alii separant facete.
facete nvnc demvm istaec oratio nata est
certains lient l'ensemble, d'autres séparent facete764.
Mi.-ausculta paucis, nisi molestum
est, Demea.
Mi.-Ecoute un peu, si ça n'est pas
trop pénible, Déméa.
avscvlta pavcis nisi molestvm est demea in
duas partes diuiditur tota persuasio: nihil passurum Demeam damni,
nihil corruptelae176.
avscvlta pavcis nisi molestvm est demea
l'argument persuasif est divisé en deux parties : que Déméa n'aura
aucun dommage à supporter, et qu'il n'y aura pas dépravation.
principio, si id te mordet, sumptus
filii
D'abord, si ça te ronge, les dépenses
que tes fils
principio si id te mordet svmptvs filii qvem
facivnt figurata locutio est, ut «
eunuchum quem dedisti quas turbas dedit!
363 ».
principio si id te mordet svmptvs filii qvem
facivnt expression figurée, comme dans : « eunuchum quem
dedisti quas turbas dedit ! »765.
quem faciunt, quaeso hoc facito tecum
cogites:
font, je te prie de faire effort pour
réfléchir à ceci :
qvaeso quaeso modo obiurgatorium est.
qvaeso quaeso est parfois orienté vers la
remontrance.
tu illos duo olim pro re tollebas
tua965
naguère tu les élevais tous les deux
selon tes moyens
pro re tva "pro patrimonii tui
qualitate".
pro re tva "selon la valeur de ton
patrimoine".
quod satis putabas tua bona ambobus
fore,
parce que tu pensais que tes biens
étaient suffisants pour deux,
et me tum uxorem credidisti
scilicet
et tu as cru à l'époque que sûrement
je prendrais
et me tvm vxorem credidisti scilicet
dvctvrvm ἐπαγωγή.
et me tvm vxorem credidisti scilicet
dvctvrvm induction (ἐπαγωγή)766.
ducturum: eandem illam rationem
antiquam obtine:
femme ; garde ce même calcul
d'autrefois :
conserua, quaere, parce, fac quam
plurimum
mets de côté, gagne, épargne, fais en
sorte
1 conserva parce qvaere fac qvam plvrimvm illis
relinqvas hoc sic pronuntiandum est, ut appareat hanc
ipsam uoluntatem displicere Micioni. 2 conserva "parta", qvaere "noua", parce
"omnibus".
1 conserva parce qvaere fac qvam plvrimvm illis
relinqvas il faut prononcer cette réplique de manière à
faire comprendre que cette opinion déplaît à Micion. 2 conserva "ce que tu as acquis", qvaere "de
nouveaux biens", parce "toutes les sortes de biens".
illis relinquas; gloriam tu istam
obtine;
de leur laisser le plus possible ;
fais t'en une gloire ;
mea, quae praeter spem euenere,
utantur sine.
mais mes biens, qui leur sont échus
contre ton attente, laisse-les en user à leur guise.
vtantvr sine aut deest his, ut sit: his utantur, aut mea utantur antique locutus est.
vtantvr sine soit il manque his, pour faire : his utantur (laisse-les les
utiliser), soit il construit à l'ancienne mea utantur (qu'ils utilisent mes
biens)767.
de summa nihil decedet: quod hinc
accesserit,
Rien ne partira de ton capital : ce
qui partira d'ici,
de svmma nihil decedet "rei tuae"
scilicet.
de svmma nihil decedet "de ton patrimoine",
implicitement.
id de lucro putato esse omne. haec si
uoles
considère que c'est tout bénéfice
pour toi. Si tu veux bien
in animo uere cogitare, Demea,
y penser vraiment, Déméa,
et mihi et tibi et illis dempseris
molestiam.
tu éviteras des ennuis à moi, à toi
et à eux.
dempseris pro demes.
dempseris pour le futur demes.
De.-mitto rem: consuetudinem
ipsorum... Mi.-mane;
Dé.-Je laisse tomber : mais leur
liaison... Mi.-Attends.
1 mitto rem rem pecuniam. et haec exclamatio est
moralis nimis aduersum tardos ac non intellegentes
homines. 2 consvetvdinem ipsorvm
loquor aut quid tale
subaudiendum. 3 mitto rem consvetvdinem
ipsorvm uel ab utilitate ad honestatem transit uel a rebus
ad illos ipsos, de quibus agitur. cauet enim, ne aut rem perdant
aut ipsi pereant. 4 mane scio istvc
ibam moralis et faceta correptio est continens in se
latenter blandimentum, quo deleniatur auditor.
1 mitto rem rem pour pecuniam (argent). Et c'est une
exclamation vraiment caractéristique contre ceux qui sont trop
lents et peu intelligents. 2 consvetvdinem
ipsorvm il faut sous-entendre loquor ou quelque
équivalent. 3 mitto rem consvetvdinem
ipsorvm il transfère l'argumentaire ou bien de l'utile à
l'honnête, ou bien des faits aux personnes mêmes dont il s'agit.
Car il veille à ce qu'ils ne gaspillent pas le bien ni ne se
perdent eux-mêmes. 4 mane scio istvc
ibam façon de blâmer caractéristique et amusante, qui
contient en elle-même de façon sous-jacente des mots gentils pour
amadouer l'auditeur.
scio : istuc ibam. multa in homine,
Demea,
Je sais. J'y venais. Il y a chez
l'homme, Déméa, beaucoup
mvlta in homine demea signa insvnt
obscurissimus sensus et re et uerbis.
mvlta in homine demea signa insvnt sens
très obscur et dans la situation et dans les termes.
signa insunt, ex quibus coniectura
facile fit,
d'indices desquels on peut facilement
tirer des conjectures,
duo cum idem faciunt, saepe ut possis
dicere:
en sorte que, quand deux individus
font la même chose, on peut souvent dire :
1 dvo cvm idem facivnt obscure locutus est,
cum hic sit sensus: "duo idem faciunt; quod uni licet facere,
alteri non licet". 2 saepe vt possis
dicere melius est saepe ad superiora coniungere, nam
possunt duo idem facere et casu, non ut simili studio idem facere
uideantur; tunc ergo erit signum saepe idem faciunt. dicere autem ponit pro intellegere et scire, ab eo quod praecedit id quod
sequitur, ut «
faeneratum istuc beneficium pulchre tibi dices
364 » et «
memorem me dices esse et gratum
365 ». 3 dvo cvm idem facivnt nam
ambo et sapiunt et intellegunt et in loco uerentur: non ingenii
uitium est, sed aetatis quo «
dissimilis res sit
366 ». an quia huic licet?177.
1 dvo cvm idem facivnt il parle de façon
obscure, alors que le sens est : "deux personnes font la même
chose ; ce qui est permis à l'un n'est pas permis à
l'autre". 2 saepe vt possis dicere
mieux vaut rattacher saepe à ce qui précède, car deux
personnes peuvent faire la même chose y compris par accident, sans
paraître faire la même chose dans une intention semblable ; donc
alors le signe sera saepe idem
faciunt768. Quant à dicere, il le met pour intellegere (comprendre) et
scire (savoir), en vertu
d'une inversion des faits769, comme
dans : « ut faeneratum istuc beneficium puchre tibi dices » et :
« memorem me dices esse et gratum ». 3 dvo cvm idem facivnt car tous deux ont de
la sagesse, de l'intelligence et à l'occasion du respect : ce
n'est pas dans leur caractère mais dans leur âge que réside le
défaut qui rend « la chose dissemblable ». A moins que ce ne soit
parce que c'est permis à l'un ?770.
« hoc licet inpune facere huic, illi
non licet »,
« cela, lui peut le faire impunément,
lui ne le peut pas »,
non quod966 dissimilis
res sit, sed quod is qui facit.
et ce n'est pas parce que la
situation est différente, mais c'est celui qui agit qui l'est.
quae ego illis inesse967
uideo, ut confidam fore
C'est ce que je vois en eux, en sorte
que j'ai confiance qu'il en ira
qvae ego illis inesse video ordo et sensus
hic est: "multa in homine, Demea, signa insunt, ex quibus
coniectura facile fit; quae ego illis inesse uideo, ut confidam
fore ita ut uolumus".
qvae ego illis inesse video l'ordre des
mots et le sens sont les suivants : "multa in homine, Demea, signa
insunt, ex quibus coniectura facile fit ; quae ego illis inesse
uideo, ut confidam fore ita ut uolumus" (il y a dans l'homme,
Déméa, de nombreux signes qui facilitent les suppositions ; ces
signes, je vois moi qu'ils sont en eux, en sorte que j'ai confance
qu'il en ira comme nous le souhaitons).
ita ut uolumus: uideo sapere,
intellegere, in loco
comme nous le souhaitons : je vois
qu'ils sont sages, intelligents, à l'occasion
intellegere in loco vereri non in loco intellegere sed in loco uereri.
intellegere in loco vereri non pas
in loco intellegere (ils
sont intelligents à l'occasion), mais in loco uereri (ils sont respectueux
à l'occasion).
uereri, inter se amare; scire est
liberum
respectueux, attachés l'un à
l'autre ; il faut reconnaître qu'ils ont de la générosité
inter se amare cito dixit inter se, quod est: cum alter
alterum inuicem amat.
inter se amare il fait un raccourci en
disant inter se, qui
revient à dire : "quand ils s'aiment l'un l'autre
réciproquement".
ingenium atque animum; quo uis illos
tu die
dans le caractère et dans le cœur ;
le jour où tu le veux, eux,
redducas. at enim metuas, ne ab re
sint tamen
tu peux les ramener dans le droit
chemin. Mais sans doute as-tu peur que pour l'argent tout de
même,
1 at enim metvas ne ab re sint tamen omissiores
pavlo oratorie, nam non paulo omissiores fore Demea, sed
plurimum fore credit et metuit. 2 Et ab re id est" a patrimonio". 3 at enim metvas ἀντίθεσις ad priorem tractatum pertinens,
qui est habitus de consumptione rei familiaris. 4 ne ab re sint tamen omissiores pavlo quia
amant, potant, olent unguenta.
1 at enim metvas ne ab re sint tamen omissiores
pavlo manière oratoire, car Déméa n'a pas peur que les
jeunes gens soient un peu trop négligents, mais son opinion et ses
craintes sont qu'il le soient extrêmement. 2 Et ab re c'est-à-dire "pour
l'argent". 3 at enim metvas antithèse
(ἀντίθεσις) du
premier développement qui a été fait à propos du gaspillage du
patrimoine familial. 4 ne ab re sint tamen
omissiores pavlo parce qu'ils aiment, boivent, sentent le
parfum771.
omissiores paulo. o noster Demea!
ils soient un peu négligents. O notre
Déméa !
1 omissiores ἀνιέμενοι, ἀνετώτεροι, neglegentiores. sic in
Heautontimorumeno «
ubi te uidi animo esse omisso
367 ». 2 o noster demea blanda et
cum quodam complexu eius qui reprehenditur incusatio et de more
sublata. 3 Et sic hoc dixit, tamquam dicturus esset:
"multa te latent, simplex homo es". nam huiusmodi sententia
latenter quandam dicentis auctoritatem fiduciamque designat.
1 omissiores relâchés (ἀνιέμενοι), pleins de
laisser-aller (ἀνετώτεροι), trop négligents. Ainsi dans
L'Héautontimorouménos : « ubi te uidi animo esse
omisso » (quand je t'ai vu perdre l'esprit). 2 o noster demea gentil reproche, avec une
sorte d'étreinte de celui qu'on réprimande et qui se hausse
au-dessus de son caractère. 3 Et il
dit cela comme s'il s'apprêtait à dire : "beaucoup de choses
t'échappent, tu es un être naïf". Car un énoncé de ce type signale
entre les lignes une certaine autorité et confiance en soi du
locuteur.
ad alia omnia968
aetate sapimus rectius;
Pour tout le reste, nous sommes plus
sages avec l'âge ;
ad alia omnia aetate sapimvs rectivs
praeterquam ad auaritiam, ac per hoc quod optas liberis, uitium
senectutis est.
ad alia omnia aetate sapimvs rectivs hormis
pour ce qui est de la cupidité et par le biais de tout ce que tu
souhaites pour nos enfants, c'est un défaut de la vieillesse.
solum unum hoc uitium adfert senectus
hominibus:
il n'y a que ce défaut qu'apporte la
vieillesse aux hommes :
attentiores sumus ad rem omnes, quam
sat est:
nous sommes tous plus attentifs que
nécessaire aux questions d'argent :
1 attentiores svmvs ad rem omnes proprie
attentiores reddit
omissioribus; supra enim
dixerat «
ne ab re sint tamen omissiores paulo
368 ». 2 qvam sat est quoniam
attentos esse non statim crimen est.
1 attentiores svmvs ad rem omnes au sens
propre, il renvoie attentiores à omissiores ; car il disait
ci-dessus : « ne ab re sint tamen omissiores paulo ». 2 qvam sat est puisque être attentif n'est
pas en première instance un crime.
quod illos sat aetas acuet. De.-ne
nimium modo969
cela, chez eux aussi, l'âge va le
développer. Dé.-Il ne faudrait tout de même pas trop
1 qvod illos sat aetas acvet μεταφορικῶς acuet. 2 ne nimivm bonae tvae istae nos rationes micio et
tvvs iste animvs aeqvvs svbvertit si178 ne ualde, subuertit infra legendum est, si
ne pro coniunctione est,
subuertat legendum est,
ita ut subaudiamus timeo
uel aliquid tale. 3 Et tuae
istae quod ait, significationem habet nullius modi
rationes et ineptae; nam apparet non eas probari ab eo qui sic
loquitur, ut supra «
iam uero omitte, Demea, tuam istam iracundiam
369 ».
1 qvod illos sat aetas acvet acuet au sens métaporique (μεταφορικῶς). 2 ne nimivm bonae tvae istae nos rationes micio et
tvvs iste animvs aeqvvs svbvertit si ne signifie ualde (beaucoup), c'est subuertit qu'il faut lire
ci-dessous, si ne
fonctionne comme une conjonction, c'est subuertat qu'il faut lire, en
sous-entendant timeo
(j'ai peur) ou quelque chose de ce genre772. 3 Et son
tuae istae oriente vers
le sens de "raisons sans fondement et ineptes" ; car il est clair
que ses raisons ne sont pas approuvées par celui qui s'exprime
ainsi, comme ci-dessus :« iam uero omitte, Demea, tuam istam
iracundiam ».
bonae tuae istae nos rationes,
Micio,
que toutes tes bonnes raisons,
Micion,
et tuus iste animus aequus
subuertat970!
Mi.-tace:
et ton état d'esprit équitable nous
mettent tout par terre ! Mi.-Tais-toi :
tace non fiet nunc τῷ εὐφημισμῷ positum
est, quasi diceret: "non subuertet, ne dixeris quod mali ominis
est uerbum".
tace non fiet il dit cela par euphémisme
(τῷ
εὐφημισμῷ), comme s'il disait : "il ne mettra pas tout
par terre, ne dis pas un mot de mauvais augure".
non fiet. mitte iam istaec: da te
hodie mihi:
ça n'arrivera pas. Laisse tomber ça :
aujourd'hui laisse-toi faire à mon idée :
1 da te hodie mihi "accommoda te ipsum
uoluntati meae". nam in animum transtulit, quod est corporis, ut
in Eunucho «
mihi sese dare, sermonem quaerere
370 ». Cicero «
ceruiculam iactaturum et populo se ac coronae
daturum
371 ». 2 da te hodie mihi "si non
uis, inquit, propter te, uel propter me mitis esto".
1 da te hodie mihi "adapte-toi à ma volonté".
Car il transfère à l'esprit ce qui relève du corps, comme dans
L'Eunuque : « mihi sese dare, sermonem quaerere ».
Cicéron : « ceruiculam iactaturum et populo se ac coronae
daturum » (il hochera la tête et se donnera au public et aux
spectateurs). 2 da te hodie mihi "si,
dit-il, tu ne le veux pas pour toi, adoucis-toi pour moi".
exporge frontem. De.-scilicet ita
fert tempus971,
déride ton front. Dé.-Evidemment, les
circonstances l'impliquent,
1 exporge frontem quia contrahi
inuerso179 dicitur. et uerbo
ipso ostenditur, quanto conatu opus sit ad explicandam tantam
contractionem et senectutis et seueritatis. 2 scilicet ita fert tempvs faciendvm est uide
si non hoc sit, quod Graeci μισοκαλήμερον dicunt; nam scilicet et ita fert tempus et faciendum est dicendo ostendit se
magis cogi necessitatibus, ut paulum sit tranquillior. 3 Et cum tanta difficultate
promittit, tamquam mala subiturus sit, atque adeo maiorem partem
secum disputat necessario hoc uelit nolit faciendum, ut sit
laetior, et hoc quia tempus
fert.
1 exporge frontem parce que le contraire est
contrahi (se
contracter)773. Et le
verbe même montre l'effort qu'il faut pour expliquer une si grande
contraction due à la vieillesse et à la sévérité. 2 scilicet ita fert tempvs faciendvm est
voyez s'il ne s'agit pas de ce que les Grecs appellent μισοκαλήμερος (hostile
aux jours heureux)774 ; car évidemment, en disant ita fert tempus et faciendum est, il montre qu'il se
laisse contraindre par la nécessité pour être un peu plus
tranquille. 3 Et il a une très
grande difficulté à promettre, comme s'il s'apprêtait à subir des
malheurs, et se parle trop souvent à lui-même en se persuadant que
bon gré mal gré il faut que la chose se fasse de toute nécessité
pour être vraiment plus heureux, et cela parce que tempus fert.
faciendum est. ceterum ego972 rus cras cum
filio
il le faut bien. Mais par ailleurs,
dès demain, moi je file à la campagne avec mon fils,
1 cetervm rvs cras cvm filio cvm primo lvci ibo
hinc hoc facit, quasi gaudere interim non possit, nisi
uicinae saeuitiae proximitate solaretur. 2 faciendvm est satis mire tamquam
necessitate cogitur ad gaudendum agrestis senex et μισοκαλήμερος.
1 cetervm rvs cras cvm filio cvm primo lvci ibo
hinc il fait cela, comme s'il lui était impossible d'être
content de temps en temps sauf à trouver de la consolation dans sa
prochaine méchanceté. 2 faciendvm
est de façon vraiment remarquable, c'est comme contraint
par la nécessité à être content qu'est ce vieillard paysan et
hostile aux jours heureux (μισοκαλήμερος).
cum primo luci ibo hinc... Mi.-de
nocte, censeo:
je pars d'ici dès l'aube
blémissante... Mi.-De nuit même, à mon avis :
1 ibo hinc tamquam de malo loco. 2 de nocte abundat de. 3 cvm primo lvci ἀρχαϊσμός, nam cum primo luci ueteres dicebant,
lucum pro sole ponentes. ergo
cum primo luci "cum
primum coeperit illucescere". 4 cvm primo lvci ueteres masculino genere
dicebant lucem.
1 ibo hinc comme d'un mauvais lieu. 2 de nocte de est superflu775. 3 cvm primo
lvci archaïsme (ἀρχαϊσμός), car les Anciens disaient
cum primo luci, en
mettant lucus pour
sol (soleil). Donc
cum primo luci
signifie "dès qu'il commence à faire jour". 4 cvm primo lvci les Anciens utilisaient le
mot lux (lumière) au
masculin776.
mais pour l'heure, mets-toi de bonne
humeur. Dé.-...et cette musicienne,
1 face te eodem uerbo utitur quo iamdudum ut
laborem ad laetitiam se conuertentis ostendat. 2 Id est: "elabora, ut sis hilaris". 3 et istam psaltriam vna illvc mecvm
abstraham uide singulas syllabas imbutas amaritudine
rustica atque agresti! nam istam odium significat, psaltriam saeuitiam in nomen eius
quam deliciosam esse oportet, et una
mecum, quam cum adulescentibus esse conuenerat, et
illuc, ad quem locum
psaltriam secum180 ire compellit.
deinde ne uel in itinere poena cesset, «
cum filio ibo hinc
372 » inquit, «
illam uero abstraham
373 ». nam illuc eo
animo dixit, quo supra «
ibo hinc
374 ». et apparet illum quasi mancipium ducturum puellam, non
ut fidicinam.
1 face te il utilise le même verbe que tout à
l'heure, pour montrer l'effort de celui qui se convertit à la
gaieté. 2 C'est-à-dire :
"efforce-toi d'être de bonne humeur"777. 3 et istam psaltriam
vna illvc mecvm abstraham voyez comme chaque syllabe est
empreinte de cette aigreur de paysan et de sauvage ! Car
istam est péjoratif,
psaltriam contient de
l'agressivité à l'égard du nom de celle qui doit être délicieuse,
ainsi que una mecum,
alors qu'il conviendrait qu'elle soit avec des jeunes gens, et
illuc, lieu vers lequel
il oblige la musicienne à aller avec lui. Ensuite, pour que même
dans le trajet le châtiment ne cesse pas, il dit : « cum filio ibo
hinc », et : « illam uero abstraham ». Car il dit illuc avec le même état d'esprit que
ci-dessus « ibo hinc ». Et on voit bien qu'il a l'intention
d'emmener la fille en qualité d'esclave, non de joueuse de
lyre.
una illuc mecum hinc abstraham.
Mi.-pugnaueris;
je m'en vais l'emmener là-bas avec
moi. Mi.-Joli combat en perspective !
1 mecvm hinc abstraham non abducam, sed quod est saeuientis
abstraham. 2 pvgnaveris "magnam rem feceris". sic
Lucilius «
uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam
375 ».
1 mecvm hinc abstraham il ne dit pas
abducam (j'emmènerai),
mais, ce qui est agressif, abstraham778. 2 pvgnaveris
"tu auras fait une grande chose". Ainsi Lucilius : « uicimus, o
socii, et magnam pugnauimus pugnam » (nous avons vaincu, alliés,
et nous avons combattu un grand combat).
eo pacto prorsus illic alligabis975 filium.
C'est comme ça que tu fixeras ton
fils là-bas.
1 eo pacto prorsvs illic alligabis filivm
haec cum risu dicit Micio. 2 Et ligare est inicere alicui uincula,
contra alligare181 ad aliquid, sine quo esse non possit. ergo
proprie ad amicam alligari adulescentem dixit
amatorem. prorsus autem
recte, certe ac uere significat.
1 eo pacto prorsvs illic alligabis filivm
Micion dit cela en riant. 2 Et
ligare c'est mettre des
chaînes à quelqu'un, alors que alligare c'est attacher quelqu'un à
quelque chose sans quoi le verbe ne peut s'employer779. Donc il utilise l'expression propre en
disant que le jeune homme amoureux est attaché (alligari) à sa maîtresse. Quant à
prorsus, il signifie
recte (droitement),
certe (assurément) et
uere (vraiment).
modo facito ut illam serues. De.-ego
istuc uidero,
Fais seulement en sorte de la garder
elle. Dé.-J'y veillerai personnellement,
1 vt illam serves acuendum illam, hoc est: "non iam filium, sed
illam serua", in qua utrumque retinueris. 2 ego istvc videro hoc est: "ut illam
seruem".
1 vt illam serves il faut accentuer
illam, c'est-à-dire :
"garde non plus ton fils, mais elle", pour retenir les
deux. 2 ego istvc videro
c'est-à-dire : "je veillerai à la surveiller".
atque976 ibi fauillae
plena, fumi ac pollinis
et c'est couverte de cendre, de
fumier et de farine
atqve ibi favillae plena fvmi ac pollinis
ne ametur scilicet.
atqve ibi favillae plena fvmi ac pollinis
pour qu'elle cesse d'être aimée, implicitement.
coquendo sit faxo et molendo; praeter
haec
que, à force de cuisiner et de
moudre, elle sera, grâce à moi ; en plus de cela,
1 coqvendo sit faxo et molendo atqui est
prius molere quam coquere. sed illud prius posuit, quo pulchritudo
magis foedatur. 2 An quia prius
torreatur triticum, ut tundi possit? ut Vergilius «
et torrere parant
f.
flammis
e.
et
f.
frangere
s.
saxo
376 ». 3 coqvendo sit faxo et molendo
praeter haec ἀπόδοσις octaua.
1 coqvendo sit faxo et molendo or l'action de
moudre est antérieure à celle de cuisiner. Mais il a mis en
premier l'action qui gâte davantage sa beauté780. 2 Ou bien est-ce parce que le blé dur doit d'abord
être grillé avant de pouvoir être écrasé ? Ainsi chez Virgile :
« et torrere parant flammis et frangere saxo » (ils s'apprêtent à
le griller au feu et à l'écraser sous la pierre). 3 coqvendo sit faxo et molendo praeter haec
apodose (ἀπόδοσις) de la huitième espèce.
meridie ipso faciam ut stipulam
colligat;
en plein midi, je lui ferai ramasser
la paille ;
1 meridie ipso cum sol uehementior est. et
nomen fecit de aduerbio. 2 Et meridiem ueteres dixerunt quasi
medidiem, R pro D posita
propter cognationem inter se harum litterarum. 3 vt stipvlam colligat quod sub sole fieri
necesse est.
1 meridie ipso au moment où le soleil est le
plus fort. Et il a fait un nom d'un adverbe781. 2 Et les Anciens
disaient meridiem comme
pour medidiem, après
avoir remplacé D par R à cause des affinités qui existent entre
ces deux lettres782. 3 vt stipvlam colligat parce qu'il faut que
ça se fasse sous le soleil.
tam excoctam reddam atque atram quam
carbo est. Mi.-placet:
je la rendrai aussi recuite et sombre
que du charbon. Mi.-A la bonne heure :
1 tam excoctam reddam atqve atram ἰδιωτικῶς dixit
reddam pro faciam. et excoctam ad tenuitatem siccati
corporis, atram ad
colorem rettulit. 2 Et uide quam aspera clausula quamque
ingrata sit, qua saeuidici senis finitur oratio. 3 placet nvnc mihi videre sapere non
contradicit, ne rursus prouocet; timet enim suasor, ne laetitia
prouocet ad iurgium.
1 tam excoctam reddam atqve atram par
particularisme (ἰδιωτικῶς), il dit reddam pour faciam (je la ferai). Et excoctam renvoie à la maigreur du
corps desséché783, atram à sa couleur. 2 Et voyez avec quelle fin âpre et désagréable se
termine la réplique du méchant vieillard. 3 placet nvnc mihi videre sapere il ne le
contredit pas, pour ne pas le relancer ; en effet, dans son désir
de le convaincre, il craint que la gaieté ne le relance dans une
dispute.
nunc mihi uidere sapere. atque
equidem filium
j'ai l'impression que désormais tu
deviens sage. « Et moi, ce fils,
atqve eqvidem filivm tvm etiam si nolit non
solum suadet laetitiam, sed etiam ridere cogit inuitum.
atqve eqvidem filivm tvm etiam si nolit non
seulement il l'invite à la gaieté, mais il le force même à rire
malgré lui.
tum etiam si nolit cogam ut cum illa
una cubet.
même s'il n'est pas d'accord, je
l'obligerai à coucher avec elle ! ».
De.-derides? fortunatus, qui isto
animo sies!
Dé.-Tu te moques de moi ? Heureux
homme, qui as un tel caractère !
1 derides fortvnatvs qvi isto animo sies hoc
uerbum uultu Demeae sic profertur, ut subrisisse uideatur inuitus.
sed rursus ego sentio
amare seuereque dixit. 2 Et ridet qui simpliciter ridet,
deridet qui cum alterius
irrisione et contemptu ridet. 3 fortvnatvs qvi isto animo sies non
laudantis est quod ait fortunatus, sed moraliter
reprehendentis, ut si dicas, cum te aliquid cura offenderit,
fortunatos stultos qui nihil sentiant. hoc quoque dixit in Eunucho
«
at ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati
possum
377 ».
1 derides fortvnatvs qvi isto animo sies ce
mot de Déméa est dit avec une mimique qui donne l'impression qu'il
sourit malgré lui. Mais il dit ego
sentio avec un regain d'amertume et de
sévérité. 2 Et on dit ridere pour quelqu'un qui rit
simplement, deridere pour
quelqu'un qui rit en raillant quelqu'un de façon
méprisante. 3 fortvnatvs qvi isto animo
sies ce n'est pas en manière d'éloge qu'il dit fortunatus, mais en manière de
reproche conforme à son caractère, comme quand on dit, lorsqu'on a
un souci particulier, "heureux les imbéciles qui ne ressentent
rien". Il le dit aussi dans L'Eunuque : « at ego
infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum ».
ego sentio... Mi.-ah, pergisne?
De.-iam iam desino.
Moi, ce que je crois... Mi.-Ah non,
tu continues ? Dé.-D'accord, d'accord, j'arrête.
iam iam desino et hic uelut necessitatem
queritur imponi sibi.
iam iam desino et il se plaint ici en
quelque sorte que la nécessité s'impose à lui.
Mi.-i ergo intro, et cui rei est, ei
rei hunc sumamus diem.
Mi.-Entre donc, et employons ce jour
à ce pour quoi il est fait.
1 et cvi rei est cui rei credas, nisi
ineptiis182, hoc est ludo,
laetitiae, uoto et gaudio nuptiali183. 2 hvnc svmamvs
diem non accipiamus, sed impendamus et consumamus. unde et sumptum dicimus pecuniam, quae
insumenda est.
1 et cvi rei est à quelle chose, selon vous,
sinon à des babioles, à savoir au jeu, à la gaieté, aux souhaits
et à la joie nuptiale. 2 hvnc svmamvs
diem non pas au sens d'accipiamus (recevons-le), mais de
impendamus (dépensons-le)
et consumamus
(consommons-le). De là vient que nous parlons de sumptus (dépense) aussi pour
l'argent, qui doit être dépensé.
scaena quarta
Demea
855 | 856 | 857 | 858 | 859 | 860 | 861 | 862 | 863 | 864 | 865 | 866 | 867 | 868 | 869 | 870 | 871 | 872 | 873 | 874 | 875 | 876 | 877 | 878 | 879 | 880 | 881
De.-numquam ita quisquam bene
subducta ratione ad uitam fuit
Dé.-Jamais personne ne s'est tracé si
bien un plan de vie
1 nvmqvam ita qvisqvam bene svbdvcta ratione
in hac scaena exemplum inducitur hominum, qui uirtutem taedio
deserunt ob contemptum eius apud omnes saeculumque uitiosius. et
adeo fauet Terentius clementioribus atque mitissimis patribus, ut
hunc quoque ducat ad sententiam Micionis, non tamen hoc sentientem
quod ita fieri oporteat, sed quod ita res cogat. uult enim
naturalem inesse ueris patribus acrimoniam, sed eam semper
inuidiose adulescentibus. 2 bene svbdvcta
ratione bene disposita, bene computata; ducere enim est digitis
computare. 3 Sed ducere apud alium quem et palam,
subducere apud se ipsum
atque secreto. quo magis in hoc uerbo maioris attentionis et
diligentiae signum est.
1 nvmqvam ita qvisqvam bene svbdvcta ratione
dans cette scène, on voit l'exemple d'hommes qui abandonnent la
vertu par dégoût, à cause du mépris dans lequel la tiennent tous
les hommes et un siècle particulièrement mauvais. Et la faveur de
Térence est telle pour les pères plus cléments et très indulgents,
que celui-ci aussi il le range à l'avis de Micion, même s'il a ces
sentiments non parce qu'il faut qu'il en soit ainsi, mais parce
que la nécessité l'y force. Il veut en effet que les vrais pères
aient intrinsèquement une aigreur naturelle, mais toujours dirigée
contre les jeunes gens. 2 bene svbdvcta
ratione bien disposée, bien comptée ; de fait, ducere c'est compter sur ses
doigts. 3 Mais ducere c'est devant quelqu'un et
ouvertement, subducere
c'est pour soi-même et secrètement. Il y a d'autant plus dans ce
verbe l'indice d'une attention et d'un zèle plus grands.
quin res, aetas, usus semper aliquid
adportet noui,
sans que la situation, l'âge,
l'expérience lui apportent toujours quelque chose d'imprévu,
1 qvin res quin modo cui non significat. 2 qvin res aetas vsvs tria posuit, ex quibus
res pro experientia ponitur, et hac se dicit
esse mutatum. nam mox dicet «
re ipsa repperi facilitate nihil esse homini melius
neque clementia
378 ».
1 qvin res quin signifie parfois cui non au datif784. 2 qvin res aetas
vsvs il met trois éléments parmi lesquels res est mis pour experientia (expérience), et c'est
par elle qu'il dit qu'il a changé. Car il dira bientôt : « re ipsa
repperi facilitate nihil esse homini melius neque clementia ».
aliquid moneat, ut illa quae te
scisse credas nescias,
lui donnent quelque conseil, au point
qu'on ignore ce qu'on croyait savoir,
aliqvid moneat σύλλημψις per casus: subauditur enim
quem.
aliqvid moneat syllepse (σύλλημψις) de cas : car
on sous-entend quem.
et quae tibi putaris prima in
experiendo ut repudies.
et que ce qu'on jugeait essentiel par
expérience, on le rejette.
et qvae tibi pvtaris prima prima ante alia eligenda, quae et
primo loco ponenda, ac per hoc optima.
et qvae tibi pvtaris prima prima veut dire "à choisir avant
d'autres choses" et "à mettre au premier rang", et par là même
"les meilleures".
quod nunc euenit; nam ego uitam duram
quam uixi usque adhuc,
C'est ce qui arrive aujourd'hui ; car
cette vie dure que j'ai vécue jusqu'ici,
1 vitam dvram qvam vixi ἀρχαϊσμός, ut Lucilius
«
magnam pugnauimus pugnam
379 ». 2 vitam dvram qvam vixi vsqve
adhvc prius dixit quid faciat quam cur faciat.
1 vitam dvram qvam vixi archaïsme (ἀρχαϊσμός), comme chez
Lucilius : « magnam pugnauimus pugnam »785. 2 vitam dvram qvam
vixi vsqve adhvc il dit d'abord ce qu'il fait avant de
dire pourquoi il le fait786.
prope iam excurso977 spatio omitto.
id quam ob rem? re ipsa repperi
presque au bout de ma route
désormais, je l'abolis. Et pourquoi cela ? En réalité, j'ai
découvert
1 prope iam decvrso spatio id est: ad calcem
et prope ipsos decursus metasque uiuendi. et est metaphora a
cursoribus. 2 excvrso spatio id est:
"in summa senectute". 3 id qvam ob rem re
ipsa repperi quia secum loquitur, ideo multa reticet. et
deest faciam et
si quis quaerat et
dicam.
1 prope iam decvrso spatio c'est-à-dire
jusqu'à la ligne d'arrivée et presque les points de repère mêmes
et les bornes de la vie. Et c'est une métaphore empruntée au
vocabulaire de la course787. 2 excvrso
spatio c'est-à-dire : "dans l'extrême
vieillesse". 3 id qvam ob rem re ipsa
repperi comme il se parle à lui-même, il reste muet sur
beaucoup d'aspects. Et il manque faciam (ferais-je), si quis quaerat (si quelqu'un le
demandait) et dicam (je
dirais)788.
facilitate nihil esse homini melius
neque clementia.
que la complaisance est ce qu'il y a
de mieux pour l'homme avec la clémence.
1 facilitate iam se facilem infert. 2 Inter facilitatem et clementiam hoc interest: facilis est, cuius ira facile id est
cito soluitur, clemens
qui non irascitur.
1 facilitate il se présente comme
docile. 2 Entre facilitas (docilité) et clementia (clémence) la différence
est la suivante : on dit qu'est facilis (docile) celui dont la
colère s'apaise facilement et vite, clemens (clément) celui qui ne se
met pas en colère.
id esse uerum ex me atque ex fratre
cuiuis facile est noscere.
C'est la vérité ; la comparaison
entre moi et mon frère le laisse facilement reconnaître à qui que
ce soit.
ille suam semper egit uitam in otio,
in conuiuiis,
Lui, il a toujours mené sa vie dans
l'oisiveté, dans les banquets,
ille svam semper egit vitam hic iam quasi
comparatiua qualitas inducitur de utroque. et ut ille initio
fabulae locutus est, sic hic in fine loquitur.
ille svam semper egit vitam on montre ici
comme une qualité comparée des deux frères. Et de même que c'est
l'autre qui parlait au début de la pièce, de même c'est celui-ci
qui parle à la fin789.
clemens, placidus, nulli laedere os,
arridere omnibus;
clément, placide, à ne jamais blesser
personne de front, à rire avec tous ;
1 clemens placidvs nvlli laedere os mira
uarietas et in locis et in partibus orationis. 2 Et clemens est, qui colit mentem suam, ne eam urgeat
irascendo. 3 nvlli laedere os arridere
omnibvs uoluptatis affectus est duplex: aut enim ex quiete
uoluptas est aut ex aliquo actu. ergo hic utrumque complexus
est. 4 Id est: "nullum praesentem
laedere". 5 Et uide quam graece a nominibus
uerba transeant184. 6 clemens placidvs clemens est circa recte agentes,
placidus etiam circa
delinquentes. 7 Et clementis est nulli laedere os, placidi arridere omnibus. 8 Et clemens animo, placidus uultu. 9 Et nvlli laedere os ut nullum secum tristem
faciat. 10 Et haec est figura ἀναδρομή, cum
recurrimus per ea quae diximus, ἐξηγητικῶς omnia repetitum.
1 clemens placidvs nvlli laedere os admirable
variété, tant dans les arguments que dans le choix des parties du
discours. 2 Et on dit clemens de quelqu'un qui cultive son
esprit (colit
mentem)790 pour éviter de harceler l'autre dans sa
colère. 3 nvlli laedere os arridere
omnibvs il y a deux manières de ressentir du plaisir : en
effet, soit c'est de la tranquillité que naît le plaisir, soit
d'une action. Donc ici, il embrasse les deux sortes de
plaisir. 4 C'est-à-dire : "ne
blesser personne en sa présence". 5 Et voyez de quelle manière typiquement grecque il
y a un passage des noms aux verbes791. 6 clemens placidvs la qualité de clemens s'exerce à l'égard de gens
qui agissent droitement, celle de placidus y compris à l'égard de gens
qui commettent une faute. 7 Et c'est
le propre d'un être clemens de ne blesser personne de
front, d'un placidus de
rire avec tous. 8 Et l'on est
clemens par son état
d'esprit, placidus par sa
physionomie. 9 Et nvlli laedere
os sans rendre personne morose en sa présence. 10 Et il s'agit de la figure de retour
(ἀναδρομή),
lorsque nous revenons au pas de charge à travers nos propos
précédents, pour répéter tout de façon narrative (ἐξηγητικῶς)792.
sibi uixit, sibi sumptum fecit; omnes
bene dicunt, amant.
il a vécu pour lui, c'est pour lui
qu'il a dépensé son bien ; tous en disent du bien, tous
l'apprécient.
ego ille agrestis, saeuus, tristis,
parcus, truculentus, tenax,
Moi, ce paysan, sauvage, sinistre,
radin, bourru, têtu,
1 ego ille agrestis bene addidit ille quasi iam notus in hoc ipso,
quod ferus atque agrestis. 2 Et saeuus factis est, tristis animo, truculentus uultu. 3 Et aliter potest, ut tristis sit qui dolet, truculentus qui terret. et ideo
αὐξήσει mire
decurrit per ista.
1 ego ille agrestis bon ajout de ille, comme s'il était déjà
notoirement défini comme un sauvage et un paysan. 2 Et l'on est saeuus par ses actions, tristis par son état d'esprit,
truculentus par sa
physionomie. 3 Et on peut comprendre
autrement, qu'est tristis
celui qui souffre, truculentus celui qui fait peur. Et
alors, c'est avec une remarquable amplification (αὐξήσει) qu'il passe de
l'un à l'autre.
duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi!
nati filii:
j'ai pris femme : quelle misère j'y
ai connue ! des fils me sont nés :
1 dvxi vxorem pendet duxi uxorem, sed et cum magno
significatu addendum est: maiore enim pondere subtrahitur
coniunctio, nam duxi etiam
uxorem dicendum fuit. 2 qvam ibi miseriam vidi ibi inquit, quasi uxor locus
sit. 3 Et hoc sine coniunctione, ut mala quae
enumerat multa uideantur.
1 dvxi vxorem duxi uxorem reste en suspens, mais
il faut l'ajouter aussi avec un grand pouvoir suggestif : il y a
plus de poids en effet quand on enlève la conjonction de
coordination, car il aurait fallu dire duxi etiam uxorem (j'ai même épousé
une femme)793. 2 qvam ibi miseriam
vidi il dit ibi
comme si uxor était un
nom de lieu794. 3 Et il dit cela sans
mettre de conjonction, pour que les malheurs qu'il énumère
paraissent nombreux795.
alia cura; heia autem! dum studeo
illis ut quam plurimum
encore un souci ; hélas ! en
m'efforçant de leur offrir le maximum,
alia cvra non altera.
alia cvra une de plus (alia) non une seconde et dernière
(altera).
facerem, contriui in quaerendo uitam
atque aetatem meam;
j'ai usé ma vie et mon âge à
amasser ;
nunc exacta aetate hoc fructi pro
labore ab iis fero:
maintenant que ma vie s'achève, voilà
le fuit de mon travail que je récolte de leur part :
odium; ille alter sine labore patria
potitur commoda;
la haine ; l'autre, là, n'a rien à
faire pour s'emparer des avantages de la paternité ;
patria potitvr commoda accusatiuo casu
extulit, quod nos septimo casu dicimus, id est
patrio potitur
commodo. Accius in Clytemestra «
seras potiuntur plagas
380 ».
patria potitvr commoda il met à l'accusatif
ce que nous disons au septième cas796, c'est-à-dire patrio potitur commodo. Accius dans
Clytemnestre : « seras potiuntur plagas » (ils
reçoivent avec retard les coups mortels797).
illum amant, me fugitant; illi
credunt consilia omnia,
c'est lui qu'ils aiment, c'est moi
qu'ils fuient ; c'est à lui qu'ils confient tous leurs
projets,
illum diligunt, apud illum sunt ambo;
ego desertus sum;
c'est lui qu'ils chérissent, chez lui
qu'ils sont tous les deux ; et moi on me déserte ;
illvm diligvnt apvd illvm svnt ambo ego desertvs
svm hic ostendit Terentius uerum patrem et molestiorem et
odiosum magis esse adulescentibus.
illvm diligvnt apvd illvm svnt ambo ego desertvs
svm Térence montre ici qu'un père
authentique798 est plus
pénible et plus désagréable aux jeunes gens.
illum ut uiuat optant, meam autem
mortem exspectant scilicet.
lui, ils souhaitent le voir vivre,
moi, ils espèrent évidemment ma mort.
1 illvm vt vivat optant σύλλημψις, nam sic
ueteres; nos dicimus illi
optant, non illum
optant. 2 illvm
Micionem.
1 illvm vt vivat optant syllepse (σύλλημψις), car ainsi
s'exprimaient les Anciens799 ; nous nous disons
illi optant (il
souhaitent pour lui), non illum
optant (ils le souhaitent). 2 illvm Micion.
ita eos meo labore eductos maximo hic
fecit suos
Voilà comment ces enfants que j'ai
élevés à la sueur de mon front, il les a faits siens
paulo sumptu; miseriam omnem ego
capio, hic potitur gaudia.
à peu de frais ; moi je récolte toute
la misère, lui s'empare des bons côtés.
age age nunc iam experiamur contra
ecquid ego possiem
Allons, allons ! c'est le moment pour
nous d'essayer si je peux, au rebours,
nvnc iam experiamvr comice magis pluraliter
experiamur dixit, quam si
diceret experiar.
nvnc iam experiamvr de façon comique, il
préfère utiliser le pluriel experiamur que de dire au singulier
experiar.
blande dicere aut benigne facere,
quando huc978 prouocat;
de dire des mots aimables, de me
comporter gentiment, puisque c'est vers cela qu'il me pousse ;
qvando hvc provocat non addidit quis, sed intellegimus Micionem
significari.
qvando hvc provocat il ne dit pas qui, mais
nous comprenons qu'il s'agit de Micion.
ego quoque a meis me amari et magni
pendi postulo.
moi aussi c'est être aimé des miens
et estimé un bon prix que je revendique.
si id fit dando atque obsequendo, non
posterioris feram.
Si pour obtenir cela il faut donner
et avoir des complaisances, je ne serai pas en reste.
1 si id fit dando atqve obseqvendo bene
naturam secutus ignorat artem, putans agi ueris omnia debere, non
agi dando atque
obsequendo. 2 si id fit id
est: "iam a liberis si magni pendor". 3 non posterioris feram subauditur partes. 4 Aut: "non parui
fiam", id est: "non uincar a Micione". et translatio est a
partibus histrionum in fabula. 5 non posterioris feram primus in his ero,
inquit, in dando atque
obsequendo.
1 si id fit dando atqve obseqvendo bien guidé
par la nature, il ignore l'artifice, croyant que tout doit être
fait au moyen de la vérité, non être fait dando atque obsequendo. 2 si id fit c'est-à-dire : "si dès lors je
suis bien estimé des enfants". 3 non posterioris feram on sous-entend
partes (un rôle de second
couteau). 4 Ou alors : "on ne fera
pas peu de cas de moi", c'est-à-dire : "je ne serai pas distancé
par Micion". Et c'est une métaphore empruntée au vocabulaire des
acteurs de théâtre800. 5 non posterioris
feram "je serai le premier, dit-il, dans l'action de
donner et d'être conciliant".
deerit: id mea minime refert, qui sum
natu maximus.
Ça va manquer : cela ne me fait ni
chaud ni froid, au grand âge où je me trouve.
deerit id mea minime refert uide remanere
in Demea non penitus eiectam seueritatem.
deerit id mea minime refert voyez qu'il
reste dans Déméa une part de méchanceté dont il ne s'est pas
débarrassé.
scaena quinta
Demea Syrus
Sy.-heus, Demea! orat frater ne abeas
longius.
Sy.-Hé, Déméa ! le frère te prie de
ne pas trop t'éloigner.
1 ne abeas longivs hic ostendit poeta, quam
absurde blandus conetur esse qui non soleat, et quam immodica sit
repentina largitas, ubi animus a parcitate nimia in contrarium
uitium profusionis excurrerit. 2 hevs demea orat frater ne abeas longivs ut
apparet, iam edormuit crapulam Syrus. 3 Et satis moraliter frater dixit nec addidit tuus. 4 frater moraliter, nam deest tuus.
1 ne abeas longivs ici le poète montre de
quelle absurde façon un personnage qui n'en a pas l'habitude
entreprend de se montrer sympathique, et quelle absence de
modération il met dans ses soudaines largesses, quand son état
d'esprit file de l'extrême avarice au vice contraire du
gaspillage. 2 hevs demea orat frater ne abeas
longivs à ce qu'on voit, Syrus a fini de cuver son
vin. 3 Et d'une façon assez
caractéristique, il dit frater (le frère) sans ajouter
tuus (ton
frère). 4 frater caractéristique,
car il manque tuus801.
De.-quis homo...? o Syre noster,
salue! quid fit? quid agitur?
Dé.-Qui est ce type qui... ? O, notre
cher Syrus, salut ! Qu'est-ce qu'on devient ? Comment va ?
o syre noster salve qvid fit iam non haec
blanda sed dura sunt, nam salue dixit ei non solum quem saepe
uiderit, sed cum quo totiens litigauerit, et quid fit? quid agitur?, cum et sciat
et condemnet actus eius.
o syre noster salve qvid fit ces paroles à
ce moment ne sont pas agréables mais dures, car il dit salue à un personnage que non
seulement il a souvent vu déjà mais aussi avec lequel il s'est
beaucoup disputé, et il dit quid
fit ? quid agitur ?, alors qu'il connaît et condamne
ses actions.
Sy.-recte. De.-optime est. iam nunc
haec tria primum addidi
Sy.-Bien. Dé.-Tant mieux. Voilà déjà
trois choses que, pour commencer, j'ai ajouté
1 recte bene recte respondit: hae enim
interrogationes de salute atque incolumitate eius sunt, qui
interrogatur. 2 haec tria deest
uerba. 3 optime est iam nvnc haec tria primvm addidi praeter
natvram o noster qvid fit qvid agitvr hoc pressius dictum
est.
1 recte il fait bien de répondre recte : car les questions de ce
genre portent sur la santé et l'intégrité physique de celui qu'on
interroge802. 2 haec tria il manque uerba (mots). 3 optime est iam nvnc haec tria primvm addidi praeter
natvram o noster qvid fit qvid agitvr cela se dit à
mi-voix803.
praeter naturam: « o noster », « quid
fit », « quid agitur ».
contre ma nature : « O, notre
cher... », « Qu'est-ce qu'on devient ? », « Comment va ? ».
praeter natvram plus dixit quam si diceret
praeter
consuetudinem.
praeter natvram il en dit plus que s'il
disait praeter
consuetudinem (contre mes habitudes)804.
seruum haud inliberalem praebes te,
et tibi
Tu te révèles un esclave plutôt bien
né et
1 servvm havd inliberalem dura et importuna
repente commutatio ex tanta uituperatione in laudem Syri ostendit
contra naturam suam niti Demeam. 2 praebes te id est "re ostendis, factis
probas". 3 et tibi libens bene faxim
libens ad quam rem
adiectum est? an εἰρωνικῶς addidit? quis enim credat tam
subitis post saeuitiam blandimentis, nisi factis quoque
ostendatur? 4 et tibi libens bene faxim
et additum est, ut
ostendat hanc esse sententiam: "non solum te laudo, sed etiam
iuuo, illud dicendo hoc faciendo". 5 et tibi libens bene faxim potest hoc et sic
intellegi tibi bene faxim et
libens; multi enim bene, sed non ex animo faciunt. ergo
omnia addidit, quae placatum ostendant ipsum et clementem.
1 servvm havd inliberalem le changement dur
et pénible qui fait passer d'un coup de la remontrance vive à
l'éloge de Syrus montre que Déméa fait des efforts contre
nature. 2 praebes te c'est-à-dire
"tu montres par la situation", "tu prouves par les
faits". 3 et tibi libens bene faxim
à quoi libens
s'adjoint-il ? Est-ce un ajout ironique (εἰρωνικῶς) ? Car qui
pourrait croire à des marques si soudaines de sympathie après une
telle animosité, si les faits aussi ne les prouvaient ? 4 et tibi libens bene faxim et est un ajout, pour montrer que le
sens est le suivant : "non seulement je te loue, mais même je
t'aide, d'un côté par mes paroles, de celui-ci par mes
actes". 5 et tibi libens bene faxim
on peut aussi comprendre ainsi tibi
bene faxim et libens ; de fait, beaucoup font bien
(bene), sans faire de bon
cœur. Donc il ajoute tout ce qui est de nature à montrer qu'il est
apaisé et clément.
libens bene faxim. Sy.-gratiam habeo.
De.-atqui, Syre,
j'ai envie de te faire du bien.
Sy.-Je t'en sais gré. Dé.-Mais c'est que, Syrus,
1 atqvi syre atqui abundat per παρέλκον. 2 syre asseueratio est non credentis.
1 atqvi syre atqui est superflu par pléonasme
(παρέλκον). 2 syre assertion pleine d'assurance de
quelqu'un qui n'y croit pas.
hoc uerum est et ipsa re experiere
propediem.
c'est la vérité, et tu vas en faire
l'expérience dans la journée.
1 hoc vervm est quasi falsum fuerit illud
quod iurgabat et hoc sit uerum supra: « nunc iam tria »
scilicet185. 2 propediem ὑφέν, nam propediem aduerbium est temporis, ut
si diceret cito.
scaena sexta
Demea Geta
Ge.-era, ego hinc979 ad hos
prouiso quam mox uirginem
Gé.-Patronne, je vais voir chez eux
quand ils comptent, la jeune dame,
1 era ego hinc ad hos proviso ad hos Micionem et Aeschinum
scilicet. 2 proviso duas res
significat: "procedo" et "uideo".
1 era ego hinc ad hos proviso ad hos, Micion et Eschine,
implicitement. 2 proviso signifie deux
choses en même temps : "je m'avance" et "je vois".
accersant. sed eccum Demeam. saluus
sies!
la faire venir. Mais voici Déméa.
Bonne santé à toi !
sed eccvm hoc apud se.
sed eccvm cela en aparté.
De.-o... qui uocare? Ge.-Geta.
De.-Geta, hominem maximi
Dé.-O mon cher... comment
t'appelles-tu ? Gé.-Géta. Dé.-Géta, un homme de très grande
1 o qvi vocare hac interiectione utimur, ubi
ex interuallo notos uidemus. 2 o qvi vocare post o nomine uocaturus non habuit quid
diceret et ideo subiecit qui
uocare?. sic Vergilius «
o quam te
me.
memorem
u.
uirgo
?
n.
namque
h.
haud
t.
tibi
u.
uultus
m.
mortalis
n.
nec
u.
uox
h.
hominem
s.
sonat
381 ». moris est autem inferiores proprio nomine uocare, si
blandiri uelis. sed hic nominis oblitus, dum dubitat et inquirit,
inhaesit pronomini.
1 o qvi vocare nous utilisons cette
interjection quand nous revoyons des personnes connues après un
certain temps. 2 o qvi vocare après
o il s'apprêtait à mettre
un nom au vocatif, mais comme il n'avait pas le bon nom à dire, il
dit qui uocare ?. De même
Virgile : « o quam te memorem uirgo ? namque haud tibi uultus
mortalis nec uox hominem sonat » (O... sous quel nom te nommer,
jeune fille ? Mais tu n'as pas le visage d'une mortelle ni une
voix qui sonne humain). C'est caractéristique d'appeler des
inférieurs de leur nom propre, quand on veut leur faire plaisir,
mais là il a oublié le nom de Géta et, tout en y réfléchissant et
en le cherchant, il y substitue un pronom.
preti te esse hodie iudicaui animo
meo;
valeur, voilà ce que je juges que tu
es aujourd'hui, à mon avis ;
animo meo hoc est: "secundum animi mei
sententiam et quantum ad animum pertinet meum".
animo meo c'est-à-dire : "conformément à ce
que ressent ma conscience et pour autant qu'il en incombe à mon
esprit".
nam is mihi est profecto seruus
spectatus satis
car c'est pour moi à coup sûr un
esclave bien recommandable
1 nam is mihi est profecto servvs in hoc
laudando quia non laborat, subiecit specialiter merita eius. at in
Syro nihil habuit quod diceret praeter laudem sine ullius facti
mentione. 2 Et mihi id est: "quantum ad iudicium meum
pertinet".
1 nam is mihi est profecto servvs comme il ne
fait pas d'effort dans cet éloge, il suggère spécialement ses
mérites. Mais il n'a rien eu à dire dans le cas de Syrus, en
dehors d'un éloge sans la mention de quelque fait que ce
soit. 2 Et mihi c'est-à-dire : "pour
autant qu'il en incombe à mon jugement".
que celui qui est attentif à bien
s'occuper de son maître comme je t'ai vu être, Géta ;
1 cvi dominvs cvrae est cum hic dominas
habeat, dominus dixit,
quia et praeualet masculinum. Vergilius «
descendo ac
d.
ducente
d.
deo
f.
flammam
i.
inter
et
h.
hostis
exp.
expedior
382 » et praeterea sententia generalis inducitur, cum nullum
specialiter dominum significet. 2 ita vt tibi sensi geta maximum delinimentum
infert eum nomine uocans, quemadmodum in superioribus. 3 Et quam grate, postquam
audiuit, bis nomine appellauit Getam!
1 cvi dominvs cvrae est bien que Géta ait des
patronnes, il dit dominus, parce que le masculin
l'emporte. Virgile : « descendo ac ducente deo flammam inter et
hostis expedior » (je descends et sous la conduite de la divinité
je m'échappe au milieu des flammes et des ennemis)807, et en outre, c'est une maxime de portée générale,
dans la mesure où aucun patron en particulier n'est
désigné. 2 ita vt tibi sensi geta il
procure un très grand plaisir en le nommant par son nom, comme
ci-dessus. 3 Et comme il se fait
bien voir, après avoir eu le renseignement, en l'appelant par deux
fois Géta !
et tibi ob eam rem, si quid usus
uenerit,
et à toi, pour cette raison, si
l'occasion s'en présente,
1 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit
et tibi utrum quemadmodum
aliis an quemadmodum Syro? 2 et tibi ob eam rem
si qvid vsvs venerit defectus quidam rustici est praeter
naturam blandientis cogi dicta repetere sine gratia. hae autem
promissiones ad hoc praemittuntur, ut cum in subiectis agi a Demea
huiusmodi res coeperint, non sit absurdum spectatoribus Demeam tam
cito esse mutatum.
1 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit
et tibi, est-ce "comme
aux autres" ou "comme à Syrus" ? 2 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit
c'est un défaut de paysan qui fait des flatteries contre sa nature
que d'être obligé de répéter des paroles sans agrément. Or ce
genre de promesses est mis en préalable pour que, alors que les
choses commencent à être faites par Déméa de cette façon, il ne
paraisse pas absurde aux yeux des spectateurs que Déméa ait si
vite changé.
libens bene faxim. meditor esse
affabilis,
je voudrais faire du bien. Je
m'entraîne à être sympathique,
meditor esse affabilis sic hoc lentius, ut
illud supra «
iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster,
quid fit? quid agitur?
383 ».
meditor esse affabilis il dit cela à
mi-voix, comme ci-dessus : « iam nunc haec tria addidi praeter
naturam : o noster, quid fit ? quid agitur ? ».
et bene procedit. Ge.-bonus es, cum
haec existimas.
et ça marche bien. Gé.-Tu es bien bon
de penser cela.
De.-paulatim plebem primulum facio
meam.
Dé.-Peu à peu, je m'attire d'abord
les faveurs du bas peuple.
1 pavlatim plebem primvlvm moraliter
inferiorum turbam dixit plebem, hoc est: "ut in urbe uulgus,
ita in familia seruos". et fit translatio ab his, qui honores
dolose ac non pro merito petunt ambitiosique sunt. 2 plebem primvlvm facio meam hoc est: "mihi
fauentem", ut e contrario Vergilius «
uadimus inmixti Danais
h.
haud
n.
numine
n.
nostro
384 ».
1 pavlatim plebem primvlvm c'est en
conformité avec son caractère qu'il appelle la foule des
inférieurs le petit peuple (plebs), c'est-à-dire : "comme en
ville on a la populace, dans la maisonnée on a les esclaves". Et
c'est une métaphore tirée de l'exemple de ceux qui briguent les
honneurs frauduleusement et non pour leurs mérites et qui sont
ambitieux. 2 plebem primvlvm facio
meam c'est-à-dire : "qui m'est favorable", comme, au
contraire, Virgile : « uadimus inmixti Danais haud numine nostro »
(nous marchons, mêlés aux Danaens, mais sans l'assentiment des
dieux).
scaena septima
Demea Geta Aeschinus Syrus
899 | 900 | 901 | 902 | 903 | 904 | 905 | 906 | 907 | 908 | 909 | 910 | 911 | 912 | 913 | 914 | 915 | 916 | 917 | 918 | 919 | 920 | 921 | 922 | 923
Ae.-occidunt me quidem dum nimis
sanctas nuptias
Es.-Ils me tuent vraiment avec ce
mariage en bonne et due forme
1 occidvnt me qvidem adulescens et Demea
inter se affabiles imaginem praebent et quam dulcis sit iunioribus
assentatio et quam ingrata censura. ἰδιωτικῶς autem dixit occidunt me pro: nimis laedunt et
cruciant. 2 dvm nimis
sanctas et nimis
et sanctas ridicule
additum in ea ducenda, quae iam pepererit. nam sanctum est, quod
omni obseruatione inuiolatum est. 3 Et bene additum est nimis, quia nimium pro uitio ponitur propter
illam sententiam, qua dicitur «
ut ne quid nimis
385 ». 4 occidvnt me qvidem
quidem pro exceptione
est, tamquam in hac mora nullus alius occidatur nisi qui amat,
id est ego.
