NCL

Aelii Donati in Adelphos Terenti commentum

Praefatio

I
1 storax non rediit hac nocte a cena aeschinvs 1 Haec fabula palliata Adelphoe, ut ipsum indicat nomen, et plurali numero, cum sit una, et genere masculino, cum sit comoedia, et Graeca lingua, cum sit Latina, censetur. potuit eam Terentius Fratres dicere, sed et Graeci nominis euphoniam perderet et praeterea togata uideretur, ad summam non statim intellegeretur Menandri esse, quod Terentius imprimis cupit scire lectorem, minus existimans laudis propria scribere quam Graeca transferre. est igitur Menandri et a fratrum facto, quibus argumentum nititur, nomen accepit. 2 Huius tota actio cum sit mixta ex utroque genere, ut fere Terentianae omnes praeter Heautontimorumenon, tamen maiore ex parte motoria est; nam statarios locos perpaucos habet. 3 Prodest autem et delectat actu et stilo. 4 In hac primae partes sunt ut quidam putant Demeae, ut quidam Syri. quodsi est, ut primas Syrus habeat, erunt secundae Demeae, tertiae Micionis et sic deinceps. quamquam etiam sunt, qui putant primas Micioni dandas, secundas Syro, tertias Demeae. nam quod ait Terentius «  senes qui primi uenient 1 » non ad partes, quas dicimus, sed ad ordinem pertinet exeuntium personarum. 5 Hoc etiam ut cetera huiusmodi poemata quinque actus habeat necesse est choris diuisos a Graecis poetis. quos etsi retinendi causa inconditi spectatoris minime distinguunt Latini comici metuentes scilicet, ne quis fastidiosus finito actu uelut admonitus abeundi reliquae comoediae fiat contemptor et surgat, tamen a doctis ueteribus discreti atque disiuncti sunt, ut mox aperiemus post argumenti narrationem1. 6 In hac prologus aliquanto lenior inducitur; magis etiam in se purgando quam in aduersariis laedendis est occupatus. πρότασις turbulenta est, ἐπίτασις clamosa, καταστροφή lenior. quarum partium rationem diligentius in principio proposuimus, cum de comoedia quaedam diceremus. 7 Haec sane acta est ludis scaenicis funebribus L. Lucii Aemilii Pauli agentibus L. Lucio Ambiuio et L. Lucio Minucio Prothymo, qui cum suis gregibus etiam tum personati agebant. modulata est autem tibiis dextris, id est Lydiis, ob seriam grauitatem, qua fere in omnibus comoediis utitur hic poeta. 8 Saepe tamen mutatis per scaenam modis cantata, quod significat titulus scaenae habens subiectas personis litteras M.M.C.; item deuerbia ab histrionibus crebro pronuntiata sunt, quae significantur D. et V. litteris secundum personarum nomina scriptis in eo loco, ubi incipit scaena. 9 Adnotandum sane, quod haec fabula προτατικὸν πρόσωπον non habeat, hoc est personam, quae ad argumentum nihil attineat quaeque sit adsumpta extrinsecus, ut est in Andria Sosia. 10 Hanc dicunt ex Terentianis secundo loco actam etiam tum rudi nomine poeta itaque sic pronuntiatam Adelphoe Terenti, non Terenti Adelphoe, quod adhuc magis de fabulae nomine poeta quam de poetae nomine fabula commendabatur. 11 In hac spectatur, quid intersit inter rusticam uitam et urbanam, mitem et asperam, caelibis et mariti, ueri patris et per adoptionem facti. quibus propositis ad exemplum imitanda perinde fugiendaque Terentius monstrans artificis poetae per totam fabulam obtinet laudem.
1 storax non rediit hac nocte a cena aeschinvs203 cette comédie palliata des Adelphes, comme son nom l'indique, a apparemment un titre au pluriel, bien qu'elle soit unique, de genre masculin, bien que ce soit une comédie, et est en langue grecque, bien qu'elle soit latine. Térence aurait pu l'intituler Fratres (Les Frères), mais alors il aurait perdu l'euphonie qu'apporte le nom grec et, en outre, la pièce aurait été considérée comme une togata et, au total, n'aurait pas été comprise d'emblée comme une pièce de Ménandre, chose que Térence souhaite faire savoir au lecteur en premier lieu, dans l'idée qu'il y a moins de gloire à écrire une comédie originale qu'à en traduire une du grec. C'est donc une pièce de Ménandre, intitulée à partir d'un fait qui concerne des frères, sur lesquels s'appuie l'argument204. 2 L'action entière de cette pièce, tout en étant mixte des deux genres, comme presque toutes les comédies de Térence à l'exception de L'Héautontimorouménos, est pourtant majoritairement mouvementée, car les scènes statiques y sont peu nombreuses205. 3 Elle est utile et plaisante par son action et son style206. 4 Le premier rôle y est joué, selon certains, par Déméa, selon d'autres par Syrus et dans ce cas, si c'est Syrus le premier rôle, c'est Déméa le second, Micion le troisième et ainsi de suite. Il y en a d'ailleurs d'autres qui pensent que c'est à Micion qu'il faut attribuer le premier rôle, à Syrus le second, à Déméa le troisième. Car ce que dit Térence, « senes qui primi uenient », ne se réfère pas aux rôles dont nous parlons mais à l'ordre d'entrée en scène des personnages207. 5 Cette œuvre aussi, comme toutes les autres de ce genre, a nécessairement cinq actes, que les poètes grecs ont séparés par des chœurs. Et bien que, pour tâcher de retenir un spectateur mal dégrossi, les comiques latins aient très peu pratiqué de subdivisions, dans l'idée probable d'éviter que, en proie à l'ennui à la fin d'un acte ou incité à s'en aller, le spectateur, au mépris du reste de la comédie, ne se lève, les actes ont tout de même été isolés et séparés par des spécialistes d'autrefois, comme nous le montrerons bientôt après avoir donné l'argument de la pièce208. 6 Le prologue qui s'y trouve est un peu plus calme ; il se préoccupe davantage de se justifier que d'attaquer ses adversaires. L'exposition (πρότασις) y est agitée, le nœud (ἐπίτασις) bruyant et le dénouement (καταστροφή) plus calme. Sur cette typologie, nous nous sommes expliqué quelque peu en faisant quelques remarques générales sur la comédie209. 7 Cette comédie a bel et bien été jouée pour les Jeux Funèbres en l'honneur de Paul-Emile, avec Lucius Ambivius Turpion et Lucius Minucius Prothymus comme acteurs qui, avec leurs troupes, jouaient à l'époque encore masqués. Elle est accompagnée de musique de flûtes de droite, c'est-à-dire de mode lydien, en raison de son caractère sérieux, qui se trouve dans presque toutes les comédies de ce poète210. 8 Souvent pourtant il y a sur scène des passages chantés en mètres variés, ce qu'indique la notice de la scène avec, sous les noms des personnages, les lettres MMC (Mutatis Modis Cantata) ; de même les diverbia sont prononcés de manière serrée par les acteurs et sont signalés par les lettres DV à la suite des noms de personnages à l'endroit où commence une scène. 9 Il convient de bien noter qu'il n'y a pas dans cette pièce de personnage protatique (προτατικὸν πρόσωπον), c'est-à-dire un personnage qui ne participe en rien à l'intrigue et soit tiré du dehors, comme l'est le Sosie de L'Andrienne. 10 On dit que dans la série des pièces de Térence celle-ci a été jouée en second, en raison de l'encore faible notoriété du nom du poète et qu'on l'a annoncée sous la forme « Les Adelphes de Térence » et non pas « Térence : Les Adelphes », parce le nom de la pièce à cette époque faisait plus de publicité au poète que le nom du poète n'en faisait à la pièce211. 11 On y voit la différence entre la vie à la campagne et la vie en ville, entre une vie douce et une vie rude, entre la vie d'un célibataire et celle d'un homme marié, celle d'un père authentique et d'un père adoptif. Avec ces types érigés en exemples, Térence, en montrant ce qu'il faut imiter autant que ce qu'il faut éviter, obtient le titre honorifique de poète artiste au fil de la pièce entière.

II
Ex duobus Atticis fratribus alter quidem Demea nomine rus coluit, uxorem duxit, suscepit filios duos, Aeschinum et Ctesiphonem. at alter Micio nomine uxorem ducere et filios creare noluit: adoptauit sibi filium fratris Aeschinum atque ita indulgenter eduxit a paruulo, ut effuse luxuriatus adulescens ad postremum ciuem Atticam uirginem uitiaret captus amore eius. quo facto etiam cum matre puellae pepigit eiusdem nuptias, quam uitiauit. cumque rem gestam ad patris, a quo adoptatus fuerat, conscientiam iam iamque perlaturus esset, precibus Ctesiphonis fratris sui, qui apud durum patrem atque agrestem Demeam parcius atque artius haberetur, impulsus est, ut eidem a lenone raperet meretricem. quo facto multiplici errore completur fabula: nam et Demea cum hoc ipso, id est cum Micione, litigabat tamquam cum eo, qui corruperit adulescentem adoptatum in mores perditos, nesciens suum sibi filium Ctesiphonem esse corruptum, eluditurque a Syro et Micione per totam fabulam; et mater puellae iam decimo mense post raptum uirginis et exactis a puero mensibus credit sibi ipsum2 rapuisse meretricem: quae perturbatio cito in tranquillum redacta est. nam re comperta de uitio uirginis Micio dat amanti3 Aeschino, quam concupiuerat, eiusque matrem ipse accipit. deprehenso uero Ctesiphone in amore meretricis primo irascitur, post lenitur atque eius habendae dat4 licentiam Demea.
De deux frères athéniens, le premier, nommé Déméa, habitait la campagne, prit une épouse, en eut deux fils, Eschine et Ctésiphon. Quant à l'autre, nommé Micion, il se refusa à prendre épouse et à avoir des enfants ; mais il adopta le fils de son frère, Eschine, et lui donna dès l'enfance une éducation si permissive que, habitué à une profusion de débauche, une fois jeune homme il finit par outrager une jeune fille citoyenne d'Athènes dont il s'était épris. La chose faite, il fit même affaire avec la mère de la jeune fille qu'il avait outragée pour l'épouser. Alors qu'il était sur le point de mettre au courant de l'affaire son père adoptif, sur la prière de son frère Ctésiphon, qui, auprès de son père sévère et campagnard Déméa, était élevé chichement et à la dure, il se laissa convaincre d'enlever pour lui une courtisane à un proxénète. La chose faite, la comédie se développe en de multiples méprises : car Déméa se disputait avec lui, à savoir Micion, comme avec quelqu'un qui élevait mal son jeune fils, sans savoir que son fils Ctésiphon était tout aussi mal élevé, et il s'en fait railler par Syrus et Micion pendant toute la comédie ; d'autre part, la mère de la jeune fille, neuf mois après le viol de la jeune fille, durée conclue par la naissance d'un enfant, croit que c'est Eschine qui a enlevé pour son propre compte la courtisane : cette perturbation est vite ramenée au calme, car, une fois l'affaire du viol de la jeune fille élucidée, Micion accorde à l'amoureux Eschine la femme qu'il convoitait et lui-même reçoit sa mère. Une fois Ctésiphon pris sur le fait, Déméa commence par s'irriter contre cet amour pour une courtisane, puis il s'adoucit et accorde à son fils le droit de la garder.

III
1 Primus actus haec continet: Micionis solius primo uerba, post eiusdem et Demeae iurgium. 2 Secundus actus haec continet: lenonis alteram rixam aduersus Aeschinum pro puella, eiusdem apud Syrum querelas, laetitiam Ctesiphonis ob possessionem amicae et eiusdem gratiarum actionem apud Aeschinum. 3 Tertius actus haec continet: trepidationem Sostratae et Cantharae nutricis ob parturientem Pamphilam uitiatam ab Aeschino, Getam nuntiantem dominae per errorem, quod sibi rapuerit Aeschinus meretricem, reditum in scaenam Demeae eiusdemque cum Syro ludificante eum sermocinationem, Hegionis interuentum et querelam apud eundem Demeam de facto Aeschini et consolationem Sostratae. 4 Quartus actus haec continet: Ctesiphonis cum Syro conloquium de inlusione Demeae eiusdemque in scaenam interuentum atque secundam frustrationem per Syrum factam, Micionis cum Hegione sermonem, querelam Aeschini de rebus suis eiusdemque cum Micione patre facetissimam disceptationem, Demeae reditum in scaenam ex errore, in quem eum coniecerat Syrus, et renouatum cum fratre eiusdem iurgium, processionem in scaenam temulenti Syri. 5 Quintus actus haec continet: deprehensionem Ctesiphonis cum meretrice, tertium cum Micione iurgium Demeae eiusdemque pristinae uitae correptionem, et per eum multa in comoedia noua, hoc est blandimentum circa Aeschinum et adfabilitatem erga Getam, conciliationem Sostratae, liberationem5 Syri et uxoris eius et ueniam circa Ctesiphonem permissionemque habendae meretricis. 6 Seruatur autem per totam fabulam mitis Micio, saeuus Demea, leno auarus, callidus Syrus, timidus Ctesipho, liberalis Aeschinus, pauidae mulieres, grauis Hegio. 7 In diuidendis actibus fabulae identidem meminerimus, primo paginarum dinumerationem neque Graecos neque Latinos seruasse, cum eius distributio eiusmodi rationem habeat, ut ubi attentior spectator esse potuerit, longior actus sit, ubi fastidiosior, breuior atque contractior; deinde etiam illud, in eundem actum posse conici et tres et quattuor scaenas introeuntium et exeuntium personarum. 8 Facta autem haec una est de duabus fabulis, Adelphis Menandri et Commorientibus Diphili.
1 L'Acte I contient les événements suivants : d'abord un monologue de Micion, suivi d'une dispute entre lui et Déméa. 2 L'Acte II contient les événements suivants : deuxième dispute, cette fois du proxénète avec Eschine au sujet de la jeune femme, les plaintes d'Eschine auprès de Syrus, l'allégresse de Ctésiphon parce qu'il possède sa maîtresse et ses remerciements à Eschine. 3 L'Acte III contient l'agitation de Sostrata, la mère, et de Canthara, la nourrice, en raison de l'accouchement de Pamphila, la jeune femme outragée par Eschine, puis l'annonce erronée à sa maîtresse par Géta qu'Eschine a enlevé la courtisane pour son propre compte, le retour sur scène de Déméa et sa conversation avec Syrus qui se joue de lui, l'intervention d'Hégion et sa dispute avec ce même Déméa sur le forfait d'Eschine, puis sa consolation à Sostrata. 4 L'Acte IV contient les événements suivants : conversation de Ctésiphon avec Syrus sur la ruse faite à Déméa et intervention en scène du même Déméa, avec une seconde fourberie faite par Syrus, puis la conversation de Micion et d'Hégion, la lamentation d'Eschine sur ses affaires et la dispute très drôle de ce même Eschine avec son père Micion, puis le retour sur scène de Déméa après la méprise dans laquelle l'avait jeté Syrus, et sa nouvelle algarade avec son frère, puis l'entrée en scène de Syrus tremblant. 5 L'Acte V contient les événements suivants : prise en flagrant délit de Ctésiphon avec sa courtisane, troisième algarade entre Micion et Déméa et autocritique de ce dernier concernant son mode de vie passé et, par son entremise, l'avalanche d'événements qu'on trouve dans une comédie nouvelle, à savoir sa gentillesse à l'égard d'Eschine, son affabilité envers Géta, sa réconciliation avec Sostrata, l'affranchissement de Syrus et de son épouse et le pardon accordé à Ctésiphon avec, pour lui, la permission de garder sa courtisane. 6 On conserve dans toute la comédie un Micion permissif, un Déméa sévère, un proxénète cupide, un Syrus roublard, un Ctésiphon craintif, un Eschine dépensier, des femmes terrorisées, un Hégion sérieux. 7 Pour ce qui est de la division en actes de la comédie, souvenons-nous de même d'abord que ni les Grecs ni les Latins n'ont respecté un nombre prescrit de pages, dans la mesure où la subdivision obéit à ce principe : là où le spectateur est en mesure d'être bien attentif, l'acte doit être assez long ; là où il se fatigue, il faut l'abréger et le condenser ; et aussi que dans un même acte on peut rassembler trois ou quatre scènes de sorties et d'entrées de personnages. 8 Cette comédie unique a été faite à partir de deux modèles grecs, Les Adelphes de Ménandre et les Commorientes (les Deux mourants) de Diphile212.

Prologus

1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25

1
postquam poeta sensit scripturam suam
Le poète, après s'être aperçu que son ouvrage

1 postqvam poeta s. sensit s. scriptvram s. svam postquam pro quoniam, cuius reciprocum quoniam pro postquam. Plautus in Aulularia «  is quoniam moritur - ita auido ingenio fuit 2 ». 2 postqvam sensit pro postquam sensisset. 3 scriptvram svam indifferenter omnis qui aliquid scriberet scriptor a ueteribus dicebatur.
1 postqvam poeta sensit scriptvram svam postquam est mis pour quoniam (puisque) , comme réciproquement on a quoniam pour postquam. Plaute dans L'Aululaire : « is quoniam moritur - ita auido ingenio fuit » (après sa mort –il était si cupide). 2 postqvam sensit pour postquam sensisset au subjonctif (dès lors qu'il se fut aperçu). 3 scriptvram svam sans distinction, quiconque écrivait quelque chose était appelé scriptor (écrivain) par les Anciens213.

2
ab iniquis obseruari et aduersarios
est mal vu par des gens injustes et que ses adversaires

1 ab iniqvis inimicis, ut «  fatis Iunonis iniquae 3 ». 2 observari obseruatio et ad honorem refertur, ut «  praeterea regem non sic Aegyptus et i. ingens L. Lydia n. nec p. populi P. Parthorum a. aut M. Medus H. Hydaspes o. obseruant 4 ». sed nunc obseruari captari significat. 3 observari et honorari et captari et audiri significat, ut Plautus «  obseruatote ut blande palpetur mulieri 5 ». 4 observari et rapere in peiorem partem6 uarietas per genera uerborum est: utrique sententiae apte iungimus scripturam suam.
1 ab iniqvis ses ennemis, comme : « fatis Iunonis iniquae » (destins imposés par l'hostile Junon). 2 observari obseruatio (observation)214 se comprend de plusieurs manières : le mot se rapporte à la déférence, comme dans : « praeterea regem non sic Aegyptus et ingens Lydia nec populi Parthorum aut Medus Hydaspes obseruant » (en outre le roi ne jouit pas d'une telle considération, ni en Egypte ni dans l'immense Lydie, ni chez les peuples parthes, ni chez le Mède de l'Hydaspe) ; mais ici il se comprend au sens de captari (être surveillé). 3 observari signifie "être perçu" (honorari) ou "être surveillé" (captari) ou "être entendu" (audiri), comme chez Plaute « obseruatote ut blande palpetur mulieri » (regardez/écoutez comme il va bien s'occuper de la dame). 4 observari et rapere in peiorem partem il y a une diversité dans la diathèse verbale ; aux deux verbes nous pouvons accorder régulièrement scripturam suam215.

3
rapere in peiorem partem quam acturi sumus,
présentent sous un mauvais jour la pièce que nous allons représenter,

rapere in peiorem partem uitio dare, uituperare.
rapere in peiorem partem tourner en mauvaise part, blâmer.

4
indicio de se ipse erit, uos eritis iudices,
viendra se dénoncer lui-même. C'est vous qui serez juges

1 indicio de se mire expressit simplicitatem uera dicturi, cum indicaturum de se dixit, non narraturum. 2 Et indicio de se ipse erit pro index erit. 3 indicio de se ipse indicat is, qui de se uolens et de aliis aliquid prodit, confitetur, qui de se tantum et qui inuitus. 4 vos eritis ivdices bene, quia apud iudices indicium profitentur, qui accusatorem adiuuant.
1 indicio de se il exprime remarquablement la simplicité de celui qui s'apprête à dire la vérité en disant qu'il va indiquer (indicaturum) à son sujet une preuve et non pas raconter (narraturum) quelque chose. 2 Et indicio de se ipse erit vaut pour index erit (il sera son propre indicateur). 3 indicio de se ipse on dit qu'indique (indicat) celui qui, en voulant apporter quelque chose à son propos apporte aussi quelque chose sur d'autres sujets, alors qu'avoue (confitetur) celui qui dit seulement quelque chose à son sujet et le fait à contrecœur. 4 vos eritis ivdices bien trouvé, car c'est auprès des juges que ceux qui sont au côté de l'accusateur avouent une preuve.

5
laudin an uitio duci id factum oporteat.
si l'on doit louer ou blâmer ce qu'il a fait.

lavdin an vitio medium non fecit, ut appareat, si crimen non sit, laudem esse debere.
lavdin an vitio il n'a pas mis de milieu, pour qu'il soit clair que, si la faute n'existe pas, il doit y avoir louange.

6
Synapothnescontes Diphili comoedia est:
Les Synapothnescontes est une comédie de Diphile ;

synapothnescontes diphili comoedia est nec numeri nec genera respicienda sunt contra sententiam remque ipsam.
synapothnescontes diphili comoedia est il ne faut pas faire l'accord en nombre ni en genre contre la phrase et contre la chose même216.

7
eam Commorientes Plautus fecit fabulam.
Plaute en a fait sa pièce des Commorientes.

eam commorientes plavtvs fecit fabvlam ut apud Graecos δρᾶμα , sic apud Latinos generaliter fabula dicitur, cuius species sunt tragoedia, comoedia, togata, tabernaria, praetexta, crepidata, Atellana, μῖμος , Rintonica.
eam commorientes plavtvs fecit fabvlam de même que les Grecs utilisent δρᾶμα , de même les Latins utilisent comme terme générique fabula et comme hyponymes tragoedia, comoedia, togata, tabernaria, praetexta, crepidata, Atellana, μῖμος , Rintonica217.

8
in Graeca adulescens est, qui lenoni eripit
Dans la pièce grecque, il y a un jeune homme qui enlève à un proxénète

1 in graeca Diphili scilicet. 2 advlescens est ut si diceret: "est quidam adulescens qui lenoni eripit".
1 in graeca la pièce de Diphile, implicitement. 2 advlescens est comme s'il disait : "il y a un certain jeune homme qui enlève à un proxénète".

9
meretricem in prima fabula: eum Plautus locum
une fille au début de la pièce : ce passage, Plaute

in prima fabvla pro in prima parte, ut dicimus primis digitis; non enim et secunda aut tertia fabula.
in prima fabvla pour "dans la première partie", comme on dit primis digitis (au bout des doigts). Car il n'y a pas de deuxième ou de troisième pièce218.

10
reliquit integrum. eum hic locum sumpsit sibi
l'a laissé intact, lui s'est pris ledit passage

1 reliqvit integrvm cum alia transferret. 2 svmpsit sibi libere tulit, hoc est non furatus est, ut «  sume pater 6 ».
1 reliqvit integrvm en traduisant le reste. 2 svmpsit sibi il l'a pris librement, c'est-à-dire qu'il ne l'a pas volé, comme dans : « sume pater » (prends, père).

11
in Adelphos, uerbum de uerbo expressum extulit.
pour le mettre dans ses Adelphes et l'a rendu mot pour mot.

1 in adelphos Latine declinauit. 2 verbvm de verbo expressvm extvlit hic approbatur uere de Graeco esse sublatum, non de Plauto, ut dicit aduersarius. 3 extvlit mire non dixit transtulit sed extulit, ut ornasse Graeco uideatur Latino stilo.
1 in adelphos il le décline en latin. 2 verbvm de verbo expressvm extvlit ici, il est prouvé qu'il s'agit d'un authentique emprunt au grec, non pas à Plaute, comme le prétend son adversaire. 3 extvlit il est remarquable qu'il dise extulit plutôt que transtulit (il a transféré), pour paraître avoir embelli le grec par le style latin.

12
eam nos acturi sumus nouam: pernoscite
Voici la pièce nouvelle que nous nous apprêtons à représenter. Examinez

1 eam nos actvri Adelphos scilicet. 2 novam ueterem Graecam intellegimus.
1 eam nos actvri il parle des Adelphes, implicitement. 2 novam nous comprenons que l'ancienne c'est la pièce grecque.

13
furtumne factum existimetis an locum
si vous pensez qu'il y a eu vol, ou si un passage

1 fvrtvmne factvm hoc est uitio duci. 2 an locvm reprehensvm hoc est laudi duci.
1 fvrtvmne factvm c'est-à-dire que c'est un défaut (uitio). 2 an locvm reprehensvm c'est-à-dire que c'est une qualité (laudi).

14
reprehensum, qui praeteritus neglegentia est.
a été repris, qui avait été omis par négligence.

1 neglegentia est Plauti scilicet, cuius «  aemulari exoptat neglegentia 7 ». 2 reprehensvm retentum, resumptum.
1 neglegentia est négligence de Plaute implicitement, « dont il souhaite dépasser le caractère négligent ». 2 reprehensvm retenu, repris.

15
nam quod isti dicunt maliuoli, homines nobiles
Quant aux propos de ces méchants qui prétendent que d'illustres personnages

1 nam qvod isti dicvntnam incipiendi uim habet modo, ut «  nam ego hanc machaeram me c. consolari u. uolo 8 ». 2 homines nobiles Scipionem Africanum significat et Laelium Sapientem et Furium Philum.
1 nam qvod isti dicvnt nam (en effet) a parfois une fonction d'inauguration de la phrase, comme dans : « nam ego hanc machaeram me consolari uolo » (car je veux consoler cette dague). 2 homines nobiles il veut dire Scipion l'Africain, Laelius le Sage et Furius Philus.

16
eum848 adiutare adsidueque una scribere:
l'aident et passent leur temps à écrire avec lui,

1 evm adivtare et legitur adiuuare. Pacuuius in Chryse «  adiutamini 9 ». 2 assidveqve vna scribere non sic dicit aduersarius, uerum hic oratorie crimen non tangit.
1 evm adivtare on lit aussi adiuuare. Pacuvius dans Chrysès : « adiutamini » (faites-vous aider). 2 assidveqve vna scribere ce n'est pas ce que dit l'adversaire, mais ici, de façon oratoire, il ne touche pas au chef d'accusation.

17
quod illi maledictum uehemens esse existimant,
ce que ces gens-là estiment être une insulte violente,

18
eam laudem hic ducit maximam, cum illis placet,
il juge, lui, que c'est le plus grand des éloges, puisqu'il plaît à ceux

19
qui uobis uniuersis et populo placent,
qui plaisent à vous tous et au peuple,

qvi vobis vniversis et popvlo uniuersos qui in cauea sunt dicit, populum qui etiam praeter theatrum, id est uniuersam urbem.
qvi vobis vniversis et popvlo il veut dire par uniuersi tous ceux qui sont dans les travées, et par populus le peuple, y compris hors du théâtre, c'est-à-dire la ville entière219.

20
quorum opera in bello, in otio, in negotio
de l'assistance desquels dans la guerre, dans les loisirs, dans les affaires,

in bello Scipionis, in otio Furii Phili, in negotio Laelii Sapientis.
in bello c'est-à-dire Scipion l'Africain, in otio c'est-à-dire Furius Philus, in negotio c'est-à-dire Laelius le Sage.

21
suo quisque tempore usus est sine superbia.
chacun en son temps a usé sans orgueil.

22
dehinc ne exspectetis argumentum fabulae:
Après cela, n'attendez pas l'exposition du sujet :

23
senes qui primi uenient, ei partem aperient,
ce sont les vieillards qui viendront en premier qui l'exposeront pour partie,

24
in agendo partem ostendent. facite aequanimitas
et dans le cours de l'action vous le montreront pour partie. Faites que votre bienveillance

1 in agendo partem ostendent σχῆμα ὑπεξαίρεσις: hic enim iam non senes accipiendi, sed et ceterae personae. 2 Aut ipsi senes in statario charactere partem aperient, in motorio partem ostendent. nam duo agendi sunt principales modi, motorius et statarius, ex quibus ille tertius nascitur, qui dicitur mixtus. 3 aeqvanimitas fauor et propitius animus. et deest uestra.
1 in agendo partem ostendent figure de sous-entendu (σχῆμα ὑπεξαίρεσις) : car en l'espèce ce ne sont pas les vieillards (senes) qu'il faut comprendre, mais tous les autres personnages. 2 Ou bien ce sont les vieillards eux-mêmes qui révéleront une partie de l'argument dans le passage statique, une autre dans le passage agité. Car il y a deux modes d'action principaux, le mode agité (motorius) et le mode statique (statarius), desquels découle le troisième mode, qui s'appelle le mixte (mixtus)220. 3 aeqvanimitas la faveur et l'indulgence. Et il manque uestra (votre).

25
poetae ad scribendum augeat industriam.
pour le poète augmente son zèle à écrire !

Actus primus

scaena prima

Micio

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26
Storax! non rediit hac nocte a cena Aeschinus
Mi.-Storax ! Eschine n'est pas rentré cette nuit depuis son souper,

1 storax nomina personarum, in comoediis dumtaxat, habere debent rationem et etymologiam. etenim absurdum est comicum, cum7 apte argumenta confingat, uel nomen personae incongruum dare uel officium, quod sit a nomine diuersum. hinc seruus fidelis Parmeno, infidelis Syrus uel Geta, miles Thraso uel Polemo, iuuenis Pamphilus, matrona Myrrina et puer uel ab odore Storax uel a ludo et gesticulatione Scirtus et item similia. in quibus summum poetae uitium est, siquid e contrario repugnans contrarium diuersumque protulerit, nisi per ἀντίφρασιν ioculariter nomen imposuit, ut Misargyrides in Plauto dicitur trapezita. et fere apud alios hoc modo poetas nomina componuntur per ἀντίφρασιν describentia quod designant. 2 storax primae partes, sicut in prologo ipse promisit, a senibus aguntur, quorum contentione ad argumentum relata uita aspera cum leni et pater comis cum seuerissimo comparantur. 3 storax Storacem uocauit, non Aeschinum: cur igitur tacente puero hoc absentem Aeschinum credit? quia seruuli adulescentibus praestolantur, ut in Andria «  obseruabam mane illorum seruulos uenientis aut abeuntis 10 ». sed quia fieri poterat, ut domino absente adesset Storax, commodissime adiecit «  neque seruulorum quisquam qui aduersum ierant 11 ». 4 storax non rediit hac nocte a cena aeschinvs hoc alii interrogatiue, alii pronuntiatiue proferunt; sed magis pronuntiatiue dicendum.
1 storax les noms de personnages, au moins pour ce qui est de la comédie, doivent avoir une justification et une étymologie. Et de fait, il est absurde, alors même que le poète invente un argument bien agencé, de donner à un personnage ou bien un nom comique incongru ou bien une fonction qui soit en contradiction avec son nom. D'où l'usage de nommer un serviteur fidèle Parménon, un serviteur infidèle Syrus ou Géta, un soldat Thrason ou Polémon, un jeune homme Pamphile, une dame Myrrhina et un jeune esclave soit, à cause de son odeur, Storax, soit, à cause de son jeu et de ses gesticulations, Scirtus et ainsi de suite. Sur cette question, la plus grande erreur du poète consiste à proposer, au contraire, un nom contradictoire, opposé et contraire221, à moins que ce ne soit par antiphrase (ἀντίφρασις) et par plaisanterie qu'il a donné son nom au personnage, comme chez Plaute un banquier s'appelle Misargyridès. Et chez presque tous les autres poètes sont forgés des noms de ce genre qui décrivent ce qu'ils désignent par antiphrase (ἀντίφρασις)222. 2 storax les premiers rôles sont tenus, comme il l'a promis lui-même dans le Prologue, par les deux vieillards, dont le débat, en relation avec l'argument, permet la comparaison entre un mode de vie âpre et un mode de vie doux et entre un père indulgent et un père très sévère. 3 storax il appelle Storax et non Eschine : dans ce cas pourquoi, alors que l'esclave reste silencieux, a-t-il le sentiment qu'Eschine est absent ? Parce que les petits esclaves attendent l'arrivée des jeunes gens, comme dans L'Andrienne : « obseruabam mane illorum seruulos uenientis aut abeuntis »223. Mais comme il aurait pu se faire que Storax soit présent bien que son maître fût absent, il ajoute opportunément « neque seruulorum quisquam qui aduersum ierant ». 4 storax non rediit hac nocte a cena aeschinvs cette réplique, selon certains, est une interrogation, selon d'autres une assertion ; mais il est préférable de le dire de façon assertive224.