1 occidvnt me qvidem le jeune homme et Déméa,
affables l'un envers l'autre, offrent une image qui montre combien
la complaisance est douce aux jeunes gens et la censure
désagréable. Il dit, de façon particulière (ἰδιωτικῶς) occidunt me pour "ils me blessent
trop et me mettent à la torture". 2 dvm nimis sanctas et nimis et sanctas sont un ajout propre à faire
rire dans le cas du mariage avec cette fille, qui a déjà eu un
enfant. Car on parle de sanctus pour ce qui respecte
intégralement tout le cérémonial. 3 Et nimis
est un bon ajout, parce que nimius est considéré comme un défaut
en vertu de cet adage qui dit : « ut ne quid nimis »808. 4 occidvnt me qvidem
quidem sert de
restriction, comme si dans ce retard personne d'autre n'était tué
que l'amoureux, c'est-à-dire "moi".
student facere; in apparando
consumunt diem.
qu'ils s'ingénient à faire ; ils
perdent leur journée en préparatifs.
De.-quid agitur, Aeschine?
Ae.-hem982, pater mi, tu hic eras?
Dé.-Comment va, Eschine ? Es.-Tiens,
mon père, tu étais là ?
1 qvid agitvr aeschine iam ipse docuit
quid fit? et quid agitur? blandimentum esse
«
iam nunc haec tria primum addidi praeter naturam: o
noster, quid fit? quid agitur?
386 ». 2 hem pater non sine
consternatione respondet Aeschinus, etsi hic blande interrogat et
miti uultu. nam et improuiso obiectus est Demea et insperanti.
1 qvid agitvr aeschine il a lui-même
récemment appris que quid
fit ? et quid
agitur ? étaient des paroles de politesse : « iam nunc
haec tria primum addidi praeter naturam : o noster, quid fit ?
quid agitur ? ». 2 hem pater ce
n'est pas sans une certaine consternation qu'Eschine répond, même
si Déméa l'interroge avec gentillesse et un air doux. Car il tombe
nez à nez avec Déméa à l'improviste et sans le vouloir.
De.-tuus hercle uero et animo et
natura pater,
Dé.-Oui, ma foi, ton père pour de
vrai, et par le cœur et par la nature,
tvvs hercle vero et animo et natvra pater
totum eripuit Micioni, cui ne animum quidem reliquit.
tvvs hercle vero et animo et natvra pater
il a tout enlevé à Micion, à qui il ne laisse pas même le cœur
(animus)809.
qui te amat plus quam hosce oculos.
sed cur non domum
qui t'aime plus que ses yeux. Mais
pourquoi ne fais-tu pas venir chez toi
1 qvi te amat plvs qvam hosce ocvlos magis
comicum quam amo. 2 sed cvr non domvm vxorem accersis bene
subiecit, quae uolenti esse credebat.
1 qvi te amat plvs qvam hosce ocvlos plus
comique que amo. 2 sed cvr non domvm vxorem accersis il
suggère de bonne manière ce qu'il croit que l'autre va accueillir
volontiers.
uxorem accersis? Ae.-cupio; uerum hoc
mihi mora est:
ton épouse ? Es.-je voudrais bien ;
mais tout ça me retarde :
vervm hoc mihi mora est tibicina et
hymenaevm hoc est quod ait «
nimis sanctas nuptias student facere
387 ».
vervm hoc mihi mora est tibicina et
hymenaevm c'est ce qu'il évoquait en disant : « nimis
sanctas nuptias student facere ».
tibicina et hymenaeum qui cantent.
De.-eho,
la flûtiste et ceux qui doivent
chanter l'hyménée. Dé.-Dis donc,
hymenaevm
1186 Hymenaeum quidam
Liberi ac Veneris filium dicunt esse, qui primus certas nuptias
instituerit. ideo per laudem cantatur uirginalibus nuptiis ob eius
modi meritum. alii uirum fortem Atticum dicunt fuisse, qui raptas
praedonibus uirgines oppressis latronibus intactas patriae
restituerit. alii, quod hymen dicitur membrana quaedam, qua
est munita uirginitas, quae primo corrumpitur coitu, hymenaeum putant ueluti hymnum
uocari uirginalium nuptiarum. 2 Ergo
sic accipe hymenaeum in nuptiis, quemadmodum θρῆνον in funere et in
sacris hymnum.
1 hymenaevmHyménée est, selon certains, le
fils de Liber et de Vénus, qui le premier a institué la cérémonie
des noces. Aussi est-il célébré dans des chants lors des noces des
vierges, en raison de ce mérite810. D'autres disent
qu'il s'agit d'un héros de l'Attique qui, alors qu'on avait enlevé
des vierges pour des brigands, après avoir battu les voleurs,
ramena les jeunes filles intactes dans leur patrie. D'autres, du
fait qu'on appelle hymen
une membrane qui protège la virginité et qui se rompt au premier
rapport sexuel, pensent que hymenaeum est le nom qu'on donne aux
hymnes qu'on chante aux noces. 2 Donc sachez que l'hyménée est aux noces ce que le
thrène est aux funérailles et l'hymne aux cérémonies sacrées.
uin tu huic seni auscultare?
Ae.-quid? De.-missa haec face,
veux-tu écouter les conseils d'un
petit vieux ? Es.-Quoi ? Dé.-Laisse tomber
vin tv hvic seni avscvltare contemnens se
ipsum dicit hoc solum afferens causae cur credendum sit, quod sit
senex. et totum hoc apparet laetissimo uultu dici.
vin tv hvic seni avscvltare il dit cela en
se rabaissant, mais seulement dans l'idée d'apporter une garantie
de crédibilité, au motif qu'il est vieux. Et tout est visiblement
dit avec une physionomie radieuse.
hymenaeum, turbas, lampadas,
tibicinas,
l'hymenée, la foule, les lampes, les
flûtistes,
tvrbas lampadas tibicinas bene totum
pluraliter, ut qui reprehendit sic multa. Plautus «
quid tu mihi parasitos, luscos, quid Summanos
somnias?
388 ». haec igitur uultu pronuntianda sunt, ut appareat ea
displicere dicenti.
tvrbas lampadas tibicinas il fait bien de
tout mettre au pluriel, comme quelqu'un qui fait ainsi de nombreux
reproches. Plaute : « quid tu mihi parasitos, luscos, quid
Summanos somnias ? »811 (qu'est-ce que tu me chantes avec tes affranchis
borgnes, avec tes Summanus ?812). Il faut
donc prononcer cela pour faire apparaître que cela déplaît au
locuteur.
atque in horto hanc983
maceriam iube dirui
et ordonne qu'on fasse sauter ce
muret dans le jardin
atqve in horto hanc maceriam ivbe dirvi
maceries dicitur paries
non altus de materia macerata187.
atqve in horto hanc maceriam ivbe dirvi
maceries se dit d'un mur
de faible hauteur fait en matériau malléable (macerata)813.
quantum potest, hac transfer, unam
fac domum,
dès que possible, fais-la venir par
là, fais une seule maison,
traduce et matrem et familiam omnem
ad nos. Ae.-placet,
fais venir chez nous la mère et toute
la maisonnée. Es.-Voilà qui me plaît,
pater lepidissime. De.-euge! iam
lepidus uocor.
ô le plus charmant des pères.
Dé.-Youpi ! ça y est, on m'appelle charmant.
evge iam lepidvs vocor apparet Demeam
experiendi causa assentari, non quod animo facit.
evge iam lepidvs vocor il appert que c'est
pour tenter l'expérience que Déméa est d'accord, non parce qu'il
le fait de bon cœur.
fratri aedes fient peruiae, turbam
domum
Chez mon frère, la maison sera un
boulevard, il fera venir une bande chez lui,
fratri aedes fient perviae elegantius quam
fratris.
fratri aedes fient perviae plus élégant que
le génitif fratris814.
adducet, sumptu amittet multa. quid
mea?
il va perdre beaucoup en dépenses.
Que m'importe ?
ego lepidus ineo gratiam. iube nunc
iam
Moi je suis charmant, et je rentre
dans les bonnes grâces. Vas-y, maintenant, fais
1 ineo gratiam "in gratiam eo", hoc est
"amicos comparo". 2 ego lepidvs
irridens adulescentis animum sic inquit. 3 ivbe nvnc iam insultantis est uerbum
iube188,
tamquam praesto sit, Micioni hoc dicit Demea. 4 Aut apud se. 5 Hoc iubemus quod quasi insultantes
dicere solemus. numerare hoc sit abs te cum
affectum tenemus189. ita et Micioni Demea190 dicit iube
nunc. 6 ivbe nvnc iam
dinvmeret illi babylo viginti minas nimis morale est, cum
de absente quasi cum praesente agimus. est autem hoc iube nunc iam figura etiam apud
Plautum frequentissima. 7 ivbe nvnc
iam sic dicit quemadmodum supra.
1 ineo gratiam "je rentre en grâce",
c'est-à-dire "je me fais des amis". 2 ego lepidvs c'est en se moquant de l'état
d'esprit du jeune homme qu'il dit cela. 3 ivbe nvnc iam iube est un verbe agressif, et comme
s'il était à sa disposition, c'est à Micion que Déméa dit
cela. 4 Ou c'est en aparté815. 5 Nous ordonnons
(iubemus) ce que nous
disons habituellement de façon agressive. "Numerare (compter) voilà ce qui
t'incombe, pendant que, nous, nous nous assurons de
l'affection"816. C'est ainsi que Déméa dit aussi à Micion iube nunc. 6 ivbe nvnc iam dinvmeret illi babylo viginti
minas c'est vraiment caractéristique, quand nous parlons
d'un absent comme s'il était présent. Et ce iube nunc iam est une figure
également très fréquente chez Plaute. 7 ivbe nvnc iam il le dit comme
ci-dessus.
dinumeret illi984 Babylo uiginti minas.
compter à ce Crésus vingt mines pour
lui !
1 illi cui, cum hic alius nemo adesset cui
diceret? 2 dinvmeret dinumeret dixit quasi multum numeret. 3 illi illi cui? Ctesiphoni?
lenoni?191 an Aeschino? an Syro? 4 babylo Babylonem fratrem ob nimiam
liberalitatem uocat. 5 An Aeschinum
nimis prodigum?
1 illi à qui, puisqu'il n'y a personne
d'autre à qui s'adresser ? 2 dinvmeret il
dit dinumeret au sens de
multum numeret (compter
une grosse somme). 3 illi qui
représente illi ?
Ctésiphon ? le proxénète ? A moins que ce ne soit Eschine ? Ou
Syrus ? 4 babylo il traite son
frère de Babylonien à cause de sa générosité excessive. 5 Ou parle-t-il d'Eschine, qui est trop
prodigue ?
Syre, cessas ire ac facere? Sy.-quid
ego? De.-dirue;
Syrus, ne vas-tu pas bouger et agir ?
Sy.-Pour faire quoi ? Dé.-Abats le mur ;
1 syre cessas ire ac facere ἰδιωτικῶς
dicitur. 2 dirve hoc uultu dicitur
adhortante.
1 syre cessas ire ac facere il le dit par
particularisme (ἰδιωτικῶς). 2 dirve il le dit avec un air
encourageant.
tu illas abi et traduce. Ge.-di tibi,
Demea,
toi bouge de là et va chercher ces
dames. Gé.-O Déméa, que les dieux te
bene faciant, cum te uideo nostrae
familiae
récompensent, quand je vois qu'à
l'égard de notre famille
cvm te video nostrae familiae tam ex animo factvm
velle ex animo alicui
facere est id facere quod ille in animo suo uelit, aut
certe ex tota mente praestare, non perfunctorie.
cvm te video nostrae familiae tam ex animo factvm
velle ex animo alicui
facere c'est faire ce que l'autre souhaite dans son
cœur, ou du moins le proposer de toute son âme et non pas
négligemment.
tam ex animo factum uelle. De.-dignos
arbitror.
tu es si bien disposé. Dé.-Je crois
que vous le méritez.
1192 Sed
ex
animo factvm bene
factum intelligere debemus, ut sit ex animo quasi ex sententia. 2 dignos arbitror multa desunt: et uos et esse et quibus fiat.
1 Mais
pour ex
animo factvm, nous devons comprendre bene factum (bien fait), en
sorte que ex animo
équivaut à ex sententia
(à souhait). 2 dignos arbitror il y a
plusieurs ellipses : uos,
esse et quibus fiat817.
quid tu ais? Ae.-sic opinor.
De.-multo rectius est
Qu'en dis-tu ? Es.-Je suis d'accord.
Dé.-C'est beaucoup plus direct
qvid tv ais eo uultu dicitur quid tu ais?, quo uidemus loqui eos,
qui ab his interrogant gesticulante uultu quid sentiant de
consilio suo, quos sciunt approbaturos esse.
qvid tv ais il a pour dire quid tu ais ? le même air que nous
voyons prendre à ceux qui demandent à d'autres, avec un air et des
gestes particuliers, ce qu'ils pensent de leur idée, alors qu'ils
savent qu'ils l'approuveront.
quam illam puerperam hac nunc duci
per uiam
que de faire venir la jeune maman
jusqu'ici par la route,
aegrotam. Ae.-nihil enim uidi melius,
mi pater.
dans son état de faiblesse. Es.-De
fait, je n'ai rien vu de meilleur, mon cher père.
De.-sic soleo. sed eccum Micio
egreditur foras.
Dé.-C'est ma manière d'être. Mais
voici Micion qui sort.
sic soleo εἰρωνεία potest uideri, quippe quando
tale consilium dat Demea, quod probaret adulescens.
sic soleo ça peut passer pour de l'ironie
(εἰρωνεία),
dans la mesure où le conseil que donne Déméa est de nature à
trouver l'assentiment du jeune homme.
scaena octaua
Demea Aeschinus Micio
924 | 925 | 926 | 927 | 928 | 929 | 930 | 931 | 932 | 933 | 934 | 935 | 936 | 937 | 938 | 939 | 940 | 941 | 942 | 943 | 944 | 945 | 946 | 947 | 948 | 949 | 950 | 951 | 952 | 953 | 954 | 955 | 956 | 957 | 958a
Mi.-iubet frater? ubi is est? tu
iubes hoc, Demea?
Mi.-C'est mon frère qui l'ordonne ?
Où est-il ? C'est toi qui l'ordonnes, Déméa ?
1 ivbet frater apparet Micionem dixisse
cur diruis?, Syrum
respondisse quia hoc iubet frater
tuus. 2 ivbet frater
dirui maceriam scilicet. 3 tv ivbes hoc
Demea interrogatiue pronuntiandum totum; ita erit una
persona et breuiter ostendetur ex huius uerbis, quid prior dixerit
Syrus. 4 Et mirum initium, ne prooemio opus esset
Demeae ad profitendam mutationem uoluntatis.
1 ivbet frater il appert que Micion a dit
"pourquoi détruis-tu le muret ?" et que Syrus a répondu "parce que
c'est un ordre de ton frère". 2 ivbet frater que le muret soit détruit,
implicitement. 3 tv ivbes hoc Demea il
faut prononcer cette réplique sur un ton interrogatif ; ainsi il y
aura un seul personnage mais de ses paroles on pourra déduire
brièvement ce qu'avait dit au préalable Syrus. 4 Et c'est un remarquable début pour que, sans qu'il
soit besoin d'un prologue, Déméa puisse avouer son changement de
volonté.
De.-ego uero iubeo et hac re et aliis
omnibus
Dé.-Oui, c'est moi qui ordonne, dans
cette circonstance et dans toutes les autres,
1 hac re maceriae disiectione. 2 et aliis omnibvs in his nuptiis
senilibus.
1 hac re la destruction du muret. 2 et aliis omnibvs dans le mariage des
vieux818.
quam maxime unam facere nos hanc
familiam,
que du mieux possible cette famille
et nous n'en fassions qu'une seule,
colere, adiuuare, adiungere. Ae.-ita
quaseo, pater.
qu'on la choie, qu'on l'aide, qu'on
se lie à elle. Es.-Oui, père, je t'en prie !
1 colere iubeo subauditur per ζεῦγμα. 2 colere adivvare adivngere colere ad Syrum pertinet, adiuuare ad Hegionem, adiungere ad Sostratam. 3 Et adnotandum coli a superiore, ut «
posthabita
c.
coluisse
S.
Samo
389 ».
1 colere iubeo (j'ordonne) est sous-entendu
par zeugme (ζεῦγμα)819. 2 colere adivvare adivngere colere se rapporte à Syrus,
adiuuare à Hégion,
adiungere à
Sostrata. 3 Et il faut noter qu'on
est choyé (coli) par un
supérieur, comme dans : « posthabita coluisse Samo » (elle l'a
honorée en la préférant à Samos)820.
Mi.-haud aliter censeo. De.-immo
hercle ita nobis decet;
Mi.-Je n'ai pas d'autre intention.
Dé.-Et même, ma foi, c'est notre devoir ;
immo hercle ita nobis decet antiqui si
addebant statim uerbum, nos decet
facere, si non addebant, nobis decet dicebant.
immo hercle ita nobis decet les Anciens,
quand ils ajoutaient aussitôt un infinitif, construisaient avec un
accusatif, nos decet
facere (il faut que nous fassions), quand ils
n'ajoutaient pas un verbe, avec un datif, nobis decet (il nous faut).
primum huius uxoris est mater...
Mi.-est; quid postea?
d'abord il y a la mère de l'épouse de
ce garçon... Mi.-Oui ; et alors ?
1 primvm hvivs vxoris est mater incipit a
persuasione sed latenter, ita ut ea quae proposito consilio
dicenda erant ante demonstrarit quam dicat quid fieri uelit. et
hoc semper fit ab oratoribus in his rebus, a193 quibus
incipere non oportet propter turpitudinem aut incommoditatem rei,
quae persuadenda est. considera adeo apud Vergilium, ubi persuadet
Iris matribus, ut naues suas incendant, et inuenies hoc ipsum
consilium ultimum poni post argumenta quam plurima «
quin agite et
m.
mecum
inf.
infaustas
exu.
exurite
p.
puppis
390 ». 2 Et initium a possibili factum est, nam
dicit huius uxoris est
mater.
1 primvm hvivs vxoris est mater il commence à
vouloir le persuader, mais de façon latente, au point que ce qu'il
fallait dire une fois le projet dévoilé, il le révèle avant de
dire ce qu'il veut voir arriver. Et c'est ce que font toujours les
orateurs à propos des faits par lesquels il convient de ne pas
commencer en raison du caractère honteux ou fâcheux de la
situation en faveur de laquelle il faut emporter l'adhésion.
Considérez donc le passage de Virgile où Iris persuade les mères
de brûler leurs vaisseaux, et vous verrez que ce conseil est mis
en dernier après des arguments en très grand nombre : « quin agite
et mecum infaustas exurite puppis » (allez, venez avec moi et
incendiez ces navires de malheur). 2 Et le début se fait en partant du possible, car il
dit huius uxoris est
mater.
De.-...proba et modesta... Mi.-ita
aiunt. De.-...natu grandior...
Dé.-...honnête, modeste... Mi.-C'est
ce qu'on dit. Dé.-...bien âgée...
1 proba et modesta proba sibi, et modesta apud alios. 2 Et uide laudes
conciliatoribus inuentas et usitatas. 3 ita aivnt hoc ita respondet, quasi dicat
sed quid mea?
1 proba et modesta proba pour elle-même, et modesta devant les
autres. 2 Et voyez les éloges que
trouvent et utilisent les conciliateurs. 3 ita aivnt il répond ainsi comme s'il disait
sed quid mea ? (mais en
quoi cela me concerne-t-il ?).
Mi.-scio. De.-parere haec iam
diu985 per annos non potest;
Mi.-Je sais. Dé.-Elle ne peut plus,
depuis longtemps, faire d'enfants depuis des années ;
1 scio adhuc Micio non intellegit quo res
tendat, sed tantum uultu quodam admirantis cur hoc dicatur
respondet. 2 parere haec iam div per annos non
potest recte, ne contra filios pater suadere
uideatur. 3 per annos non potest bene
per annos, quia non est
sterilis. 4 parere haec iam div per annos non
potest hoc autem addidit, ne contra filios pater suadere
uideatur nuptias, si illis coheredes esse procreandos suadeat.
1 scio Micion ne voit toujours pas vers quoi
on va, mais c'est seulement avec un air étonné devant le discours
de Déméa qu'il donne sa réponse. 2 parere haec iam div per annos non potest
correct, pour ne pas, en tant que père, paraître plaider contre
les intérêts de ses enfants821. 3 per annos non
potest per annos
est bien dit, parce qu'elle n'est pas stérile822. 4 parere haec iam div per annos non potest il
ajoute cela pour ne pas, en tant que père, paraître plaider en
faveur d'un mariage, s'il devait plaider qu'il faut que des
cohéritiers leur soient procréés.
nec qui eam respiciat quisquam est;
sola est... Mi.-quam hic rem agit?
et il n'y a personne pour veiller sur
elle ; elle est seule... Mi.-Qu'est-ce qu'il est en train de nous
faire ?
De.-hanc te aequum est ducere, et te
operam ut fiat dare.
Dé.-Il serait juste que toi tu
l'épouses et que toi tu veilles à ce que ça se fasse.
1 hanc te aeqvvm est dvcere te, Micio scilicet. 2 et te operam vt fiat dare te, Aeschine, nam ad illum conuersus
a Micione est. et quare Aeschinum dare aequum est? scilicet ut
prosit socrui.
1 hanc te aeqvvm est dvcere toi, Micion,
implicitement. 2 et te operam vt fiat dare
toi, Eschine, car il s'adresse à lui en tournant le dos à
Micion823. Et pourquoi est-il juste que ce soit
Eschine qui prenne cette peine ? Evidemment pour qu'il prête
assistance à sa belle-mère.
Mi.-me ducere autem? De.-te. Mi.-me?
De.-te, inquam. Mi.-ineptis. De.-si tu sis homo,
Mi.-Moi épouser ? Dé.-Toi. Mi.-Moi ?
Dé.-Toi, dis-je. Mi.-Tu es fou ! Dé.-Si tu étais un homme,
1 me dvcere avtem194 magna uis in pronominibus posita
est, nam me ille sic
dicit quasi quem minime
deceat, te
hic respondet quasi quem maxime
oporteat. 2 ineptis
uerbum est, quod facit ineptio ineptis ineptit. 3 si tv sis homo non sies. sed sis195 dixit, quasi in eo se
hominem sit Aeschinus probaturus. 4 si tv sis homo Aeschine. 5 si sis pro: "si esse uolueris et si credi
esse homo uolueris". 6 si tv sis
homo hic facete et mire coegit Aeschinum ad persuadendum;
non enim dixit si tu sis homo,
persuade, sed hic
faciat, ut ab illo non factum sed effectum
exigeret.
1 me dvcere avtem il y a un grand jeu des
pronoms824, car l'un dit
me comme s'il disait
quem minime deceat (moi
qui devrais le moins convenir), et l'autre répond te comme s'il disait quem maxime oporteat (toi qu'il
faudrait le plus). 2 ineptis
c'est un verbe, qui fait ineptio ineptis ineptit825. 3 si tv sis homo et non pas
sies826. Mais il dit
sis au subjonctif, comme
si Eschine devait prouver dans l'avenir qu'il y a un être humain
en lui827. 4 si tv sis homo toi, Eschine. 5 si sis mis pour : "si tu voulais être un
jour un être humain, et si tu voulais qu'on te croie
tel". 6 si tv sis homo ici, de
façon remarquable et amusante, il oblige Eschine à persuader son
père ; car il ne dit pas si tu sis
homo, persuade (si tu es un homme, persuade-le), mais
hic faciat, comme s'il
exigeait de lui non un fait mais un résultat.
hic faciat. Ae.-mi pater! Mi.-quid tu
autem huic, asine, auscultas? De.-nihil agis.
il le ferait. Es.-Mon père !
Mi.-Qu'as-tu, âne, à l'écouter ? Dé.-Tu n'y peux rien.
1 qvid tv avtem hvic asine avscvltas aptum
conuicium grandi et fatuo. 2 mi pater
mi uocatiuus est casus ab
eo quod est meus.
1 qvid tv avtem hvic asine avscvltas insulte
qui convient à un homme âgé et extravagant. 2 mi pater mi est le vocatif de meus.
fieri aliter non potest. Mi.-deliras.
Ae.-sine te exorem, mi pater!
Il ne peut en aller autrement. Mi.-Tu
délires. Es.-Laisse-moi te fléchir, père !
1 fieri aliter non potest a
necessario. 2 deliras proprie ut
uetulo.
1 fieri aliter non potest argument du
nécessaire. 2 deliras au sens propre
pour un petit vieux.
Mi.-insanis; aufer! De.-age, da
ueniam filio. Mi.-satin sanus es?
Mi.-Tu es fou ; dégage ! Dé.-Allez,
accorde cette grâce à ton fils. Mi.-As-tu tant soit peu de bon
sens ?
1 insanis avfer congrue seni deliras, iuueni insanis. 2 Et avfer uel te uel manum, nam rogans manum admouet
scilicet dicens mi
pater. 3 avfer
aufer: aut te aut manum. 4 Aut pro eo quod est abi: ut sit aufer te.
1 insanis avfer il est adapté de dire à un
vieillard deliras, à un
jeune homme insanis. 2 Et avfer le complément est soit te (enlève-toi de là), soit
manum (enlève ta main),
car en le sollicitant il bouge sûrement sa main au moment où il
dit mi pater. 3 avfer aufer : le complément est soit
te (enlève-toi de là),
soit manum (enlève ta
main). 4 Ou encore au sens de
abi (va-t'en) : pour
faire aufer te
(enlève-toi de là).
ego nouus maritus anno demum quinto
et sexagesimo
Moi, en jeune marié de tout juste
soixante-cinq ans,
1 ego novvs maritvs apud Menandrum senex de
nuptiis non grauatur: ergo Terentius εὑρετικῶς. 2 ego novvs maritvs anno demvm qvinto et sexagesimo
fiam atqve anvm decrepitam dvcam quis quid quando quomodo:
quis ego, quid nouus, quando anno demum quinto et sexagesimo,
quomodo «
anum decrepitam ducam
391 ». 3 anno demvm qvinto et
sexagesimo haec aetas est, ut Varro ait, etiam comicorum
senum. 4 Et demum aduerbium tarditatis est.
1 ego novvs maritvs chez Ménandre, le
vieillard ne fait pas de difficulté pour le mariage ; donc Térence
fait là une trouvaille (εὑρετικῶς). 2 ego novvs maritvs anno demvm qvinto et sexagesimo
fiam atqve anvm decrepitam dvcam qui, quoi, quand,
comment828 : qui : ego, quoi : nouus, quand : anno demum quinto et sexagesimo,
comment : « anum decrepitam ducam ». 3 anno demvm qvinto et sexagesimo c'est
l'âge, selon Varron, qu'ont aussi les vieillards de
comédie. 4 Et demum est un adverbe qui marque le
retard.
fiam atque anum decrepitam ducam?
idne estis auctores mihi?
et que j'épouse une vieille
décrépite ? C'est ça que vous me conseillez ?
1 atqve anvm decrepitam dvcam facete hoc
addidit, tamquam faciendum hoc esset, si puella duceretur
seni. 2 idne estis avctores mihi
id est persuasores, et Vergilius «
auctor ego
a.
audendi
392 ». 3 decrepitam decrepitam aut stomacho anili et
iracundo aut decrepitam
obtusi animi et laesae senectutis aut decrepitam cui saepe moribundae
crepuerit planctu
familia, id est conclamauerit.
1 atqve anvm decrepitam dvcam il ajoute cela
plaisamment, comme s'il était envisageable de le faire au cas où
ce serait une jeune fille qui fût la future épouse du
veillard. 2 idne estis avctores mihi
c'est-à-dire "ceux qui tâchez de me convaincre", et Virgile :
« auctor ego audendi » (je t'autorise à oser). 3 decrepitam decrepita à cause de son humeur
sénile et irascible, ou decrepita à cause de son esprit
obtus et de sa vieillesse mal en point, ou decrepita pour qui, tandis qu'elle
se meurt, la maisonnée crépite (crepuerit) de lamentations,
c'est-à-dire pousse des cris de concert829.
Ae.-fac; promisi ego illis.
Mi.-promisti autem? de te largitor, puer!
Es.-Fais-le ; je le leur ai promis.
Mi.-Tu as promis ? Mais sois généreux à ton compte, garçon !
1 largitor imperatiuo modo temporis
futuri. 2 de te largitor pver
acutius de te dictum est
quam de tuo. 3 Et bene in eum, qui
promiserat puellae coniunctionem suam.
1 largitor impératif futur. 2 de te largitor pver il faut accentuer
de te davantage que s'il
disait de tuo (avec ton
argent). 3 Et c'est bien dit à
l'encontre de celui qui avait promis à la jeune femme de s'unir à
elle.
De.-age, quid si quid te maius oret?
Mi.-quasi non hoc sit maximum!
Dé.-Allons, et s'il te demandait
quelque chose de plus grave ? Mi.-Comme si ce n'était pas déjà le
maximum !
De.-da ueniam! Ae.-ne grauare!
De.-fac, promitte! Mi.-non omittitis?
Dé.-Accorde-le lui ! Es.-Ne rechigne
pas ! Dé.-Fais-le, promets ! Mi.-Vous ne lâchez pas
l'affaire ?
1 da veniam "praesta beneficium", "concede
quod petitur". 2 ne gravare "ne te
difficilem praebeas", quia grauem se dicitur praestare, qui id
facile non praestat in beneficio quod potest. 3 da veniam ne gravare fac promitte
altrinsecus agentium fatigantiumque uerba sunt.
1 da veniam "prête-toi à ce bienfait",
"accepte ce qu'on te demande". 2 ne gravare "ne fais pas ton difficile",
parce qu'on dit qu'il se montre grauis (lourd), celui qui ne rend
pas facilement service dans un bienfait possible. 3 da veniam ne gravare fac promitte ce sont
les paroles de personnages qui, de chaque côté, tentent de le
persuader et le harcèlent.
Ae.-non, nisi te exorem. Mi.-uis est
haec quidem. De.-age, prolixe, Micio.
Es.-Non, à moins de te fléchir.
Mi.-Mais c'est du harcèlement. Dé.-Allez, Micion, un beau
geste !
age prolixe micio aut age prolixe, id est: "age benigne",
ut sit prolixe benigne secundum ueteres, aut per
ἀσύνδετον et
ἔλλειψιν
age correptiuum, ut ad
prolixe subaudiatur
noster esto aut quid tale
et Micio uelut insanis dictum est.
age prolixe micio soit c'est age prolixe, c'est-à-dire : "agis en
homme généreux", en sorte que prolixe équivaut à benigne (de façon généreuse) selon
les Anciens, soit avec asyndète (ἀσύνδετον) et ellispe (ἔλλειψιν), age est un terme de reproche, en
sorte qu'il faut sous-entendre, à côté de prolixe, noster esto (sois des nôtres) ou
quelque chose de ce genre830 et Micio est dit comme pour dire
insanis (tu es fou).
Mi.-etsi hoc mihi prauum, ineptum,
absurdum atque alienum a uita mea
Mi.-Bien que cela me paraisse nul,
inepte, absurde et contraire à mes principes de vie,
etsi hoc mihi pravvm prauum, si anum ducet nullo commodo
suo, ineptum qui non uoto
filiorum ducat uxorem, absurdum homini, qui numquam duxerit
et numquam ducere uoluerit, alienum196 seni duci uxorem, quae adulescenti ducta
non sit.
etsi hoc mihi pravvm prauum, au cas où il épouse la
vieille sans aucun avantage pour lui, ineptum s'il épouse une femme contre
le souhait de ses fils, absurdum, pour un homme qui ne s'est
jamais marié et n'a jamais voulu le faire, alienum, qu'une femme soit donnée en
mariage à un vieillard alors qu'aucune ne lui a été donnée quand
il était jeune.
uidetur, si uos tantopere istuc
uultis, fiat. Ae.-bene facis;
puisque c'est ce que vous voulez à
toute force, soit. Es.-C'est bien ;
1 si vos tantopere istvc vvltis fiat cur hic
non quaeritur de uoluntate Sostratae? an quia illam consentire
necesse est propter pauperiem uel ob amorem filiae suae? 2 si vos tantopere istvc vvltis fiat ridicule
dixit et comice uxorem se ducere, non quia uelit aut debeat, sed
ut obsequatur iubentibus.
1 si vos tantopere istvc vvltis fiat pourquoi
ne s'enquiert-on pas ici de la volonté de Sostrata ? Est-ce parce
qu'il est nécessaire qu'elle consente, en raison de sa pauvreté et
par amour pour sa fille ?831 2 si vos tantopere istvc vvltis
fiat il dit de façon risible et comique que s'il prend
épouse, ce n'est pas pas pace qu'il le veut ou qu'il le doit, mais
pour obéir aux injonctions de ses interlocuteurs.
merito te amo. De.-uerum. quid ego
dicam, hoc cum confit quod uolo?
je t'aime à bon escient. Dé.-C'est
vrai. Et maintenant, que lui proposer, puisque se réalise tout ce
que je veux ?
hoc confit qvod volo perficitur, inquit,
quod uolo, ut sumptum et turbam domum recipiat Micio et ego ineam
gratiam.
hoc confit qvod volo "est accompli, dit-il,
ce que je souhaite", à savoir que Micion ait de la dépense et des
ennuis chez lui, et que moi je rentre dans les bonnes grâces de
chacun.
quid? nunc quod restat, Hegio est his
cognatus proximus,
Ah ? Pour le reste, il y a Hégion,
son plus proche parent,
1 qvid nvnc qvod restat pro quod sequitur. 2 An quod
restat tamquam reliquiae rerum priorum ac per hoc
minimum? 3 hegio est his cognatvs
proximvs commendatio personae quasi notae etiam Micioni ob
merita sua. 4 Et bene addidit proximus, nam multi gradus et ueluti
rami sunt propinquitatis in affinitate et cognatione
dispositi.
1 qvid nvnc qvod restat pour quod sequitur (ce qui
s'ensuit). 2 A moins que quod restat ne désigne le reste de
la situation initiale et qui, par là même a peu
d'importance ? 3 hegio est his cognatvs
proximvs recommandation de la personne, qui se trouve être
connue aussi de Micion grâce à ses mérites. 4 Et il fait bien d'ajouter proximus, car il existe beaucoup de
degrés et, pour ainsi dire, de branches de proximité dans
l'alliance et la parenté.
affinis nobis, pauper; bene nos
aliquid facere illi decet.
un ami à nous, pauvre ; nous devons
lui faire un peu de bien.
1 affinis nobis recte, nam uxoris cognati
affines marito sunt. 2 pavper iam
hoc nomine apparet aliquid flagitari.
1 affinis nobis correct, car les parents de
l'épouse sont les alliés de l'époux. 2 pavper ici, sous ce nom, il appert qu'il y
a un peu de reproche.
Mi.-quid facere? De.-sub urbe est
agelli hic paululum986 quod locitas foras;
Mi.-Quel genre de bien ? Dé.-Il y a à
côté de la ville ce petit domaine de rien que tu loues au
dehors ;
1 qvod locitas foras foras dixit locum pro persona
ponens, quasi diceret nescio cui
alieno. sic et nos dicimus audi: quid dicit ecce hac? pro
ecce hic. et Cicero
«
hic tum alius ex alia parte
393 ». deest ergo aliquid, ut sit: quod locitas foras
uersum. 2 Aut si
foris, foris posito, id est
"alieno". 3 svb vrbe est agelli
pavlvlvm totum cum contemptione pronuntiandum.
1 qvod locitas foras il dit foras en mettant un complément de
lieu pour désigner une personne, comme s'il disait "à je ne sais
qui". Ainsi disons-nous nous aussi : audi : quid dicit ecce hac ?
(écoute : qu'est-ce qu'il dit de ce côté ?) pour ecce hic (celui-ci)832. Et Cicéron : « hic tum alius ex alia parte » (là
alors, un autre d'un autre côté)833. Il manque
donc quelque chose, pour faire : quod locitas foras uersum (ce
terrain que tu loues, tourné vers l'extérieur). 2 Ou bien si c'est foris qu'il faut lire, comprendre
foris posito (sis à
l'extérieur), c'est-à-dire "que tu loues à un étranger". 3 svb vrbe est agelli pavlvlvm il faut
prononcer tout cela avec une pointe de mépris.
huic demus qui fruatur. Mi.-paululum
id autem est? De.-si multum est, tamen
donnons-le-lui pour qu'il en dispose.
Mi.-C'est ça le petit rien ? Dé.-Si c'est beaucoup, néanmoins
1 hvic demvs qvi frvatvr id est: "qui fructum
capiat", non "proprietate potiatur". proprie ergo et quasi de iure
dixit fruatur. 2 frvatvr autem est alatur, quia frumen dicitur summa gula, per quam
cibum lingua demittit in uentrem.
1 hvic demvs qvi frvatvr c'est-à-dire : "pour
qu'il en ait l'usufruit", non "la propriété". C'est donc au sens
propre et au sens juridique, presque, qu'il dit fruatur. 2 Quant à frvatvr c'est
alatur (qu'il s'en
nourrisse), parce que frumen est le nom du haut de
l'œsophage par lequel la langue fait passer la nourriture dans
l'estomac834.
faciendum est; pro patre huic est,
bonus est, noster est, recte datur.
il faut le faire ; il est comme un
père pour la petite, il est bon, il est des nôtres, on fait un
cadeau juste.
1 bonvs est noster est recte datvr ἐπιτροχασμός hortantis
et ἀσύνδετον
multa congerentis. 2 noster est
bene addidit, namque dixit pro patre
huic est. 3 bonvs est
potuit responderi quid
mea?. 4 recte datvr
quasi non quaeratur, an dandum sit, sed illud solum, an recte, quaeratur. 5 bonvs est noster est haec omnia uultuose,
tamquam inuidiam faciat parsimoniae Micioni. 6 Et plus significat noster, quam si addatur quid noster?
1 bonvs est noster est recte datvr
épitrochasme (ἐπιτροχασμός) pour encourager et asyndète
(ἀσύνδετον)
pour rassembler plusieurs éléments. 2 noster est bon ajout, car il a dit
pro patre huic
est. 3 bonvs est on
aurait pu répondre quid
mea ? (en quoi cela me concerne-t-il ?)835. 4 recte datvr comme si la
question n'était pas de savoir s'il faut donner mais seulement si
l'on a raison de donner. 5 bonvs est noster
est tout cela avec un jeu de physionomie, comme s'il
critiquait la réticence à donner de Micion. 6 Et il dit plus en disant noster, que s'il ajoutait quid noster ? (et notre
Hégion ?).
postremo non meum illud uerbum facio
quod tu, Micio,
Après tout, cet adage n'est pas de
moi mais de toi, Micion,
1 non illvd verbvm facio197 nunc
uerbum pro ἀξίωματe posuit, quod uno
stringitur uerbo. Ergo uerbum breuis
sententia. 2 non mevm illvd
facio198 nota uerbum pro sententia, ut «
uno uerbo dic, si quid est quod me uelis
394 » et «
miseram me, quod uerbum audio!
395 ». 3 verbvm dixit ueram
sententiam, nam uerba a
ueritate dicta esse
testis est Varro.
1 non illvd verbvm facio ici, il a mis
uerbum au sens d'un
énoncé (ἀξίωμα) qui est attaché à un seul
verbe836. Donc
uerbum a le sens de
"brève maxime". 2 non mevm illvd
facio notez que uerbum est mis pour sententia, comme dans : « uno uerbo
dic, si quid est quod me uelis », et : « miseram me, quod uerbum
audio ! ». 3 Il dit uerbum au sens de uera sententia (énoncé vrai), car
uerba vient de ueritas (vérité) au témoignage de
Varron.
bene et sapienter dixti dudum: uitium
commune omnium est
que tu as fort bien dit tout à
l'heure : le défaut général des hommes,
quod nimium ad rem in senecta attenti
sumus; hanc maculam nos decet
c'est que dans la vieillesse nous
sommes trop attentifs aux questions d'argent ; cette tare, nous
devons
1 hanc macvlam nos decet effvgere maculam τῷ χλευασμῷ dicit irridens opinionem
Micionis, quia parsimoniam maculam putet. 2 Et simul auxit primo uitium, deinde maculam dicendo.
1 hanc macvlam nos decet effvgere il dit
maculam par raillerie
(τῷ χλευασμῷ),
en se moquant de l'avis de Micion, parce qu'il estime que
l'avarice est une tache. 2 Et en
même temps il fait une amplification en disant d'abord uitium, ensuite maculam.
effugere; et dictum est uere et re
ipsa fieri oportet. Ae.-mi pater!
la fuir ; le dicton est vrai et il
faut le mettre en pratique. Es.-Mon père !
Mi.-quid istic? dabitur, quando
quidem hic uult. De.-gaudeo;
Mi.-Quoi ? Bon, on le donnera,
puisque c'est ce qu'il veut. Dé.-Je m'en réjouis ;
nunc tu germanus es pariter animo et
corpore.
maintenant tu es vraiment mon frère,
pareil à moi moralement et physiquement.
suo sibi gladio hunc iugulo.
C'est avec son propre glaive à lui
que je l'égorge !
1 svo sibi gladio hvnc ivgvlo ἀλληγορία. 2 Non suo sed suo sibi moraliter et ut ueteres
solent loqui.
1 svo sibi gladio hvnc ivgvlo allégorie
(ἀλληγορία). 2 Il ne dit pas suo mais suo sibi de façon caractéristique et
selon l'usage des Anciens.
scaena nona
Demea Aeschinus Micio Syrus
958b | 959 | 960 | 961 | 962 | 963 | 964 | 965 | 966 | 967 | 968 | 969 | 970 | 971 | 972 | 973 | 974 | 975 | 976 | 977 | 978 | 979 | 980 | 981 | 982 | 983 | 984 | 985 | 986 | 987 | 988 | 989 | 990 | 991 | 992 | 993 | 994 | 995 | 996 | 997
Sy.-factum est quod iussisti,
Demea,
Sy.-On a fait selon tes ordres,
Déméa,
factvm est qvod ivssisti
demea id est: diruta est maceria.
factvm est qvod ivssisti
demea c'est-à-dire : le muret est détruit.
De.-frugi homo es. ergo edepol hodie
mea quidem sententia
Dé.-Tu es un homme de confiance.
Aussi, ma foi, aujourd'hui, à mon avis,
1 frvgi homo es utilis ut fruges. 2 ergo edepol hodie mea qvidem sententia ivdico syrvm
fieri libervm hoc est iamdudum quod promiserat Syro, sed
nunc opportune: uidetur enim modo meritum praecessisse. 3 Et sententia ivdico περισσολογία est.
1 frvgi homo es utile comme les céréales
(fruges). 2 ergo edepol hodie mea qvidem sententia ivdico syrvm
fieri libervm c'est ce qu'il avait promis depuis quelque
temps à Syrus, mais c'est maintenant le moment : il semble en
effet que tantôt son mérite ait progressé. 3 Et sententia ivdico enoncé verbeux (περισσολογία).
iudico Syrum fieri esse aequum
liberum987. Mi.-istunc liberum?
je juge qu'il est légitime que Syrus
devienne un homme libre. Mi.-Lui, libre ?
quod nam ob factum? De.-multa. Sy.-o
noster Demea, edepol uir bonus es!
Et à quel titre ? Dé.-A de nombreux.
Sy.-O notre cher Déméa, ma foi quel homme de bien tu es !
1 mvlta oratorie maluit generaliter
multa dicere, quam
quaerere specialiter, quod inuenire non posset. 2 Et Micio singulariter unum quaerit, hic
pluraliter multa
respondet. 3 qvod nam ob factvm a
iure199: adscribi enim causas manumissionis in iure
formula est. 4 edepol vir bonvs iurat
bonum, quia praeter
opinionem est.
1 mvlta de façon oratoire, il préfère dire
multa comme une
généralité plutôt que de chercher des détails spécifiques qu'il ne
saurait trouver. 2 Et Micion pose la
question au singulier, lui répond multa au pluriel. 3 qvod nam ob factvm formule juridique : car
c'est la formule en droit qui impose d'inscrire les raisons d'un
affranchissement. 4 edepol vir
bonvs il accompagne bonus d'un serment, parce que c'est
contre les idées reçues837.
ego istos uobis usque a pueris curaui
ambos sedulo,
C'est moi qui, depuis qu'ils sont
tout petits, vous ai élevé ces deux-là avec ardeur,
ego istos vobis vsqve a pveris intellegit
Syrus laborantem pro se Demeam non habere quod dicat, et ideo ipse
prosequitur ordinem meritorum, quem200 apparet
paedagogum fuisse.
1 ego istos vobis vsqve a pveris Syrus
comprend que Déméa, qui travaille pour ses intérêts, ne trouve
rien à dire, alors il poursuit lui-même la liste de ses mérites,
lui dont il appert qu'il était pédagogue838.
docui, monui, bene praecepi semper
quae potui omnia.
j'ai prodigué leçons, conseils, bons
préceptes, toujours, autant que j'ai pu.
1 docvi monvi bene praecepi ridicule
adduntur, sed tamen consuetudine, quia imputantur etiam facta
praue pro bonis. 2 qvae potvi
omnia bene quae
potui quasi plura uellet.
1 docvi monvi bene praecepi ce sont des
ajouts pour faire rire, mais tout de même selon l'usage, parce que
même des actes mauvais sont comptés comme bons. 2 qvae potvi omnia bien dit quae potui, comme s'il voulait en
désigner beaucoup.
De.-res apparet et quidem porro haec:
opsonare cum fide,
Dé.-La chose est claire, et il y a
aussi ces suppléments : faire le marché avec loyauté,
res apparet mire irridet Demea, sic tamen,
ut serio agere uideatur.
res apparet de façon remarquable, Déméa se
moque de manière à paraître tout de même parler sérieusement.
scortum adducere, apparare de die
conuiuium:
faire venir de la fille, préparer un
banquet en plein jour :
apparare de die convivivm id est repente,
neque ante praedictum aut pridie constitutum.
apparare de die convivivm c'est-à-dire
soudain, sans que la chose ait été prévue ni programmée de la
veille.
non mediocris hominis haec sunt
officia. Sy.-o lepidum caput!
voilà des services qui ne sont pas
ceux d'un homme ordinaire. Sy.-O quel être exquis !
De.-postremo hodie in psaltria hac
emenda hic adiutor fuit,
Dé.-Enfin, aujourd'hui, il a
contribué à l'achat de cette musicienne,
1 postremo hodie in psaltria hac emenda hic adivtor
fvit et hoc totum serio dicitur, ut magis ridiculum
uideatur. 2 hic adivtor fvit in re
bona adiutores, in mala
impulsores dicuntur. ergo
hic adiutor dicitur Syrus
a non irascente, a criminante autem et irato impulsor. 3 hic adivtor fvit hic cvravit de more
repetitum est hic, cum
dicitur hic adiutor fuit, hic
curauit. sic enim solemus onerare audientem meritis
eius, quem laudamus. deinde quid non praestitit, qui et officium
corporis ut adiutor et curam animi praebuit ut consultor?
1 postremo hodie in psaltria hac emenda hic adivtor
fvit et tout cela se dit sur un ton sérieux, pour que cela
paraisse plus drôle. 2 hic adivtor
fvit on dit adiutor (auxiliaire) pour des actes
positifs, impulsor
(instigateur) pour des actes négatifs. Donc ici Syrus est appelé
adiutor par un Déméa qui
n'est pas en colère, mais s'il était accusateur et courroucé, il
dirait impulsor. 3 hic adivtor fvit hic cvravit il est dans
son caractère quand il répète hic, en disant hic adiutor fuit, hic curauit. C'est
ainsi en effet que nous rebattons d'ordinaire les oreilles de
l'auditeur avec les mérites de celui dont nous faisons l'éloge.
Ensuite, que n'a-t-il pas fait, lui qui a offert les services de
son corps en qualité d'auxiliaire et le travail de son esprit en
qualité de conseiller ?
hic curauit: prodesse aequum est;
alii meliores erunt;
c'est lui qui a réglé l'affaire : il
est juste qu'on lui rende service ; les autres
s'amélioreront ;
denique hic uult fieri. Mi.-uin tu
hoc fieri? Ae.-cupio. Mi.-siquidem
enfin, c'est ce que celui-ci veut.
Mi.-C'est ce que tu veux ? Es.-Je le souhaite. Mi.-Donc,
puisque
deniqve hic vvlt fieri abutitur Demea
sciens prodigam uoluntatem adulescentuli.
deniqve hic vvlt fieri Déméa abuse, en
connaissant la prodigalité volontaire du jeune homme.
tu uis... Syre, eho accede huc ad me;
liber esto. Sy.-bene facis.
tu le veux... Hé Syrus, approche
jusqu'à moi ; sois libre. Sy.-Beau geste.
1 syre accede hvc ad me utrum ut eundem manu
emittat an ut palam fiat, iubet propius accedere iuris publici
consuetudinem ludens? 2 Et uide quam comicam manumissionem quam
facete induxerit atque condigne!
1 syre accede hvc ad me est-ce pour
l'affranchir encore ou pour que cela se fasse en public qu'il lui
ordonne de s'approcher en se jouant des règles du droit
public ?839 2 Et voyez quel
affranchissement comique il montre, comme il est drôle et conforme
aux convenances !
omnibus gratiam habeo, et seorsum
tibi praeterea, Demea.
A tous, merci, et tout
particulièrement à toi, Déméa.
et seorsvm tibi praeterea demea effecit
Demea plus quam uolebat: nam qui amari conabatur, praefertur his
etiam qui amantur.
et seorsvm tibi praeterea demea Déméa a
obtenu plus qu'il ne voulait : car lui qui voulait qu'on l'aime,
voilà qu'on le préfère désormais à ceux qu'on aime.
De.-gaudeo. Ae.-et ego. Sy.-credo.
utinam hoc perpetuum fiat gaudium,
Dé.-Je m'en réjouis. Es.-Et moi
aussi. Sy.-Je vous crois. Puisse cette joie être éternelle,
1 gavdeo et ego gratulantium Syro uoces sunt,
quibus de more illo credo
respondet. 2 vtinam hoc perpetvvm fiat
gavdivm integrum, solidum et nusquam interruptum.
1 gavdeo et ego ce sont des paroles de
félicitation à Syrus, auxquelles il répond, selon son caractère,
credo. 2 vtinam hoc perpetvvm fiat gavdivm une joie
entière, solide et en tous points continue.
Phrygiam ut uxorem meam una mecum
uideam liberam!
et que je puisse voir ma femme
Phrygia libre en même temps que moi !
1 phrygiam vt vxorem meam ut ipse Syrus, ita Phrygia uxor secundum ueteres, qui
seruis nomina a nationibus imponebant. 2 vna mecvm videam liberam hoc sic
pronuntiandum est, quasi gaudeat se recordatum de ea, quod cum
ultro cogitare habuisset, paene oblitus fuit.
1 phrygiam vt vxorem meam comme on a Syrus,
on a Phrygia, son épouse, suivant les habitudes des Anciens qui
donnaient aux esclaves des noms ethniques. 2 vna mecvm videam liberam il faut prononcer
cela comme s'il était content de se souvenir d'elle, parce qu'à
force de réfléchir par soi-même il a failli l'oublier.
De.-optimam quidem mulierem. Sy.-et
quidem tuo nepoti huius filio
Dé.-Une excellente femme. Sy.-Et qui,
à ton petit-fils, le fils de celui-ci,
hodie prima mammam dedit haec.
De.-hercle uero serio,
aujourd'hui a été la première à
donner le sein. Dé.-Morbleu, vraiment, sérieusement,
1 hodie prima mammam dedit haec ridiculum
meritum, siquidem oportuerit primam esse quamcumque. 2 An quia causa est, qua ingenui dicuntur
serio a nutricibus liberis educendi? 3 hercle vero serio aduerbia sunt
confirmantia cum παρέλκοντe.
1 hodie prima mammam dedit haec mérite
risible, puisque la première aurait pu être n'importe
qui. 2 Ou est-ce parce qu'on dit
sérieusement que les enfants libres doivent être élevés par des
nourrices libres ? 3 hercle vero
serio ce sont des adverbes de confirmation avec pléonasme
(παρέλκον).
siquidem prima dedit, haud dubium est
quin emitti aequo siet.
puisqu'elle l'allaité la première,
nul doute qu'il soit juste de l'affranchir.
Mi.-ob eam rem? De.-ob eam; postremo
a me argentum quanti est sumito.
Mi.-A ce titre ? Dé.-A ce titre ;
enfin reçois de ma part l'argent qu'elle vaut.
1 ob eam rem hoc eo uultu dicitur, quo rem
ueluti excutimus et ostendimus momenti esse nullius. 2 argentvm qvanti est svmito quanto pretio
ualet. 3 argentvm qvanti est
svmito hoc uerbo tenus, ut faciunt qui persuadere aliquid
cupiunt.
1 ob eam rem il faut dire ça avec l'air qu'on
prend quand on se débarrasse d'une affaire et qu'on montre qu'elle
est sans importance. 2 argentvm qvanti est
svmito autant qu'elle en vaut. 3 argentvm qvanti est svmito en paroles
seulement, comme font ceux qui veulent persuader de quelque
chose.
Sy.-di tibi, Demea, omnes semper
omnia optata afferant988!
Sy.-Que les dieux, Déméa, tous les
dieux, t'apportent pour toujours tout ce que tu souhaiteras !
di tibi demea omnes semper omnia optata
afferant omnes
omnia antiqua elegantia et figurata.
di tibi demea omnes semper omnia optata
afferant omnes
omnia relève de l'élégance et des figures des
Anciens.
Mi.-Syre, processisti hodie pulchre.
De.-siquidem porro, Micio989,
Mi.-Cher Syrus, tu as joliment avancé
aujourd'hui ! Dé.-Surtout si pour aller plus loin, Micion,
1 processisti hodie pvlchre nunc uere pulchre
processit Syrus. 2 siqvidem tv tvvm
officivm facies hoc est patroni, ut libertum non deseras
sed alas manumissum. Plautus «
facis melius quam pars lenonum, qui libertos habent et
eos deserunt
396 »201.
1 processisti hodie pvlchre maintenant,
vraiment, Syrus a fait une belle avancée. 2 siqvidem tv tvvm officivm facies
c'est-à-dire le devoir d'un patron, celui de ne pas abandonner un
affranchi mais de l'entretenir après l'avoir libéré. Plaute :
« facis melius quam pars lenonum, qui libertos habent et eos
deserunt » (tu fais mieux que beaucoup de proxénètes qui ont des
affranchis et les abandonnent)840.
tu tuum officium facies atque huic
aliquid paullum prae manu
tu fais, toi, ton devoir et lui
donnes quelque chose de la main à la main
dederis unde utatur; reddet tibi
cito. Mi.-istoc uilius.
pour son usage ; il te le rendra
vite. Mi.-Moins que ça !
1 dederis vnde vtatvr utatur uiuat, quia usura uita dicitur, ut «
unius usuram horae gladiatori isti non dedissem
397 ». 2 An unde utatur de suo fructum usumque
capiat et cuius tibi sortem reddat? et hoc melius, nam ideo
addidit reddet tibi
cito. 3 istoc vilivs
hoc egit Terentius, ut conuersis officiis usque adeo prodigum
faceret Demeam, donec parciorem redderet Micionem. 4 istoc vilivs quasi nihil minus; negatio est
enim floccum ostendentis aut quid tale cum ἐλλείψει, qua
subauditur quicquam et
non dabo.
1 dederis vnde vtatvr utatur signifie uiuat (vivre), parce que usura (usage, usure) signifie
uita (vie), comme dans :
« unius usuram horae gladiatori isti non dedissem » (je n'aurais
pas donné à ce gladiateur l'usage d'une seule heure)841. 2 Ou bien est-ce
que unde utatur signifie
de prendre sur son capital le produit et l'usage et de t'en rendre
le capital avec les intérêts ? Et c'est une meilleure solution,
car il ajoute pour cette raison : reddet tibi cito. 3 istoc vilivs Térence a réussi à faire faire
un prodige à Déméa en inversant les valeurs, jusqu'à rendre Micion
plus économe. 4 istoc vilivs pour ainsi
dire rien ou peu ; car c'est une manière de nier en montrant un
flocon ou quelque chose de ce genre, avec une ellipse (ἐλλείψει) où l'on
sous-entend quicquam
(rien) et non dabo (je ne
donnerai)842.
Ae.-frugi homo est. Sy.-reddam
hercle, da modo. Ae.-age, pater. Mi.-post consulam.
Es.-C'est un homme de confiance.
Sy.-Je rendrai, ma foi, donne seulement. Es.-Allez, père.
Mi.-J'aviserai plus tard.
De.-faciet. Sy.-o uir optime! Ae.-o
pater mi festiuissime!
Dé.-Il le fera. Sy.-O le meilleur des
hommes ! Es.-O mon père si affable !
1 faciet ne quid negatum in fine fabulae
uideatur, addidit Demea faciet. 2 Et faciet hoc potens et irridens quasi de
prodigio dicit. 3 Et mire faciet, quia nec credibile erat
statim consensurum qui negauerat et perpetua negatio esse in fine
non debuit.
1 faciet pour ne pas qu'il semble y avoir du
négatif à la fin de la pièce, Déméa ajoute faciet. 2 Et faciet il dit cela en puissant et comme
s'il se moquait d'une chose prodigieuse. 3 Et faciet
est remarquable, parce que d'un côté il n'était pas crédible de
voir consentir aussitôt quelqu'un qui avait refusé, d'un autre
côté il ne devait pas y avoir un refus perpétuel dans une fin de
pièce843.
Mi.-quid istuc? quae res tam repente
mores mutauit tuos?
Mi.-Qu'est-ce donc ? Quel événement
soudain a changé ton caractère ?
qvid istic qvae res tam repente mores mvtavit
tvos animaduertendum est, qua calliditate Terentius
quaerens finem fabulae complere laetitia, per ipsum Demeam
muneratur uniuersos, qui in tota comoedia tristis ac saeuus
interturbauit et uociferatus est.
qvid istic qvae res tam repente mores mvtavit
tvos il faut remarquer avec quelle adresse Térence,
désireux de saturer cette fin de pièce d'événements heureux, fait
donner par Déméa lui-même des cadeaux à chacun alors que dans
toute la comédie, morose et sévère, il a fait obstacle à tout et a
passé son temps à vociférer.
quod prolubium...? quae istaec subita
est largitas? De.-dicam tibi:
Quel caprice... ? D'où te vient cette
soudaine largesse ? Dé.-Je vais te le dire :
1 qvod prolvbivm prolubium Latine, quod Graeci
προθυμία
, id est promptus animus ad largiendum. 2 svbita est largitas repentina, ac per hoc
ipsa est ingrata et immoderata, ut euenit, cum ex nimis parcis non
largi et202 liberales, sed effusi prodigique
redduntur.
1 qvod prolvbivm prolubium en latin est ce que les
Grecs appellent
προθυμία
, à savoir un esprit enclin à distribuer844. 2 svbita est largitas soudaine, et par là
même désagrable et immodérée, comme il arrive quand des gens trop
chiches se transforment non pas en personnes pleines de largesse
et généreuses, mais en dépensiers et en gaspilleurs.
ut id ostenderem, quod te isti
facilem et festiuum putant,
c'est pour te montrer que si ces
gens-là te trouvent facile et affable,
1 vt id ostenderem abundat id, non ἔλλειψις est pro propter id. 2 qvod te isti facilem et festivvm pvtant
multum detraxit Micioni dicendo te
isti putant, per quod significatur errare adulescentes
et hunc non esse festiuum. 3 qvod te isti facilem
et festivvm pvtant bene in postremo dignitas personae
huius seruata est, ne perpetuo commutata uideretur, ut Truculenti
apud Plautum.
1 vt id ostenderem id est superflu, mais ce n'est pas
une ellipse (ἔλλειψις) pour propter id (à cause de
cela). 2 qvod te isti facilem et festivvm
pvtant il a beaucoup enlevé à Micion en disant te isti putant, par quoi il signale
que les jeunes gens se sont trompés et qu'il n'est pas d'humeur
badine. 3 qvod te isti facilem et festivvm
pvtant c'est bien que pour finir la qualité fondamentale
de ce personnage soit préservée et qu'elle ne paraisse pas avoir
été modifiée pour jamais, comme la personnalité du héros du
Truculentus chez Plaute845.
id non fieri ex uera uita neque adeo
ex aequo et bono,
cela ne vient pas de ton vrai mode de
vie, ni tellement de la justice et de la bonté,
sed ex adsentando, indulgendo et
largiendo, Micio.
mais de la complaisance, du laxisme
et du gaspillage, Micion.
1 indvlgendo attendendum est indulgentiam a
Demea culpae adscribi denuo. 2 et largiendo micio seuere additum nomen est
uerbis ex animo plorantis.