27
neque seruulorum quisquam, qui aduersum ierant.
ni aucun des petits esclaves qui étaient allés au-devant de lui.

1 neqve servvlorvm praeter Storacem, quem abesse non respondendo intelleximus. 2 qvi adversvm proprie locutus est, nam aduersitores dicuntur. 3 ierant ierant producte8 pronuntiandum, quod nos addita V iuerant dicimus. tale est illud Vergilii «  nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas 12 ».
1 neqve servvlorvm mis à part Storax, dont le défaut de réponse nous fait comprendre l'absence. 2 qvi adversvm il parle au sens propre, car ces esclaves s'appellent aduersitores (chargés d'aller à la rencontre)225. 3 ierant il faut prononcer īerant avec un i long, que nous prononçons, nous, en ajoutant un u : īuerant. Même phénomène chez Virgile : « nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas » (nous sommes partis en bateau et avons gagné Mycènes avec le vent)226.

28
profecto hoc uere dicunt: si absis uspiam aut
On a bien raison de dire : si tu t'absentes quelque part ou

1 profecto hoc vere dicvnt absolute: non addidit qui. 2 si absis vspiam abundat uspiam aut deest profectus aut quid tale. 3 avt ibi uspiam; significat enim, scilicet uspiam, et in loco et ad locum. 4 si absis vspiam avt ibi si cesses si absis ad parentes propitios, si cesses ad uxorem iratam refert.
1 profecto hoc vere dicvnt emploi indéfini : il n'ajoute pas qui (ceux qui...)227. 2 si absis vspiam uspiam (quelque part) est superflu ou alors il manque profectus (parti quelque part), ou quelque équivalent. 3 avt ibi quelque part ; car à l'évidence uspiam signifie "dans un lieu" ou "vers un lieu"228. 4 si absis vspiam avt ibi si cesses si absis se réfère à parentes propitii, si cesses à uxor irata.

29
ibi 849 si cesses, euenire ea satius est,
que tu t'y attardes, mieux vaudrait qu'il t'arrive

30
quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat
tout ce que dit à ton endroit ton épouse et ce qu'elle rumine dans sa tête

1 in te9 desertorem. 2 vxor subaudiendum et hic irata uxor 10. 3 et qvae in animo omne, quod sentimus, aut cogitamus aut dicimus, et utrumque pro oratione est: sed illa ἐνδιάθετος , quae in cogitatione est, haec προφορικὸς λόγος dicitur, quae in uerbis est constituta. Vergilius «  et mihi iam multi crudele canebant artificis scelus et taciti uentura uidebant 13 », et ipse alibi «  nunc si quis est, qui hoc dicat aut sic cogitet 14 ».
1 in te toi qui abandonnes ton foyer. 2 vxor sous-entendre ici aussi irata uxor (épouse en colère)229. 3 et qvae in animo tout ce que nous ressentons, ou nous le "pensons" ou nous le "disons", et l'un et l'autre tiennent lieu de discours. Mais le premier, qui est dans la pensée, s'appelle discours intérieur (ἐνδιάθετος λόγος), le second, qui consiste en paroles, s'appelle discours verbalisé (προφορικὸς λόγος). Virgile : « et mihi iam multi crudele canebant / artificis scelus et taciti uentura uidebant » (et beaucoup déjà me prédisaient le crime cruel de l'artisane et sans le dire voyaient l'avenir)230, et Térence lui-même, ailleurs : « nunc si quis est qui hoc dicat aut sic cogitet ».

31
irata, quam illa quae parentes propitii.
de colère, plutôt que ce qu'appréhendent des parents attentionnés.

qvam illa qvae parentes erudite: non addidit in quem dicat, quia scit nomina uxoris et parentum τῶν πρός τι esse.
qvam illa qvae parentes savamment dit : il n'ajoute pas au sujet de qui, parce qu'il sait que les noms uxor et parentes sont des noms relatifs (τῶν πρός τι)231.

32
uxor, si cesses, aut te amare cogitat
Une femme, si tu es en retard, s'imagine ou que tu es amoureux

1 vxor si cesses quare non si absis? an quia iustius cessanti quam absenti suscensemus an quia irata uxor si cesses? 211 avt te amare cogitat ἐφεξήγησις τῇ ἐξεργασίᾳ. 3 avt te amare cogitat avt minus peccati est amori proprio cedere quam alieno amori obsequi nulla re impellente, sine uxore potare aut uelle delicias. 4 Ergo αὔξησις est, nisi forte τῷ ἰδιωτισμῷ hoc putamus dictum. 5 avt te amare cogitat avt tete amari cum duo proposuerit, alterum sumpsit. nam cum dixisset «  quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat 15 », intulit aut te amare cogitat et «  ego quia non rediit filius quae cogito 16 ». 6 avt te amare cogitat avt tete amari quia te amare ἀμφιβόλως dixerat, cito intulit quod certum est «  aut tete amari 17 »; et quia illud te dixerat, hoc geminauit et tete dixit tamquam significantius.
1 vxor si cesses pourquoi pas si absis (si tu t'absentes) ? Est-ce parce qu'il y a plus de légitimité à se mettre en colère contre quelqu'un qui se met en retard que contre quelqu'un qui est absent ou parce que irata uxor si cesses ? 2 avt te amare cogitat épexégèse (ἐφεξήγησις) avec emprunt de circonstances extrinsèques (ἐξεργασίᾳ). 3 avt te amare cogitat avt il y a moins de faute à céder à l'amour-propre que d'obéir à l'amour pour autrui sans y être contraint, de boire sans son épouse ou de vouloir des plaisirs. 4 Donc il y a une amplification (αὔξησις), à moins que nous ne pensions que la phrase est dite par particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ)232. 5 avt te amare cogitat avt tete amari bien qu'il ait fait deux hypothèses, il en fait une seule prémisse233. Car alors qu'il avait dit « quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat », il a repris aut te amare cogitat et « ego quia non rediit filius quae cogito ». 6 avt te amare cogitat avt tete amari parce que te amare était ambigu (ἀμφιβόλως)234, aussitôt il reprend par une proposition univoque « aut tete amari » ; et comme il avait dit te la première fois, il le duplique la deuxième fois et dit tete comme pour que ce soit plus signifiant.

33
aut tete amari aut potare atque animo obsequi
ou qu'on est amoureux de toi ou que tu bois ou que tu n'en fais qu'à ta tête

atqve animo obseqvi ἐπαναφορά.
atqve animo obseqvi épanaphore (ἐπαναφορά).235

34
et tibi bene esse, soli cum sibi sit male.
et que tout va bien pour toi, pendant que pour elle seule c'est l'horreur.

35
ego quia non rediit filius quae cogito,
Moi, parce que mon fils n'est pas rentré, qu'est-ce que je pense,

1 ego qvia non rediit filivs plus est quod dixit ego quam si diceret parentes. 2 qvae cogito qvibvs et hoc sic pronuntiandum est, ut horrere uideatur ipse cogitationem suam. 3 ego qvia non rediit filivs ἀνακόλουθον: non enim dicit pater.
1 ego qvia non rediit filivs il dit plus en disant ego qu'en disant parentes (les parents). 2 qvae cogito qvibvs et il faut prononcer ces mots en faisant apparaître qu'il a peur de sa propre idée. 3 ego qvia non rediit filivs anacoluthe (ἀνακόλουθον) : il ne dit pas en effet pater (le père)236.

36
quibus nunc sollicitor rebus! ne aut ille alserit
de quels soucis je me mets en peine ! Il aura sûrement pris froid,

1 qvibvs nvnc sollicitor hoc est: quam malis et non, ut uxor, bonis. 2 ne avt ille alserit uide quam teneri sit amoris hic timor, in iuuene praesertim. 3 ne avt ille alserit avt vspiam nimium tenere amat, qui et haec in iuuene pertimescit, quae circa infantulos cauere solent.
1 qvibvs nvnc sollicitor c'est-à-dire "quelles pensées funestes", et non pas, comme pour l'épouse, des pensées heureuses237. 2 ne avt ille alserit voyez quelle tendresse il y a dans cette crainte, surtout à l'égard d'un jeune homme. 3 ne avt ille alserit avt vspiam il a une tendresse excessive, lui qui craint pour un jeune homme ce qu'on tâche d'éviter d'ordinaire à l'égard de jeunes enfants238.

37
aut uspiam ceciderit ac praefregerit
ou sera tombé quelque part et se sera cassé

1 avt vspiam uspiam et in loco et ad locum significat. 2 ceciderit ac praefregerit iungendum, ut non solum ceciderit sed etiam praefregerit aliquid: haec sunt, quae sibi euenire nemo uelit.
1 avt vspiam uspiam renvoie au lieu où l'on est et au lieu où l'on va. 2 ceciderit ac praefregerit il faut les lier, en sorte que non seulement "il est tombé" mais il s'est aussi "cassé quelque chose" : voilà ce que personne ne souhaiterait subir.

38
aliquid. uah, quemquamne hominem in animo instituere aut
quelque chose ! Ah ! faut-il donc qu'un homme installe en son cœur ou

qvemqvamne hominem sic dicimus de ea re, quam miramur fere ab omnibus fieri.
qvemqvamne hominem ainsi disons-nous d'une situation dans laquelle nous nous étonnons de voir presque tout le monde se mettre239.

39
parare quod sit carius quam ipse est sibi!
se forge une chose qui lui soit plus chère que lui-même !

qvam ipse est sibi tamquam duo sint sed licet hoc poetae comico.
qvam ipse est sibi comme s'ils étaient deux ; mais c'est permis au poète de comédie240.

40
atque ex me hic natus non est, sed ex fratre; is adeo
Et encore, ce n'est pas de moi qu'il est né, mais de mon frère ; lequel est à ce point

1 atqve ex me hic natvs non est quasi dicat: ex me non est et sic afficior; quid paterer, si genuissem? 2 Et non ex me natus dixit, quasi12 diceret meus natus. 3 sed ex fratre id est: non omnino alienus est. 4 is adeo transitus ad argumentum subtilissimus. 5 adeo aut abundat aut nimium significat, ut in Eunucho «  adulescentem adeo nobilem 18 ».
1 atqve ex me hic natvs non est c'est comme s'il disait : "il n'est pas de moi et pourtant je suis très affecté ; que serait-ce si j'étais son géniteur" ? 2 Et il ne dit pas ex me natus de la même manière qu'il dirait natus meus (mon fils)241. 3 sed ex fratre c'est-à-dire : il ne m'est pas complètement étranger. 4 is adeo passage très subtil à l'argument de la pièce. 5 adeo ou c'est superflu ou le mot signifie nimium (trop), comme dans L'Eunuque : « adulescentem adeo habilem »242.

41
dissimili studio est iam inde ab adulescentia.
différent de moi dans ses goûts depuis l'enfance.

42
ego hanc clementem uitam urbanam atque otium
Moi, c'est cette douce vie de la ville et cette tranquillité

1 ego hanc clementem vitam vrbanam ὀρθὴ διήγησις διὰ τὰς πτώσεις. 2 clementem vitam figurate ipsam uitam dicit13 clementem, quae clementes facit. clemens autem est qui colit mentem. 3 atqve otivm deest urbanum.
1 ego hanc clementem vitam vrbanam récit direct par l'emploi des formes casuelles (ὀρθὴ διήγησις διὰ τὰς πτώσεις). 2 clementem vitam de façon figurée il qualifie de clémente la vie même qui rend les gens cléments. Mais clemens désigne celui qui "cultive son esprit" (colit mentem)243. 3 atqve otivm il manque urbanum (de la ville)244.

43
secutus sum et, quod fortunatum isti putant,
que j'ai suivie et, chose qu'on regarde comme un grand bonheur,

1 secvtvs svm bene secutus quasi magistram recte beateque uiuendi. 2 et qvod fortvnatvm isti pvtant Romani scilicet, qui caelibem quasi caelitem dicunt, et item Graeci, apud quos sunt huiusmodi sententiae, ut « ἁψῖδ᾿ ὃς εἶχε σχοινίων πωλουμένων »14 et alibi « γαμεῖ Πάμφιλος· γαμείτω. καὶ γὰρ ἠδίκησέ με ». 3 fortvnatvm isti pvtant utique uxorem non ducere. dicit autem Romanus id uideri, quos peccatores15 habet Menander: ut «  ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ λαμβάνω 19 »16. 4 fortvnatvm isti pvtant quidam putant sic pronuntiandum et quod fortunatum isti putant uxorem, et haec bona et concinnata locutio est. 5 Et putant bene dicit is, cui displicet aliena sententia. isti autem id est: hi qui a me dissentiunt.
1 secvtvs svm le verbe est bien trouvé, comme on suit un modèle de vie droite et heureuse245. 2 et qvod fortvnatvm isti pvtant comprendre "les Romains", qui disent que le célibataire est comme un dieu au ciel (caelibem caelitem)246, et les Grecs aussi, chez qui on trouve le même genre d'énoncés comme « ἁψῖδ᾿ ὃς εἶχε σχοινίων πωλουμένων » (lui qui avait tout un filet à force de s'être fait vendre des cordes)247 et ailleurs « γαμεῖ Πάμφιλος· γαμείτω. καὶ γὰρ ἠδίκησέ με » (Pamphile se marie ; qu'il se marie ! De fait, il m'a fait du tort)248. 3 fortvnatvm isti pvtant de toute manière de ne pas prendre femme. Le personnage romain dit que c'est l'opinion des gens que Ménandre tient pour fautifs : ainsi : « ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ λαμβάνω » (O quel bonheur est le mien ! je ne prends pas femme)249. 4 et qvod fortvnatvm isti pvtant certains estiment qu'il faut prononcer et quod fortunatum isti putant uxorem250, et c'est une expression bonne et élégante. 5 Et pvtant est bien dit par qui réprouve une opinion qui lui est étrangère. Isti quant à lui désigne "ceux qui ne sont pas d'accord avec moi".

44
uxorem numquam habui. ille contra haec omnia:
je ne me suis jamais marié. Lui, c'est tout le contraire :

vxorem nvmqvam habvi si non habeo dixisset, poterat uideri habuisse.
vxorem nvmqvam habvi s'il avait dit non habeo (je n'ai pas d'épouse), on pourrait croire qu'il en avait eu une autrefois251.

45
ruri agere uitam, semper parce ac duriter
et de vivre à la campagne, sans arrêt à se mener une vie chiche et dure ;

1 rvri agere vitam «  contra haec omnia 20 »: suffecerat breuitas, sed subiungit fratris descriptionem, ut uerbis ipsis malam uitae condicionem ostendat. 2 semper parce ac dvriter semper licet incertam distinctionem habeat, tamen recte additum est, quia uel ruri agere uoluptatis est uel parce ac duriter se habere uirtutis. 3 Sed semper ad uictum, parce autem ad seruandum, duriter ad laborem referendum est. 4 rvri agere semper parce ac dvriter se habere uariauit, ut in Andria.
1 rvri agere vitam la brièveté de « contra haec omnia » pouvait suffire, mais il ajoute en sous-main le portrait de son frère pour faire bien voir par ses mots mêmes ses mauvaises conditions de vie. 2 semper parce ac dvriter semper a beau avoir une ponctuation ambiguë, c'est tout de même un ajout correct parce que soit ruri agere a une connotation de plaisir, soit parce et duriter a une connotation de vertu252. 3 Mais semper doit se référer au mode de vie, parce au sens de l'épargne, duriter au labeur. 4 rvri agere semper parce ac dvriter se habere il fait une variation, comme dans L'Andrienne253.

46
se habere, uxorem duxit, nati filii
il a pris femme, lui sont nés des fils,

1 vxorem dvxit recte dicit, non ducere: semel enim hoc fecit Demea. 2 vxorem dvxit uarie per modos. 3 vxorem dvxit adiuua pronuntiatione, ne singula uerba17 secuta uideantur; nam sic in fine fabulae ait Demea: «  duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi! nati filii: alia cura 21 ».
1 vxorem dvxit expression correcte, et non pas au présent ducere : de fait Déméa a accompli une seule fois cette action254. 2 vxorem dvxit variation de modes255. 3 vxorem dvxit aider la compréhension par la prononciation, pour éviter que les mots256 paraissent se suivre séparément ; car à la fin de la pièce Déméa s'exprime ainsi : « duxi uxorem : quam ibi miseriam uidi ! nati filii : alia cura ».

47
duo: inde ego hunc maiorem adoptaui mihi:
deux : puis c'est moi qui ai adopté l'aîné,

1 inde ego hvnc maiorem mire inde subiungit, cum personam praetulerit. sic alibi: «  e praedonibus, unde emerat, se audisse abreptam e Sunio 22 ». 2 inde ego hvnc inde pro ex quibus. et mihi abundat. 3 et bene hunc dixit, quia de ipso loquebatur.
1 inde ego hvnc maiorem de façon étonnante il relie par l'adverbe inde alors qu'il avait indiqué des noms de personnes ; il fait de même ailleurs : « e praedonibus unde emerat se audisse abreptam e Sunio »257. 2 inde ego hvnc inde est mis pour ex quibus (parmi lesquels). Et mihi est pléonastique258. 3 Et il fait bien de dire hunc, parce que c'est de lui-même qu'il parle259.

48
eduxi a paruulo, habui, amaui pro meo;
je l'ai élevé depuis tout petit, je l'ai tenu, aimé pour le mien.

1 edvxi a parvvlo quod nos educare dicimus educere ueteres dixerunt, ut «  educet siluis regem regumque parentem 23 ». 2 habvi amavi pro meo quaeritur quid sit habui, et cum multa dicantur, hoc solum uerum est: habui credidi, duxi, existimaui, ut alibi: «  semper eius dicta est haec atque habita est soror 24 » et Cicero: «  ita habeantur atque dicantur 25 ». 3 Ergo pro meo bis subaudiendum est: habui pro meo et amaui pro meo.
1 edvxi a parvvlo là où nous disons educare, les Anciens disaient educere260, comme dans : « educet siluis regem regumque parentem » (elle élèvera dans les bois un roi, père de rois). 2 habvi amavi pro meo la question est de savoir261 ce qu'est habui ; et parmi les nombreuses explications, celle-ci seule est vraie : habui signifie credidi (je l'ai cru), duxi (je l'ai considéré comme), existimaui (je l'ai tenu pour), comme ailleurs : « semper eius dicta est haec atque habita est soror », et chez Cicéron : « ita habeantur atque dicantur » (qu'on les tienne pour tels et les dise tels). 3 Donc pro meo est à sous-entendre deux fois : habui pro meo et aussi amaui pro meo (je l'ai aimé comme le mien).

49
in eo me oblecto: solum id est carum mihi.
C'est lui qui fait toute ma joie ; il est l'unique objet de ma tendresse.

1 in eo me oblecto solvm id est carvm mihi absolute utrumque, et in eo et solum. –  2 in eo quasi in ea re. – plus autem significat quam si diceret solus is est carus mihi. 3 in eo me oblecto noue in eo me oblecto pro eo me oblecto.
1 in eo me oblecto solvm id est carvm mihi les deux, in eo et solum, sont construits sans complément262. –  2 in eo équivaut à in ea re (en cela). – et c'est plus signifiant que s'il disait solus is est carus mihi (lui seul m'est cher). 3 in eo me oblecto construction inédite in eo me oblecto au lieu de eo me oblecto.

50
ille ut item contra me habeat facio sedulo:
Pour qu'il ait mêmes sentiments à mon égard, je m'emploie :

1 facio sedvlo secus a dolo, id est sine dolo et impense. 2 ille vt item habeat18 item similiter, contra uicissim. Plautus: «  ut illa illum contra: qui est amor cultu optimus 26 ».
1 facio sedvlo sedulo vient de secus a dolo (autrement que par la ruse), donc sine dolo (sans ruse) et avec empressement. 2 ille vt item habeat item veut dire similiter (de la même façon), contra veut dire uicissim (réciproquement). Plaute : « ut illa illum contra : qui est amor cultu optimus » (et elle l'aimait de son côté, ce qui est le meilleur amour à cultiver).

51
do, praetermitto, non necesse habeo omnia
Je donne, j'autorise, je n'ai pas besoin de tout

1 do praetermitto do sumptum, praetermitto delicta. 2 non necesse habeo omnia pro meo ivre agere etsi licet, non necesse est patrem saeuire, quia pater est. 3 Inter ius et aequitas hoc interest: ius est quod omnia recta et inflexibilia exigit, aequitas est quae de iure multum remittit. ergo sensus hic est: "non necesse est, etiamsi licet, saeuum esse patrem". 4 Et mire ostendit ius summ nisi necessitate non esse seruandum.
1 do praetermitto do (je donne) de quoi dépenser, praetermitto (je permets) des délits. 2 non necesse habeo omnia pro meo ivre agere même s'il en a le droit, le père n'a pas besoin d'être sévère parce qu'il est le père. 3 La différence entre ius et aequitas (équité) est la suivante : ius désigne ce qui exige que tout soit droit et inflexible, aequitas désigne ce qui fait un important adoucissement du droit. Le sens est donc : "il n'est pas nécessaire, même si c'est permis, qu'un père soit sévère". 4 Et paradoxalement il montre qu'il ne faut pas user de ses droits sauf nécessité.

52
pro meo iure agere: postremo, alii clanculum
régenter au nom de mes droits ; bref, ce que les autres à l'insu

postremo alii clancvlvm non alii patres sed "alii adulescentes clanculum patres suos".
postremo alii clancvlvm comprendre non pas alii patres (d'autres pères) mais "alii adulescentes clanculum patres suos" (d'autres adolescents à l'insu de leur père)263.

53
patres quae faciunt, quae fert adulescentia,
de leur père font, ce que comporte la jeunesse,

1 qvae fert advlescentia statim addidit ueniam, peccata ab adulescentibus ad aetatem remouendo. 2 Et uide quam breuiter, quam pudice, quam ignoscenter!
1 qvae fert advlescentia aussitôt il ajoute une excuse en détournant la faute des jeunes gens vers leur âge. 2 Et voyez cette concision, cette réserve, cette indulgence.

54
ea ne me celet consuefeci filium.
j'ai habitué mon fils à ne pas me le cacher.

ea ne me celet consvefeci filivm tribus enim rebus uiuitur: natura, consuetudine, ratione.
ea ne me celet consvefeci filivm on vit en effet selon trois notions : selon la nature, selon l'habitude, selon la raison264.

55
nam qui mentiri aut fallere insueuerit850 patrem aut
Car qui s'est habitué à mentir ou à tromper son père ou

nam qvi mentiri avt fallere insveverit19 separatim subaudiendum πρὸς τὸ mentiri.
nam qvi mentiri avt fallere insveverit il faut sous-entendre séparément insueuerit à côté de (πρὸς τὸ) mentiri.

56
audebit, tanto magis audebit ceteros.
à être insolent, aura d'autant plus d'insolence à l'égard des autres.

ceteros quia iam excepit patrem.
ceteros parce qu'il a déjà excepté le père.

57
pudore et liberalitate liberos
C'est par le sens de l'honneur et la générosité qu'on

1 pvdore et liberalitate pudore ad filios rettulit, liberalitate ad parentes. 2 pvdore et liberalitate argumentum a coniugatis: liberalitate, inquit, regendi sunt, propter quod liberi dicuntur. liberalitate autem bonitate dicit.
1 pvdore et liberalitate il rapporte pudore aux fils, liberalitate aux parents. 2 pvdore et liberalitate argument par mots apparentés265 : il faut régir ses enfants, dit-il, au moyen de la libéralité, en vertu de quoi ils sont appelés liberi. Mais liberalitas signifie bonitas (bonté).

58
retinere satius esse puto851 quam metu.
retient mieux les enfants, à mon avis, que par la crainte.

retinere sativs esse pvto bene retinere a uitiis, quia uitia filios tenent, quos retinent patres, a uitiis scilicet. nam retinet, qui aduersum aliquem tenet.
retinere sativs esse pvto retinere est bien dit pour dire retinere a uitiis (retenir quelqu'un de mal agir), parce que les vices tiennent les fils (tenent) et les pères retiennent leurs fils (retinent), c'est-à-dire de mal agir. Car on dit que retient (retinet) celui qui tient (tenet) contre quelqu'un.

59
haec fratri mecum non conueniunt neque placent.
Voilà un point de désaccord entre mon frère et moi, et des principes qui ne lui plaisent pas.

1 haec fratri mecvm non convenivnt noua locutio. 2 Et non convenivnt pro non congruunt, ac per hoc: "in his ego et frater dissentimus ac dissimiles sumus".
1 haec fratri mecvm non convenivnt expression inédite266. 2 Et non convenivnt est mis pour non congruunt (ne s'accordent pas) et de ce fait on comprend : "sur ce point mon frère et moi sommes en désaccord et nous sommes différents".

60
uenit ad me saepe clamitans: « quid agis, Micio?
Il vient à moi souvent, en criant : « que fiches-tu, Micion ?

1 venit ad me saepe clamitans et importunitatem ostendit odiosam uenit ad me dicendo et inconditam assiduitatem addendo saepe. 2 Et congrue, postquam saepe dixit, adiecit aptius uerbum non dicens clamans sed clamitans. 3 qvid agis micio reminiscere lectionem et inuenies huiusmodi interrogationem uel inuectionis principio uel obiurgationis.
1 venit ad me saepe clamitans il montre d'une part que son frère est odieusement importun, en disant uenit ad me, d'autre part que son assiduité est grossière, en ajoutant saepe. 2 Et de façon concordante, après avoir dit saepe, il ajoute un verbe particulièrement adapté en disant non pas clamans (en criant) mais clamitans267. 3 qvid agis micio rappelez-vous la leçon et vous saurez que ce genre d'interrogation convient à un début d'invective ou à un début de reproche268.

61
cur perdis adulescentem nobis? cur amat?
pourquoi nous gâtes-tu le petit ? pourquoi est-il amoureux ?

1 cvr perdis advlescentem nobis ἠθικῶς additum nobis, ut alibi nobis «  psaltriam nobis, si dis placet, parauit 27 ». 2 cvr amat cvr potat uide quemadmodum ut durum obiurgatorem ostendat Demeam, cum ab eo ea dicantur in crimen uocari, quae aut aetatis sunt, ut cur amat?, aut naturae, ut «  cur potat? 28 », aut pietatis, ut «  cur tu in his rebus sumptum suggeris? 29 » etc. 3 cvr amat cvr potat cur amat ad illud refert, quod ait supra «  praetermitto 30 » - nam praetermitto delicta intelleximus ex amore -, cur potat ad illud refert, quod ait: « do » sumptum.
1 cvr perdis advlescentem nobis il ajoute nobis en emploi éthique (ἠθικῶς), comme ailleurs « psaltriam nobis si dis placet parauit »269. 2 cvr amat cvr potat voyez comme il montre en Déméa un censeur sévère, puisqu'il dit que sont répréhensibles les faits qui relèvent de l'âge, comme cur amat ?, de la nature, comme « cur potat ? » ou de la piété filiale, comme « cur tu in his rebus sumptum suggeris ? ». 3 cvr amat cvr potat cur amat renvoie à ce qu'il a dit plus haut « praetermitto » (car nous comprenons praetermitto delicta, les méfaits de l'amour), cur potat nous le renvoyons à ce qu'il disait : « do (sumptum) ».

62
cur potat? cur tu his rebus sumptum suggeris?
pourquoi boit-il ? pourquoi fournis-tu la dépense pour cela ?

63
uestitu nimio indulges; nimium ineptus es ».
Tu le pourris avec trop de garde-robe ; tu es trop stupide ».

nimivm ineptvs es utrumque dure, et nimium et ineptus es.
nimivm ineptvs es les deux mots sont dits de façon dure, tant nimium que ineptus es.

64
nimium ipse est durus praeter aequumque et bonum,
C'est lui qui est trop dur comme père, au-delà de ce qui est raisonnable et juste,

praeter aeqvvmqve et bonvm potuit et non addi praeter aequumque et bonum.
praeter aeqvvmqve et bonvm il aurait pu ne pas ajouter praeter aequumque et bonum.

65
et errat longe mea quidem sententia,
et il se trompe lourdement, à mon humble avis,

1 et errat longe melius est longe simpliciter accipere, ut locale sit, quam ualde. 2 mea qvidem sententia modeste additum mea quidem sententia, ne quis hoc pro praecepto dici existimet.
1 et errat longe il vaut mieux comprendre longe simplement au sens local, plutôt qu'au sens de ualde (beaucoup). 2 mea qvidem sententia par modestie il ajoute mea quidem sententia, pour que cela ne paraisse pas être dit en guise de leçon.

66
qui imperium credat grauius esse aut stabilius
celui qui croit que l'empire qu'on a est plus solide et plus stable

1 qvi imperivm credat utrum quilibet an Demea? 2 gravivs esse avt s. stabilivs 20 grauius ad uim, stabilius ad tempus refertur.
1 qvi imperivm credat n'importe qui ou bien Déméa ? 2 gravivs esse avt stabilivs grauius se rapporte à la force, stabilius au temps.

67
ui quod fit, quam illud quod amicitia adiungitur.
quand il repose sur la force que celui qui s'obtient par la tendresse.

1 vi qvod fit id est metu ac malo. 2 vi qvod fit qvam illvd qvod amicitia a. adivngitvr 21 illud fit quod ui, hoc adiungitur quod amicitia.
1 vi qvod fit c'est-à-dire metu et malo. 2 vi qvod fit qvam illvd qvod amicitia adivngitvr l'un s'obtient (fit) parce qu'il y a la force (ui), l'autre s'ajoute (adiungitur) parce qu'il y a de l'amitié (amicitia).

68
mea sic est ratio et sic animum induco meum:
Pour moi, voici comment je raisonne, voici le système que je me suis fait :

1 mea sic est ratio et sic animvm i. indvco m. mevm mea sic est ratio ad superiora pertinet confirmanda, et sic animum induco meum ad ea pertinet, quae dicturus est. 2 mea sic est ratio iterum modeste et ἰδιωτικῶς. 3 et sic animvm indvco mevm senilis μακρολογία.
1 mea sic est ratio et sic animvm indvco mevm mea sic est ratio est destiné à confirmer ce qui précède, et sic animum induco meum se rapporte à ce qu'il s'apprête à dire. 2 mea sic est ratio à nouveau avec modération et en conformité avec son caractère (ἰδιωτικῶς)270. 3 et sic animvm indvco mevm bavardage (μακρολογία) de vieillard.

69
malo coactus qui suum officium facit,
quand c'est sous la contrainte du châtiment qu'on fait son devoir,

1 malo coactvs duo dicit: et malo et coactus. 2 qvi svvm officivm facit22 ὁ τὸ καθῆκον ποιῶν, id est qui recte efficit. officium autem dicitur quasi efficium, ab efficiendo quod unicuique personae congruat.
1 malo coactvs il dit deux choses : et que c'est par un châtiment (malo) et que c'est contraint (coactus). 2 qvi svvm officivm facit celui qui fait son devoir (ὁ τὸ καθῆκον ποιῶν), c'est-à-dire celui qui agit droitement. Officium se dit, pour ainsi dire, pour efficium, dérivé d'efficere, au sens de "réaliser ce qui est conforme à chaque personne"271.

70
dum id852 rescitum iri credit, tantisper cauet:
tant qu'on croit que la chose se saura, pendant tout ce temps on fait attention.

1 dvm id rescitvm iri "quod facit" scilicet. 2 tantisper quasi tantumper et paulisper quasi paulumper ut parumper dicitur. 3 tantisper cavet peccare subaudiendum, nam totum ἐλλειπτικῶς et obscure. 4 Et bene cavet dicit quasi malo.
1 dvm id rescitvm iri évidemment ce qu'il fait. 2 tantisper comme si c'était tantumper et paulisper comme paulumper comme on dit parumper (pour un instant). 3 tantisper cavet il faut sous-entendre peccare (commettre une faute), car l'ensemble est dit de façon elliptique (ἐλλειπτικῶς) et obscure. 4 Et cavet est bien dit, comme si c'était "il se garde de la punition".

71
si sperat fore clam, rursus ad ingenium redit.
Mais si l'on escompte que ça passera à l'as, on revient à son naturel.

1 si sperat fore clam iterum quod facit subaudiendum. 2 rvrsvs ad ingenivm redit mire non intulit cauet sed ad ingenium redit. 3 Et rvrsvm23 est retro uersum, ut prorsum porro uersum.
1 si sperat fore clam à nouveau il faut sous-entendre quod facit (ce qu'il fait). 2 rvrsvs ad ingenivm redit de façon remarquable il ne dit pas cauet mais ad ingenium redit. 3 Et rvrsvm c'est retro uersum (tourné vers l'arrière), comme prorsum c'est porro uersum (tourné vers l'avant).

72
ille quem beneficio adiungas ex animo facit,
Quant à celui qu'on s'attache par des bienfaits, il agit en son âme et conscience,

1 ille qvem beneficio adivngas non beneficio adiunctus, ut supra malo coactus. 2 ille qvem beneficio adivngas καλῶς ἀντέθηκεν, nam ille malo, hic beneficio, ille coactus, hic adiunctus, ille dum id rescitum iri credit, tantisper cauet, hic praesens absensque idem erit. 3 Et τὸ praesens et absens non ad locum aliquem sed ad custodem monitoremque rettulit. 4 ille qvem beneficio contra illud quod ait malo coactus. 5 ex animo facit officium scilicet.
1 ille qvem beneficio adivngas et non pas beneficio adiunctus (attaché par un bienfait), comme plus haut malo coactus272. 2 ille qvem beneficio adivngas il fait une belle antithèse (καλῶς ἀντέθηκεν), car pour le premier c'était malo, pour le second beneficio, le premier était coactus, le second est adiunctus, le premier dum id rescitum iri credit, tantisper cauet, le second praesens absensque idem erit273. 3 Et les mots (τὸ) praesens et absens ne sont pas employés par rapport à un lieu précis mais par rapport à un gardien et un conseiller. 4 ille qvem beneficio c'est le contraire de ce qu'il disait avec malo coactus. 5 ex animo facit son officium, évidemment.

73
studet par referre, praesens absensque idem erit.
travaille à vous rendre la pareille ; présent, absent, il restera le même.

1 stvdet par referre id est bene24. 2 praesens absensqve idem erit contra illud «  si sperat fore clam rursus ad ingenium redit 31 ».
1 stvdet par referre c'est-à-dire "bien" (bene)274. 2 praesens absensqve idem erit c'est le contraire de « si sperat fore clam rursus ad ingenium redit ».

74
hoc patrium est, potius consuefacere filium
Voilà ce qui est proprement paternel : apprivoiser son fils

1 hoc patrivm est potivs superius a re tractum est, hoc iam a persona ducitur argumentum. 2 consvefacere non cogere sed consuefacere.
1 hoc patrivm est potivs l'argument antérieur est tiré de la chose, celui-ci de la personne275. 2 consvefacere non pas cogere (forcer) mais consuefacere276.

75
sua sponte recte facere quam alieno metu:
à bien agir de son propre chef plutôt que par la crainte d'autrui ;

qvam alieno metv uide quemadmodum suam indulgentiam ad effectum reuocet optimae disciplinae.
qvam alieno metv voyez comment il fait de son indulgence l'effet d'une excellente éducation.

76
hoc pater ac dominus interest. hoc qui nequit,
c'est en quoi un père et un maître diffèrent. Qui en est incapable

1 hoc pater ac dominvs a differentia personarum et officiorum. 2 interest differentia est. 3 hoc qvi neqvit longe melius nequit quam si diceret non uult.
1 hoc pater ac dominvs par une différenciation de la personne et de la fonction. 2 interest c'est une différenciation. 3 hoc qvi neqvit nequit est bien meilleur que s'il disait non uult (il ne veut pas).

77
fateatur nescire imperare liberis.
doit avouer qu'il ne sait pas gouverner ses enfants.

1 fateatvr nescire se imperare liberis25 hoc est: indicat se melius consulere et uolentem hoc exercere. 2 nescire se imperare liberis oratorie, quasi artis sit indulgentissime agere. 3 imperare modo non ad superbiam sed ad regendum referendum est. 4 nescire imperare liberis deest se.
1 fateatvr nescire se imperare liberis c'est-à-dire : "il indique qu'il donne de meilleurs conseils et qu'il pratique cela de son plein gré". 2 nescire se imperare liberis de façon oratoire, comme si c'était un art que de se montrer très indulgent. 3 imperare de temps en temps le mot se rapporte non pas à une position supérieure mais au fait de diriger. 4 nescire imperare liberis il manque se277.

78
sed estne hic ipse853, de quo agebam? et certe is est.
Mais n'est-ce pas là justement celui dont je parlais ? Mais oui, c'est bien lui.

1 sed estne hic ipse de qvo κατ᾽ οἰκονομίαν superuenit de quo sermo est, ut factis dicta ostendantur. 2 et certe is est bene nunc confirmat ipsum esse, cum propior est, utpote senili nec in longum prospiciente conspectu.
1 sed estne hic ipse de qvo par souci d'agencement (κατ᾽ οἰκονομίαν), survient celui dont on parle, pour que les faits accréditent les paroles. 2 et certe is est il fait bien maintenant de confirmer que c'est lui, au moment où il s'approche, comme s'il avait une myopie de vieillard et non une vue qui porte loin.

79
nescio quid tristem uideo: credo iam, ut solet
Il a je ne sais quoi de chagrin, je le vois bien. A mon avis, comme d'habitude,

1 nescio qvid tristem video orationis apparatus ex uultu ostenditur, ut «  stetit acri fixa dolore, tunc quassans caput hanc effundit pectore uocem 32 ». 2 Et nescio qvid deest propter, ut sit: propter nescio quid. 3 credo iam vt solet causa, cur illum frater aequo animo ferat: ut solet inquit.
1 nescio qvid tristem video la teneur de son discours est préparée par son visage, comme dans : « stetit acri fixa dolore, tunc quassans caput hanc effundit pectore uocem » (elle s'arrêta clouée par une douleur aiguë ; lors, secouant sa tête, elle laisse sortir de son cœur cette parole). 2 Et nescio qvid manque propter, pour faire propter nescio quid (à cause de je ne sais quoi). 3 credo iam vt solet la raison pour laquelle son frère le supporte avec sang-froid : ut solet, dit-il.

80
iurgabit. saluum te aduenire, Demea,
il va me quereller. Tu arrives en bonne santé, Déméa,

salvvm te advenire demea gavdemvs ut asperior ostendatur Demea, etiam salutatur ab eo, quem obiurgaturus est.
salvvm te advenire demea gavdemvs pour que Déméa paraisse plus pénible, il reçoit le salut de celui qu'il s'apprête à quereller.

81a
gaudemus.
Tant mieux !

scaena altera

Micio Demea

81b | 82 | 83 | 84 | 85 | 86 | 87 | 88 | 89 | 90 | 91 | 92 | 93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 100 | 101 | 102 | 103 | 104 | 105 | 106 | 107 | 108 | 109 | 110 | 111 | 112 | 113 | 114 | 115 | 116 | 117 | 118 | 119 | 120 | 121 | 122 | 123 | 124 | 125 | 126 | 127 | 128 | 129 | 130 | 131 | 132 | 133 | 134 | 135 | 136 | 137 | 138 | 139 | 140 | 141 | 142 | 143 | 144 | 145 | 146 | 147 | 148 | 149 | 150 | 151 | 152 | 153 | 154

81b
De.-hem854 opportune: te ipsum quaerito.
Dé.-Ah! te voici fort à propos, c'est justement toi que je cherchais.

1 hem opportvne te ipsvm qvaerito in hoc actu, diuersi homines, diuersi patres, diuersa studia proponuntur: hic lenis hic amarus, hic facetus hic impolitus, hic facilis hic pertinax et difficilis in delictis. 2 hem opportvne te ipsvm qvaerito melius quam Menander, quod hic illum ad iurgium promptiorem quam resalutantem facit.
1 hem opportvne te ipsvm qvaerito dans cette scène278, des êtres humains différents, des pères différents, des occupations différentes sont envisagés : l'un affable, l'autre acariâtre ; l'un amusant, l'autre mal dégrossi ; l'un traitable, l'autre tenace et intraitable à l'égard des erreurs. 2 hem opportvne te ipsvm qvaerito mieux que chez Ménandre, parce qu'ici il le rend plus prompt à lancer la querelle qu'à retourner le salut279.

82
Mi.-quid tristis es? De.-rogas me, ubi nobis Aeschinus
Mi.- Pourquoi cet air chagrin ? Dé.-Tu me demandes, quand nous avons un Eschine,

1 qvid tristis es bene interrogat, potuit enim non iratus frater quaerere. 2 vbi nobis aeschinvs siet quasi quaedam causa tristitiae sit.
1 qvid tristis es l'interrogation est bonne, car son frère aurait pu le chercher sans être en colère. 2 vbi nobis aeschinvs siet comme si c'était une cause de morosité.

83
siet, quid tristis ego sim? Mi.-dixin hoc fore?
pourquoi cet air chagrin ? Mi.-N'avais-je pas dit que cela arriverait ?

dixin hoc fore «  credo iam ut solet iurgabit 33 ».
dixin hoc fore cf. « credo iam ut solet iurgabit ».

84
quid is fecit? De.-quid ille fecerit? quem neque pudet
Qu'a-t-il donc fait ? Dé.-Ce qu'il a fait ? lui qui n'a honte

1 qvid ille fecerit animaduertendum, ut interrogatus interroget more indignantium, quod ideo facit, quod uidet Micionem eo uultu interrogare, ut uideatur minus reprehendere culpam Aeschini. 2 qvem neqve pvdet qvicqvam nec metvit qvemqvam uarie per casus. 3 qvem neqve pvdet qvicqvam contra illud, quod alibi pater dicit «  erubuit: salua res est 34 ». 4 qvem neqve pvdet qvicqvam magno ordine accusauit: non, inquit, pudore mouetur patris, non metu parentum, non timore legum. 5 Ergo gradatim αὔξησις oratoria processit.
1 qvid ille fecerit il faut remarquer comment en réponse à une question il pose une question, comme font les gens en colère, et s'il fait cela, c'est parce qu'il voit que Micion l'interroge avec un air à vouloir minimiser la faute d'Eschine. 2 qvem neqve pvdet qvicqvam nec metvit qvemqvam variation par l'emploi des cas280. 3 qvem neqve pvdet qvicqvam le contraire de la réplique suivante du père : « erubuit : salua res est ». 4 qvem neqve pvdet qvicqvam il met un grand ordre dans ses accusations : il n'est pas ébranlé, dit-il, par la retenue nécessaire devant un père, ni par la peur de ses parents, ni par la crainte des lois. 5 Donc par degrés s'est mise en place une gradation (αὔξησις) oratoire.

85
quicquam nec metuit quemquam neque legem putat
de rien, qui ne craint personne, qui croit qu'aucune loi

86
tenere se ullam. nam illa quae antehac facta sunt
ne le retient ? Car ce qui a été fait auparavant,

1 tenere se vllam bene tenere, quia legem. et est ἀμφιβολία oratoria. 2 nam illa qvae antehac omnis accusatio duo tempora recipit: praeteritum ab ante gestis et praesens ab his quae obiciuntur. ergo utrumque mira breuitate perstrinxit.
1 tenere se vllam tenere est bien choisi parce qu'il accompagne legem. Et c'est une ambiguïté (ἀμφιβολία) oratoire281. 2 nam illa qvae antehac toute accusation comprend deux temps : le passé, pour les faits précédents, et le présent, pour ce qui est actuellement reproché. Donc il resserre les deux moments avec une brièveté remarquable.

87
omitto: modo quid designauit! Mi.-quidnam id est?
je n'en parle pas. Mais à l'instant, l'exploit qu'il a fait ! Mi.-De quoi s'agit-il ?

1 modo qvid designavit designare est rem nouam facere in utramque partem, et bonam et malam. nam et designatores dicti, qui ludis funebribus praesunt, credo ob eam causam, quod ipsis ludis multa fiant noua et spectanda, simul etiam ut urbe retineantur, quae fiunt aut in spectaculis aut in litibus. 2 modo qvid designavit puto ego designationem contractionem aut conductionem populi in unum intellegi - hoc enim contingit ei, qui aliquo flagitio populi in se oculos et ora conuertit et spectaculo est uulgo -, quod designatores ludis funebribus multitudinem retinent. 3 designavit apud ueteres hoc uerbum duas res significabat: etenim praue et recte facta designata dicebantur. 4 qvidnam id est et hoc contentiose interrogat Micio.
1 modo qvid designavit designare c'est faire une chose nouvelle en bonne comme en mauvaise part. Car on appelle du nom de designatores ceux qui président aux jeux funèbres, pour la raison, je suppose, que dans ces jeux mêmes se produisent beaucoup d'événements nouveaux et qu'il faut considérer avec attention, pour qu'aussi dans le même temps soient évités les troubles qui se produisent lors des spectacles ou des litiges. 2 modo qvid designavit je pense pour ma part que designatio se comprend comme l'action de resserrer ou de conduire le public dans un endroit - c'est ce qui arrive à celui qui par suite d'un scandale attire sur lui les regards et les visages du public et devient un spectacle pour la foule -, parce que les designatores dans les jeux funèbres endiguent la cohue. 3 designavit chez les Anciens, ce verbe avait deux sens : de fait les choses mal faites ou les choses bien faites recevaient le nom de designata. 4 qvidnam id est la question de Micion est obstinée.

88
De.-fores effregit atque in aedes inruit
Dé.-Il a enfoncé une porte et fait effraction dans une maison

1 fores effregit haec singula magna uociferatione inferenda sunt; stomachatur enim aduersus male interrogantem. 2 fores effregit atqve in aedes totum quidem unum crimen est: rapuit meretricem; sed uide, qua pompa, qua uociferatione dilatatur accusatio de moribus Demeae nihil non in maius inferentis.
1 fores effregit il faut prononcer ces mots un par un avec une voix forte ; car il est en colère contre Micion qui pose de mauvaises questions. 2 fores effregit atqve in aedes tout, en vérité, ne forme qu'un seul chef d'accusation : il a enlevé une courtisane. Mais voyez avec quelle emphase, quels cris est amplifiée l'accusation de mauvaises mœurs que porte Déméa, qui grossit tout et force le trait.

89
alienas: ipsum dominum atque omnem familiam
étrangère : le propriétaire et toute la maisonnée,

1 alienas singula consideranda sunt. 2 Et bene alienas dicit quia lenonis si diceret, parua res erat. 3 ipsvm dominvm iterum suppressa est infamis persona. 4 atqve omnem familiam familiam pro seruis lenonis aut meretricibus dicit.
1 alienas il faut considérer les mots un par un. 2 Et il fait bien de dire alienas parce que s'il disait lenonis (du proxénète), l'affaire serait mince282. 3 ipsvm dominvm à nouveau il supprime la mention du personnage infâme. 4 atqve omnem familiam il dit familia pour désigner les esclaves du proxénète ou ses courtisanes.

90
mulctauit855 usque ad mortem: eripuit mulierem
il le leur a fait payer cher, les laissant pour morts ; il a enlevé une femme

1 mvlctavit lacerauit, mutilauit, molliuit atque dissoluit. unde Mulciber quasi Mulctiber, a mulctando. 2 vsqve ad mortem magna inuidia caedis mortis mentione, quae tamen nulli accidit. 3 eripvit mvlierem qvam amabat omnia magno colore et accusatorie dicta sunt et hoc maxime, quod lenonem et meretricem non dixit, contentus facti atrocitate personarumque uilitatem reticens. 4 eripvit mvlierem non abduxit sed eripuit.
1 mvlctavit il a déchiré (lacerauit), mutilé (mutilauit)283, brisé (molliuit) et pulvérisé (dissoluit). De là le nom de Mulciber, comme si c'était Mulctiber, dérivé de mulctare284. 2 vsqve ad mortem grande manifestation d'hostilité à l'égard du massacre, par la mention de la mort, alors que rien de tel n'est arrivé à qui que ce soit. 3 eripvit mvlierem qvam amabat l'ensemble est dit avec une couleur grandiloquente et un ton accusateur, et surtout le fait qu'il n'évoque pas les termes de "proxénète" et de "courtisane", se contentant d'indiquer l'atrocité du méfait en passant sous silence le bas niveau social des personnages. 4 eripvit mvlierem il ne l'a pas "enlevée" (abduxit), mais "arrachée" (eripuit).

91
quam amabat. clamant omnes indignissime
dont il était amoureux. Tous s'exclament que c'est une honte

clamant a iudicato ex auctoritate rumoris.
clamant jugement se fondant sur l'autorité de la rumeur285.

92
factum esse. hoc aduenienti quod856 mihi, Micio,
d'agir ainsi. J'arrive à peine ici, et voilà ce que, Micion,

hoc advenienti qvod mihi micio dixere omnibus displicet, multi et accusant; nec tamen lenonis querelae fit mentio oratorie. hoc autem uel articulus uel aduerbium loci.
hoc advenienti qvod mihi micio dixere la chose déplaît à tous, beaucoup se font même accusateurs ; pourtant, de façon oratoire, il n'est fait nulle allusion à la plainte du proxénète. Quant à hoc, c'est soit un article soit un adverbe de lieu286.

93
dixere! in ore est omni populo. denique,
on dit. Il est sur toutes les lèvres en ville. Enfin,

1 in ore est omni popvlo Sallustius «  in ore gentibus agens 35 ». 2 popvlo ciuitati.
1 in ore est omni popvlo Salluste : « in ore gentibus agens » (agissant au vu et au su de tout le monde)287. 2 popvlo la cité.

94
si conferendum exemplum est, non fratrem uidet
s'il est besoin de prendre un exemple, ne voit-il pas son frère

1 si conferendvm exemplvm est tamquam non sit conferendum. 2 non fratrem videt rei dare operam satis comice hoc infertur legentibus argumentum, nam magis in culpa est ille ipse, quem laudat.
1 si conferendvm exemplvm est est dit comme s'il ne fallait pas comparer. 2 non fratrem videt rei dare operam réplique assez comique pour ceux qui ont lu l'argument de la pièce, car le plus coupable est celui dont il fait l'éloge.

95
rei dare operam, ruri esse parcum et sobrium?
s'occuper de ses affaires, vivre à la campagne, économe et sobre ?

1 rei dare operam non amori, rvri esse non in urbe, parcvm non prodigum, sobrivm non insanum. 2 parcvm et sobrivm contra illud «  cur amat? cur potat? 36 ». 3 rei dare operam quam facete poeta haec omnia falsa ex contrario facit Demeam credere!
1 rei dare operam et non pas à l'amour, rvri esse et non pas en ville, parcvm et non pas prodigue, sobrivm et non pas insensé. 2 parcvm et sobrivm le contraire de « cur amat ? cur potat ? ». 3 rei dare operam comme le poète s'amuse à faire croire à Déméa toutes ces contre-vérités !

96
nullum huius simile factum857. haec cum illi, Micio,
Rien chez lui de semblable ! Et quand je l'accuse, Micion,

1 nvllvm hvivs simile factvm hac comparatione Micio tangitur, quasi ipsius culpa sit, non fratris. 2 nvllvm hvivs simile26 hoc cum admiratione indignantis est pronuntiandum et ardentibus in Micionem oculis; et subaudiendum est esse aut inueniri. 3 haec cvm illi micio dico tibi dico illi pro in illum et tibi pro in te.
1 nvllvm hvivs simile factvm par cette comparaison Micion est touché, comme si c'était sa faute à lui et non celle de son frère. 2 nvllvm hvivs simile il faut dire cela avec l'étonnement d'un homme en colère et des yeux ardents dardés contre Micion ; et il faut sous-entendre esse (il n'y a) ou inueniri (on ne trouve). 3 haec cvm illi micio dico tibi dico illi pour in illum et tibi pour in te.

97
dico, tibi dico: tu illum corrumpi sinis.
c'est toi que j'accuse : c'est toi qui le laisses se gâter.

1 tv illvm corrvmpi sinis deest nam, sed feruentius ἀσυνδέτως dicitur. 2 Et hoc tibi et tu pronuntiandum est intento digito et infestis in Micionem oculis; nam hoc agi stomacho aduersum dissimulatores solet. 3 tv illvm corrvmpi sinis mitius modo dixit sinis corrumpi, mox uehementius dicet «  an laudi putat fore si perdiderit gnatum? 37 ».
1 tv illvm corrvmpi sinis il manque nam (car) mais il y a plus d'ardeur avec l'asyndète (ἀσυνδέτως). 2 Et il faut prononcer tibi et tu en tendant le doigt et avec des yeux méchants pointés vers Micion ; car c'est ainsi qu'on agit habituellement à l'égard des dissimulateurs. 3 tv illvm corrvmpi sinis il dit sinis corrumpi avec plus de douceur ici que ce qu'il dira tout à l'heure : « an laudi putat fore si perdiderit gnatum ? ».

98
Mi.-homine inperito numquam quicquam iniustius est,
Mi.-Il n'y a rien jamais de plus injuste qu'un imbécile,

homine imperito nvmqvam qvicqvam inivstivs miro stomacho apud ipsum de ipso tamquam de altero loquitur.
homine imperito nvmqvam qvicqvam inivstivs avec une colère étonnante, il parle de lui en sa présence comme s'il parlait d'un autre.

99
qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat.
qui ne trouve bien que ce qu'il a fait.

nihil rectvm pvtat proprie putat, nam hoc uerbum imperitorum est. 2 Ordo est: "qui nihil rectum putat nisi quod ipse fecit". 3 qvi nisi qvod ipse fecit n. nihil r. rectvm p. pvtat ἰδιωτολογία: hoc enim proprium rusticorum atque imperitorum.
nihil rectvm pvtat putat au sens propre, car c'est un mot caractéristique d'un "imbécile" (imperitus)288. 2 L'ordre est : "qui nihil rectum putat nisi quod ipse fecit". 3 qvi nisi qvod ipse fecit nihil rectvm pvtat idiolectal (ἰδιωτολογία) : car cette idée est le propre des paysans et des imbéciles289.

100
De.-quorsum istuc? Mi.-quia tu, Demea, haec male iudicas.
Dé.-A quoi cela mène-t-il ? Mi.-C'est que tu juges mal, Déméa, sur ce point !

1 qvorsvm istvc "ut dicis"27. 2 qvia tv demea id est homo imperitus. 3 qvia tv demea male ivdicas28 pari uirtute haec leniter dicta sunt, qua superiora uehementer.
1 qvorsvm istvc "comme tu dis". 2 qvia tv demea c'est-à-dire un homme inculte. 3 qvia tv demea male ivdicas ces mots sont dits avec autant de douceur qu'il y avait de véhémence dans les précédents.

101
non est flagitium, mihi crede, adulescentulum
Il n'y a pas de scandale, crois-moi, à ce qu'un gamin

1 non est flagitivm non peccatum negat esse, sed flagitium non esse contendit, et ideo subindignanter pronuntiandum est. 2 Vt si dicat: "scortari quidem adulescentulum delictum est, sed non est flagitium", ut ueniae locus non tam in facto quam in persona sit constitutus. 3 non est flagitivm mihi crede advlescentvlvm scortari mire respondit et oratorie ad haec, quae inuidiose dicta sunt. nam quod ait ille eripuit mulierem quam amabat, hic «  scortari 38 » dicit, quod irruit in aedes alienas quasi ex uino furens, «  potare 39 », quod cum aliis graue propositum est, hoc solum dicendo leue reddidit, id est «  fores effringere 40 ». 4 mihi crede quasi imperito dicit mihi crede, non me intellege. quod imitatus Cicero sic Caecilium exagitat «  magna sunt enim ea quae dico, mihi crede: noli haec contemnere 41 »; hic enim et auctoritas dicentis et contemptus ostenditur audientis.
1 non est flagitivm il ne nie pas qu'il y ait faute, mais il défend l'idée que ce n'est pas un flagitium, et par là même il faut dire le mot avec une indignation contenue. 2 Comme s'il disait : "qu'un jeune homme coure les filles est une faute, mais ce n'est pas un flagitium", ce qui donne une place toute prête au pardon, non pas tant dans l'acte que dans la personne qui l'a commis. 3 non est flagitivm mihi crede advlescentvlvm scortari il répond de façon paradoxale et oratoire aux méchantes paroles qu'on lui a dites. Car là où l'autre disait « eripuit mulierem quam amabat », lui dit « scortari », là où l'autre disait « irruit in aedes alienas » comme sous l'emprise de la boisson, lui dit « potare », là où avec d'autres c'est une assertion grave, lui en la disant seulement il la rend légère, à savoir « fores effringere ». 4 mihi crede comme s'il parlait à un inculte, il dit mihi crede et non me intellege (comprends-moi). C'est en imitant cela que Cicéron asticote Caecilius : « magna sunt enim ea quae dico, mihi crede : noli haec contemnere » (ce sont de grandes choses que j'évoque, crois-moi ; ne les traite pas par le mépris). Car ici on sent à la fois l'autorité de celui qui parle et son mépris pour son auditeur.

102
scortari, neque potare: non est: neque fores
coure la gueuse, ou boive, non, non, ou enfonce

neqve potare non est neqve fores effringere haec si neqve ego neqve tv fecimvs quia dixit «  qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat 42 ».
neqve potare non est neqve fores effringere haec si neqve ego neqve tv fecimvs parce qu'il a dit : « qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat ».

103
effringere. haec si neque ego neque tu fecimus,
des portes. Tout ça, si ni toi ni moi ne l'avons fait,

104
non siit egestas facere nos: tu nunc tibi
c'est que notre pauvreté ne nous l'a pas permis : et maintenant, toi,

non siit egestas non uoluntas prohibuit sed necessitas, et ideo nulla laus.
non siit egestas ce n'est pas la volonté qui a fait obstacle, mais la nécessité ; de là, il n'y aucun éloge à en tirer.

105
id laudi ducis, quod tum fecisti inopia.
tu tires gloire d'un fait que tu ne dois qu'à la misère.

qvod tvm fecisti inopia nota fecisti in eo quod significat non fecisti.
qvod tvm fecisti inopia notez fecisti dans la mesure où il signifie non fecisti (ce que tu n'as pas fait)290.

106
iniurium est: nam si esset unde id fieret,
Ce n'est pas juste : car si nous avions eu de quoi le faire,

1 inivrivm est quia «  nihil quicquam iniustius homine imperito 43 ». 2 vnde id fieret fieret producta prima syllaba. Ennius «  memini me fieri pauum 44 ». 3 nam si esset vnde fieret29 non necessario consequens, sed probabiliter admittitur apud30 oratores; non enim omnis, qui habet unde faciat, continuo etiam facit.
1 inivrivm est parce que « nihil quicquam iniustius homine imperito ». 2 vnde id fieret fieret avec une première syllabe longue. Ennius : « memini me fieri pauum » (m'est avis que je deviens un paon)291. 3 nam si esset vnde fieret ce n'est pas une conséquence nécessaire mais on l'accepte comme probable, comme chez les orateurs ; car quiconque a les moyens d'agir n'agit pas pour autant séance tenante.

107
faceremus. et tu illum tuum, si esses homo,
nous l'aurions fait. Et toi, à ton garçon, si tu étais un homme,

et tv illvm tvvm si esses homo multum progressus est accusans accusantem.
et tv illvm tvvm si esses homo il a fait un grand pas en accusant son accusateur.

108
sineres nunc facere, dum per aetatem licet,
tu le laisserais faire maintenant, tant que son âge le lui permet,

109
potius quam, ubi te exspectatum eiecisset foras,
au lieu que, après t'avoir mis dehors les pieds devant,

1 exspectatvm odiosum et molestae uitae. nam filiis parentes aut amabiles aut expectati: amabiles boni, exspectati mali, quorum mors in dies singulos exspectanda et exoptanda sit. 2 Nam exspectamus ante diem, speramus ad diem; unde auidior intellegitur ille qui exspectat, quam ille qui sperat. 3 eiecisset foras non dicit amisisset, sed ut quiddam abiciendum eiecisset. 4 qvam vbi te exspectatvm eo rem perduxit, ut ipse uideatur magis consulere disciplinae quam Demea.
1 exspectatvm odieux et pénible à vivre. Car pour les fils, les pères sont ou amabiles ou expectati : amabiles ils sont bons, exspectati ils sont mauvais et il faut attendre (exspectare) et souhaiter leur mort jour après jour. 2 Car nous attendons (exspectamus) avant l'heure, mais nous espérons jusqu'à l'heure dite ; aussi comprend-on que soit plus avide celui qui attend que celui qui espère. 3 eiecisset foras il ne dit pas amisisset (après t'avoir perdu), mais eiecisset comme quelque chose dont il faut se débarrasser. 4 qvam vbi te exspectatvm il conduit son exposé au point de paraître plus attaché à l'éducation que Déméa.

110
alieniore aetate post faceret tamen.
il le fasse plus tard à un âge qui ne sera pourtant plus de mise.

1 alieniore aetate post faceret tamen ἀνακόλουθον: deest enim quamuis. 2 Et faceret ultimum magnam uim habet: nihil prodesset, insuper obesset retinere ab istis filium iuuenem. 3 Et alieniore pro aliena dicens comparatiuum gradum pro positiuo posuit.
1 alieniore aetate post faceret tamen anacoluthe (ἀνακόλουθον). Il manque en effet quamuis (bien que)292. 2 Et faceret en dernière position a une force particulière : il ne servirait de rien, il serait même nuisible de tenir à distance de ces plaisirs son jeune fils. 3 Et alieniore pour aliena (autre) ; il a mis le comparatif pour le positif.

111
De.-pro Iuppiter! tu, homo, adigis me ad insaniam.
Dé.-Par Jupiter ! toi, bonhomme, tu me rends fou.

1 pro ivppiter quia pro Iuppiter tragica exclamatio est, bene tamquam ipse se reprehenderet Demea adiecit tu homo rediges me ad insaniam. 2 Et tv homo dicens negat illi familiaritatem.
1 pro ivppiter comme pro Iuppiter est une exclamation de tragédie, il fait bien d'ajouter, comme si Déméa se corrigeait, tu homo rediges me ad insaniam293. 2 Et en disant tv homo il lui dénie le statut de membre de sa famille294.

112
non est flagitium facere haec adulescentulum? Mi.-ah,
Il n'y a pas de scandale à ce qu'un gamin fasse ça ? Mi.-Ah!

non est flagitivm facere haec moraliter indignatio expressa est isdem uerbis quae frater dixerat.
non est flagitivm facere haec conformément à son caractère il exprime son indignation en reprenant les mêmes mots que son frère avait utilisés.

113
ausculta, ne me obtundas de hac re saepius.
écoute, cesse de me rebattre les oreilles avec ça sans arrêt.

ne me obtvndas "ne me saepe et moleste interpelles". nam obtundere est saepe aliquid odiose repetere.
ne me obtvndas "cesse de m'interpeller souvent et de façon agressive". Car obtundere c'est répéter souvent quelque chose en marquant sa haine.

114
tuum filium dedisti adoptandum mihi:
Tu m'as donné ton fils à adopter :

tvvm filivm dedisti adoptandvm31 argumentatio per ἐπαγωγήν, quae inductio ab oratoribus dicitur, cum per interrogationem peruenimus ad id quod uolumus concludendum.
tvvm filivm dedisti adoptandvm argumentation par induction (ἐπαγωγή), laquelle s'appelle inductio chez les orateurs, lorsque par le biais de questions nous parvenons à la conclusion que nous souhaitons295.