1 indvlgendo il faut remarquer que
l'indulgence est à nouveau versée du côté des fautes par
Déméa. 2 et largiendo micio avec
sévérité il ajoute aux mots le nom propre de celui qui est en
train de pleurer spontanément.
nunc adeo si ob eam rem uobis mea
uita inuisa, Aeschine, est
Et si jusqu'à présent ce qui vous a
rendu mon mode de vie odieux, Eschine,
quia non iusta iniusta prorsus omnia
omnino obsequor,
c'est que je ne laisse pas totalement
tout faire, juste ou injuste,
1 qvia non ivsta inivsta prorsvs omnia omnino
obseqvor prouerbiales sunt huiusmodi elocutiones:
fanda nefanda, digna indigna, uelis nolis etc. 2 Fuit ueteribus usitatum iusta iniusta, digna indigna, fas nefas.
1 qvia non ivsta inivsta prorsvs omnia omnino
obseqvor de tels énoncés sont proverbiaux : fanda nefanda (dicibles ou
indicibles), digna
indigna (mérités ou immérités), uelis nolis (bon gré mal gré),
etc. 2 Les Anciens utilisaient ces
tours iusta iniusta,
digna indigna (mérités ou
immérités), fas nefas
(permis, défendu)846.
missa facio; effundite, emite, facite
quod uobis libet.
alors j'y renonce ; gaspillez,
achetez, faites ce que bon vous semble.
1 effvndite emite facite effundite ad Aeschinum pertinet,
emite ad Ctesiphonem,
facite ad
omnes. 2 facite qvod vobis libet
prope rediit rursus ad amaritudinem pristinam. 3 Haec ἐπιτροπή est figura, qua inuitos nos
permittere ostendimus quod nolumus fieri.
1 effvndite emite facite effundite renvoie à Eschine,
emite à Ctésiphon,
facite à tous. 2 facite qvod vobis libet il est quasiment
revenu à son aigreur initiale. 3 C'est la figure d'invocation à autrui (ἐπιτροπή), par laquelle
nous montrons que c'est malgré nous que nous permettons quelque
chose que nous ne voulons pas.
sed si uultis potius, quae uos
propter adulescentiam
Mais si vous préférez, à l'égard de
ce qui, en raison de votre jeune âge,
qvae vos propter advlescentiam minvs
videtis hic ostendit Terentius magis Demeam simulasse
mutatos mores quam mutauisse.
qvae vos propter advlescentiam minvs
videtis ici Térence montre que Déméa a davantage fait
semblant de changer de caractère qu'il n'en a changé en
réalité.
minus uidetis, magis impense cupitis,
consulitis parum,
vous rend moins claivoyants, avides
sans modération, trop irréfléchis,
minvs videtis magis impense cvpitis consvlitis
parvm ποικιλία: minus, magis, parum.
minvs videtis magis impense cvpitis consvlitis
parvm variété (ποικιλία) : minus, magis, parum847.
haec reprehendere et corrigere me et
obsecundare in loco,
que je vous reprenne, vous corrige,
vous seconde à l'occasion,
1 haec reprehendere et corrigere et obsecvndare in
loco tribus tria redduntur et utraque αὐξητικῶς, illa in
malam partem superiora, haec in bonam quae inferiora sunt. non
tantum enim culpae est minus prouidere quam impense cupere, nec
tantum mali est impense cupere quam parum consulere. non tantum
enim culpae est minus prouidere quam impense cupere, nec tantum
mali est impense cupere quam parum consulere. item reprehendere
bonum est, melius corrigere, optimum secundare; nam qui
reprehendit, non continuo et corrigit, qui corrigit, non illico
secundat, id est laetissimum reddit et fidelissimum. alii
secundare obsequi dictum putant et ideo
additum in loco, quasi
non semper faciendum sit. 2 Ergo
obsecvndare uel in melius conuertere uel obsequi intellegimus.
1 haec reprehendere et corrigere et obsecvndare in
loco aux trois éléments précédents répondent trois
éléments, et dans les deux cas il y a amplification (αὐξητικῶς), la série
antérieure en mauvaise part, la série suivante en bonne part. Non
seulement en effet il est moins fautif d'être moins prévoyant que
d'être avide sans modération, et il n'y a pas autant de mal à être
avide sans modération qu'à être trop irréfléchi. De même, il est
bien de reprendre, il est mieux de corriger, il est excellent de
seconder ; car celui qui reprend ne corrige pas sans arrêt, celui
qui corrige ne seconde pas tout de suite, c'est-à-dire ne rend pas
très heureux et plein de confiance. Certains pensent que
secundare signifie
obsequi (complaire) et
que c'est pour cela qu'il ajoute in
loco, comme si ce n'était pas toujours qu'il fallait
le faire. 2 Donc obsecvndare se
comprend soit comme in melius
conuertere (changer en mieux) soit obsequi (complaire).
ecce me qui id faciam uobis.
Ae.-tibi, pater, permittimus;
me voici prêt à le faire pour vous.
Es.-Nous nous en remettons à toi, père ;
tibi pater permittimvs noluit Terentius ab
amoribus filiorum perpetuo repulsum patrem.
tibi pater permittimvs Térence ne veut pas
que le père soit perpétuellement tenu à l'écart de l'affection de
ses fils.
plus scis quid opus facto est. sed de
fratre quid fiet? De.-sino
tu sais mieux ce qu'il faut faire.
Mais pour mon frère, que va-t-il se passer ? Dé.-Je l'autorise
sino habeat in istac finem faciat haec
quidem permissio est, sed exceptionem in se continet et cum quodam
stomacho et uelut minaci denuntiatione profertur.
sino habeat in istac finem faciat c'est
certes une permission, mais elle contient en elle-même une
restriction et elle est proférée avec une certaine colère et une
sorte d'accusation menaçante.
habeat; in istac finem faciat.
Mi.-istuc recte. Cantor-plaudite!
à la garder ; qu'il finisse avec
elle. Mi.-Voilà qui est juste. Chef de troupe-Applaudissez !
in istac finem faciat hoc est aut: ne aliam
amet, aut: ne alteram comparet, ne post istam luxuriet cura
alterius. 2 recte bene et Micio non
discessit de proposito suo, qui ut peccasse alias ostenderet
fratrem ob nimiam asperitatem, cum exceptione quadam laudans uerba
eius istuc recte dixit,
quasi diceret non ut
cetera, et simul reposuit ei, qui supra dixerat «
quod te isti facilem et festiuum putant
398 ».
in istac finem faciat à savoir soit : qu'il
n'en aime pas une autre, soit : qu'il ne s'en achète pas une
autre, qu'après celle-ci il ne se jette pas dans la débauche par
amour d'une autre. 2 recte il est
bien que Micion ne s'éloigne pas de son projet, lui qui, pour
montrer qu'en d'autres circonstances son frère avait commis des
erreurs à cause de son excessive sévérité, dit en faisant l'éloge
de ses paroles, avec une certaine restriction, istuc recte, comme s'il disait
non ut cetera (mais non
pas le reste), et en même temps il lui rend la pareille, à lui qui
avait dit : « quod te isti facilem et festiuum putant ».
Notes
1. Inexplicablement, cette section est numérotée "4*" chez Wessner. Nous corrigeons et rectifions les numéros suivants en conséquence.2. Wessner éditait "mensibus <Aeschinum> credit sibi ipsi", ajoutant après Estienne le nom du personnage qui fonctionne comme le sujet indispensable de l'infinitive. Mais V nous met sur la voie en lisant "ipse" au lieu de "ipsi". C'est sans doute dans ce pronom qu'il faut chercher le sujet de l'infinitive : nous rétablissons donc "ipsum", malgré un manque de clarté assez net pusique le dernier personnage masculin cité est Ctésiphon et non Eschine.3. Le texte corrompu dat "†amab†" est ici édité "dat amanti" (selon une conjecture de Wessner dans son app. cr.), ce qui donne un sens satisfaisant.4. Le mot "dat" est une conjecture habile de Wessner. Sans cet ajout, le texte ne se comprend pas. La séquence "daedat" a dû provoquer une haplographie ancienne.5. "Sostratae, liberationem" est un ajout de Reifferscheid, suivi par Wessner. C'est indispensable au sens ; il s'est produit un saut de "conciliationem" à "liberationem".6. Wessner complétait le lemme en "observari et <ad.> rapere", pour se conformer au texte térentien. C'est inutile : il arrive souvent que Donat saute un mot dans le lemme. En outre ce qui est en cause dans le commentaire, ce sont les verbes : on n'a donc pas besoin spécifiquement de "aduersarios".7. La conjonction "cum" est ajoutée par Wessner, à juste titre. La succession "cum cum" a été simplifiée, d'évidence.8. Wessner suivait une conjecture d'Estienne, qui rend certes le texte plus limpide, "producta I". Mais le texte, par exemple de CV, "producte", quoique assez implicite, se comprend.9. "Te" est un ajout de Wessner, logique, puisque c'est ce pronom qui est explicité dans la scholie.10. Wessner ajoutait entre le lemme et la scholie "<ut sit: irata>". C'est absolument inutile.11. Nous rendons au vers 32 le plus gros de ce que Wessner attribuait au vers 33, en renumérotant les scholies concernées en conséquence. De fait, la séquence "aut te amare cogitat", même si elle est souvent traitée de pair avec la suite, qui constitue le vers 33, figure bien dans le vers 32. Nous suivons donc l'usage établi par Wessner lui-même qui consiste à coupler les scholies au vers qui contient le premier mot du lemme. En l'espèce, ce que Wessner désignait sous l'appellation 33 1- 5 est renuméroté 32 2-6 ; 33 6 devient 33 (et reste le seul lemme attribuable au vers 33).12. Wessner postulait ici un peu vraisemblable "ἐμφατικώτερον", qu'il déduisait du seul "non", unanime dans les mss., au motif que la plupart des mss. ont dans la suite "quam si diceret". Mais il suffit d'adopter la leçon de V, qui a "quasi" au lieu de "quam si" pour obtenir à peu de frais une leçon tout à fait satisfaisante.13. Nous conservons "dicit", postulé par Wessner, même si le tour sans verbe (dont témoignent les mss.) est assez dans la manière du grammairien.14. Wessner éditait "Πάμφιλος ἔχοι †νιων πωλουμενον", d'après un texte approximatif noté par le seul ms. A et par le codex Cujas (voir les Observationes de Lindenbrog (1623), p. 640). De ce texte ressort nettement une finale "EXOINIωNπωλουμενον", qui a pu faire penser au subtil Cazaubon (cité par Lindenbrog, ibid.) à une formule "Εἶτα φίλης σχοινίῳ ᾿μποδούμενον" (ensuite, empêtré dans la chaîne de sa maîtresse), avec la métaphore du mariage et de la corde au cou. Meineke, l'éditeur des fragments des comiques attiques (FCA 54), reconstituait, d'après cette seule attestation, un texte un peu hardi : "Εἶτα φίλ᾿ ὃς ἔχεις γυναῖκα σχοινίων πωλουμένων" ("Ensuite, ami qui as une femme, puisqu'on t'a vendu des chaînes", avec un "γυναῖκα" vraiment sorti de nulle part), mais avec en finale un "σχοινίων πωλουμένων" qui a la garantie d'un autre fragment comique attribué à Antiphane (dans un autre contexte que le mariage). La proposition que nous faisons se fonde, en les adaptant "metri causa", sur les idées judicieuses de nos prédécesseurs. Nous proposons de lire dans le début du segment du ms. A ("еτ τλΦΙλΟC"), qui manifestement anticipe le début du texte grec, un simple "e" (qui appartient à "sententiae") et "ut", qui présente la citation, puis "ἁψῖδ᾿ ὃς". Pour les reste, nos retouches au grec sont somme toute minimes. Nous supposons une confusion chez le copiste entre φ et ψ (déjà remarquée en d'autres cas) et une haplographie bien naturelle du segment "OCEIXECXOI" en "OCEXOI".15. Wessner éditait "Romanis id uideri, quos spectatores habet. Menander" etc. Nous suivons le texte de A, qui est au demeurant le seul à indiquer du grec dans ce passage. Mais quelque texte que l'on suive, le sens ne se laisse pas facilement appréhender.16. Wessner éditait "†τωμανκαριαημυ† γυναῖκ᾿ οὐ λαμβάνω". Comme plus haut, on peut considérer que le grec a été anticipé par le scribe de A et que le τ est en fait un "ut" latin. Pour le reste, notre lecture est presque tranquille. On peut restituer la fin d'un trimètre (sur "μακαρία") et le début du suivant (à partir de "ἐμή").17. Wessner édite "†utruna", sans choisir parmi des leçons aberrantes des mss. On propose de restituer, pour ce segment délicat, la leçon "uerba", assez plausible sur le plan ecdotique et qui donne un sens satisfaisant.18. Wessner ajoutait "<contra me>" pour se conformer au texte térentien. Ce n'est pas nécessaire.19. Comme souvent, Wessner explicite la scholie en ajoutant "<insueuerit>". C'est inutile.20. Wessner ajoute ici "<s.>". C'est raisonnable, puisque "stabilius" est objet de commentaire.21. C'est Wessner qui ajoute "<a.>", pour "adiungitur". Nous gardons cet ajout plausible.22. "Facit" est un ajout de Wessner, plausible en raison de la nature du commentaire et de la présence de grec, qui a pu avoir un effet sur la délimitation de la lacune à laisser.23. Le lemme 2 a la leçon "rursus", le lemme 3 commente "rursum". Les deux formes, ici, sont possibles métriquement.24. Wessner éditait "bene<ficium>", en adaptant Estienne qui proposait "bene facere". Mais, bien qu'elliptique, la scholie se comprend avec ce seul "bene", consensuel dans les mss.25. "Se" ne figure pas dans les manuscrits de Térence. Mais c'est Donat (ou plutôt un copiste scrupuleux, qui l'a rajouté sur la foi de ce que disait la scholie 4) qui semble l'avoir ajouté lui-même, puisqu'il précise au lemme 77, 4 que "se" manque. Le vers est faux avec l'ajout de "se".26. Wessner complétait le lemme avec un "<f.>" inutile.27. Les mss. (notamment V 1 et K) ont "quorsum istuc aut dicis". Wessner supposait donc ici une lacune et complétait "<deest pertinet> aut dicis", à comprendre "il manque 'pertinet' ou 'dicis'". Mais il s'agit en fait d'une reformulation de "istuc", dès lors qu'on a corrigé "aut" en "ut".28. Wessner complétait le lemme avec un "<haec>" inutile.29. Wessner complétait le lemme avec un "<id>" inutile.30. Wessner ajoutait devant "apud" un "ut" inutile.31. Wessner complétait le lemme avec un "<m.>" inutile.32. Wessner ajoutait en début de scholie un "Et" inutile.33. Nous corrigeons ici le texte de Wessner "qui a natura et affectu pater sit", qui donne un sens paradoxal (puisque justement Micion n'est pas un père par nature) en préférant la lectio facilior du ms V : "qui non natura sed affectu". En gardant la lectio difficilior de Wessner, on est obligé d'interpréter "a natura et affectu" comme deux groupes compléments différents, sans que la préposition soit en facteur commun, et de forcer le sens de" ab". Le tour se comprend alors (?) : "Micion, qui loin d'être un père par la nature est un père par le sentiment".34. Wessner complétait le lemme avec un "<d. i.>" inutile.35. Wessner ajoutait un début anticipé de scholie et un lemme sous la forme "<mire ALIENVS NON SVM>". Inutile.36. Wessner complétait le lemme avec un "<g.>" inutile.37. Wessner complétait le lemme avec un "<g.>" inutile.38. Wessner ajoutait ici de son cru un "<tacet>" inutile.39. "Si" n'est pas dans le texte térentien ; l'ordre du reste du vers est "sim eius" et non "eius sim". Sur le sens de la scholie induit par cette lecture défectueuse du vers de Térence, voir la note apposée au texte français.40. Wessner, suivant Estienne (1529), éditait ἦθος ὑπερβολῆς. On ne sait trop d'où Estienne tirait ce texte. Sans doute du ms. A, aujourd'hui perdu pour nous. Mais on se souvient qu'il a écrit de ce manuscrit qu'il était difficile à lire, notamment pour le grec, et il n'y a pas forcément une foi absolue à accorder à cette leçon, sans doute reconstituée. Il paraît raisonnable de se cantonner à une phraséologie plus habituelle et de proposer cette conjecture.41. Wessner éditait "'aliquid' uero ad minorandum est. quod addidit 'meretricem', ostendatur <securitas> Micionis etc.". Dans ce texte, "ad minorandum" est une conjecture de Rabbow et "securitas" un ajout de Schoell. En outre, Wessner considère "aliquid" comme un autonyme, mais ce pronom figure au vers suivant. Nous supposons, justement, qu'il n'est pas autonyme. Nous rétablissons "admirandum", quasi-unanime (on trouve sporadiquement "adiurandum" chez G) et, pour sauver le génitif "Micionis", nous proposons non pas "securitas", dont on ne voit pas pourquoi il n'aurait pas laissé de trace, mais "os" qui, devant "ostendat", a été l'objet d'une haplographie évidente. D'ailleurs le texte de VK "meretricem non osten-" témoigne à sa façon d'une certaine survie de "os".42. Wessner, suivant Rabbow, ajoutait ici un "non" bien trop facile, qui ne figure pas dans les mss. En fait, il faut la négation si l'on se représente la pensée de Micion, mais il n'en faut pas si, comme c'est le cas ici, on se représente la pensée commune.43. Wessner athétisait les scholies 4 et 5, qu'il considérait comme suspectes. Or de très bons mss. (MGDJOU et V en marge) ont ce texte. Seul K et C, parmi les témoins essentiels, ne l'ont pas, ni non plus V1, sans doute dépendants d'un même original qui avait pu omettre par hasard ce segment.44. "i", pour "<inopi>", est un ajout de Wessner que nous conservons, car l'adjectif est objet du commentaire.45. Wessner éditait "AT ENIM NON SINAM 'enim' inceptiua etc.". Cela donne un texte incohérent, puisque Donat signale un "enim" en début de phrase dans sa scholie, conformément d'ailleurs à la tradition térentienne, alors qu'il porte (ou que Wessner lui fait porter) "at enim" dans son lemme. Il suffit d'imaginer que "at" est le début de la scholie pour remettre le lemme et la scholie en conformité. Sans doute peut-on supposer que Donat avait seulement écrit "at enim inceptiua etc." et qu'une main ultérieure, de l'époque de l'archétype au plus tard, a augmenté le lemme avec les deux mots suivants, qui constituent la réplique complète de Sannion, d'où "at enim non sinam" (sans doute avec des abréviations, dont témoigne par exemple G qui écrit "at enim non sententia enim inceptiua etc.", où "sententia" doit être le développement mal compris d'un "sinam" probablement écrit "sin."), en lui donnant ainsi la forme que nous éditons. Mais "at" ne fait pas pour autant partie du lemme térentien.46. Wessner complétait en le commençant par "<i.>". C'est inutile.47. Wessner ajoutait ici un lemme "<ex tvis virtvtibvs>". Inutile.48. Wessner éditait "hoc <est>". Les mss. portent "hoc" (K) ou "an" (GUV...). Il nous semble que, dans l'un ou l'autre cas, on peut rétablir un "aut", le deuxième volet de l'interrogation étant lui-même double.49. Wessner suit ici l'editio princeps et édite "ut ne", mais l'ajout de "ut" ne s'impose nullement.50. "Meam" est un ajout de Wessner, mais qui semble s'imposer, car le commentaire porte précisément sur le fait qu'il dit "ma" sans préciser de quoi il s'agit.51. Pour cette tentative de sauver un peu de grec dans le texte édité par Wessner, suivant Lindenbrog, voir la note apposée au texte français.52. Wessner ajoutait de son cru "<s. t.>" dans le lemme de cette scholie, pour des raisons différentielles avec la scholie même. C'est inutile et nous supprimons l'ajout.53. Wessner ajoutait "<in>" devant ce groupe nominal. Mais les mss. ne l'ont pas (sauf V 2 dans une rature) et la tournure est plutôt classique en l'état.54. Wessner ajoutait "<modo>" pour compléter la citation. Cela n'est pas utile.55. Nous déplaçons au vers 211 ce bout de scholie que les mss. et Wessner proposent en association avec le vers 212 où elle se comprend moins bien. La lacune inaugurale de la scholie 212, 1, qui a perdu un segment écrit en grec, a favorisé la "descente" de ce morceau de texte latin, qui s'est décalé de quelques mots seulement.56. Wessner supposait une lacune en tête de commentaire, en raison d'un ou plusieurs mots grecs. De fait, les mss. offrent bien une lacune en tête de scholie. Le texte de Wessner était "CERTATIONEM COMPARATAM ...... quia ille 'concertasse' dixit, non 'caesum esse'". Nous pensons que "non caesum esse" doit remonter à la scholie 211, 2 (voir note ad loc.). Quant au grec inaugural de cette scholie, le ms. Cujas, vu indirectement par Lindenbrog, atteste le texte que nous éditons et qui est parfaitement compréhensible dès lors que l'on a déplacé le segment "non caesum esse". Estienne (1529), qui ne connaissait pas le manuscrit Cujas, proposait, sans doute d'après le ms. A (aujourd'hui perdu pour Les Adelphes) ou quelque autre témoin notant du grec, "διασύρει" ("il tire en longueur") qui décrit le phénomène mais de façon moins technique que le texte du Cujas.57. Conjonction ajoutée par Estienne (1529) et retenue par Wessner. C'est un ajout raisonnable.58. Wessner éditait "quia quidquid agit leno ad lucrum refert, lucri genus dicit esse Syrus †sic a lenone, quemadmodum ipse persuadet", avec un locus desperatus. De fait, le texte des mss. est loin d'être consensuel. Sans entrer dans le détail ecdotique, il y a deux difficultés : 1. une partie des mss. (VU...) porte "ad lenonem", une autre (CGM...) "a lenone", K faisant la moyenne avec "ad lenone" ; 2. on observe une hésitation entre "esse si" et "et sic". Mais U a "et sic (...) rem", et nous pensons qu'il a raison : la scholie dit quelque chose du mot "rem" qu'a utilisé Syrus. La difficulté porte aussi sur la fin de la scholie : nous proposons de restituer "qua admodum" (où "qua" est le relatif fémini appuyé sur "rem"). Dès l'archétype, manifestement, la tradition avait corrigé en "quemadmodum", ce qui avait entraîné, à date ancienne, la correction du subjonctif "persuadeat" en "persuadet".59. La préposition est un ajout raisonnable d'Estienne (1529), suivi par Wessner.60. Contrairement à ce que laisse entendre Wessner, "non" n'est pas une conjecture ; "et eum non" est le texte de DMV2, que nous éditons, ainsi que celui d'autres manuscrits.61. Wessner éditait le lemme 4 avec des cruces, dans la mesure où ce lemme ne correspond en rien au commentaire, qui vise en réalité le vers 224.62. Devant cette citation, Wessner ajoute "et", qui est absolument inutile.63. Wessner suivait ici une conjecture de Kauer, qui donnait "ad hanc rem", qui fait contresens. En effet, il s'agit d'opposer le pronom "hoc" (qui équivaut à "hanc rem") à l'adverbe "hoc" (qui équivaut à "ad hunc locum").64. Wessner éditait "'emptae muilieres complures' etc. 3 <EMPTAE MVLIERES COMPLVRES ET> ITEM HINC ALIA", supposant qu'il fallait répéter un lemme qui avait disparu par saut du même au même depuis la citation de la scholie 2. Il suffit de ne rien ajouter et de considérer que la prétendue fin de lemme 3 est en fait la fin de citation du lemme 2 et que la scholie 3 n'a pas de lemme.65. Wessner éditait "<in> hanc insulam portat" là où les mss. principaux lisent sans souci "hanc insulam dictam", que nous restituons et qui est parfaitement cohérent dans le contexte.66. Schoell, suivi par Wessner, complétait la citation d'un "<a.t.d.>" aussi inutile qu'inexistant.67. Wessner complétait le lemme d'un inutile "<Ae.>".68. Le texte n'est pas sûr. Nous éditons ici "siccante", qu'on trouve dans les manuscrits les plus fautifs, la leçon "significans" que Wessner édite avec une crux n'offrant aucun sens. La conjecture "se inclinante" de Wessner dans son app. cr. est également plausible pour le sens.69. Wessner édite ici l'excellente suggestion d'Estienne (1529), qui ajoute "uel cum opus est beneficium", qui a sauté tant il semble une redite. Estienne a pleinement raison de restituer ce segment.70. En tête de lemme, Wessner ajoutait "numquam" qui ne sert à rien puisque ce n'est pas cela qu'on commente.71. Wessner ajoutait ici "<ne>", dans la structure attendue "ne hominem", mais en fait il n'y a pas lieu de le faire si l'on comprend quelque chose comme "puisque 'neminem' implique 'hominem', pourquoi dire 'neminem hominem' ?".72. Wessner éditait en fin de lemme 1 : "'o Ctesipho'" puis le répétait par conjecture (en supposant un saut du même au même) en début de lemme 2. Il est nécessaire en début de lemme 2, non en fin de lemme 1 et nous simplifions le segment en revenant au texte des mss.73. Wessner insérait ici de son cru un lemme "<ELLVM>", foncièrement inutile.74. Leçon du ms. M, contre "<alii>", conjecture de Wessner.75. Wessner croyait bon de rajouter "supra". Inutile.76. Nous modifions très légèrement le texte de Wessner, qui dit "meretricis" alors que le substantif "amoribus" laisse attendre un pluriel. Nous éditons donc le texte avec l'adjectif "meretriciis".77. Wessner ajoute ici cet adverbe. C'est raisonnable et sa perte dans les mss. s'explique aisément.78. Texte de MUV... Wessner éditait une suggestion d'Estienne (1529): "beneficii ex periculo <et> difficultate", inutile dès lors que le texte de ces bons mss. est satisfaisant.79. Les mss. ont ici "non si ego tantummodo aduersantibus" (V...) ou "non si ege(n)t tantummodo aduersantibus" (UG...). Ce texte pose évidemment problème. Wessner, suivant Estienne (1529), proposait de le sauver en ajoutant "aliis" devant le participe, dans un ablatif absolu. L'idée est bonne mais il y a lieu de croire que son sujet se cache dans "tantummodo", d'où notre restitution.80. "Non" n'est pas un ajout de Klotz, quoi qu'en pense Wessner, mais une lecture difficile d'une abréviation de la négation qui a été confondue avec une abréviation de "hoc", souvent présent dans les mss.81. Schoell, suivi par Wessner, ajoutait ici "in mulierum colloquio", sorti de nulle part et parfaitement inutile dès lors que l'adverbe "hic" en tient lieu.82. Wessner complétait la citation avec un "<f.>" pour "fui". Inutile.83. Wessner faisait droit à un ajout d'Estienne "ad omnes dies" qui est inutile, si l'on comprend que "omnes dies" est une reformulation de "semper" et non le complément de "rettulit".84. Wessner ajoute au lemme un "remedium" qui n'a visiblement pas d'utilité.85. Sur ce texte mal transmis de Lucilius, dont Donat est le seul attestateur, nous prenons le texte de Charpin dans son édition de la CUF en adaptant la finale "malust" (alors que Charpin athétise le "est" et écrit "malus [est]").86. Wessner s'inspirant de Klotz écrivait "quam <quod>" mais on peut se passer de cette lectio facilior.87. Wessner ajoutait "<a>" devant ce nom. Inutile.88. Wessner édite "quod" (mais "cum" au lemme 4), alors que le commentaire du lemme porte sur le sens de "cum". L'hésitation vient sans doute du fait que "cum" était écrit "quom" et qu'une fois abrégé il a pu être pris pour "quod". Pour des raisons de cohérence, nous rétablissons "quom" dans le texte de Térence et dans le texte du commentaire en latin.89. Les mss. notent (quand ils notent quelque chose) "asyntheton" pour la figure et laissent une lacune qui suppose la présence de grec après "omnia secum". K, à la place de la lacune, a une série d'initiales dont certaines correspondent à quelques éléments de la série. Cela atteste que les scribes ont pensé voir dans ces segments incompréhensibles du grec, qu'ils ont prudemment omis. Mais il s'agit bien du procédé de la polysyndète, non de celui de l'asyndète, comme l'a très brillamment restitué Estienne (1529) qui a compris ce qui s'est passé.90. Wessner ajoutait ici, comme Estienne (1529), "circumuallant" qui, venant d'être cité dans le lemme, est inutile dans la scholie.91. Wessner éditait "non <tantum> mariti sed etiam". L'ajout de "tantum" est motivé (?) par la présence d'"etiam". Mais "etiam" n'est pas garanti : MUV ne l'ont pas. Le plus sage est donc de supprimer "etiam" et, bien sûr, l'ajout de "tantum" qui reposait sur lui.92. Wessner ajoute ici "et". Inutile.93. Wessner, par souci de clarté, ajoutait "<anima>". On sait que l'implicite n'arrête pas Donat. Nous ne gardons la conjecture.94. Wessner complétait le lemme avec "<quaerito te>", à sa place. Ce morceau n'étant pas commenté, il est inutile de l'ajouter.95. Wessner ajoute à juste titre "an oppido". Il y a eu dans les mss. un saut du même au même qui rend le commentaire incompréhensible.96. Wessner édite ce mot en alphabet grec, mais il est translitéré dans les mss. MUVGK. Par ailleurs, le mot est inusité dans la langue rhétorique, à notre connaissance.97. Nous complétons le lemme indiqué par Wessner dans la mesure où la scholie porte sur la réplique de Sostrata et non sur celle de Géta. C'est ce que note Wessner dans son app. cr. : "schol. pertinet ad ah minime gentivm non faciam".98. "Si" est un ajout de Wessner nécessaire à la construction. Nous le conservons.99. Wessner suppose sans doute à juste titre un saut du même au même qui aurait entraîné dans les manuscrits la disparition d'un segment. Ce que nous y lisons est en effet incompréhensible : "non potest iungemus dari nuptum id est uirgo". On comprend, avec la proposition d'ajout de Wessner, que la présence si proche de deux "dari nuptum" a pu entraîner aisément la faute.100. Ce texte, conjecturé jadis par Wessner, est en réalité la leçon de K, souvent excellent témoin. Nous la retenons donc.101. Wessner éditait " 2 TESTIS EST MECVM ANVLVS <noua> locutio, hoc est: pro me testis est. 3 <An 'testis est> mecum' hoc <est>: testes sumus? etc.", texte qui repose sur divers ajouts personnels. Nous revenons au texte des manuscrits VGMU. Notons cependant que K porte tout autre chose : "testis mecum est anulus locutio haec est pro me testis est hoc est mecum aut anusque testes sumus etc." qui semble reposer sur une série de mélectures ou de sauts du même au même. Sachant la qualité habituelle de K, il est fort probable que son modèle portait déjà un texte très corrompu. 102. Wessner ajoutait " a tali" devant "facinore" sans doute pour rendre la construction plus classique, mais "abhorreo" avec l'ablatif seul est loin d'être sans exemple. Nous nous rangeons au texte des manuscrits.103. Schoell proposait d'ajouter "bona" devant "locutio", et Wessner le suivait. L'ajout n'a aucun intérêt.104. Texte de GVMU, rejeté par Wessner sur l'autorité de C, mais que nous confirmons avec la lecture de K. Le texte GVMUK peut être conservé.105. Le texte virgilien porte "Alciden" et non "Aeacidem".106. Wessner ajoutait ici logiquement un "sed" qui n'est dans aucun manuscrit. L'énoncé étant précisément plus abrupt sans "sed", nous pensons qu'il faut privilégier la version plus difficile que nous lisons dans les manuscrits.107. Wessner éditait "quem iam stultum fieri <non> contrarium senectuti est", où la négation était une conjecture de Schoell. Il nous semble que le texte se comprend tout à fait sans la négation (voir la note apposée au texte français), mais que le tour "quem iam", fort noueux en l'état et presque incompréhensible, peut cacher un "quoniam" mal lu à date très ancienne par mélecture d'abréviation.108. Wessner éditait "DEMEA μεταδιόρθωσις", mais le terme technique ne paraît pas exister. Il est postulé par Lindenbrog (1623), lequel ne nous dit pas d'où il l'a tiré. Les mss. ont "DEMEA" suivi d'une lacune et reprennent sur "nunc" etc. Sauf K. Ce dernier écrit, dans ce qui est sans doute pour lui un lemme, "de me", fait suivre une lacune et reprend sur un mot court, que nous pouvons lire "spe" (mais cette main de K est très difficile à lire) et il se pourrait que "me" et ce mot mystère constituent respectivement le début et la fin du segment grec. Peut-être sous "spe" y a-t-il "seos". Cela accrédite notre reconstruction "μετὰ διορθώσεως". Le lemme lui-même devait se terminer seulement sur l'initiale du nom de Demea ("D." ou "DE.").109. Wessner édite ici une conjecture de Westerhof bâtie sur le texte de Lindenbrog (1623), lui-même sans doute établi d'après le ms. Cujas. Mais le ms. K (inconnu de Wessner) porte explicitement, là où tous les autres ont une lacune qui se finit sur "non soluit" (où "non" est en fait la fin du mot grec) : "to crema me non soluit". Cela donne absolument raison à Westerhof et à Wessner.110. Les manuscrits ont simplifié "quantusquantus" en "quantus", ce qui se comprend s'ils n'ont pas le texte de Térence sous les yeux, mais ne se comprend pas si l'on considère le commentaire que fait Donat. Wessner a donc prudemment rétabli le texte térentien.111. Le texte des manuscrits est incompréhensible. Ils lisent en effet "et priusquam coeperit non olfecerit et totum" etc. Wessner suivait Schoell qui conjecturait "priusquam coeperit. 2 COEPERIT non olfecerit. 3 Et totum" qui est absurde car ce n'est pas le jeune homme qui "renifle", mais bien Déméa. On ne peut donc remplacer poste pour poste "coeperit" par "olfecerit". On peut en revanche, malgré l'aspect de lectio facilior de cette correction, le remplacer par "fecerit" que l'archétype a glosé, croyant bien faire, en "olfecerit" vu le contexte. On comprend alors que Déméa en dit plus car il aurait, dit-il, flairé l'affaire avant même que le jeune homme ne l'entreprenne, c'est-à-dire qu'il aurait démasqué non les actes d'Eschine ("fecerit"), mais ses projets ("coeperit").112. Les mss. de Donat donnent ici "id quod te oro", amétrique, mais ceux de Térence ont "id te oro".113. Le texte de Donat (mal assuré) porte "is enim fides sit", corrigé par Estienne en "his enim fides fit", qu'édite Wessner. Mais que représente "his" ? Un datif, au sens de "pour eux en effet se produit de la croyance" ? Mais seul Déméa est là pour entendre le récit de cette querelle imaginaire inventée par Syrus. Un ablatif de moyen, au sens de "par ces mots en effet se produit de la croyance" ? Mais le neutre "his" n'a pas de référent stable et représente l'idée qui est dans "oratorie narrat", ce qui semble assez bizarre. On peut, du coup, peut-être penser que le vrai texte du grammairien était "sic enim fides fit" ("car c'est de la sorte qu'on est cru"). L'adverbe "sic", qui suit immédiatement le très ressemblant "sit" de la phrase précedente, a pu alors être omis, puis s'est immiscé un "is" (qui évitait à "enim" d'être le premier mot de la phrase) ; dès lors l'énoncé devenait peu clair. Dans notre traduction, nous traduisons comme s'il y avait un ablatif "his" au sens de "his uerbis", et le laissons glisser au sens d'un ablatif de manière. C'est une façon de traduire comme s'il y avait "sic" sans trancher complètement dans le débat. De toute façon, le sens du lemme est parfaitement compréhensible.114. Wessner éditait "ut <cum> illudentem de sua arte fecisset Syrum", où le "cum" est une conjecture de Goetz sans doute gêné par le temps de "fecisset". En réalité le problème n'est pas là, car les manuscrits principaux sont unanimes à donner "Syrus" au nominatif et "alludentem" et la plupart d'entre eux (GVMU) donnent en plus "se". Nous revenons à ce texte en considérant que ce qui est troublant c'est le changement brutal et implicite de sujet entre les deux subordonnées coordonnées. La première a pour sujet explicite "Syrus" la seconde pour sujet implicite "Terentius". De telles rudesses ne sont pas sans exemple ailleurs chez Donat. Voir Pho. 112, 2 et 192, 1 par exemple.115. Nous faisons droit à la suggestion de Wessner, qui édite "LAVTVM lau<a>tum". Les mss. ont soit "lautum lautum" soit une omission (par ex. V) face à cette tautologie. Wessner a raison : c'est une remarque morphologique sur le fait que la forme "lautum" appartient au verbe "lauare" et a un doublon "lauatum" plus clair pour les élèves de Donat. Mais sous l'absurde "lautum lautum" des mss. peut aussi se cacher un énoncé "lautum lotum" (avec l'autre variante morphologique du participe de "lauare").116. Cette scholie 437 est numérotée par Wessner 436.2, alors qu'elle concerne pleinement le vers 437. Nous rectifions donc la numérotation. En outre nous supprimons le lemme "QVANDO ITA VVLT FRATER DE ISTOC IPSO VIDERIT" qui était un ajout de Wessner et qui vient d'être cité en fin de scholie précédente. La redite est inutile et ne figue pas dans les mss.117. Wessner éditait "et simul <ut> aliud quod indignetur inueniat", avec un ajout personnel de "ut". Les mss. hésitent entre "et simul aliud quod indignetur inueniat" et "et simul aliud additur quod indignetur" (V notamment), qui sent sa correction. En fait, quoique un peu rêche, le texte se comprend sans aucun ajout, dans la suite de "inuenta causa est cur".118. Wessner complétait le lemme d'un "<RELIQVIAS>" qui, certes, est l'objet du commentaire, mais qui n'est pas dans les mss. et n'est pas d'une nécessité absolue : le commentaire porte tout autant sur "huius generis".119. La préposition est un ajout plausible de Wessner. Les mss. ont "subiunctiuum pronomen minus quam finitum", comme si une seule catégorie de pronom était ici envisagée, alors qu'il y en a bien deux représentées respectivement par "is" et par "ipse" (voir la note apposée à la traduction). Peut-être peut-on suggérer aussi la perte d'une coordination, dans un énoncé qui ferait un rappel sur les deux pronoms cités, "subiunctiuum pronomen et minus quam finitum".120. "Facere" est un ajout d'Estienne (1529), suivi par Wessner, et que le contexte rend indispensable.121. Le texte de Plaute est en général "libertos qui habent".122. Correction insipirée par une conjecture habile de Wessner qui proposait "ut <sit> etsi pie", tous les manuscrits ayant "ut et sapiens" qui ne s'explique pas en contexte. Nous pensons que pour arriver à "et sapiens", l'archétype a dû mésinterpréter un segment "ETSIPIVSEST" sans doute largement abrégé du type "etsipi'est". Une lecture rapide a pu faire entendre "et sipiest", dépourvu de sens, corrigé immédiatement en "et sapiens".123. La citation homérique n'est pas transmise par les manuscrits que nous connaissons, qui laissent une lacune importante. Lindenbrog d'après le manuscrit Cujas éditait ce que Wessner reprend avec des cruces : "κέλεαι δέ με πάντ᾽ ἀποδοῦναι †εθελομην γαρ εκτωρα συνεννιαιενα†". Le début de la citation est tiré de Il. 1, 134 (qui dit "κέλεαι δέ με τῆνδ᾽ ἀποδοῦναι", la finale "πάντ᾽ ἀποδοῦναι" se lisant de son côté en Il. 3, 285, mais l'erreur peut provenir dès l'origine d'une citation de mémoire). La suite, "†εθελομην γαρ εκτωρα συνεννιαιενα†", parfaitement amétrique et barbare, est désespérée sous cette forme. Mais il s'agit manifestement d'illustrer la differentia "iubeo" vs "uolo", ici relayée par un verbe "κέλεαι" d'un coté, une forme "εθελομην" de l'autre et il doit y avoir deux citations homériques réunies par un "et" pris pour du grec puis victime d'un saut du même au même dans la séquence "et οὐκ ἐθ". Il faut alors comprendre, pour restituer le vers que nous proposons, qu'il s'agit d'un hysteron proteron comme en Il. 9, 356-358 : Achille dit qu'il ne combattra pas, parce qu'il a déjà fait charger ses navires, ce qui implique un ordre. Alors que les actions se déroulent dans l'ordre inverse (Achille charge d'abord ses navires et dit ensuite qu'il ne veut plus combattre), Donat explique que c'est bien dans l'ordre donné par Homère que les choses doivent être mises : c'est parce qu'il ne veut plus combattre qu'il a fait charger ses navires, donc la volonté précède l'ordre. Le manuscrit Cujas portait un texte allusif, réduit à la seule figure qui intéresse le grammairien, bien que, de ce fait, trois vers soient concernés. La finale "νηήσας εὖ νῆας" se lit encore assez facilement sous "συνεννιαιενα".124. Wessner, suivant Estienne, éditait "in qua <ne> statim", mais cet ajout est inutile, c'est une simple affaire de ponctuation. L'enchaînement est le suivant : la "postulatio" est habile, parce que, là où Déméa pouvait se défendre en se prétendant non concerné, la manière dont Hégion s'adresse à lui l'oblige à se justifier.125. Ajout d'Estienne (1529) repris par Wessner, qui s'impose pour avoir un lemme. 126. Le mot grec est une conjecture d'Estienne (1529) pour combler une lacune des mss.127. Wessner ajoutait ici "uitiauit", conjecture personnelle. Cela ne sert à rien, et contredit même la matière du commentaire.128. Cette préposition est un ajout de Klotz, plausible, vu le risque d'haplographie du segement "inin".129. Ce "ut" ne se rencontre pas dans les mss. de Térence. On n'en sait pas plus sur ce que lisait Donat car, dans le commentaire ad loc. de L'Hécyre, ce passage n'est pas expressément lemmatisé.130. Wessner édite un locus desperatus "†supra future†" et fait dans l'apparat critique la suggestion que nous retenons ici.131. Wessner complétait le lemme "...GRAVIDA <FACTA> EST", mais c'est inutile.132. "E" est un ajout d'Estienne (1529) mais le texte des manuscrits "contrarium" se comprend assez mal.133. Wessner ajoutait en tête de scholie un lemme "<SVSTENTAT>", sur lequel porte effectivement le commentaire. Mais comme Donat vient de citer le syntagme "solus omnem familiam sustentat" en 481, 5, et que le dernier mot de la scholie précédente est précisément "sustentat", il y a lieu de croire qu'il ne le répétait pas et que les énoncés s'enchaînaient simplement, bien qu'il s'agisse vraiment ici d'une scholie lexicologique et non pas d'une remarque de ponctuation comme dans la précédente. Nous supprimons donc l'ajout de Wessner, qui ne se lit pas dans les mss.134. Wessner éditait "abduce illuc", mais tous les manuscrits portent "abduce ad hoc (ab hoc JK) illud", ce qui laisse supposer une glose morphologique "abduce abduc", la forme de l'impératif pouvant troubler des élèves du quatrième siècle.135. Wessner ajoute "sit" à un texte unanime des manuscrits : "ne solutus ut sciat si uerum seruus accuset", qui, malheureusement, se comprend mal. Nous proposons de conserver l'ajout de Wessner, mais de lire "scias" au lieu de "sciat" dont la personne ne se comprend pas, s'agissant d'une reformulation de "uinci" (deuxième personne), et de déplacer "uerum" comme complément de "scias". De ce fait, il s'agit d'appliquer le mode normal d'extorsion des aveux d'un esclave, sous la torture. On peut se demander enfin, sans trancher toutefois, si "accuset" n'a pas été entraîné mécaniquement par le subjonctif "scias / sciat" et s'il ne faudrait pas lire "accusat".136. Wessner ajoutait en tête de scholie un "Et" que nous supprimons.137. Wessner ajoutait ici "enim". Le passage, depuis "deinde", est très mouvementé dans les mss. et le texte malaisé à établir. Mais pas de trace de "enim" toutefois : nous le supprimons.138. Wessner édite "re ei diceretur", qui ne semble pas pouvoir se rattacher correctement à la suite. Nous supposons (l'app. cr. étant muet à cet égard) qu'il s'agit d'une coquille pour "ne ei diceretur", que nous éditons.139. Wessner entourait "eamus intro" de cruces, sans raison apparente.140. Wessner mettait des "cruces" devant ce mot, mal compris par l'ensemble des érudits qui ont lu ce texte et diversement conjecturé ("e cauea" Westerhof, "ex silua" Schoell, "per arua" Goetz par exemple), mais tous les manuscrits ont lu "capua" et la critique récente a montré que ce pouvait tout à fait être la bonne leçon. Voir la note apposée au texte français.141. Wessner ajoutait pour la clarté "nisi me <credo>", mais, quoique brutal, l'énoncé est plausible sans l'ajout.142. Wessner ajoutait au texte des manuscrits "<sit>", pour obtenir le "ut sit" habituel des reformulations de Donat. Mais on peut s'en passer.143. Wessner précisait "PRIMVS <...PRIMVS...PRIMVS>" dans le lemme, puisque, si l'on accepte la restitution tout intellectuelle d'Estienne (1529), il est là question d'épanaphore. Mais ce n'est pas l'usage de Donat de morceler un lemme qui court sur plusieurs membres de phrase. Nous simplifions donc le lemme. Les mss. ont "primus (lac.) primus sentio etc.".144. Au lieu de la leçon "†prius" choisie par Wessner et considérée comme désespérée, nous préférons restituer "prorsus" comme la suite de la citation (sans respect de l'ordre des mots de Térence).145. Wessner éditait "non <nisi> stultissimum", ce qui orientait le sens vers "Car quel agrément y a-t-il ou quel plaisir à ne voir berner qu'un imbécile ?". Les mss. n'ont pas "nisi" et le texte se comprend sans lui, dès lors qu'on en fait non un énoncé interrogatif mais un énoncé exclamatif.146. Donat utilise ici un texte de Térence fourni par certains mss. mais le codex Bembinus lit "qui" au lieu de "quem".147. Texte sans doute irrémédiablement corrompu. Wessner éditait "SED ESTNE FRATER INTVS responde <deest>, ut sit: '<sed> responde'", à partir d'une conjecture d'Estienne (1529) : "Sed est ne frater intus deest respondes ut sit responde". Les manuscrits lisent tout autre chose et sans grand consensus : DOJGU lisent "Sed ne est frater intus respondens ut non sit respondit", CK lisent à peu près la même chose l'un et l'autre, c'est-à-dire "responde ut sit respondit (responde C)" sans négation. V et M ont visiblement, avec leur adresse habituelle, tenté de corriger un texte absurde et lisent, pour V "sed estne frater intus? responde? ut non sit respondit", et pour M "Sed est ne frater intus responderis ut non sit respondit". La seule explication que nous trouvons à ce désordre est un saut du même au même sur le segment "ut sit sed ut non sit", qui a eu pour effet de faire disparaître "sed ut non" probablement très abrégé sous une forme du type "ſʒ ut nõ". C et K en restent plus ou moins là avec chez C peut-être une tentative (absurde) de sauver ce qui peut l'être. Le reste de la tradition a lu seulement "ut non sit" (ou l'a corrigé à cause de la réplique "non est"), puis face à "responde ut non sit respondit", corrigé sans mal "responde" en "respondens", correction évidente puisque V s'est contenté (avant de corriger la suite) de lire ce qu'il voyait.148. Wessner éditait "hoc lentius. quidam clarius legunt, ut sit '<te> praecipitato' cito descende", mais les manuscrits ont un texte nettement plus problématique. VGU lisent "hoc lentius quidam aliqui legunt aliqui clarius ut sit" que MC ont sans doute corrigé en "hoc lentius quidem aliqui legunt aliqui clarius ut sit". K lit "hoc lentius quidam clarius legunt ut sit praecipitato cito descendit" et donne encore une fois la meilleure piste pour comprendre la dégradation du texte. Il faut à nouveau supposer une simplification de "aliqui clauus legunt aliqui cliuus" qui a dû à un moment être lu "aliqui clauus legunt aliqui clarius", puis "aliqui clarius legunt aliqui clarius" et simplifié, d'autant plus aisément que "clarius" (à voix haute) s'oppose alors à "lentius" (en aparté : voir 252, 2 et 401, 2). Pour comprendre cette leçon, il faut simplement modifier la ponctuation Wessner et mettre un point après "quidam" et non avant. La leçon "clauus", si absurde soit-elle, est attestée par au moins un manuscrit de Térence, F 1 (Marouzeau).149. Wessner édite τῶν πρός τι προσῆκον ; nous rétablissons la forme attendue τῶν πρός τί πως ἔχοντα. Voir la note apposée au texte français.150. Wessner éditait ici "condicionem", mais la confusion entre les deux mots "conditio" (assaisonnement) et "condicio" (condition) est extrêmement fréquente. Ici, comme nous l'a fait remarquer très justement Daniel Hadas, la graphie "conditio" s'impose. 151. Wessner complétait la citation abrégée de Virgile en ajoutant "<p.>" pour "produxi", indispensable dans le contexte de la scholie. Nous adoptons cet ajout.152. Nous revenons au texte des mss. contre Wessner, qui proposait un inutile et improbable "de<esse pos>sunt".153. Wessner, on ne sait pourquoi, jugeait utile de compléter le lemme d'un "<EST>" que nous supprimons.154. Wessner éditait "...perculsum indicant Aeschinum, prope diuortium <in>stare ira circa se Sostratae et eius filiae...", ce qui s'interprète "<ces termes signalent que la nouvelle subite> a frappé Eschine, que le divorce est tout proche en raison de la colère à son endroit que ressentent Sostrata et sa fille" ; "perculsum" est une conjecture personnelle contre le "percussum" unanime des mss., qui ne pose aucun problème, qui a le même sens et que nous rétablissons. "Instare", quant à lui, émane de plusieurs modernes, depuis Estienne (1529), en passant par Teuber et Wessner. Mais les mss. ont toujours "stare". L'accusatif "iram" est également unanime et il est majoritairement précédé de "et". Reste la place un peu erratique du groupe "et eius", plus souvent lu "eius et". Le texte des mss., finalement assez stable, et que nous rétablissons au mot près d'après celui de M, se comprend sans difficulté.155. Nous adoptons l'ajout de Wessner "o quam <certum est>", que l'archétype a dû sauter et qui rend, dans les mss., le texte abrupt et inexploitable.156. Wessner éditait "VTVT ERAT GESTA INDICASSE hoc est <siue bene>[conjecture de Klotz] siue male gesta erat; 'ut' enim certam qualitatem significat", mais les manuscrits ont autre chose avec une certaine unanimité. Ils lisent tous (sauf U) "indicassem", et tous "simile". Tous sauf K lisent "ut" dans le lemme et non, comme K et le codex Bembinus de Térence, "utut". Nous pensons qu'il s'est produit des erreurs à la chaîne en raison de l'incompréhension de "utut". En effet même K qui lit "utut" dans le lemme ne le lit plus dans la scholie. Or Wessner a sans nul doute raison de lire comme il le fait "utut incertam". Reste à savoir à quoi s'oppose "utut". Wessner suppose assez facilement et avec l'autorité quasi unanime des manuscrits (sauf O qui lit "et enim") que "utut" est ici distingué de "ut". Mais il se peut très bien qu'il ait tort car, au vers précédent, on lit "rem". Il y a donc un énoncé défini "rem" (l'affaire) et un énoncé indéfini "utut" (de quelque manière que). Nous proposons donc de lire "aut rem" au lieu de "ut enim" en supposant que le segment "eratautrem", sans doute largement abrégé, a pu être lu en raison du premier mot (fautif) du lemme "erat ut enim", et ce d'autant plus que "rem" est dans un vers que Donat ne commente pas, donc invisible pour qui n'a pas le texte de Térence. Pour le début nous nous rallions aux manuscrits sur "indicassem", en pensant plutôt qu'il s'agit d'une reformulation visant à souligner que le verbe "indicasse" est sur le même plan que "exorassem", bien qu'il ne soit pas impossible que Donat ait lu dans Térence "indicassem", quelque difficile qu'il soit à construire, surtout s'il lit "me" et "non" au vers précédent. Pour le segment donné par les mss. sous la forme "simile", il nous semble que "simul et" est bien meilleur car, si on lit ainsi, il y a deux scholies parfaitement complémentaires. Voir la note apposée au texte français. 157. L'article "τῷ" est ajouté par Wessner et correspond aux usages de Donat. Nous le conservons.158. Les mss. ont "consentire nuptias", que Wessner proposait de corriger en "consentire <in> nuptias". La construction transitive du verbe "consentire" n'est pas inconnue du latin classique au sens de "être d'accord pour décider qqch.". Peut-être peut-on la risquer ici, à moins qu'on préfère corriger le cas en "consentire nuptiis".159. Wessner éditait seulement "Et", prêté à la seconde main. Les mss. ont clairement "et iam" ou "etiam".160. Wessner éditait cette scholie de la façon suivante : "Et 'commenta' dicit, hoc est fallaciam confinxit, <nam confinge>re ueri simile <est> comminisci", avec d'importants ajouts personnels. Un panorama sur les principaux mss. montre que c'est foncièrement inutile. Ces derniers (GKUVM) sont unanimes pour donner ce que nous éditons, à quelques variantes près, dont "uerisimile" (VG) au lieu de "uerisimilem". Variante également plausible (voir la note apposée à la traduction).161. Wessner éditait "NONNE HAEC TIBI IVSTA VIDENTVR <POSTEA hic sensus est: nonne haec tibi iusta uiderentur> esse, si illa quae amicus tuus dixerat <postea>quam haec audires?", avec des ajouts personnels conséquents. Nous revenons strictement au texte des mss. (GKMUV) qui ont clairement non pas "si" mais "scilicet" (ou une abréviation "scili.", "s.", à l'exception peut-être du peu lisible K, qui peut avoir "si" et non "s.") et unanimement "quasi" et non pas "quam". Ce n'est pas ici qu'on parle de "postea" mais dans la suite du commentaire à ce vers. Ici, il est question du temps utilisé par Eschine dans sa question. Voir le commentaire à la traduction.162. L'adverbe grec sous cette forme est une conjecture de Schoell, suivie par Wessner.163. On attendrait l'abréviation "t." pour "tum". Nous supposons que Donat lisait "nunc".164. Le mot grec, édité par Wessner, a été conjecturé par Schoell. Les mss. ne savent pas où s'arrête la citation de Salluste et en ont un texte altéré, avec "imperat" au lieu de "imperator erat" (ce qui fait perdre tout intérêt à l'illustration, puisqu'il s'agissait de dire quelque chose du datif adnominal qu'on est censé y trouver). Pour les copistes, apparemment, le texte de Salluste a l'allure "qui tunc romanis imperat auctor". Après ce segment, certains mettent une lacune (KU...), certains écrivent des initiales inexploitables, "p. x. u." ou "p. xii" (VC), avant de repartir sur le lemme suivant avec "his rebus" (UV), ou "hic rebus" (K), ou "rebus" tout seul (G). Ce désordre atteste bien la présence d'un mot grec. Le ms. G donne la meilleure indication. On y lit : "Qui tunc romanis imperat auctor p. x. n. Ins rebus" etc. Le segment "p. x. n. Ins" (dont la fin a été prise par d'autres copistes comme le début du lemme, "his") note en lettres latines, artificiellement séparées par des points comme s'il s'agissait d'initiales de mots, des signes qui sont en fait des lettres grecques. Schoell a donc pleinement raison de restituer un segment "ρχηγος" (avec "γος" interprété par G "Ins"). L'alpha qui manque au début a pu s'être noyé dans l'initiale du lemme "A(uctor)". Nous faisons donc droit à l'ingénieuse conjecture de Schoell. Sur le sens de cette scholie, constituée du seul mot grec, voir la note apposée au texte latin.165. Wessner adopte la conjecture d'Estienne (1529) en ajoutant "<ut>" qui ne figure pas dans les mss. Nous les suivons, car c'est bien "ut" qui est l"objet du commentaire.166. Nous revenons au texte des mss., "debetur", contre Wessner, qui éditait "<esse> debet".167. Wessner éditait "συγκοπὴ μεταπλασμός" à partir d'un texte issu du codex Cujas via Lindenbrog et où on lit "СΥΓΚΟΠΗ ΗλλΗΤΑΝλСΜΟС". Il semble bien que le deuxième "mot" commence par la conjonction ἢ (postulée aussi par Schoell, contre Wessner), le reste montrant des confusions banales dans ce codex (comme elles le sont dans A) entre λλ et Μ ou λ et Α et laissant assez bien rétablir le mot μεταπλασμός.168. Wessner complétait le lemme en éditant "QVID <FIERET QVA> FIERET", supposant un saut du même au même. Certes la scholie porte bien sur "qua fieret", mais, à supposer (tant qu'à intervenir sur le texte des mss.) qu'il ne faille pas corriger simplement "quid" en "qua", on peut se contenter de cette approximation : l'indication, relative, sert à situer le commentaire, au demeurant évident, au vers 690 en lemmatisant son incipit. Cette technique est banale. Nous revenons donc au texte des mss.169. Wessner éditait "maestus amatoris animus ludentem senem <serio> loqui credidit, uera dicentem quia optata sunt putat ludere nunc. potest et ob hanc causam dicere, quod eum numquam lusit antea". Le texte des manuscrits est absolument erratique sur tout ce secteur et la reconstruction que nous proposons est purement conjecturale. Elle se fonde sur les éléments suivants : 1-"serio" conjecture de Wessner est en réalité attesté par K, à la place de "senem", mais il s'agit sans doute soit d'une mélecture soit d'une correction érudite provoquée par "ludentem". 2-"credit et" est la leçon de a, les autres portant "credit" (DJ, Firenze, plut. 22, sin 06), "credidit" (VGKUMC...), "crederet" (Om...). La leçon "crederet" s'explique sans doute par la mélecture du segment "creditet" lu "crediret" et corrigé. La leçon "credidit" peut provenir d'une erreur du même type sur "creditet" lu "creditit" et normalisé. La leçon "credit" s'explique par la simple chute du "et". 3-"quia optata" est parfois précédé de "sed" (VGUMJDO), mais l'émergence de cette conjonction provient précisément de la disparition de "et" plus haut. Le mansucrit a a conservé les deux, signe que les deux ont pu à un moment cohabiter. 4-"adeo eum adludere" est à nouveau le texte de a, seul à donner une solution compréhensible dans un magma de leçons aberrantes "ut alludere", "ut alluderet", "ut alludere et", "ut alludetur". Il est évident que l'arrivée inopinée de "ut" a provoqué l'ensemble du désordre, certains intégrant "ut" sans rien changer au risque d'un segment agrammatical, d'autres tentant de résoudre l'aporie de ce "ut" venu d'on ne sait où. 5-"non quondam" : les manuscrits sont unanimes à postuler une forme commençant par "qu-", mais il ne savent pas trop laquelle : "non quod eum", " non quia eum", "quod cum numquam", "non quicum". Une chose est probable, c'est que la négation devait se trouver devant la forme en "qu-" (VGUMJDO par exemple), et que son passage après (CK) peut résulter d'une correction ou d'une simple erreur de lecture, ensuite corrigée. Il s'agissait donc de dire "'nunc' et non pas 'qu-'...". De ce fait "quondam" en partie visible dans "quod cum numquam" (CK) est un bon candidat. 6-"luxerit" est donné par O, Firenze, plut. 22, sin 06 et m, mais la leçon est de toute évidence diffilicior face au consensuel "lus(er)it" attiré par "ludentem", "alludere" et "ludis", dans un contexte très court.170. Wessner éditait "est enim amantis <se> conicere in falsum metum", voyant bien qu'un ajout était nécessaire pour comprendre ce texte que l'on lit chez CKU. Mais des leçons aberrantes nous mettent sur une autre voie. J lit visiblement "in salsum", M 1 lisait "infussum" exponctué et corrigé en marge par M 2 en "in falsum". De ce fait, on peut supposer qu'"in falsum" est une lectio facilior pour un mot préfixé en "in-" et transformé en "in falsum" en raison du contexte. "Insulsum" devient alors un excellent candidat d'autant qu'il sauve "amantis" excellente lectio difficilior face à "amantem" et qu'il économise l'ajout du réfléchi qui s'imposait dans la solution de Wessner.171. Wessner, suivant une conjecture d'Estienne (1529) supposait un lemme "<ET DVCENDA INDOTATA EST>", sans voir que, non sans malice, Donat commente "indotata" par ce qui précède immédiatement dans le vers, "et pourtant, toute sans dot qu'elle soit, il faut quand même l'épouser".172. Wessner éditait "ipse <se> fefellit", avec un "se" ajout d'Estienne (1529) plausible, à moins qu'il ne faille lire, comme nous le proposons, "ipse se fallit", ayant entraîné une mécoupure avec mélecture du "s". De "fefallit", on passe évidemment naturellement à "fefellit", la forme correcte.173. Ajout d'Estienne (1529) qui s'impose compte tenu de la nature du commentaire.174. Wessner éditait "etiam <nunc>", en ajoutant le second adverbe, qui ne sert à rien.175. Difficile de dire si ce "nam" est de Donat, comme élément de la scholie, ou s'il est de Térence (de fait Micion disait "nam ambos curare etc."). Dans ce deuxième cas, la scholie est réduite à la seule citation, sans la conjonction causale, ce qui semble un peu abrupt.176. Westerhof, suivi par Wessner, ajoutait ici "<filios>" pour faire droit au moins partiellement au contenu de la seconde tirade de Micion ( 820 et suiv.). Mais c'est inutile, car il suffit de comprendre que Déméa ne sera pas non plus victime de la corruption des jeunes gens qui rejaillirait immanquablement sur lui. Il ne subira donc de perte ni dans son patrimoine, ni dans sa réputation.177. Wessner éditait (compte non tenu ici de l'ordre des lemmes sur lequel nous reviendrons) : 823, 3 "...sed aetatis. 825 NON QVOD DISSIMILIS RES SIT an quia huic licet, <illi non licet>?". Le commentaire du vers 825 tel qu'édité ainsi n'a aucun sens. L'ajout, dû à Wessner, est absent des manuscrits qui lisent tous à peu près "non quod dissimilis res sit an quia huic licet" avec quelques variantes minimes dues à la difficulté de comprendre ce que cela signifie. Nous pensons que le désordre provient ici du passage de scholies marginales à un texte continu, ce que confirme la succession aberrante, dans ce passage, des lemmes dans les manuscrits (820, 830, 831, 821, 823, 825, 826, 823, 3 ; 827, 828 et fin du 830). On peut supposer que le compilateur a copié d'abord, en regard du texte de Térence, une scholie en haut à gauche, puis la suivante en haut à droite et toute la colonne de scholies qui le suivait, puis la colonne de gauche qu'il avait commencée mais non finie, et ce sur une seule page du texte de la comédie. Les scholies ont ensuite été rassemblées en "texte" en déroulant leur succession horizontale. Sur cette "méthode", voir Funaioli (1930). Du coup, il est fort probable que cette recomposition brutale du commentaire ait entraîné des erreurs dans la délimitation des lemmes et des scholies. Pour nous, il est évident que le segment édité par Wessner sous 825 ne peut se comprendre que si sa place originelle (que nous rétablissons selon l'ordre des vers de Térence) était de conclure le commentaire de 823, 3. Dans ce cas, ce n'est pas un lemme, mais une citation et le commentaire devient à peu près clair (voir note apposée au texte français).178. Ce mot est un ajout de Westerhof, mais il s'impose compte tenu de la construction qui suit. "Si" a pu être confondu avec "s." mis pour "subuertit" (dans le lemme) et disparaître dans le développement de l'abréviation "s." en "subuertit".179. Wessner, suivant Klotz, édite "in<uerso> uerbo" en postulant un saut du même au même dans le "in uerbo" des manuscrits. Mais on peut lui objecter que le segment "INVERSO" a pû être pris pour "IN VERBO" vu le contexte et la présence de "uerbo" deux mots après.180. Texte des excellents manuscrits VKUM. Wessner éditait "†et quasi quo†", texte issu de C (et en partie attesté par G). Toutefois, bien que se comprenant, contrairement à ce que prétend Wessner, ce texte a tout d'une glose marginale commentant "ad quem locum".181. Wessner et Goetz ajoutaient ici respectivement "aliquem" et "ligare", dans cet ordre, mais cela ne sert rigoureusement à rien, compte tenu de la nature du commentaire. Voir la note apposée au texte français.182. Wessner éditait "cui rei est indultus", conjecture de Schoell bâtie sur le "multus" de C, les autres penchent nettement vers le texte que nous proposons et qui se trouve exactement sous cette forme dans V. Les autres, compte tenu des circonstances ont lu "nuptiis".183. Ne comprenant pas "nisi ineptiis" devenu "nisi nuptiis", les scribes ont pataugé dans les coordinations de ce segment qui développe "ineptiis". Wessner suivait l'aberrante leçon de C "imponatur" pour "nuptiali", mais, ne pouvant la comprendre, il la faisait précéder d'une "crux".184. Wessner éditait "grate a nominibus <ad> uerba transeat" suivant pour "grate" une conjecture d'Estienne (1529), pour l'ajout de "ad" une conjecture de Wieling, et pour la forme "transeat" une correction de Klotz. Nous éditons ce que donnent les manuscrits, à la notable exception de K qui a lu le verbe au singulier. Sur le sens de ce commentaire, voir la note apposée au texte français.185. Passage très difficile. Wessner éditait "quod nunc <est> mitis", avec l'ajout de "<est> mitis" dû à Schoell. Ce texte est proche de celui de K "quod nunc mitis", ce qui pourrait le faire préférer, mais K paraît attester une amélioration d'un passage sans doute corrompu que C a recopié tant bien que mal en lisant "ſʒ ñc ĩ triſ", en gros quelque chose comme "sed nunc in tris"... Tous les autres témoins portent une lectio facilior : "quod nunc dicit". Pour "quod" au lieu de "sed", on peut penser que l'erreur invétérée est due à une abréviation peu claire ou peu connue de "supra", interprétée par telle branche en "sed" (C), par telle autre en "quod". La leçon "quod" était d'autant plus tentante que l'on venait de lire "hoc", et elle induisait que ce qui se lisait au mieux "mitis" était le verbe. Le mieux était une troisième personne pour la parallélisme avec "iurgabat" et "dicit" est une correction aisée et élégante. Wessner a évité l'écueil de la "lectio facilior" que représente "dicit", sans doute en recourant à une lecture de K par Schoell complétée par une conjecture de ce dernier. Nous pensons que tout le problème se trouve dans ce que nous a transmis (sans doute bien involontairement) C. Dans le segment incompréhensible "ñc ĩ triſ", il est tentant de lire avec une légère différence de texte par rapport à la citation exacte de Térence "nunc iam tria" du vers 884. Reste le "s" final de ce segment et ce que C a lu "ſʒ" (sans doute "sed" dans son esprit). Nous pensons que si l'on accepte "nunc iam tria", il faut lire "supra" à gauche pour "ſʒ" et "scilicet" à droite pour "ſ". Sur le sens de ce commentaire, voir la note apposée au texte français.186. Les deux scholies qui suivent sont attribuées par Wessner au vers 904 (respectivement scholies 2 et 3). Mais elles concernent vraiment le mot "Hymenaeum" et nous les rapatrions au vers 905 (vide de scholies chez Wessner).187. Texte peut-être irrémédiablement corrompu. Ce que nous éditons, à la suite de Wessner (avec un "<materia>" ajouté par Dziatzko), repose sur des corrections d'éditeurs à un texte unanime des manuscrits "maceries dicitur paries nunc altus de macerata", ce qui n'a aucun sens, à moins de considérer que "macerata" désigne un type de construction, une sorte de "torchis". Le mot technique aurait pu se perdre. Notons à l'appui de cette hypothèse qu'aucun scribe ne semble voir ici le moindre problème.188. Wessner ajoutait ici "<et>" qui n'a aucune raison d'être.189. Wessner éditait le texte désespéré de C "IVBE quasi hoc dicere insultantes solemus †nunc minare hunc si abste tecum afflictum tenemus†". Notre texte repose pour le début sur JO et jusqu'à "solemus" sur un consensus plus large de manuscrits généralement fiables VGUMJO. La seconde partie a été transmise par la plus grande partie de la tradition de manière absurde bien que relativement consensuelle : "nunc minari hunc assistere quem afflictum tenemus" (O) est un bon représentant de ce magma. Nous nous rallions plutôt au texte de C qui, sans être vraiment compréhensible, a le mérite de transmettre sans doute un état "ante correctiones", en lisant "nunc minar hoc si abste tecum afflictum tenemus". Nous supposons que la séquence "abste cum" a été relue "abs tecum", puis corrigée en "abste tecum" pour qu'il ne manque rien à aucune des deux prépositions. "Nunc minar'" paraît cacher "numerare" tiré lui-même de "dinumeret" du texte térentien dont il est un à peu près. Cette scholie est une reformulation dont Donat donne un autre aperçu au vers 946.190. Wessner éditait, d'après C, "Demea Micioni" (même sens), mais nous prenons l'ordre de V, meilleur syntaxiquement et attesté indirectement par G, dont la lecture "mitio in demea" atteste une mélecture d'un segment "MITIỐIDEMEA" lu "MITIOĨDEMEA" avec simple déplacement de la tilde.191. Wessner, suivant Umpfenbach, éditait "Ctesiphoni <an> lenoni an" etc., pour la correction. Mais on peut comprendre sans l'ajout.192. Nous déplaçons au vers 919 cette scholie que Wessner numérotait 918, 2, car elle concerne un énoncé qui se trouve au vers 919 exclusivement. Le vers 918 ne compte donc plus qu'une seule scholie, et l'ancienne scholie unique de 919 selon Wessner devient 919, 2.193. Nous entérinons l'ajout de la préposition "a", dû à Estienne, suivi par Wessner. Indispensable à la construction de "incipere".194. Wessner complétait le lemme avec "<TE>", concerné par la scholie. C'est certes possible, mais les mss. ne l'ont pas et cette dose d'implicite est tout à fait acceptable.195. Wessner éditait " 3 SI TV SIS HOMO non 'si es' sed '<si> sis' dixit" etc. Or parmi les mss. que Wessner appelle injustement "deteriores", il y a unanimité sur un très bon texte qui ne nécéssite pas l'ajout de Wessner. Car si K (inconnu théoriquement de Wessner), qui a omis une page correspondant au texte des scholies 931, 1 à 984, et U, qui a fait un saut du même au même qui nous prive de sa scholie 934, 3, ne nous sont ici d'aucun secours, GVM sont formels : le texte est celui que nous éditons. Il en résulte qu'il y a deux scholies en une : la première se réduit à une remarque morphologique (voir note apposée au texte français), la seconde, à partir de "sed sis dixit", est une scholie d'analyse du texte et des intentions des personnages.196. C'est Wessner qui ajoute "<alienum>". Cela paraît légitime pour rendre compte de la succession des quatre adjectifs et du sens général de ce dernier élément.197. Wessner complétait le lemme avec "<MEVM>", inutile.198. Wessner complétait le lemme avec "<VERBVM>", inutile.199. C'est Wessner qui ajoute la préposition en écrivant "<a> iure". Nous le suivons en l'occurrence : il s'agit d'un argument "a iure" ou d'un énoncé "tiré du" droit. La disparition de la préposition s'explique facilement si l'on imagine qu'avant d'être redéveloppé, le dernier mot du lemme était abrégé "F", suivi du "a" de la scholie, l'ensemble ayant été compris "FA" pour "factum".200. Wessner éditait "2 SED. <D.>", d'après une assez fine suggestion de Schoell qui, à partir d'un texte isolé de C, "sed", pensait voir là un lemme pour "sedulo docui". C'est envisageable et même tentant, sauf que la plupart des mss. ont "quem" et non pas "sed" et que, avec "sed", la phrase est un peu bancale faute d'un sujet à la proposition infinitive. Mais précisément, c'est ce qui pourrait faire pencher en faveur de la solution Schoell/Wessner, "quem" pouvant sembler être une correction. Néanmoins, quelque solution qu'on adopte, le sens n'est pas modifié et nous nous rallions à la majorité et la grammaticalité.201. Le texte plautinien est, d'ordinaire, "facis sapientius etc.".202. Nous suivons Wessner qui entérinait l'ajout de ce "<et>" dû à Estienne (1529) et que la syntaxe rend indispensable.203. Le lemme indiqué en tête de la préface correspond au vers 26, c'est-à-dire au vers 1 de la scène 1 de l'Acte I, et non au premier vers de la pièce, qui est celui du Prologue. Mais c'est purement conventionnel, car la préface de Donat présente la comédie dans son ensemble, selon le plan standard qui est le sien dans ces circonstances : type de comédie, caractéristiques de la représentation, résumé de la fable, etc. Le fait, néanmoins, que le vers étiquette de la pièce soit le début de l'Acte I et non le début du Prologue prouve bien que le Prologue est tenu pour un hors-d'œuvre et que la pièce stricto sensu commence seulement avec le début de l'action, menée par des personnages sur scène.204. Le commentaire porte sur le titre de la pièce. "Adelphi" est un mot au pluriel et c'est un mot masculin, alors que "fabula palliata" est une lexie au féminin singulier. Cette remarque est usuelle, qui consiste à signaler une incongruité apparente à écrire "fabula palliata Adelphoe" ; Térence s'en explique ailleurs à propos du mot "Eunuchus", masculin en règle générale mais féminin quand c'est un titre de pièce. On doit donc comprendre ici que "Adelphoe" est un féminin singulier lorsqu'il est employé en tant que titre, car il prend le genre de son hyperonyme "fabula" (même en l'absence de ce dernier). Notons qu'en grec le titre devrait être au duel, mais il n'y a pas, sauf erreur, de titre grec au duel, même quand l'intrigue suppose qu'il s'agit de deux individus. Ainsi les Synapothneskontes (Les Deux Mourants), comédie de Diphile, présente un titre au pluriel. On connaît aussi des titres comme Didymoi (Les Jumeaux), où on attendrait Didymō (Les Deux Jumeaux). Le fait que le titre est un mot grec (il en va d'ailleurs de même avec tous les autres titres térentiens) ancre la comédie dans le genre de la "palliata" (comédie en latin à sujet grec). Enfin, ce titre est fait "a facto fratrum" (à partir d'un fait qui concerne des frères) : il s'agit d'une allusion à la typologie des titres donnée par Evanthius, Com. VI, 4 : "Toutes les comédies ont quatre manières d'être intitulées : d'après un nom, d'après un lieu, d'après un fait, d'après un événement. D'après un nom : par exemple Phormion, Curculion, Epidicus ; d'après un lieu : par exemple L'Andrienne, La Léocadienne, La Fille de Brindes ; d'après un fait : par exemple L'Eunuque, La Comédie aux Ânes ; d'après un événement : par exemple Les Deux Mourants, Le Crime, Le Bourreau de soi-même".205. Le commentaire évoque le type de comédie dont il s'agit, par référence à Evanthius Fab. IV, 4 : "Comoediae autem motoriae sunt aut statariae aut mixtae. motoriae turbulentae, statariae quietiores, mixtae ex utroque actu consistentes" (Quant aux comédies, elles sont mouvementées ou statiques ou mixtes. Les mouvementées sont agitées, les statiques plus calmes, les mixtes participent des deux types).206. Elle est utile par les préceptes moraux qu'elle délivre et plaisante par sa langue élégante et son action intéressante. Elle obéit donc au "docere" et au "placere". La remarque de Donat vaut pour justifier à la fois le programme scolaire, qui fait de Térence un auteur incontournable, et la nécessité éditoriale d'écrire après d'autres un nouveau commentaire de cette pièce.207. La question de la répartition des rôles consiste à établir la distribution. Le premier rôle (le grec dirait le protagoniste) joue un seul personnage, le second (deutéragoniste) aussi, en général ; au-delà, il est possible qu'un même acteur se charge de plusieurs rôles. La question n'est donc pas anodine, mais on voit que Donat ne cherche pas à trouver une configuration plausible, dans laquelle il montrerait de combien d'acteurs on a besoin au minimum en tenant compte des intervalles de temps nécessaires à un même comédien pour changer de costume et (éventuellement) de masque.208. Sur la question controversée des cinq actes, cf. par exemple C. Nicolas, 2007b, notamment p. 597-608. Texte disponible en ligne sur le site HAL-SHS: cf. http://hal-univ-lyon3.archives-ouvertes.fr/docs/00/32/73/82/PDF/papier.pdf209. Référence (habituelle dans les préfaces de Térence) à Evanthius Fab. IV, 5 et Com. VII.210. La date de la représentation indiquée correspond donc à l'année 160 avant J. C. Mais il est indiqué le nom de deux chefs de troupes, et, dans les Didascalies de la pièce de Térence, apparaît le nom d'un troisième chef de troupe, L. Hatilius de Préneste. On peut donc supposer qu'il y a télescopage de plusieurs informations, concernant plusieurs représentations de la pièce. Sur la musique de scène et la flûte de droite ou de gauche, cf. Evanthius Com. VIII, 11 : "huiusmodi carmina ad tibias fiebant, ut his auditis multi ex populo ante dicerent, quam fabulam acturi scaenici essent, quam omnino spectatoribus ipsius antecedens titulus pronuntiaretur. agebantur autem tibiis paribus, id est dextris aut sinistris, et imparibus. dextrae autem tibiae sua grauitate seriam comoediae dictionem praenuntiabant, sinistrae [Serranae] acuminis leuitate iocum in comoedia ostendebant. ubi autem dextra et sinistra acta fabula inscribebatur, mixtim ioci et grauitates denuntiabantur" (Les poèmes de ce genre étaient donnés accompagnés de flûtes, au point que, dès qu'on les entendait, beaucoup dans le public disaient quel genre de pièce les acteurs s'apprêtaient à représenter, avant même que son titre ne soit annoncé en préalable aux spectateurs. On les jouait avec des flûtes égales, c'est-à-dire droites et gauches, et inégales. Les tuyaux de droite, par leur son grave, annonçaient un passage sérieux de la comédie, ceux de gauche, par la légèreté de leurs sons aigus, montraient un passage enjoué. Quand la comédie portait dans sa rubrique de titre la mention "droite et gauche", on pouvait s'attendre à un mélange de jeu et de sérieux).211. cf. Evanthius Com. VIII, 1 : "in plerisque fabulis priora ponebantur ipsarum nomina quam poetarum, in nonnullis poetarum quam fabularum, cuius moris diuersitatem antiquitas probat. nam cum primum aliqui fabulas ederent, ipsarum nomina pronuntiabantur, antequam poetae pronuntiaretur, ne aliqua inuidia ab scribendo deterreri posset. cum autem per editionem multarum poetae iam esset auctoritas adquisita rursus priora nomina poetarum proferebantur, ut per ipsorum uocabula fabulis attentio adquireretur" (dans la plupart des pièces, on indique le nom des pièces avant celui des auteurs, dans quelques-unes celui de l'auteur avant celui des pièces, diversité d'usage qui garantit l'ancienneté. Car, dès qu'on produisait une pièce, on en donnait le titre avant de nommer l'auteur, pour éviter que la jalousie ne le détourne de l'écriture. Mais une fois que la production de plusieurs pièces avait assis suffisamment l'autorité du poète, alors au contraire on mettait en avant le nom du poète pour que la mention de ce nom attire sur la pièce l'attention du public).212. La pièce de Térence est le résultat d'une "contaminatio" entre deux modèles, ce dont le poète s'explique partiellement dans le Prologue. Ménandre avait peut-être écrit deux pièces intitulées Adelphoi ; quant à la pièce de Diphile, intitulée en grec Synapothneskontes ("ceux qui agonisent en même temps"), elle a été fidèlement retranscrite, là où elle est le modèle, si l'on en croit le Prologue de Térence, c'est-à-dire pour la seule scène de l'enlèvement au début de l'Acte II. Notons, en ce qui concerne les deux titres, que Donat n'est pas cohérent avec son propos précédent (Praef. I 1) sur le maintien des titres grecs : pour que la pièce de Diphile soit reconnue comme un spécimen de Néa en grec et de palliata en latin, il faudrait continuer à l'intituler Synapothnescontes. C'est d'ailleurs ce que fait Térence dans son prologue (cf. 6-7), où il signale la comédie de Diphile sous son titre original, le titre latin correspondant Commorientes étant dû à Plaute.213. Comme souvent en lexicologie antique, Donat glisse d'un mot à l'autre. Ce qui motive son topo sur "scriptor" est en effet le terme "scriptura", présent chez Térence.214. Le commentaire porte sur "obseruare", mais c'est "obseruatio" qui est expliqué ; même glissement d'un mot à l'autre au commentaire au vers 412, 2 de L'Andrienne ; cf. ad loc.215. "Genus uerborum" désigne, dans la grammaire de Donat, la voix verbale, ou la diathèse : "Les genres des verbes, que d'autres appellent significations, sont au nombre de cinq : actif, passif, neutre, déponent, commun. Sont actifs ceux qui finissent en o et prennent un r pour se mettre au passif, comme 'lego' je lis, 'legor' je suis lu. Sont passifs ceux qui finissent en r et, en le perdant, repassent à l'actif, comme 'legor lego'. Sont neutres ceux qui finissent en o et, s'ils prennent un r, cessent d'être latins, comme 'sto' je me tiens debout, 'curro' je cours ; sont également neutres ceux qui finissent en i, comme 'odi' je hais, 'noui' je sais, 'memini' je me souviens ; il y en a aussi qui finissent en um, comme 'sum' je suis, 'prosum' je suis utile ; d'autres qui finissent en t [et qu'on appelle impersonnels], comme 'pudet' j'ai, tu as, il a (etc.) honte, 'taedet' j'ai, tu as, il a (etc.) dégoût, 'paenitet' j'ai, tu as, il a (etc.) regret, 'libet' j'ai, tu as, il a (etc.) plaisir ; mais ces derniers et leurs semblables doivent être considérés comme défectifs. Sont déponents ceux qui finissent en r et, en le perdant, cessent d'être latins, comme 'conuiuor' je prends un repas, 'conluctor' je lutte. Sont communs ceux qui finissent en r et tombent sous deux formes, l'une passive, l'autre active, comme 'scrutor' je scrute, je suis scruté, 'criminor' j'incrimine, je suis incriminé : nous disons en effet 'scrutor te' je te scrute et 'scrutor a te' je suis scruté par toi, 'criminor te' je t'incrimine et 'criminor a te' je suis incriminé par toi. Certains verbes échappent à cette règle et sont dits hétérogènes, comme 'soleo' j'ai l'habitude, 'facio' je fais, 'fio' je deviens, 'fido' j'ai confiance, 'audeo' j'ose, gaudeo je me réjouis, 'uescor' je me nourris, 'fero' je porte, 'medeor' je soigne, '[reddo' je rends] 'edo' je mange, 'pando' je déploie, 'mando' je mâche, 'nolo' je refuse, 'uolo' je veux. Certains ont une flexion défective, comme 'cedo' donne, 'aue' salut, 'faxo' je ferai, 'sis' s'il te plaît, 'amabo' s'il te plaît, 'infit' il commence, 'inquam' dis-je, 'quaeso' je t'en prie, 'aio' j'affirme. Il y a même des monosyllabes qui pour cette raison sont les seuls à connaître un allongement, comme 'sto' je me tiens, 'do' je donne, 'flo' je souffle, 'no' je nage. Certains verbes ont une signification incertaine, comme 'tondeo' je tonds, 'lauo' je lave, 'fabrico' je fabrique, 'punio' je punis, 'munero' je gratifie, 'partio' je répartis, 'populo' je dévaste, 'adsentio' je m'accorde, 'adulo' j'adule, 'lucto' je lutte, 'auguro' je prédis, : tous ces verbes en effet se finissent en o et en r et connaissent presque tous les temps du participe. Il y a en outre des verbes qui peuvent être composés, comme 'pono' je pose, 'traho' je tire, d'où 'repono' je repose, 'retraho' je retire ; d'autres qui ne le peuvent, comme 'aio', 'quaeso'". Ce que Donat veut dire ici, c'est qu'il y a un facteur commun de l'accusatif "scripturam", qui fonctionne d'abord comme le sujet de l'infinitive au passif, dont le verbe est "obseruari", et ensuite comme l'objet de l'infinitive dont le verbe actif est "rapere".216. Il s'agit de remarquer que le genre et le nombre de "comoedia" l'emporte sur celui du titre, théoriquement masculin pluriel. Cf. ce que Donat disait dans sa Préface en I 1.217. Donat donne une typologie des différentes fabulae. On en retrouve les principales dans Evanthius (Fab. IV, 1), auquel il ne se réfère pas ici : "Il faut aussi retenir que, après la Néa, les Latins ont produit mainte forme de théâtre, comme les togatae, à partir de personnages et d'intrigues latines, les prétextes, à partir de hauts personnages tragiques tirés de l'histoire romaine, les atellanes, du nom d'une cité de Campanie où elles ont été données pour la première fois, les Rhinthonicae, du nom de leur auteur Rhinton, les tabernariae, dotées d'une intrigue et d'un style de bas étage, les mimes, qui consistent en une imitation suivie d'événements minimes et de personnages infimes". Evanthius donne par ailleurs une autre liste légèrement différente dans Com. VI 1 "Fabula 'pièce' est un mot générique, qui inclut deux sous-types principaux, la tragédie et la comédie. La tragédie, quand elle est bâtie sur une intrigue latine, est dite prétexte. Quant à la comédie, elle comprend de nombreuses subdivisions : palliata, togata, tabernaria, atellane, mime, rhinthonica ou planipedia". La liste de Donat comprend donc en commun avec les deux listes d'Evanthius : le terme générique "fabula" (cf. "generaliter"), ses subdivisions principales ("species") comédie et tragédie, dont la prétexte est une sous-catégorie (bizarrement placée au milieu de genres comiques) ; les autres genres indiqués sont des types de comédies : togata (comédie en toge, donc à sujet romain), tabernaria (comédie de bas étage), atellane (comédie régionale, spécialité de la ville d'Atella), mime, Rhintonica (du nom de son inventeur). Manque à la liste de Donat la palliata (comédie à sujet grec, dont les pièces de Térence sont d'éminents représentants, d'où leur absence de la liste : elles sont présentes par défaut) et la planipedia, sur le nom de laquelle Evanthius propose plusieurs étymologies : "La planipedia a ce nom en raison de son intrigue de bas étage et de la vulgarité de ses acteurs, qui ne sont pas juchés sur des cothurnes ou des socques quand ils sont sur la scène ou sur les tréteaux, mais sur la plante de leurs pieds ; ou alors c'est parce que les intrigues qu'on y trouve ne concernent pas des personnages qui logent dans des tours ou des cénacles, mais de plain-pied, dans des quartiers populaires". En revanche, Donat utilise le terme, inconnu d'Evanthius, de "crepidata", mot à mot la pièce jouée en "crepida", sorte de sandale. Le cothurne, chaussure haute, était l'apanage de la tragédie ; la crepida caractérisait la comédie.218. Les Latins utilisent certains adjectifs de localisation dans deux sens différents : tantôt purement qualificatifs, tantôt purement situationnels. Ainsi "imum mare" peut signifier "la mer profonde" ou "le fond de la mer", "summa arbor" "un arbre très haut" ou "le sommet de l'arbre". D'où l'ambiguïté ici pressentie par Donat : "prima fabula" ne veut pas dire "la première pièce" (puisqu'il n'y en a pas une deuxième de même titre), mais "le début de la pièce".219. La remarque vaut ici pour signaler que le mot "populus" désigne le peuple romain et non le public, sens que ce mot a majoritairement dans le commentaire de Donat.220. Cf. la typologie d'Evanthius, Fab. IV, 4 : "Comoediae autem motoriae sunt aut statariae aut mixtae. motoriae turbulentae, statariae quietiores, mixtae ex utroque actu consistentes (Quant aux comédies, elles sont mouvementéées ou statiques ou mixtes. Les mouvementées sont agitées, les statiques plus calmes, les mixtes participent des deux types).221. La présence à la fois de "e contrario" et "contrarium" a troublé les éditeurs. Teuber proposait de remplacer "e contrario" par "a charactere", qui convient bien à la scholie, tandis que Ritschl athétisait "contrarium" dans la suite. En réalité, même si l'expression est maladroite, "e contrario" est une locution adverbiale portant sur "protulerit" et non une lexie "e contrario repugnans", qui poserait problème sur le plan terminologique. Le groupe ternaire "repugnans, contrarium, diuersum" fait appel à une terminologie technique de la dialectique. Les "repugnantia" sont des propositions contradicatoires entre elles (cf. Cic. Tusc. 2, 72 et Top. 19 ; 21 ; 53 ; de or. 2, 170...).222. Le nom du personnage comique dit en théorie quelque chose de son rôle. Les exemples donnés ici par Donat sont caractéristiques : Storax (variante latine de Styrax) est le nom d'un arbre odorant, Parménon ("le stable", sur "παρ(α)μένω ", "rester auprès de, être fidèle à") implique en effet l'idée de fidélité, Syrus et Géta (le Syrien et le Gète) sont des ethniques qui renvoient à des peuples notoirement perfides de l'orient hellénisé ou de l'Afrique punique, Thrason ("le courageux") et Polémon ("le guerrier") sont indéniablement des noms de soldats, Pamphile ("l'amoureux universel") est un nom prédestiné de jeune premier, Myrrhina ("qui sent la myrrhe"), qui conviendrait plutôt à une courtisane qu'à une matrone, est en tout cas un nom qui connote le parfum et Scirtus (d'après "σκιρτάω ", "bondir") annonce un personnage gesticulant... Le procédé contraire consiste à donner un nom par antiphrase, comme le banquier de Plaute Misargyridès (dans la Mostellaria, 574), dont le nom signifie "qui déteste l'argent". Plusieurs de ces noms sont récurrents dans la palliata ou dans la Néa : de fait, Pamphile est nécessairement un adulescens (dans L'Andrienne), Thrason est un miles (dans L'Eunuque), tout comme Polémon (personnage de La Tondue de Ménandre). Certains, en revanche, ne sont pas autrement connus par des sources directes. Remarquons toutefois que ces noms ne sont parlants que pour des Latins qui connaissent le grec.223. Le commentaire prend ici nettement la forme générique du problème ("πρόβλημα", "quaestio") qui réclame une solution ("λύσις", "solutio").224. L'absence de mot interrogatif rend la structure plutôt assertive. La préférence pour l'assertion est ici, en outre, peut-être motivée par le fait que l'on entre dans la scène d'exposition, qui doit remplir une fonction informative.225. L'"aduersitor" était un esclave spécialisé dans l'accueil de son maître, au devant duquel il allait à chaque arrivée.226. La forme "ierant" doit, dans ce sénaire iambique, se scander "īerant" ; or la forme attendue est soit "īuerant" soit "ĭerant", avec un abrègement régulier de la longue en hiatus. Du coup, on est tenté de corriger le texte "īerant" en "īuerant", mais c'est inutile : la scansion de Térence, avec amuïssement du u (consonne) intervocalique et maintien de la longue malgré l'hiatus, est un trait archaïque ; Priscien De metr. Ter. GL 2 422, 35 cite ce début de scène comme caractéristique des prologues et des premières scènes de Térence, toujours écrits en sénaires iambiques ("Terentius in omni prologo et in omni prima scaena trimetris utitur"), attestant ainsi la scansion et l'orthographe prescrites par Donat. En revanche, les exemples virgiliens donnés en appui sont contre-productifs, car l'ancienne longue a bien subi l'abrègement attendu et les formes verbales se scandent "abĭisse" (et non "abīisse") et "petĭisse" (et non "petīisse").227. Le pluriel a ici une valeur générique, comme "on" en français. L'énoncé est donc à comprendre comme un adage.228. L'ajout "aut ibi" de Térence est compris par Donat comme donnant une indication morpho-syntaxique : alors qu'"uspiam" peut aussi bien répondre à la question "ubi" qu'à la question "quo", "ibi" sert à orienter l'adverbe exclusivement vers la question du lieu où l'on est.229. Comprendre : ici aussi il faut postuler "irata" (qui se trouve exprimé au vers 31, en apposition).230. Il s'agit du récit de Sinon. On peut s'interroger sur le rapport de cet exemple au reste : c'est le pressentiment qui est mis en évidence. Le commentaire de Donat porte ici sur un type particulier de pensée, le pressentiment de mauvais augure, la pensée qu'on ne dit pas car elle est néfaste, comme dans le cas des idées biaisées que les épouses se font.231. Les noms relatifs (que les Grecs appellent "τὰ πρός τι " et les Latins "nomina ad aliquid", entre autres possibilités) sont les noms du lexique qui entretiennent une relation binaire d'une manière telle que l'existence de l'un est conditionnée par l'existence de l'autre, comme avec les binômes de termes père/fils ou époux/épouse : s'il y a une épouse, c'est qu'il y a un époux et réciproquement. Donc, dans la situation d'énonciation où "ego" parle de sa femme ou de son père, il est inutile de préciser de l'épouse de qui ou du père de qui il s'agit : "uxor" implique "uxor mea" ; dans le cas où le contexte est clair, la précision est inutile aussi : "parentes" sans déterminant désigne les parents de celui dont on est en train de parler. Donat prête là beaucoup d'érudition au poète ("erudite"), qui, quoi qu'en dise le commentateur, ne risquait pas de connaître ces réflexions grammaticales et cette terminologie... Notons que dans son Ars, Donat n'utilise pas le terme grec mais seulement (et de façon fort allusive) le terme latin "ad aliquid" : Don. GL IV 374, 8 : "sunt alia ad aliquid dicta ut pater, frater" (il il y aussi ceux qu'on nomme en relation avec quelque chose, comme "frater" (frère), "pater" (père)). Probus, en revanche (qui est peut-être utilisé en l'occurrence par le commentateur), connaît les deux termes, le grec et le latin, et se montre un peu plus explicite : Prob. GL IV 119, 34 : "sunt nomina, quae Graeci τῶν πρός τι appellant, id est ad aliquid, ut puta pater frater mater. iunguntur enim quibus respondeant, ut puta pater Marci, mater Iuli, frater Victoris : sic et cetera talia" (il y a des noms que les Grecs appellent "πρός τι", c'est-à-dire "ad aliquid", comme par exemple "pater", "frater", "mater". Ils s'adjoignent en effet aux noms auxquels ils répondent, comme par exemple "père de Marcus", "mère de Julius", "frère de Victor").232. L'amplification proposée paraît étrange : le moins grave est d'aimer ailleurs, puis vient le fait d'être aimé (lequel pourrait passer pour innocent, en toute logique, sauf à l'interpréter, comme fait Donat, au sens de "profiter d'une femme amoureuse sans être amoureux soi-même"), puis le fait de boire, puis de prendre du plaisir, quel qu'il soit. Tout porte à croire que la progression est montée à l'envers. Et c'est peut-être là que le procédé rejoint l'"idiotisme" : voilà, selon le misogyne Micion, la manière dont les femmes ordonnent les valeurs morales. On voit qu'elles placent très haut dans la gravité le fait que leur époux se soûle sans elles, ce qui rejoint le reproche souvent fait aux dames de comédie (et typiquement chez les nourrices) d'être des ivrognesses.233. L'opposition "supposuerit" vs "sumpsit" relaie, de façon moins technique, les substantifs correspondants, qui sont des termes de la logique, "suppositio" vs "sumptio", lesquels sont des décalques respectifs du grec "ὑπόθεσις " et "λῆμμα".234. La proposition peut en effet se comprendre avec "te" comme sujet ou comme objet du verbe "amare" (tu aimes ou quelqu'un t'aime). La suivante, au passif, cesse d'être ambiguë.235. L'épanaphore est une figure de répétition d'une même structure syntaxique en tête de phrase ou de segment ; ici c'est la reprise du pronom relatif objet "quae" dans deux relatives juxtaposées qui est en cause. Voir aussi 496 et 546.236. La notion d'anacoluthe est ici très élargie. Donat dit (sans doute) que pour être complète, la phrase devrait dire "ego pater", "moi, le père". Or cette absence de précision n'affecte en rien la grammaire. L'anacoluthe dont il s'agit est donc déplacée sur le plan sémantique : puisqu'il parle de son fils, il devrait préciser "moi le père". Mais cette remarque vient en porte-à-faux avec ce qu'il a dit plus haut des noms relatifs (voir la scholie 31).237. Heureuses, du moins, pour l'homme qui est en retard, et que son épouse soupçonne de boire avec des amis ou de faire l'amour avec une maîtresse.238. C'est-à-dire qu'il a pour son jeune adulte de fils une tendresse de mère. Ce comportement n'est guère habituel dans la mentalité de l'homme romain, ni non plus dans celle de l'homme athénien.239. Est commenté l'usage de la généralité avec l'indéfini "quemquam", qui permet à Térence de se moquer doucement de son personnage, qui s'étonne de ce qui lui arrive alors que cela est commun. L'ironie est perceptible.240. Donat fait remarquer que la structure "quam ipse est sibi" (qu'il ne l'est à soi-même) implique un dédoublement de la personne, à la fois sujet et objet de l'affection. Il n'y a rien là de particulièrement étonnant, puisqu'on a affaire à une structure réflexive. Mais le commentateur nous incite à relire tout l'énoncé ; dans ce cas, on a le sentiment que l'homme évoqué par Micion place dans son cœur un être qu'il aime mais aussi soi-même ; il est donc étrangement inclus dans soi-même. C'est cette bizarrerie anatomique, façon poupées russes, que Donat relève sans doute en s'en amusant.241. Sans doute une différence subtile sur le statut de père géniteur ("ex me natus") et de père seulement juridique ("meus natus").242. Donat paraît signaler que l'adjectif "dissimilis" (différent) ne devrait pas souffrir le degré.243. Etymologie amusante. On peut sans doute aussi comprendre, avec un autre sens de "colere", "qui honore l'esprit". Michalopoulos (1999) voit un rapprochement entre "clementia" et "mens" chez Catulle (64, 136-8). S'agit-il d'un jeu étymologique ou d'un rapprochement poétique dicté par les sonorités? Ernout-Meillet n'excluent pas la première hypothèse puisqu'il leur semble que les Latins considéraient que "clemens" contenait le mot "mens". Néanmoins, Donat est le seul à en faire une étymologie aussi explicite.244. Comprendre que l'adjectif "urbanam" est en facteur commun à deux substantifs de genre différent mais ne s'accorde qu'au plus proche, selon l'usage latin.245. Il s'agit d'une remarque lexicologique. La collocation "uitam secutus sum" (littéralement, "j'ai suivi une vie") est excellente, selon Donat, car ce que l'on suit, d'ordinaire, c'est un maître ("secta", de même famille que le verbe "sequor", désigne l'école dans laquelle les disciples suivent leur maître, "suivent" ses cours). Dire donc "suivre telle vie" revient à faire métaphoriquement du nom "uita" une "magistra", une maîtresse d'école.246. Le rapprochement entre "caelibes" et "caelites" est-il le fait d'une maxime connue ou s'agit-il d'un trait d'esprit d'un auteur isolé ? En tout cas Quintilien penche pour la seconde solution (I, 6, 26) et qualifie même cette étymologie d'"inuentio" : "Qui uero talia libris complexi sunt, nomina sua ipsi inscripserunt, ingenioseque uisus est Gauius caelibes dicere ueluti caelites, quod onere grauissimo uacent, idque Graeco argumento iuuit: ἠϊθέους enim eadem de causa dici adfirmat. Nec ei cedit Modestus inuentione: nam, quia Caelo Saturnus genitalia absciderit, hoc nomine appellatos qui uxore careant ait" (Mais ceux qui ont rassemblés de tels faits dans des livres y ont inscrit leurs noms, et Gavius a cru être intelligent en disant que "caelibes" (célibataires) s'identifiait à "caelites" (habitants du ciel), car ils sont tous les deux exemptés d'un poids très lourd, et il appuie son argument d'un exemple grec : il affirme en effet qu'on fait venir "ἠΐθεοι" (jeunes gens) de la même origine. Et Modeste ne le lui cède pas par l'invention, puisqu'il dit que, puisque Saturne a tranché les parties génitales de Caelus, ceux qui n'ont pas de femme sont appelés par ce nom). Isidore de Séville propose une étymologie quelque peu différente, même si elle est toujours en rapport avec la racine de "caelus" : Etym. X, 34 : "Caelebs, conubii expers, qualia sunt numina in caelo, quae absque coniugiis sunt. Et caelebs dictus quasi caelo beatus" ("Caelebs" (célibataire): qui n'a pas part au mariage, comme les divinités qui sont dans le ciel, qui n'ont pas de conjoint. Et le "caelebs" est appelé ainsi comme s'il était "caelo beatus" (heureux dans le ciel)). Ces étymologies amusantes sont-elles ce qui fait dire à Donat qu'il s'agit de "maximes" ?247. Sur cette restitution d'un fragment très mal transmis, voir la note apposée au texte latin.248. Le texte des prétendues maximes grecques tout comme celui de la citation de Ménandre qui suit est fort mal assuré, vu l'état de la transmission. On comprend qu'il s'agit sans doute de maximes sarcastiques contre le mariage, ou, en tout cas, d'énoncés stylistiquement condensés ; voir Bureau 2011.249. On suppose (sans garantie, étant donné l'état assez problématiques des textes grecs qui s'enchaînent dans ce passage) que Donat signale que, là où Térence dit "ceux qui ne se marient pas sont heureux", Ménandre disait "ceux qui se marient font une bêtise". Il relève donc un changement de point de vue en cohérence avec la citation précédente où il est (peut-être) dit que celui qui se marie "commet une faute" envers le père. Sur le célibat, voir notamment Sen. Phae. 478 (réplique d'Hippolyte qui recommande à la jeunesse le célibat).250. Question de ponctuation. Dans cette variante, il faut construire : "et comme ces gens-là trouvent que c'est un don du ciel qu'une épouse, je n'en ai jamais pris".251. Remarque sur la valeur des temps : avec le parfait, Micion dit qu'il n'a jamais pris femme et que, donc, à ce jour, il est encore célibataire (aspect résultatif) ; s'il avait dit à la place "uxorem non habeo", on aurait seulement pu déduire son état actuel, sans pouvoir préjuger de son état précédent (marié puis divorcé ? veuf ? jamais marié ?).252. Comprendre que l'on peut segmenter soit "ruri agere semper" (il a toujours vécu à la campagne), ce qui oriente vers une vie agréable, soit "semper parce ac duriter" (toujours chichement et à la dure), ce qui oriente vers une vie vertueuse.253. Au vers 74- 75 de L'Andrienne, Térence utilisait la même fin de vers "parce ac duriter". On ne sait pas en quoi il y a variation : est-ce par rapport au vers de L'Andrienne, dans lequel Térence utilise non pas l'infinitif de narration "agere uitam" mais l'imparfait "uitam (...) agebat" ? Dans ce cas, le "ut" de la scholie est bizarre, puisqu'il faut comprendre non pas "comme dans l'autre pièce" mais "par rapport à l'autre pièce". Ou bien est-ce la même variation dans les deux pièces ? Dans ce cas, il peut s'agir de l'emploi, dans les deux passages, d'un adverbe en "-e" puis d'un adverbe en "-ter" (surtout que "dure" est la forme analogiquement attendue, plutôt que "duriter") ?254. De fait, si Donat continuait son portrait à l'infinitif présent de narration, comme il l'a commencé, il écrirait "ducere". Or cela indiquerait un procès permanent, là où on attend qu'il soit ponctuel.255. Donat fait ici remarquer un passage de l'infinitif de narration ("agere") à l'indicatif parfait. C'est la suite logique de la remarque précédente.256. Si l'on restitue "uerba" au lieu de "†utruna", on doit comprendre que Donat préconise de lier dans la lecture les deux mots "uxorem duxit," pour éviter, en les détachant, de rapprocher "uxorem" du "se habere" qui précède.257. Le problème soulevé (comme dans l'exemple de L'Eunuque rappelé ici) est dans la référence de l'adverbe "inde" : après avoir dit "nati duo", Térence devrait reprendre non par un adverbe mais par un pronom ("quorum" ou "ex quibus") qui fonctionnerait comme le complément de "maiorem" ("dont j'ai adopté l'aîné"). C'est ce qu'il redit, autrement, au lemme suivant. Mais on peut aussi comprendre l'adverbe comme marquant un repère chronologique, au sens (fréquent) de "deinde", "ensuite" : "ensuite j'ai adopté l'aîné".258. Donat souligne ici un emploi du datif éthique.259. Le démonstratif "hic" relève en effet de la sphère de la première personne.260. "Educare" est également attesté chez les Anciens, notamment chez Ennius et Plaute, mais, de fait, pas chez Térence. De là vient peut-être cette affirmation un peu péremptoire de Donat.261. On reconnaît, dans la phraséologie "quaeritur", le genre de la "quaestio" dans lequel on pose un problème d'exégèse à propos d'un passage qui fait difficulté. La difficulté, ici, et qui laisse attendre sa solution ("hoc solum uerum est"), est d'ordre sémantique : quel est donc le sens du verbe "habui" ?262. Donat commente d'une part l'emploi d'un adjectif neutre pour référer à un sujet masculin et le fait que "solus" est utilisé seul, sans son complément de type partitif (seul parmi une collectivité). Il s'en réexplique au commentaire au vers 643, 2.263. Elucidation d'une ambiguïté possible, en raison de l'homonymie nominatif/accusatif de la forme "patres".264. Est donc ici illustrée l'habitude.265. "Coniugatis" fait référence à la notion grammatico-rhétorique de "coniugatio", décalquée sur le grec "συζυγία", et illustrée par exemple par Cicéron, Top. 12 : "Coniugata dicuntur quae sunt ex uerbis generis eiusdem. Eiusdem autem generis uerba sunt quae orta ab uno uarie commutantur, ut 'sapiens sapienter sapientia'. Haec uerborum coniugatio συζυγία dicitur, ex qua huius modi est argumentum: 'Si compascuus ager est, ius est compascere' (On appelle "liés" des énoncés qui naissent de mots de même type. Sont des mots de même type ceux qui ont une même origine et offrent une variation, comme "sapiens, sapienter, sapientia" [sage, sagement, sagesse]. Cette liaison de mots s'appelle "syzygie", d'où un argument de cet acabit : "si c'est bien un pâturage communal, on peut y paître en commun"). Ici Donat relève la liaison "liberalitate liberos".266. La construction de "conuenire" avec un sujet de chose, un datif de personne et un complément en "cum" + abl. est classique (Cic. Fin. 5, 87 ; Tusc. 5, 39...). Est-ce la première attestation de cette structure qui est remarquée ici ?267. Le participe "clamitans" est un fréquentatif, impliquant davantage d'intensité et de répétition du procès que le simple "clamans". Le choix du fréquentatif, à côté d'un adverbe impliquant lui aussi la fréquence, est ici salué comme une bonne isotopie ("congrue") ; il aurait pu aussi bien être versé du côté de la redondance.268. On a ici peut-être un sens rare du mot "lectio", rare du moins dans les textes, mais qui est assuré en latin oral par la survie romane de ce sens de "leçon". Dans ce cas, on a une explicite représentation du cours de grammaire professé par le maître. Si l'on est plus sage, on comprendra plutôt "souviens-toi de ta lecture, de ce que tu as lu (ou de la lecture publique entendue), et tu sauras etc.".269. La réplique à laquelle il est renvoyé n'est pas dite par par Micion, qui est le locuteur du lemme commenté ici, ni par Déméa, que Micion imite dans sa réplique, mais par Hégion. Du coup, il faut comprendre "ἠθικῶς" en fonction du commentaire au vers 476 5-7 : il ne s'agit pas de voir là un trait de caractère de Déméa mais un atticisme qui connote la colère. Et plus que la colère, comme trait de caractère, c'est un fait de grammaire qui est ici mis en lumière. Donat, par l'adverbe ἠθικῶς, précise que le pronom "nobis" est un datif éthique, c'est-à-dire un pronom personnel de l'interlocution et utilisé au datif, sans fonction grammaticale indispensable, et qui sert seulement à marquer l'importance que revêt pour le locuteur le message : cf. en français populaire des tours comme "Tu vas me la finir, cette assiette ?". Notons que le datif éthique n'est pas spécifiquement un atticisme : il est tout autant latin que grec.270. Micion est le parangon du père indulgent ("pater lenis"), c'est en quoi ses paroles se conforment à ce qu'on attend de lui.271. Il est difficile de dire pourquoi Donat éprouve le besoin de traduire en grec le texte de Térence. Est-ce que, sans le dire, il cite là la formule correspondante dans la pièce de Ménandre ? Quand c'est le cas, il le signale explicitement, pour marquer l'exactitude d'une traduction. Est-ce pour une autre raison ? Par exemple, souhaite-t-il rendre sensible l'équivalence bilingue (habituelle) entre "officium" et "καθῆκον" ? Quand à l'étymologie d'"officium" (reprise par Isidore de Séville, Et. 6, 19, 1), pour laquelle les Anciens invoquent d'ordinaire une déformation d'"opificium", elle est faite selon la technique du chaînon manquant, qui est fréquente chez Isidore de Séville : pour expliquer un terme (ici "officium") par un autre (ici "efficio"), les étymologistes antiques créent parfois un mot intermédiaire, inexistant (ici "*efficium"), qui permet un raisonnement. Dans ce cas, comme ici, ils utilisent "quasi" comme nous utilisons l'astérisque, pour caractériser une forme postulée et postulable, mais non attestée. Cf. par exemple Isid. 9, 3, 45 : "Militia autem (...) a mole rerum, quasi moletia" ; 9, 3, 59 : "ipsa coitio in unum cuneus nominatus est, quasi couneus, eo quod in unum omnes cogantur" ; etc. On voit un autre exemple de cette méthode en "quasi" au lemme suivant, 70, 2.272. Térence rompt un parallélisme possible avec le tour "malo coactus" ; on pouvait attendre "beneficio adiiunctus" mais on a une variante syntaxique avec une relative au lieu d'un participe apposé. Sans le dire, Donat illustre vraisemblablement la "varietas" térentienne.273. L'opposition des termes concerne en réalité les vers 69- 71 d'une part et 72- 73 d'autre part.274. Ce qui est commenté, c'est le mot "par".275. Ce qui est vrai de la chose, à savoir le "beneficium", l'est d'autant plus quand le bienfaiteur est le père. C'est un raisonnement a fortiori.276. "Consuefacere" (habituer) implique l'idée d'apprivoisement. Ainsi Col. 6, 2, 9 : "nam ubi plaustro aut aratro iuuencum consuescimus" (car quand nous apprivoisons le jeune bœuf au chariot ou à la charrue...).277. Donat semble se contredire d'un lemme à l'autre, puisque tantôt il atteste un texte térentien "nescire se", tantôt "nescire" seul. Le codex Bembinus, dans sa première rédaction, ignore le pronom, qui est restitué dans la deuxième rédaction. On doit donc supposer que la leçon authentique que lit Donat ne comprend pas le réfléchi. La scholie 4 est une remarque de syntaxe, et non d'ecdotique. Donat précise que, pour la correction syntaxique, il faut restituer le pronom sous-entendu ("deest"), de fait indispensable en grammaire normative. Mais les copistes de Donat, trompés par la recension calliopienne du texte térentien qu'ils ont sans doute sous les yeux et se méprenant sur le sens de la scholie 4, qu'ils prennent pour une remarque ecdotique, ont pu ajouter le pronom "se" dans les scholies 1 et 2.278. Donat dit ici "dans cet acte" au lieu de "dans cette scène". Mais le résumé qu'il a fait de l'Acte I intègre bien cette scène de dispute entre les deux frères. Il s'agit donc d'une erreur occasionnelle, qu'on retrouve ailleurs : cf. son commentaire à Ad. 540, 1 et à Andr. 965, 1.279. Remarque de critique littéraire sur les qualités respectives de Térence et de son modèle grec. Aulu-Gelle faisait déjà une comparaison entre les comédies originales et leurs imitations latines (Gell. 2, 23, 1-3) ; au contraire de ce que dit Donat, qui est presque toujours favorable à Térence au détriment de Ménandre, Aulu-Gelle est très sévère avec les productions latines.280. Il s'agit sans doute de remarquer le polyptote "quicquam" / "quemquam", encore qu'il ne s'agisse pas d'une variation de cas, puisque les deux pronoms sont à l'accusatif. On est alors induit à penser qu'il s'agit d'autre chose. Peut-être que le commentaire met en valeurla construction du passage, dans lequel l'accusatif "quem" est en facteur commun, alors qu'il devrait être repris par un nominatif ("neque is quemquam metuit"). Donat parle ordinairement d'anacoluthe dans ce type de situation.281. L'ambiguïté constatée tient à la construction de la proposition infinitive avec ses deux accusatifs, l'un sujet, l'autre objet : faut-il comprendre "aucune loi ne le tient" ou "il ne possède aucune loi" ?282. Ne pas dire que la personne chez qui on entre par effraction est elle-même un bandit est un mensonge par omission qui a pour but d'aggraver le cas d'Eschine.283. Même rapprochement avec "mutilatus" dans Hec. 65, 3. Dans cette même scholie, Donat évoque aussi un rapprochement avec "mulceo" (ramollir), conformément à Fest. 129, 5 et Macr. Sat. 6, 5, 2.284. Chez Térence on lit "mulcauit" et non "mulctauit". Texte meilleur de fait, car "mulcauit" correspond bien aux reformulations qu'en donne Donat dans son commentaire, alors que "mulctauit" signifierait "il les a mis à l'amende". Mais le rapprochement entre "Mulciber" et "mulctare" semble indiquer que Donat confond les deux verbes. Selon Sánchez Martínez (2000, p. 476), c'est Donat qui aurait inventé le pseudo-mot "Mulciber" selon la méthode des "nomina ficta" ("quasi").285. Il s'agit donc d'un argument faible, puisque fondé seulement sur la rumeur.286. La fin du commentaire se comprend par rapport à ce que lit Donat : en lisant "quod mihi dixere" au lieu de "quot mihi dixere" (texte habituel des éditeurs de Térence, au sens de "combien de gens m'ont dit cela au moment où j'arrivais !"), il se force à faire de "quod" l'objet de "dixere", ce qui oblige à trouver à "hoc" une autre fonction : il en fait donc un adverbe de lieu, complément d'"aduenienti" ("à moi qui arrive ici"). "Hoc" est effectivement un adverbe qui répond à la question "quo". Quant au fait qu'il le classe comme "articulus", et non pas "pronomen", cela s'explique par les emplois déterminants du démonstratif et notamment par l'utilisation qu'on en fait comme indicateur de genre ("hic et haec lupus", "lupus masculin et féminin"), en remplacement de l'article que les grammairiens grecs utilisent à ce titre. Mais c'est une remarque typologique de grammaire générale : dans le contexte du vers térentien, "hoc" ne peut pas être compris comme articloïde.287. Sans contexte, le sens de ce fragment est purement conjectural. On se sait pas si Donat le cite pour une franche synonymie, notamment de "in ore" et de "populo" / "gentibus" ou s'il montre seulement une identité de structure grammaticale ("in ore" avec un datif au lieu du génitif attendu).288. Donat réutilise ici à dessein le qualificatif que Micion a utilisé au vers 98.289. L'idiotisme tient peut-être au souvenir qu'a Donat de l'étymologie du verbe "putare", qui est issu de la langue agricole ("émonder un arbre").290. Il faut comprendre que ce que Déméa a fait à l'époque de sa jeunesse, c'était justement de ne rien faire, faute de moyens.291. Donat signale à juste titre la scansion "fīeret" et rappelle un fragment d'Ennius qu'il cite ailleurs (Pho. 74, 4 et And. 429, 3) et qui illustre lui aussi ce fait de scansion archaïque. Dans les autres utilisations qu'il fait du fragment d'Ennius, il s'intéresse non à la métrique mais à la construction de "memini" avec un infinitif présent, au lieu du parfait attendu.292. Selon son habitude, Donat considère comme une anacoluthe les cas où un des éléments d'un couple de corrélatifs n'est pas exprimé. Ici "quamuis" devrait préparer "tamen".293. Donat signale souvent que l'emploi de "homo" est caractéristique du prosaïsme comique et même plutôt d'une parlure servile. Le grand style para-tragique est donc aussitôt annulé par la fin de la réplique.294. "Homo" (être humain, bonhomme) n'est pas en effet une manière d'apostropher son propre frère.295. Sur l'induction, voir Cicéron, Inv. 1, 51 ; le rapport "inductio"/ἐπαγωγή est par exemple explicité par Cicéron, Top. 42.296. Il n'est pas sûr qu'il faille comme Donat interpréter "illi" dans l'exemple virgilien comme un adverbe. Ce peut tout à fait être dans le contexte un pronom, dont le référent peut parfaitement être Achille.297. Il est indifférent de scander cette syllabe brève ou longue. Mais l'adverbe "illi" (comme sa variante "illic") est réputé avoir une finale longue et on ne voit pas sur quoi se fonde Donat pour cette remarque phonétique.298. Sans doute faut-il comprendre que les reproches faits par Déméa sont considérés par lui comme gravissimes et que Micion les rabaisse au maximum dans son argumentation. Dans ce cas, la scholie porte sur le morceau oratoire 117- 122 où Micion minimise les fautes d'Eschine.299. De fait, le verbe simple "sarcire" signifie déjà "raccommoder", en sorte que le préverbe "re-" paraît inutile. Il est appelé par "restituetur" pour un joli effet de parallélisme.300. L'argument "a coniugatis" a été relevé il y a peu : cf. supra le commentaire au vers 57, 2.301. C'est le même emploi du futur antérieur qui est remarqué dans la citation de Virgile. Cet emploi qualifié d'archaïque est l'objet du lemme suivant également.302. Il ne s'agit pas de correction grammaticale mais de logique sémantique. Les propositions "s'occuper des deux enfants" et "me reprendre celui que tu m'as donné" ne sont pas équivalentes sur le plan logique. L'adverbe d'approximation vient donc à la fois signaler le caractère bancal de l'équivalence et faciliter le rapprochement des deux propositions qui, sur le plan argumentatif, est fort.303. Dans ce vers virgilien très célèbre, l'imprécation de Didon passe par l'accumulation des impératifs juxtaposés. Chez Térence, l'effet, identique, est obtenu par les subjonctifs de troisième personne.304. Comme souvent chez Térence, les répliques s'enchaînent par rebonds métalinguistiques. Donat fait donc remarquer la reprise des mots d'une tirade précédente (132), "quem dedi"/ "quem dedisti", avec éventuellement une légère variation : "repeto"/ "reposcere". Il en fait aussi, en forçant sans doute un peu le trait, un élément de caractérologie. Mais il n'y a pas que les paysans en colère qui rebondissent sur des paroles prononcées.305. C'est-à-dire que Micion n'est pas indulgent par faiblesse ou par lâcheté, mais par système. C'est d'ailleurs l'objet de la pièce que d'opposer deux systèmes d'éducation paternelle.306. C'est la même question que plus haut (Ad. 116, 1) : "illi" est-il un pronom au datif ou un adverbe de lieu ?307. On peut penser que Donat a mal interprété ce passage (pour lequel son texte de la comédie de Térence est assez malmené). Confondant sans doute "si" et "sim" dans sa lecture, et lisant sans doute "aut etiam si adiutor eius iracundiae", il en a conclu que la forme "adiutor" était la première personne d'un verbe déponent, et comprend "si je favorise sa colère". Dans ce cas, le génitif est une erreur de construction et l'on attendrait l'accusatif. Mais "adiutor" est un nom, il faut bien lire "aut etiam adiutor sim eius iracundiae" (avec "si" en facteur commun à déduire du vers précédent), "ou si j'étais l'auxiliaire de sa colère" ; dans cette situation, il n'y a aucune anomalie dans l'emploi du génitif.308. L'adoucissement de la formule de reproche, en montrant que le personnage n'est pas soumis à ses passions - ici la colère -, renforce la gravité du reproche au lieu de l'affaiblir. Cela correspond exactement au caractère de Micion.309. L'hyperbole, ici, est dans l'emploi d'une structure interro-négative, qui revient à dire "toutes les courtisanes".310. Comprendre : "il le défend contre vents et marées, tout en sachant, comme tout le monde, qu'entretenir une courtisane est un scandale". Comme l'expression est assez paradoxale, Rabbow (suivi par Wessner) avait ajouté une négation. Mais les mss. sont unanimes : il n'y a pas de négation.311. La parenthèse de première catégorie semble donc être constituée d'un verbe. En tout cas "credo", ici, à côté du verbe principal "taedebat", est en incise.312. Comprendre : Micion croit qu'Eschine est amoureux d'une courtisane et ne peut l'avouer aussi crûment ; il utilise donc une formule adoucie, "uxorem ducere", "épouser". Et il ignore à ce moment-là qu'il est dans le vrai, puisque celle qu'aime Eschine est en réalité une jeune femme honorable et épousable.313. Ce n'est pas le sens des verbes qui est en cause, mais seulement sans doute l'emploi de l'imparfait.314. Remarque étymologique : "de-feruisse" est expliqué par "de(orsum)" (vers le bas) et "feruore". On peut sans doute comprendre que Donat construit une infinitive dont le sujet implicite est "le jeune homme" : "j'espérais qu'il retenait sa jeunesse en deçà de l'ebullition".315. Le verbe "quiritare" est donc décrit pour ce qu'il est et que Benveniste nomme un "verbe délocutif", dérivé dont la base est une formule et le sens est "dire x" (x étant la base). Voir Diom. GL 1, 381, 23. Le terme de base "Quirites" désigne le corps des citoyens Romains et se colore d'une forte empreinte historique voire légendaire puisque ce terme est à mettre en relation avec l'épisode de l'alliance entre Romulus et Tatius. Par la suite, l'emploi de ce terme est récurrent dans la phraséologie officielle et militaire. De plus, l'archaïsme du terme renchérit sur le caractère sérieux du passage.316. Térence use de synonymes que Donat tente d'expliquer par une gradation que l'on peut comprendre pour la première série, qui est moins nette pour la seconde.317. Donat justifie un peu maladroitement que l'adverbe "otiose" oriente vers le sème de 'sécurité' alors que le substantif de base "otium" oriente vers celui de 'loisir'.318. Donat constate qu'il y a cinq adverbes consécutifs. Pour certains, la valeur est évidente ; pour "ilico" en revanche, qui peut être soit un adverbe de lieu soit un adverbe de temps, on peut hésiter et le commentateur choisit l'adverbe de lieu, qui d'ailleurs fait redondance avec "hic".319. La figure est curieusement nommée ellipse alors qu'il s'agit évidemment d'une aposiopèse. 