115
is meus est factus: si quid peccat, Demea,
le voilà devenu mon fils. S'il cause des soucis, Déméa,

1 is mevs est factvs sic progreditur, quasi confessionis genus sit aduersarium tacuisse. 2 si qvid peccat demea conclusio dubiae rei a non dubiis sumpta. 3 si qvid peccat demea τῷ ἰδιωτισμῷ interposuit Demea et repetitum peccat.
1 is mevs est factvs il avance, comme si le silence de son adversaire était une sorte d'aveu. 2 si qvid peccat demea conclusion d'un fait douteux tirée de faits indubitables. 3 si qvid peccat demea par idiotisme (τῷ ἰδιωτισμῷ), il intercale Demea et répète peccat.

116
mihi peccat: ego illi maximam partem feram.
les soucis sont pour moi, c'est moi qui en prendrai la plus grande part.

1 ego illi maximam partem feram errant qui illi putant esse pronomen, cum sit aduerbium, ut «  illi mea tristia facta degeneremque Neoptolemum narrare memento 45 ». illi ergo: ibi, ubi ille peccat. quare quidam etiam li syllabam discretionis causa, ut locum significet, corripiunt. 2 Et maximam partem optime dicit: non enim uniuersam, quia non solus pater Aeschini est, sed maximam, quia hic magis est, cuius filius esse coepit per adoptionem. 3 feram sustinebo, tolerabo.
1 ego illi maximam partem feram ils font erreur ceux qui croient que illi est un pronom, dans la mesure où c'est un adverbe de lieu, comme dans : « illi mea tristia facta degeneremque Neoptolemum narrare memento » (n'oublie pas de raconter là-bas mes sinistres exploits et comment Néoptolème dégénère)296. Donc illi veut dire "à l'endroit où il est en faute". C'est la raison pour laquelle, par souci de différenciation, pour indiquer le lieu, certains abrègent la quantité de la syllabe li297. 2 Et maximam partem très bien dit : car il ne dit pas uniuersam (dans son entier), parce qu'il n'est pas le seul père d'Eschine, mais maximam parce qu'est davantage père celui dont le fils a été tel d'abord par l'adoption. 3 feram je soutiendrai, je tolèrerai.

117
obsonat, potat, olet unguenta? de meo;
Il fait la fête, il boit, il se parfume ? c'est à mes frais.

1 olet vngventa non dixit unguitur, ne haec exercitationis palaestricae, non luxuriae dicerentur. 2 obsonat potat olet vngventa a summo ad imum proposita soluuntur. 3 Et mira uarietas olet vngventa, ne diceret obsonat potat unguitur.
1 olet vngventa il ne dit pas unguitur (il ruisselle), pour que cela ne passe pas pour les suites d'un exercice de gymnastique, mais bien pour de la luxure. 2 obsonat potat olet vngventa les propositions sont vidées de leur substance et passent du très grave au très bénin298. 3 Et olet vngventa il y a une remarquable variation, pour éviter de dire obsonat potat unguitur.

118
amat? dabitur a me argentum, dum erit commodum;
Il est amoureux ? l'argent partira de mon compte, tant que je le jugerai bon.

1 amat πρὸς τὸ «  cur amat 46 ». 2 dvm erit commodvm dare scilicet.
1 amat se rapporte à (πρὸς τὸ) cur amat. 2 dvm erit commodvm évidemment de donner.

119
ubi non erit, fortasse excludetur foras.
Quand ce ne sera plus le cas, sans doute le mettra-t-on dehors.

1 vbi non erit non argentum scilicet sed commodum dare subaudiendum est. 2 fortasse exclvdetvr foras hoc ita intulit, quasi dicat, nihil sibi deperisse, si forte ad amicam gratis fuerit admissus. 3 Et totum hoc τῷ ἐξουθενισμῷ legendum est. 4 Mire32 fortasse dicit ut pater indulgens et credens adulescentem etiam amari ab amica posse; non enim affirmauit, ut diceret excludetur foras.
1 vbi non erit il faut sous-entendre non pas argentum, mais commodum dare. 2 fortasse exclvdetvr foras il infère cela comme s'il disait qu'il n'a rien perdu si le jeune homme a été reçu par sa maîtresse. 3 Et il faut lire tout cela avec un ton désinvolte (τῷ ἐξουθενισμῷ). 4 De façon étonnante il dit fortasse comme un père indulgent et que le jeune homme peut même être aimé de sa maîtresse ; car il n'a pas fait une affirmation catégorique, au point de dire excludetur foras (on le jettera dehors).

120
fores effregit? restituentur; discidit
Il a enfoncé une porte ? on la réparera ; il a déchiré

fores effregit restitventvr peruenit ad praesens crimen; illa enim ante acta fuerant.
fores effregit restitventvr le voilà parvenu au crime actuel : car les autres faits étaient antérieurs.

121
uestem? resarcietur. est dis gratia,
des vêtements ? on les recoudra. Grâce aux dieux

resarcietvr re abundat.
resarcietvr le préfixe re est pléonastique299.

122
et unde haec fiant, et adhuc non molesta sunt.
j'ai de quoi y pourvoir et pour l'instant cela ne me dérange pas.

1 et vnde haec fiant iterum subaudiendum est. 2 et adhvc non molesta svnt quia «  non est flagitium adulescentulum scortari 47 ».
1 et vnde haec fiant à nouveau il faut sous-entendre est. 2 et adhvc non molesta svnt parce que « non est flagitium adulescentulum scortari ».

123
postremo aut desine aut cedo quemuis arbitrum:
Pour finir, arrête ou donne-nous l'arbitre de ton choix :

124
te plura in hac re peccare ostendam. De.-ei mihi!
c'est toi le plus coupable en cette affaire, je le prouveraii. Dé.-Misère de moi !

125
pater esse disce ab illis qui uere sciunt.
apprends donc la paternité de ceux qui la connaissent réellement.

pater esse disce ab aliis superbum fuerat a me dicere; melius ergo ab aliis dictum est.
pater esse disce ab aliis c'eût été orgueilleux de dire a me (de ma bouche) ; donc ab aliis est mieux dit.

126
Mi.-natura tu illi pater es, consiliis ego.
Mi.-Toi, c'est la nature qui t'a fait son père, moi, ce sont les conseils.

1 natvra tv illi pater es urbane Micio: plus enim ad laudem ualet consilium quam natura. et simul ostendit poeta uerbis Micionis, qui non natura sed affectu sit pater33, nullum patrem esse sapientem, eum uero posse sine perturbatione perfrui his quos amat, quem patrem esse consilium fecerit, non natura, hoc est qui filium adoptauerit. 2 Et mire cum naturam singulariter dixerit, plurariter intulit consilia sua.
1 natvra tv illi pater es c'est spirituellement dit de la part de Micion ; car la décision (consilium) mérite plus d'éloge que la nature (natura). Et en même temps le poète montre, par cette réplique de Micion, qui n'est pas père par nature mais par affection, qu'aucun père n'est sage, mais que celui qui peut sans passion profiter en toute occasion des gens qu'il aime est celui qu'une décision a rendu père, non pas la nature, donc celui qui a adopté un fils. 2 Et étonnamment, alors qu'il avait dit natura au singulier, il a mis au pluriel ses consilia.

127
De.-tu consulis858 quicquam? Mi.-et si pergis859, abiero.
Dé.-Toi tu conseilles en quoi que ce soit ? Mi.-Si tu continues, je vais m'en aller.

1 tv consvlis qvicqvam apertior contumelia, et ideo sequitur denuntiatio discedendi. 2 tv consvlis qvicqvam quia praedixit «  consiliis ego pater sum 48 », a coniugatis argumentatus respondit tu consulis quicquam quia a consulendo consilia dicuntur et consultores. 3 si pergis abiero ut «  donec me flumine uiuo abluero 49 ». 4 si pergis abiero ἀρχαϊσμός pro abibo. 5 Et hoc gestu abeuntis uel abituri pronuntiatur.
1 tv consvlis qvicqvam l'injure est plus nette et c'est ce qui explique l'annonce qu'il va s'en aller. 2 tv consvlis qvicqvam parce qu'il avait dit ci-dessus « consiliis ego pater sum », il fait une réponse en argumentant par des mots de même famille tu consulis quicquam, parce que consilia et consultores viennent de consulere300. 3 etsi pergis abiero comme dans : « donec me flumine uiuo abluero » (jusqu'à ce que je me sois baigné dans une eau vive)301. 4 etsi pergis abiero emploi archaïque (ἀρχαϊσμός) du futur antérieur pour le futur abibo. 5 Et cette réplique est prononcée avec le geste de celui qui s'en va ou qui s'apprête à s'en aller.

128
De.-sicine agis? Mi.-an ego totiens de eadem re audiam?
Dé.-Tu le prends comme ça ? Mi.-Mais aussi pourquoi devrais-je entendre parler sans arrêt de la même chose ?

1 sicine agis recte, quia iam abibat: quasi reuocantis correptio est. 2 an ego totiens hoc conuersum intellegas dicere. 3 avdiam deest te, sed durum fuit. 4 Et hoc est obtundere.
1 sicine agis bien, parce qu'il partait déjà : c'est comme le reproche de quelqu'un qui rappelle son interlocuteur. 2 an ego totiens on doit comprendre qu'il dit cela en se retournant. 3 avdiam il manque te, mais c'eût été désagréable. 4 Et cela revient à obtundere.

129
De.-curae est mihi. Mi.-et mihi curae est. uerum, Demea,
Dé.-C'est que ça me soucie. Mi.-Et moi aussi, ça me soucie. Mais, Déméa,

cvrae est mihi Aeschinus scilicet.
cvrae est mihi implicitement Eschine.

130
curemus aequam uterque partem: tu alterum,
partageons équitablement les soucis toi et moi : toi l'un,

cvremvs aeqvam vterqve proprie uterque et aequam quasi particeps fratris.
cvremvs aeqvam vterqve uterque au sens propre et aequam au sens de "en se partageant entre frères".

131
ego item alterum. nam ambos curare propemodum
moi l'autre, pareil. Car s'occuper des deux à la fois, c'est à peu près

propemodvm nisi addidisset propemodum, falsa uideretur esse sententia.
propemodvm s'il n'avait pas ajouté propemodum, la phrase semblerait fausse302.

132
reposcere illum est quem dedisti. De.-ah, Micio!
comme vouloir récupérer celui que tu m'as donné. Dé.-Ah! Micion.

ah micio religiose commotus est. ac ueluti incusatio est perfidiae, et ideo exclamat dolens et transit in iracundiam concessionemque, quae ἐπιτροπή dicitur.
ah micio ses scrupules l'ébranlent. Et comme c'est un reproche de perfidie, il pousse une exclamation de douleur et passe à la colère et à la concession, ce qui s'appelle une invocation (ἐπιτροπή).

133
Mi.-mihi sic uidetur. De.-quid istic? tibi si istuc placet,
Mi.-Je le vois ainsi. Dé.-Que dire ? Si c'est ta décision,

1 mihi sic videtvr rationabiliter non sic est dixit, sed sic uidetur: non uult enim uerum esse. 2 qvid istic deest loquor aut resisto, nam proprie significatio est de sententia sua decedentis.
1 mihi sic videtvr de façon raisonnée, il ne dit pas sic est (il en est ainsi), mais sic uidetur : car il ne veut pas que ce soit la vérité. 2 qvid istic il manque loquor (que dire ?) ou resisto (pourquoi résister ?), car c'est proprement la marque de celui qui renonce à son opinion.

134
profundat, perdat, pereat! nihil ad me attinet.
qu'il gaspille, qu'il perde, qu'il se perde ! Ça ne me concerne pas.

1 profvndat perdat ἐπιτροπή figura. Vergilius «  i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas 50 ». 2 profvndat perdat haec sic pronuntianda sunt, ut ostendatur gestu nolle quod loquitur.
1 profvndat perdat figure de l'invocation (ἐπιτροπή). Virgile : « i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas » (va, poursuis vers l'Italie porté par les vents, va te chercher un royaume de l'autre côté des flots)303. 2 profvndat perdat il faut prononcer cette tirade avec un geste qui montre qu'il ne veut pas ce qu'il est en train de dire.

135
iam si uerbum unum posthac... Mi.-rursum, Demea,
Si un seul mot à l'avenir... Mi.-Voilà que tu remets ça, Déméa,

1 si verbvm vnvm posthac ἀποσιώπησις: deest tibi fecero aut tale quid. 2 rvrsvm34 quasi: "cur rursum irasceris?".
1 si verbvm vnvm posthac aposiopèse (ἀποσιώπησις) : il manque tibi fecero (je te fais) ou quelque équivalent. 2 rvrsvm comme s'il disait "pourquoi te remets-tu en colère ?".

136
irascere? De.-an non credis? repeton quem dedi?
avec ta colère. Dé.-Et tu ne crois pas que... Moi, te reprendre celui que je t'ai donné ?

1 an non credis irasci scilicet. 2 repeton qvem dedi minus erat si Aeschinum diceret; plus est quem dedi. 3 repeton qvem dedi rusticani stomachi est repetere semper uerba, quae inuitus audierit.
1 an non credis implicitement irasci (se mettre en colère). 2 repeton qvem dedi c'eût été moins fort s'il avait dit "Eschine" ; quem dedi est plus fort. 3 repeton qvem dedi c'est la caractéristique de la colère d'un paysan que de répéter toujours les mots qu'il a entendus avec déplaisir304.

137
aegre est; alienus non sum; si obsto... em desino.
Je regrette, mais je ne suis pas un étranger pour lui. Si je m'oppose... Bon, j'arrête.

1 aegre est quasi dictum sit: "quid ergo loqueris?" quod aegre est; "cur aegre est?" quia alienus non sum. 235 Quasi timeat iam dicere pater sum. 3 alienvs non svm satis cum stomacho; "si patrem iam me esse non licet", alienus non sum.
1 aegre est comme s'il avait dit : "que dis-tu donc ?" ; quelque chose qui me coûte (aegre est) ; "pourquoi t'en coûte-t-il ?" ; parce que alienus non sum. 2 Comme s'il craignait maintenant de dire "je suis son père". 3 alienvs non svm de façon quelque peu colérique ; "s'il ne m'est plus permis d'être son père, au moins alienus non sum".

138
unum uis curem? curo. et est dis gratia,
Tu veux que je m'occupe d'un seul ? Soit. Et c'est une bénédiction

139
cum ita ut uolo est; iste tuus ipse sentiet
qu'il soit comme je le souhaite. Le tien, de lui-même, s'apercevra

1 iste tvvs memoriter iste tuus ad illud quod dixerat «  meus est factus 51 ». 2 iste tvvs ipse sentiet quantus sis quantumque eum ames, hoc est decipietur per indulgentiam tuam. 3 ipse sentiet sentire multi pro malo posuerunt, ut ipse alibi «  sit rogas? sensi. nam unam ei cenam atque eius comitibus dedi 52 ». 4 iste tvvs ipse sentiet posterivs nolo in illvm36 scilicet quam hoc. 5 nolo in i. illvm 37 nec enim Demea satis hoc graue existimat dictum in eum, qui non prouideat in futurum, et38 aptius, quia pater est.
1 iste tvvs iste tuus est un rappel de ce qu'il avait dit : « meus est factus ». 2 iste tvvs ipse sentiet compléter "comme tu es important et comme tu l'aimes", c'est-à-dire qu'il sera trompé par ton indulgence. 3 ipse sentiet beaucoup supposent que sentire est connoté négativement, comme on le voit ailleurs chez Térence : « sit rogas ? sensi. Nam unam ei cenam atque eius comitibus dedi » (Tu me demandes si elle y est ? J'ai senti ma douleur. Car je lui ai donné un repas à elle et à ses compagnes). 4 iste tvvs ipse sentiet posterivs nolo in illvm implicitement quam hoc (que cela). 5 nolo in illvm en même temps en effet Déméa ne pense pas avoir parlé assez sévèrement de lui, parce qu'il ne sait pas envisager l'avenir, et c'est plus adapté, parce qu'il est père.

140
posterius... nolo in illum grauius dicere.
plus tard... Mais je ne veux pas l'accabler davantage.

141
Mi.-neque nihil860 neque omnia haec sunt quae dicit tamen;
Mi.-Ce n'est ni tout blanc ni tout noir, ce qu'il dit tout de même.

1 neqve nihil... non nihil λιτότης figura est conueniens placidissimo seni, qui in reprehendendo adulescente moderatur. 2 neqve nihil apparet Terentium fauere lenissimis patribus, unde subiecit etiam rationem facti Micioni seni. 3 neqve omnia haec svnt qvae dicit tamen bene a Micione hoc dicitur, quia indulgentioris est plura scire et supra dixit «  ea ne me celet consuefeci filium 53 ». 4 Et hic sensus est: nec contemnenda sunt quae dicit nec omnia dicit tamen, hoc est: non haec sola sunt quae dicit, sed alia multa sunt. et ordo: neque tamen.
1 neqve nihil... non nihil figure de la litote (λιτότης), qui convient bien à un vieillard très serein, qui, quand il fait des reproches à un jeune homme, se montre modéré. 2 neqve nihil il semble que Térence se montre favorable aux pères doux, c'est pourquoi il ajoute aussi une justification de l'attitude adoptée par le vieillard Micion305. 3 neqve omnia haec svnt qvae dicit tamen il a bien fait de mettre cela dans la bouche de Micion, parce que c'est le propre du personnage plus indulgent que d'en savoir davantage et il a dit plus haut : « ea ne me celet consuefeci filium ». 4 Et le sens est : il ne faut pas mépriser ce qu'il dit, et encore il ne dit pas tout, c'est-à-dire : il n'y a pas que ce qu'il a dit mais il y a beaucoup d'autres faits, et l'ordre est neque tamen.

142
non nihil molesta haec sunt mihi; sed ostendere
Tout cela n'est pas sans me causer quelque désagrément ; mais lui montrer

1 non nihil molesta placidissime «  neque nihil 54 » dixit et non nihil maluit repetere quam uehementer iracundiam demonstrare. est enim altera λιτότης. 2 non nihil molesta haec svnt mihi optime poeta Micionem commotum fecit, ne si omnino immobilis esset, non indulgere adoptiuo filio, sed omnino eum non curare uideretur. ergo sic in eo seruat placidum animum, ut tamen retineat patris affectum. 3 sed ostendere me aegre constat ergo «  aegre pati 55 »; nam aliter non erat parens.
1 non nihil molesta il a dit neque nihil de façon très sereine et il préfère répéter non nihil plutôt que de laisser paraître vivement sa colère. Car c'est une seconde litote (λιτότης). 2 non nihil molesta haec svnt mihi de très bonne façon, le poète fait ressentir à Micion de l'émotion, pour éviter qu'on croie, s'il était tout à fait insensible, non pas qu'il a de l'indulgence pour son fils adoptif, mais plutôt qu'il n'en a absolument pas cure. Donc il lui fait conserver sa sérénité tout en lui faisant garder son amour paternel. 3 sed ostendere me aegre il est donc clair que « aegre pati » (il le prend mal) ; de fait, sinon, il ne serait pas un père.

143
me aegre pati illi nolui. nam ita est homo:
que je le prenais mal, ça je n'ai pas voulu. Car le bonhomme est ainsi fait :

1 illi Demeae scilicet. 2 Aut: illic, ubi Demea litigabat. 3 nam ita est homo moraliter homo dixit; sic enim de his dicimus, quos parce reprehendimus; ut alibi «  ut homo est, ita morem geras 56 ».
1 illi implicitement "à Déméa". 2 Ou : équivaut à illic (là), à l'endroit où Déméa le querellait306. 3 nam ita est homo en conformité avec son caractère, il dit homo ; car c'est ainsi que nous nous exprimons quand nous faisons un reproche modéré ; ainsi ailleurs : « ut homo est, ita morem geras ».

144
cum placo, aduersor sedulo et deterreo,
quand j'essaie de le calmer, de lui tenir tête résolument et de le dissuader,

cvm placo id est: "cum uolo placare".
cvm placo c'est-à-dire : "quand je veux l'apaiser".

145
tamen uix humane patitur; uerum si augeam
il a du mal à le supporter en homme ; mais si je renchérissais

vervm si avgeam argumentum a contrario, nam placare contrarium est irritantibus augentibusque iracundiam.
vervm si avgeam argument par le contraire, car placare est le contraire de vouloir irriter et attiser la colère.

146
aut etiam si adiutor eius sim iracundiae,
ou même me faisais l'auxiliaire de sa colère,

avt etiam si39 adivtor eivs sim iracvndiae σύλλημψις, nam a genetiuo casu accusatiuus assumptus est.
avt etiam si adivtor eivs sim iracvndiae il y a une syllepse (σύλλημψις), car l'accusatif a été remplacé par le génitif307.

147
insaniam profecto cum illo. etsi Aeschinus
sûr que je deviendrais fou avec lui ! Toutefois, Eschine

etsi aeschinvs nonnvllam in hac re rursus λιτότης, ut sit mitis reprehensio et hoc ipso grauis. nam etsi et nonnullam magis temperamento sunt posita.
etsi aeschinvs nonnvllam in hac re encore une litote (λιτότης), pour que le reproche soit adouci et par là même digne. Car etsi et nonnullam sont mis là pour que le propos soit plus tempéré308.

148
nonnullam in hac re nobis facit iniuriam.
nous a bien causé du tort dans cette affaire.

149
quam hic non amauit meretricem? aut cui non dedit
Y a-t-il une courtisane d'ici dont il n'ait été amoureux ? à qui il n'ait pas donné

1 qvam hic non amavit meretricem avt cvi non dedit ἠθικῶς ὑπερβολή 40 quam non et cui non; ea tamen haec sunt, ut non graui sono accusationis proferantur, sed solam reprehensionem contineant; aliquid uero admirandum est, quod addidit meretricem ut os ostendatur41 Micionis hoc solum adhuc scientis et nihil de uitiata uirgine. 2 qvam hic non amavit meretricem et hoc cum uenia et defensione, nam colere meretricem flagitium42 est. simul etiam uitiatae uirginis adhuc ignarus ostenditur Micio. 3 non dedit aliqvid aliquid dicendo praetermisit uel mercedem uel numerum.
1 qvam hic non amavit meretricem avt cvi non dedit conformément à son caractère, hyperbole (ἠθικῶς ὑπερβολή) : il dit quam non et cui non309 ; pour autant, il ne faut pas prononcer cela avec le ton grave de l'accusateur, mais en marquant seulement du reproche ; il y a quelque chose en revanche d'étonnant : c'est qu'il ajoute meretricem, pour montrer la tête de Micion, au courant pour l'instant de cet épisode seulement mais ignorant du viol de la jeune fille. 2 qvam hic non amavit meretricem et cela est dit avec indulgence et en le défendant, car entretenir une courtisane est un scandale310. En même temps, il est prouvé que Micion est encore ignorant du viol de la jeune fille. 3 non dedit aliqvid en disant aliquid il passe sous silence le prix et la fréquence.

150
aliquid? postremo nuper (credo iam omnium
quelque chose ? Enfin, dernièrement (à mon avis, toutes les autres

credo iam omnivm taedebat παρένθεσις πρώτη: etenim addimus ad ea, quae apud nos parum certa sunt, aut credo aut puto.
credo iam omnivm taedebat parenthèse de la première catégorie (παρένθεσις πρώτη) : de fait nous ajoutons à côté de ce dont nous ne sommes pas trop sûrs credo ou puto (je crois)311.

151
taedebat) dixit uelle uxorem ducere.
l'ennuyaient), il a dit vouloir prendre épouse.

dixit velle vxorem mirum est apud Terentium, cur etiam per nescias personas indicet argumenta. nam cum Micio nesciat amari ab Aeschino ciuem uirginem, tamen dicit «  credo iam omnium taedebat et dixit uelle uxorem ducere 57 ». sic ex parte magna ostendit nescius argumentum ideo, quia ueri simile est amantissimum Aeschini Micionem omnes scire affectus adulescentis et consuetudines. et apparet praeterea conatum ex parte fateri uitiatum amore Aeschinum et pudore impeditum tantum hoc dixisse quod honeste potuit, uelle se uxorem ducere, quam uellet, tacuisse confusum.
dixit velle vxorem il est étrange chez Térence qu'il indique l'argument de la pièce y compris par l'intermédiaire de personnages qui ne sont pas au courant. Car alors que Micion n'est pas au courant qu'Eschine est amoureux d'une jeune fille citoyenne, il dit tout de même « credo iam omnium taedebat et dixit uelle uxorem ducere ». Ainsi pour une bonne part il dévoile sans le savoir l'argument de la pièce parce qu'il est vraisemblable que, par l'affection qu'il a pour Eschine, Micion connaisse toutes les passions du jeune homme et ses habitudes. Et il est clair en outre que, contraint d'avouer en partie qu'Eschine a été dépravé par l'amour, mais empêché de le reconnaître par sa retenue, il dit seulement ce qu'il peut dire honnêtement, à savoir qu'il veut prendre femme, mais il tait, dans sa confusion, qui est celle qu'il désire312.

152
sperabam iam deferbuisse861 adulescentiam:
J'espérais que c'en était fait de l'effervescence de la jeunesse.

1 sperabam iam defervisse advlescentiam recte sperabam et gaudebam: sic enim dicimus, cum errasse nos cernimus. 2 Et mire non dixit sperabam illum iam correctum, sed mitis senex totum aetati attribuit, nihil filio. 3 defervisse advlescentiam seruat propositum circa aetatis ueniam. 4 deferbvisse quasi "deorsum a feruore tenuisse". 5 legitur et deseruisse43.
1 sperabam iam defervisse advlescentiam emploi correct de sperabam et de gaudebam : ainsi nous exprimons-nous quand nous voyons que nous nous sommes trompés313. 2 Et de façon étonnante, il ne dit pas sperabam illum iam correctum (j'espérais qu'il s'était désormais corrigé), mais le vieillard indulgent met tout sur le compte de l'âge et rien sur celui de son fils. 3 defervisse advlescentiam il conserve la proposition sur l'indulgence à l'égard de l'âge. 4 deferbvisse équivaut à "retenir en deçà de la ferveur"314. 5 On lit aussi deseruisse (abandonner).

153
gaudebam. ecce autem de integro! nisi quidquid est
J'étais content. Et nous revoilà à la case départ ! Mais, quoi qu'il en soit,

1 ecce avtem de integro nisi qvicqvid est ἀποσιώπησις prima, quia non uult credere. 2 nisi qvicqvid est deest quia, ut sit nisi quia. est etenim sensus: "nisi quia non temere credo et uolo scire quicquid est".
1 ecce avtem de integro nisi qvicqvid est aposiopèse de première catégorie (ἀποσιώπησις), parce qu'il ne veut pas le croire. 2 nisi qvicqvid est il manque quia, pour faire nisi quia. Et de fait le sens est : "sauf que je ne crois pas à la légère et que je veux savoir ce qu'il en est".

154
uolo scire atque hominem conuenire, si apud forum est.
je veux en avoir le cœur net et aller trouver mon homme, s'il est au forum.

Actus alter

scaena prima

Sannio Aeschinus Bacchis Parmeno

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155
Sa.-obsecro, populares, ferte misero atque innocenti auxilium!
Sa.-Je vous en supplie, concitoyens, apportez à un malheureux et à un innocent votre secours !

1 obsecro popvlares popularitas in omnis rei consortium sumitur; nunc autem populares ciues dicit. et hoc est quod ueteres quiritari dicebant: "quirites conclamare". 2 obsecro popvlares ferte misero atqve innocenti avxilivm hic exemplum est contumeliosi per potentiam diuitis et in perniciem suam pauperis contumacis. 3 misero atqve innocenti avxilivm svbvenite i. inopi 44 tria sunt: miser, innocens, inops.
1 obsecro popvlares popularitas s'emploie pour toute sorte de groupement d'hommes ; ici, par populares il veut dire ciues (citoyens). Et c'est ce que les Anciens voulaient dire par quiritari (crier) : "appeler au secours les quirites"315. 2 obsecro popvlares ferte misero atqve innocenti avxilivm on voit ici l'exemple d'un homme riche que sa puissance rend agressif et d'un pauvre qui se bat pour sa propre perte. 3 misero atqve innocenti avxilivm svbvenite inopi il ya trois aspects : il est pauvre (miser), innocent (innocens), sans assistance (inops).

156
subuenite inopi! Ae.-otiose nunc iam ilico hic consiste.
Venez à l'aide d'un homme sans ressource ! Es.-Et maintenant, arrête-toi ici tranquillement.

1 svbvenite inopi uide quam posteriora uehementiora sunt ad incendendum populum: primo «  miserum 58 », post «  innocentem 59 », ad ultimum inopem posuit, et primo «  ferte auxilium 60 », post subuenite. 2 Et totum hoc principium a beniuolentia sumitur, quae comparatur ex inuidia potentiae Aeschini; nam contraria uult intellegi esse in Aeschino. 3 otiose nvnciam otiose secure, nam nisi qui securus est non est otiosus. 4 ilico modo locum, non tempus significat. 5 otiose nvnc iam ilico hic consiste simul imperauit modum, tempus, locum, factum: modum otiose, tempus nunc, locum hic, factum consiste; nam iam et ilico alterum tempori adiungitur, alterum loco. 6 Et consistere est audacter et constanter stare, ut «  constitit in digitos extemplo arrectus uterque 61 ».
1 svbvenite inopi voyez comme la suite devient plus virulente, pour provoquer la révolte du public : il dit d'abord « miserum », puis « innocentem », enfin inops, et d'abord « ferte auxilium », puis subuenite316. 2 Et tout ce début est une recherche de bienveillance, qui est mise en comparaison avec l'attitude orgueilleuse de la puissance d'Eschine; car il veut faire comprendre que pour Eschine c'est le contraire. 3 otiose nvnciam otiose signifie "en sécurité", car si on n'est pas en sécurité, on n'est pas de "loisir"317. 4 ilico est parfois un complément de lieu, et non de temps. 5 otiose nvnc iam ilico hic consiste il donne un ordre qui porte en même temps sur la manière, le temps, le lieu et le fait : la manière avec otiose, le temps avec nunc, le lieu avec hic, le fait avec consiste ; car iam et ilico sont associés pour l'un au temps, pour l'autre au lieu318. 6 Et consistere c'est se tenir debout avec audace et en tenant bon, comme dans : « constitit in digitos extemplo arrectus uterque » (l'un et l'autre, soudain dressés sur la pointe de leurs orteils, tinrent bon).

157
quid respectas? nil pericli est: numquam, dum ego adero, hic te tanget.
Que regardes-tu derrière ? Il n'y a pas de danger : jamais, tant que je serai là, ce type ne te touchera.

nvnqvam pro non. Vergilius «  numquam omnes hodie moriemur inulti 62 ».
nvnqvam mis pour non. Virgile : « numquam omnes hodie moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous aujourd'hui sans être vengés).

158
Sa.-ego istam inuitis omnibus...!
Sa.-Moi, celle-ci, que vous le vouliez ou non vous tous... !

1 istam invitis omnibvs deest abducam. 2 ego istam invitis omnibvs bona ἔλλειψις: nemo enim plane loquitur, qui luctatur.
1 istam invitis omnibvs il manque abducam (je l'enlèverai). 2 ego istam invitis omnibvs bonne ellipse (ἔλλειψις) : car personne ne fait des phrases complètes dans un affrontement319.

159
Ae.-quamquam862 scelestus, non committet hodie umquam iterum ut uapulet.
Es.-Il a beau être un scélérat, il ne fera rien de grave aujourd'hui sans morfler une deuxième fois.