320. Encore une remarque sur l'absence d'un corrélatif. Voir plus haut la scholie 110, 1.321. Indication de gestuelle : le personnage, disant "je m'en soucie comme de cela", accompagne sa réplique, selon Donat, d'un geste qui montre un objet qui connote la petite quantité ; parmi ces objets, notons la présence du flocon ("floccum") qui est précisément, en latin, un de ces forclusifs associables à la négation ou lexicalisés dans la petite quantité, dans un tour comme "flocci pendere", "estimer à la valeur d'un flocon". De même Eugraphius, Ad. 163 : "quasi de ueste floccum carpserit" (comme s'il arrachait à son vêtement un flocon de laine).322. Donat joue sur deux mots contenant le radical de "ius". Le premier, "iniuria", est la négation du "ius", et désigne le tort commis, donc "ius" ne peut avoir comme sens que l'absence de tort, donc la réparation exigée du prévenu. L'argument est assez subtil.323. La citation de Cicéron utilise l'adverbe "tantulum", que Donat classe ici implicitement comme déictique (au sens de "pas plus que ça"), d'où son rapport avec le texte commenté.324. Donat veut dire que "re" est employé dans un sens concret par opposition ici à "uerbis" (les mots vs la réalité tangible), et non comme un simple équivalent d'indéfini ("en quelque chose", "en une chose").325. Donat remarque l'étrangeté énonciative de la réplique de Sannion. Le proxénète mélange style direct et indirect. Il devrait dire: "iusiurandum dabitur : 'tu es indignus iniuria hac'" (on fera un serment : "tu ne mérites pas cet affront"), ce qui, au style indirect, vu la situation d'énonciation, devrait donner "ius iurandum dabitur me esse indignum iniuria hac" ("me" et non pas "te"). Tel quel, l'énoncé de Térence veut dire "il y aura un serment pour attester que tu ne mérites pas cet affront", ce qui est étrange puisque c'est Sannion la victime de l'affront. D'où les remarques de Donat : il faut supposer, dans le serment, l'ellipse d'un verbe de déclaration dont le sujet représente les jeunes gens ("un serment : 'nous jurons que tu n'as pas mérité ça'"), ou faire deux phrases différentes : la première se conclut sur "il y aura un serment" ; la seconde commence sur "te esse indignum..." et ne s'interprète comme principale que sur le mode exclamatif (Toi, ne pas avoir mérité ça !). Mais on ne voit pas bien alors l'enchaînement des idées. On suppose donc que c'est la première soluition qui a la faveur du commentateur dans la scholie 4, bien qu'on ait le sentiment du contraire, car "sic" paraît implicitement reprendre la plus proche des deux options proposées.326. Le comique est dans le jeu de mots entraîné par le polyptote. On est dans un comique de répétition qui procède en un renversement et accentue le sentiment d'injustice qui exaspère le personnage.327. C'est donc une remarque implicite de ponctuation. S'il faut lire "praestrenue" (avec la valeur intensive du préfixe telle qu'illustrée par le morceau virgilien), il faut relier les deux éléments au moyen du signe typographique de l'hyphen, qui sert justement à désambiguïser en liant les chaînes de caractères qui doivent être rapprochés.328. C'est "nihili" qu'on a chez les éditeurs de Térence. Si le vers (dans ce passage polymétrique) est bien un septénaire trochaïque comme les deux suivants, il faut "nihil". Mais si c'est un octonaire iambique comme le précédent, il faut "nihili". Les deux solutions sont donc viables métriquement.329. La question de l'ordre des éléments dans une chaîne étymologique n'arrête en général pas les grammairiens antiques. Le même auteur peut, d'une page à l'autre, affirmer que le mot X vient du mot Y aussi bien que le mot Y vient du mot X. Il semble que "venir de" (le plus souvent en latin simplement la préposition "ab") signifie le plus souvent simplement "être apparenté", sans ordre réel entre les éléments. Voir Nicolas 2007a. Ici, fait plutôt rare, Donat se pose une vraie question de morphologie dérivationnelle en cherchant lequel des deux mots est la base de l'autre.330. Donat décode et commente finement un jeu de scène induit par le texte seul. Parménon a donné, sur ordre gestuel d'Eschine, un coup à Sannion, qui s'en est offusqué. Pour impressionner le proxénète, le jeune homme le menace en disant qu'il va doubler la mise ("geminabit"). Mais Parménon, trop loin pour bien entendre (ou trop prompt ?), n'a pas entendu (ou attendu ?) la dernière syllabe (d'où l'impératif "gemina"), et a frappé Sannion de nouveau, d'où son "ei mihi". Une fois de plus, Donat se montre très attentif au détail du texte et même aux questions de proxémique et se forge une mise en scène personnelle fort amusante.331. Le texte virgilien est habituellement "diua precor" et non "diua parens". Donat le cite à nouveau, pour le même usage, en 539, 1 avec le texte consensuel "diua precor".332. Il demeure une incertitude sur le texte de la fin de la scholie, un groupe de manuscrits lisant "proximi". Dans ce cas, il pourrait s'agir d'une allusion d'actualité à la situation athénienne. Mais si on lit "proxime", il faut comprendre "les tyrans sont renversés de façon particulièrement rapide ou immédiate". On peut peut-être comprendre une inversion "maximi proxime" et traduire "d'autant plus vite qu'ils sont plus tyranniques".333. Donat lève une ambiguïté, la question du proxénète pouvant se comprendre au sens de "qu'as-tu à t'en prendre à moi ?" (interprétation retenue) ou "quelle affaire as-tu avec moi ?" (interprétation rejetée, puisque de fait Eschine, en lui volant une de ses filles, a affaire avec lui).334. Donat souligne que le verbe préfixé est plus fort que le verbe simple parce qu'Eschine aurait rossé Sannion, quand bien même il n'aurait fait qu'effleurer quelque chose qui lui appartenait. Or Sannion vient de demander si Eschine s'en prend à lui parce qu'il a touché quelque chose qui lui appartient.335. De fait, Sannion est dans son bon droit et on ne peut rien lui répondre ; le seul reproche qu'Eschine trouve à lui faire est donc le tapage qu'il est en train de faire dans la rue. En effet, le "conuicium" est bien un délit, une "iniuria" selon Gaius (Inst. 3, 20).336. Dans l'épisode virgilien, Magon supplie Enée de le "conserver" ("serues"), ce qui revient à l'asservir, si l'on en croit l'étymologie proposée, d'ailleurs classique. Donat profite d'une explication lexicologique sur "lora" (lanières), confondu sciemment avec "laura" (lauriers), pour faire un excursus sur les noms des esclaves, en opposant "mancipium" et "seruus". Le rapprochement étymologique proposé par Donat entre "lōrum" (les verges) et "laurus" (le laurier) est quelque peu alambiqué. Il s'explique sans doute par une homophonie semblable à celle qui explique la variation du nom de la portion du mont Aventin plantée de lauriers, "Lauretum" ou "Lōretum", ou celle qui explique, selon Isidore de Séville (Etym. 17, 7), le nom populaire du rhododendron, "lorandrum", parce qu'il est semblable aux feuilles de laurier. Si le lien phonétique entre les deux termes existe, le lien sémantique, bien que détaillé par Donat, est plus discutable. Quant à l'explication de "seruus" par "seruare", elle est reprise dans les Institutiones Iustiniani (I, 3, 3) : "serui ex eo appellati sunt quod imperatores seruos uendere, ac per hoc seruare, nec occidere, solent" (les esclaves tirent leur nom de ce que les généraux victorieux ont l'habitude de vendre les esclaves, et pour cela de les garder ("seruare") et de ne pas les tuer).337. Donat explique que Sannion, en disant "où pourrais-je aller ?", prend de façon stupide au pied de la lettre l'injonction d'Eschine "redi".338. Comme souvent avec les relatifs, Donat se pose la question du rapport à l'antécédent. Si "quo" est un adverbe relatif de lieu, il est incorrect car c'est "unde" et son sème 'provenance' qui est nécessaire. Si c'est un pronom relatif, il devrait être accompagné de la préposition "ab" pour exprimer la provenance. Mais ce qui gêne manifestement Donat, c'est que, l'antécédent "illuc" (complément de lieu de "redi") étant un adverbe, on n'attend pas qu'il puisse être pronominalisé. La construction laisse attendre effectivement un adverbe relatif de lieu indiquant la provenance ("là d'où"), et ce ne peut être que "unde". L'incorrection relevée est comparable à celle qu'on a dans un tour français comme "reviens là duquel tu es parti".339. Autrement dit, en ajoutant à son énoncé une malédiction, Eschine fait comprendre que c'est le fait d'avoir acheté la fille vingt mines qui est grave et funeste.340. Le dieu Vertumne, d'origine étrusque, est symbole du changement de saisons ; il veillait sur la fécondité des vergers et des fruits. Il possèdait aussi le don de métamorphose. De fait, on comprend mieux l'étymologie de laquelle son nom découle, à moins que ses attributions aient été précisément augmentées après coup en raison de l'étymologie qu'on prêtait à son nom, par un effet de rétromotivation. De fait, le nom latin de Vertumne, selon Ernout-Meillet, repose sur une déformation possible à partir de l'étrusque "Voltumna" et "Veltune". 341. Ce qui semble gêner Donat peut être de deux ordres : soit l'ellipse du verbe ("facis", "facias"), soit la forme "si nolo" à l'indicatif, car on rencontre "si nolis" (Cic. Inv. 1, 1, 73 et Planc. 20), mais non une autre forme. Notons que "si nolim" et "si noles" se rencontrent, mais l'un et l'autre sont poétiques ou étrangers à la langue classique (Ovide, Horace, Sénèque).342. L'idiotisme paraît résider dans la tournure orale brutale du leno. "Quid enim" est la forme attendue mais sans coordination l'énoncé est rude et digne du sinistre marchand d'esclaves.343. Donat est sensible à l'audace prudente de Térence, qui insère des propos appartenant au vocabulaire tragique dans la bouche de ses personnages comiques afin d'explorer une palette de comiques variés, ici la dérision proche du paratragique. On peut évidemment songer à Ajax rendu fou par la remise à Ulysse des armes d'Achille.344. L'état du texte grec transmis est trop désespéré pour qu'on en tente une traduction complète. Ce fragment de Ménandre n'a pas été identifié par les éditeurs de ce poète. Néanmoins la finale "οικετην λαβων" ("ayant avec lui un domestique") est parfaitement lisible et ressemble à la situation de la scène en cours pendant laquelle Sannion s'est fait rosser par Eschine aidé de son serviteur Parménon. Sans doute y a-t-il donc ici un parallèle fait entre la pièce et son modèle. Si le parallèle doit être suivi, on peut être tenté de chercher l'expression d'un grand nombre pour correspondre à "quingentos" et un contexte où il est question de coups. Il existe un mot "γρόνθος" (coup, gifle) qui correspond à "colaphos" et peut représenter le segment "γρωνον". D'où, peut-être, un trimètre iambique qui, pour "ερπατοτον γρωνον οικετην λαβων", pourrait prendre la forme "ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην λαβών" (...de 700 gnons, en ayant pris avec lui son domestique). Ce génitif pluriel pourrait alors s'appuyer sur "ἄλγος", le premier segment de cette citation ("douleur <consistant en 700 coups>"). Sinon, pour le début, on peut aussi penser à "αἲ ᾿γώ" ("hélas, moi"), qui correspond bien à "misero homini" et qu'on trouve sous des formes proches chez Ménandre ("αἲ τάλας", "hélas malheureux !"). Mais le mètre résiste à nombre de nos suppositions...345. Remarquons que les reformulations décalquent la formation préfixée en "in-" du verbe de départ. 346. La leçon variante "darier" au lieu de "tradier" ne donne pas le schéma métrique attendu.347. La seconde explication de l'origine de "mussitare" est la plus probable, mais le verbe est sans doute à rapprocher tout de même de "mutus". "Mussitare" ne signifie pas uniquement "se taire" ou "supporter en silence" mais également "dire tout bas, marmonner, murmurer". Il est formé sur une onomatopée "mū", comme "musso" ("murmurer, chuchoter, garder pour soi"), dont "mussito" est un fréquentatif, ou comme "mutus".348. Donat se demande si "tace", dans le contexte, n'est pas dans un emploi aussi codifié que "age" par exemple (ou notre "allons" ou "allez" du français). Cela le mettrait alors en effet du côté de l'adverbe. Et, s'il est lexicalisé, rien n'empêche de penser qu'il s'adresse à la cantonnade bien qu'il soit au singulier. Mais qu'il s'adresse à tous ou au seul Ctésiphon, il est dit à des personnages qui ne sont pas sur scène : Syrus sort de la maison et, sans encore avoir vu Sannion qui est sur scène, parle à celui ou à ceux qui sont à l'intérieur et que le spectateur ne voit pas.349. Remarque didascalique pour signaler que Syrus entre en scène en continuant une conversation qu'il tenait à l'intérieur de la maison.350. Rappelons que le statut de soldat mercenaire à la solde d'un potentat oriental (la position des soldats de comédie, donc) n'a rien de particulièrement brillant et que le miles est un personnage très décrié sur la scène.351. Sur l'emplacement de cette scholie, voir la note apposée au texte latin. Donat remarque ici une figure d'atténuation : Syrus dit au proxénète qu'"il s'est battu", alors qu'en réalité "il a été battu".352. Donat remarque que le mot unique "concertasse" est l'objet d'une reprise par le proxénète en deux mots "certationem comparatam". Le sens reste le même.353. A savoir Heaut. 94.354. Syrus, pour amadouer Sannion, a présenté la dispute de la scène précédente comme une "concertatio". Or le mot, par son préfixe, semble indiquer un combat égal et entre égaux. Sannion rebondit donc sur ce mot et précise qu'il ne s'agissait pas d'un combat égal mais au contraire inégal et mal fondé et qu'il mériterait des dommagements.355. L'origine de cette distinction se trouve chez Charisius, Ars 403, 26 : "certationem et certamen. certatio est administrantium, certamen operis" (différence entre "certatio" et "certamen" : la "certatio" est le fait de personnes agissantes, "certamen" est le fait d'un travail).356. La citation est en réalité dans les Géorgiques (II, 530), sans qu'il soit possible de savoir si la bévue est de Donat ou d'un des copistes intermédiaires.357. Note lexicologique assez précise sur la base de l'opposition entre les noms résultatifs en "-men" et les noms d'action en "-tio". Dans la citation de Virgile, "certamina" désigne ainsi l'objet concret, que l'on peut "poser" sur un arbre, et qui va servir à déterminer le vainqueur du concours.358. Un adverbe et non pas une préposition, comme il peut l'être aussi.359. Comprendre un ablatif à valeur instrumentale. C'est ainsi que Donat appelle ce type d'emploi.360. Donc soit "c'est ta faute" (avec nominatif) soit "c'est arrivé par ta faute" (avec ablatif). La scansion du vers de Térence permet les deux interprétations.361. Le sous-entendu grivois, ou cacemphaton, a été théorisé par Cicéron (Or. 154) et Quintilien (8, 3, 44 sq.) et repris par les grammatici (par ex. Diomède GL I 270, 26- 30 ou Priscien GL II 594, 15). Ce trope indésirable consiste en l'émergence en général involontaire, dans le cours de l'énoncé, d'un gros mot par association de syllabes ou d'idées. Voir Nicolas (2007c : 27-28). Ici, il s'agit d'un cacemphaton de polysémie : le mot "os" signifie à la fois "visage" et "bouche". Le proxénète, pour marquer qu'il n'aurait pas pu être plus complaisant qu'il ne l'a été, dit "usque os paraebui", qui peut se comprendre soit "j'ai été jusqu'à présenter mon visage <à ses coups>" soit, de façon beaucoup plus vulgaire, "j'ai été jusqu'à lui prêter ma bouche". D'où notre traduction du vers 215 de Térence, volontairement ambiguë et qui peut s'interpréter de façon grivoise.362. Donat a déjà cité il y a peu, pour le commentaire du vers 157, ce même vers de Virgile pour une tout autre raison. Sans doute a-t-il encore sous le coude son volume de Virgile calé au même endroit, ou la "fiche" sur la négation qu'il utilisait pour le commentaire du vers 157.363. Le lemme cite bien un morceau du vers 223, mais le commentaire porte sur un mot qui est dans le 224. C'est ce qui justifiait les cruces qu'avait posées Wessner et que nous ne conservons pas.364. Si Donat nommait ce procédé, il l'appellerait sans doute "polysyndète" comme il le fait, selon une restitution nécessaire d'Estienne (1529), en 301, 1.365. Donat pose ici une question que se poseront souvent les exégètes du théâtre classique : comment Untel sait-il ce qu'il sait, si ce n'est pas sur scène qu'il l'a appris ou s'il ne nous dit pas comment il l'a appris ? Ici, il suppose que Syrus bluffe, et que son intuition tombe juste.366. C'est donc soit l'accusatif du démonstratif (et il devrait alors être qualifié de pronom plutôt que d'"articulus"), soit c'est l'adverbe de lieu archaïque "hoc".367. Syrus, en disant "spero", laisse entendre qu'il souhaite que Sannion vienne réclamer son dû, ce qui peut donner au proxénète l'impression qu'il peut partir tranquille et que sa dette n'est pas enterrée définitivement. Mais c'est une pure manœuvre dilatoire. On peut d'ailleurs tout à fait comprendre que "spero" s'accroche à "ubi redieris" (quand tu seras revenu -j'espère <que tu reviendras>), dans un souhait normal et poli qu'on fait devant quelqu'un qui s'apprête à faire un trajet en bateau.368. Il y a bien là un aparté de Syrus. D'ordinaire (et par exemple dans cette scène même), Donat fait une remarque didascalique sur le fait que la réplique est dite sans être entendue, par convention, de l'autre personnage. Mais ici, en outre, Donat suppose que les répliques, qui s'enchaînent linéairement dans le texte à lire, car on ne saurait les écrire l'une sur l'autre sans les rendre illisibles, étaient dites sur scène simultanément. C'est très peu probable, à cause du mètre. On est ici en sénaires iambiques, et l'oreille veut entendre ses six pieds familiers, qu'elle n'entendrait pas complets si les deux locuteurs du même vers parlaient en même temps. Ce qui gêne Donat sans doute, dans la mise en scène mentale qu'il se fait de la scène, c'est que Sannion, qui hurle sa désapprobation depuis plusieurs secondes déjà, soit obligé de s'interrompre pour laisser Syrus faire un aparté qu'il n'est pas censé entendre lui-même. Il est vrai que c'est dramaturgiquement gênant. Mais les exemples de ce procédé abondent aussi chez Molière par exemple.369. Il s'agit sans doute de faire remarquer que cet impératif singulier ne peut s'adresser à la cantonnade (on attendrait alors plutôt un pluriel) ni à personne en particulier si ce n'est à lui-même.370. Ce que commente en réalité Donat, c'est à la fois la métaphore filée du petit caillou qui fait mal (d'où notre traduction de Térence avec "rouages" et "engrenages", qui déplace légèrement la métaphore du grain de sable de la chaussure vers les mécanismes) et la formation des deux termes métaphoriques à partir d'un diminutif en "-ulus". Signalons une relative incohérence par rapport à sa remarque sur l'aparté dans le vers précédent : si Sannion n'a pas entendu Syrus dire le mot "scrupulus", il n'y a pas de raison qu'il file la métaphore, sauf involontairement, pour le seul plaisir du spectateur et du lecteur.371. Le féminin "mulieres", qui entraîne dans son accord le participe "emptae", est coordonné au neutre "alia" : il en résulte que "emptae" est en facteur commun avec deux sujets de genre différent (c'est la syllepse de genre), et qu'il choisit le genre du plus proche. Le commentaire de Donat siginifie que "emptae" vaut aussi pour un "empta" neutre sous-entendu.372. Vénus est autrement appelée, d'ailleurs, Cypris. Une île consacrée à Vénus devait donc s'intéresser particulièrement au commerce des femmes.373. Les habitants de Chypre, au contraire du paysan italien décrit par Horace dans cette ode, n'hésitaient pas, eux, à construire des navires pour commercer dans toutes les îles alentour et sur le continent. Mais la deuxième citation se rattache assez mal à l'ensemble. Une fois de plus, on a l'impression que Donat exploite un document qu'il a sous les yeux (ici, dans le début des Odes d'Horace, deux occurrences du nom de Chypre à quelques vers de distance) de toutes les façons possibles.374. Et non pas la première personne du verbe qui signifie "aller", ce que l'on pourrait penser à première lecture.375. Un lieu, parce qu'il est à Chypre, un temps parce qu'il se tient à date fixe, comme une foire.376. S'il reste pour régler l'affaire de l'enlèvement de sa courtisane, pour éviter une perte, il renonce à une vente bien plus considérable à Chypre, pendant la foire. Donat dit donc que si le manque à gagner chypriote est "maximum", c'est par comparaison implicite avec le manque à gagner local, qui est seulement "magnum". Entre deux dommages, il incline à choisir le moindre.377. "Actum agere" signifie littéralement "faire quelque chose qui est déjà fait" ; au sens judiciaire "plaider une chose déjà plaidée". Cela revient à dire "faire une chose inutile".378. L'important ici n'est pas tant le verbe cité par Donat que l'idée qu'il exprime. En effet, Donat commente le sémantisme du verbe "incipere" et l'illustre par son fréquentatif "inceptare". C'est un cas d'autonymie sémiotypique.379. "Labasco" est effectivement un verbe inchoatif mais ce n'est pas un verbe métaphorique: il est formé sur une racine dont le sens premier est "chanceler , vaciller". Sur cette racine sont formés, entre autres, "labo, -are", "labor, -i", "labes, -is", "lapsus, -us"…380. La prolixité consiste ici à utiliser deux mots pour dire quelque chose qui tenait en un seul.381. Avec ce type d'énoncé, il est difficile de savoir à quel genre de structure métalinguistique on a affaire. Il peut s'agir d'une étymologie ("diuiduus" vient de "diuisio", "dimidius" de "dimensio") ou d'une remarque lexicale générale ("diuiduus" s'emploie dans le champ de la division, "dimidius" dans celui de la "dimension"). En tout cas c'est une differentia entre les deux adjectifs.382. Le texte cité de Virgile est inconnu de nous et impossible à compléter.383. On pouvait s'attendre légitimement ici à une citation virgilienne... Peut-être a-t-elle sauté dans l'archétype ? Peut-être Donat, qui est aussi un commentateur de Virgile, a-t-il réservé la recherche de citation pour plus tard et a-t-il oublié de revenir sur ce passage ? Peut-être enfin la chose lui paraît-elle si évidente, et les illsutrations célèbres si nombreuses, qu'il ne prend pas la peine de citer expressément des passages que tous ses élèves ont en tête ?384. Le mot "tuber", neutre, désigne toute sorte d'excroissance, par exemple une tumeur. Dans le monde végétal, il désigne particulièrement la truffe, et c'est sans doute ce qu'il faut comprendre ici. En tout cas, le végétal en question pousse dans un environnement qui lui ressemble, dans une terre enflée ("tumentibus") et presque enceinte ("praegnantibus"). Isidore (Et. 17, 10, 19) en fait d'ailleurs une étymologie : "tuberum tumor terrae prodit ; eaque causa nomen illi dedit" (l'enflure de la terre produit celle des truffes, et c'est ce qui explique le mot même de "tuber").385. Dans Eun. 341, 2, Donat fait remarquer que "numquid uis" peut avoir une simple valeur de rupture de la conversation. Ici il rappelle cette valeur tout en soulignant que l'énoncé sous sa forme "numquid uis" est elliptique et qu'ici Térence a exprimé un complément normalement nécessaire. D'ailleurs en Eun. 191, 1 la formule est "numquid aliud uis" et en Pho. 151 Donat la complète avec un groupe nominal.386. L'étymologie est évidemment loufoque. On s'étonne qu'elle n'ait pas retenu l'attention d'Isidore de Séville, qui ne la rappelle pas.387. Le passage de L'Enéide cité ici (III, 602) se rattache très librement à l'argumentaire. C'est un Grec isolé, sauvage, oublié là par ses compatriotes, trouvé sur l'île des Cyclopes par Enée et sa flotte, qui parle aux ennemis troyens et tâche de gagner leur pitié. Il s'agit donc d'un passage censé illustrer la figure d'"axiopistia".388. Remarque étymologique récurrente dans le commentaire sur le rapport de l'adverbe "sedulo" et de "dolus".389. Dans ce cas, il faut ponctuer ainsi : "laetus est ; de amica ?" (il est tout content ; au sujet de son amie ?), avec une interrogation elliptique.390. Donat fait ici une remarque de grammaire de type analogique sur la question de la double déclinaison possible du pronom "qui(s)". On sait que, hérités de deux séries différentes de pronoms en indo-européen, l'une thème en i, l'autre thématique, les relatifs et les interrogatifs-indéfinis sont devenus indistincts en latin. Mais ils gardent chacun des traces de leur dualité d'antan. La forme d'ablatif "qui" (ici cachée dans le pronom indéfini "quiuis") est régulière au regard de la forme de pluriel "quibus". Inversement, la forme d'ablatif "quo" laisse attendre analogiquement un ablatif pluriel "quis" lui-même attesté. Néanmoins la norme standard, qui relève de l'usage, est d'utiliser un couple hétérogène "quo" vs "quibus".391. Question de ponctuation, très fréquente chez Donat, et qui, ici, tourne autour de la construction de "opus est". Il voit deux manières de segmenter le continuum "abs quiuis homine cum est opus beneficium accipere gaudeas". Première solution : "abs quiuis homine cum est opus beneficium accipere, gaudeas". Dans ce cas, la proposition en "cum" va jusqu'à "accipere" et "beneficium" est un accusatif objet de ce verbe ; l'ensemble se comprend : "quand il est besoin de recevoir un bienfait", et on a la construction, dite ici commune ("communiter"), "opus est" + infinitif. Deuxième solution : "abs quiuis homine cum est opus beneficium, accipere gaudeas". Dans ce cas, on a "opus est" avec "beneficium" comme sujet au nominatif, "quand un bienfait est besoin", et on a la construction dite ici archaïsante. Il y a une troisième solution, que Donat n'évoque pas, avec "opus est" absolu : "abs quiuis homine, cum est opus, beneficium accipere gaudeas". Dans ce cas, "cum opus est" veut dire "si nécessaire" et "beneficium accipere" est le complément de "gaudeas". C'est la solution de ponctuation que nous avons retenue pour notre version électronique des Adelphes.392. C'est-à-dire dans la proposition "quem aequum est facere <bene>". La formulation "bis numero subaudiendum", qui semble se comprendre "il faut sous-entendre deux fois" mais qu'il faut en réalité interpréter "il faut sous-entendre une deuxième fois", est répétée à l'identique au commentaire de And. 633, 1.393. Une différence de taille entre le texte commenté et l'illustration virgilienne : chez Virgile, le double emploi de "frater" renvoie à deux personnes différentes, alors que chez Térence les deux occurrences, même si elles ont une valeur légèrement différente (dans le ton), renvoient au seul Eschine.394. Donat semble considérer "nunc" comme une cheville inutile au sens. Ce n'est pas le cas dans le texte de Térence, car l'adverbe y a une réelle valeur chronologique : "et maintenant (=après ce que tu viens de faire)" etc. A moins qu'il ne faille voir dans cet emploi d'un adverbe de l'instant présent un particularisme de la parlure des jeunes amoureux, toujours autocentrés dans le "ici et maintenant" ?395. On ne sait trop bien ce que veut dire Donat. Peut-être selon lui faut-il ponctuer "quid ego nunc ? te laudem ?" ("que faire maintenant, pour moi ? Te louer ?"), auquel cas on ne voit pas pourquoi "quid" signifierait "propter quid". Ou bien simplement "quid, nunc, te laudem ?" ("pourquoi, maintenant, devrais-je te louer ?"), ce qui paraît postulable d'après la scholie précédente qui insiste sur la valeur particularisante de "nunc".396. Difficile de construire la proposition de Térence en ajoutant ce "quod" prétendument manquant, sauf à considérer qu'il s'agit d'une conjonction complétive induite par "scio" : "satis certe scio quod numquam etc.", "je sais bien que jamais...". Cette construction, banale à l'époque de Donat, est assez improbable sous la plume de Térence.397. Donat distingue l'emploi de la conjonction "itaque" (donc), qui s'antépose au début du segment, d"'itaque" valant "ita" plus "-que" (et ainsi), qui se trouve plutôt hors de la tête de phrase. Pour ce qu'il dit de la différence quantitative, cf. Servius GL IV, 427, 13 : "itaque pars orationis quaeritur utrum correpta media an producta dici debeat. scire debemus quoniam tunc corripitur media cum una pars fuerit orationis ; tunc uero producitur, cum duae" (la question est de savoir si le mot "itaque" doit se prononcer avec une syllabe centrale brève ou longue. Il faut savoir que la centrale est brève quand c'est un mot unique ; elle est longue en revanche, quand il s'agit de deux mots). On a le sentiment que les deux grammairiens se contredisent. Pour Donat, c'est la particule antéposée (donc la conjonction qui signifie "c'est pourquoi") qui a une syllabe longue, pour Servius c'est celle qui est le groupement de deux mots (donc le groupe qui signifie "et ainsi"). Mais peut-être faut-il comprendre qu'il ne s'agit pas d'une différence de quantité, mais d'une différence d'accent : la conjonction, vraiment considérée comme univerbée, aurait son accent standard sur l'antépénultième ("ítaque"), alors qu'au sens de "et ainsi" le groupe aurait l'accent d'enclise qu'on attend d'un groupe en "-que" (itáque). Sur le déplacement de l'accent induit par la présence d'un enclitique, cf. Servius GL IV, 427, 6. Donat (puis Servius, en sens contraire) aurait alors par erreur interprété la différence de ton comme une différence de quantité. Priscien (GL III, 100, 15) évoque la conjonction conclusive "itáque" avec un accent aigu sur la pénultième, sans dire qu'il s'agit d'une longue ; il parle bien d'allongement en revanche en GL III, 521, 2 ; au demeurant, il donne raison à Servius et tort à Donat pour l'interprétation des valeurs différentielles de "itáque" vs "ítaque". Dans le match des grammairiens, donnons donc raison à Servius et Priscien, qui attribuent à "ítaque" la valeur de "c'est pourquoi" et à "itáque" celle de "et ainsi", alors que Donat dit le contraire.398. Le mot "rem" (chose) est ici développé en apposition par le mot "fratrem" (frère), ce qui paraît étrange à Donat. La seconde main interprète autrement (cf. scholie suivante) la construction d'un texte que les éditeurs de Térence ne retiennent en général pas (on lit ordinairement "fratrem nemini homini" et non "fratrem neminem hominem").399. On a ici, dans une scholie de commentaire inhabituellement longue, une prise de position presque auctoriale de la deuxième main. C'est assez rare pour être souligné.400. Le commentateur principal semble segmenter "...unam rem me habere arbitror fratrem ; hominem neminem esse etc." puisqu'il voit une apposition de "fratrem" à "rem" (cf. le commentaire au lemme 1). La seconde main n'est pas d'accord, car il faut alors rattacher à nouveau à "arbitror" l'infinitive qui suit. Pour lui, mieux vaut lier "fratrem" à toute la fin de phrase et comprendre "je pense que j'ai un seul avantage sur les autres <à savoir> que mon frère etc.". Il n'y a plus d'apposition "rem" / "fratrem". On peut supposer en outre que la seconde main lit "fratrem nemini homini", car ce ne peut être que sur ce datif (qu'on lit de fait dans les manuscrits de Térence) que s'accroche le complément "quam mihi" qu'il sous-entend ("que pour personne il n'existe de frère plus remarquable <que pour moi>"). Le lemme de la première main est au contraire "neminem hominem". Cf. note suivante.401. La première main commente un accusatif "neminem hominem", au contraire de la seconde qui lit un datif (cf. note précédente). Faut-il y voir un effet de syntaxe ? En effet, Donat pourrait accorder secondairement la citation au datif pour en faire un complément de "locutus est" qui passerait donc à l'accusatif, selon la syntaxe intégrationnniste habituelle chez les Latins à l'égard du métalangage. Mais c'est peu probable : d'abord Donat ne modifie quasiment jamais la forme des lemmes térentiens ; ensuite, avec la ponctuation qu'il semble adopter, et qui est critiquée par la seconde main au lemme précédent, on se tirera mieux d'affaire avec un accusatif qui prendra la place du sujet de l'infinitive ; enfin, dans la phrase suivante, il garde lemmatisée une forme à l'accusatif qui n'a pas de justification syntaxique à ce cas, alors qu'il pourrait plutôt écrire "cum nemo ne hominem significet" (en rétablissant "nemo" pour la syntaxe) ou "cum nemini ne hominem significet" en conservant le lemme térentien en l'état. Donc le Donat "première main" lit bien "fratrem neminem hominem" et la seconde main lit "fratrem nemini homini". Les deux commentateurs ne travaillent pas sur le même texte.402. L'étymologie de "nemo" par "ne homo" ("pas un homme ne..."), correcte, est restée perceptible aux locuteurs pendant toute la latinité. Donat reproche donc ici implicitement au poète un pléonasme.403. Pour le débat sur la nature de "ellum", cf. le commentaire à And. 580, 1-4.404. Le débat est donc sur le sens de "caput". Faut-il comprendre "charmante tête !", c'est-à-dire "charmante personne !" par synecdoque ? Ou faut-il voir le sens métalinguistique de "tête de chapitre", "début d'énoncé" ? Dans ce cas, comme Parménon, le personnage de L'Eunuque cité en appui, le fait à l'égard du discours de Thaïs qu'il est en train d'écouter, Ctésiphon serait en train de faire l'éloge de son propre discours en train de se faire, comme s'il répétait l'éloge qu'il va prononcer devant son frère : "c'est grâce à lui que je vis... Charmant début ! etc.". Dans cette hypothèse, la formule "nihil pote(st) supra" signifie "on ne peut rien concevoir de plus élogieux que mon discours".405. C'est donc une partie saillante ("eminens") et prototypique ("maioris pretii") qui, dans le procédé de synecdoque, doit désigner le tout.406. Avec méthode, Donat illustre au moyen de deux citations le sens physique et le sens moral du mot "opera". Mais on peut remarquer que la seconde citation ne cite pas "opera" mais le verbe "operari", selon un glissement assez habituel dans la lexicographie antique. C'est le sémème commun à toute une famille de lexèmes apparentés qui est en fait traité d'un bloc.407. On ne voit pas bien ce qu'ici Donat appelle adverbe. Sans doute le seul "quid", qu'il interprète souvent comme équivalent de "propter quid", dans un sens effectivement adverbial. Mais ici, c'est vraiment un pronom. Et c'est l'intonation globale de la réplique ("ce que c'est !") qui est à tirer du côté de l'exclamation d'étonnement. "Aduerbium" a ici, apparemment, un sens décalé.408. Est donc commenté ici un sens de "prae" valant "comparativement à".409. L'exemple de développement de "tout" par seulement deux éléments est assez mal venu en l'espèce, puisqu'au vers suivant Virgile ajoute "et crinis flauos et membra decora iuuentae" (et par ses cheveux blonds et par ses membres pleins d'une gracieuse jeunesse) ! Ce n'est d'ailleurs pas fatalement vrai pour le texte térentien. Donat semble le comprendre comme nous le ponctuons, mais on peut tout aussi bien (c'est en général l'option des modernes) interpréter "maledicata, famam, meum laborem et peccatum in se transtulit" (il a pris sur lui les injures, le scandale, ma peine, ma faute), avec quatre développements distincts de "omnia".410. Festus donne une autre étymologie de "decrepitus" : "decrepitus est desperatus crepera iam uita, ut crepusculum extremum diei tempus. siue decrepitus dictus quia propter senectutem nec mouere se nec ullum facere potest crepitum" (Un "decrepitus" est un désespéré, du fait que sa vie est désormais critique ("crepera"), de même que le "crépuscule" est la toute fin du jour. Ou alors "decrepitus" vient de ce que, du fait de sa vieillesse, on ne peut plus ni bouger ni faire le moindre "crepitus" (craquement)).411. Donat se trompe et dans son analyse morphologique de "fores" et dans son analyse sémantique de "crepuit". En réalité, il ne faut pas comprendre "pourquoi la porte a-t-elle craqué", car "fores", mot habituellement au pluriel, a pour nominatif singulier "foris" : cela se dirait donc "quidnam foris crepuit ?". Il faut comprendre "qu'est-ce qui a fait craquer la porte ?", avec sens transitif de "crepo" et "fores" à l'accusatif pluriel. La bévue tient peut-être à la tendance qu'a Donat à interpréter systématiquement "quid" comme un adverbe interrogatif plutôt que comme un pronom. Quant à l'étymologie de "decrepitus" par "crepare", qui est admise comme authentique, elle s'explique sans doute par le sens de "radoter" que prend occasionnellement le verbe.412. C'est en permanence ce que Donat fait, en se faisant une mise en scène mentale de la pièce à partir des répliques.413. L'asyndète est sans doute à supposer entre "opportune" et "te ipsum quaerito", entre lesquels on pourrait attendre un lien causal. Quant à l'intervention intempestive de la seconde main, elle est hors de propos. On se sait pas à quoi il faut rattacher ce "uenisse" prétendument sous-entendu : à "nihil uideo" (je vois que rien n'est venu) ? à "opportune te ipsum" (tu es venu bien à propos) ? Dans ce deuxième cas, la construction sur "quaerito" est problématique. Et en tout état de cause, on ne voit pas le rapport qu'il y aurait avec l'asyndète, objet du commentaire de la main principale.414. Remarque de syntaxe : le génitif du gérondif est-il posé sur un "causa" sous-entendu ("en vue de flatter") ? Ou est-ce une construction sans ellipse, détachée du reste ?415. Remarque de caractérologie. A plusieurs reprises, Donat fait remarquer des différences caractéristiques entre des frères que tout oppose (Déméa le paysan et Micion le citadin) ou que l'histoire familiale a séparés (Eschine et Ctésiphon). Pour ce qui est des deux jeunes gens, Eschine est maintes fois représenté comme un jeune homme riche, arrogant avec les petites gens, alors que son puîné Ctésiphon garde une réserve propre à sa jeunesse, à son dénuement, à sa crainte d'affronter son père et à sa rusticité.416. Donat, d'un lemme à l'autre, cite le texte de Térence avec "quod" ou avec "quo".417. L'expression n'a rien de particulièrement attique. Elle est commune en latin, et notamment dans la langue comique. Peut-être, comme on l'a déjà vu ailleurs, Donat parle-t-il d'atticisme dès qu'il sent un emploi qui s'apparente un peu au datif éthique. Cf. le commentaire qu'il donne à Ad. 476, 5-6.418. On a déjà constaté que Donat utilise volontiers "bis" (deux fois) pour "iterum" (une deuxième fois). Par ailleurs, on ne voit pas trop pourquoi il faut sous-entendre "dolet", si ce n'est parce qu'il y a deux infinitives coordonnées dépendant toutes deux de ce verbe. La notion de sous-entendu (il s'agit en fait de facteur commun) est ici assez large.419. Ce que relève Donat c'est l'emploi de "tam" marquant l'intensité devant un diminutif en "–ulum". Cela peut paraitre contradictoire.420. L'idiotisme, ici, comme en Ad. 476, 6, est dans l'emploi d'un datif éthique.421. C'est depuis la guerre samnite, selon Tite-Live (9, 40), que les banquiers menaient leur activité sur le forum. Voir Pl. Asin. 117, Pers. 442, Liv. 26, 11, 7... Sur le mot "forum", ses développements financiers et les métiers de la banque dans la Rome de Térence, voir Nadjo (1989 : 233 sq.).422. Autrement dit, soit "absoluam" est pris dans son sens financier, avec la métaphore du lien entre le créditeur et le débiteur, soit dans son sens judiciaire ("absoudre, innocenter"), car le leno a un air contrit comme un accusé. On a en outre une indication d'accessoire de costume pour le personnage du leno, qui portait une barbe caractéristique ; la physionomie triste, quant à elle, plaide plutôt pour une absence de port de masque ; de même plus haut, quand est indiqué un changement de physionomie : cf. le commentaire à Ad. 265, 5. Et ci-dessous, Ad. 280, 1.423. Au sens de "allons !" ou de "oui".424. La citation de Lucilius, fréquemment utilisée chez les grammairiens pour illustrer la prononciation du R roulé (la "lettre canine"), est également exploitée ailleurs par Donat, implictement. Cf. le commentaire à And. 597, 4. Le texte de Lucilius est par ailleurs cité diversement : "canes" au lieu de "canis" (Charisius fait remarquer à cette occasion que "canes" est un singulier), "dicit" au lieu de "dictat".425. Les exemples cités sont respectivement dans la bouche de l'esclave Géta pour le second et du jeune homme Charinus pour le premier. Il ne peut donc s'agir d'illustrer un trait commun de caractère. En fait, Donat veut dire que les personnages, quels qu'ils soient, quand ils parlent d'une courtisane, ont tendance à utiliser des pronoms plutôt que le terme approprié, qui s'apparente à une insulte. Du coup, si "illa" est conforme au caractère d'un personnage, c'est à celui de la courtisane plutôt qu'à celui du locuteur.426. C'est donc le procédé de l'euphémisme, implicitement.427. Cette réflexion de Donat sur le rapprochement entre comédie et tragédie est très intéressant, puisqu'il s'agit de caractériser un genre de comédie très particulier (ancêtre de la "comédie larmoyante"). D'un autre côté, le commentateur s'acharne à bien montrer que Térence ne franchit jamais la frontière générique.428. Donat veut dire que, pour introduire un personnage de théâtre, on peut soit le faire parler lui-même en le faisant entrer en scène, soit parler de lui avant qu'il entre en scène.429. Canthara, en tant qu'elle est la nourrice de Pamphila, a peu de chances d'avoir aussi été la nourrice de Sostrata, elle-même mère de Pamphila et sans doute son égale d'âge ("illius" désigne donc implicitement Pamphila et non Sostrata). Donc quand Sostrata dit "mea nutrix", elle utilise une expression flatteuse pour la vieille femme. D'où la remarque sur les noms relatifs : "nutrix" est, dans son rapport à "alumnus" (nourrisson), un nom relatif, l'un de ces termes qui intéressent les grammairiens par leur valeur sémantique relationnelle : si l'on est nourrice, on est toujours la nourrice d'un nourrisson et le couple "nutrix"/"alumnus", sur son critère propre, est dans le même genre de relation que "pater"/"filius" par exemple. Mais ici, le terme est utilisé de façon honorifique, puisque Sostrata n'a pas effectivement eu Canthara pour nourrice. Et pour la fin de la scholie, il faut comprendre que certains noms relatifs s'apparentent à des noms de métiers honorables ou à des titres (en français "Maître", "Docteur", "Professeur" par exemple). Mais parmi les noms de métier proposés par Donat, seul "magister" (dans son rapport à "discipulus") peut être considéré comme un nom relatif. Les deux autres exemples sont cités pour leur seule valeur laudative et cela renvoie à ce que Donat dit des apostrophes plus ou moins laudatives qui sont faites avec les noms de métier : "miles" ou "leno" sont des apostrophes déshonorantes, "orator" est une apostrophe valorisante (cf. Ad. 210, 3). "Nutrix" est donc à la fois un nom relatif et un nom de métier valorisé et c'est ce qui fait de lui l'objet d'une scholie hétérogène dans son propos.430. Donat indique ici ce qui selon lui motive la peur du personnage ("times" dans le début du vers, cité à la scholie suivante).431. On comprend la remarque : le sémantisme de l'adjectif devrait lui interdire le pluriel. Mais au sens d'"isolé" il est compatible avec le pluriel.432. Ce vers vient d'être cité au commentaire de 288. Donat a encore son volume de Virgile sous le coude.433. Il se peut que Donat souligne ici le désespoir du personnage qui réclame soit des choses dont elle n'a pas besoin, soit la présence d'Eschine, qui de toute manière va finir par arriver, comme l'a dit Canthara.434. La scholie paraît contredire la scholie 1 ; en fait, elle complète le "mire" de la scholie 1 : cet emploi pluriel exceptionnel est paradoxal ("mire"), car jamais on n'utilise "solus" au pluriel.435. Cette remarque sur l'emploi d'une négation composée en lieu et place de la simple est récurrente dans le commentaire : voir And. 202, 2 ("nihil") ; 370 ("nullus") ; 784 ("nec") ; Eun. 216, 2 ("nullus") ; 273, 3 ("nihil") ; 390, 1 ("numquam") ; 735, 1 ("nihil") ; 884, 1 ("nihil") ; 1092, 2 ("numquam") ; Ph. 121, 3 ("numquam") ; 142, 5 ("nihil") ; 202, 1 ("nulla")...436. Ce qui séduit Donat est sans doute l'opposition entre le singulier et le pluriel qui traduit la position héroïque d'Eschine, seul sauveur face à une multitude de maux.437. Traduction Charpin adaptée.438. Autrement dit, comme va le dire Canthara, Eschine a tiré avantage de son viol.439. "Familia", dans ce sens, signifie "maisonnée" et englobe tous les gens, esclaves compris, qui vivent sous un même toit et sous l'autorité d'un même maître.440. Il s'agit ici de l'entrée en scène d'un type de personnage bien connu, à savoir le "seruus currens" hurlant de mauvaises nouvelles et qui permet sur le plan dramatique de lancer la dynamique de l'intrigue comique, jouant ainsi l'élément perturbateur. On rencontre ce type dans d'autres comédies de Térence mais aussi chez Plaute, par exemple Curc. 284-287, entrée fracassante de l'esclave. Ce type de personnage répond au type de "senex currens" mis en scène à l'acte V, à travers le personnage de Micion.441. L'emploi pronominal absolu d'"illud" (au sens de "cela", en référence à la situation et non à un mot du texte) paraît gêner Donat qui suppose donc l'ellipse d'un mot neutre, comme "periculum" ou "tempus" : "nous voici maintenant à ce péril où..., à ce moment où...". C'est évidemment inutile.442. Plutôt qu'à une paronomase, qui concerne habituellement le rapprochement de termes différents qui se ressemblent par hasard, on a affaire ici à un polyptote, variation morphologique sur le même mot. Donat n'ignore pourtant pas le terme (qu'il utilise sous sa forme grecque πολύπτωτον, Ph. 188, 2).443. Remarque de construction : l'innovation remarquée consiste à construire "salus" avec le datif de destination, "salus malo" (un traitement salutaire destiné au mal) plutôt qu'avec le tour prépositionnel attendu "salus contra malum" ("un traitement salutaire contre le mal").444. Pour le couple "conferant"/"afferant", la notion de paronomase (qu'il appelle cette fois παρόμοιον) est plus justifié que pour "omnes/omnia". On voit en tout cas que le grammairien considère ces sortes de redite comme une marque de relâchement de l'expression sous l'empire d'une passion.445. Curieusement, les mss. de Donat tronquaient la citation de Virgile (G. III, 343 sq.) avant le passage qui illustre le mécanisme de polysyndète (ou coordination multiple). Sans doute est-ce parce que ce vers est l'emblème de la figure qu'il illustre et que le début de la phrase est suffisamment évident pour appeler le reste, comme si pour illustrer l'allitération on disait "comme dans Racine 'pour qui sont etc.'". En tout cas, chez Quint. IX, 3, 51, c'est cette même expression virgilienne (à partir de "tectumque") qui est citée pour illustrer le polysyndeton. On la retrouve encore chez Diomède (GL I, 448, 3). Cela dit, les grammairiens citent plutôt de façon réflexe Virg. Aen. II, 262 "Acamasque (ou Athamasque) Thoasque / Pelidesque" etc. qu'on retrouve chez Charisius (GL I, 283, 2), Pompée (GL IV, 304, 25), Sacerdos (GL VI, 455, 31) et chez Donat lui-même dans son Ars maior (GL IV, 399, 4). Julien de Tolède, quant à lui, cite consensuellement les deux exemples virgiliens (Maestre Yenes ed., p. 201). La raison de cette interruption de la citation avant même qu'elle illustre ce qu'elle est censée illustrer est peut-être due aussi à un problème de transmission du texte. Voir la note apposée au texte latin.446. La scholie, comme cela arrive occasionnellement, est entièrement en grec. Par variation, Donat, en lieu et place du terme technique σχετλιασμός (lamentation), utilise le verbe σχετλιάζει ("il fait un σχετλιασμός"), ce qui entraîne l'hellénisation de l'adverbe. Même effet par exemple en Ad. 72, 1 (καλῶς ἀντέθηκεν "il fait une belle antithèse).447. Le verbe "circumuallo" ("entourer") est transitif, mais son objet est habituellement la personne assiégée et non celle qui assiège. Avec un réfléchi, l'expression devrait signifier "s'assiéger soi-même" et non pas, comme il semble ici, "se dresser <contre quelqu'un>". C'est en cela qu'elle est réputée rare. Mais peut-être y a-t-il un texte mal assuré : les meilleurs mss. de Térence donnent "circumuallant" et non "circumuallant se". Il en résulte une difficulté de traduction du commentaire. Nous proposons, pour le début de la traduction du lemme 1, "ils se pressent contre nous", pour préparer la traduction du lemme 2 : "emergere", comme le montre l'exemple de Cicéron qui suit, est le complémentaire de "imprimere" (presser) dans le vocabulaire guerrier: un ennemi presse (famille de "imprimit" ou "impressio"), l'autre essaie de s'en sortir ("emergere"). Chez Térence, "circumuallare", qui fait couple avec "emergi", remplace ce qui, dans cette métaphore militaire signalée au lemme 2, relève de la série "imprimere". On pourrait donc mieux comprendre et traduire la fin du lemme 1 avec le verbe "presser" plutôt qu'avec le verbe "entourer" ; il s'agit d'une remarque de construction du verbe : "nous nous pressons ou nous pressons autrui", c'est-à-dire "on peut dire 'se presser' ou 'presser autrui'".448. En admettant que le segment qui commence à "nam impressio dicitur" et la citation de Salluste n'aient pas été déplacés, il faut comprendre que Donat anticipe sur le commentaire de la citation cicéronienne, qui comprend "premere" et entraîne, avec anticipation, la définition de "impressio".449. Il n'y a rien chez les grammairiens sur l'emploi du passif ou du déponent du verbe "emergo". Mais sans doute n'y a-t-il rien de spécial à en dire ! Ici, de fait, l'emploi de la forme "emergi" est sans surprise, dans une structure de passif impersonnel. Qu'on puisse écrire l'infinitif "emergi" ne prouve pas qu'on puisse écrire "emergor" : seule la forme "emergitur" est postulable.450. Voir Bureau 2011.451. Les deux exemples virgiliens censés illustrer l'accumulation de griefs ne sont pas très probants, puisqu'il n'y a que deux catgories incriminées à chaque fois, l'une d'elles particulièrement bipolaire et topique (les hommes et les dieux). En revanche, il est remarquable que, dans ces deux citations, il y ait polysyndète ("atque deos atque astra", "hominumque deorumque"), c'est-à-dire justement le procédé stylistique dont Donat vient de parler à propos du vers 301. A-t-il sous la main un catalogue exemplifié des figures ? Dans ce cas, l'idée d'utiliser ces deux citations (un peu à contre-emploi) au commentaire du vers 304 lui est-elle venue de ce qu'il vient de les relire dans la fiche "polysyndeton" pour le vers 301 ? Peut-être avons-nous là un indice de la manière de travailler du commentateur et des outils qu'il a à sa disposition.452. Le pléonasme remarqué n'est pas de même type dans les deux cas, même s'il concerne à chaque fois le démonstratif "ille". Chez Virgile, il n'y a pas d'incorrection ; chez Térence, au contraire, "illum" duplique fonctionnellement à l'intérieur de la relative le pronom relatif, comme si en français nous écrivions: "lui qu'aucun sentiment de pitié ne l'a empêché de mal agir".453. Les lemmes 306, 6 et 307, 1 ressortissent à la syntaxe. Donat, en complétant la pensée du personnage, dit quelque chose de la syntaxe des verbes d'empêchement, ici représentés par "repressit" et "reflexit". On attendrait plutôt, d'ailleurs, qu'il complète avec une proposition en "quin" plutôt qu'en "ne". Mais l'exemplification virgilienne est, quant à elle, clairement sémantique. Le lien avec le lemme térentien est dans l'usage que fait le poète du verbe "flexit", ici dans son sens premier de "détourner (les yeux)". Les imprécations de Didon ne servent pas spécialement le propos syntaxique du moment.454. Donat proposait deux solutions pour interpréter le verbe "reflexit" dans la scholie 1 : soit c'est un verbe d'empêchement, soit c'est un verbe qui, comme chez Virgile, signifie "détourner". Et il conseille de se rallier à la première solution, celle du verbe d'empêchement.455. C'est comme antécédent au datif que ce pronom est réputé manquant. Mais l'usage latin, dans un tour "ei cui" où antécédent et pronom relatif sont au même cas, est de supprimer l'antécédent. Donat le restitue pour la forme, pour la complétude de la proposition rectrice.456. L'adverbe "uix" a soit une valeur pragmatique au sens de "avec peine, mais tout de même on y arrive", soit une valeur restrictive proche de "ne quidem", type "je peux à peine me retenir de", donc une portée presque négative, qui semble plutôt être celle du texte commenté. La citation de Lucilius, récurrente chez Donat pour illustrer le sens de "carcer" comme mot d'injure, est ici utilisée à cause de son emploi de "uix". La place de la citation semble signaler que Donat y voit plutôt le sens restrictif-négatif.457. Les vieilles expressions "impos" et "compos (animi)" sont à mettre en relation avec la famille de "potis" et "possum" et avec le sème de 'capacité'. Mais ici, dans l'explication étymologique, s'immiscent des paronomases avec "competo" (composé de "peto") ou "compono" qui gauchissent un peu le sens. La citation de Salluste ne comporte pas du tout le mot expliqué, mais le verbe "competere", dans un contexte de folie ou d'absence de maîtrise de soi qui paraît pouvoir entériner le faux lien étymologique avec "compos".458. Donat signale des emplois du démonstratif "hic" qui, pour certains, sont proches de "talis", d'où leur valeur qualitative, ou de "tantus", d'où leur valeur quantitative. Il serait tentant de supposer que Donat donne à sa première illustration la valeur qualitative, à la seconde la valeur quantitative et à celle de Salluste les deux. Mais pour Virgile, Servius, commentant le vers "hunc ego te Euryale...", signale explicitement le rapport à "talis", mais c'est aussi vers la qualité que s'oriente son commentaire sur la première illustration virgilienne de Donat avec "animam hanc".459. Pour illustrer le principe des adverbes chronologiques, Donat choisit un exemple exprimant la vengeance et la torture, préfigurant peut-etre ce qu'il imagine en guise de punition pour celui qui a commis le viol.460. Le commentaire porte sur la variation de sens du verbe "dispergo" (et du verbe simple "spargo") selon le type de complément d'objet : l'accusatif objet du verbe peut représenter aussi bien la chose que l'on répand ("spargere latices" dans un des exemples virgiliens), auquel cas le verbe signifie "éparpiller, disperser", que l'endroit où on répand quelque chose ("spargere humum foliis" chez Virgile), auquel cas le verbe signifie "arroser, recouvrir". Le verbe "joncher" a pu offrir le même genre de construction : "joncher le sol de roses" vs "joncher des roses sur le sol" (désuet).461. Donat reste encore une fois dans le commentaire ironique envers le personnage. On peut relever l'exemple qu'il donne à propos des cochons. Il ironise en creux sur le personnage par ce rapprochement animalier. Le rapprochementà venir avec Virgile appuie le sentiment burlesque en quelque sorte par le mélange des genres et des tons.462. Les exemples cités, s'ils illustrent bien la diathèse active ("actiuam uim"), n'illustrent pas la transitivité qu'on trouve dans le vers de Térence. Mais la définition lexicographique que Donat propose du verbe "ruere" permet de comprendre (notamment via le sème impliqué par "impellendum" dans la définition de Donat) comment le verbe peut occasionnellement devenir transitif. De même en français avec le verbe "charger", qui peut, dans le vocabulaire militaire ou animalier, s'employer dans l'absolu ("Chargez !", "le sanglier charge") ou avec un objet ("charger l'armée ennemie"). Ces deux mêmes illustrations de Virgile et d'Horace sont reprises au commentaire au vers 550, 3 pour évoquer le tour "irruat se".463. La question de ponctuation (à quel mot faut-il accrocher tel autre mot) est ici remarquablement réglée au moyen d'une differentia qui permet (par une comparaison avec "sperare") de mettre en valeur le sens en soi déjà superlatif du verbe "exspectare" : du coup, il est meilleur de faire porter l'amplificateur "oppido" sur l'adverbe "opportune" plutôt que sur le verbe "exspectare". Il faut donc segmenter "te expecto ; oppido opportune te obtulisti mihi obuiam".464. Et non un adverbe ou une interjection, comme jusqu'ici. C'est donc le premier énoncé complet de Géta.465. Comprendre que, puisqu'il commence à être amoureux, il est très amoureux, comme il est d'usage dans une passion naissante. L'énoncé de Géta est donc amplifié par rapport à un simple "amat".466. Le commentaire de la tirade de Géta prend la forme d'un syllogisme : 1. qui manque à l'honneur est amoureux ; or ("autem") 2. Eschine manque à l'honneur ; donc ("ergo") 3... Là on attendrait un retour à la proposition 1 ("donc il est amoureux"). Mais la fausse conclusion abonde en réalité la proposition 2 en donnant force exemples de manquement à l'honneur dans l'attitude d'Eschine. On classerait donc plutôt cet ensemble argumentatif dans la catégorie des enthymèmes. Et la conclusion "donc il est amoureux" reste à la charge de l'interlocutrice.467. Le lemme 328, 4 est l'exacte répétition de 328, 1. Il se trouvait légèrement décalé au milieu du commentaire de 329. Cette duplication inutile est certainement le résultat d'une note marginale, d'un oubli, etc. dans un ms. et qui a fini par prendre place dans le corps du texte.468. Pour l'appréciation des témoignages, entrent en ligne de compte à la fois la qualité du témoin et l'importance du fait lui-même. On retrouve dans cette typologie l'enseignement traditionnel des rhéteurs. Voir par exemple Quint. 