1 qvamqvam scelestvs non committet ἀνακόλουθον primum, nam cum praeposuisset quamquam, non subiecit tamen. 2 itervm vt vapvlet uiuaciter poeta priorem litem sustulit dicendo iterum, ut non eadem lis esset, de qua supra questus est Demea, sed instaurata noscatur. 3 committet perficiet; sed hoc proprie de illicitis et puniendis facinoribus dicimus. simul hic ostendit comicus adulescens caedem se lenoni inuitum intulisse et id fecisse et facere lenonis culpa, non sua.
1 qvamqvam scelestvs non committet anacoluthe (ἀνακόλουθον) de première catégorie, car après avoir écrit quamquam, il n'a pas continué avec tamen320. 2 itervm vt vapvlet par souci de vivacité, le poète a supprimé la première rixe en disant iterum, pour que l'on comprenne qu'il ne s'agit pas de la même rixe que celle dont se plaignait Déméa, mais qu'on la reconnaisse comme une rixe qui recommence. 3 committet il accomplira (perficiet) ; mais au sens propre c'est pour des actes illicites et qu'il faut punir qu'on l'emploie. Et en même temps, le jeune homme de comédie montre ici que c'est malgré lui qu'il a massacré le proxénète et que s'il l'a fait et continue à le faire, c'est de la faute du proxénète et non de la sienne.

160
Sa.-Aeschine, audi, ne te ignarum fuisse dicas meorum morum,
Sa.-Eschine, écoute, pour que tu ne puisses pas dire que tu ignorais mon mode de vie,

161
leno ego sum... Ae.-scio. Sa.-...at ita, ut usquam fuit fide quisquam optima.
je suis un proxénète, moi... Es.-Je sais. Sa.-...mais de toute confiance, s'il en fut jamais.

1 leno svm leno terribiliter pronuntiandum, quasi dicat cui supplex eris; sed ex argumento est, quod contemnit Aeschinus lenonis minas, utpote qui iam uxorem decreuerit ducere. 2 scio hic sic respondit, quasi in lenone minutio capitis tantum consisteret. 3 fide qvisqvam optima fides in concipiendis comminationibus denuntiatio comminantis est.
1 leno svm il faut dire leno avec un ton effrayant, comme s'il disait "un proxénète que tu supplieras bientôt" ; mais c'est du fait de l'intrigue qu'Eschine méprise les menaces du proxénète, dans la mesure où il a déjà décidé de prendre femme. 2 scio il fait cette réponse comme si la déchéance portait seulement sur le proxénète. 3 fide qvisqvam optima la loyauté (fides) à concevoir des menaces est une dénonciation de celui qui fait les menaces.

162
tu quod te posterius purges, hanc iniuriam mihi nolle
Mais toi, pour ce qui est de tes excuses après coup, que tu n'aurais pas voulu que cet affront me

163
factam esse, huius non faciam. crede hoc, ego meum ius persequar:
soit fait, je m'en soucie autant que de ça. Sois-en sûr, moi j'irai au bout de mes droits.

1 hvivs non faciam figurate quod te purges, huius non faciam. 2 Ergo quod te purges id est: purgationem tuam. huius autem δεικτικόν: aut enim stipulam aut floccum mouerat aut summum digitum. 3 ego mevm ivs perseqvar hoc est lenonum. 4 mevm ivs "meam libertatem". 5 mevm ivs "meam uindictam", nam ut illa «  iniuria 63 » est, quae fit innoxio, ita ius uindicta illa, quae redditur reo. 6 perseqvar ulciscar. Cicero «  tu, dum tuas iniurias per te - id quod non potes - persequi conaris 64 ». 7 hvivs non faciam Cicero «  ne tantulum quidem commotus est 65 ».
1 hvivs non faciam au sens figuré quod te purges, huius non faciam. 2 Donc quod te purges c'est : "tes excuses" (purgationem tuam). Quant à huius, c'est un déictique (δεικτικόν) : car il bougeait un brin de paille, un flocon ou le bout de son ongle321. 3 ego mevm ivs perseqvar c'est-à-dire le droit des proxénètes. 4 mevm ivs "ma liberté". 5 mevm ivs "la chose que je revendique", car de même que l'injustice (iniuria) est celle qui est faite à un innocent, de même la justice (ius) est la chose revendiquée qui est rapportée à l'accusé322. 6 perseqvar "je tirerai vengeance". Cicéron : « tu, dum tuas iniurias per te - id quod non potes - persequi conaris » (toi, pendant que tu essaies de poursuivre les injustices dont tu es victime - ce que tu ne peux faire). 7 hvivs non faciam Cicéron : « ne tantulum quidem commotus est » (il n'a pas été ébranlé ne fût-ce qu'un petit peu)323.

164
neque tu uerbis solues umquam, quod mihi re male feceris.
Et ce n'est pas de paroles que tu me paieras jamais le méchant tour que tu m'as joué.

1 neqve tv verbis solves vmqvam qvod mihi re male feceris γνωμικῶς. 2 Et solves "lues", "persolues", id est "satisfacies ac te purgabis". 3 re male feceris acuendum est re et significanter proferendum: ibi enim sententia est. 4 Et plus dixit male feceris quam iniuriam feceris.
1 neqve tv verbis solves vmqvam qvod mihi re male feceris sentencieusement (γνωμικῶς). 2 Et solves "tu acquitteras", "tu paieras", c'est-à-dire "tu donneras satisfaction et t'amenderas". 3 re male feceris il faut accentuer d'un aigu re et le prononcer comme si le mot était pris dans son sens fort : car c'est là qu'est le sens324. 4 Et il dit plus en disant male feceris qu'iniuriam feceris (tu as commis une injustice).

165
noui ego uestra haec « nollem factum »: ius iurandum dabitur te esse
Je connais vos « je regrette ce que j'ai fait ». Il y aura un serment pour me jurer : « tu

1 novi ego vestra haec ἔλλειψις; deest enim uerba. 2 ivs ivrandvm dabitvr hoc est: "iurabimus te indignum esse, cui iniuria fiat huiusmodi". 3 Aut separatim iusiurandum dabitur et separatim te esse indignum iniuria hac. 4 Et sic melius: uerba enim satisfacient, cum res colligitur in generalibus causis. nam saepe irae ac lites sunt iureiurando terminatae.
1 novi ego vestra haec ellipse (ἔλλειψις) ; il manque en effet uerba (des mots). 2 ivs ivrandvm dabitvr c'est-à-dire "nous jurerons que tu es indigne qu'on te fasse une injustice de ce genre". 3 Ou alors il faut séparer iusiurandum dabitur et te esse indignum iniuria hac325. 4 Et c'est mieux ainsi : car les mots donneront satisfaction quand l'affaire concerne des causes générales. Car souvent les disputes et les rixes se terminent par un serment.

166
indignum iniuria hac, indignis cum egomet sim acceptus modis.
ne mérites pas cet affront », alors que ce qui n'est pas mérité, c'est la manière dont j'ai été reçu.

indignvm inivria hac comice indignum...indignis.
indignvm inivria hac procédé comique avec indignum...indignis326.

167
Ae.-abi prae strenue ac fores aperi. Sa.-ceterum hoc nihil863 facis?
Es.-Passe devant, en force, et ouvre la porte. Sa.-Par ailleurs, tu comptes mes paroles pour rien ?

1 abi prae strenve aut abi prae "prior abi", "praei", ut «  i prae, sequor 66 », aut praestrenue ut «  praediuitis urbe Latini 67 ». 2 abi prae strenve magna contemptio minarum lenonis, non respondisse Aeschinum ad ea quae dixit. 3 cetervm hoc nihil facis nihil pro non. 4 Legitur et nihili.
1 abi prae strenve soit abi prae (pars le premier, passe devant), comme dans : « i prae, sequor », soit praestrenue (très vigoureusement), comme dans : « praediuitis urbe Latini » (Latinus, très riche de sa cité)327. 2 abi prae strenve c'est une marque de grand mépris pour les menaces du proxénète de la part d'Eschine que de ne pas répondre à ses paroles. 3 cetervm hoc nihil facis nihil mis pour non. 4 On lit aussi nihili328.

168
Ae.-i intro nunc iam tu. Sa.-at enim864 non sinam. Ae.-accede illuc, Parmeno:
Es.-Et toi, maintenant, entre. Sa.-Mais enfin, je ne vais pas laisser faire. Es.-Avance là-bas, Parménon :

At enim non sinam enim inceptiua particula apud ueteres fuit, sed et conuenit perturbato45.
at enim non sinam enim était une particule de début de phrase chez les Anciens, mais elle convient aussi au style d'un homme sous le coup d'une émotion.

169
nimium istuc abisti: hic propter hunc adsiste: em sic uolo!
non, là tu es allé trop loin ; ici, mets-toi près de lui. Voilà, parfait !

1 nimivm istvc abisti quasi ex contumacia lenonis appareat, quam multum abierit. 2 propter hvnc "iuxta hunc", ut Vergilius «  templum de marmore ponam propter aquam 68 ». 3 em sic volo mire comicus ex alterius uerbis quid faciat alter ostendit.
1 nimivm istvc abisti comme si c'était à la pugnacité du proxénète qu'on estime de quelle distance il est trop éloigné. 2 propter hvnc "à côté de lui", comme dans Virgile : « templum de marmore ponam propter aquam » (je placerai un temple de marbre près de l'eau). 3 em sic volo de façon remarquable, le poète comique fait comprendre ce que fait l'un grâce aux mots de l'autre.

170
caue nunc iam oculos a meis oculis quoquam demoueas tuos,
Et maintenant ne bouge plus tes yeux de mes yeux,

171
ne mora sit, si innuerim, quin pugnus continuo in mala haereat.
pour ne pas manquer, au moindre signe de ma part, de lui coller tout de suite ton poing sur la mâchoire.

1 qvin pvgnvs continvo pugnus a pugna dicitur. 2 An ab illo pugna? 3 pvgnvs continvo id est uestigium litigantis.
1 qvin pvgnvs continvo pugnus vient de pugna (lutte). 2 A moins que ce ne soit pugna qui vient de pugnus329 ? 3 pvgnvs continvo c'est-à-dire une trace laissée par un combattant.

172
Sa.-istuc uolo ergo ipsum experiri865. Ae.-em serua: omitte mulierem!
Sa.-Je voudrais bien voir ça ! Es.-Hep ! attention : oublie cette femme !

1 istvc volo experiri expresse ostendit pauperioris loquacem contumaciam usque ad periculum caedis. 2 istvc volo experiri hoc illo dicente seruus lenonem uerberat. 3 em serva nescias cui hoc dicat Aeschinus, utrum lenoni an seruo; sed seruo magis.
1 istvc volo experiri de façon expressive il montre la pugnacité hâbleuse du pauvre qui le mène jusqu'au risque de se faire battre. 2 istvc volo experiri pendant qu'il dit cela, l'esclave frappe le proxénète. 3 em serva on ne sait trop à qui Eschine dit cela, au proxénète ou à l'esclave ; mais à l'esclave c'est préférable.

173
Sa.-o indignum facinus! Ae.-geminabit, nisi caues. Sa.-ei misero mihi!
Sa.-O l'indigne attentat ! Es.-Il va doubler la mise si tu ne fais pas attention. Sa.-Aïe, pauvre de moi !

1 geminabit nisi caves hoc comminantis est, non iubentis ferire; sed quia longe stat Parmeno, gemina putauit dictum. 2 Et geminabit plagam. 3 geminabit nisi caves non singularem pugnum et unum dabit, sed geminatos duplicatosque numero inferet. 4 ei misero mihi leno depulsatur.
1 geminabit nisi caves c'est le propos d'un homme qui menace, non qui ordonne de frapper ; mais comme Parménon se tient un peu loin, il a cru qu'on disait gemina (remets ça)330. 2 Et geminabit un coup. 3 geminabit nisi caves il ne donnera pas un seul coup de poing au singulier, mais il en mettra des jumeaux, des doubles en nombre. 4 ei misero mihi le proxénète est repoussé.

174
Ae.-non innueram; uerum in istam partem potius peccato tamen.
Es.-Mais je n'avais pas fait signe ; enfin, trompe-toi plutôt dans ce sens-là.

1 non innveram conuenienter poeta auidiorem maleficiendi inducit seruum, cum supra dominum inuitum ostenderit cogi ad inferendam iniuriam. 2 in istam partem potivs peccato "ut uerberes non iussus quam iussus non uerberes".
1 non innveram comme il faut, le poète met en scène un esclave qui a bien envie de faire mal, alors que ci-dessus il montrait que le maître était forcé malgré lui de faire du tort à l'autre. 2 in istam partem potivs peccato "de frapper sans en avoir reçu l'ordre plutôt que de ne pas frapper en en ayant reçu l'ordre".

175
i nunc iam. Sa.-quid hoc rei est? regnumne, Aeschine, hic tu possides?866
Vas-y maintenant. Sa.-Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? C'est un royaume, Eschine, que tu possèdes ici ?

1 nvnc iam duae partes istae sunt. 2 nvnc iam46 bene iam, quia sero et post plagas. 3 Et utrum hoc lenoni, ut abeat, an puellae, ut introeat, dicitur? sed facetius, si lenoni intellegas dici, quasi hoc factum sit quod uoluerit et quasi uenerit, ut uapularet. 4 Et iam tarditatis incusatio est, ut Vergilius «  iam melior, iam diua parens 69 ». 5 regnvmne aeschine inuidiosa moraliter exclamatio et ardentior ob plagas. 6 regnvmne aeschine hic tv possides bene hic, id est Athenis, ubi grauius crimen est dominari uelle. nam tyranni semper ibi oppressi sunt et maxime proxime.
1 nvnc iam il y a là deux mots. 2 nvnc iam iam est bien trouvé, parce que c'est tardivement et après les coups. 3 Et dit-il cela au proxénète, pour qu'il s'en aille, ou à la jeune fille, pour qu'elle entre ? Mais c'est plus drôle si on comprend que ça s'adresse au proxénète, comme s'il était arrivé quelque chose qu'il souhaitait et qu'il fût venu dans le but de se faire battre. 4 Et iam c'est un reproche de lenteur, comme dans Virgile : « iam melior, iam diua parens » (et toi, déesse mère, enfin, enfin un peu indulgente)331. 5 regnvmne aeschine exclamation jalouse conforme à son caractère, et rendue plus ardente à cause des coups. 6 regnvmne aeschine hic tv possides c'est bien de dire hic, c'est-à-dire à Athènes, où c'est un crime particulièrement grave de vouloir dominer. Car les tyrans toujours y ont été réprimés, et de façon absolument immédiate332.

176
Ae.-si possiderem, ornatus esses ex tuis uirtutibus.
Es.-Si j'en possédais un, tu serais décoré selon tes mérites.

1 si possiderem ἠθικὴ εἰρωνεία contemnentis inuidiam. 2 ornatvs esses ex tvis virtvtibvs cito ostendit, quantum a se longe sit regnum, qui dixit ornari potuisse hunc lenonem ex uirtutibus suis. 347 Sic ueteres per ironiam uirtutes pro flagitiis dicebant. Lucilius «  animo ac uirtutibus 70 ».
1 si possiderem ironie caractéristique (ἠθικὴ εἰρωνεία) de celui qui méprise la jalousie d'autrui. 2 ornatvs esses ex tvis virtvtibvs il montre aussitôt combien il est loin d'être un roi, en disant que ce proxénète aurait pu être décoré de ses vertus. 3 Ainsi les Anciens disaient uirtutes ironiquement pour désigner des défauts honteux. Lucilius : « animo ac uirtutibus » (son âme et ses qualités).

177
Sa.-quid tibi rei mecum est? Ae.-nil. Sa.-quid? nostin qui siem867? Ae.-non desidero.
Sa.-Pourquoi t'en prends-tu à moi ? Es.-Pour rien. Sa.-Quoi ? Tu ne sais pas qui je suis ? Es.-Je n'en ai pas besoin.

1 qvid tibi rei mecvm est hoc quia uerberatus est dicit, ut quid tibi debeo?, non quia sibi nihil debeatur. 2 nihil facete, quia et ipse abstulit et nihil uult a se repeti. 3 qvid nostin qvi siem proprie: sic enim dicit, qui nihil quicquam debet: non me nouit, non quod ignoretur, sed quod in iure non cernatur.
1 qvid tibi rei mecvm est il dit cela parce qu'il a été roué de coups, comme quid tibi debeo ? (quelle est ma dette à ton égard ?), non parce qu'on ne lui doit rien à lui333. 2 nihil amusant, parce que c'est lui l'auteur de l'enlèvement et qu'il ne veut rien se faire reprendre. 3 qvid nostin qvi siem proprement : car parle ainsi celui qui n'a absolument aucune dette : non me nouit, non au sens d'une chose ignorée, mais à celui d'une chose qui dans un procès n'est pas instruite.

178
Sa.-tetigin tui quicquam? Ae.-si attigisses, ferres infortunium.
Sa.-Ai-je touché à un de tes biens ? Es.-Si tu y avais touché, tu sentirais bien ton malheur.

si attigisses ferres infortvnivm plus dixit attigisses quam tetigisses; est enim multo minus quam tangere.
si attigisses ferres infortvnivm il dit plus avec attigisses qu'avec tetigisses (tu avais touché) ; car le verbe est très atténué par rapport à tangere334.

179
Sa.-qui tibi magis licet meam habere, pro qua ego argentum dedi?
Sa.-D'où alors t'autorises-tu à me prendre cette femme, que j'ai échangée contre de l'argent ?

1 qvi tibi magis licet haec non tam ratiocinatio est quam exclamatio per dolorem. 2 meam habere pro qva ego argentvm dedi meam suffecerat, sed magna moralitate additum est ad uociferationem pro qua ego argentum dedi. simul etiam ostendit leno quid repetat. 3 qvi tibi magis licet si mihi, inquit, non licet attingere tuam, cur tibi licet meam non tangere, sed habere? 4 Et habere utrum domi in consuetudine an corrumpere aut48 stuprare intelligemus?
1 qvi tibi magis licet ce n'est pas tant un raisonnement qu'une exclamation de douleur. 2 meam habere pro qva ego argentvm dedi meam aurait suffi, mais, avec un grand sens du caractère, il ajoute, jusqu'à crier, pro qua ego argentum dedi. En même temps aussi le proxénète révèle ce qu'il réclame. 3 qvi tibi magis licet si moi, dit-il, je n'ai pas le droit de l'effleurer (attingere), pourquoi toi as-tu le droit non pas de la toucher (tangere), mais de la prendre (habere) ? 4 Et habere est-ce la garder à la maison dans une relation suivie, ou bien la corrompre ou la déshonorer, que nous devrons comprendre ?

180
responde. Ae.-ante aedes non fecisse erit melius hic conuicium:
Réponds. Es.-Tu feras mieux de ne pas faire ce charivari devant la porte.

ante aedes non fecisse non erat, quod ad haec iuste responderet, et ideo sic respondet, ut conuicium dicat, quod diuersum est.
ante aedes non fecisse il n'y avait rien d'autre de juste à répondre à cela, et il répond de façon à dire conuicium, qui est une façon de détourner l'accusation335.

181
nam si molestus pergis esse, iam intro abripiere atque ibi
Car si tu continues à m'agacer, tu vas te faire traîner dedans et là,

182
usque ad necem operiere loris. Sa.-loris liber? Ae.-sic erit.
jusqu'à ce que mort s'ensuive, tu vas te faire fouetter. Sa.-Fouetter ? Un homme libre ? Es.-Ce sera le cas.

1 loris liber lora apud ueteres laura dicebantur a lauro triumphorum, sub qua necesse erat captiuos uinciri ducique per pompam. ideo, ut condicionis reminiscantur, loris caeduntur mancipia. 2 Nam mancipia dicuntur, quod manu capta sunt, serui quod seruati sunt, cum eos occidi oporteret iure belli. unde Vergilius sic inducit captiuum rogantem «  per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor, hanc animam serues natoque patrique 71 ».
1 loris liber lora chez les Anciens se disait laura, d'après les lauriers du triomphe sous lesquels il fallait que les captifs soient attachés et conduits dans le cortège. C'est pour qu'ils se souviennent de leur condition que les esclaves sont frappés de verges (loris). 2 Car si les esclaves sont appelés mancipia, c'est parce qu'ils sont maintenus sous la mains (manu capta), et s'ils sont appelés serui, c'est parce qu'ils ont été préservés (seruati), alors qu'on aurait dû les tuer en vertu du droit de la guerre. Du coup, Virgile met en scène un captif qui supplie de cette manière : « per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor, hanc animam serues natoque patrique » (par les mânes de ton père et les espérances que fait naître ton Iule qui grandit, préserve mon âme pour mon fils et pour mon père)336.

183
Sa.-o hominem inpurum! hicine libertatem aiunt esse aequam omnibus?
Sa.-Oh le sale bonhomme ! Et on dit qu'on est au pays de la liberté et de l'égalité pour tous ?

1 hicine libertatem Athenis scilicet. 2 o hominem impvrvm sic ueteres impurum generaliter pro improbo ponebant, ut in eadem hac fabula «  persuasit ille impurus, sat scio 72 ». 3 aeqvam omnibvs quasi dicat: "ubi non est quomodo Aeschinus loquitur". 4 Et bene omnibus, ne49 lenones quidem uideantur excepti.
1 hicine libertatem Athènes implicitement. 2 o hominem impvrvm c'est ainsi que les Anciens disaient impurus de façon générique pour improbus (malhonnête), comme dans cette même pièce : « persuasit ille impurus, sat scio ». 3 aeqvam omnibvs comme s'il disait : "là où ce n'est pas comme Eschine le dit". 4 Et c'est bien de dire omnibus, en sorte que même les proxénètes ne se sentent pas exclus.

184
Ae.-si satis iam debacchatus, leno, es, audi si uis nunciam.
Es.-Si tu penses avoir fini ton carnaval, maquereau, écoute un peu maintenant, s'il te plaît.

185
Sa.-egon debacchatus sum autem an tu in me? Ae.-mitte ista atque ad rem redi.
Sa.-C'est moi qui fais le carnaval ou bien toi, à mes dépens ? Es.-Laisse tomber et reviens au fait.

mitte ista atqve ad rem redi superbe adulescens non putat lenoni se esse purgandum. ad rem autem ad negotium, de quo agitur, dicit.
mitte ista atqve ad rem redi avec morgue, le jeune homme ne juge pas indispensable de présenter ses excuses au proxénète. Par ad rem, il désigne l'affaire dont il s'agit.

186
Sa.-quam rem? quo redeam? Ae.-iamne me uis dicere id quod ad te attinet?
Sa.-Quel fait ? Où dois-je revenir ? Es.-Veux-tu que je te dise quelque chose qui te concerne ?

1 qvam rem "quam abduxisti?". res enim intellegitur pecunia uel id, pro quo pecunia danda est. 2 qvo redeam "ad quam euertisti domum?". quia «  fores effregit atque in aedes irruit alienas 73 ». 3 id qvod ad te attinet "quod tibi prodest et commodum est".
1 qvam rem "celle que tu as enlevée ?". Car res se comprend au sens d'argent ou de ce qu'il faut échanger contre de l'argent. 2 qvo redeam "dans la maison que tu as mise sens dessus dessous ?", parce que : « fores effregit atque in aedes irruit alienas »337. 3 id qvod ad te attinet "quelque chose qui t'est utile et favorable".

187
Sa.-cupio; aequi modo aliquid! Ae.-uah, leno iniqua me non uult loqui!
Sa.-Je le souhaite, pourvu que ce soit quelque chose de juste ! Es.-Ah ça ! un maquereau qui ne veut pas que je dise des paroles injustes !

1 cvpio ille «  uis 74 » dixit, hic cupio. 2 aeqvi modo aliqvid dicas subauditur. 3 vah leno nomen sacrilegum, nomen iniustum: iniquitatem agitat, iustitiae patrocinatur! totum hoc εἰρωνικῶς pronuntiandum est.
1 cvpio l'autre dit « uis », celui-ci cupio. 2 aeqvi modo aliqvid dicas (puisses-tu dire !) est sous-entendu. 3 vah leno nom sacrilège, nom de l'injustice : il a une activité inique et il prône la justice ! il faut dire tout cela avec un ton ironique (εἰρωνικῶς).

188
Sa.-leno sum, fateor, pernicies communis adulescentium,
Sa.-Oui je suis maquereau, j'avoue, le fléau général de la jeunesse,

leno svm figura συγχώρησις.
leno svm figure de l'aveu (συγχώρησις).

189
periurus, pestis; tamen tibi a me nulla orta est iniuria.
un parjure, une vérole ; mais à toi pourtant, je n'ai rien fait de mal.

orta inivria orta coepta.
orta inivria orta signifie coepta (commencé).

190
Ae.-nam hercle etiam hoc restat! Sa.-illuc quaeso redi, quo coepisti, Aeschine.
Es.-Ma foi, il ne manquerait plus que ça ! Sa.-Reviens à ton début, s'il te plaît, Eschine.

1 illvc qvaeso redi qvo coepisti figurate, rectum enim erat, unde coepisti, nisi forte pronomen est modo accipiendum quo, ut sit a quo. 2 Et bene memor est dixisse Aeschinum «  mitte ista atque ad rem redi 75 ».
1 illvc qvaeso redi qvo coepisti de façon figurée ; il aurait été en effet correct de dire unde coepisti (d'où tu es parti), à moins peut-être qu'il ne faille seulement comprendre quo comme un pronom, valant a quo338. 2 Et il se souvient bien des paroles d'Eschine : « mitte ista atque ad rem redi ».

191
Ae.-minis uiginti tu illam emisti (quae res tibi uertat male!):
Es.-C'est pour vingt mines que tu as acheté cette fille (que cela te porte malheur !) :

1 qvae res tibi vertat male adicit contumeliam, quasi et hoc multum sit et inimicum. 2 Vertumnus dicitur deus, qui rebus ad opinata se uertentibus praeest. saepe autem male cedit, quod bonum putatur, et hoc est male uertisse; ut ille gladius, qui muneri datus adminiculum fuit pereuntis, de quo Vergilius «  ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in usus 76 ».
1 qvae res tibi vertat male il ajoute une insulte, comme si cela aussi était beaucoup, et un acte hostile339. 2 Le dieu Vertumne tire son nom du fait qu'il préside aux situations qui se changent (uertentibus) en ce à quoi on s'attend340. Or souvent tourne mal ce qu'on croit bon, et c'est cela male uertisse (tourner mal) ; ainsi de ce glaive offert en cadeau et qui est devenu l'instrument de celle qui agonise, au sujet duquel Virgile dit : « ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in usus » (elle tire l'épée troyenne, cadeau non prévu pour cet usage).

192
argenti tantum dabitur. Sa.-quid si tibi ego868 illam nolo uendere?
on t'en donnera autant. Sa.-Et si je ne veux pas te la vendre, moi ?

1 qvid si tibi ego illam nolo vendere haec maioris sunt stomachi et ideo stultiora; nam quod iam amisit, uenditurum se negat. 2 Et quid si nolo noue dictum. 3 Et τῷ ἰδιωτισμῷ quid si nolo cogis me? potest autem dici: "quid enim, si nolo? cogis me?".
1 qvid si tibi ego illam nolo vendere cela procède d'une colère plus grande et est particulièrement sot ; car ce qu'il a désormais perdu, il refuse de le vendre. 2 Et quid si nolo est une expression inédite341. 3 Et il dit quid si nolo cogis me ? avec un idiotisme (τῷ ἰδιωτισμῷ). On aurait pu dire : quid enim, si nolo ? cogis me ? (car quoi, si je ne veux pas ? tu m'obliges ?)342.

193
cogis me? Ae.-minime. Sa.-namque id metui. Ae.-neque uendendam censeo,
Tu m'y forces ? Es.-Pas du tout. Sa.-Ah, c'est ce que je craignais. Es.-C'est qu'elle n'est pas vendable, à mon avis,

1 minime εἰρωνεία. 2 namqve id metvi εἰρωνεία contumacis et ridicula in eo, qui iam amisit id, de quo dicit se cogi non posse.
1 minime ironie (εἰρωνεία). 2 namqve id metvi ironie (εἰρωνεία) d'un personnage obstiné et ironie qui prête à rire de la part de quelqu'un qui a déjà perdu ce à propos de quoi il dit qu'on ne peut pas le forcer.

194
quae libera est: nam ego liberali illam adsero causa manu.
vu qu'elle est libre : car moi je lui impose la main pour la libérer.

nam ego liberali illam ordo est: "liberali causa manu adsero". et sunt iuris uerba, a quibus etiam adsertores dicuntur uindices alienae libertatis, ut et causa ipsa liberalis dicitur, quae actionem in se continet libertatis.
nam ego liberali illam l'ordre est : "liberali causa manu adsero" (je l'attire par la main dans l'objectif de la libérer). Et c'est une formule juridique d'où vient qu'on appelle adsertores les responsables de la liberté d'autrui, de même que la cause même est appelée liberalis, parce qu'elle contient en elle-même l'acte de libération.

195
nunc uide, utrum uis? argentum accipere an causam meditari tuam?
Donc vois ce que tu veux : prendre l'argent ou préparer ta défense ?

196
delibera hoc, dum ego redeo, leno. Sa.-pro supreme Iuppiter!
Réfléchis-y, le temps que je revienne, maquereau. Sa.-Par le grand Jupiter !

1 pro svpreme ivppiter haec allocutio ad hoc inducta est, ut ex uerbis lenonis appareat, quam facile mitis fieri possit et quiduis libenter accipere. 2 pro svpreme ivppiter supremum summum nunc dicit - ab eo quod est superum et superius fit supremum -, ut Vergilius «  rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos ad limina misit 77 ». etsi non abhorret a persona et plebei et lenonis et uim passi Iouem ipsum conuicio prosequi, ut cotidie uidemus ab hominibus eius loci et ordinis fieri.
1 pro svpreme ivppiter cette adresse est mise là dans le but de montrer, par les paroles du proxénète, combien il peut s'adoucir et accepter de bon gré n'importe quoi. 2 pro svpreme ivppiter supremus veut dire ici summus (supérieur) - c'est de superus et de superius qu'on fait supremus -, comme chez Virgile : « rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos ad limina misit » (c'est notre roi lui-même, de la descendance suprême de Jupiter, le Troyen Enée, qui nous a envoyés sur tes bords). D'ailleurs un personnage de plébéien, de proxénète, de victime de violence, ne répugne pas à poursuivre jusqu'à Jupiter dans son invective, comme on le voit faire tous les jours d'hommes de cette condition et de ce rang.

197
minime miror qui insanire occipiunt ex iniuria.
Je ne suis pas surpris qu'il y ait des gens qui deviennent fous après une injustice.

1 minime miror qvi insanire occipivnt ex inivria sensus hic est: "insanos fieri per iniuriam plerosque mirabar, sed iam non miror, postquam ego ipse per iniuriam, quam sum passus, insanire compellor adeo, ut exclamem pro Iuppiter!". 2 Et simul animaduerte uigilantem poetam, ubicumque in comoedia uocem tragicam extulerit, statim personam insanam dicere. sic et supra «  pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam! 78 ».
1 minime miror qvi insanire occipivnt ex inivria voici le sens : "je m'étonnais que beaucoup deviennent fous à cause d'une injustice, mais aujourd'hui je n'en suis plus étonné après avoir moi-même, à cause d'une injustice que j'ai subie, été poussé à la folie au point de m'exclamer pro Iuppiter !". 2 Et remarquez en même temps la vigilance du poète qui, à chaque fois que dans une comédie il produit une parole tragique, dit aussitôt du personnage qu'il est fou (insanam). Ainsi ci-dessus également : « pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam ! »343.

198
domo me eripuit, uerberauit; me inuito abduxit meam.
Il m'a sorti de chez moi, m'a roué de coups ; contre mon gré il m'a dérobé ma petite.

1 me invito abdvxit meam honestiori personae haec querela sufficeret abduxit meam, at leno bene addidit me inuito: nam abducuntur meretrices et cum uoluntate lenonum. 2 Et decora locutio per ἔλλειψιν me inuito abduxit meam50: non enim addidit puellam aut quid tale.
1 me invito abdvxit meam pour un personnage plus honorable, cette seule plainte aurait suffi : abduxit meam, mais le proxénète fait bien d'ajouter me inuito : car les courtisanes se font enlever y compris avec l'assentiment des proxénètes. 2 Et l'expression est jolie grâce à l'ellipse (per ἔλλειψιν) : me inuito abduxit meam : car il n'ajoute pas puellam (ma poule) ou quelque chose de ce genre.

199
homini misero plus quingentos colaphos infregit mihi!
Pour mon malheur, il m'a flanqué plus de cinq cents coups !

1 homini misero secundum illud Menandri « αιγοστηποιωντοιγο† ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην λαβών51 ». 2 homini misero plvs qvingentos colaphos contumeliosa caedes colaphos et indigna lenoni, qui et infregit, ut illudens hoc fecisse Aeschinus uideatur, cum sonitu se delectat. infregit autem inlisit, inflixit. 3 homini misero plvs qvingentos colaphos flebiliter pronuntiandum: hoc enim exprimitur incusare eum in alieno facto fortunam suam. 4 Et uide, quantum distet hoc ab illo, quod supra dicebat «  ipsum istuc uolo experiri 79 »: hoc quia solus est, illud quia cum aduersario.
1 homini misero selon le mot de Ménandre « †αιγοστηποιωντοιγο† ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην λαβών » (...de sept cent gnons, et il avait pris son domestique)344. 2 homini misero plvs qvingentos colaphos colaphos caractérise une volée de coups insultante et que le proxénète ne mérite pas, lui qui dit aussi infregit, pour qu'on ait l'impression qu'Eschine a fait cela par raillerie, en se délectant du bruit des claques. Quant à infregit, il veut dire "il m'a blessé" (inlisit), "infligé" (inflixit)345. 3 homini misero plvs qvingentos colaphos il faut le dire sur un ton pleurnichard : car ce qui est dit là, c'est qu'il incrimine son infortune à l'occasion de l'acte d'autrui. 4 Et voyez la différence de cette réplique à la précédente ci-dessus : « ipsum istuc uolo experiri » : celle-ci parce qu'il est seul, la précédente parce qu'il était avec un adversaire.

200
ob malefacta haec tantidem emptam postulat sibi tradier!869
Et en face de ces forfaits, il réclame que la fille lui soit transférée au même prix !

tantidem emptam postvlat legitur tantidem emptam postulat sibi darier52.
tantidem emptam postvlat on lit aussi tantidem emptam postulat sibi darier (il réclame qu'on la lui donne au même prix)346.

201
uerum enim quando bene promeruit, fiat! suum ius postulat.
Mais enfin, puisqu'il a fait une offre correcte, soit ! Il réclame son droit.

bene promervit bene multum; promeruit "adiuuit", "profuit", cui contrarium est commeruit; nam mereri et promereri est praestare beneficium. Vergilius «  quique sui memores alios fecere merendo 80 » et «  numquam, regina, negabo promeritam 81 ».
bene promervit bene signifie multum (beaucoup) ; promeruit signifie "il a été aidant" (adiuuit), "utile" (profuit), et le contraire est commeruit (il s'est rendu coupable) ; car mereri et promereri c'est offrir un bienfait. Virgile : « quique sui memores alios fecere merendo » (ceux qui par leurs bienfaits ont fait se conserver leur souvenir dans la mémoire des autres) et : « numquam, regina, negabo promeritam » (jamais, reine, je ne nierai ma dette à ton égard).

202
age iam cupio, si modo argentum reddat. sed ego hoc hariolor:
Allons, j'y consens, pour peu qu'il donne l'argent. Mais j'ai un pressentiment :

203
ubi me dixero dare tanti, testis faciet ilico,
dès que j'aurai dit que je la donne à tant, il inventera aussitôt des témoins

vbi me dixero dare tanti recte dixit; ubi enim pactio intercesserit pretii, iam ereptionis actio sublata erit et pretium debebitur.
vbi me dixero dare tanti il dit juste ; car quand un prix aura été fixé de gré à gré, alors l'acte d'enlèvement sera aboli et le prix sera dû.

204
uendidisse me; de argento somnium; mox: « cras redi ».
pour dire que j'ai déjà réalisé la vente ; et l'argent, dans mes rêves ! ; ensuite : « reviens demain ».

mox cras redi mire transiit ad μιμητικόν.
mox cras redi il passe de façon remarquable au style direct (μιμητικόν).

205
id quoque possum pati870, si modo reddat, quamquam iniurium est;
Je peux tolérer ça aussi, s'il paye, malgré l'injustice ;

1 id qvoqve possvm pati ipsum «  mox, cras redi 82 », id est moram. 2 qvamqvam inivrivm est uendere, quod nolis scilicet.
1 id qvoqve possvm pati la formule même « mox, cras redi », c'est-à-dire un retard dans le paiement. 2 qvamqvam inivrivm est de vendre ce qu'on ne veut pas, implicitement.

206
uerum cogito id quod res est: quando eum quaestum inceperis871,
mais je réfléchis à la réalité : quand on entreprend de faire ce métier,

1 id qvod res est pro: "id quod uerum est". noua locutio. 2 qvando evm qvaestvm inceperis ut in Andria «  dein quaestum occipit 83 ».
1 id qvod res est mis pour : "ce qui est réel". Expression inédite. 2 qvando evm qvaestvm inceperis comme dans L'Andrienne : « dein quaestum occipit ».

207
accipienda et mussitanda iniuria adulescentulum est.
il faut accepter et garder pour soi les mauvaises manières de ces gamins.

mvssitanda "patienda, consideranda cum silentio et ut in amatore putanda ac per hoc perferenda". mussitare enim proprie "dissimulandi causa tacere" est, uel a muto uel ab M, quae est littera nimium pressae uocis ac paene nullius adeo, ut sola omnium, cum inter uocales inciderit, atteratur atque subsidat. hinc Vergilius «  mussat rex ipse Latinus 84 ».
mvssitanda "qu'il faut endurer, regarder en silence et juger à l'aune d'un amoureux", et par là même "supporter". Car mussitare c'est au sens propre "se taire pour cacher quelque chose", et l'origine est soit mutus (muet), soit la lettre M347, qui est un son excessivement étouffé et presque nul au point que, seule entre toutes, quand elle se trouve entre deux voyelles, elle s'affaiblit et s'amuït. D'où chez Virgile : « mussat rex ipse Latinus » (le roi Latinus lui-même reste silencieux).

208
sed nemo dabit; frustra egomet mecum has rationes puto.
Mais personne ne paiera ; c'est en vain que je me fais tous ces calculs.

frvstra egomet mecvm praeparationis genus ad accipiendas uiginti minas totius summa est disputationis.
frvstra egomet mecvm ce genre de préparation pour accepter les vingt mines est le résumé de toute la dispute.

scaena altera

Sannio Syrus

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209
Sy.-tace, egomet conueniam iam ipsum; cupide accipiat faxo atque etiam
Sy.-Sois tranquille, c'est moi qui vais aller le trouver en personne ; je vais le faire accepter avec gourmandise et même

1 tace egomet conveniam iam ipsvm in hac scaena actus est exemplum continens uitae auarorum, qui saepe in damnum ipsius auaritiae rationibus ruunt; simul etiam duorum inter se nequam hominum spectanda quaedam uicissim et dolosa captio est. 2 tace egomet conveniam iam ipsvm tace si pro aduerbio est positum, omnibus dicitur, si pro uerbo, Ctesiphoni dicitur maxime sollicito et supplicanti omnibus ob metum patris. iam autem nunc non tardationis sed properationis est significatio.
1 tace egomet conveniam iam ipsvm dans cette scène, l'action est un exemple touchant au mode de vie des gens cupides, qui, souvent, courent à la banqueroute en suivant les plans mêmes que leur souffle leur cupidité ; en même temps aussi, il faut observer comment deux vauriens se jouent alternativement des tours pendables. 2 tace egomet conveniam iam ipsvm si tace fonctionne comme un adverbe, il est dit à la cantonnade, s'il fonctionne comme verbe, il s'adresse à Ctésiphon348, qui est le plus inquiet et qui supplie tout le monde à cause de la crainte qu'il a de son père. Quant à iam, il n'a pas ici un sens de retardement mais d'accélération.

210
bene dicat secum esse actum. quid istuc, Sannio, est quod te audio
le faire dire qu'on l'a bien traité. Qu'est-ce c'est, Sannion, que j'entends là, que tu

1 bene dicat secvm esse actvm recte additum, nam multa cupide accipimus, ita tamen, ut male nobiscum actum esse dicamus. 2 qvid istvc sannio est illud supra post scaenam, hoc iam in proscaenio dicitur. 3 Et uide quam ingeniose Terentius, qui supra ab Aeschino lenonis nomine facit Sannionem uocari, utpote ab homine arroganti et feroci ob aetatem ac negotium, at hunc blande circumuenientem honorificentius inducit cum lenone loqui et eum Sannionem uocare. fere qui in sordidis professionibus agunt, honorifice proprio nomine appellas, at splendidis artibus53 constituti gaudent artis nomine nuncupari, ut imperator orator philosophus. sic et in Eunucho «  audire uocem uisa sum militis 8554 » apud se loquens meretrix, et postquam illum comminus uidet «  salue mi Thraso 86 » inquit, non salue miles, quod erat durissimum, et mox irata personat «  miles, nunc adeo edico tibi 87 ».
1 bene dicat secvm esse actvm ajout correct. Car il y a beaucoup de choses que nous recevons avec cupidité au point de dire, pourtant, qu'"on nous a mal traités". 2 qvid istvc sannio est le début ci-dessus se dit en coulisse, ce passage-ci sur l'avant-scène349. 3 Et voyez le talent de Térence, qui ci-dessus fait interpeller Sannion par Eschine du nom de proxénète, dans la mesure où Eschine est un être arrogant et sans pitié en raison de son âge et de ses occupations, alors qu'il met en scène ici un Syrus qui tente de circonvenir Sannion de façon agréable et qui s'adresse à lui plus cérémonieusement et l'appelle de son nom. Généralement, quand on a affaire à des gens qui exercent des métiers sans prestige, on leur fait honneur en les appellant par leur nom propre, alors que ceux qui se trouvent dans des catégories professionnelles supérieures apprécient de se faire appeler du nom de leur profession, par exemple un général, un orateur, un philosophe. Ainsi dans L'Eunuque, la courtisane dit dans un monologue : « audire uocem uisa sum militis » ; et dès qu'elle le voit de près, elle dit : « salue mi Thraso » et non pas "salue miles" (salut, soldat), propos qui eût été très insultant ; puis, sous le coup de la colère, elle crie : « miles, nunc adeo edico tibi »350.

211
nescio quid concertasse cum ero? Sa.-numquam uidi iniquius
t'es disputé sur je ne sais quoi avec mon patron ? Sa.-Jamais je n'ai vu de chose plus inégale

1 nescio qvid concertasse cvm ero argute positum nescio quid: uult enim ex illo audire, ut nanciscatur initium persuadendi, quod cupit. 2 concertasse οἰκονομία: honorifice lenonem tractat, ut et placidum sibi reddat et ut faciat eum ad contemnendam pecuniam liberalem; nam honestas adimit auaritiam. concertasse non caesum esse55.
1 nescio qvid concertasse cvm ero nescio quid est adroitement mis : car Syrus veut apprendre l'histoire de la bouche de Sannion pour trouver un début d'argumentaire pour le convaincre de ce qu'il veut. 2 concertasse effet de préparation (οἰκονομία) : il traite le proxénète cérémonieusement, pour d'une part se l'amadouer et d'autre part le rendre généreux jusqu'à mépriser son argent ; car la politesse a raison de la cupidité. Concertasse et non caesum esse (tu t'es fait massacrer)351.

212
certationem comparatam, quam quae hodie inter nos fuit;
que cette dispute qui s'est faite aujourd'hui entre nous deux ;

1 certationem comparatam ἓν διὰ δυοῖν quia ille «  concertasse 88 » dixit56. 2 comparatam proprie, alias constitutam. 3 Et comparatam ad Syri dictum refert, qui ait concertationem fuisse pares faciens Aeschinum et lenonem. nam Sannio uult sibi deberi et pro eo quod uapulauit, quod illi abstulit Syrus dicendo eum non uerberatum esse sed potius certauisse. 4 Et proprie dixit certationem ipsum actum; nam certamen est ipsa res, de qua certatur, uter columbam sagitta feriat, uter prior decurrat ad metas -nam sic Vergilius in Bucolicis «  uelocis iaculi c. certamina p. ponit i. in u. ulmo 89 » -; at uero certatio ipse actus contentioque certantium est.
certationem comparatam hendiadys (ἓν διὰ δυοῖν), parce que lui disait « concertasse »352. 2 comparatam au sens propre ; ailleurs353 cela signifie constitutam (décidé). 3 Et comparatam renvoie au mot de Syrus, qui a dit qu'il y avait eu un conflit (concertatio), mettant ainsi à égalité Eschine et le proxénète. Car Sannion veut rester débiteur y compris des coups qu'il a reçus, ce dont Syrus le prive en disant qu'il n'a pas été roué de coups mais plutôt qu'il s'est battu354. 4 Et au sens propre certatio désigne l'acte lui-même ; car si certamen désigne la chose même qui est l'objet de la lutte355, comme de savoir lequel des deux tuera la colombe de sa flèche, lequel des deux franchira la ligne d'arrivée en tête - ainsi Virgile dans les Bucoliques356 : « uelocis iaculi certamina ponit in ulmo » (il instaure un concours de lancer de javelot en plaçant la cible sur un orme) -, certatio en revanche désigne l'action et l'acte de débattre entre adversaires357.

213
ego uapulando, ille uerberando, usque ambo defessi sumus.
moi à force d'encaisser, lui à force de frapper, nous sommes tous les deux épuisés.

ille verberando vsqve incerta distinctio est: uel uerberando usque uel usque defessi. et est usque aduerbium: significat enim aut diu aut multum.
ille verberando vsqve ponctuation indécise : on segmente ou bien uerberando usque (jusqu'à me rosser) ou bien usque defessi (jusqu'à l'épuisement). Et usque est un adverbe : car il a le sens de diu (longtemps) ou de multum (beaucoup)358.

214
Sy.-tua culpa. Sa.-quid facerem? Sy.-adulescenti morem gestum oportuit.
Sy.-C'est de ta faute. Sa.-Qu'y pouvais-je ? Sy.-Tu aurais dû te montrer complaisant avec ce jeune homme.

1 tva cvlpa potest et nominatiuus et septimus casus esse. si nominatiuus, deest est, si septimus, deest factum est. 2 advlescenti morem gestvm oportvit ab aetate adiuuatur sententia, ideo adulescenti dixit, non Aeschino. 3 Et morem gerere proprie lenonis est et meretricis, unde et ipse sic respondet, ut non fugiens κακέμφατον dicat «  usque os praebui 90 ». 4 advlescenti morem gestvm cum emphasi adulescenti pronuntiandum, scilicet qui facile assensione caperetur.
1 tva cvlpa ce peut être un nominatif ou un septième cas359. Si c'est un nominatif, il manque est, si c'est l'ablatif, il manque factum est (c'est arrivé)360. 2 advlescenti morem gestvm oportvit l'énoncé est appuyé par l'âge de Syrus, et il peut dire "le gamin" au lieu de dire "Eschine". 3 Et morem gerere (se montrer complaisant) c'est le propre d'un proxénète et d'une courtisane ; c'est pourquoi lui-même répond, sans échapper à l'allusion grivoise (κακέμφατον) : « usque os praebui »361. 4 advlescenti morem gestvm il faut prononcer adulescenti avec emphase, implicitement pour expliquer qu'un jeune homme se laisse facilement prendre aux flatteries.

215
Sa.-qui potui melius, qui hodie usque os praebui? Sy.-age, scis quid loquar?
Sa.-Comment pouvais-je faire mieux, moi qui aujourd'hui ai été jusqu'à m'offrir docilement à ses coups de boutoir ? Sy.-Allons, tu sais ce que je veux te dire ?

1 qvi potvi melivs subauditur morem gerere. et hoc subtiliter leno, cum morem gerendum fuisse in meretricis pretio dixerit Syrus. 2 hodie hodie non tempus significat, sed iracundam eloquentiam ac stomachum, ut Vergilius «  numquam omnes hodie moriemur inulti 91 ». 3 age modo corripientis aduerbium est. 4 scis qvid loqvar argute, quia simulauerat leno non intellexisse quod dixerat seruus. 5 scis qvid loqvar legitur et si quid loquar.
1 qvi potvi melivs on sous-entend morem gerere (être complaisant). Et le proxénète se montre ici subtil, puisque Syrus a dit qu'il fallait se montrer complaisant dans le prix de revente de la courtisane. 2 hodie hodie ne marque pas ici le temps mais l'éloquence de la colère et le courroux, comme dans Virgile : « numquam omnes hodie moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous aujourd'hui sans être vengés)362. 3 age c'est parfois un adverbe de reproche. 4 scis qvid loqvar subtil, car le proxénète faisait semblant de ne pas avoir compris ce que disait l'esclave. 5 scis qvid loqvar on lit aussi si quid loquar.

216
pecuniam in loco neglegere maximum interdum est lucrum. Sa.-hui!
perdre de l'argent à propos est parfois une très bonne affaire. Sa.-Ah oui ?

maximvm interdvm est lvcrvm bene additum et in loco et57 interdum: non enim semper.
maximvm interdvm est lvcrvm il fait bien d'ajouter in loco et interdum : car ce n'est pas "toujours".

217
Sy.-metuisti, si nunc de tuo iure concessisses paululum, atque
Sy.-Tu craignais, en renonçant un tout petit peu à tes droits et

1 si nvnc de tvo ivre concessisses ne diceret: "non erat res mea, quam uenalem habui". 2 An de tuo iure de lenonia duritia, ut alibi «  meo iure utar, ut potior sit, qui prior ad dandum est 92 »?
1 si nvnc de tvo ivre concessisses de ne pas dire : "ce n'était pas mon bien, que j'ai acheté pour de l'argent". 2 A moins que de tuo iure soit une allusion à la dureté des proxénètes, comme ailleurs : « meo iure utar, ut potior sit, qui prior ad dandum est » ?

218
adulescenti esses morigeratus, hominum homo stultissime,
en te montrant complaisant avec le jeune homme, espèce d'imbécile sans égal,

219
ne non tibi istuc faeneraret? Sa.-ego spem pretio non emo.
que cela ne te rapporte pas d'intérêts ? Sa.-Moi je n'achète pas l'espoir à prix d'argent.

1 ne non tibi istvc faeneraret faeneratum est "cum lucro redditum et multiplicatum". faeneraret ergo non Aeschinus sed ipsa res, in qua faeneratio. 2 ego spem pretio non emo ἀντινομία contra «  pecuniam in loco neglegere maximum interdum est lucrum 93 ».
1 ne non tibi istvc faeneraret faeneratus veut dire "rendu avec bénéfice et coefficienté". Donc faeneraretn'a pas pour sujet Eschine, mais le bien lui-même, dans lequel il y a de l'intérêt. 2 ego spem pretio non emo c'est l'antinomie (ἀντινομία) contraire de : « pecuniam in loco neglegere maximum interdum est lucrum ».

220
Sy.-numquam rem facies; abi, nescis inescare homines, Sannio.
Sy.-Alors tu ne feras jamais d'affaires ; file, tu ne sais pas appâter les gens, Sannion.

1 nvmqvam rem facies leno quidquid agit ad lucrum refert. et sic lucri genus dicit esse rem Syrus ad lenonem, qua admodum ipse persuadeat58. 2 Et nota rem et litem et negotium meretricis et patrimonium et omnem pecuniam nominari. 3 nvmqvam rem facies secundum personam suam et lenonis Syrus adhortatus est hominem ad lucrum, non ad honestatem. 4 nescis inescare homines sannio μεταφορά ab aucupibus, qui auibus capiendis offundunt cibum.
1 nvmqvam rem facies tout ce que fait le proxénète, il le rapporte au bénéfice possible ; et c'est ce qui fait que Syrus nomme le genre de bénéfice qu'il va faire rem afin d'être lui-même tout à fait persuasif. 2 Et notez que res désigne le litige, l'affaire avec la courtisane, le patrimoine et toute opération financière. 3 nvmqvam rem facies en suivant la nature de son personnage et de celui du proxénète, Syrus exhorte le bonhomme à prendre un bénéfice, plutôt qu'à se montrer honnête. 4 nescis inescare homines sannio métaphore (μεταφορά) de la langue des oiseleurs, qui pour attraper les oiseaux répandent de la nourriture.

221
Sa.-credo istuc melius esse: uerum ego numquam adeo astutus fui,
Sa.-Je crois que ta méthode est meilleure ; mais moi je n'ai jamais été assez malin

credo istvc melivs esse uide comicum errorem utriusque personae, et callidi lenonis et captiosissimi famuli.
credo istvc melivs esse voyez la méprise comique des deux personnages, aussi bien le proxénète félon que le domestique très rusé.

222
quin quidquid possem mallem auferre potius in praesentia.
pour ne pas préférer prendre tout ce que je pouvais en direct.

223
Sy.-age, noui tuum animum: quasi iam usquam tibi sint uiginti minae
Sy.-Allons, je connais ton âme : comme si tu en étais à vingt mines près

1 age nunc uerbum est significans dic, quod iam prope est, ut consentiat persuadenti. 2 tvvm animvm id est liberalem. 3 qvasi iam vsqvam tibi sensus est: "quasi in59 numero aliquo ducas et in aliqua aestimatione constituas et non, si uelis, penitus contemnas uiginti minas, dum modo huic obsequaris". 4 qvasi iam vsqvam tibi sint et eum60 non profecturum dixit sed etiam «  proficisci 94 », et ne neget, non ab uno id audiri, sed «  aiunt 95 »aiunt inquit61.
1 age ici c'est un verbe au sens de dic (dis), parce que là il est tout près de se trouver d'accord avec celui qui tente de le persuader. 2 tvvm animvm c'est-à-dire liberalem (d'homme libre et généreux). 3 qvasi iam vsqvam tibi le sens est : "comme si tu donnais quelque importance et attribuais de la valeur à ces vingt mines au lieu de les mépriser complètement, si tu le voulais, pourvu que cela fasse plaisir à Eschine". 4 qvasi iam vsqvam tibi sint il ne dit pas profecturum au futur (que tu partiras), mais déjà un présent « proficisci », et pour éviter que Sannion ne nie, il ne dit pas que la chose a été entendue par un seul témoin, mais il dit aiunt (les gens disent)363.

224
dum huic obsequare. praeterea autem te aiunt proficisci Cyprum... Sa.-hem!
pourvu que tu lui obéisses ! En outre d'ailleurs, on raconte que tu pars pour Chypre... Sa.-Hein !

praeterea avtem ἀρχαϊσμός figura, nam ueteres libenter coniunctiones multiplicabant.
praeterea avtem figure d'archaïsme (ἀρχαϊσμός), car les Anciens aimaient à multiplier les mots de liaison364.

225
Sy.-coemisse hinc quae illuc ueheres multa, nauem conductam; hoc, scio,
Sy.-Que tu as acheté ici de quoi en rapporter là-bas en quantité, que le navire est loué ; c'est ça, je le sais,

1 coemisse hinc qvae illvc nusquam hoc ostendit alias Terentius, sed ex confessione lenonis apparet uera esse omnia. 2 Et mira uarietas; proficisci, coemere, conducere. 3 Nauem conductam62 esse addidit, ut dilationem res habere non possit. 4 hoc scio animvs tibi pendet hoc et correpte legi potest, ut articulus demonstratiuus sit, et producte, ut significet aut "hanc rem"63 aut "ad hunc locum", id est Cyprum.
1 coemisse hinc qvae illvc Térence n'indique nulle part ailleurs ce renseignement, mais de l'aveu du proxénète, il appert que tout est vrai365. 2 Et il y a une remarquable variété dans le choix des verbes ; proficisci, coemere, conducere. 3 Et il ajoute nauem conductam (que le navire a été loué), pour que l'affaire ne puisse pas être différée. 4 hoc scio animvs tibi pendet hoc peut se lire avec une voyelle brève, pour être le déterminant démonstratif, ou avec une longue, pour signifier soit "vers cela" soit "vers ce lieu", à savoir Chypre366.

226
animus tibi pendet. ubi illinc spero redieris, tamen hoc ages.
qui te tient l'esprit en haleine. Quand tu seras revenu de là-bas, j'espère, tu le feras tout de même.

1 vbi illinc spero redieris ex spe sua uult Syrus ostendere, quid leno debeat sperare, id est non se accepturum modo. 2 tamen hoc ages exiges debitum; nam hoc agere dicimus eum, qui instat negotio suo.
1 vbi illinc spero redieris c'est à partir de son espérance propre que Syrus montre ce que le proxénète devrait espérer, à savoir de ne rien toucher367. 2 tamen hoc ages tu exigeras ta dette ; car nous disons hoc agere pour celui qui persiste à mener son affaire.

227
Sa.-nusquam pedem! perii hercle! hac illi spe hoc inceperunt. Sy.-timet;
Sa.-Je n'y mettrai pas le pied ! Ma foi, je suis mort ! Voilà l'espoir qu'ils avaient en se mettant à cette entreprise ! Sy.-Il a peur ;

nvsqvam pedem quia exclamatio est, per aposiopesim non completur.
nvsqvam pedem comme c'est une exclamation, elle reste incomplète par aposiopèse.

228
inieci scrupulum homini. Sa.-o scelera! illuc uide,
j'ai mis un grain de sable dans les rouages du bonhomme. Sa.-Ah les traîtres ! Regardez-moi ça,

1 inieci scrvpvlvm homini hoc leno non audit: simul enim dicitur, cum ille clamat, et ideo simul legi non potest. 2 Et hic ostendit Syrus, quo consilio haec locutus sit. 3 illvd vide uide τῷ ἰδιωτισμῷ dixit.
1 inieci scrvpvlvm homini cette phrase n'est pas entendue du proxénète : en effet, Syrus la dit pendant que l'autre crie, et on ne peut pas la lire en même temps368. 2 Et Syrus montre ici avec quelle idée en tête il a parlé. 3 illvd vide uide est dit par particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ)369.

229
ut in ipso articulo oppressit! emptae mulieres
comme il me bloque les engrenages ! J'ai acheté des femmes,

1 vt in ipso articvlo oppressit μεταφορά perseuerans a scrupulo, id est lapillo, qui nos in calceo latens plerumque laedit. 2 Et oppressit uel Aeschinus uel res ipsa, quam subicit, id est quod ait emptae mulieres complures et item hinc alia 364 In lenonis mercibus ἐξοχή mulieres. et est σύλλημψις: emptae et empta.
1 vt in ipso articvlo oppressit métaphore (μεταφορά) filée à partir du mot scrupulus, c'est-à-dire du petit caillou que l'on a dans la chaussure à son insu et qui fait souvent mal370. 2 Et oppressit le sujet est soit Eschine soit l'affaire même qui est sous-jacente, à savoir emptae mulieres complures et item hinc alia. 3 Parmi les marchandises du proxénète, les femmes représentent le principal (ἐξοχή). Et c'est une syllepse (σύλλημψις) : emptae et empta371.

230
complures et item hinc alia quae porto Cyprum.
plusieurs, et aussi d'autres marchandises d'ici que je transporte à Chypre.

qvae porto cyprvm hanc insulam dictam65 uel quod Veneri sacrata sit, ut Horatius «  sic te diua potens Cypri 96 », uel quod mercatus in ea sit, ut idem «  numquam dimoueas, ut trabe Cypria Myrtoum pauidus nauta secet mare 97 ».
qvae porto cyprvm cette île ainsi nommée, parce que soit elle est consacrée à Vénus372, comme on voit chez Horace : « sic te diua potens Cypri » (ainsi toi, déesse qui possèdes Chypre...), soit il s'y trouve un marché, comme on voit chez le même Horace : « numquam dimoueas, ut trabe Cypria Myrtoum pauidus nauta secet mare » (jamais on ne le détournerait jusqu'à ce que, marin craintif, il fende la mer de Myrtos avec une étrave de Chypre)373.

231
nisi eo ad mercatum uenio, damnum maximum est.
Si je n'y arrive pas pour la foire, ma perte est énorme.

1 nisi eo ad mercatvm eo aduerbium est loci, id est Cyprum. mercatus autem locum tempusque significat. 2 damnvm maximvm est quia adhuc damnum in pretio mulieris est.
1 nisi eo ad mercatvm eo est un adverbe de lieu, qui renvoie à Chypre374. Quant à mercatus, il désigne à la fois le lieu et le temps375. 2 damnvm maximvm est parce qu'il y a encore de la perte sur le prix de la jeune femme376.

232
nunc si hoc omitto, actum872 agam ubi illinc rediero,
Mais si je laisse tomber ce dossier-ci, l'affaire sera faite quand je serai de retour de là-bas,

1 nvnc si hoc omitto quod damnum est, sed leuiter. hoc autem dicit negotium cum Aeschino. 2 actvm agam prouerbium, id est: "nihil agam". quod enim in iure semel iudicatum fuerit, rescindi et iterum agi non potest. sic in Phormione «  actum aiunt ne agas 98 ».
1 nvnc si hoc omitto cette chose qui est un dommage, mais légèrement. Quant à hoc, il désigne l'affaire en cours avec Eschine. 2 actvm agam proverbial, à savoir : "je ne ferai rien". Car ce qui, en droit, a été jugé une fois ne peut être défait et rejugé. De même dans le Phormion : « actum aiunt ne agas »377.

233
nihil est, refrixerit res: « nunc demum uenis?
plus rien, ce sera tout refroidi : « C'est maintenant que tu arrives ?

1 nihil est noue nihil est pro: nulla spes est. 2 refrixerit pro refrigescet.
1 nihil est il utilise de façon inédite nihil est pour nulla spes est (il n'y a nul espoir). 2 refrixerit futur antérieur pour le futur refrigescet.

234
cur passus es? ubi eras? » ut sit satius perdere
Pourquoi t'es-tu laissé faire ? Où étais-tu ? », au point qu'il vaut mieux perdre l'argent

vt sit sativs perdere per ὑπερβολήν hoc accipe, nam non conuenit personae lenoniae damna contemnere.
vt sit sativs perdere c'est par hyperbole (ὑπερβολή) qu'il faut prendre cette réplique, car il ne convient pas à un personnage de proxénète de n'avoir cure d'un dommage matériel.

235
quam aut nunc manere tam diu aut tum persequi.
que de s'attarder maintenant trop longtemps ou poursuivre après coup.

1 nvnc manere "dum non nauigo". 2 tvm perseqvi "cum rediero".
1 nvnc manere "sans transporter mon fret". 2 tvm perseqvi "à mon retour".

236
Sy.-iamne enumerasti id quod ad te rediturum putes?
Sy.-As-tu fini le compte de ce qui doit te revenir à ton avis ?

1 iamne envmerasti fingit Syrus se non intellegere, quid apud se ipsum leno locutus sit. adeo illi aliud ait, atque ille secum disputauerat. 2 id qvod ad te reditvrvm pvtes hoc dicto significat tantum illum accepturum, quantum ille dederat in puella. nam hoc ad nos redit, quod a nobis abierit. 3 Et dicendo rediturum ostendit super uiginti minas nihil illum sperare oportere. sic enim supra «  minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male 99 »66.
1 iamne envmerasti Syrus fait semblant de ne pas comprendre ce que le proxénète se dit à lui-même. Aussi lui dit-il autre chose que ce que l'autre débattait en lui-même. 2 id qvod ad te reditvrvm pvtes il montre en disant cela qu'il est prêt à accepter autant qu'il a donné pour l'achat de la fille. Car nous revient (redit) ce qui est parti de nous. 3 Et en disant rediturum, il montre qu'il ne lui faut plus espérer plus que les vingt mines de départ. Car Eschine a dit ci-dessus : « minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male ».