2, 4, 27. Si le témoin est une personnalité moralement irréprochable, son témoignage est valorisé ; de même si le témoin, quel qu'il soit, a vu quelque chose de primordial et non un simple détail.469. C'est un problème exégétique qui se pose là : Eschine avait autrefois promis qu'il présenterait l'enfant ("puerum") à son père, dès sa naissance. Or "puer" est un mot masculin. Comment pouvait-il donc savoir, avant la naissance du bébé, que ce serait un garçon ? Réponse de Donat : parce qu'il souhaitait que c'en fût un, et qu'il le désignait donc selon ses souhaits. En réalité, le terme est générique et n'a rien pour surprendre. Cela étant, la réponse peut se faire sur un autre registre : dans la comédie (Néa ou palliata), tous les enfants qui naissent sont des garçons, selon les relevés de N. Boulic dans sa thèse (Grenoble 3, 2008). On aurait donc là, quoi qu'en dise Donat sur la nécessité du sexe de l'enfant à venir, un élément de code, un stéréotype. Il n'est pas prévu que ce puisse être une fille. On est dans du méta-théâtre : c'est un enfant de comédie, donc un garçon.470. Il y a un débat implicite chez les grammairiens latins pour déterminer la nature exacte de certains mots de liaison : sont-il des conjonctions (puisqu'ils lient) ou des adverbes ? "Porro" est de ceux-là, qu'on trouve classé comme adverbe ou comme préposition. Pour Donat, c'est donc un adverbe, avec deux sens : adverbe "d'ordre" et adverbe "de temps". Signalons d'ailleurs que, paradoxalement, dans ses deux traités de grammaire, "porro" est traité comme conjonction explétive : cf. Ars maior (Holtz, p. 647, 3) : "potestas coniunctionum in quinque species diuiditur. sunt enim copulatiuae, disiunctiuae, expletiuae, causales, rationales. (...) expletiuae, quidem, equidem, saltim, uidelicet, quamquam, quamuis, quoque, autem, porro, porro autem, tamen" (la valeur des conjonctions se répartit en cinq espèces. De fait, il y en a des copulatives, des disjonctives, des explétives, des causales, des rationnelles. Les explétives sont "quidem" etc). Ici, en revanche, le même "porro" est classé adverbe. Par adverbe d'ordre, il faut comprendre adverbe qui entre dans une série chronologique argumentative : il a alors son sens de "par ailleurs", "d'autre part" ou "en outre". Comme adverbe de temps, il prend le sens de "plus tard", "à la suite".471. Donat précise souvent que "mi" est une forme de "meus", à qui il sert de vocatif. Mais la chose ne doit pas aller de soi et les élèves (et peut-être Donat aussi) devaient sans doute voir dans cette forme surtout sa valeur ancienne de datif du pronom personnel ("à moi"), d'où elle procède avant de se voir employée comme vocatif du déterminant possessif, dépourvu de vocatif à l'origine comme parfois les mots en "-eus". On est en droit de supposer que la scholie s'interprète ainsi: "<le datif> 'mi' est utilisé à la place du <vocatif> 'meus'".472. Lemme "vide" dans les mss. Comme les deux vers suivants ne sont l'objet d'aucun commentaire, on peut peut-être supposer que l'archétype avait été déchiré ou très abîmé sur une portion de bas de page ou de haut de page qui contenait les commentaires aux vers 337-339. On peut en effet s'étonner que Donat n'ait pas pris la peine, par exemple, de noter le changement de ton de Géta, qui se remet à raisonner après une période d'affolement, alors qu'il est si sensible à la psychologie des personnages et à l'économie du récit ; qu'il n'ait pas explicité ce que recouvre "res" au vers 338 ; qu'il ne dise rien du tour "infitias ibit" (339), de nature à intéresser le lexicologue qu'il est si souvent (et sur la reprise duquel il dit tout de même quelque chose au vers 346). Bref, il y a peut-être une lacune ici dans l'ancêtre commun de tous les manuscrits.473. Le terme δίπλευρος, que Wessner édite en caractères grecs et que les manuscrits ont donné en translitération latine, est très rare et paraît limité au vocabulaire stratégique (une "offensive sur deux fronts", une "phalange à deux flancs"). Il a peut-être existé en latin tardif juridique, comme d'ailleurs son complémentaire "monopleuros". Mais les rhéteurs grecs l'ignorent. Il y a là sans doute une erreur invétérée de transmission. Sans doute y avait-il une lexie grecque complète (avec comme correspondant de "complexio" l'attendu "συμπλοκή"). Nous n'avons pas de solution ecdotique satisafaisante. La définition de ce qui est nommé ici nous dit bien de quoi il s'agit : si l'on divulgue le scandale, il y a deux volets possibles à la défense d'Eschine : soit il nie avoir enlevé la musicienne ; soit il avoue. Mais quelque défense qu'il adopte, cela aboutit à lui refuser la main de la jeune fille. Donc mieux vaut, pour le clan de Sostrata, se taire.474. Donat se demande comment on peut reprendre par "facere", le verbe d'action par excellence, un verbe d'état comme "tacere", "se taire". Et il concède que l'usage l'autorise. De même le français peut dire "je n'en ferai rien" pour reprendre n'importe quel verbe, même d'état ("Sois indulgent. -Je n'en ferai rien !").475. Donat évoque ici, comme dans le passage cité du prologue de L'Hécyre, le stylème térentien qui consite à dire "pro + abl." là où on pourrait avoir simplement un attribut au nominatif.476. La scholie se comprend ainsi : quel est le sens de "pro" dans "pro uirgine" ? est-ce la même expression que dans le prologue de L'Hécyre (cité), ou "pro noua" équivaut strictement à "noua" ? si oui, le sens ici est "elle ne peut plus être donnée vierge en mariage". Ou bien "pro uirgine" a-t-il sons sens plein ? Dans ce cas, elle ne peut pas non plus "passer pour vierge", dès lors qu'on a ébruité le scandale.477. Donat s'interroge sur le sens de "mecum" (avec moi). "L'anneau est témoin avec moi", donc "en ma faveur" ? Ou bien "il est témoin avec moi", donc "nous sommes tous les deux témoins" ?478. Donat paraît trouver étrange qu'à un nom grec, attendu dans une comédie imitée du grec, on associe le diminutif latin "-(o)lus". Mais peut-être Donat se trompe-t-il. Il existe en effet un anthroponyme grec "Simylus", qui pourrait très bien avoir été transcrit "Simulus". Et il n'y a dans ce cas aucun hybride gréco-latin.479. Donat vise sans doute l'expression remarquée au vers 346 "pro uirgine", tour prépositionnel au lieu de "uirgo". Ici "in mora" tour prépositionnel remplace le datif "morae" d'un classique double datif.480. Donat fait preuve ici d'une très bonne méthode lexicologique. Trois dérivés de "rapere" sont différenciés selon leur complément du nom ("raptio" vs "rapina" // "personne" vs "chose") ou leur sens propre ("raptio", "rapina") ou figuré ("raptus").481. Deux leçons de lexicologie en un seul lemme. D'abord une differentia entre "uocare" et "(ad)ducere" qui permet d'illustrer la psychologie de Déméa, prêt à excuser Ctésiphon et à charger Eschine. Cette differentia prépare le lemme 359, 1 qui exploite un autre composé de "ducere". Puis vient une étymologie de "nequitia" par "nequeo", dont la formulation est embarrassée parce que le verbe "nequire" n'a pas de gérondif, ce qui interdit d'utiliser la méthode classique du type "lex a legendo dicta" ("'lex' vient de 'legere'"). A ces deux commentaires lexicologiques, la deuxième main ajoute son grain de sel dans une seconde étymologie qui, sans être un coq-à-l'âne, tient quand même un peu de l'esprit d'escalier. Le scholiaste entreprend d'expliquer "nugae", qui ne figure pas dans le texte de Térence, parce que c'est un mot qui appartient au même champ que "nequitia" d'une part et que (selon lui) il est lui également bâti sur une locution négative : il voit dans le mot un n- négatif et un avatar de "ago" : le mot veut donc dire "inaction". Le mot "in-ertia", qui sert dans la définition de "nequitia", a pu également concourir à l'idée de cet excursus.482. La main principale propose une étymologie du vieux mot "ganeum", qui désigne un sous-sol, un caveau, une arrière-salle où pouvaient être offerts des services sexuels ; il sert également de terme d'injure, comme on le voit au commentaire à 363, 2. L'étymon proposé est le nom grec de la terre. La formulation bilingue "ganeum ἀπὸ τῆς γαίας, τουτέστι γῆς", dans laquelle même la préposition qui introduit le mot grec est mise en grec (et, dans la foulée, la reformulation), s'explique par une difficulté syntaxique. On attendrait la préposition latine "ab", laquelle gouverne l'ablatif ; or il n'y a pas d'ablatif en grec. Le locuteur se sent donc obligé soit de traduire le mot grec en latin (ce qui donnerait par exemple "ganeum a terra"), opération qui fait perdre la connivence phonique entre le mot expliqué et son étymon (c'est une étymologie grecque sans grec), soit d'helléniser la préposition introductrice, ce qui permet de mettre l'étymon au génitif (c'est une étymologie grecque créolisée). Dans la foulée, le "id est" attendu entre les deux autonymes grecs est lui-même traduit en grec sous la forme "τουτέστι". Ces deux manières sont l'une et l'autre très fréquentes dans le cas d'étymologies bilingues. Quant au scholiaste de la seconde main, il propose en excursus une étymologie latino-latine du mot "taberna". Il s'agit cette fois d'une étymologie par à-peu-près phonique : on restitue un chaînon manquant "*trabena" pour faire le lien entre le mot expliqué et l'étymon postulé "trabes" : dans ce cas, l'usage est de signaler le "barbarisme" nécessaire au raisonnement au moyen d'un "quasi" prudent, qui correspond à notre usage de l'astérisque.483. La differentia entre "suadere" et "persuadere" se fait par un raisonnement analogique : "suadere" est à "facere" ce que "persuadere" est à "perficere" ; il y a donc dans le verbe composé un sème spécifique d'accomplissement. C'est ce qui explique le premier lemme : pour faire faire quelque chose de difficile, il faut donc "persuadere", avec ce que le verbe implique de superlatif par rapport au verbe simple.484. La citation de Virgile est erronée : chez Virgile on a "Alciden" (donc Hercule) et non "Aeacidem" (donc Ajax). La suite du texte virgilien, qui évoque l'enlèvement de Cerbère aux Enfers, ne peut concerner en effet que le descendant d'Alcée, non celui d'Eaque. Sans doute une lecture trop rapide et non contextualisée de la part de Donat. Ou une mélecture d'un copiste dès l'archétype.485. "Ganeum", qui a été l'objet d'une fiche lexicologique en 359, 2, est ici mis en équivalence avec "carnifex", "bourreau". Le seul contexte où ils sont susceptibles d'être considérés comme synonymes est celui de l'insulte : les deux mots constituent des apostrophes injurieuses.486. Donat, se fondant sans doute sur le fait que Syrus fait une concordance au passé, voit donc dans "enarramus" non un présent mais une forme syncopée du parfait "enarrauimus". De même pour la forme "fumat" dans le vers de L'Enéide cité en appui. Les formes syncopées en" -amus" et en "-at", sans être de simples fantômes, sont néanmoins vraiment rares, à cause de leur ambiguïté avec le présent. Et dans les deux cas proposés ici, assez improbables. Mieux vaut imaginer qu'"enarramus" est un présent de narration : dans ce cas, la concordance au passé est habituelle.487. Le pléonasme tient ici à la duplication de "nihil" par "quicquam". C'est un pléonasme de pronom (sans doute ce que recouvre la "quatrième catégorie"). La catégorisation du "παρέλκον" (pléonasme) chez Donat est assez difficile à interpréter. Souvent il numérote les catégories, de 1 à 6. Les catégories 1 et 2 ne sont pas citées explicitement, la 6 est exceptionnelle (And. 291, avec des verbes), la 5 également (en And. 205, 2, avec des négations) et les 3 et 4 (de loin les plus fréquents) semblent ambigus. L'idée se fait parfois jour que le critère est donné par la nature des mots qui participent du pléonasme : pronoms, adverbes, noms, verbes... Mais le détail contredit à l'occasion cette impression. Ainsi le même "nihil quicquam" est-il effectivement classé pléonasme 4 en Eun. 884,2 ; Pho. 80, 2 ; 250, 4 ; Hec. 400, 4, mais il est pléonasme 3 en Eun. 90, 2. Son correspondant masculin "nemo quisquam", tout aussi nettement constitué de pronoms, est toujours compté comme un pléonasme 3 (Eun. 1032, 2 ; Hec. 67, 1), de même que "plerique omnes" (Pho. 172, 1) et l'improbale "quaedam tonstrina" (Pho. 89, 2), alors que les exemples tels que "utrum... an" (Pho. 659), "utrum... -ne" (Eun. 721, 1), "quoque etiam" (Hec. 734, 1), "mecum una" (Hec. 131, 1), "fere plerumque" (Pho. 89, 3), "nondum etiam" (Hec. 192, 1), "quia enim" (Pho. 332, 1), à défaut de présenter toujours des adverbes, présentent en tout cas toujours des formes indéclinables... ce qui n'empêche pas "nondum etiam" (ANd. 201) d'être classé pléonasme 4... En fait, il est très vraisemblable que les copistes, dès les manuscrits les plus anciens, ont commis des erreurs entre les chiffres iii et iiii ou iv et introduit la plus grande confusion dans le classement méthodique du grammairien.488. Donat caractérise l'aspect phatique d'une formule comme "quid agitur ?", qui, sous couleur d'être une question, est en réalité une formule inaugurale de la conversation. De fait, Syrus vient d'apercevoir Déméa et réalise, avec cette formule, l'acte social de la salutation.489. Donat énonce ici une généralité : tous les vieillards sont sages ou devraient l'être. C'est donc la conduite du jeune homme qui est qualifiée d'imbécile, car il est un jeune imbécile, et celle de Micion qui est absurde, car incompatible avec la sagesse attendue de son âge.490. Donat semble gêné par la présence conjointe d'un déterminant et d'une épithète à côté du nom. C'est apparemment ce que semblait montrer aussi la scholie 353, 2, avec l'emploi de "mea" : si Térence avait dit "mea cara Canathara" au lieu de "mea Canthara", "mea" serait un pronom. Analogiquement, c'est la même chose ici : "congrum istum maximum" est constitué de deux groupes, séparés par la diastole. On comprend qu'il faut segmenter "congrum istum, maximum" (le congre, celui-ci, le gros), avec "istum" en qualité de pronom à valeur déictique.491. Les lemmes 382, 1 et 2 forment un tout. Il s'agit d'analyser la forme "utrum studione". Le problème que se pose Donat est causé par la place de la particule interrogative enclitique "-ne", qui, en théorie, doit s'accrocher au premier mot du segment concerné. Le grammairien fait donc plusieurs hypothèses : 1. l'ordre à rétablir est "utrumne" (début du lemme 1 et fin du lemme 2), et il y a une tmèse, comme quand on sépare par un ou plusieurs mots deux morphèmes liés d'une même unité lexicale (par ex. dans ce fragment, probablement d'Ennius ou de Lucilius, cité par Donat dans sa grammaire, où le mot "Massilitanas" est coupé en son milieu : "Massili portabant iuuenes ad litora tanas", "ils portaient les jeunes Marseillais sur le rivage") ; 2 soit il y a pléonasme, dans la mesure où "utrum" et "-ne" ont une même fonction d'interrogation totale ; 3 soit il y a ellipse et, en réalité, deux phrases interrogatives distinctes, dont la deuxième commence par "studio", ce qui redonne à "-ne" sa place traditionnelle. En réalité, la structure "utrum Xne... an Y" n'est pas isolée (et concurrence la structure "utrumne X... an Y") : cf. par ex. Cic. Verr. 2, 3, 84 : "utrum tibi sumes ad defensionem, tantone... an...". C'est plutôt la piste du pléonasme qui est la plus crédible, le tour s'interprétant étymologiquement comme "lequel des deux (=de deux choses l'une), est-ce que X ou est-ce que Y ?".492. Il s'agit d'un extrait de l'Iphigénie d'Ennius ; mais l'expression relève tout autant de la sagesse populaire que de l'intertextualité littéraire.493. Remarque implicite de morphologie sur le pronom/adverbe archaïque "ellum", "ellam" et sur sa syntaxe : voir la note à And. 855, 2-5.494. Dans L'Eunuque, au vers 525, figurait l'expression "ut est audacia". Dans le commentaire afférent, Donat ne disait rien sur le cas d'"audacia". Ce qu'il signale ici, c'est que "dementia" peut se comprendre comme étant au nominatif ("quelle démence est la sienne !") ou à l'ablatif, sans doute un ablatif de qualité tronqué ("de quelle démence il est !"). La scansion ne permet pas de trancher. Rappel : ce que Donat appelle le "septième cas" recoupe les emplois non prépositionnels de l'ablatif, ceux qui relèvent presque uniformément des valeurs héritées de l'instrumental indo-européen.495. La scholie concerne deux vers d'un coup, le 392 et le 393. Donat commente d'abord la rectification que "pernimium" (393), intensif, opère sur "nimium" (392), et c'est ce qu'il nomme au moyen du syntagme grec "μετὰ διορθώσεως". Dans la foulée, il signale que l'incise "non quia ades praesens dico hoc", qui interrompt l'énoncé de Syrus, prend fin : voilà ce qu'il appelait une "suspension" (τὸ κρεμάμενον). Le verbe κρεμάω et sa famille sont connus des rhéteurs dans le sens d'une suspension de la pensée (par ex. : "κρεμᾶται ἡ διάνοια", Herm. Cat. 1, 3, 93), souvent en vue d'éveiller la curiosité de l'auditeur. Sur l'établissement du texte, notamment grec, voir la note apposée au texte latin.496. Donat veut dire que l'auditeur entend d'abord "quoi que tu sois, tu n'es rien...", avant d'entendre "...sinon de la sagesse". L'opposition "quantus/nihil" est, selon Donat, du plus haut comique. Peut-être peut-on implicitement comprendre qu'il conseille de faire une pause entre "nihil" et "nisi" pour l'effet comique.497. Donat remarque un parallélisme sur l'attribut du sujet : au lieu d'un adjectif, le poète a deux fois mis un substantif. Et ce serait là une marque d'hyperbole, dans la mesure où celui dont on parle est ainsi représenté comme le modèle même de la sagesse ou de la rêverie.498. L'ironie est perçue à travers le procédé de la question oratoire qui contraint le personnage à l'évidence.499. C'est une étymologie du nom des narines dont on retrouve à peu près la formulation chez Isidore, Et. XI, 1, 47. Elle repose sur le rapprochement phonique entre "nares" et la famille de l'adjectif "(g)narus" (connaisseur), dont le contraire est "ignarus". Elle est farfelue mais amusante. On note en tout cas que, comme souvent dans des cas de dérivation, le rapport base/dérivé est inversé : on s'attendrait à ce que ce soit "naritas" qui dérive de "nares" et non l'inverse. Mais les Anciens ne s'occupaient guère de ces détails, ils se contentaient de mettre en relation deux termes, sans se soucier d'une hiérarchie particulière. Par la même, le rapport institué est souvent réversible.500. C'est-à-dire que, sans le savoir, Déméa souhaite que son fils reste ce qu'il est actuellement, à savoir un dévoyé.501. Ce lemme, comme celui de 401 4, de même formulation, s'apparente à une didascalie. Il s'agit, dans une scène où les personnages en viennent assez souvent à penser tout haut, d'aider le lecteur de Térence à distinguer les bribes de réplique dialoguées des bribes en aparté.502. Etymologie classique mais fantaisiste.503. Une differentia très comparable entre les deux verbes est faite au commentaire de And. 479 ; la même technique militaire du surgissement par surprise y est décrite en accompagnement du verbe "adoriri".504. Syrus, dans cette prétendue altercation entre les deux frères, fait parler Ctésiphon avec la phraséologie de son père. Notamment, l'effet d'écho est particulièrement net dans la manière de désigner la jeune fille au moyen du groupe "istaec psaltria" et sa valeur péjorative.505. De fait, Eschine n'est pas sur scène et le fait de l'incriminer nominativement (en rappelant la prétendue conversation qu'il a eue avec Ctésiphon) et à la seconde personne (ce qui est, de fait, aussi le sens de "persona") ajoute à la virulence du propos. Sur le lien entre nom propre et véhémence, voir par exemple And. 199, 1 et la note ; et, dans une moindre mesure, Pho. 352, 4 et la note.506. L'amplification entre "facere" et "admittere" réside dans le fait qu'"admittere" contient un sème 'permissivité' ; alors que "facere" désigne simplement le fait de faire quelque chose, "admittere" contient l'idée (exprimée par le préverbe "ad-") qu'Eschine aurait pu empêcher que l'infamie tombe sur la famille mais ne l'a pas fait, ce qui est plus grave.507. La figure de "deinotès" est citée aussi en And. 910, 1, passage auquel on renvoie (voir la note). L'habileté, ici, est dans le zeugme "tu perds de l'argent" et "tu perds ta vie", qui aboutit en effet à une sorte de "terrorisme" moral, bien dans le double sens du mot grec qui peut désigner à la fois l'habileté ou la terreur.508. Sans le dire très explicitement, Donat relie le démonstratif "iste" à la deuxième personne.509. Donat reformule : "il a eu à la maison de qui apprendre" équivaut à "il t'a eu à la maison". C'est aussi une manière implicite de préciser, comme il le fait souvent avec des mots comme "unde", que l'adverbe relatif est en fonction de pronom relatif. C'est une situation qui convoque souvent, dans son commentaire, la figure de syllepse.510. Peut-être faut-il comprendre que c'est la manière impersonnelle ("on fait de son mieux") de dire quelque chose de personnel ("je fais de mon mieux") qui est caractéristique du personnage. Les moralistes de comédie font, de fait, volontiers dans la généralité.511. Etymologie habituelle de "sedulo", qui revient plusieurs fois dans le corps du commentaire.512. La question est la suivante : pourquoi tendre un miroir au jeune homme si c'est pour qu'il examine les qualités et les défauts d'autrui ? Réponse : parce qu'il y a deux opérations en une. D'abord on observe les autres, ensuite on se regarde soi-même, pour se corriger en se modelant sur les meilleurs d'entre eux. Ce n'est donc pas l'effet du miroir qui est visé (l'image de soi), mais sa cause (on se compare à ce qu'on a vu juste avant). L'expression est assez alambiquée. On peut s'étonner en outre que Donat n'ait pas saisi la perche que lui tendait Térence pour voir dans cette phrase un passage de méta-théâtre. La métaphore du miroir est en effet utilisée dans la définition de la comédie que donne Cicéron cité par Evanthius (Com. 5, 1), et Donat connaît bien ce passage.513. Cette étymologie est acceptée par les modernes.514. Ce n'est donc pas la morale en tant que telle, le bien et le mal dans l'absolu, qui intéressent Déméa, mais le qu'en-dira-t-on. Il reste donc parfaitement dans son rôle.515. Implicitement, Donat rappelle à nouveau le lien entre "iste" et la deuxième personne. La reformulation voit dans "istaec" un implicite : "c'est toi qui as raison", et non pas Micion.516. Le jeu de mots de Cicéron s'interprète ainsi : il y a ambiguïté entre "tu quoque" (toi aussi) et "tu coque" (toi, cuisinier), surtout si, comme le dit Donat, le vocatif "coque" est prononcé "quoque" à l'époque. Du coup, si l'on remonte dans le commentaire, le choix de Syrus de dire "quod queo" est motivé par la paronomase avec le verbe "coquo" (prononcé "quoquo"). En revanche, l'autre plaisanterie de Syrus citée pour attester qu'il n'est jamais sérieux, ne relève pas de la paronomase mais du jeu de mot polysémique. Cf. le lemme 427.517. "Sapientia", de la famille de "sapor" (saveur) et de "sapere" (avoir du goût) est ici à prendre au sens étymologique de "goût".518. Donat signale la valeur générale de la deuxième personne employée ici par Syrus, et qui équivaut à "on" du français.519. La rusticité du personnage de Déméa est ici caractérisée par son impolitesse (refus de saluer) et par sa faible connaissance du code des maximes conversationnelles : alors que "numquid uis ?" est une formule codifiée de demande de congé, il donne à cette question purement phatique une réponse que personne n'attendait.520. Encore une remarque sur les maximes conversationnelles et la valeur illocutoire des actes de langage : sous la question se niche un ordre.521. Est en cause ici, comme presque à chaque fois dans la même situation, une remarque de syntaxe des genres ou des cas, qu'il arrive à Donat de nommer syllepse. Déméa reprend l'antécédent masculin "is" par le groupe relatif "quam ob rem" (qui implique donc une chose) : ce faisant, il réifie Ctésiphon. De même dans l'autre exemple cité, où le masculin "eo" est ensuite remplacé par le neutre "id".522. Tout dépend du genre du démonstratif "hoc". Si le pronom est neutre, son référent est alors la proposition précédente, qui fait mention de l'âge d'Hégion. Le locuteur, après avoir dit qu'Hégion est un vieil homme, s'empresse alors de dire "pourvu qu'à cause de ce grand âge il ne lui arrive pas malheur en public !". Si le pronom est masculin, son référent est évidemment Hégion, et le texte se comprend comme un éloge d'un homme irréprochable vis-à-vis de l'Etat.523. On a là un précepte important, que retiendront les doctes de l'époque classique : il est contre-productif de redire quelque chose que le spectateur sait déjà. Mais une question doit toujours se poser alors : comment celui qui arrive, et qui n'a pas assisté au premier récit, est-il au courant de ce qui s'est passé ? Ici, la chose est claire : Géta, qui a le premier raconté l'épisode de l'enlèvement, est allé chercher Hégion à qui il avait mission de raconter ce scandale, qui ne doit pas quitter la sphère familiale. Le second récit vient donc d'avoir lieu hors scène.524. Cf. Donat Ars maior, GL IV, 379, 26 : "Qualitas pronominum bipertita est. aut enim finita sunt pronomina aut infinita. finita sunt quae recipiunt personas, ut ego tu ille ; infinita sunt quae non recipiunt personas, ut quis quae quid : sunt etiam pronomina minus quam finita, ut ipse iste. sunt praepositiua, ut quis hic; sunt subiunctivua [uel relatiua], ut is idem"... (il y a deux sortes de pronoms : de fait ils sont ou définis ou indéfinis. Les définis sont ceux qui marquent la personne, comme "ego", "tu", "ille" ; les indéfinis sont ceux qui ne marquent pas la personne, comme "quis, quae, quid". Il y a aussi les pronoms semi-définis, comme "ipse", 'iste" ; les préposés, comme "quis", "hic" ; les postposés, comme "is", "idem"...). La typologie de Donat n'est pas homogène. Il signale qu'il y a deux qualités de pronoms, qui distinguent les définis (comme les pronoms personnels, qui sont définis par la situation d'énonciation) et les indéfinis (comme l'interrogatif, à portée illimitée). Mais les "minus quam finita", les "moins que définis" (que nous traduisons ici par semi-définis) sont-ils une troisième catégorie ? Une sous-catégorie des "infinita" ? Des "finita" ? En tout cas, dans la grammaire de Donat, "ipse" est bien l'un des exemples de ce sous-type : en effet, il accompagne les pronoms personnels, qui lui donnent donc un peu de "défini", mais il est polyvalent ("ipse ego", "ipse tu", etc.), et a donc un caractère moins défini que "ego" ou "tu" . Quant à "is", il appartient à la catégorie des "subiunctiua", et l'on voit que le critère de différenciation s'est déplacé : ces pronoms-ci s'opposent aux "praepositiua" sur un plan syntaxique (ordre des mots) et sémantique : les "praepositiua" se placent avant leur référent (ils sont donc cataphoriques, ainsi l'interrogatif "quis"), alors que les "subiunctiua" se placent après leur référent, qu'ils reprenennt (ce sont donc des anaphoriques). L'opposition entre les "minus quam finita" et les "subiunctiua" n'est pas bonne, car elle n'est pas exclusive. Ainsi "quis" est cité à la fois parmi les "infinita" et parmi les "praepositiua". On peut donc analogiquement imaginer qu'un pronom puisse être classé à la fois parmi les "minus quam finita" et les "subiunctiua".525. Les deux reformulations proposées sont hétérogènes sur le plan énonciatif : au discours direct pour la première, indirect pour la seconde.526. Cf. le commentaire à 454, 6.527. "Facere" est sous-entendu, mais "facient" est présent dans la proposition rectrice. La notion de syllepse est ici sans doute motivée par le fait qu'il y a une relative complexe "quae aequum est illos <facere>", dans laquelle le pronom relatif a une fonction non dans la relative elle-même stricto sensu mais dans l'infinitive qui dépend de la relative. Procédé banal en syntaxe classique.528. Son corrélatif est alors "cliens".529. "Parens" désigne le père ou la mère, au pluriel les parents, dans une relation verticale ; mais il a aussi (comme en français, dans "nous sommes proches parents") le sens de "membre de la même famille", dans une relation horizontale ou collatérale. C'est ce que veut dire Donat ici par "aequali loco" : Hégion n'est le géniteur d'aucun membre de la familia de Sostrata, mais il leur est apparenté. Il n'est pas impossible aussi que la présence dans le commentaire de l'adjectif "aequalis" ne cache une étymologie cryptée de "parens" sur l'adjectif "par" (égal, identique).530. Differentia à trois termes dans le lexique de la trahison, chacun avec sa spécificité et son exemple littéraire. Le commentateur de la deuxième main a inséré un exemple virgilien inutile, dans la mesure où le commentateur principal avait illustré "defectio" chez Salluste (et la matérialisation de son sème spécifique avec "sociorum"), "prodo" chez Térence (et la matérialisation de son sème spécifique avec "gnatum") et "desero" chez Plaute (et la matérialisation de son sème spécifique avec "libertos"). L'exemple virgilien de la seconde main contrarie plutôt ce bel ordonnancement, dans la mesure où, dans le rapport traître vs trahi, il n'y a pas dans le vers de Virgile de "parens" évident.531. La fin du lemme évoque implicitement la réponse d'Hégion "caue dixeris", "ne dis pas cela". Cette réplique peut en effet se comprendre comme une réponse euphémistique à Géta, qui vient de dire "nous sommes morts", ou une accroche à "si deseris tu" : "si tu nous abandonnes... -Ne dis pas cela...".532. Même formulation exactement que dans And. 49, 1. Ce que Donat veut dire ici, comme le montre la suite du lemme, c'est que "iubere" représente une phase psychologique postérieure à "uelle" : il faut d'abord vouloir avant d'ordonner.533. Sur l'établissement du texte, voir la note apposée au texte latin. Les citations homériques viennent toutes les deux en appui d'une analyse de l'hystéron protéron. Un peu plus haut dans le texte de la première citation, nous lisons "ἐθέλεις" (tu veux) et le raisonnement est "sans doute as-tu l'intention de me voir faire la grève du combat, puisque tu m'ordonnes maintenant de rendre la fille". Sur la deuxième, à vrai dire bien plus claire, voir la note du texte latin.534. Quelle que soit la solution adoptée, il semble clair que "liberalis" est situé plus haut que "bonus" dans l'échelle des valeurs.535. Pourquoi Donat traduit-il en grec un adjectif latin bien connu ? Est-ce parce qu'il cite implicitement le passage correspondant dans la pièce originale ? Ou est-ce parce que l'adjectif "aequalis" à son époque signifie presque exclusivement "égal" et que, "aequaeuus" n'étant pas bien fréquent, il juge nécessaire d'ajouter un autre synonyme, qu'il ne trouve que dans l'autre langue ?536. La reformulation de Donat, de l'ordre de l'évidence, vise peut-être à signaler qu'il s'agit de l'emploi standard du comparatif, et non pas de l'emploi formulaire de la langue du droit, "amplius", par laquelle le magistrait renvoyait "à plus ample informé" et demandait davantage d'information pour l'instruction de l'affaire.537. C'est dans cette citation le verbe "impellitur" qui fait office du terme "impulsio" (qui est son nom d'action). Donat, comme souvent es lexicographes antiques, illustre le sème plutôt que le lexème lui-même.538. La differentia proposée par Donat tend à montrer surtout qu'il y a une progression du moins fort vers le plus fort, tant chez Térence que chez Cicéron dans l'illustration proposée.539. Donat ne cite pas expressément le texte térentien (il écrit "orabat" au lieu de "orans", etc.) ; disons qu'il le cite allusivement : on y trouve les mêmes mots, mais sous une autre forme et parfois dans un autre ordre.540. L'atticisme et le caractère superflu relevés ici signalent en réalité l'emploi d'un datif éthique (cf. en français "me" dans "tu vas me la calmer, cette petite ?"), marque d'oralité impliquant de l'émotion. Si le grec connaît cet emploi, le latin le connaît aussi et cela n'a rien de spécialement attique. Peut-être Donat constate-t-il, s'il a le modèle de la pièce grecque sous les yeux, qu'il y a un datif éthique à cette même place ?541. C'est une autre manière d'évoquer l'emploi du datif éthique, comme en 476, 4.542. L'enjeu de ce commentaire est à la fois sur le rapport entre un adjectif qualificatif et le nom qu'il qualifie et sur l'usage rhétorique de la négation. Dire que Socrate n'est pas maladroit, si ce n'est pas une litote valant "il est décidément très fort, ce Socrate", est une tautologie qui tend à abaisser la qualité intrinsèque ; dire qu'un esclave n'est pas maladroit relève du compliment occasionnel et dans ce cas le fait de nier l'adjectif péjoratif correspond à de l'emphase. Tout dépend donc de la personne à qui s'attache l'adjectif.543. Comme on le voit de la citation d'Afranius, le tour "ut captus est seruorum" a quelque chose de formulaire. Les explications embarrassées de Donat nous indiquent que "captus" est un substantif (de quatrième déclinaison) dont le sens aiguille soit vers la faculté de saisir quelque chose (intellectuellement), de le "capter", soit vers les hasards de la chasse et de la pêche ; "sors", "lot tiré au sort" en est alors un quasi-synonyme. Le mot s'interprète donc comme "coup de filet" ou "loterie".544. Simple glose étymologique, qui rappelle le rapport en "ars" et "iners", et qui remplace l'énoncé-litote à double négation ("neque" + "in-") en énoncé affirmatif ("habens").545. C'est-à-dire qu'il fait l'éloge de Géta alors qu'il s'apprête à le faire soumettre à la question. L'éloge vient donc à l'avance minimiser l'atrocité de la proposition suivante.546. Car on aurait pu craindre que deux femmes seules n'aient d'autre solution que de faire métier de leurs charmes.547. Soit "alit illas solus, omnem familiam sustentat" (il les nourrit tout seul, il pourvoit à l'entretien de toute la maisonnée), soit "alit illas, solus omnem familiam sustentat" (il les nourrit, seul il pourvoit à l'entretien de toute la maisonnée). Comme on voit, cela ne fait guère de différence.548. Implicitement "sustentat", le dernier mot de la scholie précédente.549. Tant dans le vers térentien que dans l'exemple tiré de L'Enéide, ce qui est en cause c'est la morphologie de l'impératif des verbes "dico" (ici représenté par son composé "edice" dans l'extrait virgilien), "duco" (ici "abduce"), "facio" et "fero" (implicites). La forme correcte d'impératif, réputée ici postérieure, est sans -e final, du moins pour les verbes simples : "dic", "duc", "fac", "fer".550. Térence, selon Donat, suit l'ordre chronologique de la procédure. 1-On isole l'esclave, 2-on l'attache pour éviter qu'il ne fuie, 3-on le torture pour obtenir son témoignage. Dans ce cas, on peut aussi supposer que l'ordre que vise le grammairien concerne la place du pronom "hunc", mis en facteur commun aux deux verbes dont il est le COD.551. Sur cette forme voir la note apposée au texte latin.552. Ce commentaire d'allure tautologique est en fait une remarque de morphologie. Il faut interpréter "uinci" comme impératif présent de "uincire" (attacher) et non comme l'infinitif présent passif de "uincere" (vaincre), ce qui s'interprèterait "abduce uinci" (emmène-le pour qu'il soit vaincu).553. On se souviendra que les esclaves ne peuvent déposer valablement que sous la torture. Même si Géta est d'accord pour déposer, il faudra le torturer, au moins pour la forme, pour que son témoignage ait valeur légale. Voir le vers suivant.554. Chez les rhéteurs, la preuve non-technique est celle qui peut être administrée sans déduction de la part de l'enquêteur. L'aveu en fait partie, la torture en est donc un moyen. Cf. par exemple Cic. Part. 6 et 48 (sous l'appellation "sine arte <argumenta>"), Rh. Her. II, 9- 12 et Quint. V, 1, 1.555. Donat veut dire que le préverbe "ex-" a une valeur intensive.556. Reformulation dans laquelle, comme souvent, Donat utilise des synonymes dotés du même préfixe.557. Donat n'utilise pas, en général, ce terme de "procuratio" pour parler de préparation (d'un prochain épisode, d'un prochain effet scénique, etc.). Nous supposons qu'il s'en sert ici sous la pression morphologique forte du terme grec προθεράπευσις, qu'il vient peut-être de découvrir, en tout cas d'utiliser au commentaire du vers 481, et qui est le modèle du calque morphologique "pro-cura-tio". Signalons que peu après il utilise un autre terme inédit apparenté à προθεράπευσις, à savoir ἐπιθεράπευσις (Ad. 500). Devons-nous supposer qu'il a sous la main une fiche lexicologique sur la famille du verbe grec θεραπεύω ?558. L'invocation de la jeune femme relève du "copier-coller" : on la retrouve identique, dans les mêmes circonstances dramaturgiques, dans la bouche de la jeune parturiente de And. 473. Et, comme dans L'Andrienne, cette réplique se fait depuis la coulisse. Donat le note en And. 473, 4. Il en fait aussi la remarque dans la Préface de L'Andrienne, Praef. 1, 9. Il existe donc une règle de bienséance qui fait qu'on ne montre pas sur scène une jeune fille sage et honorable. Les personnages féminins qui se montrent sont des matrones, des entremetteuses, des esclaves, des accoucheuses, des nourrices, etc., et surtout des courtisanes. Pour ce qui est de la représentation, quel est le statut de cette réplique hors-scène ? Un acteur non visible se contentait-il de la dire depuis le postscaenium ? Ou utilisait-on une machine, comme l'eccyclème, pour montrer conventionnellement au spectateur un épisode qui se passe à l'intérieur de la maison ?559. La construction "decet uobis (facere)" est correcte, mais on attend plutôt "decet uos (facere)". D'où le passage par le grec. Donat veut dire que la tournure avec le pronom au datif est influencée par l'expression grecque correspondante. On peut comprendre implicitement qu'il cite ici Ménandre, le modèle de Térence.560. Son caractère grave et sérieux est marqué par le ton solennel et décidé de cet "ego, Demea".561. Comprendre : il dit "j'essaierai" et non pas "je réussirai", pour qu'on ne puisse pas lui dire qu'il a échoué. Il donne donc des assurances sur sa motivation, non sur le résultat. Par ailleurs Donat n'explique pas ici, comme il l'avait fait plus haut à propos d'une réplique de Sostrata (Ad. 350 1), qu'"experiar" a sans doute son sens technique de "j'esterai, j'irai en justice".562. Si l'on comprend bien le commentaire, Donat, d'une façon apparemment toute tautologique, semble dire que le sens de "spondere" est "dire 'spondeo'". Comprendre que "spondeo" dans son emploi performatif (je m'engage) est devenu formulaire dans la langue des tribunaux ; à partir de là, il peut devenir un verbe délocutif (au sens benvenistien), mais au sens de la délocutivité généralisée (cf. les travaux d'Anscombre et Ducrot), "dire spondeo" ; de là, il perd sa valeur performative et sa valeur délocutive et décrit simplement l'activité de celui qui intente un procès, le plaignant. D'où "respondere" (d'où est parti le commentaire), au sens de "'spondere' à son tour", donc "plaider en second dans un procès". Donc Hégion se pose en plaignant (celui qui, implicitement, "spondet"), Déméa et Micion, à qui il a (métaphoriquement) intenté un procès, sont en position de répondeurs.563. Chez Virgile, on lit d'ordinaire "loquelas" (paroles doucereuses). Le ms. K de Donat a d'ailleurs rectifié la citation en ce sens.564. Le commentateur de la seconde main fait, lui, une étymologie implicite par le grec, rapprochant (légitimement) "(re)spondeo" du grec σπένδω (faire une libation), σπονδή (libation), d'où la "traduction" par le verbe "fundere" et l'exemple virgilien en appui. De fait les deux séries lexicales sont apparentées via l'indo-européen, mais assez éloignées sur le plan sémantique. L'idée de base est celle de "garantir par une libation solennelle" ; le latin a mis en valeur l'acte de langage ("s'engager"), le grec l'opération religieuse ("faire une libation, une offrande liquide").565. Le commentaire porte donc sur le sens de l'adverbe "facil(lim)e".566. C'est là une remarque de "Donat" éditeur de texte et comparant plusieurs volumes de Térence ou de commentaires précédents.567. Autrement dit, cette courte scène marque-t-elle la fin d'un dialogue commencé chez Sostrata et qui se conclut avec le retour sur scène d'Hégion, qui continue à parler à son interlocutrice qu'on ne voit ni n'entend, ou est-elle la première phrase d'un nouveau développement ?568. Dans un lemme au texte un peu embarrassé (et indécis par endroits), il est difficile d'être sûr de déterminer ce que commente Donat. Peut-être tâche-t-il de faire une distinction entre "intro" (qu'avait prononcé Hégion quelques vers plus haut, pour demander à Géta de l'introduire chez Sostrata) et "intus", qu'on trouve dans l'exemple cité de L'Andrienne et qui clôt la pièce. On sait que, pour les Latins, qui à cet égard optent pour le point de vue de la coulisse, "entrer" signifie "aller dans une maison du décor" et donc "sortir de scène". Réciproquement, "sortir" ("exire", "egredi") signifie ce que nous appelons "entrer sur scène". Ici donc, Donat voit peut-être, entre "aller 'intro'" et "aller 'intus'" une distinction entre deux lieux scéniques. "Intus" désigne le hors-scène, ce lieu invisible où se concluent par exemple les contrats de mariage de la toute fin ; "intro" désignerait, par opposition, un lieu codifié de l'avant-scène. On devrait donc voir Hégion parler (muettement d'abord) à Sostrata pendant que se déroule la fin de la scène précédente. Donat signale (en grec) que c'est invraisemblable. Alors pourquoi a-t-il cette idée ? Peut-être pour éviter une scène vide : Hégion quitte avec Géta la scène pour entrer chez Sostrata, le temps pour Déméa de faire un court monologue. Puis Déméa quitte la scène (alors vide). Puis Hégion revient, pour une minuscule réplique qui clôture l'acte III. Donc s'il est resté en avant-scène ("contre le vraisemblable"), il permet de faire une liaison de scène entre III, 4 et III, 5 (scène qui n'existe pas dans tous les exemplaires, selon le commentaire inaugural de cette scène) et évite au plateau de rester vacant un tout petit peu trop tôt.569. Apparemment Donat voit dans "sis" la formule de politesse (équivalant à notre "s'il te plaît") qui adoucit le caractère trop impérieux d'un ordre. De fait, il fait un rapprochement avec la formule "si eis uideatur", dans laquelle on a une proposition hypothétique. Or "sis" est l'abrégé de "si uis", "si tu veux". C'est donc ce mot que Donat analyse ici. Mais on peut aussi plutôt voir dans ce "sis" la forme de subjonctif de "sum" et comprendre "fais en sorte d'être ("fac sis", avec un subjonctif de parataxe) de bonne composition". C'est bien, en tout cas, la structure qu'on trouve juste en dessous : "istam fac consolere" avec subjonctif paratactique. Est-ce parce que Donat s'attend à trouver chez Térence plutôt la forme "sies" pour le subjonctif qu'il analyse de cette façon un peu acrobatique la forme "sis" ? Peut-être, si l'on en juge selon son commentaire de 934, 3 : voir notre note ad loc.570. Le mot "consolere", à moins qu'il ne s'agisse de comprendre "comme la voix même d'Hégion est triste", selon le sens qu'on donne au mot "uox" ("voix" ou "mot").571. Au vers 401, dans la scène 3 de l'Acte III.572. Donat veut dire que si Térence avait mis "triduum" à l'accusatif de durée, cela signifierait d'emblée "pendant ces trois jours pleins" ; avec l'expression "hoc triduo" à l'ablatif, le sens est plutôt "dans l'intervalle de ces trois jours", et il faut ajouter "perpetuo" (en continu) pour que cela devienne une pleine et entière expression de la durée sans interruption.573. Le commentaire et le lemme commenté n° 2 ne sont pas en phase, ce qui explique que Wessner ait posé des cruces autour du lemme, comme il le fait systématiquement dans ce cas-là. Nous les supprimons, car le texte édité (qui est celui de Térence) ne pose aucun problème. Il est clair, en revanche, que Donat continue de commenter la réplique de Syrus qui est l'objet du commentaire du lemme 1 : le jeune homme a souhaité que son père se fatigue au point de ne pas bouger de son lit pendant trois jours, à quoi Syrus renchérit en disant "et mieux encore si possible", ce qui peut s'interpréter de deux façons : "qu'il reste alité encore davantage" (et c'est sur la foi de cette interprétation que Ctésiphon répond "oui"), ou "qu'il crève !", ce que Ctésiphon, par souci de convenance, ne comprend pas.574. Il s'agit là du seul fragment conservé de cette comédie de Naevius. Donat le cite comme exemple de jeune homme de comédie qui reste en dehors de la convenance en souhaitant la mort de ses parents.575. Il est en effet fait référence au type de comédie, ici le "senex", vieillard généralement débile, au sens physique du terme, par opposition avec le "seruus currens". Donat dira en 541 que le senex est bien faible physiquement, ce qui motive une invention dramaturgique de Térence pour sauver la vraisemblance.576. Le pléonasme est dans la jonction de l'adverbe négatif "numquam" et du pronom positif "quicquam" (qui n'enlève rien à la polarité négative de l'énoncé). C'est le même genre d'effet qu'on a en français dans un tour comme "il n'a rien fait du tout" dans lequel "du tout" ne semble avoir aucune autre fonction que d'appuyer l'assertion négative.577. Pas plus qu'il n'interprétait plus haut le double sens à propos de la mort souhaitée de son père. Donat, après avoir invoqué la convenance (il serait inconvenant qu'un jeune homme souhaite la mort de son père), invoque ici la typologie des caractères : inculte et tenu à l'écart de la ville, Ctésiphon se conforme à son rôle en n'interprétant pas les doubles sens. 578. Comme plus haut, lemme et texte commenté ne sont pas en phase. Nous éliminons les cruces de Wessner. Le commentaire ici porte en réalité sur la réponse de Syrus en fin de vers "potest", sur laquelle on peut développer l'ellipse "<fieri ut> ueniat in mentem" (si, ça peut venir à l'esprit).579. On croit avoir là un argument d'un de ces pères jésuites que fait parler Pascal dans les Provinciales !580. Cf. Cic. Fat. 1 ; Quint. III, 8, 25.581. Il n'y a pas en soi de contradiction entre les lemmes 1 et 3. Donat, cherchant comme d'habitude à attribuer les répliques de la façon la plus plausible, finit par dire que les mots semblent plus adaptés au caractère de Ctésiphon, mais que, en même temps, il serait plus drôle que ce soit Syrus qui les dise. On ne sait pas comment il a tranché en définitive dans ce débat.582. Sous cette tautologie apparente, Donat signale que le verbe "calleo" est ici utilisé en emploi transitif, ce qui fait de lui un verbe de connaissance.583. Il existe deux verbes de même sens, "ferueo" (infinitif "feruēre") de la deuxième conjugaison, et "feruo" (infinitif "feruĕre") de la troisième conjugaison. Ce dernier est archaïque. En revanche, Donat ne signale pas s'il analyse la forme "feruit" comme un indicatif présent ou comme un indicatif parfait. Nous l'avons traduite (dans la version française de la comédie) comme un parfait.584. C'est un lemme très long par rapport aux usages de Donat. Il consiste en une notule sur le sens et l'origine du proverbe "lupus in fabula". Le caractère proverbial est assez net : cf. Otto 1962 ; Cicéron l'évoque dans une lettre à Atticus (Att. 13, 33 a : "de Varrone loquebamur ; lupus in fabula. Venit enim ad me", "nous étions étions en train de parler de Varron ; le loup de la fable : le voici qui vient vers moi"), ainsi que Servius dans le commentaire qu'il donne au vers de la neuvième Bucolique que cite Donat dans ce lemme (Serv. ad Buc. 9, 54 : "unde etiam prouerbium hoc natum est lupus in fabula quotiens superuenit ille de quo loquimur", "d'où vient le proverbe 'lupus in fabula', dès que survient celui dont nous parlons) ou le grammairien Pompée (GL 5, 311, 31 "de nescioquo loquebaris, et subito uenit is, dicis tu lupus in fabula", "tu étais en train de parler de n'importe qui et le voilà qui vient : toi tu dis 'lupus in fabula'"), sans parler de Donat lui-même dans son grand traité de grammaire (GL 4, 402, 11) ; bien sûr on pourrait penser que dans tous ces cas il s'agit au fond d'une citation du vers des Adelphes et que l'expression pourrait n'être devenue proverbiale qu'à partir de Térence, mais en fait on la trouve aussi chez Plaute (Stich. 577) avec la variante "lupus in sermone" ; dans cette pièce aussi il est question de l'arrivée fortuite de celui dont on parle précisément. Mêmes circonstances et variation d'expression : on est bien dans le domaine du proverbe. Mais il semble qu'on puisse hésiter sur la valeur contextuelle de ce tour. Chez Térence, Plaute, Cicéron, il y est à chaque fois question de l'irruption de la personne dont on parle, irruption qui n'est pas nécessairement une menace, comme on le voit chez Cicéron. On est alors dans le registre de "Tiiens, quand on parle du loup...". Mais Donat explique que cela revient à dire "Tais-toi !", comme si l'arrivée inopinée de telle personne représentait nécessairement une menace. De fait pour les Romains, l'apparition d'un loup dans l'enceinte d'une ville était un prodige qu'il fallait expier selon une procédure complexe. Voir Trinquier (2004).585. Williams (1970) et Jocelyn (1971) s'accordent à conserver le texte "Capua" (voir la note apposée au texte latin) et à le justifier, même s'ils divergent un peu dans leur interprétation. Williams, s'inspirant de pratiques de comptines anglaises connectées à l'actualité (baby baby naughty baby / hush, you squalling thing, I say. / Peace this moment, peace, or maybe / Bonaparte will pass this way (Williams (1970, p. 65)), suppose que ce loup venant de Capoue serait né de la figure repoussoir d'Hannibal. Jocelyn quant à lui suppose qu'il s'agit d'un loup-garou, Pétrone attestant qu'on peut à Capoue se transformer aisément en loup-garou (Sat. 62). Peut-être faut-il voir dans le loup de Capoue une allusion à Spartacus, Crixus et Oenomaus, tous trois originaires du "ludus" de Capoue et qui ravagèrent comme on le sait la péninsule italienne pendant de longs mois en 73 avant J.C. Dans cette dernière hypothèse, la lexie "le loup de Capoue" serait devenue proverbiale après l'époque de Térence et Donat ferait un anachronisme en expliquant le tour de Térence par cette lexie populaire.586. C'est à l'origine du proverbe que s'intéresse dans la fin de ce lemme copieux le commentateur. Il semble qu'il en voie trois possibles, toutes en relation avec un sens de "fabula". 1. D'abord, il rappelle une croyance populaire folklorique paysanne ("fabula") : les gens croient que voir un loup ou être vu par un loup fait perdre la parole. Pline (8, 80) relaie cette légende : "Sed in Italia quoque creditur luporum uisus esse noxius uocemque homini, quem priores contemplentur, adimere ad praesens" (mais en Italie aussi on croit que voir un loup est dangereux et qu'un homme que les loups ont vu en premier se voit ôter immédiatement la voix) ; Isidore de Séville (Et. 12, 2, 24) la colporte aussi : "rustici aiunt uocem hominem perdere, si eum lupus prior uiderit" (les paysans disent qu'un homme perd la voix si un loup l'a aperçu en premier ; texte identique chez le grammairien Julien de Tolède citant un exemple de paroemia "proverbe"). Et il existe des traces grecques de cette croyance : cf. Platon Rep. 1, 336 d. A l'appui de cette origine paysanne et folklorique, Donat cite Théocrite et Virgile. Le proverbe signifie donc originellement "le loup dans la croyance populaire". 2. Ensuite, il évoque des histoires de bonnes femmes ("in nutricum fabulis"), qui racontent aux petits enfants des récits terrifiants sur le loup, sans doute pour qu'ils restent prudemment dans leur lit. Le proverbe veut alors dire au départ "le loup dans les histoires de bonnes femmes". 3. Enfin, une troisième origine possible (que Donat réfute comme mensongère) est liée au sens littéraire de "fabula", pièce de théâtre. Un loup serait entré sur scène, sans doute au moment où l'on parlait de lui, pendant la représentation d'un drame historique ("fabula praetexta") de Naevius intitulée, selon les sources, soit Romulus, soit Lupus (Le Loup), soit Alimonium Remi et Romuli (littéralement "la nourriture de Rémus et Romulus", allusion à leur petite enfance nourrie au lait de la louve). Le proverbe signifierait alors "le loup dans la pièce de Naevius". 587. C'est la citation récurrente pour illustrer ce sens affirmatif de "ne".588. Le latin, notamment archaïque, utilise de façon figée des substantifs au génitif partitif pour accompagner des adverbes de lieu : "ubi terrarum" (où parmi les terres ?), "nusquam gentium" (nulle part parmi les nations), etc. Cf. le français "nulle part au monde". La suppression du mot au génitif n'entache en rien le caractère grammatical de la phrase, et c'est ce que commente ici Donat. 