237
Sa.-hocine illo dignum est? hocine incipere Aeschinum,
Sa.-Est-ce que ce procédé est digne de lui ? Eschine, entreprendre ça,

1 hocine illo dignvm est huiusmodi comploratio summam desperationem lenonis ostendit. 2 hocine incipere67 incipere quasi de magno facinore dixit, ut in Heautontimorumeno «  uide, quod inceptet facinus 100 ». Aeschinum autem cum laudatione dixit, quasi quem non deceat male facere. 3 Et uide, quam omnia experiatur impotens ac miser ob recuperandam rem suam.
1 hocine illo dignvm est ce genre de déploration révèle le degré de désespoir du proxénète. 2 hocine incipere il dit incipere comme on le dit d'un grand forfait, comme dans L'Héautontimorouménos : « uide, quod inceptet facinus » (vois un peu quel acte il entreprend !)378. Quant à Aeschinum, il le dit avec une certaine estime, comme s'il nommait un homme qu'on ne devrait pas voir faire le mal. 3 Et voyez comme il est prêt à tout essayer dans son impuissance et son malheur pour récupérer son bien.

238
per oppressionem ut hanc mihi eripere postulet?
prétendre m'enlever de force cette fille !

1 vt hanc mihi eripere postvlet non dicit quam, quia de illa sermo est. 2 postvlet "uelit" aut "speret". Cicero «  ut temporibus rei publicae cedat, non est postulandum 101 », hoc est "cupiendum" aut "exspectandum". 3 Ἐν ἤθει eripere postulet dixit, non eripuerit, tamquam adhuc non fecerit. et sic loquuntur, qui nolunt circa se perseuerare iniuriam.
1 vt hanc mihi eripere postvlet il ne dit pas qui, puisque c'est d'elle qu'on parle. 2 postvlet uelit (veuille) ou speret (espère). Cicéron : « ut temporibus rei publicae cedat, non est postulandum » (que tu cèdes aux circonstances de la république, il ne faut pas y compter), c'est-à-dire "le souhaiter" ou "l'espérer". 3 Il est dans son caractère (ἐν ἤθει) quand il dit eripere postulet et non pas eripuerit (il me l'a enlevée), comme si la chose n'était pas déjà faite. Et c'est ainsi que s'expriment ceux qui ne veulent pas que perdure l'injustice qui leur est faite.

239
Sy.-labascit. unum hoc habeo; uide si satis placet:
Sy.-Il flanche. J'ai une seule proposition ; vois si elle t'agrée :

1 labascit hoc presse dicitur. 2 Et proprie dixit labascit, ut et suam instantiam et cunctationem tarde incipientis consentire monstraret. nam inchoatiuum uerbum est, μεταφορᾷ ab arbore siccante68 facta, quae multis succisa ictibus ferri tandem incipit in casum pendere ruinamque minari. 3 vnvm hoc habeo hoc clare. 4 Et subaudiendum quod dicam uel dicere. 5 vide si satis placet non placet dixit, sed satis placet ueluti magnum consilium praebiturus.
1 labascit ce passage se dit à voix basse. 2 Et il dit labascit au sens propre, à la fois pour montrer son propre travail de sape et les atermoiements de Sannion qui commence lentement à consentir. Car c'est un verbe inchoatif, à partir d'une métaphore (μεταφορᾷ) de l'arbre desséché qui, après avoir reçu de nombreux coups de hache commence enfin à pencher vers la chute et à menacer ruine379. 3 vnvm hoc habeo ceci à voix haute. 4 Et il faut sous-entendre quod dicam (à dire) ou dicere (à dire). 5 vide si satis placet il ne dit pas placet, mais satis placet en homme qui s'apprête à faire une proposition importante.

240
potius quam uenias in periculum873, Sannio,
plutôt que de faire quitte ou double, Sannion,

potivs qvam venias in pericvlvm oratoria comparatione peiorum dicit hoc esse, quod suggerit, eligendum.
potivs qvam venias in pericvlvm en comparant de façon oratoire avec une situation pire, il dit que c'est sa suggestion qu'il faut choisir.

241
seruesne an perdas totum, diuiduum face.
à tout garder ou à tout perdre, fais moitié moitié.

1 dividvvm face hoc est diuide: figura μακρολογία. 2 dividvvm a diuisione, dimidium a dimensione dicimus.
1 dividvvm face c'est-à-dire diuide (divise) : figure de prolixité (μακρολογία)380. 2 dividvvm nous disons diuiduus d'après l'idée de division, dimidius d'après celle de dimension381.

242
minas decem corradet alicunde. Sa.-ei mihi,
Eschine grattera bien dix mines quelque part. Sa.-Aïe,

1 minas decem scit illum uiginti posse accipere, sed idcirco sic agit, ut optet leno, quod paulo ante nolebat. 2 Et alicvnde dictum est non habentis. 3 corradet alicvnde nam nec ipsae in promptu sint. 4 ei mihi etiam de sorte nvnc venio in dvbivm miser sors est summa, cui extrinsecus acquiritur faenus. ergo sortem dicit pretium, quo empta est, id est uiginti minas. 5 Et uide illum damno exclamare quam iniuria.
1 minas decem il sait que l'autre peut accepter vingt mines, mais il fait en sorte que le proxénète finisse par souhaiter ce que tout à l'heure il refusait. 2 Et alicvnde c'est le mot de quelqu'un qui ne les a pas. 3 corradet alicvnde car même ces dix mines ne sont pas disponibles. 4 ei mihi etiam de sorte nvnc venio in dvbivm miser le mot sors désigne la somme à partir de laquelle on acquiert du dehors des intérêts. Donc en disant sortem il veut dire le montant auquel il l'avait achetée, à savoir vingt mines. 5 Et voyez que l'autre pousse une exclamation davantage à cause de la perte que du mauvais traitement qui lui a été fait.

243
etiam de sorte nunc uenio in dubium miser?
voilà que maintenant je ne suis pas sûr de sauver mon capital, pauvre de moi !

nvnc venio in dvbivm in periculum. Vergilius «  nec tibi de sorte in d. d??? c. c??? 102 ».
nvnc venio in dvbivm en danger. Virgile : « nec tibi de sorte in d. c. »382.

244
pudet nihil? omnes dentes labefecit mihi,
Il n'a pas honte ? Il m'a ébranlé toutes les dents,

1 omnes dentes labefecit iniuria lenoni tunc dolet, cum adiuncta damno est, «  accipienda et mussitanda 103 », cum in quaestu uidetur. idcirco enumeratis contumeliis adicit «  etiam insuper defraudat? 104 ». 2 Et uide, ut eadem quae supra, sed ardentius et cum auxesi repetat. sic et Vergilius in maius repetit, quod non semel dicit.
1 omnes dentes labefecit le mauvais traitement subi fait mal au proxénète au moment où s'y ajoute le risque d'une perte financière, alors qu'il pouvait "l'accepter et le passer sous silence" (« accipienda et mussitanda ») quand il prévoyait un bénéfice. Aussi, après avoir fait le décompte de ses déboires, il ajoute : « etiam insuper defraudat ? ». 2 Et voyez comme il répète ses propos antérieurs, mais avec plus d'ardeur et en les amplifiant. Ainsi fait aussi Virgile quand il majore en le répétant un énoncé qu'il ne se contente pas de dire une fois383.

245
praeterea colaphis tuber est totum caput:
et, à force de gifles, ma tête n'est plus qu'une grosse bosse :

colaphis tvber est totvm capvt tuber cibi genus est collectum ex tumentibus et quasi praegnantibus harenis. plus autem hic quam supra dixit «  plus quingentos colaphos infregit mihi 105 ».
colaphis tvber est totvm capvt le mot tuber (tubercule) désigne une sorte de nourriture qu'on ramasse dans des tertres sablonneux et ressemblant à des ventres de femmes enceintes384. Il en dit plus ici que ci-dessus : « plus quingentos colaphos infregit mihi ».

246
etiam insuper defraudet874? nusquam abeo. Sy.-ut libet.
et en plus il m'escroquerait ? Je ne vais nulle part. Sy.-A ta guise.

1 etiam insvper defravdat αὔξησις apta lenoni auaro, nam honestior persona non hunc ordinem faceret. 2 defravdet "fraude decipiat". 3 nvsqvam abeo hoc dictum uim habet comminationis, nisi illud cum contemptu susceperit Syrus. 4 vt libet neglegenter seruus respondet, ut rogetur a lenone.
1 etiam insvper defravdat amplification (αὔξησις) propre à un proxénète cupide, car un personnage plus honorable n'aurait pas mis les arguments dans cet ordre. 2 defravdet "il me tromperait par une ruse". 3 nvsqvam abeo cet énoncé a la force d'une menace, sauf que Syrus le traite par le mépris. 4 vt libet l'esclave répond négligemment, pour que le proxénète lui fasse sa requête.

247
numquid uis quin abeam? Sa.-immo hercle hoc quaeso, Syre,
Veux-tu autre chose ou puis-je me retirer ? Sa.-Oui, ma foi, je veux quelque chose, Syrus :

1 nvmqvid vis qvin abeam haec est plena oratio, nam numquid uis desiderat supplementum. et hoc uti dicto discedentes solent. 2 qvin quare non significat. 3 immo hercle hoc qvaeso syre vtvt haec svnt ipse sibi satisfacit - utut enim quoquo modo significat -, diuerticulum ad preces faciens.
1 nvmqvid vis qvin abeam l'énoncé est complet, car numquid uis a besoin d'un complément385. Et c'est la formule qu'on utilise habituellement en s'en allant. 2 qvin signifie quare non (pourquoi ne pas...). 3 immo hercle hoc qvaeso syre vtvt haec svnt il se donne satisfaction - utut en effet signifie quoquo modo (de quelque manière que) -, en faisant une digression vers la prière.

248
utut haec sunt facta, potius quam lites sequar,
au point où en sont arrivées les choses, plutôt que d'attaquer en justice,

potivs qvam lites seqvar quia dixerat Aeschinus «  nunc uide utrum uis: argentum accipere an causam meditari tuam 106 ».
potivs qvam lites seqvar parce qu'Eschine avait dit : « nunc uide utrum uis : argentum accipere an causam meditari tuam ».

249
meum mihi reddat875, saltem quanti empta est, Syre.
je veux qu'il me rende mon dû au moins le prix que je l'ai payée, Syrus.

1 mevm mihi reddat sortem, de qua supra sola recusabat. 2 Et oratorie: non enim quanto emi, sed inuidiose meum mihi reddat. 3 saltem τὸ ἔσχατον. natum est autem saltem a captiuis, qui nihil aliud praeter salutem a uictore petant.
1 mevm mihi reddat son capital, la seule chose sur laquelle, ci-dessus, il refusait de négocier. 2 Et de façon oratoire : car il ne dit pas quanto emi (au prix où je l'ai achetée), mais avec agressivité meum mihi reddat. 3 saltem c'est l'argument ultime (τὸ ἔσχατον). Car le mot saltem est issu de la langue des prisonniers, qui n'ont rien d'autre à réclamer à leur vainqueur que le salut (salutem)386.

250
scio te non usum antehac amicitia mea;
Je sais que tu n'as pas jusqu'ici exploité mon amitié ;

scio te non vsvm antehac amicitia mea figura ἀξιοπιστία, per quam ostendit fideliter se promittere, quod promittit. Vergilius «  scio me D. Danais e c. classibus u. unum 107 ».
scio te non vsvm antehac amicitia mea figure de recherche de confiance (ἀξιοπιστία), par laquelle il montre qu'il promet ce qu'il promet d'une façon digne de foi. Virgile : « scio me Danais e classibus unum » (je sais et j'avoue être l'un de ceux qui, débarqués des navires grecs...)387.

251
memorem me dices esse et gratum. Sy.-sedulo
mais tu pourras dire de moi que je sais me souvenir et que j'ai de la reconnaissance. Sy.-C'est de mon mieux que

1 memorem me dices figurate inducta promissio praemiorum. 2 Et bene utrumque, nam non continuo qui memor etiam gratus est. 3 Memor est, qui apud se meminit, gratus qui meruit hoc uocari, dum uicem reddit; nam multi memores, ingrati tamen. 4 sedvlo faciam sic promittit, ut nihil interesse sua credatur. 5 sedvlo de industria, sine dolo.
1 memorem me dices de façon figurée est induite une promesse de récompense. 2 Et il fait bien d'utiliser les deux adjectifs, car celui qui est memor (qui se rappelle) n'est pas toujours aussi gratus (reconnaissant). 3 Est dit memor celui qui se souvient en son for intérieur, est dit gratus celui qui mérite ce nom au moment où il rend la pareille ; car il y en a beaucoup qui ont de la mémoire et qui sont néanmoins ingrats. 4 sedvlo faciam il promet sans qu'on ait l'impression que rien le concerne. 5 sedvlo avez zèle, sans ruse (sine dolo)388.

252
faciam. sed Ctesiphonem uideo. laetus est
je ferai. Mais je vois Ctésiphon. Il est tout content

1 sed ctesiphonem video laetvs est de amica aduentus in proscaenio personarum cum consulto consilio fingantur a poeta, tamquam superueniunt aliis rebus in medio positis, quae ipsarum interuentu finiantur. mire tamen, quod quasi ex argumento futuri actus sui, antequam loqui incipiant, describuntur. 2 laetvs est de amica hoc lentius et submisse.
1 sed ctesiphonem video laetvs est de amica les entrées en scène de personnages, tout en étant imaginées en toute conscience par le poète, surviennent pour ainsi dire au milieu d'événements auxquels l'intervention des personnages met fin. Il est néanmoins remarquable que, en préparation de ce qu'ils vont faire, on les décrive avant qu'ils ne commencent à parler. 2 laetvs est de amica ces mots sont dits plus lentement et à mi-voix.

253
de amica. Sa.-quid quod te oro? Sy.-paulisper mane.
pour sa jeune amie. Sa.-Et ma demande ? Sy.-Attends un peu.

1 qvid qvod te oro deest agis et ego. 2 qvod te oro aut si quid aut propter quod intellegamus, ut sit: "quid mihi respondes de eo propter quod te oro?" aut: "si quid te oro?". 3 Et quam bene fastidiosum lenonem facit Syrus, ut optans ille desperando accipiat uiginti minas! nam et supra non intendenti dicit totiens in uno sensu «  Syre 108 ». 4 de amica potest hoc et interrogatiue pronuntiari.
1 qvid qvod te oro il manque agis (tu fais) et ego (moi). 2 qvod te oro comprenons ou bien si quid ou bien propter quod, pour faire : "quid mihi respondes de eo propter quod te oro ?" (que me réponds-tu sur le sujet à propos duquel je te sollicite ?) ou bien : "si quid te oro ?" (que me réponds-tu pour ce que je te demande ?). 3 Et comme Syrus réussit à épuiser le proxénète, au point que par désespoir il accepte, en les souhaitant, les vingt mines ! Car ci-dessus, pour qui fait attention, ce n'est pas dans la même intention qu'il dit plusieurs fois « Syre ». 4 de amica on peut aussi dire cela sur un ton interrogatif389.

scaena tertia

Sannio Syrus Ctesipho

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254
Ct.-abs quiuis homine, cum est opus, beneficium accipere gaudeas;
Ct.-D'où qu'il vienne, quand on en a besoin, on est content de recevoir un service ;

1 abs qvivis homine cvm est opvs beneficivm accipere gavdeas in hac scaena gratiarum actio est ex persona et eius qui praestitit et eius cui praestitum est et ex ipsius praestiti quantitate. nam omne quod geritur, aut in rebus est aut in personis aut in attributis eorum. 2 abs qvivis homine bene sic coepit dicturus «  o frater frater 109 ». 3 Et qui secundum regulam dixit, quia dicimus quibus. ceterum a quo quis facit et non quibus. 4 Et incerta distinctio est: uel cum opus est beneficium accipere uel cum opus est beneficium69, hoc uetuste, illud communiter.
1 abs qvivis homine cvm est opvs beneficivm accipere gavdeas dans cette scène, l'acte de remercier porte à la fois sur la personne qui a rendu service, sur celle à qui le service a été rendu et sur l'importance du service lui-même. Car tout se qui se fait est soit dans les choses, soit dans les personnes, soit dans leurs attributs. 2 abs qvivis homine c'est un bon début pour celui qui va bientôt dire : « o frater frater ». 3 Et qui est accordé selon la règle, puisque nous disons quibus. Par ailleurs a quo fait quis au pluriel et non pas quibus390. 4 Et la ponctuation n'est pas sûre : ou l'on segmente cum opus est beneficium accipere (quand on a besoin de recevoir un bienfait) ou cum opus est beneficium (quand un bienfait est nécessaire) ; cette dernière expression est vieillie, la première est commune391.

255
uerum enim uero id demum iuuat, si quem aequum est facere is bene facit.
mais c'est vraiment le bonheur quand c'est celui qui doit faire le bien qui le fait.

1 id demvm ivvat ostendit plus esse quod iuuat quam gaudium. 2 is bene facit bene subaudiendum est bis numero.
1 id demvm ivvat il montre que ce qui réjouit (iuuat) est plus fort que la joie (gaudium). 2 is bene facit il faut sous-entendre une deuxième fois bene392.

256
o frater frater! quid ego nunc te laudem? satis certo scio:
O mon frère, mon frère ! Comment aujourd'hui ferais-je ton éloge ? je ne le sais que trop :

1 o frater frater Vergilius «  et fratrem ne desere, frater 110 ». unum relatum ad appellationem, alterum ad laudem. et subdistinguendum, ut uideatur quaesisse quid ultra diceret et plus inuenire non potuisse quam frater. 2 qvid ego nvnc quid propter quid. et nunc τῷ ἰδιωτισμῷ additum de superfluo, ut «  tu nunc C. Carthaginis a. altae f. fundamenta l. locas 111 ». 3 qvid ego nvnc te lavdem distinguendum. quid autem propter quid.
1 o frater frater Virgile : « et fratrem ne desere, frater » (et n'abandonne, pas, frère, un frère). La première occurrence renvoie à l'appellation, la seconde à l'éloge. Et il faut mettre une pause courte, pour qu'il donne l'impression d'avoir cherché un autre terme sans avoir trouvé rien de mieux que frater393. 2 qvid ego nvnc quid vaut propter quid. Et nunc, par particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ), est un ajout superflu, comme dans : « tu nunc Carthaginis altae fundamenta locas » (toi, maintenant, tu places les fondements de l'altière Carthage)394. 3 qvid ego nvnc te lavdem il faut poser une ponctuation. Quant à quid, il vaut propter quid395.

257
numquam ita magnifice quicquam dicam, id uirtus quin superet tua.
je ne dirai jamais rien de si généreux que ton mérite ne le surpasse.

1 nvmqvam deest quod, ut sit quod numquam. 2 ita magnifice qvicqvam dicam70 duplex causa est omittendae laudis: si res aut nimium mala est aut nimium bona. 3 id virtvs qvin svperet tva bona περίφρασις: uirtus tua potius quam tu.
1 nvmqvam il manque quod, pour faire quod numquam396. 2 ita magnifice qvicqvam dicam il y a deux raisons de renoncer à l'éloge : si la chose est trop mauvaise ou si elle est trop bonne. 3 id virtvs qvin svperet tva bonne périphrase (περίφρασις) : uirtus tua plutôt que tu (toi).

258
itaque unam hanc rem me habere praeter alios praecipuam arbitror
Aussi je pense avoir un unique avantage sur les autres,

itaqve vnam hanc rem me habere itaque et subiunctiuum potest esse correpta media syllaba et praepositiuum producta eadem syllaba, ut sit itáque.
itaqve vnam hanc rem me habere itaque peut à la fois être postposé, s'il a sa syllabe centrale brève, soit antéposé, si cette même syllabe est longue, pour faire itáque397.

259
fratrem hominem neminem876 esse primarum artium magis principem.
c'est qu'il n'existe aucun autre frère plus remarquable en qualités primordiales.

1 fratrem noue dixit unam rem fratrem. 2 sed ego puto fratrem non subdistinguendum sed legendum contexte usque ad principem. nam si distinxeris fratrem, bis erit arbitror subaudiendum, et supra et infra. quod si fratrem inferioribus iunxeris, et cum admiratione pronuntiabitur et subaudietur quam mihi. hanc sane locutionem scire debemus propter personam elaboratam. nam et nimium gaudet et rusticus adulescens est, qui conatur laudare Aeschinum titubans ac paene balbutiens. 3 hominem neminem noue auribus nostris, sed ueterum consuetudine locutus est. nam cum neminem71 hominem significet, quid opus fuit dicere hominem neminem? 4 Sed, ut diximus, figura est ἀρχαϊσμός.
1 fratrem développement inédit de unam rem par fratrem398. 2 Mais moi399 je pense qu'il ne faut pas ponctuer après fratrem mais lire d'un seul tenant jusqu'à principem. Car si l'on sépare fratrem, il faudra sous-entendre arbitror une deuxième fois, au-dessus et en dessous. Alors que si l'on rattache fratrem aux mots qui suivent, d'une part il se prononcera avec un ton admiratif, d'autre part on sous-entendra quam mihi400. Nous devons bien savoir que cette manière de parler est élaborée en fonction du personnage. Car d'une part il est trop content, d'autre part c'est un jeune homme de la campagne qui entreprend de faire l'éloge d'Eschine avec des hésitations et des sortes de balbutiements. 3 hominem neminem étrange à nos oreilles, mais il parle selon l'usage des Anciens401. De fait, puisque neminem implique hominem, quel besoin y avait-il de dire hominem neminem ?402 4 Mais, comme nous l'avons dit, c'est une figure d'archaïsme (ἀρχαϊσμός).

260
Sy.-o Ctesipho. Ct.-o Syre, Aeschinus ubi est? Sy.-ellum, te exspectat domi. Ct.-hem.
Sy.-O Ctésiphon ! Ct.-O Syrus ! Eschine, où est-il ? Sy.-Le voilà qui t'attend à la maison. Ct.-Hein !

1 o ctesipho mire coepit gaudium significans. 2 o ctesipho o syre72 ille ut gaudens, hic ut qui non praeuiderit o dicit. 3 syre aeschinvs vbi est bene de illo statim, cui agebat gratias. 4 ellvm ecce illum. 573 Vel pronomen est uel aduerbium demonstrantis. aliqui74 ellum interrogatiue legunt, ut sit: ellum dicis? te expectat domi; ut sit ellum pronomen, id est illum. nam et illum et ellum et ollum ueteres dixerunt. 6 domi aduerbium est in loco. 7 hem interiectio est laetantis.
1 o ctesipho remarquablement, l'énoncé inaugural manifeste sa joie. 2 o ctesipho o syre le premier dit o en persone qui se réjouit, le second en personne qui n'avait d'abord pas vu l'autre. 3 syre aeschinvs vbi est de belle manière, il interroge aussitôt sur celui à qui il faisait ses remerciements. 4 ellvm vaut ecce illum. 5 C'est soit un pronom, soit un adverbe démonstratif403. Certains lisent ellum sous la forme interrogative, pour faire ellum dicis ? te expectat domi (lui, tu veux dire ? il t'attend à la maison) ; en sorte que ellum est un pronom, équivalant à illum (celui-ci). Car les Anciens disaient aussi bien illum qu'ellum et ollum. 6 domi adverbe du lieu où l'on est. 7 hem interjection de joie.

261
Sy.-quid est? Ct.-quid sit? illius opera, Syre, nunc uiuo: festiuum caput,
Sy.-Qu'y a-t-il ? Ct.-Ce qu'il y a ? C'est grâce à lui, Syrus, que je suis vivant à cette heure : quelle gentille personne !

1 festivvm capvt huic contrarius sensus est «  ridiculum caput 112 ». alii putant festiuum caput non Aeschini intellegendum, sed orationis, quam habet Ctesipho agens gratias fratri. ita in Eunucho «  quam uenuste quod dedit principium adueniens! 113 ». quod si est, et «  nihil potest supra 114 »75 "hanc laudationem", non "supra hoc factum" erit accipiendum. 2 Sed male; nam caput Aeschini dicit, hoc est ipsum Aeschinum, ut in toto pars sit per συνεκδοχήν, in qua figura ea pars pro toto ponenda est, quae aut eminet ex toto aut maioris pretii est ad id quod agitur. ceterum quod ipsum seruatum auctoribus bonis sit, si exempla συνεκδοχῆς penitus consideraris, inuenies. 3 illivs opera dicendo opera et corporeum laborem Aeschini ostendit et religionem: corporeum laborem, ut «  hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc operam 115 », religionem, ut «  annua magnae sacra refer Cereri laetis operatus in herbis 116 ». 4 qvid sit deest quaeris; sed admirantis magis quam interrogantis aduerbium est. 5 illivs opera nvnc vivo o miram amplificationem beneficii! non dixit illius opera amicam habeo, sed, quod satis graue et satis amatorium, illius opera inquit nunc uiuo.
1 festivvm capvt on trouve le sens contraire avec : « ridiculum caput ». D'autres pensent que festiuum caput ne doit pas être compris comme signifiant la tête d'Eschine, mais celle du discours que Ctésiphon tient en remerciant son frère. Ainsi dans L'Eunuque : « quam uenuste quod dedit principium adueniens ! ». Mais s'il en est ainsi, il faudra aussi comprendre nihil potest supra comme signifiant "au-dessus de cet éloge" et non pas "au-dessus de ce fait"404. 2 Mais c'est une mauvaise interprétation ; car il évoque la tête (caput) d'Eschine, c'est-à-dire sa personne entière, en sorte qu'il s'agit de la partie dans le tout par synecdoque (συνεκδοχή), figure par laquelle on met pour le tout une partie qui soit dépasse du tout, soit est d'une valeur particulièrement forte pour désigner ce dont il s'agit405. Du reste, si l'on examine à fond les exemples de synecdoque (συνεκδοχή), on trouvera que les bons auteurs conservent cette figure. 3 illivs opera en parlant d'opera, il évoque autant l'effort physique d'Eschine que sa sollicitude : l'effort physique, comme dans : « hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc operam » (accorde-moi, vierge née de la Nuit, le propre fruit de ton travail, de ton œuvre), la sollicitude, comme dans : « annua magnae sacra refer Cereri laetis operatus in herbis » (chaque année renouvelle ton sacrifice à la grande Cérès en procédant sur l'herbe grasse)406. 4 qvid sit il manque quaeris (tu demandes) ; mais il s'agit davantage d'un adverbe d'étonnement que d'interrogation407. 5 illivs opera nvnc vivo quelle remarquable amplification du bienfait reçu ! car il ne dit pas illius opera amicam habeo (c'est grâce à son action que j'ai une maîtresse), mais, ce qui est plutôt sérieux et digne d'un amoureux, il dit illius opera nunc uiuo.

262
quin omnia sibi post putarit esse prae meo commodo,
Certes, il aura pensé que tout pour lui passe après mon intérêt,

1 qvin omnia admiratiue additum quin et sic pronuntiandum. 2 qvin τὸ πλῆρες quine. 3 prae meo commodo id est: mei commodi comparatione. et in Eunucho «  hic ego illum contempsi prae me 117 », id est mei comparatione.
1 qvin omnia quin est un ajout admiratif et il faut le prononcer comme tel. 2 qvin la forme complète (τὸ πλῆρες) est quine. 3 prae meo commodo c'est-à-dire : mei commodi comparatione (en comparaison de mes mérites). De même dans L'Eunuque : « hic ego illum contempsi prae me », c'est-à-dire mei comparatione (en comparaison avec moi)408.

263
maledicta, famam! meum laborem et peccatum in se transtulit;
les insultes, le scandale ! ma peine et la faute, il les a prises sur lui ;

1 maledicta famam aut Sannionis aut Demeae maledicta, famam populi. nam si aliter acceperis, idem uidebitur maledicta et malam famam. 2 mevm laborem et peccatvm de rapienda meretrice et de amanda. 3 maledictvm famam cum dixisset omnia, intulit duo tantum maledictum et famam, ut «  omnia Mercurio similis uocemque c. coloremque 118 », ut sit defectus quidam intellegendus ex affectu gratias agentis. 4 in se transtvlit pulchra παρασκευή, qua erratura est Sostrata circa Aeschinum, quemadmodum iam errauit Demea, quod credit ab illo amari meretricem.
1 maledicta famam il s'agit des insultes de Sannion ou de Déméa, de l'opinion du peuple. Car si on comprend autrement, maledicta et famam paraîtront être la même chose. 2 mevm laborem et peccatvm pour l'enlèvement de la courtisane dans le premier cas, le fait d'en être amoureux dans l'autre. 3 maledictvm famam après avoir dit omnia (tout), il n'indique que deux éléments, maledictum et famam, comme dans : « omnia Mercurio similis uocemque coloremque » (semblable en tout à Mercure, et par la voix et par le teint)409, comme s'il fallait comprendre que les mots lui manquent en raison de l'affectivité qu'il met dans ses remerciements. 4 in se transtvlit bel effet de préparation (παρασκευή), qui trompera Sostrata au sujet d'Eschine, comme elle a déjà trompé Déméa, parce qu'il croit que c'est Eschine qui est amoureux de la courtisane.

264
nihil pote supra. quidnam fores crepuit? Sy.-mane, mane; ipse exit foras.
il n'y a rien de mieux. Mais pourquoi la porte grince-t-elle ? Sy.-Attends, attends, c'est lui justement qui sort de la maison.

1 nihil pote svpra ἔλλειψις per admirationem: subauditur esse uel dici. 2 Et pote pro potis, ut mage pro magis τῷ ἀρχαϊσμῷ. 3 qvidnam fores crepvit crepuit "acre sonuit", unde decrepiti dicti sunt clamosi senes. fores singularis numeri casus nominatiuus. 4 mane mane gaudentis hoc dictum est, non opperiri iubentis.
1 nihil pote svpra ellipse (ἔλλειψις) admirative : on sous-entend esse (être) ou dici (être dit). 2 Et pote mis pour potis, comme mage (davantage) mis pour magis (même sens) par archaïsme (τῷ ἀρχαϊσμῷ). 3 qvidnam fores crepvit crepuit veut dire "a rendu un son aigu", d'où l'on appelle decrepiti (décrépits) les vieillards criards410. Fores est un nominatif singulier411. 4 mane mane c'est davantage un mot de joie que l'ordre d'attendre.

scaena quarta

Sannio Syrus Ctesipho Aeschinus

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265
Ae.-ubi est ille sacrilegus? Sa.-men quaerit? num quidnam effert? occidi!
Es.-Où est ce bandit ? Sa.-C'est moi qu'il cherche ? Est-ce qu'il a quelque chose à la main ? Mort de moi !

1 vbi est ille sacrilegvs mire Aeschinus seruat aduersus lenonem superbiam, qua ostenditur tanto esse alienior animo ab amoribus meretriciis76, quanto audacior in lenonem. 2 men qvaerit nvm qvidnam effert sperat leno aliquid se accepturum praeter conuicium, ut alibi «  minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male: argenti tantum dabitur 119 ». 3 Et uide quanti faciat leno prae lucro iniuriam: sacrilegi nomine se significari non solum non dolet, sed etiam cupit. oportet autem men quaerit cum quadam gesticulatione et subsaltatione pronuntiari sperantis lenonis ad hoc se quaeri, ut accipiat. 4 occidi nihil video occidi non quia sacrilegus dictus, sed quia nihil accipit. et simul gestum considera loquentis ex uerbis. 5 occidi nihil video mire hoc uerbo apparet in uultu lenonis et spem mortuam et restinctum gaudium. iam et apta ἔλλειψις haec dicentis est occidi, nihil uideo: neque enim addidit proferri aut quid tale.
1 vbi est ille sacrilegvs il est remarquable qu'Eschine conserve à l'endroit du proxénète sa morgue, qui montre qu'il est aussi peu intéressé par les amours tarifées qu'il a de l'audace contre le proxénète. 2 men qvaerit nvm qvidnam effert le proxénète espère recevoir autre chose que des insultes, comme dans : « alibi minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male : argenti tantum dabitur ». 3 Et voyez quelle importance il donne à l'insulte en comparaison du gain qu'il convoite : non seulement il ne lui est pas insupportable d'être désigné du nom de sacrilegus, mais même il le revendique. Il faut alors prononcer men quaerit avec les gestes et les sursauts de celui qui espère qu'on le cherche pour lui donner quelque chose. 4 occidi nihil video il dit occidi non parce qu'il a été traité de sacrilegus, mais parce qu'il n'y a rien pour lui. Et en même temps, représentez-vous les gestes du locuteur à partir de ses paroles412. 5 occidi nihil video de façon remarquable, avec ce mot apparaît sur le visage du proxénète la fin de ses espérances et la disparition de sa gaieté. Et c'est une ellipse (ἔλλειψις) qui convient bien à celui qui dit : occidi, nihil uideo : car il n'ajoute pas proferri (être apporté) ou quelque chose de cet acabit.