589. Le commentaire porte sur la vraisemblance. Un personnage de jeune homme, comme le fait Phédria dans L'Eunuque quand sa maîtresse tente de l'éloigner trois jours de la ville, peut faire l'aller-retour maison de ville-maison de campagne au pas de course sans rompre la conformité avec son personnage. Mais avec un vieillard, la situation serait soit invraisemblable, soit si pathétique qu'elle friserait le tragique. D'où la rencontre que Déméa fait d'un de ses ouvriers à peine sorti de scène et qui lui évite de rentrer jusqu'à son domaine. Il reste donc disponible pour le reste de l'action et se cantonne dans les limites physiques qui sont celles de son personnage. Donat fait apprécier l'extrême attention au détail de Térence, mais fait en même temps admirer la sienne.590. Autrement dit : "a uilla" est-il un complément d'origine développant un verbe de mouvement qui resterait implicite, ou est-ce une variante de "de uilla" en fonction de partitif ?591. Implicitement "nisi me credo".592. Implicitement "nisi quia me credo". Il n'est pas sûr que l'expression rectifiée soit meilleure que l'originale, dont on ne voit pas exactement ce qu'elle a d'inédit.593. Comprendre que "huic rei" (ou sa reformulation "ad hanc rem") est en emploi cataphorique pour annoncer le complément qui suit : "que je suis né pour cela, à savoir subir des avanies".594. Procédé qui consiste à répéter une structure en tête de segment. Déjà noté en 496 et 33, 6. C'est Estienne (1529) qui propose de voir sous la lacune unanime des mss. le mot grec ἐπαναφορά. Il est donc en quelque sorte l'auteur de la scholie 546, 1.595. "Obnuntio" est donc analysé comme un composé dont le premier membre est le substantif "omen" (présage) et non un préverbé en "ob-", ce qui est bien surprenant (surtout eu égard à l'opposition qui est faite d'abord avec l'autre préverbé "ad-nuntio"). Il semble, à la lecture du TLL, confirmée par Maltby (1991), que Donat soit le seul à imaginer cette étymologie.596. Sur cette typologie, voir la note à 2, 4 et à 319, 1.597. Les deux mêmes citations sont utilisées aux mêmes fins au commentaire au vers 319, 1.598. Il ne s'agit pas d'une remarque morphologique. "Taces" et "respondes" ne sont pas des formes archaïques d'impératif. Donat fait une remarque stylistique : les Anciens utilisaient un tour interrogatif à l'indicatif en lui donnant pragmatiquement la valeur d'un ordre. Cf. en français un tour comme "Vas-tu te taire ?".599. C'est-à-dire que Térence insiste davantage sur le déplacement vers la cachette que sur le résultat de l'opération. Mais on ne voit pas trop ce que cela a d'"élégant".600. Ce prétendu sens propre n'est pas connu. Le mot "gannitus" désigne le jappement du chiot ou le grognement de plusieurs animaux. Pour les plaintes humaines, il n'est que métaphorique.601. Cf. la remarque faite au vers 544.602. Ces trois premiers lemmes forment un tout. La question est sur le sens de "usque occidit" : si "occidit" veut dire "tuer" (procès qui ne souffre pas de degré), alors c'est que "usque" veut dire "presque" : "il a failli me tuer", "pour un peu il me tuait". Mais peut-être faut-il comprendre "occidit" avec son sens archaïque de "frapper", auquel cas "usque" est un intensif : "il m'a beaucoup frappé". La troisième solution envisagée implicitement relève de l'idiotisme comique, du tic de langage (lemme 3) : "usque" et "occidit" ont leur sens moderne, et la phrase est absurde : "il a été jusqu'à me tuer" : comment peut-on dire cela après avoir été roué de coups à mort ? Est-ce donc un mort qui parle ? C'est ce que signifie le lemme 3.603. Il existe en effet deux formes homographes, distinguées par la seule quantité du i central : 1. "dis-cīdit", parfait de "discīdo" (composé de "caedo", "couper"), lequel verbe semble ne pas avoir de parfait en réalité : c'est l'option d'Asper ; 2. "di-scĭdit", parfait de "discindo", composé de "scindo", "déchirer". Dans ce débat où, une fois n'est pas coutume, Donat prend parti de façon personnelle, on peut donner raison à Asper, metri causa : c'est ce que propose Marouzeau dans son commentaire métrique du vers 559 à la p. 186 de son édition du théâtre de Térence, C.U.F., tome 3.604. Comprendre que, en soi et pour soi, le fait pour un maître de fouetter son esclave est de l'ordre du normal ; pour rendre cette situation pathétique, il faut ajouter des éléments, par exemple celui du grand âge de l'esclave. Cf. aussi le commentaire au vers 566, 2.605. Cf. 562, 2.606. Donat signale le caractère perlocutoire de la question de Déméa qui, en demandant si son frère est là de façon ouverte (particule neutre "-ne") ne veut en réalité entendre que la réponse "oui" (ce qui ressortit à la particule "nonne" normalement). Malgré cela, l'esclave répond "non", ce qui est la stricte vérité, mais n'est pas conforme à ce qu'espère Déméa.607. Donat feint d'être gêné par la présence de deux adverbes de temps qui semblent se contredire : un événement peut-il se produire à la fois jamais et aujourd'hui ? Deux solutions à ce problème : le second adverbe est inutile ; ou bien il n'y a pas d'incompatibilité, car l'un est générique et l'autre spécifique : "jamais" a un sens absolu qui peut être relativisé par la mention d'un adverbe plus précis ; le tour signifie alors (comme le montre la glose que fait le commentateur) "jamais, du moins dans le cadre de cette journée-ci". Quant au vers de Virgile, déjà cité deux fois dans les pages qui précèdent, et deux fois dans le commentaire à L'Andrienne, il donnait lieu à deux autres explications. En 157, il disait que "numquam" valait "non" (de même en And. 410, 2, avec une valeur renforcée, dit-il) ; en 215, 2, il disait que "hodie" n'était pas un adverbe de temps mais une marque de colère (même explication aussi en And. 196, 1). S'il n'y a pas une cohérence extrême en l'espèce, on peut tout de même signaler que la présence de "numquam", de "hodie" ou de "numquam hodie" appelle chez lui le vers de Virgile à la vitesse du réflexe.608. Commentaire didascalique ; le "baculum" est donc un accessoire du vieillard de comédie.609. L'aparté proposé porte sur "hac te praecipitato" : "quand tu y seras arrivé, il y a en face un chemin. (bas) Jette-toi dans ce précipice". Ce peut être un aparté avec ce sens de "praecipitato", qui s'apparente à un souhait de mort, mais ce peut être également un véritable itinéraire : "il y a une descente, tu la prends tout droit".610. Sur le texte proposé, voir la note apposée au texte latin. Ces deux lectures ne sont évidemment pas de même niveau. "Clauus" n'a aucun sens (à moins de supposer que le vieux doit se jeter tête la première contre un clou !), et "cliuus" est la seule lecture possible. D'ailleurs c'est la seule que Donat commente.611. Le texte de Wessner (qui figure sous la forme "τῶν πρός τι προσῆκον" lue dans un manuscrit, les autres laissant là une lacune) peut à la rigueur signifier que l'expression "participe des noms relatifs" (πρός τι). Or ce n'est pas le cas : on est en réalité dans la catégorie des quasi-relatifs (πρός τί πως ἔχοντα). Il faut donc rétablir une leçon plus conforme aux attentes pour l'expression grecque. Donat évoque ici (avec la paire canonique "gauche" vs "droit") la catégorie des noms quasi-relatifs, qui s'appellent l'un l'autre dans une relation binaire et complémentaire. Or les grammairiens la connaissent sous la forme τῶν πρός τί πως ἔχοντα : cf. Probus [Palladius], GL 4, 119, 37 : "sunt nomina, quae Graeci τῶν πρός τί πως ἔχοντα appellant, id est ad aliquid quodam modo habentia, ut puta dexterior superior inferior. iunguntur enim quibus respondeant, ut puta dexterior oculus, superior dens, inferior uestis" (il y a aussi les noms que les Grecs appellent τῶν πρός τί πως ἔχοντα, c'est-à-dire qui se comportent d'une certaine façon à l'égard de quelque chose, comme par exemple "à droite", "supérieur", "inférieur". Car ils se joignent aux éléments auxquels ils répondent, comme par exemple "œil droit", "dent du dessus", "vêtement de dessous") ; avec des formulations très comparables, on a aussi : Char., GL 1, 156, 8 : "sunt his similia quae Graeci dicunt τῶν πρός τί πως ἔχοντα, id est ad aliquid quodam modo se habentia, ut dexterior sinisterior" ; Diom., GL 1, 322, 29 : "et similia τῶν πρός τί πως ἔχοντα, id est ad aliquid quodam modo adtendentia uel taliter qualiter se habentia, ut dexter sinister". ; ars Bobiensis, dans GL 1, 536, 9. Dosithée (GL 7, 390, 1), qui a la particularité d'offrir un traité grammatical bilingue, donne ici deux variantes terminologiques : en latin, il utilise la même formule grecque que tous les autres : "sunt his similia quae Graeci dicunt τῶν πρός τί πως ἔχοντα, id est ad aliquid quodam modo adtendentia, ut dexterior sinisterior" ; mais en grec il dit bizarrement "τῶν πρός τί προσέχοντα". Il résulte de ces comparaisons que le texte grec de Donat devait avoir la forme canonique τῶν πρός τί πως ἔχοντα, que nous rétablissons ici.612. Nous ne savons pas à quel texte de Varron Donat fait allusion, mais cette même étymologie est prêtée à Trebatius dans les Nuits attiques d'Aulu-Gelle (7, 12, 4-6) : "sicut hercle C. quoque Trebatio eadem concinnitas obrepsit. Nam in libro de religionibus secundo : 'sacellum' est inquit locus paruus deo sacratus cum ara. Deinde addit uerba haec : 'Sacellum' ex duobus uerbis arbitror compositum 'sacri' et 'cellae', quasi 'sacra cella'. Hoc quidem scripsit Trebatius ; set quis ignorat 'sacellum' et simplex uerbum esse et non ex 'sacro' et 'cella' copulatum, sed ex 'sacro' deminutum ?" (De même, la même régularité a surpris C. Trebatius. En effet, dans le second livre de son traité Sur les religions, il écrit : "ce qu'on appelle 'sacellum' est un petit lieu consacré à un dieu avec un autel". Puis il ajoute ces mots : "sacellum est, je crois, composé des deux mots 'sacer' et 'cella', comme si c'était 'sacra cella'". Voici certes ce qu'écrit Trebatius. Mais qui ignore que "sacellum" est un mot simple, qu'il n'est pas composé de "sacer" et de "cella" mais est un diminutif de "sacer" ?). On remarque que Donat évoque seulement le début du passage d'Aulu-Gelle et ne réfute pas cette étymologie qui est pourtant impossible.613. Hom. Il. 6, 433 : λαὸν δὲ στῆσον παρ᾽ ἐρινεόν... (arrête l'armée devant le figuier sauvage...).614. Verbe qui implique sémantiquement un sème d'effort.615. Deux étymologies sont proposées pour le mot "angiportum" (et concurremment pour sa variante plus fréquente "angiportus"). 1. soit le morphème "angi-" désigne le serpent ("anguis", ici écrit "angi-" selon une variante graphique qu'illustre le couple "Anguitia/Angitia"), ce qui implique le sème 'sinueux' ("curua") ; 2. soit il exprime le sème 'étroit' comme les lexèmes apparentés "angor", "ango", "angustus". Quant au second élément, "portus", il signifie fondamentalement "passage", notamment "voie, rue". Mais il signifie aussi "maison", comme le précise Donat : de fait Festus voit ce sens dans la Loi des XII Tables, II, 3 (Fest. 262, 19 : "portum in XII pro domo positum omnes fere consentiunt", "tous s'accordent à dire que le mot 'portus' dans les XII Tables est mis pour 'domus', 'maison'"). Le rapprochement avec "insula", qui est le nom de l'îlot de quartier, voire de l'immeuble, par lequel Donat semble voir une même métaphore marine, est fortuit : si "insula" est bien une métaphore, portus "passage" a, lui, son sens standard.616. Le tour "censen me hominem esse ? Erraui" peut se comprendre autrement, en référence au proverbe "errare humanum est" dont on a des traces assez anciennes, par ex. Cicéron Phil. 12, 5 : "cuiusuis hominis est errare, nullius nisi insipientis in errore perseuerare" (c'est le propre de n'importe quel humain de se tromper, mais seulement d'un imbécile de persévérer dans l'erreur), et qu'on peut supposer hérité de la sagesse populaire romaine de toute époque. Ce que Syrus veut peut-être dire est alors : "Je suis bien un homme, à ton avis ? Eh bien, je me suis trompé".617. L'adverbe "sane" a le même sens intensif que "ualde" comme, analogiquement, les adjectifs correspondants "sanus" et "ualidus", sont synonymes.618. Differentia entre les deux substantifs dérivés de "errare". Cette differentia souligne la valeur des suffixes servant à former "erratio" et "error" : le suffixe "-tio" sert à dénoter une action concrète, ici, le fait d'errer. Cependant, malgré la réalisation des deux formations, "erratio" est très peu employé et "error" désigne en réalité aussi bien le fait d'errer physiquement que celui d'errer mentalement.619. Donat s'intéresse souvent à l'onomastique comique. Notons ici la phraséologie typique de l'étymologie à partir du grec avec "créolisation" du propos et reprise du segment grec en latin par l'intermédiaire d'un "id est", selon le schéma "Y ἀπὸ τοῦ Y id est ab X", ce qui semble par transitivité créer un lien étymologique absurde entre Y et X, qui n'appartiennent pas au même idiome. C'est néanmoins une formulation habituelle chez les lexicographes.620. Isidore de Séville (Et. 15, 2, 22) voit lui aussi un rapprochement entre "porta" et le verbe "portare", mais simplement dans la mesure où la porte est ce qui permet d'importer ou d'exporter quelque chose ("importari", "exportari"). Pour Donat (qui ne fait pas le rapprochement avec "portus", "passage" dont il a parlé il y a peu, en 578), la porte est donc l'endroit où le fondateur de la ville nouvelle "porte" la charrue pour interrompre le sillon laissé par le soc.621. Voir Varr. RR, 1, 13, 3.622. Donat veut donc dire que le mot "pistrilla" est un diminutif de "pistrina" et non pas de "pistrinum", à cause du genre des deux mots considérés, même s'il existe des contre-exemples de couples dans lesquels mot simple et diminutif n'ont pas le même genre. Parmi les couples cités, très récurrents chez les grammairiens, tant sur la question du genre que sur celle des diminutifs, le dernier est moins convaincant, car "canis" est aussi bien masculin que féminin (il participe du "genre épicène" des grammairiens, susceptible de variation de genre "hic canis" vs "haec canis"), en sorte que le diminutif féminin n'a rien de surprenant. En outre, le mot diminutif a souvent un sens métaphorique par rapport au simple : "ranunculus" désigne aussi (ou surtout) la renoncule, "scutella" désigne un plat et non un élément de l'armure, "canicula" désigne un poisson ou la chenille, etc. Du coup, le genre du mot suffixé peut être influencé par un terme hyperonymique du même champ sémantique : "scutella", féminin comme "patina" (plat), etc.623. Les répliques n'étant pas formellement attribuées dans tous les exemplaires, il en résulte parfois de l'ambiguïté. Donat règle presque toujours la question à son avantage. Mais sans doute pas dans le cas présent. Syntaxiquement, on peut considérer que la proposition "ubi potetis uos" est dans la suite de la réplique de Syrus et dite par lui (à condition de ne pas lui donner le ton interrogatif) : "...des chaises longues pour que vous vous y soûliez". Mais dans ce cas, on ne comprend pas qui représente "vous". En tout cas, cela implique par définition son interlocuteur Déméa. Or on imagine mal que Micion ait commandé des meubles de jardin pour recevoir son rustaud de frère et y boire avec lui de concert, étant donné ce que nous savons de leurs rapports. Donc la réplique est bien prononcée par Déméa, et "vous" désigne Syrus, Micion, Eschine et toute cette bande de désœuvrés.624. Donc soit "i sane" (dans cette hypothèse, l'adverbe est apparemment superflu), soit "sane te exercebo...", "je vais diablement te faire faire de l'exercice...".625. Très joli réseau d'étymologies contextuelles. D'abord Donat explique le sens premier de "silicernium", qui est le nom d'un repas funèbre. Le sème qui s'impose est donc celui du 'silence', alors que le second lexème "-cernium" fait irrésistiblement penser à "cernere", donc au sème 'regarder'. D'où plusieurs interprétations par rétromotivation ; mais il faut aussi expliquer le sens contextuel présent chez Térence : Syrus utilise le terme en fonction d'insulte (selon un procédé qu'on trouve avec des mots concrets comme "crux", potence, ou "carcer", prison, insultes occasionnelles), comme on pourrait traiter un vieillard de "pierre tombale". Et au lieu d'expliquer le procédé métaphorique, Donat invente deux autres étymologies pour expliquer ce sens : une correcte selon lui (il est "regardé" par les ombres "silencieuses"), une fantaisiste selon lui, et qui est fort intéressante, car elle procède de l'idée que ce qui est une étymologie pour le grec est analogiquement présentable pour le latin : le nom (standard) du vieillard en grec fait penser à une locution qui signifie "regarder la terre" ; donc le latin "silicernium" a lui aussi ce sens, et cette fois c'est "silex" qui remplace le sème 'silence'. Il n'y a plus qu'à expliquer le rapport entre l'interprétation et la réalité, lequel relève de la rétromotivation : il regarde par terre parce qu'il est courbé, ou (d'après la seconde main, très en verve en l'occurrence) parce qu'il guette les cailloux du chemin, voire sa future pierre tombale...626. La citation était donnée plus haut, en 175, 4, pour illustrer un emploi comparable de "iam". Mais le texte donné était légèrement différent ("parens" au lieu de "precor").627. Virg. Geo. 3, 305. On lit habituellement "dum gramina canent" (tant que le gazon est blanc).628. Variation sur le texte de ce passage, que Donat commente à sa place avec la forme "quem egomet produxi".629. Pour nous "tantopere" est indéniablement un adverbe ; la remarque apparemment tautologique de Donat s'explique par le fait qu'il garde le sentiment de l'origine nominale de la forme, qui vient de l'ablatif "tanto opere".630. Il faut donc comprendre que, ici, "peccatum" est un substantif, sujet du verbe "ortum est" (une faute est née <de notre part>), et qu'il n'est pas partie intégrante d'un passif impersonnel "peccatum est <a nobis>" (il a été commis une faute de notre part). Sinon, si les deux formes "ortum" et "peccatum" étaient des participes, il faudrait les coordonner.631. Le bloc des deux lemmes participe du même commentaire. C'est une question de ponctuation et d'interprétation. On peut comprendre soit "si quam fecere, ipsi expostulant" (quans ils ont commis quelque tort, ils réclament eux-mêmes), soit "si, quam fecere ipsi, expostulant" (s'ils réclament contre l'injustice qu'ils ont eux-mêmes commise). Dans le premier cas, "quam" est un pronom indéfini, représentant "iniuriam", et forme un bloc avec la conjonction "si" : c'est ce que Donat veut dire en parlant d'une seule partie du discours (de fait, cela peut s'écrire "siquam" en un seul mot, à cause du caractère enclitique de l'indéfini) ; dans le second cas, "quam" est un pronom relatif. On a le sentiment que la pause requise au lemme 1 avant le segment "ipsi expostulant" plaide plutôt pour la première interprétation.632. L'explicitation n'était sans doute pas nécessaire.633. Micion ne connaît pas Sostrata, la "belle-mère" de son fils. Il ne serait donc pas convenable qu'il aille la rencontrer de lui-même. La proposition d'Hégion de l'accompagner pour faire les présentations est donc de l'ordre de la convenance.634. La remarque semble forcée. Cela serait plus rassurant pour une femme, par nature inquiète et méfiante, d'avoir l'information de la bouche même du père du jeune homme. Mais peut-être faut-il comprendre que Donat interpète ici "tute" non pas comme le pronom personnel sujet de deuxième personne "tūtě" (dont il a déjà dit quelque chose en commentant le vers 290, 2) mais comme l'adverbe "tūtē" (de façon rassurante), dérivé de "tūtus" (en sécurité) : dans ce cas, le vers de Térence se comprend "et que tu dises à la femme la même chose qu'à moi, de façon rassurante", et ce serait de l'emploi de l'adverbe qu'il parle ici. Les deux solutions ("tūtě" vs" tūtē") sont envisageables métriquement.635. La tradition manuscrite de Térence ne fait pas état de cette lacune, qui doit sans doute concerner l'assaut de politesses inutiles des vers 602 et 603. Les exemplaires que lit Donat, avec cette lacune possible, avaient sans doute fait un saut du même au même, en embrayant directement après le "bene facis" du vers 603, au lieu d'embrayer sur le "bene facis" du vers 601.636. Autrement dit, il ne veut pas brûler les étapes : tant que Micion n'a pas entériné le mariage d'Eschine, il est prématuré d'évoquer des liens de famille.637. Une fois n'est pas coutume, le commentaire critique verse plutôt du côté du blâme que de l'éloge. La maxime d'Hégion à l'égard des pauvres est de mauvais aloi. Donat aurait pu, au contraire, la justifier comme une habileté d'Hégion, cherchant une connivence avec le riche Micion.638. Bonne question. On peut en effet comprendre "que tu te justifies toi-même auprès d'elle" ou "que tu le justifies auprès d'elle".639. Les lemmes 2- 4 parlent de l'opposition implicite entre les deux adverbes "coram" et "palam" : "coram" est indifférent au nombre ; en outre, et surtout, il est prépositionnel, au contraire de "palam" qui est un adverbe. Il faut donc préciser le régime de "coram" ("certas personas"), indispensable, alors que "palam" n'a pas besoin de cette spécification, ce qui fait de lui un terme général. Mais justement, ici, "coram" na pas de régime dans le vers de Téérence. Le lemme 2 s'interprète donc comme le complément qui manque. En même temps, Donat fait de la morpho-syntaxe en signalant que le régime de cette pseudo-préposition peut aussi bien être un singulier qu'un pluriel mais aussi que le cas peut être l'accusatif ("praesentem") ou l'ablatif ("praesentibus").640. "Recte" renvoie donc à la correction grammaticale, non à la véridicité de l'énoncé. Les deux critères ne sont pas solidaires.641. Cf. Cic. Off. I, 31.642. En fait le personnage du père n'apparaît que dans la scène suivante. Donat présente comme un tout organique ("hoc loco") le solo d'Eschine (scène 4 de l'Acte IV) et le duo père-fils qui est, pour nous, la scène 5 de l'Acte IV. Comme le monologue d'Eschine est plutôt long et en mètres variés (scène chantée), il est peu probable que Donat la croie effectivement partie prenante de la même scène que le duo père-fils qui suit, long également et en sénaires iambiques. Peut-être est-ce là l'indice qu'il groupait toute cette séquence pour une même séance de cours.643. C'est-à-dire qu'on met un cas pour un autre (anti-ptose). Comme nous le fait remarquer Daniel Hadas, il ne s'agit certainement pas, comme nous le pensions, d'un génitif d'exclamation (cf. G. Serbat, L'emploi des cas en latin, BEC, Peeters, Louvain, 1996, p. 367), tournure très rare, et qui ne se construit pas avec un verbe, mais nous avons bien ici, et dans l'exemple de Virgile, le génitif à emploi locatif. Cet usage est bien attesté avec “animi”. Cf. Kühner-Stegmann, II.1, p. 446-47.644. Le "tantum" du vers précédent laisse croire que "ut" a une valeur consécutive, ce qui laisse attendre automatiquement un subjonctif. C'est d'ailleurs le mode qu'on trouve dans la tradition manuscrite térentienne. Mais comme Donat lit un indicatif, il en fait une notule : si ce n'est pas un "ut" consécutif, c'est peut-être que c'est un "ut" exclamatif, sans corrélation avec le "tantum" qui précède.645. En désignant la maison de Sostrata, d'où est partie tout à l'heure Canthara la nourrice, au moyen du démonstratif de proximité "hinc", Eschine révèle qu'il est à distance zéro de ce point de départ. C'est donc comme une didascalie interne de décor et de déplacement que remarque ici Donat.646. Donat distingue donc l'emploi technique d'"exclamatio", qui désigne un type d'énoncé caractérisé par un ton et, facultativement, certains mots ("o", "quantum", etc.), de l'emploi ordinaire, qui en fait le dérivé d'un verbe dont la base implique le sème 'crier'. De fait, ce que crie Canthara ne relève pas de l'exclamation au sens technique du terme.647. C'est le subjonctif délibératif qui est ainsi commenté.648. Précisément, dans le vers 311 cité de L'Héautontimourouménos, le texte consensuel donne "adducimus". Mais la situation conviendrait bien avec "abducimus", puisqu'il s'agit effectivement de soustraire la courtisane à Clitiphon.649. Première hypothèse pour justifier la structure "ad me domum" (chez moi à la maison) au lieu de "ad domum meam" (à ma maison) : Eschine aime à parler de lui, comme les jeunes gens égoïstes de la comédie, conformément à ce qu'on attend de son caractère ("moraliter") : cf. aussi le commentaire à 692, 2 ; deuxième hypothèse : il dégage un pronom personnel de première personne, et non un simple possessif, pour continuer le parallélisme avec les deux propositions précédentes, qui mettaient en valeur "egomet" : dans ce cas, il s'agit d'un argument implicite supplémentaire pour accréditer l'idée qu'il a acquis la musicienne pour son plaisir personnel : il l'a enlevée ; il l'a payée ; il l'a soustraite chez lui ; dans sa maison <où on l'a vu se battre contre le proxénète>. Encore un élément à ajouter au faisceau de concordances qui se mue en preuve contre lui.650. Donat fait en réalité deux commentaires sur la forme étrange pour ses contemporains "utut". Dans le premier cas, il considère qu'il s'agit d'une conjonction temporelle renforcée, signifiant "exactement au moment où". Dans le deuxième cas, il prend "utut" pour un adverbe indéfini, comme il le faisait dans And. 684, 3. Dans ce cas, il explique que la même chose est dite deux fois : une fois par le mot "res" (une affaire) qui est selon lui défini, et une fois par "utut" (de quelque manière), qui est évidemment nettement moins défini. Contrairement au mot français "chose", le mot latin "res" est beaucoup moins indéfini que, par exemple, l'emploi du neutre. En Ad. 206, 1, Donat souligne que "res" indique ce qui est réel.651. Cf. ses remarques plus haut en 175, 4 et en 589, 1.652. Eschine dit qu'il doit d'abord aller voir ces dames pour se justifier ("me purgem") : c'est précisément ce que Micion est parti faire à la scène précédente (même structure verbale au vers 608 : "te ipsum purgare", avec une hésitation sur le sens, que commentait Donat). Mais peut-être peut-on comprendre tout autrement : "c'est la première chose à faire par rapport à ce qu'on doit attendre d'un père", puisque désormais Eschine est père.653. Cf. le commentaire à ce vers, Eun. 84, 1 et 2.654. Ce qui est en cause, donc, c'est la rupture de nombre entre l'impératif pluriel "aperite" et ce qui paraît être son sujet, le pronom singulier "aliquis". La même rupture est possible en français : "ouvrez, quelqu'un".655. Donat veut dire que Micion entre en scène en terminant une conversation qu'il a eue à l'intérieur de la maison de Sostrata.656. La forme se trouve en prose (Cicéron, Pline...). Mais quoi qu'en laisse entendre DOnat, elle ne se trouve pas en tragédie, apparemment.657. Donat cite ici imparfaitement les vers 52- 54 de cette même pièce, pour lesquels il citait et commentait un texte qui commence par l'adverbe "postremo", et non pas par "denique".658. L'expression "salua est res" s'interprète en effet assez spontanément : "mon patrimoine est sauvé". Or ce n'est pas d'argent qu'il s'agit (lequel, au contraire, a été d'ores et déjà en partie perdu en réparations de portes et de vêtements, lors de l'enlèvement de la musicienne, sans compter d'autres facéties d'Eschine qui sont évoquées ici et là). Le bien dont parle Micion par métaphore, c'est son fils.659. Cf. le commentaire au vers 49.660. Les vieillards de comédie ont la réputation de radoter et de tarder souvent à aller au but. "Seniliter" est donc, dans ce contexte technique, une sous-catégorie de "moraliter" (conformément au caractère), comme par exemple "amatorie" (d'une façon caractéristique pour un amoureux de comédie). Le comique Caecilius, dans un passage métathéâtral, caractérise les vieillards de comédie comme des sots ("comicos stultos senes", Ribbeck, p. 63). Mais le reproche de radotage sénile est un topos, y compris en dehors de l'univers comique : cf. Cic. CM 30, 55, 65.661. Du fait du caractère indéfini de ce pronom.662. "Pauperculae" est le diminutif de "pauperes" : on pourrait penser que c'est le degré de pauvreté qui est diminué et on serait alors moins pauvre en étant "pauvrette" qu'en étant "pauvre". Mais, comme nous le suggère Daniel Hadas, le sens de "nec saltem" ou de "non saltem" est "même pas". Donat veut dire que Sostrata et Pamphila sont rendues encore plus méprisables par l'utilisation du diminutif: ce ne sont même pas des "pauvres" mais des "petits pauvres". La remarque va donc dans le même sens que le reste du commentaire sur le vers 647.663. Il a d'abord dit "opinor" (je crois), avant de rectifier "certo scio" (je sais de façon certaine). "Opinor" était trop bas dans l'échelle argumentative, il est donc révisé à la hausse. Cette rectification est qualifiée d'épanorthose.664. Donat, ici et dans le lemme précédent, est gêné par la tournure "ut opinor non has nosse te et certo scio". Si l'infinitive dépend d'"opinor", la phrase ne fait pas sens à cause de "ut". Première solution, donc, "ut" est superflu et il faut le décompter de l'analyse. La phrase veut alors dire : "je crois que tu ne les connais pas, et j'en suis même sûr". Deuxième solution, "ut opinor" est en incise et l'infinitive s'appuie sur une ellipse, par exemple celle de "scilicet" dans son sens plein "on peut savoir, il est clair" ce qui donne : "à mon avis, <il est clair> que tu ne les connais pas, et j'en suis même sûr". En fait, on a l'impression que Térence a anticipé la fin de sa phrase et mis une infinitive dépendant de "scio" un peu trop tôt : "à mon avis, que tu ne les connaisses pas, j'en suis même certain". A moins que "ut" ne soit exclamatif, ce qui donnerait une phrase assez bizarre du type : "à quel point je crois que tu ne les connais pas (et j'en suis même sûr) !".665. Le raisonnement est le suivant : je sais qu'Eschine a fréquenté toutes les petites femmes faciles du coin ; or je fais semblant de croire qu'il ne connaît pas Pamphila ; donc Pamphila n'est pas une fille facile. Le jeune homme pourrait se satisfaire de cette conclusion. Du coup, pour l'empêcher même de pouvoir se targuer d'aimer une fille honorable (ce qui est le cas), Micion ajoute, pour expliquer qu'Eschine ne l'ait jamais rencontrée, qu'elle vient d'arriver en ville, en sorte qu'on ne peut rien conclure de la moralité de la jeune fille. Au contraire, même, étant donné la fâcheuse réputation a priori qu'ont les étrangères.666. Apparemment, Donat voit une nuance de degré entre "interrogantem" et "percontatorem", le premier plus marqué (du côté de l'interrogatoire), le second plus neutre (du côté du questionnaire). Cette nuance n'est guère sensible pour nous. Mais ce qu'il convient de remarquer, c'est que l'intervention "perge" d'Eschine n'est ni une interrogation ni une question (quelque nuance qu'il y ait entre les deux termes) : c'est une injonction.667. Le texte des vers 645- 646 ("me a foro abduxit modo huc aduocatum sibi") est cité très allusivement. C'est une paraphrase plutôt qu'une citation réelle.668. La syntaxe de Donat prête un peu à confusion ici. On peut supposer que le pronom "illi" renvoie à Micion ("pour éviter qu'il y ait un argument par lequel on puisse lui résister, il..."), mais en prose classique on s'attendrait plutôt à trouver le réfléchi indirect "sibi". Ou alors faut-il comprendre autre chose ? "...pour éviter qu'on puisse résister à cela..." ?669. Cette loi, dite des filles épiclères, existe bel et bien à Athènes. Elle est d'ailleurs utilisée comme subterfuge par Phormion dans la pièce de même nom : cf. Pho. 122 et suivants. Le titre du modèle grec utilisé par Térence, L'Epidicazoménos d'Apollodore de Caryste, est d'ailleurs un titre juridique signifiant "celui qui fait adjuger <une orpheline à son plus proche parent>" et montre combien cette loi est centrale dans l'intrigue de la pièce qui est devenue Phormion chez Térence.670. Donat note implicitement un jeu de mots. Le jeune homme a dit en aparté "je suis mort !" ; Micion fait semblant de ne pas comprendre et demande au jeune homme ce qu'il y a. La réplique d'Eschine peut alors se comprendre de deux façons : 1. phatique : "Rien. Tout va bien. Continue" (il est alors admis entre les deux personnages que l'aparté a été pris pour un toussotement ou quelque chose de non articulé) ; 2. métalinguistique : "Rien. Il est exact de dire 'je suis mort'. Continue" (il est alors admis que Micion a entendu et interprété l'aparté d'Eschine).671. L'aparté, selon Donat, doit donc être court, pour rester dans le vraisemblable.672. En fait un nom de ville au locatif. Le fonctionnement est adverbial (on peut le reprendre par un adverbe comme "ibi" par exemple), mais la morphologie est nominale. Mais pour Donat, le locatif étant résiduel et hors paradigme standard, il est systématiquement traité comme un adverbe de lieu.673. Donc vraiment loin d'Athènes. Cela dit, il ne peut s'agir de la ville d'Ionie, patrie de Thalès et célèbre pour sa pourpre, car cette ville se trouve près d'Halicarnasse, assez au sud sur la côte égéenne de Turquie, et pas du tout sur le Pont (c'est-à-dire la Mer Noire). Milet est le nom de plusieurs villes (une en Crète notamment) ; il s'agit donc d'une moins connue. A moins que Donat ne se soit trompé dans sa géographie ?674. Le problème que veut résoudre Donat, c'est que par la réponse “Nihil”, Micio semble indiquer que les femmes n'ont rien dit en réponse à la proposition de mariage. Mais ce ne peut ête le cas, puisque Micio va dire tout de suite que la mère s'y est opposée. Donat propose donc de comprendre que le “nihil” veut dire non pas “elles n'ont rien dit”, mais “elles n'ont rien dit de positif”. (Note et traduction du segment suggérées par Daniel Hadas).675. Ambigu. On peut comprendre "il ne dit pas encore ce qu'il faut dire" (avec subjonctif délibératif) ou "il ne dit pas encore quelle chose dit <vraiment> Sostrata ,<puisque c'est d'un mensonge qu'il parle maintenant>". Comme souvent on est gêné par les références implicites de troisième personne.676. L'expression embarrassée a gêné Wessner qui proposait des rajouts importants (voir note apposée au etxte latin). Donat reformule "commenta", mais au style indirect : "il dit 'commenta', c'est-à-dire <qu'il dit qu'>'elle a forgé' etc.", d'où l'infinitif "confinxisse" là où on attendrait un indicatif. Mais il a reformulé au même temps. La fin de la scholie est étrange. Certains mss. (VG) ont écrit "uerisimile comminisci" (leçon plausible), comme une seconde formulation indirecte : 1. "fallaciam confinxisse", 2. "uerisimile comminisci" (inventer une chose vraisemblable). Mais c'est plus qu'étrange, dans la mesure où, cette fois, la reformulation se fait au présent de l'infinitif et où, surtout, c'est une tautologie, puisque c'est le même verbe qui est reformulé. Nous pensons donc que Donat dit deux choses de façon ramassée : 1. il y a une reformulation mettant en équivalence sémantique l'énoncé direct "commenta <est>" et l'énoncé indirect "<eam> fallaciam confinxisse uerisimilem" ; 2. Donat signale que "commenta" est une forme de "comminisci", ce qui ne va peut-être pas de soi auprès de ses élèves. Nous préférons donc la leçon "uerisimilem" de KUM qui laisse "comminisci" tout seul, comme une sorte de scholie morphologique autonome.677. C'est-à-dire qu'il rapporte les paroles (supposées) de Sostrata comme il aurait pu les entendre de la bouche de son fils Eschine.678. Ce qui est commenté, c'est le présent "uidentur". Eschine ne demande pas si Micion a trouvé cela juste, en mettant "uidentur" au parfait, mais si, maintenant, il trouve ça juste. Donat fait remarquer qu'Eschine est sous le coup présent de cette fâcheuse nouvelle et que c'est de son indignation présente qu'il est surtout en train de parler.679. On suppose que Donat s'est trompé (ou la tradition manuscrite à un moment de la transmission), et que cet habitant de Lemnos est en fait l'habitant de Milet inventé par Micion pour faire peur à Eschine.680. Est en cause dans tout ce bloc l'interprétation de "postea" dans la réplique "nonne haec iusta tibi uidentur postea". Marouzeau sépare le bloc en deux : "nonne haec iusta tibi uidentur ? postea..." avec interruption de Micion au début d'une seconde phrase. Mais Donat suppose qu'il s'agit d'une seule phrase et tâche de compléter l'ellipse après "postea".681. Sur cet emploi pragmatique de "hodie", cf. le commentaire de Donat, dans cette même pièce, aux vers 175, 4 et 589, 1.682. L'expression se trouve notamment chez Plaute. Mais elle est également attestée à l'époque tardive, même si elle est rare. On la trouve sous la plume d'Augustin et dans la Vulgate. Elle est également attestée chez quelques lettrés, dont Cicéron (chez ce dernier, certes, seulement dans une lettre "Ad familiares"). Nous avons donc à la fois des attestations de cette expression qui montrent que les locuteurs l'employant avaient conscience de son caractère moins soutenu et des attestations dans un contexte moins léger que celui des comédies : Suétone, Varron, Valère Maxime. Le peu d'attestations de l'expression ne permet pas de trancher dans un sens ou dans l'autre.683. Il est difficile d'évaluer vraiment la distinction que fait ici Donat entre "uulgus" et "nos" : le peuple vs nous les lettrés ? En outre et surtout, on ne voit pas spécialement le rapport entre le "postea" commenté (et ses emplois prétendument superflus) et les deux autres locutions proposées. Le seul point commun entre ces exemples nous paraît être dans le fait qu'un adverbe ("mane", "diu") est accompagné d'un autre morphème, la préposition "ab" ou l'adverbe "quam". Faut-il comprendre que Donat analyse "post-eā" (avec un a long, ce qui le rend différent du syntagme "post eă", "après ces choses") comme l'adverbe "eā" précédé d'une préposition ? Dans ce cas, le rapport à "a mane" est trouvé. Mais pour "quam diu" ? Il est en tout cas intéressant de constater que Donat fait de la socio-linguistique, en opposant la langue du vulgaire à d'autres formes de latin, parmi lesquelles "la nôtre", pour laquelle il faut sans doute comprendre le latin de son époque (que nous appelons "tardif"). Il y fait une autre allusion plus loin, au lemme 949, 1.684. La remarque est morpho-sémantique. L'adjectif "durus" laisse attendre une formation adverbiale en "-e", "dure", qui existe aussi ; mais Térence utilise, contre la règle, une forme "duriter". Du coup, Donat y voit une intensité supplémentaire. En fait, les dramaturges anciens (Ennius, Statius, Térence, Afranius) n'emploient jamais "dure" mais toujours "duriter". Il pourrait ici dire que c'est un usage "apud ueteres" et non pas seulement térentien. Notons que dans la glose qu'il fait, il utilise l'expression "dura mente" qui préfigure les adverbes de manière des langues romanes.685. C'est bien huit syllabes en tout, y compris le préfixe (qui en fait un composé) et la conjonction "-que" enclitique. Mais ce bloc insécable de huit syllabes, sans césure possible, est en effet assez rare pour être souligné et Donat, bien qu'il ne fasse que assez peu de remarques prosodiques, ne pouvait manquer d'en dire quelque chose.686. La remarque est à la fois morphologique, dans la mesure où le comparatif analytique "magis aperte" du poète est corrigé en un comparatif synthétique "apertius", et sémantique : le comparatif "magis aperte" (<encore> plus franchement) est justifié par le fait que les deux premières appréciations d'Eschine étaient déjà bien franches.687. Donat évoque ici les sens sexuels des mots de la famille de "consuetudo" et "consusesco", qui orientent vers l'idée de "relations sexuelles" ou de "liaison durable" (souvent extra-conjugale). Il a déjà évoqué cette virtualité de sens au commentaire de And. 439, 2. Cf. surtout le lemme suivant : on voit donc qu'"amor" est à verser du côté de l'instant et de l'instinct, "consuetudo" du côté de la durée et de l'affinité. Quant au vers de Plaute (Amph. 490), il porte non pas "consuetudo" mais "consuetio", forme prouvée par Festus.688. Cette pièce de Caecilius Statius (219- 166 environ), très prolifique auteur de palliata dont on a conservé à peine 300 vers décontextualisés sur un ensemble de plus de quarante comédies, est connue par de trop rares fragments pour qu'on puisse en avoir une idée précise. Le titre grec (ἐξ αὑτοῦ ἑστώς) s'interprète (peut-être) comme "celui qui se maintient sur ses propres ressources", "l'autarcique". Le modèle de Caecilius était une pièce de même titre (évidemment perdue elle aussi) dont on n'a aucune trace, et dont on ne connaît pas l'auteur, représentant de la Néa. Le fragment lui-même est difficile à établir et a été complété, à sa droite et à sa gauche, par des savants modernes. Nous le donnons tel qu'édité par Wessner, sans les crochets qu'il y mettait autour du premier mot (conjecture de Bergk) et du dernier (dû à Estienne).689. Ces "auxiliaires de sens superflus" consistent donc en des polyptotes : on rapproche, comme Térence avec "praesens praesenti", deux formes du même mot : "socius socium", "absens absentem", "fratrem frater". Notons que la fiche que Donat a sous les yeux ne doit probablement comporter que des exemples versifiés, car il ne fait pas figurer l'exemple qui, pour nous aujourd'hui, s'impose en premier à l'esprit : Suet. Tit. 7, 2 "Berenicen statim ab urbe dimisit inuitus inuitam", que Racine a rendu célèbre. Ailleurs, Donat peut aller jusqu'à parler, pour ce type de syntagme, de κακόζηλον : voir Eun. 192, 2 ; 243, 5 ; 722, 3.690. En. 4, 408 et suiv. Le rapprochement est bien artificiel.691. Est en cause dans ce commentaire l'usage, comme complément du nom, au lieu du génitif adnominal standard, d'un datif : "auctor his rebus" ou "imperator Romanis" (chez Salluste). C'est un datif de destination.692. La raison d'être de l'explicitation en grec du mot "auctor" est peut-être dans la polysémie du mot latin. Le synonyme grec (qui figure peut-être dans la pièce de Ménandre) est donc là pour faire comprendre le sens du mot latin parmi quelques autres possibles. Sur le texte même, voir la note apposée au texte latin.693. Donat dénonce une lapalissade de Térence. De fait, on épouse toujours une fille d'une autre famille. Mais peut-être que Térence utilise ici l'adjectif "alienus" au sens de "étranger", "d'un autre pays", terme pour lequel habituellement il utilise l'adjectif "peregrinus".694. En effet, les occurrences de cet adjectif appliqués à la taille concernent des inanimés. On parle de "seges grandissima" (une très grande récolte) chez Varron ou encore de "grandis epistula" (une longue lettre) chez Cicéron.695. "Grandis" qualifiant des classes d'âge signale donc que l'individu approche de la limite supérieure de ladite classe d'âge.696. La question que pose Donat est d'ordre narratologique. Le lecteur, le spectateur et Donat lui-même savent bien qu'Eschine a toutes les raisons de connaître précisément l'âge et la physionomie de Pamphila. Mais nous sommes là au niveau de la fiction de Micion, dans laquelle Eschine n'est pas supposé l'avoir jamais vue. Or il donne ce détail d'âge. Comment le sait-il ?697. Encore une citation textuelle assez cavalière, sans respect de l'ordre des mots.698. Eschine semble plutôt rudoyer son père que le flatter.699. Il s'agit plus vraisemblablement de l'adverbe de manière de "ridiculus". En tout cas, la remarque de Donat est implicitement différentielle : c'est, dit-il, le vocatif, et non pas (implicitement) l'adverbe. La scansion est impuissante à départager les deux points de vue, et les éditeurs de Térence ont plutôt la forme "Ridiculum !".700. Autrement dit, ce n'est pas un pléonasme de Térence, puisque les paroles qui suivent pourraient parfaitement être dites par quelqu'un qui déteste Eschine.701. Donat insiste ici sur les souhaits en "sic/ita... ut" qui indiquent une proportion : "autant j'ai fait quelque chose, autant je souhaite quelque chose". La proposition en "ut" justifie en quelque sorte la demande votive et la proportionne.702. L'amplification réside dans le fait que le verbe "admisisse" est employé avec deux compléments, "me" qui est placé avant le verbe et "in me" qui est placé après.703. Le verbe "pudet" se construit d'ordinaire avec un accusatif représentant la personne qui a honte et un génitif représentant la chose qui suscite la honte. Donc tout porte à croire que l'énoncé signifie "j'ai honte de toi", alors qu'Eschine veut évidemment dire "j'ai honte pour toi".704. Ce passage célèbre de la première Catilinaire joue sur l'indignation, alors que la réplique de Micion se veut une remontrance indulgente. Il faut donc se garder de prendre l'intonation de l'un pour jouer l'autre.705. La manière si tranchée des deux frères d'avoir un caractère foncièrement différent de l'autre est l'objet même de la pièce, presque le projet du dramaturge. Ces deux caractères paradoxaux opposés sont donc, d'après Donat, une gageure oratoire.706. Micion remplace donc un verbe péjoratif possible par le verbe neutre "euenit".707. Pour les modernes comme pour les grammairiens latins, la forme "circumspexti" pour "circumspexisti" (comme par exemple "dixti" pour "dixisti") relève de la forme syncopée. Mais la syncope est pour les Latins une catégorie de métaplasme, à côté de la prosthèse, consonne qui s'ajoute au début d'un mot (par exemple le g de "gnatus"), la parenthèse, consonne ou syllabe qui s'ajoute au milieu d'un mot pour des raisons métriques ("relligio" pour "religio" ou "indugredi" pour "ingredi" par exemple), la prosparalepse, ajout superflu en fin de mot ("accingier" pour "accingi") et quelques autres phénomènes de variantes phonétiques utilisées par les poètes. Les métaplasmes, qui sont souvent traités parmi les défauts de la langue, sont donc les aménagements phonétiques dus à des licences poétiques (voir parmi beaucoup d'autres Probus GL 4, 262, section "De metaplasmis"). Le texte corrigé (voir la note apposée au texte latin) se comprend donc avec un "ou" qui signifie "et par là", le premier terme étant spécifique, le second terme étant générique.708. La scholie, malgré les apparences, porte sur "qua fieret".709. Le passage commenté est en réalité, comme pour le lemme 4, "quod quidem in te fuit", comme on le comprend des deux exemples littéraires qui sont donnés. C'est pourquoi Wessner, comme il le fait habituellement dans ce cas de figure, met des cruces que nous supprimons, car ce n'est pas la restitution du texte qui est problématique mais seulement la place du lemme dans le bloc de commentaire du vers 692.710. Cf. ce qu'il dit plus haut du caractère égoïste des amoureux : 628, 2.711. Il ne nous semble pas que l'adjectif indéfini grec ἄλλου (autre) ait ici un sens catégorisant, au sens de "une autre sorte d'impossible" (l'adynaton n'étant pas catégorisé à notre connaissance) ; il faut sans doute comprendre implicitement "argumentum aliud" (ou "locus alius") ἀπὸ τοῦ ἀδυνάτου avec hellénisation et attraction dans le syntagme prépositionnel de l'indéfini.712. L'ordre des deux formants est libre ; mais apparemment, pour les infinitifs futurs passifs, Donat prone un ordre plus figé qu'ailleurs. Ces formes en "-tum iri" restent plutôt rares dans les textes, de toute façon.713. Autrement dit, il formule un souhait au lieu de formuler un ordre ("imperiose") ; mais cet acte de langage n'en est pas moins efficace, selon Donat.714. La précision de Donat sur le jeu de l'acteur est justifié par l'emploi hors normes de "hem", qui marque habituellement un sentiment pénible. Or ce n'est pas pas le cas ici.715. Tout l'enjeu de ce commentaire qui a gravement perturbé les scribes (voir la note apposée au texte latin) est de définir le caractère paradoxal de l'amoureux qui s'imagine tellement qu'il va être malheureux qu'il pense qu'on se moque de lui quand on lui dit que tout va bien. Or c'était quand il le faisait pleurer (679) que Micion se moquait de son fils, car il savait déjà tout, avait déjà décidé de pardonner et faisait marner son fils avant une leçon de morale bien méritée.716. Argument presque identique en 523, 2.717. Le texte est assez corrompu dans ce secteur, mais il semble que Donat lemmatise une forme "potes" (les mss. de Térence portent plutôt "potest") mais commente une forme "pote", selon une conjecture de Goetz fondée sur le commentaire à Ad. 264.718. La réplique est en fait dans Les Adelphes, 318. Donat a sans dout fait un raccourci dans sa formulation (à moins qu'il ne s'agisse d'un saut du même au même dès l'archétype) en synthétisant ce passage et deux autres qui sont effectivement dans L'Eunuque : 648 : "ego unguibus facile illi in oculos inuolem uenefico" et 740 : "oculi ilico effodientur".719. Le mot "terricula" désigne l'épouvantail. Mais peut-être faut-il comprendre ici, plutôt que d'objets concrets, qu'il s'agit d'histoires qui font peur, comme par exemple celle du "loup de Capoue" évoqué plus haut (voir notre note à 537, 2). Pour se débarrasser de l'image cauchemardesque qu'elles ont sucitée chez l'enfant, elles utilisent une formule du genre "et hop, il est parti, on ne le reverra jamais". C'est ce que fait en tout cas le rival inventé, qui s'embarque et disparaît pour jamais.720. Il faut avouer que le rapport avec l'épisode d'Enée portant son père Anchise sur ses épaules est bien artificiel.721. Donat parle ici de la valeur intensive du préfixe de "defessus".722. La remarque de Donat a une valeur à la fois métrique et grammaticale puisque, sans cette précision, il est impossible de distinguer, absolument et en contexte, les infinitifs des verbes "obsideo" et "obsido", dont les sens sont relativement semblables, à la quantité près des deux voyelles centrales : "obsĭdēre" vs "obsīdĕre". La scansion montre qu'il s'agit bien, en l'espèce, du verbe "obsĭdēre".723. Le tour "secum loqui" peut désigner (et désigne surtout) dans le commentaire le procédé de l'aparté, mais ici Micion parle tout seul. Il sort de chez lui et dit sa réplique peut-être à quelqu'un à l'intérieur, ou bien à soi-même. Mais ce n'est pas un aparté. Il est par ailleurs abusif de dire que c'est une caractéristique ("moris") des vieillards : les esclaves, les jeunes gens, les parasites, les soldats fanfarons, les nourrices, etc., font des monologues ; c'est en fait un procédé d'écriture comique en général.724. Commentaire comparable en 191, 2.725. Pour avoir déshonoré une citoyenne. Le mariage rachète la faute, en quelque sorte.726. C'est non pas le verbe qui est commenté (car on ne verrait pas le rapport alors avec la citation virgilienne, qui n'utilise pas le verbe "ducere"), mais l'emploi de l'adjectif verbal à valeur d'obligation.727. Chez Virgile (Buc. 6, 47), le terme "uirgo" réfère à Pasiphaé, épouse de Minos. Le terme désigne donc soit une vierge, au sens anatomique du terme, soit une femme jeune. On se souvient que Donat a déjà dit que "uirgo" signifiait "mulier" chez les auteurs archaïques en 650, 1 et que "uirgo" est cité comme un nom de classe d'âge en 673, 1.728. Comprendre respectivement "en aparté" et "à haute voix". Donat lie souvent la position "de dos" ("auersus", comprendre "dos à l'interlocuteur") au texte dit "à part". Mais ici on ne voit pas l'intérêt de faire prononcer l'exclamation à part.729. La "varietas" consiste à changer le sujet des trois verbes juxtaposés, quand le poète aurait pu se contenter de trois formes à la première personne.730. Expression qui, apparemment, consiste à proposer des groupes parallèles hétérogènes : le nom "uita" comme comparé sur un plateau de la balance, la proposition "cum ludas tesseris" sur l'autre plateau, comme comparant.731. Remarque morphologique : Donat veut dire qu'ici "forte" n'est pas un adverbe, mais l'ablatif du substantif "fors" (hasard), mis en parallèle avec l'ablatif "arte" dans l'autre proposition.732. Rappelons qu'à ce stade Micion croit toujours que c'est Eschine qui a enlevé la musicienne et non son propre fils Ctésiphon. Il croit donc Eschine bigame.733. Donat se contente de supprimer la proposition "ut uideo tuam ego ineptiam", sans changer le reste de l'ordre des mots. C'est donc ce segment-ci qui semble gêner l'interprétation. Est-ce parce que, ici, la proportion en "ut" est une temporelle et non pas une comparative, comme on s'y attend dans les énoncés votifs en "ita... ut", dont il a dit quelque chose il y a peu (cf. le commentaire à 681) ?734. Quoi qu'en laisse entendre Donat, il y a sûrement une allusion grivoise dans la remarque de Déméa, qui se poursuit avec la mention faite de la jeune mariée. Il plaide plus franchement pour le sous-entendu sexuel aux vers 751 et 752.735. L'épisode célèbre est narré dans L'Enéide, 2, 235 et suivants. La métaphore est donc comparable à celle du loup (la courtisane) qu'on laisse entrer dans la bergerie (la maison familiale).736. D'après Ernout-Meillet, si la distinction entre "ira" et "iracundia" était opérée en théorie par les Anciens, en pratique, les deux termes étaient indifféremment employés. La confusion est notamment constante dans le De Ira de Sénèque.737. De fait, les deux formes existent. La plus conforme aux attentes est "hilarus", réputée archaïque, qui suit (anaogiquement parlant) la même déclinaison thématique que son modèle grec. Et la déclinaison en "-is" est effectivement plus récente puisqu'attestée à partir du premeier siècle de notre ère seulement.738. Reformulation, plutôt que citation, des vers 590-591, qui annonçaient la sortie de Syrus vers quelque taverne.739. Les Anciens ne faisaient pas la différence entre les prépositions et les préverbes.740. Virg. G. 3, 256. Le sujet implicite (au vers précédent) est le sanglier sabellique dont Donat aime parler pour évoquer le sens du verbe "ruere" : cf. les lemmes 319, 1 et 550, 3.741. Le mot (Hom. Il. 2, 305) est en général écrit en trois mots ἀμφὶ περὶ κρήνην.742. La remarque sur l'emploi de "prodeambulare" est quelque peu spécieuse : ce verbe est en effet un hapax de Térence.743. De fait, "sapientia" peut aussi bien être le substantif féminin au vocatif que l'adjectif "sapiens" accordé à l'accusatif neutre pluriel.744. Les deux formes n'en font qu'une ; phonétiquement on obtient en latin une déclinaison mixte "diues, ditis" dont les locuteurs ont analogiquement refait deux flexions régulières complètes. On peut supposer que la remarque a vocation à bien préciser la valeur de la forme "dis", qui pourrait être confondue avec une forme syncopée de "diis", datif-ablatif pluriel de "dei" (les dieux) ; l'énoncé se somprendrait à peu près : "tu serais aux dieux, Déméa".745. C'est la succession de questions très brèves qui laisse à penser que le personnage est ivre certainement.746. C'est-à-dire que Dromon, qui entre en scène en sortant de chez Micion, crie sans voir Déméa quelque chose que Déméa ne devrait pas entendre. D'où la réponse de Syrus : "Abi", "fiche le camp", sans doute en aparté cette fois.747. On ne voit pas ce qui rend Donat si confiant dans l'intelligence du spectateur ou du lecteur. Est-ce simplement la mention du verbe "rogat", qui semble indiquer qu'il ne peut s'agir que du jeune maître de Syrus ? Mais le maître de Syrus est Eschine, non Ctésiphon. En tout cas, c'est bien le nom propre qui déclenche la réaction de Déméa, et il n'est pas sûr que l'indication soit inutile.748. Voir la note à 571, 1.749. Donat explique à mots couverts une règle phonétique : un mot dont le radical finit en n (comme "uinum", "unus", "uannus", "asinus", "suinus") a un diminutif fini en "-llus" ou "-llum". Manière d'évoquer l'assimilation régressive du groupe -nl-.750. Littéralement, "qui s'en va", comprendre "d'une des maisons du décor", donc "qui entre sur scène" ; rappelons que le latin pratique le point de vue des coulisses, au contraire du français qui a adopté le point de vue de la scène.751. Comme le verbe "abire" au vers précédent, le verbe "exire" (sortir) veut dire dans le contexte "entrer sur scène". Rappelons la situation : à la fin de la scène précédente, entendant dire que son fils Ctésiphon est chez son frère, Déméa y est entré à l'improviste et a surpris le jeune homme en pleins ébats amoureux. Il ressort horrifié de chez Micion. Dans le même temps, Micion était en face, chez Sostrata, pour arranger le mariage d'Eschine. Les deux frères se croisent donc à nouveau entre les deux maisons. Du coup, le verbe "pulsare", ici, ne veut pas dire "frapper à la porte" (puisque Déméa ne veut pas rentrer chez Micion, mais vient d'en sortir). Il s'agit en fait d'un claquement de porte.752. Le rapprochement avec "litigauit" prouve que Donat donne à "agam" son sens judiciaire de "plaider". Il comprend donc "que puis-je faire ? que puis-je arguer ?".753. C'est-à-dire dans les Géorgiques, IV, 504 et suivants.754. Il y a là un très curieux excursus, où Donat (re)fait une explication de texte de deux vers de Virgile, dans un parallèle artificiel avec un vers de Térence. Sans doute une trace de son commentaire de Virgile (perdu).755. C'est-à-dire dans le vers commenté de Térence, après l'excursus virgilien qui vient de prendre fin.756. Puisqu'on en est à l'invocation aux dieux et au cosmos entier.757. C'est-à-dire qu'il y a dans l'invocation hyperbolique de Déméa un style para-tragique.758. Le texte habituel de ce vers de L'Enéide (I, 58) porte non pas "principio" mais "ni faciat".759. Donat propose sans doute de séparer "Neptuni" du reste de la phrase ; on aurait alors l'invocation aux trois éléments, puis un début de phrase "Neptuni"... interrompu par Micion.760. On a déjà eu une differentia très comparable en 755, 1 : ce que désigne "ira" est donc conjoncturel, ce que désigne "iracundia" est structurel.761. On remarque que Donat choisit d'employer une périphrase "ab eo quod est ire" plutôt que le simple gérondif du verbe "ire" dans un énoncé intégrationniste. En effet, s'il avait écrit quia "ira ab eundo dicitur", l'explication étymologique qu'il propose par rapprochement phonétique aurait perdu tout son sens. Cette explication (farfelue et isolée) est par ailleurs uniquement fondée sur ce rapprochement puisque l'étymologie d"'ira" est, aujourd'hui encore, peu claire.762. G. 4, 443-444 : le second vers est faux : il faut le pronom "sese" ("ad sese redit" ou "in sese redit").763. Pl. Capt. 655. Le texte habituel, confirmé par Nonius 232, 3 L, qui cite ce même extrait plautinien, est "nuculeum amisi, reliqui pigneri putamina" : "j'ai lâché l'amande et ai laissé en gage les déchets !". Nonius explique que tout ce qui tombe de n'importe quoi, et non seulement les branchages élagués, peut être appelé "putamen", par exemple la coquille de la noix. Par ailleurs, le même Nonius (587, 21 L), dans son livre IV sur la synonymie, explique les divers sens de "putare", parmi lesquels celui de "purgare" ; pour le sens de "animo disputare", il cite en premier lieu le vers de Virgile qui commence par "multa putans", que Donat cite aussi dans ce développement sur "putare".764. Remarque de ponctuation. Soit c'est : "Facete. nunc demum...", "Amusant ; et il vient de sortir, ce proverbe ?", soit c'est "facete nunc demum...", "Tu viens de le trouver facétieusement, ce proverbe ?".765. L'objet du commentaire, comme le montre la comparaison avec le vers de L'Eunuque, est syntaxique : dans les deux exemples, on a une prolepse : le nominatif "filii" se justifie dans la relative (où il n'est pas), alors que, là où il est, on l'attendrait au génitif, l'accusatif "eunuchum" est attiré à ce cas par le pronom relatif dont il est l'antécédent, alors que, pour son propre compte on l'attendrait au nominatif.766. Voir la scholie 114.767. L'archaïsme pressenti est dans la construction transitive de "utor".768. C'est sans doute le sens de "signa" qui résiste à l'interprétation de Donat depuis le vers 821 ; notons tout de même qu'il a l'honnêteté de reconnaître qu'il ne comprend pas toujours ce qu'il est censé commenter. C'est un scrupule qui l'honore...769. L'expression récurrente "ab eo quod praecedit id quod sequitur", habituellement présente sous la forme "ab eo quod sequitur id quod praecedit" (Andr. 49, 1 ; 502, 1 ; Ad. 460 ; Ph. 493) se comprend ainsi : la structure en "ab" rappelle la typologie des arguments ou des lieux ("ab honesto", "a persona", etc.) ; et le complément est une proposition complétive au lieu d'être un nom. Littéralement : "<argument> de ce que ce qui est après est mis avant". Donat, chaque fois qu'il utilise ce tour, signale une anticipation dans le raisonnement ; le locuteur dit un mot qui, en avance sur la chronologie des événements, préfigure la situation suivante. Ainsi quand on dit "iubeo" au lieu de "uolo", car il faut d'abord vouloir avant d'ordonner. Ici, Térence met "dicere" alors qu'il faut comprendre la phase antérieure au discours, qui est la pensée. C'est l'équivalent de l'"hysteron proteron" de la rhétorique grecque.770. Le commentaire signale que les deux jeunes gens ont les mêmes qualités et pourtant des conduites très différentes. Glosant les propos de Micion, Donat cherche à comprendre ce paradoxe. Ce n'est pas dans le caractère, dit-il, mais cela peut provenir 1- de la différence d'âge (Eschine est plus âgé donc plus audacieux), 2-de la licence laissée à l'un des jeunes gens, Eschine en l'occurrence, qui est élevé de façon beaucoup plus laxiste que Ctésiphon.771. Adaptation au pluriel (ou citation approximative) des vers 117-118, dans lesquels seul Eschine était concerné. 772. Selon qu'on lit et édite un indicatif "subuertit" ou un subjonctif "subuertat", la particule "ne" change de statut : particule affirmative ("Oui, tes belles raisons nous mettent tout par terre...") ou particule prohibitive de l'expression de la défense ("Que tes belles raisons n'aillent pas nous mettre tout par terre") ou conjonction dépendant d'un verbe de crainte sous-entendu ("<j'ai peur> que tes belles raisons n'aillent tout nous mettre par terre...").773. Donat semble opposer les deux composés, un par "con-", un par "ex-" (préverbes de sens contraires) ,et les deux verbes "porrigo" (étendre) et "traho" qui signifie parfois "resserrer". La remarque vise aussi sans doute à expliquer "exporge" forme rare et probablement totalement inusitée de ses élèves. Plus haut (482), il a déjà expliqué "uinci" par son contraire. C'est une méthode lexicologique commune.774. Le terme grec, reconstitué par Lindenbrog, est inconnu par ailleurs. Liddell-Scott le signale comme n'étant attesté que dans ce lemme de Donat et juste après en 840, 2. Le terme καλήμερος existe, au sens de "qui connaît un jour de bonheur" ; on déduit donc que μισοκαλήμερος signifie "qui déteste avoir un jour de bonheur" ou "qui déteste ceux qui ont ne serait-ce qu'un jour de bonheur". La formulation de Donat laisse entendre qu'on a affaire à un type de misanthrope, un "caractère" particulier. Mais il n'a guère laissé de trace dans la tradition.775. "De" est superflu au sens où l'expression "nocte" (ablatif de "nox" employé adverbialement) existe en latin. Mais, dans les faits, les deux expressions "nocte" et "de nocte" sont toutes les deux attestées.776. On a deux explications contradictoires sur le tour "cum primo luci". L'une (la seconde) plaide pour un emploi de "lux", mais au masculin d'une part et à une forme d'ablatif qu'on n'attend pas. Le latin classique dirait "cum prima luce" ; l'autre (la première) propose sans doute de voir dans "luci" une forme de génitif de "lucus", qui signifie "bois" et que les étymologies des Anciens associaient systématiquement à la famille de "lux" par antiphrase. Le sens, ici, serait purement et simplement celui de "lumière", "cum primo luci" s'interprétant "avec le début de la lumière". En fait, "luci" est une forme de locatif de "lux" qui signifie "à la lumière du jour" et "cum primo" est un adverbe intensif "dès que possible" ; d'où "demain matin à l'aube". Une explication plus consensuelle consiste à dire que "luci" est adverbialisé (comme "uesperi" ou "mane") et que, du coup, il supporte d'être déterminé (ici par "primo"), mais avec le genre neutre.777. L'énoncé de Térence n'est pas compliqué et ne semble pas mériter de reformulation. Sauf si c'est une remarque sous-jacente d'orthographe. En effet, Térence a utilisé une forme archaïque d'impératif de "facio", au lieu de "fac" (voir la scholie 482, 3 et la note apposée). Il en résulte que la succession "face te", dans le cadre d'une scriptio continua où les mots ne sont pas séparés, pourrait être prise pour l'adverbe "facete", "avec humour" . La reformulation, qui fait clairement apparaître un impératif, lève donc une ambiguïté orthographique.778. A préfixe égal, l'idée de 'tirer' qui est dans "abstraham" implique davantage de violence que celle de 'conduire' qui est dans "abducam".779. Il s'agit d'une remarque de syntaxe. "Ligare" peut s'employer avec un simple COD, mais non "adligare" qui réclame un COD et un complément circonstanciel de lieu en "ad" + acc. (éventuellement métaphorique).780. Bien qu'il n'ait pas utilisé ici la formule "ab eo quod sequitur id quod praecedit" (ou "ab eo quod praecedit id quod sequitur"), Donat signale implicitement un argument par inversion de la chronologie. Cf. la note au commentaire au vers 823, 2.781. "Meridie" (à midi) est pour Donat un adverbe, mais dès qu'il est déterminé par "ipso", il est traité comme un nom. En fait, comme l'indique le lemme suivant, c'est un nom (dont il donne la forme d'accusatif) qui, à l'ablatif locatif, fonctionne comme un complément de temps.782. On connaît mieux l'échange D/L, qu'on observe dans des emprunts au grec ("lacruma" pour "dacruma", "Ulixes" pour "Odysseus") ou dans des séries latines ("olere" / "odor"). Dans le cas de "meridie" (qui vient effectivement de "medidie"), il s'agit d'une dissimilation qui évite la répétition du même phonème dans un contexte très court.783. "Excoquo", dont "excoctus" est le participe, signifie littéralement "faire sortir par la cuisson, faire cuire". La sécheresse est une conséquence de ce procès.784. C'est-à-dire que le relatif qui est inclus et figé dans la conjonction "quin" peut être restitué à n'importe quel cas selon la construction. Ici, de fait, "quin" inclut un datif (complément implicite de "adportet").785. Donat a utilisé il y a peu et à d'autres fins (cf. le lemme 843, 2) ce passage de Lucilius. On a une nouvelle preuve de la méthode de Donat, qui réutilise une donnée dont la "fiche" est encore sur son "bureau". Ici, il l'exploite (très légitimement) pour illustrer l'emploi, qu'il qualifie d'archaïque, de l'accusatif de l'objet intérieur : Térence dit "uitam uixi" (j'ai vécu une vie), Lucilius dit "pugnauimus pugnam" (nous avons combattu un combat).786. Ce qu'il fait : "omitto..." ; pourquoi il le fait : "quam ob rem ?". Les éléments sont dans cet ordre au vers 860.787. Cicéron, CM 83 : "quasi decurso spatio ad carceres a calce reuocari" (une fois parcourue toute la piste, être rappelé de la ligne d'arrivée au box de départ) s'est souvenu de Térence, et Donat s'est souvenu de Cicéron. La réminiscence implicite est notamment dans l'expression "ad calcem".788. L'énoncé "complet" restitué par Donat donne, en traduction : "Et pourquoi <le ferais-je> ? <Si quelqu'un me le demandait, voici ce que je dirais :> j'ai trouvé...".789. De fait, l'Acte V est indéniablement celui de Déméa.790. Même étymologie et formulation très voisine en 42, 2.791. C'est un des effets de la "varietas" qui a été louée au lemme 1 de ce vers. Les "noms" sont en fait les adjectifs "clemens" et "placidus", les verbes sont les syntagmes à l'infinitif qui prennent leur suite. Sur la grécité de ce procédé, on peut s'appuyer sur une remarque de Priscien (GL 3, 186) qui note, à propos de diverses figures de syllepse et de "transitio" : "Graecorum quoque auctores frequenter huiuscemodi utuntur figurationibus" (les auteurs grecs aussi usent fréquemment de figures de cette sorte). Ici, comme souvent, Donat utilise le verbe "transire" pour l'expression technique "transitione uti" ou "transitionem facere", remplaçant un terme nettement technique par un verbe qui l'est moins.792. Pour définir la figure d'ἀναδρομή, Donat utilise le verbe "recurrimus", qui décalque la forme interne du technicisme grec, lequel implique par son préfixe l'idée de retour et par son radical l'idée de course. Sa construction avec le supin "repetitum" fait de lui un verbe de mouvement strict ("nous courons en arrière"), plutôt qu'un verbe de sens métaphorique ("nous re-courons à"), d'où une traduction assez littérale.793. Donat voit une asyndète stylistiquement marquée, qui nous semble inutile : le groupe sujet étendu du vers 866 "ego ille agrestis, saeuus, tristis, parcus, truculentus, tenax", s'articule directement sur le syntagme verbal "uxorem duxi". On peut donc supposer que Donat ne lisait pas exactement le même texte que nous et qu'il voyait peut-être un verbe "sum" dans le vers 866 : "moi je suis ce paysan, grossier, etc.". Dans ce cas, c'est une nouvelle indépendante qui commence au vers 867 et on peut parler d'asyndète.794. Donat remarque que l'adverbe anaphorique de lieu "ibi" semble reprendre le substantif "uxor" (épouse) : comme si l'on disait en français "j'ai pris femme : j'y ai connu bien du malheur". Même remarque sur un problème de référence personne-adverbe au lemme 949, 1.795. Scholie comparable en 470, 3 : l'asyndète produit un effet d'accumulation.796. C'est ainsi que Donat appelle les emplois instrumentaux non prépositionnels de l'ablatif. C'est ce qu'explicite la seconde main. "Potior" gouverne l'ablatif, mais des emplois transitifs se trouvent en langue archaïque (cf. l'exemple d'Accius).797. Trad. de J. Dangel dans son édition CUF, 2002, p. 166.798. Comprendre "un père géniteur".799. Ce que Donat appelle syllepse ici (une syllepse de cas implicitement, comme au lemme 857), c'est l'emploi de l'accusatif "illum" en prolepse, alors que le pronom fonctionne comme le sujet de la complétive.800. Le lemme 4, au-delà de la seconde main mal placée, continue directement le propos précédent, en l'enchaînant sur "partes". Donat suppose qu'il faut sous-entendre "non feram posterioris partes" et comprendre "je n'endosserai pas le rôle d'un subalterne, <mais celui du protagoniste>".801. S'il est logique qu'un esclave parle de son patron en le désignant du nom d'"erus", sans déterminant ("le patron"), car, dans la situation d'énonciation, ce nom relatif n'a pas besoin d'être rapporté à la première personne, il n'est pas logique en revanche qu'il dise "frater" pour désigner Micion : car, toujours à cause de la loi des noms relatifs, cela revient à dire (sauf indication) "mon frère". On comprend donc que la caractéristique de la parlure servile remarquée ici consiste à se sentir à ce point de la famille des maîtres qu'on s'identifie à eux. Ici, Syrus est de la même fratrie que Micion et Déméa, pour ainsi dire.802. "Quid fit ? "et "quid agitur ?" laisseraient attendre des réponses en pronoms ("illud fit", "illud agitur") et non en adverbes. Donat signale donc le caractère phatique et conventionnel de telles maximes conversationnelles.803. Donat signale un aparté.804. Comme on oppose l'inné, avec tout ce qu'il a de structurel, à l'acquis, conjoncturel, Térence oppose ici la nature (profonde) à l'habitude (plus superficielle).805. Sur ce texte, très mal transmis, voir la note apposée au texte latin. Donat commente ici le jeu de Déméa qui a décidé de jouer le gentil. Il a donc changé d'attitude au point de saluer poliment un esclave, alors qu'il ne saluait même pas son propre frère au début de la pièce. Voir 41, 2. Les trois énoncés dont il est question ici sont les trois formules de politesse qu'il a essayées sur Syrus, au grand étonnement de ce dernier. Du coup, on comprend que Déméa feint d'avoir été méchant par jeu alors qu'il est au fond gentil, mais nous savons, nous, que c'est exactement l'inverse : c'est quand il est gentil qu'il joue la comédie.806. A ne pas confondre donc avec le syntagme nominal "prope diem", "près du jour". Il s'agit d'une remarque de ponctuation, l'hyphen (ὑφέν) étant un signe en forme d'arc renversé qui sert à préciser qu'il faut lier dans le même mot deux lettres, et qui permet de lever des ambiguïtés. Par exemple Diomède GL 1, 434, 36 : "his adiciunt hyphen, cuius forma est uirgula sursum sensim curuata subiacens uersui et inflexa ad superiorem partem ˘. hac nota subter posita utriusque uerbi proximas litteras in una pronuntiatione colligimus (...) ut est 'Turnus ut anteuolans' et 'antetulit gressum' et 'quam simulac tali persensit p(este) t(eneri) / c(ara) I(ouis) c(oniunx)' et apud Sallustium 'iam primum iuuentus simulac belli patiens erat' : 'simulac' hyphen legendum. est enim una pars orationis (on ajoute à ces signes celui de l'hyphen, dont la forme est celle d'une virgule placée au-dessus et légèrement recourbée qu'on met sous le vers et qui est orientée vers le haut : ˘. Avec ce signe placé au-dessus de chacun des deux mots concernés, nous rassemblons en une seule prononciation deux lettres adjacentes (…), comme dans "Turnus ut ante˘uolans" et "ante˘tulit gressum "et "quam simul˘ac tali persensit" etc. et chez Salluste "iam primum iuuentus simul˘ac belli patiens erat" : il faut lire "simulac" d'un seul tenant car c'est une seule partie du discours). Dans le cas fréquent de scriptio continua, l'hyphen permettait de distinguer "simul ac" la conjonction de "simul + ac", adverbe + coordination. Le signe complémentaire est la diastole, qui oblige au contraire à dissocier des éléments qu'on pourrait croire associés, ainsi dans la fin de vers virgilienne (qui amuse beaucoup les grammairiens et, sûrement, leurs élèves) "conspicitur sus" (Aen. 8, 83), avec une diastole après "-tur" pour comprendre "une truie est aperçue", et non pas "conspicit ursus" (un ours regarde).807. Contextuellement, malgré le masculin "ducente deo", c'est Vénus le guide d'Enée dans cet épisode.808. Cf. les lemmes 523, 2 et 698, qui exploitent tous deux cet adage tiré de L'Andrienne 60, également cité en Andr. 455, 2.809. Les deux frères s'étaient réparti les rôles : l'un était le père naturel ("natura"), l'autre, le père adoptif, était le père de cœur ("animo") : cf. le vers 126 (avec la variante "consiliis" pour "animo"). Mais ici, Déméa s'arroge le double rôle.810. Il n'est pas clair de savoir s'il s'agit du mérite du dieu Hyménée, qui a codifié le mariage, ou de celui des jeunes filles qui sont arrivées vierges au mariage. De fait, un peu plus loin, Donat évoque des "nuptiae seniles", un "mariage de vieux", qui s'oppose aux "nuptiae uirginales" de ce lemme. Sans doute ne chante-t-on Hyménée que dans les noces virginales, pour célébrer le caractère virginal de l'union.811. Le texte plautinien est généralement édité avec "quos" (deux fois) à la place de "quid", ce qui ne change rien au sens.812. Il s'agit d'un certain Summanus, affranchi borgne, ici présenté effectivement au pluriel.813. "Maceries" ou "maceria" est mis ici en rapport étymologique avec "macerata", qui veut dire "humidifié". On peut donc comprendre que le matériau est de la terre glaise humide et malléable, un torchis qui sèche à l'usage.814. Il aurait pu écrire "fratris aedes", la maison de mon frère, mais Donat juge plus élégant le datif "fratri aedes" etc., "pour mon frère, la maison sera ouverte aux quatre vents".815. Les deux phrases qui se suivent semblent contradictoires : le dit-il à Micion ou en aparté ? En réalité, les deux : Micion n'est pas sur scène, mais c'est bien à lui, en son absence, que Déméa s'adresse à mi-voix.816. Sur le texte controversé de ce passage, voir la note apposée au texte latin.817. La phrase "complète" reconstituée par Donat est donc : "dignos uos esse quibus fiat arbitror", "j'estime que vous méritez que cela vous arrive".818. Comprendre le mariage de Micion avec Sostrata, qui est l'ultime rebondissement que Déméa a en tête et qui va être l'objet de cette scène.819. Il s'agit plutôt d'un facteur commun que de ce que les modernes appellent un zeugme.820. Même exemple (Virg. Aen. I, 16) mais remarque légèrement différente au lemme 352, 3.821. Déméa ne souhaite pas dépouiller Eschine(qui est son fils naturel mais aussi le fils adoptif de son riche frère) de la part d'héritage qui lui reviendra à la mort de Micion. Il ne faut donc pas que Micion procrée. L'argument du grand âge et de la stérilité de la future épouse de Micion est donc un argument de bon père : ce mariage aura pour conséquence de pourrir la vie de son frère, célibataire endurci, sans léser Eschine.822. Du moins, si elle l'est aujourd'hui en raison de son âge, elle ne l'a pas toujours été, puisqu'elle est mère de Pamphila. L'emploi du présent est bizarre, sauf si l'on donne à l'adjectif "sterilis" le sens de "stérile de naissance".823. Subtile remarque didascalique de Donat : la répétition inutile du pronom "te" dans les deux infinitives est un indice qui lui donne raison. Il y a là en réalité deux sujets différents car Déméa change d'interlocuteur en cours de phrase. La seconde partie, dos tourné à Micion, signale implicitement un aparté d'où Micion est exclu.824. Formulation et analyse comparable à la scholie 696, 2.825. Remarque de morphologie visant à désambiguïser : "ineptis" est une seconde personne de verbe et non une forme syncopée du substantif "ineptia". 826. S'il ne s'agit pas d'une simple remarque d'éditeur de texte ("il faut éditer 'sis' et non pas 'sies', forme qui ne semble pas apparaître ici dans les mss. de Térence), Donat fait remarquer que Térence emploie une forme "moderne" "sis" au lieu de la forme archaïque "sies", plus fréquente chez lui, et qu'on trouve dans cette même pièce aux vers 684, 852 et 890, contre un seul emploi (outre celui-ci) de "sis" en 511. Mais comme pour lui, en 511, il s'agit de "sis" adverbe au sens de "s'il te plaît" (sur cette erreur, voir notre note ad loc. en 511, 3), il voit ici le seul emploi de cette forme de subjonctif, contre trois emplois de "sies", d'où sa remarque, assez elliptique au demeurant.827. Donat formule assez justement la valeur du potentiel qu'a ici utilisé Térence. Voir aussi la scholie 5 du même vers.828. On trouve là les questions fondamentales de l'exégèse littéraire, qui fondent les bases du commentaire.829. Etymologie comparable au lemme 264, 3.830. Il faut donc comprendre soit "age prolixe", "agis généreusement", soit "age ; prolixe" ; "allons ; avec empressement <sois des nôtres>".831. Donat, avec son acuité habituelle, décèle un manque dans l'information. En effet, ce projet dément de marier Micion et Sostrata est surgi sans préparation du cerveau de Déméa qui semble vouloir venger là toutes les rancœurs accumulées depuis l'enfance contre son frère. Mais a-t-on songé à s'enquérir du consentement de Sostrata. A ce "problème" exégétique (πρόβλημα), Donat propose la solution (λύσις) de l'évidence : la pauvreté de Sostrata s'accommodera inévitablement de ce mariage forcé.832. Au lieu de citer un exemple littéraire, comme à chaque fois, Donat cite un exemple de la conversation courante, relevant donc du latin de son époque. C'est assez rare pour être signalé : cf. aussi ci-dessus le lemme 660, 3. On reconnaît ici le goût du latin tardif pour le cumul "ecce" + démonstratif, qui est à l'origine des séries démonstratives de plusieurs langues romanes (par ex. a. fr. "cil" ou "cist" ou "ce").833. Térence dit quelque chose comme "ce domaine que tu loues au dehors" pour faire comprendre "que tu loues à quelqu'un du dehors". L'adverbe se trouve donc référer à une personne, pour laquelle on attendrait donc un pronom. Il a déjà fait une remarque comparable au lemme 867, 2.834. Il s'agit donc d'une étymologie "fruor" < "frumen".835. Donc "noster est" annule avant même qu'elle soit formulée la question "quid mea ?", "en quoi cela me concerne-t-il ?", puisque "noster" implique "mea".836. Cf. le commentaire à L'Eunuque, lemme 275, 2.837. Comme il ne va pas de soi que l'acariâtre Déméa soit bon, il faut apparemment jurer par Pollux qu'il l'est. Le serment vient donc pour attester une affirmation paradoxale.838. Le pédagogue était l'esclave qui s'occupait de l'éducation des enfants.839. Déméa a déjà prononcé la formule qui libère Syrus de l'esclavage au vers 960. Mais ici c'est Micion qui prononce la formule performative, car c'est lui le maître de Syrus. Il n'y a donc pas de redite. 840. Ce vers (Curc. 548) est juste après le vers 546 que Donat a exploité au lemme 907 : encore une preuve de sa méthode de travail ?841. Raisonnement lexicologique très abusif...842. "Istoc" est un déictique, dans une expression comparable à "autant que ça !" (en claquant son ongle sur ses dents). Comme c'est un déictique, Donat se demande ce que le locuteur "montre", et il propose un flocon ("floccum") ; il s'agit d'un de ces mots exprimant la très petite quantité ou la très faible valeur (comme en français "mie", "goutte" ou "point") et s'associant à une négation pour faire une négation composée. "Floccum" est de ces mots forclusifs en latin.843. La solution à ce dilemme est donc dans l'emploi du futur : Micion continue à refuser pour l'instant, mais on garde l'espoir qu'il le fera sous peu. Sont donc préservés en même temps le vraisemblable et la fin heureuse (pour Syrus en tout cas).844. "Prolubium" (de la famille de "lubet/libet") renvoie à l'idée de caprice ; προθυμία à celle d'empressement et de désir. L'idée d'empressement à dépenser est strictement contextuelle et n'appartient pas aux sèmes spécifiques des deux mots cités.845. C'est-à-dire qu'il est bien que, dans une comédie de caractère, les caractères soient tenus d'un bout à l'autre. Le misanthrope doit donc rester tel.846. Il s'agit d'appariements de contraires sans liaison (comme en français "bon an, mal an"). Donat pouvait aussi citer "ioca seria". Ce sont des types de tournures héritées de l'indo-européen (et qui s'apparentent aux dvandva su sanskrit), et des syntagmes lexicalisés plutôt que des proverbes au sens strict.847. Moins, plus, trop peu : on est toujours dans des structures comparatives, mais on oriente l'échelle tantôt vers le haut, tantôt vers le bas. Il en résulte de la variété, qu'il appelle ici non pas "uarietas" comme souvent, mais du terme grec correspondant. Pourquoi ?848. hunc dans les ms de Térence.849. La place du lemme 28, 3 "aut ibi" pose problème. Le texte consensuel des éditeurs de Térence fait figurer "aut ibi" au début du vers 29. Mais il se peut que Térence lise un vers 28 sous la forme "profecto hoc uere dicunt : si absis uspiam aut" et ne fasse commencer le vers 29 que sur "ibi". Cela est indifférent métriquement pour le vers 28 et légèrement moins bon pour le vers 29, pour lequel "ibi" doit alors être scandé comme un iambe, sans l'abrègement iambique attendu. Quant à la place d'un monosyllabe en fin de vers ("aut" dans le cas présent), c'est une caractéristique de Térence, qui pourrait plaider en faveur de la lecture reconstituée de Donat.850. La forme "insueuerit" des manuscrits de Donat est amétrique : on trouve chez Térence la forme syncopée "insuerit".851. Chez Térence on lit "credo" ; "puto" rend le vers amétrique.852. Les éditeurs de Térence éditent plutôt "dum is rescitum iri credit" : le sens est le même.853. Ou "ipsus" : indifférent métriquement.854. Ou "ehem", métriquement indifférent.855. "mulcauit" chez Térence.856. "quot" chez Térence.857. Ordre différent chez Térence : "nullum huius factum".858. "consiliis" chez Térence.859. Térence : "ah si pergis".860. Térence : "nec nihil".861. On lit chez Donat soit "deferuisse" soit "deferbuisse" selon les lemmes. Ce sont des variantes morphologiques du même verbe. On lit aussi chez Térence (et Donat le fait remarquer à la scholie 5) "deseruisse", qui oblige à comprendre tout autrement.862. "quamquamst" ou "quamquam est" chez Térence ; indifférent métriquement et sémantiquement.863. Donat connaît deux leçons, "nihil" et "nihili". Nous éditions "nihil", qui a sa préférence. Voir note apposée au texte français.864. Chez Térence "enim" au lieu de "at enim".865. Dans son lemme, Donat omet "ergo" ; plus loin, dans la scholie 199, 4, il cite cette portion (sans doute allusivement, comme souvent) sous la forme "ipsum istuc uolo experiri". Difficile d'établir ce qu'il lisait réellement.866. Un lemme entérine la présence du pronom "tu" (abrégé) mais la citation que fait Donat de ce vers à la scholie 800, 1 est "regnumne Aeschine hic possides ?". Des variantes térentiennes donnent aussi l'ordre "tu hic".867. Var. : "sim".868. Var. : "ego tibi".869. Wessner, suivant une grande partie de la tradition térentienne, place les vers 199-200 dans l'ordre que nous donnons ici. Notons qu'une autre partie de la tradition (et aussi des éditeurs modernes, par exemple Marouzeau) les inverse et qu'il est possible que Donat les donne dans l'ordre 200-199 si l'on suit l'ordre de ses scholies dans les manuscrits. Difficile néanmoins de se faire une opinion stricte là-dessus, tant l'ordre des vers suivi dans le commentaire est souvent l'objet de turbulences.870. Var. : "ferre".871. Var. : "occeperis".872. On lit aussi bien "ac tum" en deux mots, ce qui se comprend "et règle l'affaire au moment où...". Mais Donat lit "actum agam", dont il fait un proverbe. Nous éditons donc "actum" en un seul mot.873. Il faut éditer "periclum" pour que le vers soit juste. Mais les mss. de Donat ont la forme non syncopée.874. Ou "defrudet" (simple variante graphique, indifférente métriquement). Mais Donat lit, d'un lemme à l'autre, un indicatif ou un subjonctif. Nous éditons le subjonctif, qu'on lit habituellement chez Térence.875. Les éditeurs de Térence éditent en général le passif "reddatur" au sens de "que mon dû me soit rendu". Les deux possibilités sont métriquement acceptables.876. On édite d'ordinaire "homini nemini".877. "hem" edd.878. "quaero" edd.879. Var. "tristitiem".880. Var. "quo". Donat lit les deux formes alternativement dans son commentaire881. Var. "deos".882. Var. "es".883. Var. "quando hoc bene successit".884. Var. "quom". Donat a à la fois la forme "quod" et la forme "cum", d'un lemme à l'autre.885. Les mss. de Térence ont l'ordre "omnia omnes".886. Donat et certains mss. de Térence font figurer un "se" (indifférent métriquement) à côté de "circumuallant", d'autres l'ignorent. Le sens est meilleur sans le pronom, dont la présence gêne manifestement le commentateur, dont le propos est, ici, assez embarrassé.887. Var. "saeclum".888. La leçon habituelle a l'indicatif "loquitur" ; de fait, le subjonctif est amétrique.889. Térence : "mihi id".890. Var. "sublimem".891. Il faut pour la métrique corriger le "perimus" de Donat et des manuscrits térentiens en "periimus".892. Térence : "omnium uitam".893. Térence : "non potis est esse".894. Térence : "testis mecum est".895. Térence : "conscia mihi sum".896. Térence : "dicis" plutôt que "dicas". Le texte de ce vers est mal assuré.897. Ou "potest", selon les manuscrits.898. Var. dans les mss de Térence : "adfuisse" (indifférent métriquement et sémantiquement).899. Var. dans les mss de Térence : "nequitiem" (indifférent métriquement et sémantiquement).900. Var. dans les mss de Térence : "ehem" (indifférent métriquement et sémantiquement).901. Var. dans les mss de Térence : "tantisper" (indifférent métriquement et sémantiquement).902. Var. dans les mss de Térence : "placent" (indifférent métriquement et sémantiquement).903. Le texte habituel de Térence est "pudet pigetque". Donat inverse l'ordre des verbes dans le lemme, mais il traite ensuite, dans son commentaire, d'abord de "pudere" ensuite de "pigere". Dans le doute, nous rétablissons le texte habituel.904. Le pronom "tu" n'a pas l'air de se trouver dans le texte que lit Donat. Mais, comme il lui arrive de temps en temps d'oublier un mot dans une séquence donnée, on ne peut pas en être sûr.905. Var. dans les mss de Térence : "sex totis" (indifférent métriquement et sémantiquement).906. Var. dans les mss de Térence : "coeperet" (indifférent métriquement et sémantiquement).907. Var. dans les mss de Térence : "oho ! lacrimo gaudio". La variante de Térence "lacrimor" (déponent) au lieu de "lacrimo" est indifférente, mais avec la préposition "prae" le vers est faux (sous réserve de ce que Donat lisait entre "indigna" et "lacrimor" et dont il ne nous dit rien). On trouve "prae" également dans le commentaire d'Eugraphius.908. Var. dans les mss de Térence : "phy!" (indifférent métriquement et sémantiquement).909. Var. dans les mss de Térence : "speculum in uitas omnium". Le texte présenté par Donat est métriquement faux.910. Var. dans les mss de Térence : "usus sit". La forme "opus siet" est possible si on scande "opu'".911. Var. dans les mss de Térence : "obtemperet". Donat cite le vers avec l'indicatif (que nous citons) au commentaire au vers 769, 2.912. Le mot "iam" ne figure pas dans le lemme commenté : c'est sans doute un autre cas d'oubli d'un mot dans une série un peu longue.913. Variante dans les manuscrits de Térence : "facinus".914. Variante dans les manuscrits de Térence : "nihili".915. Variante dans les manuscrits de Térence : "periimus".916. Variante dans les manuscrits de Térence : "functus officium est".917. Variante dans les manuscrits de Térence : "quid".918. Variante dans les mss. de Térence : "ipsus".919. Variante dans les manuscrits de Térence : "ut captust seruolorum".920. Donat lit "ita faciam" au lieu de "nitar faciam" qu'on trouve dans les mss. de Térence. Le remplacement de "nitar" par "ita" (sans préjuger de ce que Donat lisait au début et à la fin du vers) rend le vers faux. Comme "ita" n'est pas l'objet du commentaire, il est possible qu'il procède d'une mauvaise lecture par un scribe ancien de "nitar".921. Les mss de Donat hésitent entre "hic" et "hoc" et Donat, de fait, parle de la forme "hoc" en 507, 4. Nous éditons donc "hoc".922. si qui ed.923. Variante: "in mentem".924. sit ed.925. Les lemmes du commentaire semblent offrir trois lectures différentes : "ne ego infelix sum" ; "ne ego homo sum infelix" (confirmée par la scholie 789, 4) et peut-être "ne ego sum infelix". Le même vers offre de multiples variantes dans les mss. de Térence. Nous éditons le texte du premier lemme de Donat, qui, tel quel, n'est pas métrique, sauf à savoir exactement ce que Donat lisait entre ce début et la fin du vers, également mis en lemme.926. Chez Térence, on a "non tu eum rus hinc modo / produxe aibas".927. nouerim edd.928. Var. "bene".929. "Aeschinus otiose cessat" edd.930. ortum est edd.931. expostules edd.932. Chez Térence, on a "illam".933. La tradition manuscrite donne "claudier" ou "claudere".934. "certum siet" edd.935. Les éditeurs de Térence ont "iam", que Donat signale à titre de variante.936. Var. "istas".937. Le texte de Térence n'a pas "esse", qui rend le vers amétrique. Mais la scholie 660, 1 le fait apparaître dans les mss. de Donat (contre Wessner : voir les notes apposées au commentaire original et traduit à cet endroit).938. Var. "atque etiam si est pater / dicendum magis aperte".939. Les ms. de Térence ont "illa", mais Donat cite "illam" à titre de variante, texte qu'il est le seul à donner.940. Var. "ridiculum".941. Les mss. de Térence ont "ista". La forme donnée par Donat est amétrique.942. Var. "mihi ipsum".943. Variante "proloqui".944. Chez Térence : "num nunc".945. Var. "potest". Donat paraît lire aussi une variante "pote".946. Var. "escendit".947. Var. "sunt".948. Chez Térence, "hic" appartient au vers suivant. Il semble faire partie du vers 708 dans les mss. de Donat, quoique la chose soit difficile à établir définitivement.949. Var. "O".950. "Fieri" n'est pas chez les éditeurs de Térence. Mais on ne sait trop ce que Donat lisait autour. En tout cas, tel quel, le vers est amétrique.951. Var. "ipsa re".952. Var. "tibi istuc".953. L'ordre des mots chez Térence est "quin iam uirginem" en fin de vers 734.954. Var. "hominum".955. "Ita" ne figure pas dans le lemme de Donat. Il est dans le texte de Térence. On peut supposer que Donat, comme cela lui arrive, a cité sans exactitude.956. On a les deux variantes "hilarum" et "hilarem" dans les lemmes du commentaire et dans la scholie. Nous choisissons "hilarum" qui est réputé par Donat être la forme archaïque.957. Var. "fundis".958. Var. "potatis".959. Var. "huc".960. Var. "quo".961. Var. "abit".962. Var. "comissatorem".963. Var "ilicet".964. Variante "nata oratiost" dans les manuscrits de Térence et chez Donat même dans la scholie 803.965. On ne sait où Donat plaçait la forme "tollebas", qui ne figure pas dans son lemme ni dans la scholie.966. Var. "quo".967. Var. "inesse in illis".968. Var. "ad omnia alia".969. Le dernier mot du vers n'est pas cité par Donat dans le lemme, qui le saute.970. Donat lit soit "subuertat" soit "subuertit" selon la valeur de la particule "-ne", objet du commentaire 835, 2.971. Var. "tempus fert".972. Le pronom "ego" est sauté dans le lemme de Donat.973. Difficile de dire, faute de le voir inscrit dans un lemme, si Donat lit "hilarum" ou "hilarem" dans ce vers, mais dans son commentaire il utilise une reformulation avec l'adjectif "hilaris", qui pourrait nous faire préférer la forme "hilarem". Voir sur cette question les scholies 522 (citant le vers 287), 755, 3 et 756, 1.974. Var. "fac".975. Var. "prorsum illi alligaris".976. Dans plusieurs éditions de Térence, "atque" est le dernier mot du vers 846, en sorte que, pour préserver l'usage de l'édition Wessner, il faudrait soit affecter la scholie 846 du numéro 845, 3, soit supprimer "atque" du lemme, soit le considérer comme un mot du scholiaste et non comme un bout de lemme. Mais dans le commentaire, la coordination copulative standard de début de scholie est "et" et non "atque". Comme c'est un détail sans enjeu, nous ne modifions pas la numérotation Wessner mais rapatrions "atque" au début du vers 846, comme dans une bonne partie de la tradition térentienne d'ailleurs.977. Variante "decurso" qui se trouve aussi chez Donat, selon les lemmes.978. Var. "hoc".979. Var. "hic".980. Var. "cura".981. Var. "uti".982. Var. "ehem".983. Var. "hanc in horto".984. Le gros de la tradition térentienne a "ille". Eugraphius ad loc. connaît aussi une forme "illuc".985. Var. "iam diu haec".986. Var. "agelli est hic sub urbe paullum". Chez Donat, en outre, l'adverbe "hic" n'est pas donné dans le lemme.987. Le segment "esse aequum" manque dans le lemme 959, 2 mais on ne peut en inférer qu'il manque dans l'exemplaire de Donat, qui a fait un raccourci.988. Var. "offerant".989. Par raccourci, Donat saute le segment "porro Micio" dans le lemme 979, 2.Citations
1. senes qui primi uenient (TerHec. 23)2. is quoniam moritur - ita auido ingenio fuit (PlautAul. 9)3. fatis Iunonis iniquae (VergAen. 8, 292)4. praeterea regem non sic Aegyptus et i. ingens L. Lydia n. nec p. populi P. Parthorum a. aut M. Medus H. Hydaspes o. obseruant (VergGeo. 4, 210)5. obseruatote ut blande palpetur mulieri (PlautAmp. 507)6. sume pater (VergAen. 5, 533)7. aemulari exoptat neglegentia (TerAnd. 20)8. nam ego hanc machaeram me c. consolari u. uolo (PlautMil. 5)9. adiutamini (PacuvChrys. Ribb. trag. p. 101)10. obseruabam mane illorum seruulos uenientis aut abeuntis (TerAnd. 83)11. neque seruulorum quisquam qui aduersum ierant (TerAd. 27)12. nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas (VergAen. 2, 25)13. et mihi iam multi crudele canebant artificis scelus et taciti uentura uidebant (VergAen. 2, 124)14. nunc si quis est, qui hoc dicat aut sic cogitet (TerPho. 12)15. quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat (TerAd. 30)16. ego quia non rediit filius quae cogito (TerAd. 35)17. aut tete amari (TerAd. 33)18. adulescentem adeo nobilem (TerEun. 204)19. ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ λαμβάνω (MenAd. frg. incogn.)20. contra haec omnia (TerAd. 44)21. duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi! nati filii: alia cura (TerAd. 867-868)22. e praedonibus, unde emerat, se audisse abreptam e Sunio (TerEun. 114-115)23. educet siluis regem regumque parentem (VergAen.6, 765)24. semper eius dicta est haec atque habita est soror (TerAnd. 809)25. ita habeantur atque dicantur (CicVerr. 2, 2, 87)26. ut illa illum contra: qui est amor cultu optimus (PlautMil. 101)27. psaltriam nobis, si dis placet, parauit (TerAd. 476)28. cur potat? (TerAd. 62)29. cur tu in his rebus sumptum suggeris? ()30. praetermitto (TerAd. 51)31. si sperat fore clam rursus ad ingenium redit (TerAd. 71)32. stetit acri fixa dolore, tunc quassans caput hanc effundit pectore uocem (VergAen. 7, 291-292)33. credo iam ut solet iurgabit (TerAd. 79)34. erubuit: salua res est (TerAd. 643)35. in ore gentibus agens (SallHist. 1 frg. 59 M)36. cur amat? cur potat? (TerAd. 61-62)37. an laudi putat fore si perdiderit gnatum? (TerAd. 382-383)38. scortari (TerAd. 102)39. potare (TerAd. 102)40. fores effringere (TerAd. 102)41. magna sunt enim ea quae dico, mihi crede: noli haec contemnere (CicCaecil. 39)42. qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat (TerAd. 99)43. nihil quicquam iniustius homine imperito (TerAd. 98)44. memini me fieri pauum (EnnAnn. 1 frg. 17 M)45. illi mea tristia facta degeneremque Neoptolemum narrare memento (VergAen. 2, 548-549)46. cur amat (TerAd. 61)47. non est flagitium adulescentulum scortari (TerAd. 101)48. consiliis ego pater sum (TerAd. 126)49. donec me flumine uiuo abluero (VergAen. 2, 719-720)50. i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas (VergAen. 4, 381)51. meus est factus (TerAd. 115)52. sit rogas? sensi. nam unam ei cenam atque eius comitibus dedi (TerHeaut. 454-456)53. ea ne me celet consuefeci filium (TerAd. 54)54. neque nihil (TerAd. 141)55. aegre pati (TerHec. 143)56. ut homo est, ita morem geras (TerAd. 431)57. credo iam omnium taedebat et dixit uelle uxorem ducere (TerAd. 150-151)58. miserum (TerAd. 155)59. innocentem (TerAd. 155)60. ferte auxilium (TerAd. 155)61. constitit in digitos extemplo arrectus uterque (VergAen. 5, 426)62. numquam omnes hodie moriemur inulti (VergAen. 2, 670)63. iniuria (TerAd. 162)64. tu, dum tuas iniurias per te - id quod non potes - persequi conaris (CicCaecil. 53)65. ne tantulum quidem commotus est (CicVerr. 2, 2, 124)66. i prae, sequor (TerAnd. 171)67. praediuitis urbe Latini (VergAen. 11, 213)68. templum de marmore ponam propter aquam (VergGeo. 3, 13-14)69. iam melior, iam diua parens (VergAen. 12, 179)70. animo ac uirtutibus (LucilSat. H 35 Charpin)71. per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor, hanc animam serues natoque patrique (VergAen. 10, 524-525)72. persuasit ille impurus, sat scio (TerAd. 360)73. fores effregit atque in aedes irruit alienas (TerAd. 88-89)74. uis (TerAd. 186)75. mitte ista atque ad rem redi (TerAd. 185)76. ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in usus (VergAen. 4, 646-647)77. rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos ad limina misit (VergAen. 7, 220-221)78. pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam! (TerAd. 111)79. ipsum istuc uolo experiri (TerAd. 172)80. quique sui memores alios fecere merendo (VergAen. 6, 664)81. numquam, regina, negabo promeritam (VergAen. 4, 334-335)82. mox, cras redi (TerAd. 204)83. dein quaestum occipit (TerAnd. 79)84. mussat rex ipse Latinus (VergAen. 12, 657)85. audire uocem uisa sum militis (TerEun. 454)86. salue mi Thraso (TerEun. 455)87. miles, nunc adeo edico tibi (TerEun. 806)88. concertasse (TerAd. 211)89. uelocis iaculi c. certamina p. ponit i. in u. ulmo (VergGeo. 2, 530)90. usque os praebui (TerAd. 215)91. numquam omnes hodie moriemur inulti (VergAen. 2, 670)92. meo iure utar, ut potior sit, qui prior ad dandum est (TerPho. 533)93. pecuniam in loco neglegere maximum interdum est lucrum (TerAd. 215-216)94. proficisci (TerAd. 224)95. aiunt (TerAd. 224)96. sic te diua potens Cypri (HorCarm. 1, 3, 1)97. numquam dimoueas, ut trabe Cypria Myrtoum pauidus nauta secet mare (HorCarm. 1, 1, 13-14)98. actum aiunt ne agas (TerPho. 419)99. minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male (TerAd. 191-192)100. uide, quod inceptet facinus (TerHeaut. 600)101. ut temporibus rei publicae cedat, non est postulandum (CicCat. 1, 22)102. nec tibi de sorte in d. d??? c. c??? (Verg. frg. incogn.)103. accipienda et mussitanda (TerAd. 207)104. etiam insuper defraudat? (TerAd. 246)105. plus quingentos colaphos infregit mihi (TerAd. 200)106. nunc uide utrum uis: argentum accipere an causam meditari tuam (TerAd. 195)107. scio me D. Danais e c. classibus u. unum (VergAen. 3, 602)108. Syre (TerAd. 247/TerAd. 249)109. o frater frater (TerAd. 256)110. et fratrem ne desere, frater (VergAen. 10, 600)111. tu nunc C. Carthaginis a. altae f. fundamenta l. locas (VergAen. 4, 265-66)112. ridiculum caput (TerAnd. 371)113. quam uenuste quod dedit principium adueniens! (TerEun. 457-458)114. nihil potest supra (TerAd. 264)115. hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc operam (VergAen. 6, 331-332)116. annua magnae sacra refer Cereri laetis operatus in herbis (VergGeo. 1, 338-339)117. hic ego illum contempsi prae me (TerEun. 239)118. omnia Mercurio similis uocemque c. coloremque (VergAen. 4, 558)119. minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male: argenti tantum dabitur (TerAd. 191-192)120. in tuto est omnis res (TerAd. 267)121. iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster, quid fit, quid agitur? (TerAd. 884-885)122. iam debacchatus es, leno (TerAd. 184)123. diuiduum face (TerAd. 241)124. cupide accipiat faxo (TerAd. 209)125. irritata canis quam homo quam planius dictat (LucilSat. 1, frg. 3 Charpin)126. plenus, inquit, rimarum sum, hac atque illac perfluo (TerEun. 105)127. daturne illa Pamphilo (TerAnd. 301)128. illa quidem nostra erit (TerPho. 134)129. nam hunc diem misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere (TerAd. 521-522)130. Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem (VergAen. 4, 634)131. quaeque i. ipse m. miserrima u. uidi et q. quorum p. pars m. magna (VergAen. 2, 5)132. Annam, cara m. mihi n. nutrix , h. huc s. siste s. sororem (VergAen. 4, 634)133. miserae hoc tamen unum exsequere, Anna, mihi (VergAen. 4, 420-421)134. nam numquam unum intermittit diem (TerAd. 295)135. puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust (LucilSat. Sept 17 Charpin)136. quod melius haud fieri potuit quam factum est (TerAd. 295)137. omnes in hoc iudicio conentur omnia (CicVerr. 2, 1, 15)138. omnia secum a. armentarius A. Afer a. agit tq. tectumque lq. laremque aq. armaque Aq. Amyclaeumque c. canem Cq. Cressamque p. pharetram (VergGeo. 3, 343-345)139. pressi undique multitudine (SallHist. 5 frg. 8 M)140. qui semper premuntur et numquam emergunt (CicCat. 2, 21)141. quando ego conscia sum mihi, a me culpam esse hanc procul, neque pretium neque rem ullam intercessisse (TerAd. 348-349)142. o tempora, o mores! (CicCat. 1, 2/CicDej. 31)143. quae te tam laeta tulerunt saecula? (VergAen. 1, 605-606)144. cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia mater (VergBuc. 5, 22-23)145. quem non incusaui amens hominumque deorumque (VergAen. 2, 745)146. nam quid ego dicam de patre (TerAnd. 17)147. itane tandem uxorem duxit Antipho (TerPho. 231)148. o facinus audax! o Geta monitor! (TerPho. 233-234)149. uix tandem (TerPho. 234)150. nam ut ex mari timida es (PlautBac. 106)151. nunc dextra ingeminans, nunc ille sinistra (VergAen. 5, 457)152. num fletu ingemuit nostro? num lumina flexit? num lacrimas uictus dedit aut miseratus amantem est? (VergAen. 4, 369-370)153. quae causa indigna serenos foedauit uultus? (VergAen. 2, 285-286)154. carcer, uix carcere dignus (LucilSat. H 91 Charpin)155. neque animo neque auribus aut lingua satis competere (SallHist. 1 frg. 136 M)156. tuaque animam hanc effundere dextra (VergAen. 1, 198)157. hunc ego te, Euryale, aspicio? (VergAen. 9, 481)158. hanc igitur redarguit Tarquitius (SallHist. 3, frg 81 M)159. te Turne superbum caede noua quaerens (VergAen. 10, 514-515)160. igneus est ollis uigor et caelestis origo seminibus (VergAen. 6, 730-731)161. cui fracta prius crura bracchiaque (SallHist. 1 frg. 44 M)162. ensemque cruore spumantem sparsasque manus (VergAen. 4, 664-665)163. spargite humum foliis (VergBuc. 5, 40)164. sparserat et latices simulatos f. fontes A. Auerni (VergAen. 4, 512)165. ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur (SallHist. 2 frg. 101 M)166. ipse ruit dentesque Sabellicus e. exacuit s. sus (VergGeo. 3, 255)167. hac rabiosa fugit canis, hac lutulenta ruit sus (HorEp. 2, 2, 75)168. cursu palantis T. Troas ag. agebat (VergAen. 5, 265)169. agit uentos (VergAen. 4, 245)170. nusquam tuta fides (VergAen. 4, 373)171. pro Iuppiter, ubinam est fides? (TerHeaut. 256)172. non lacrimis h. hoc t. tempus a. ait S. Saturnia I. Iuno (VergAen. 12, 156)173. pro uirgine dari nuptum (TerAd. 346)174. nunc plane est pro noua (TerHec. 5)175. plurima salute Parmenonem summum suum impertit Gnatho (TerEun. 270-271)176. per caput h. hoc i. iuro p. per q. quod p. pater a. ante s. solebat (VergAen. 9, 300)177. posthabita coluisse Samo (VergAen. 1, 16)178. non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium? (TerAd. 94-95)179. nec uero Aeacidem me sum l. laetatus e. euntem a. accepisse (VergAen. 6, 392)180. in his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri impudicique uersantur (CicCat. 2, 23)181. nisi quicquid est uolo scire atque hominem conuenire, si apud forum est (TerAd. 153-154)182. omnis humo fumat N. Neptunia T. Troia (VergAen. 3, 3)183. ubi Aeschinus siet (TerAd. 82-83)184. cur tu his rebus sumptum suggeris? (TerAd. 62)185. ea distributum (TerAd. 371)186. columen familiae, bone custos, salue (TerPho. 287)187. o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 883)188. rationem (TerAd. 375)189. argitisque minor (VergGeo. 2, 99)190. aegre est, alienus non sum (TerAd. 137)191. quod ante pedes est, non uident: caeli scrutantur plagas (EnnIph. frg. 8 Ribb.)192. ellum confidens catus (TerAnd. 855)193. nimia est miseria, nimis pulchrum esse hominem (PlautMil. 68)194. sed Syrum -quid eum? (TerHeaut. 950)195. equarum greges istum abigendos curasse (CicVerr. 2, 1, 28)196. rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium (TerAd. 95)197. quid ueniant (VergAen. 1, 518)198. id quod te oro (TerAnd. 556)199. quid? istaec iam penes uos psaltria est? (TerAd. 388)200. Demeam de eo, quem et superius laudauerit non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium? (TerAd. 94-95)201. non tu hoc argentum perdis (TerAd. 410)202. sedulo moneo, quae possum pro mea sapientia (TerAd. 426)203. tu quoque aderas huic causae (CicDict. 9 M)204. obsequium amicos, ueritas odium parit (TerAnd. 68)205. di meliora piis e. erroremque h. hostibus i. illum (VergGeo. 3, 513)206. in eo me oblecto, solum id est carum mihi (TerAd. 49)207. quando ita uult frater, de istoc ipse uiderit (TerAd. 437)208. ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti (TerAd. 131-132)209. restare (TerAd. 445)210. dabit ille ruinas a. arboribus s. stragemque s. satis (VergAen. 12, 453-454)211. perii! is mihi, ubi adbibit plus paulo, sua quae narrat facinora! (TerHeaut. 220)212. in ore est omni populo (TerAd. 93)213. coluit nos (TerAd. 352)214. hanc mihi in manum dat, mors continuo ipsam occupat (TerAnd. 62)215. post defectionem sociorum et Latii (SallHist. 1 frg. 22 M)216. unius ob iram prodimur (VergAen. 1, 251-252)217. prodidisti et te et illam miseram et gnatum, quod quidem in te fuit (TerAd. 692)218. qui libertos habent, eos deserunt (PlautCurc. 548)219. en ego uicta situ (VergAen. 7, 452)220. pulsus ego? (VergAen. 11, 392)221. κέλεαι δέ με πάντ᾽ ἀποδοῦναι (HomIl. 1, 134)222. οὐκ ἐθέλω πολεμιζέμεν Ἕκτορι... νηήσας εὖ νῆας (HomIl. 9, 356-358)223. quid hoc illecebrosius fieri potest, nox mulier uinum, homini adulescentulo? (PlautBac. 87-88)224. dum in dubio est animus, paulo momento huc uel illuc impellitur (TerAnd. 266)225. tu nihil nisi sapientia es, ille somnium (TerAd. 394-395)226. cum uirgine una adulescens ut129 cubuerit plus potus, se abstinere ut potuerit? non ueri simile dicis nec uerum arbitror (TerHec. 138-140)227. Bacchus et ad culpam causas dedit (VergGeo. 2, 455)228. rogare et orare (CicCaecil. 3)229. imus uenimus uidemus (TerPho. 103-104)230. ultro uenerat (TerAd. 472)231. lacrimans (TerAd. 472)232. orabat (TerAd. 472)233. obsecrabat (TerAd. 472)234. fidem dabat (TerAd. 472)235. iurabat (TerAd. 472)236. neque boni neque liberalis functus est officium uiri (TerAd. 463-464)237. uti seruorum captus est, facillime domo atque nostra familia prouenditur (AfrSim. frg. 9 Ribb.)238. hunc abduce, uinci, quaere rem (TerAd. 482)239. tu Voluse, armari Volscorum edice maniplis (VergAen. 11, 463)240. funditque has ore querelas (VergAen. 5, 842)241. facile uictum q. quaerere (TerEun. 260)242. ipse sentiet posterius (TerAd. 139-140)243. duc me intro ad Sostratam (TerAd. 506)244. eamus intro (TerPho. 1054)245. intus despondebitur, intus transigetur, si quid est quod restet (TerAnd. 980-981)246. deos quaeso, ut adimant et patrem et matrem meos (NaevTrib. Ribb.)247. ita quaeso, quando bene successit, hilarem hunc sumamus diem (TerAd. 287)248. ut ne quid nimis (TerAnd. 61)249. οὐ φθέγξῃ ; λύκον εἶδες (TheocrId. 14, 22)250. uox quoque Moerim iam fugit ipsa, lupi Moerim u. uidere p. priores (VergBuc. 9, 53-54)251. ne illi uehementer errant (CicCat. 2, 6)252. disperii (TerAd. 355)253. defessus sum (TerAd. 713)254. disperii (TerAd. 355)255. quam mox irruimus? (TerEun. 788)256. hac lutulenta ruit sus (HorEp. 2, 2, 75)257. ipse ruit dentesque S. Sabellicus e. exacuit s. sus (VergGeo. 3, 255)258. etiam tu hoc respondes? (TerAnd. 849)259. abigam hinc rus (TerAd. 401)260. durate et uosmet rebus seruate secundis (VergAen. 1, 207)261. occidit (TerAd. 559)262. quem egomet produxi (TerAd. 402)263. produxi... iratum admodum (TerAd. 402-403)264. nihil reticuit (TerAd. 405)265. spero, est similis maiorum suorum (TerAd. 411)266. laudo, Ctesipho (TerAd. 564)267. patrissas: uirum te iudico (TerAd. 564)268. numquam omnes h. hodie m. moriemur i. inulti (VergAen. 2, 670)269. ergo age, care p. pater , c. ceruici i. imponere n. nostrae (VergAen. 2, 707)270. templum de m. marmore p. ponam p. propter a. aquam (VergGeo. 3, 13-14)271. propter aquae riuum sub ramis arboris altae (Lucr. 5, 1392)272. ad Iouis mane ueni (SallHist. frg. inc. 26 M)273. iam melior, iam diua, precor (VergAen. 11, 179)274. uos quoque Pergameae i. iam f. fas est p. parcere g. genti , d. dique d. deaeque o. omnes (VergAen. 6, 63-64)275. carpit enim uires paulatim u. uritque u. uidendo f. femina (VergGeo. 3, 215)276. carpamus, dum mane nouum, dum gramina crescunt (VergGeo. 3, 325)277. indulge genio, carpamus dulcia (Pers. 5, 151)278. nec te tua f. funera m. mater p. produxi (VergAen. 9, 486-487)279. qui egomet produxi (TerAd. 402)280. nam et illi animum releuabis (TerAd. 602)281. o praestans animi i. iuuenis (VergAen. 12, 19)282. curre, obstetricem accerse (TerAd. 354)283. ex Andro commigrauit huc uiciniae (TerAnd. 70)284. ualeant qui inter nos discidium uolunt (DonAnd. 696-697)285. cum spumeus a. amnis e. exiit o. oppositasque e. euicit g. gurgite m. moles (VergAen. 2, 496)286. abducimus tuam Bacchidem (TerHeaut. 311)287. enimuero, Daue, nihil loci est segnitiae neque socordiae (TerAnd. 206)288. totus, Parmeno, t. tremo h. horreoque , p. postquam a. aspexi h. hanc (TerEun. 83-84)289. denique alii clanculum patres quae faciunt, quae fert adulescentia, ea ne me celet, consuefeci filium (TerAd. 52-54)290. uide num eius color pudoris signum usquam indicat (TerAnd. 878)291. in eo me oblecto, solum id est carum mihi (TerAd. 49)292. quam hic non amauit meretricem aut cui non debuit aliquid? (TerAd. 149)293. neque enim huc diu commigrauerunt (TerAd. 649)294. me aduocatum abduxit a foro (TerAd. 645-646)295. et clandestina ut celetur consuetudo (PlautAmph. 490)296. illum absens absentem auditque uidetque (VergAen. 4, 83)297. fratrem n. ne d. desere f. fratrem (VergAen. 10, 600)298. est haec caterua plane gladiatoria, cum suum sibi alius socius socium sauciat (CaecilExhautuhestos frg. inc. Ribb. p. 48)299. quis tibi n. nunc 163, D. Dido , c. cernenti t. talia s. sensus (VergAen. 4, 408)300. qui tunc Romanis imperator erat (SallJug. 7, 4)301. sedeant spectentque Latini (VergAen. 12, 15)302. quid sedes Verres? quid exspectas? (CicVerr. 2, 2, 191)303. grandis natu parens adductus ad supplicium (CicVeerr. 2, 2, 76)304. commenta mater est esse ex alio uiro nescio quo puerum natum (TerAd. 657-658)305. tibi uero quid istic est rei? (TerAd. 644)306. nihil mihi quidem (TerAd. 644)307. nec plura querentem passa Venus m. medio s. sic if. interfata d. dolore e. est (VergAen. 1, 385-386)308. ita uelim deos mihi propitios, ut cum illius temporis mihi uenit in mentem (CicCaecil. 41)309. pro di immortales! ubinam gentium sumus? quam rem publicam habemus? in qua urbe uiuimus? (CicCatil. 1, 9)310. iam id peccatum primum magnum, at humanum tamen (TerAd. 687)311. numquid circumspexti (TerAd. 689)312. quod in familia nostra fuit, praestitit, ut in omnibus bellis adesset uobis (SallJug. 14, 13)313. senator populi Romani, quod in uobis fuit, iacuit et pernoctauit in publico (CicVerr. 2, 4, 25)314. unius ob iram prodimur (VergAen. 1, 251-252)315. ne quid nimis (TerAnd. 61)316. uos istaec intro auferte: abite (TerAnd. 28)317. adulescenti ipsi eriperem oculos (TerAd. 318)318. omnia t. tuta t. timens (VergAen. 4, 298)319. tu, genitor, cape sacra manu p. patriosque p. penatis (VergAen. 2, 717)320. boni illius adulescentis (TerAd. 722)321. ecce autem gemini a T. Tenedo t. tranquilla p. per a. alta h. horresco r. referens (VergAen. 2, 203-204)322. ecce trahebatur p. passis P. Priameia u. uirgo c. crinibus a t. templo (VergAen. 2, 303-404)323. ecce autem repente, ebrio Cleomene, cunctis esurientibus (CicVerr. 2, 5, 87)324. Pollio et ipse facit noua carmina (VergBuc. 3, 86)325. uirum te iudico (TerAd. 564)326. pacem Troiano ab r. rege p. petendum (VergAen. 11, 230)327. ah uirgo infelix (VergBuc. 6, 47)328. simulare certe est hominis (TerAd. 734)329. libentiorem te faciam quam Libentia est (PlautAsin. 268)330. quicquid esset bellissimum carperes cyathosque sorbilares (TerAd. 590-591)331. pede prosubigit terram (VergGeo. 3, 256)332. ἀμφιπερικρήνην (HomIl 2, 305)333. quem ego modo puerum tantillum in manibus gestaui meis (TerAd. 563)334. tu quantus quantus es, nihil nisi sapientia es (TerAd. 394)335. nam quid tu agas, ubi si quid bene praecipias, nemo obtemperat (TerAd. 434)336. exemplum disciplinae (TerAd. 767)337. et crimine ab u. uno d. disce o. omnis (VergAen. 2, 65)338. ubi uis (TerAd. 788)339. quid faceret? (VergGeo. 4, 504)340. quo se rapta bis coniuge ferret? (VergGeo. 4, 504)341. quo fletu Manes (VergGeo. 4, 505)342. quae numina uoce moueret? (VergGeo. 4, 505)343. quid tristis es? (TerAd. 81)344. rogas me, ubi nobis Aeschinus siet? quid tristis ego sim? (TerAd. 82)345. disperii! Ctesiphonem audiui filium una fuisse in raptione cum Aeschino (TerAd. 355-356)346. ne ego homo sum infelix (TerAd. 540)347. iam caelum terramque m. meo s. sine n. numine , u. uenti , m. miscere (VergAen. 1, 133-134)348. γαῖα δ᾽ ἔτι ξυνὴ πάντων καὶ μακρὸς Ὄλυμπος (HomIl. 15, 193)349. interdum tamen et uocem comoedia tollit (HorArs 93)350. principio maria ac terras c. caelumque p. profundum (VergAen. 1, 58)351. omnia uel medium fiat mare (VergBuc. 8, 58)352. quem non incusaui amens hominumque deorumque? (VergAen. 2, 745)353. atque deos atque a. astra u. uocat c. crudelia m. mater (VergBuc. 5, 23)354. uerum ubi nulla f. fugam r. reperit f. fallacia , u. uictus ad se redit (VergGeo. 4, 443-444)355. redit ad se atque ad mores suos (CicCaecil. 57)356. nucleum amisi, retinui pignoris putamina (PlautCapt. 655)357. multa putans (VergAen. 6, 332)358. mitte ista atque ad rem redi (TerAd. 185)359. ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti ()360. regnumne, Aeschine, hic possides? (TerAd. 175)361. pacem te poscimus omnes, Turne (VergAen. 11, 362)362. nunc demum istaec nata oratio est (TerAd. 805)363. eunuchum quem dedisti quas turbas dedit! (TerEun. 633)364. faeneratum istuc beneficium pulchre tibi dices (TerPho. 493)365. memorem me dices esse et gratum (TerAd. 251)366. dissimilis res sit (TerAd. 825)367. ubi te uidi animo esse omisso (TerHeaut. 962)368. ne ab re sint tamen omissiores paulo (TerAd. 830-831)369. iam uero omitte, Demea, tuam istam iracundiam (TerAd. 754-755)370. mihi sese dare, sermonem quaerere (TerEun. 516)371. ceruiculam iactaturum et populo se ac coronae daturum (CicVerr. 2, 3, 49)372. cum filio ibo hinc (TerAd. 840-841)373. illam uero abstraham (TerAd. 842-843)374. ibo hinc (TerAd. 841)375. uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam (LucilSat. frg. inc. 111 M)376. et torrere parant f. flammis e. et f. frangere s. saxo (VergAen. 1, 179)377. at ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum (TerEun. 244)378. re ipsa repperi facilitate nihil esse homini melius neque clementia (TerAd. 860-861)379. magnam pugnauimus pugnam (LucilSat. frg. inc. 111 M)380. seras potiuntur plagas (AccClyt. frg. VII Dangel)381. o quam te me. memorem u. uirgo ? n. namque h. haud t. tibi u. uultus m. mortalis n. nec u. uox h. hominem s. sonat (VergAen. 1, 327-328)382. descendo ac d. ducente d. deo f. flammam i. inter et h. hostis exp. expedior (VergAen. 2, 632-633)383. iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 884-885)384. uadimus inmixti Danais h. haud n. numine n. nostro (VergAen. 2, 396)385. ut ne quid nimis (TerAnd. 61)386. iam nunc haec tria primum addidi praeter naturam: o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 883)387. nimis sanctas nuptias student facere ()388. quid tu mihi parasitos, luscos, quid Summanos somnias? (PlautCurc. 546)389. posthabita c. coluisse S. Samo (VergAen. 1, 16)390. quin agite et m. mecum inf. infaustas exu. exurite p. puppis (VergAen. 6, 635)391. anum decrepitam ducam (TerAd. 939)392. auctor ego a. audendi (VergAen. 12, 159)393. hic tum alius ex alia parte (CicVerr. 2, 1, 66)394. uno uerbo dic, si quid est quod me uelis (TerAnd. 45)395. miseram me, quod uerbum audio! (TerAnd.240)396. facis melius quam pars lenonum, qui libertos habent et eos deserunt (PlautCurc. 547-548)397. unius usuram horae gladiatori isti non dedissem (CicCatil. 1, 29)398. quod te isti facilem et festiuum putant (TerAd. 986)Notice Editoriale
Aelii Donati in Adelphos Terenti commentum
[fr] Commentaire d'Aelius Donat aux Adelphes de Térence[en] Aelius Donatus' Commentary on Terence's Adelphi (The Brothers)Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti (Vol. 1.3)Ediderunt, interpretati sunt et adnotauerunt :
[fr] Edition, traduction et commentaire :[] Edition, translation and commentary by :Bruno Bureau (PR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Christian Nicolas (PR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Auxilio editoribus fuerunt :
[] Assistants à l'édition :[] Assistants to Editors :Sarah Laborie (Professeur agrégé, ex ADR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Cécile Parras (ADR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Marie Rébeillé-Borgella (Professeur agrégé, ex ADR) - Anne Riocreux (Professeur agrégé) - EditeurUniversité Jean Moulin-Lyon 3UMR 5189 (HiSoMA)AHN (Atelier des Humanités Numériques) ENS LyonLyon2011-05-25Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti 1.3
Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti accedunt Eugraphi Commentum et Scholia Bembina recensuit Paulus Wessner, Lipsiae, in Aedibus B. G. Teubneri, 1902, tomus alter.Editio textus latini sine ulla translatione a pagina tomi alterius editionis Pauli Wessner 3 ad paginam 185. [fr] Edition en latin du commentaire pages 3-185 de l'édition Wessner, tome 2.[en] Latin text without translation corresponding to pages 3-185 of Wessner's edition, vol. 2.