266
nihil uideo. Ae.-hem877 opportune! te ipsum quaerito878. quid fit, Ctesipho?
Je ne vois rien. Es.-Hé toi, tu tombes bien ! C'est justement toi que je cherche. Comment va, Ctésiphon ?

hem interiectio repentinae rei. 2 opportvne te ipsvm qvaerito ἀσύνδετον: deest uenisse. non enim sequenti adnectitur. 3 qvid fit ctesipho quid fit blandum initium est: non enim nunc interrogat, cum ipse dicat «  in tuto est omnis res 120 ». sic ipse mox in subditis «  iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster, quid fit, quid agitur? 121 ».
hem interjection signalant une chose soudaine. 2 opportvne te ipsvm qvaerito asyndète (ἀσύνδετον) : il manque uenisse (être venu). Car il ne fait pas de liaison avec ce qui suit413. 3 qvid fit ctesipho quid fit est une entrée en matière agréable : car il n'est pas en train de poser une question, puisqu'il vient de dire : « in tuto est omnis res ». De même, il dira bientôt en personne : « iam nunc haec tria addidi praeter naturam : o noster, quid fit, quid agitur ? ».

267
in tuto est omnis res: omitte uero tristitiam879 tuam.
L'affaire est dans le sac ; laisse tomber ton chagrin.

1 in tvto est omnis res quasi amatori omnem rem dixit negotium de amica. 2 An omnis res et lenonis iurgium et suspicio patris Demeae? 3 omitte vero uero abundat aut correptiuum est iamdudum non omittentis. 4 tristitiam tvam sic dixit quasi nimiam.
1 in tvto est omnis res comme il s'adresse à un amoureux, omnem rem signifie "l'affaire au sujet de ta maîtresse". 2 Ou bien omnis res renvoie-t-il à la dispute avec le proxénète et aux soupçons de Déméa ? 3 omitte vero uero est superflu, ou alors c'est une marque de reproche envers quelqu'un qui met du temps à laisser tomber. 4 tristitiam tvam il le dit comme s'il disait "excessive".

268
Ct.-ego illam hercle uero omitto, qui quidem te habeam fratrem. o mi Aeschine,
Ct.-Oui ma foi, je le laisse tomber, puisque c'est toi que j'ai comme frère. O mon cher Eschine,

1 ego illam hercle vero omitto apparet nunc non primum dici Ctesiphoni ab Aeschino omitte tristitiam nec nunc primum responsum omitto, sed ideo additum hercle uero, quia nunc demum data est plena securitas. 2 qvi qvidem te habeam fratrem acuendum est te.
1 ego illam hercle vero omitto il appert donc que ce n'est pas la première fois que Ctésiphon dit à Eschine omitte tristitiam ni qu'il lui est répondu omitto, mais s'il ajoute hercle uero, c'est parce que cette fois-ci la situation est pleinement sécurisée. 2 qvi qvidem te habeam fratrem il faut accentuer d'un aigu le pronom te.

269
o mi germane! ah uereor coram in os te laudare amplius,
ô mon frère de sang ! Ah ! j'ai peur de te louer davantage en face à face,

1 o mi germane mi meus, sed uocatiuo casu dixit. 2 coram in os coram ad ipsum pertinet qui laudat et ad eos qui audiunt; in os ad ipsum qui laudatur. 3 Nam coram laudat, qui non tacet apud alios et hoc agit non per epistulam sed ipse praesens; in os, qui apud ipsum loquitur quem collaudat. 4 lavdare amplivs quia iam77 laudauit.
1 o mi germane mi de meus, mais il emploie le vocatif. 2 coram in os coram renvoie à l'auteur de l'éloge et aux auditeurs ; in os au destinataire de l'éloge. 3 Car on fait un éloge coram (ouvertement), quand on ne reste pas silencieux devant les autres et qu'on le fait non par écrit mais en étant présent ; et in os (en face), quand on parle en présence de celui même dont on fait l'éloge. 4 lavdare amplivs parce qu'il a déjà fait son éloge.

270
ne id adsentandi magis quam quod880 habeam gratum facere existimes.
de peur que tu n'ailles croire que je fais ça pour te flatter plus que par reconnaissance.

1 ne id assentandi antiqua ἔλλειψις: deest enim causa. 2 assentandi "adulandi". et utrum deest causa an absolute sic dicitur? 3 ne id assentandi specta, si non rusticus adulescens est et purissimae simplicitatis, adeo ut etiam uelle laudare fratrem nimio pudore non possit hoc solo, quia praesens est, cum illum nimium laudarit absentem. 4 qvam qvod habeam gratvm uarie: non enim intulit, quas gratias agenti. 5 qvo quia.
1 ne id assentandi ellipse (ἔλλειψις) archaïque : car il manque causa. 2 assentandi "de flatter". Et manque-t-il causa ou la construction est-elle absolue414 ? 3 ne id assentandi observez si ce n'est pas un jeune paysan d'une simplicité si authentique qu'il va jusqu'à se refuser, par un excès de retenue, à faire l'éloge de son frère au seul motif qu'il est présent, alors qu'il l'a abondamment loué en son absence415. 4 qvam qvod habeam gratvm variation : en effet il ne précise pas quels remerciements. 5 qvo pour quia416.

271
Ae.-age inepte, quasi nunc non norimus nos inter nos, Ctesipho.
Es.-Allons, idiot ! comme si nous ne nous connaissions pas l'un l'autre, Ctésiphon !

age inepte non est iniuria, quia et maior frater est et blanda dicturus.
age inepte ce n'est pas une insulte, parce qu'il est l'aîné et qu'il va dire ensuite de gentilles choses.

272
hoc mihi dolet, nos paene sero rescisse et paene in eum locum
Ce qui me soucie, c'est que nous ayons su presque trop tard et qu'on en était presque arrivé

1 hoc mihi dolet τῷ ἀττικισμῷ mihi dolet pro doleo. 2 Et dolet bis subaudiendum est. 3 et paene in locvm insinuatio beneficii ex periculo, difficultatis78 ob tempus.
1 hoc mihi dolet par atticisme (τῷ ἀττικισμῷ) il dit mihi dolet pour doleo (je souffre)417. 2 Et dolet doit être sous-entendu une deuxième fois418. 3 et paene in locvm il insinue que le bienfait a été obtenu au fort du danger et que les difficultés étaient dues au retard.

273
redisse, ut, si omnes cuperent, tibi nil possent auxiliarier.
au point où, même en voulant t'aider, tous y auraient échoué.

vt si omnes cvperent non "si ego tantum, multis79 aduersantibus".
vt si omnes cvperent et non pas "si j'avais été moi tout seul contre beaucoup d'autres".

274
Ct.-pudebat. Ae.-ah, stultitia est istaec, non pudor: tam ob paruulam
Ct.-J'avais honte. Es.-Eh bien c'est de la bêtise que tu avais là, non de la honte : pour une si petite

1 pvdebat deest fateri. 2 stvltitia est istaec non80 fateri ei, qui ipse patri numquam quicquam celauerit. 3 tam ob parvvlam ergo et diminutiuis adiungitur tam particula. 4 Et deest perire, sed τῷ εὐφημισμῷ tacetur. 5 tam ob parvvlam id est meretricem. et bene haec Aeschinus, quia maiora expertus sit, id est uitium uirginis.
1 pvdebat il manque fateri (d'avouer). 2 stvltitia est istaec de ne pas se confier à celui qui, lui-même, n'a jamais rien caché à son père. 3 tam ob parvvlam donc la particule tam s'adjoint aussi à des diminutifs419. 4 Et il manque perire (périr), mais on le passe sous silence par euphémisme (τῷ εὐφημισμῷ). 5 tam ob parvvlam à savoir la courtisane. Et c'est bien dit d'Eschine parce qu'il a, lui, expérimenté des choses plus graves, à savoir la défloration d'une fille vierge.

275
rem paene ex patria! turpe dictu. di881 quaeso ut istaec prohibeant.
chose, quasiment s'expatrier ! C'est grotesque à dire. Je prie les dieux de nous éviter ça.

1 paene ex patria deest fugere, quia amatores comici cito comminantur patriam se deserturos, ut amicam consequantur. 2 paene ex patria ἀποσιώπησις εὐφημισμοῦ χάριν. Menander mori illum uoluisse fingit, Terentius profugere. 3 tvrpe dictv hoc est: "turpe dictu te fugere". et deest est. 4 di istaec prohibeant id est exilium fugamque patriae.
1 paene ex patria il manque fugere (s'enfuir), parce que les amoureux de comédie ont tôt fait de menacer de s'exiler pour obtenir leur maîtresse. 2 paene ex patria aposiopèse par euphémisme (ἀποσιώπησις εὐφημισμοῦ χάριν). Ménandre imagine qu'il a voulu se tuer, Térence qu'il a voulu s'exiler. 3 tvrpe dictv c'est-à-dire : "il est honteux de dire que tu t'exiles". Et il manque est. 4 di istaec prohibeant à savoir l'exil et la fuite loin de sa patrie.

276
Ct.-peccaui. Ae.-quid ait tandem nobis Sannio? Sy.-iam mitis est.
Ct.-J'ai commis une faute. Es.-Et que nous dit Sannion ? Sy.-Il s'est radouci.

1 peccavi approbauit ex periculo magnitudinem beneficii. 2 qvid ait tandem nobis sannio nobis τῷ ἰδιωτισμῷ additum; non enim nobis ait intellegendum est. 3 iam mitis est quia supra «  iam debacchatus es, leno 122 » dixit.
1 peccavi il entérine la grandeur du bienfait par rapport au danger. 2 qvid ait tandem nobis sannio nobis est un ajout par idiotisme (τῷ ἰδιωτισμῷ)420 ; car il ne faut pas comprendre nobis ait (il nous dit). 3 iam mitis est parce que ci-dessus il disait : « iam debacchatus es, leno ».

277
Ae.-ego ad forum ibo, ut hunc absoluam; tu intro ad illam, Ctesipho.
Es.-Je vais aller au forum pour le payer ; toi, Ctésiphon, entre et va la voir.

1 ego ad forvm ibo tunc enim in foro et de mensae scriptura magis quam ex arca domoque uel cista pecunia numerabatur. 2 vt hvnc absolvam id est: "ut hunc reddito illi pretio dimittam"; nam uelut ligati sunt, quibus debetur aliquid. dicuntur autem et illi solui, qui cum debitores pretiorum fuerint, pecuniam reddunt debitam. 3 Est ergo absoluam a me soluam. 4 An iocatur in tristitia lenonis, qui illum cum barba lenonia et maesto uultu sequitur uelut reus? 5 tv intro ad illam ctesipho bona ἔλλειψις, significans licentiam potiendae meretricis.
1 ego ad forvm ibo car à cette époque on allait chercher de l'argent au forum et dans un compte en banque plutôt que dans un coffre-fort et chez soi ou dans une cassette421. 2 vt hvnc absolvam c'est-à-dire : "pour me débarrasser de lui après lui avoir payé son dû" ; car ils sont comme liés, ceux à qui on doit quelque chose. On dit aussi que se libèrent (solui) ceux qui, après avoir été débiteurs de quelque argent, rendent la somme due. 3 Donc absoluam se comprend comme a me soluam (pour le détacher de moi). 4 A moins qu'il ne plaisante sur la morosité du proxénète, qui le suit avec sa barbe de proxénète et son visage affligé, comme un accusé422 ? 5 tv intro ad illam ctesipho bonne ellipse (ἔλλειψις), qui signifie la permission de posséder sa maîtresse.

278
Sa.-Syre, insta. Sy.-eamus: namque hic properat in Cyprum. Sa.-ne tam quidem!
Sa.-Syrus, insiste. Sy.-Allons-y : car l'autre est pressé d'aller à Chypre. Sa.-Pas tant que ça.

1 syre insta iam Syrus non ut adiuuet, sed ut instanter adiuuet rogatur. 2 eamvs namqve hic properat hoc clamat Syrus, ut beneficium ostentet, sane ut et rursum lenonem de profectione conterreat. 3 ne tam qvidem hoc a lenone inconstanter dicitur, ut perturbatio metuentis magnum damnum possit ostendi. 4 ne tam qvidem tam pro tantum. 5 An tam pro tamen?
1 syre insta désormais on demande à Syrus non pas d'aider, mais d'aider instamment. 2 eamvs namqve hic properat Syrus hurle cela pour bien montrer sa bonne action, et aussi sûrement pour épouvanter une nouvelle fois le proxénète à propos de son départ. 3 ne tam qvidem la chose est dite par le proxénète sans beaucoup d'assurance, pour qu'on puisse comprendre le trouble de celui qui redoute une grande perte. 4 ne tam qvidem tam mis pour tantum. 5 Ou tam pour tamen ?

279
quamuis etiam maneo otiosus hic. Sy.-reddetur: ne time.
Et même, je reste ici à attendre. Sy.-On te remboursera, n'aie crainte.

1 etiam deest dicas me properare aut propero, ut sit etiam aduerbium hortantis uel consentientis. 2 qvamvis etiam pro quantum uis. etiam particula utrum consentientis aduerbium est an coniunctio, qua significat et properare se et non in tantum, ut neglegat quod sibi debetur? 3 maneo otiosvs hic hoc separatim inferendum est quasi pertinaciter asseuerante lenone instaturum se. 4 Exclamatione agendum maneo otiosus hic. dixit enim propero et rursum consenserat in Syri uerba properasse se dicens. 5 reddetvr ne time quod desperauerat leno, Syri ostendit sermo.
1 etiam il manque dicas me properare (bien que tu dises que je me hâte) ou propero (bien que je me hâte), en sorte que etiam est un adverbe d'encouragement ou de consentement423. 2 qvamvis etiam mis pour quantum uis (autant que tu veux). La particule etiam est-elle un adverbe de consentement ou une conjonction qui marque qu'il se hâte mais pas au point de négliger ce qu'on lui doit ? 3 maneo otiosvs hic il faut prononcer cela en le séparant bien, comme si le proxénète était en train d'affirmer avec obstination qu'il va continuer. 4 Il faut jouer sur le mode exclamatif maneo otiosus hic. Il a dit en effet propero et il avait l'air de nouveau d'accord avec les paroles de Syrus qui disait qu'il se hâtait. 5 reddetvr ne time la réplique de Syrus révèle ce qui avait fait perdre espoir au proxénète.

280
Sa.-at ut omne reddat! Sy.-omne reddet. tace modo ac sequere hac. Sa.-sequor.
Sa.-Mais qu'il rende l'intégralité ! Sy.-Il rendra l'intégralité. Tais-toi seulement et viens par là. Sa.-Je viens.

1 at vt omne reddat propter illud, quod dixerat Syrus «  diuiduum face 123 ». et probatum est completumque, quod ait «  cupide accipiat faxo 124 ». et hoc ipsum cum trepida et uultuosa supplicatione pronuntiandum est. 2 tace modo ac seqvere hac sic ait Syrus, quasi nunc lenonem doceat, quae sit ars non perdendi. et totum cum supercilio praestantis magnum beneficium dicit. 3 seqvor hoc responso leno satis commitigatus ostenditur.
1 at vt omne reddat répond à la réplique de Syrus : « diuiduum face ». Et la mission que Syrus s'était assignée se trouve avérée et remplie : « cupide accipiat faxo ». Et il faut dire cette réplique avec une physionomie tremblante et suppliante. 2 tace modo ac seqvere hac Syrus parle désormais comme s'il faisait la leçon au proxénète sur la méthode pour ne pas perdre d'argent. Et il dit tout cela avec l'air de quelqu'un qui fait une bonne action importante. 3 seqvor par cette réponse, le proxénète se montre suffisamment adouci.

281
Ct.-heus heus, Syre! Sy.-em, quid est? Ct.-obsecro te hercle, hominem istum impurissimum
Ct.-Hé ! Hé, Syrus ! Sy.-Oui, qu'y a-t-il ? Ct.-S'il te plaît, par ma foi, ce sale bonhomme,

1 hevs hevs syre ex argumento est ostendere, quantum timeat Ctesipho saeuum patrem. 2 hevs hevs uox est de longinquo reuocantis. 3 obsecro te hercle satis mansuete, quasi lenonem aut non possit rusticus aut non audeat dicere, hominem dixit. 4 istvm impvrissimvm auarissimum. et totum cum exsecratione lenonis.
1 hevs hevs syre c'est de l'argument de la pièce qu'on voit à quel point Ctésiphon a peur de son père sévère. 2 hevs hevs c'est la voix de quelqu'un qui appelle de loin. 3 obsecro te hercle de façon assez doucereuse, comme si, en paysan, il n'arrivait pas ou n'osait pas dire le mot leno, il dit homo. 4 istvm impvrissimvm très cupide. Et l'ensemble sur un ton de haine envers le proxénète.

282
quam primum absoluitote, ne, si magis irritatus siet,
payez-le au plus vite, pour éviter que, si son courroux augmente,

1 qvam primvm absolvitote ne si magis irritatvs siet uelut clamet scilicet. 2 Et proprie de lenone, quem irritari dicit ut canem; nam irritari proprie canes dicuntur. Lucilius de littera R «  irritata canis quam homo quam planius dictat 125 ». lenonem autem timet Ctesipho ut rusticus, ut sub patre duro, ut amator.
1 qvam primvmv absolvitote ne si magis irritatvs siet et, par exemple, aille crier, implicitement. 2 Et au sens propre en parlant du proxénète, qui, dit-il, est excité (irritari) comme un chien ; car ce sont les chiens qui, au sens propre, sont excités (irritari). Lucilius, parlant de la lettre R : « irritata canis quam homo quam planius dictat » (<lettre> qu'une chienne irritée prononce plus clairement qu'un humain)424. Or Ctésiphon a peur du proxénète, en tant que paysan, en tant que fils élevé à la dure, en tant qu'amoureux.

283
aliqua ad patrem hoc permanet atque ego tunc perpetuo perierim.
d'une manière ou d'une autre l'affaire ne vienne aux oreilles de mon père et que je n'aie plus qu'à mourir pour toujours.

1 aliqva ad patrem hoc permanet non dicit quid, sed intellegimus raptum puellae significari. 2 aliqva ad patrem proprie secretum latens latici comparatur intra uas clausum exsistenti, quod cum effunditur manat. sic et alibi de committendis secretis loquens, «  plenus, inquit, rimarum sum, hac atque illac perfluo 126 ». 3 atqve ego tvnc perpetvo perierim quasi et nunc se perisse sentiat sed non perpetuo.
1 aliqva ad patrem hoc permanet il ne dit pas quoi, mais nous comprenons qu'il veut dire l'enlèvement de la jeune femme. 2 aliqva ad patrem proprement, le secret caché est comparé à un liquide contenu dans un récipient fermé qui, quand du liquide s'échappe, fuit (manat). De même ailleurs, à propos de secrets qu'on doit lui confier, un personnage dit : « plenus rimarum sum, hac atque illac perfluo ». 3 atqve ego tvnc perpetvo perierim comme s'il avait le sentiment d'être mort, mais pas pour l'éternité.

284
Sy.-non fiet, bono animo esto882: tu cum illa te intus oblecta interim
Sy.-Cela n'arrivera pas, tranquillise-toi : prends là-dedans avec elle du plaisir en attendant

1 non fiet bono animo esto ut illi liberalis timor sit, ita in Syro seruilis confidentia. 2 tv cvm illa te intvs oblecta moraliter illa dictum est, ut «  daturne illa Pamphilo 127 » et «  illa quidem nostra erit 128 ». 3 tv cvm illa te intvs oblecta honeste explicauit turpe dictu.
1 non fiet bono animo esto de même qu'il y a en Ctésiphon une crainte de fils de bonne famille, de même il y a en Syrus la confiance caractéristique de l'esclave. 2 tv cvm illa te intvs oblecta conformément à son caractère, il dit illa, comme dans : « daturne illa Pamphilo » et : « illa quidem nostra erit »425. 3 tv cvm illa te intvs oblecta il explique de façon polie une situation honteuse à dire426.

285
et lectulos iube sterni nobis et parari cetera.
et fais-nous installer les banquettes et tout préparer.

et lectvlos ivbe sterni nobis nobis "seruis": nihil tam comicum. et cum uultu, ut totum superbe ac magnifice loquatur.
et lectvlos ivbe sterni nobis "nous les esclaves" : il n'y a rien d'aussi comique. Et avec une grimace, pour dire l'ensemble sur un ton orgueilleux et grandiloquent.

286
ego iam transacta re conuertam me domum cum opsonio.
Moi, quand tout sera conclu, je reviendrai à la maison avec les provisions.

convertam me domvm conuertam magnifice dictum; uerbum enim est magni moliminis et grauaminis ingentis. nam conuertere se dicitur, quem pompa praecedit; et imperator proprie conuertit exercitum. ex hoc spectatur, ut moribus arrogantes serui sint, cum laetantur.
convertam me domvm conuertam est dit sur un ton grandiloquent ; car c'est un mot qui a beaucoup de volume et de poids. Car celui dont on dit qu'il s'en retourne (conuertere se), c'est celui qui est précédé d'un cortège ; et c'est le général qui, au sens propre, met une armée en fuite (conuertit). On voit donc à quel point les esclaves ont une nature arrogante quand ils sont joyeux.

287
Ct.-ita, quaeso: quando bene successit883, hilarem hunc sumamus diem.
Ct.-Oui, s'il te plaît : puisque tout a réussi, prenons ce jour comme un jour de fête.

ita qvaeso qvando bene svccessit uolunt quidam et hunc uersum Syri personae adiungendum, sed Ctesiphonis uerba esse ex subditis planum est, cum dicit «  nam hunc diem misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere 129 ».
ita qvaeso qvando bene svccessit certains sont d'avis que ce vers aussi doit être mis au compte du personnage de Syrus ; mais ce sont des paroles de Ctésiphon, la suite le démontre, lorsqu'il dit plus bas : « nam hunc diem misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere ».

Actus tertius

scaena prima

Sostrata Canthara

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288
So.-obsecro, mea nutrix, quid nunc fiet? Ca.-quid fiat roges?
So.-De grâce, ma chère nourrice, comment cela va-t-il se passer maintenant ? Ca.-Comment cela va se passer, tu me le demandes ?

1 obsecro mea nvtrix haec scaena tragoediae ordinem seruat, nam tragoedia in tria diuiditur: exspectationem, gesta, exitum. hic quoque exspectatio est81, in Getae nuntio gesta, in planctu Sostratae exitus. 2 obsecro mea nvtrix hinc demonstratur, qui sit maternus affectus, quam grata in dominos seruorum fides sit, eundemque laborem et dolorem esse ex falsis quam ex ueris malis. 3 obsecro mea nvtrix personae aut ex suis uerbis aut ex alienis insinuantur: ex suis, ut nunc persona Sostratae, ex alienis, ut initio Aeschini persona ex Micionis oratione ac Demeae. 4 obsecro mea nvtrix qvid nvnc fiet mea nunc pro blandimento ponitur, et quid nunc fiet imploratio magis est trepidantis quam ignorantis interrogatio. namque illius nutrix est, quippe anicula est, neque sapientior nutrix est quam domina sua. ipsum etiam quod dicit nutrix honorificum est, ut «  Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem 130 »; sunt enim nomina ad aliquid, quibus nos tamen uelimus ab omnibus appellari, ut magister, medicus, orator.
1 obsecro mea nvtrix cette scène suit le plan d'une tragédie ; en effet, dans la tragédie il y a trois parties : attente, action, issue. Ici aussi : il y a une attente, dans l'annonce de Géta une action, dans les lamentations de Sostrata une issue427. 2 obsecro mea nvtrix on y montre ce qu'est l'affection maternelle, quelle faveur obtient auprès des maîtres la loyauté des serviteurs, et qu'il y a même souffrance et même douleur à partir de fausses nouvelles que de vraies nouvelles de malheur. 3 obsecro mea nvtrix les personnages sont introduits soit avec leurs propres mots soit à partir du discours d'autrui : avec leurs mots propres, comme ici le personnage de Sostrata, avec ceux d'autrui comme le personnage d'Eschine au début au travers du discours de Micion et de Déméa428. 4 obsecro mea nvtrix qvid nvnc fiet mea est mis ici pour enjôler et quid nunc fiet est davantage une question qui témoigne de l'affolement que de l'ignorance. De fait, il s'agit de sa nourrice, c'est bien sûr une petite vieille, et une nourrice n'est pas plus sage que sa maîtresse. Ce mot même de nutrix est honorifique, comme dans : « Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem » (nourrice chère à mon cœur, va chercher ma sœur Anna) ; car il y a des noms relatifs par lesquels nous voudrions cependant être appelés de tout le monde, comme maître, médecin, orateur429.

289
recte edepol spero: modo dolores, mea tu, occipiunt primulum;
Bien, nom d'un chien, j'espère : les douleurs n'en sont, ma chère maîtresse, qu'au tout début ;

1 modo dolores mea tv occipivnt primvlvm euidenter hic modo temporis praesentis aduerbium est. et rursum mea tu blandimentum est, sine quo non progreditur colloquium feminarum et maxime trepidantium. 2 primvlvm initium et ipsa origo dolorum diminutiue demonstrata est; non enim primum sed primulum dicit.
1 modo dolores mea tv occipivnt primvlvm évidemment ici modo est un adverbe de temps présent. Et à nouveau mea tu est une cajolerie sans laquelle la conversation des deux femmes n'avance pas, surtout qu'elles sont affolées. 2 primvlvm le début et l'origine mêmes des douleurs sont marqués par l'emploi du diminutif ; elle ne dit pas en effet primum mais primulum.

290
iam nunc times, quasi numquam adfueris, numquam tute pepereris?
et déjà tu as peur, comme si tu n'avais jamais assisté à ça ni accouché toi-même !

1 nvmqvam tvte pepereris uide praeparationem doloris: nihil mali adhuc secutum est et iam sic perturbatur Sostrata. 2 iam nvnc times qvasi nvmqvam adfveris nvmqvam tvte pepereris docte duo proposuit, quibus experientes scientesque rerum sumus: uidere et pati. sic Vergilius «  quaeque i. ipse m. miserrima u. uidi et q. quorum p. pars m. magna 131 »82. tute autem pro tu παρέλκον est, quod si reiteratur, facit tute et tutemet et tutemet ipse.
1 nvmqvam tvte pepereris voyez la préparation de la douleur : rien de fâcheux n'est encore survenu que déjà Sostrata se trouble430. 2 iam nvnc times qvasi nvmqvam adfveris nvmqvam tvte pepereris habilement, elle propose les deux choses grâce auxquelles nous avons l'expérience et la connaissance des choses : voir et souffrir. Ainsi Virgile : « quaeque ipse miserrima uidi et quorum pars magna » (tous les pires malheurs que j'ai vus de mes yeux et auquel j'ai pris une grande part). Quant à tute mis pour tu, c'est un pléonasme (παρέλκον) qui, si on le réitère, fait tute et tutemet (toi-même) et tutemet ipse (toi-même en personne).

291
So.-miseram me! neminem habeo (solae sumus, Geta autem hic non adest)
So.-Pauvre de moi ! Je n'ai personne (nous sommes seules, quant à Géta il n'est pas là)

1 solae svmvs cum hoc nomen singularitatis sit, mire solae pluraliter dixit. 2 neminem habeo solae svmvs geta avtem hoc non adest muliebriter queritur et ex perturbatione sua aestimans metu multa facit ea, quae pauca sunt. 3 geta avtem hoc non adest hic apparatio est, ut ostendatur absens, qui superuenturus est. 4 miseram me proprium est mulierum, cum loquuntur, aut aliis blandiri, ut «  Annam, cara m. mihi n. nutrix , h. huc s. siste s. sororem 132 », aut se commiserari, ut «  miserae hoc tamen unum exsequere, Anna, mihi 133 ». nam haec omnia muliebria sunt, quibus pro malis ingentibus quasi in aceruum rediguntur et enumerantur nullius momenti querelae. 5 neminem habeo "quid enim opus est aut cur nunc quereris?". 6 solae svmvs numquam pluraliter solae. 7 geta avtem hic non adest ueniet.
1 solae svmvs quoique cet adjectif caractérise l'unicité, paradoxalement il utilise solae au pluriel431. 2 neminem habeo solae svmvs geta avtem hoc non adest elle se plaint comme une femme et jugeant à l'aune de son trouble, par peur elle multiplie des faits qui sont peu nombreux. 3 geta avtem hic non adest c'est une préparation, pour que soit envisagé en son absence celui qui s'apprête à survenir. 4 miseram me c'est le propre des femmes, quand elles parlent, ou bien d'enjôler les autres, comme dans « Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem » (nourrice chère à mon cœur, va chercher ma sœur Anna)432, ou bien de se lamenter sur elles-mêmes, comme : « miserae hoc tamen unum exsequere, Anna, mihi » (obéis-moi, malheureuse que je suis, en cela seulement, Anna). Car tout cela constitue des manières de femme, par lesquelles, en guise de grands malheurs, des plaintes sans aucune portée sont ramassées comme en tas et énumérées. 5 neminem habeo car "de quoi a-t-on besoin ou pourquoi maintenant te plains-tu ?"433. 6 solae svmvs solae n'est jamais au pluriel434. 7 geta avtem hic non adest il viendra.

292
nec quem ad obstetricem mittam nec qui accersat Aeschinum.
pour envoyer quérir la sage-femme ni pour aller chercher Eschine.

1 nec qvem ad obstetricem mittam deest habeo, sed in consuetudine est sic loqui, cum utrumque nobis, non alterutrum deesse conquerimur. 2 nec qvem ad obstetricem mittam nec qvi accersat aeschinvm habeo subauditur. et magis a trepidante quam rationabiliter dicitur; nam refellit hoc totum nutrix Canthara.
1 nec qvem ad obstetricem mittam il manque habeo, mais c'est l'usage de parler ainsi quand nous nous plaignons que l'un et l'autre nous font défaut et non l'un ou l'autre. 2 nec qvem ad obstetricem mittam nec qvi accersat aeschinvm habeo est sous-entendu. Et c'est dit davantage par un personnage affolé que de façon raisonnable ; car la nourrice Canthara réfute l'ensemble.

293
Ca.-pol is quidem iam hic aderit; nam numquam unum intermittit diem
Ca.-Nom d'un chien, il sera là dans un instant ; car jamais il ne laisse passer un seul jour

nvmqvam pro non.
nvmqvam mis pour non435.

294
quin semper ueniat. So.-solus mearum miseriarum est remedium.
sans venir à chaque fois. So.-Lui seul de mes malheurs est le remède.

1 Et semper non ad omne tempus rettulit - nam qui potest? - sed omnes dies83, secundum quod ait «  nam numquam unum intermittit diem 134 ». 2 solvs mearvm miseriarvm84 bona locutio.
1 Et semper ne se réfère pas à toute époque - car comment serait-ce possible ? - mais signifie "tous les jours", en vertu de ce qu'elle a dit « nam numquam unum intermittit diem ». 2 solvs mearvm miseriarvm bonne expression436.

295
Ca.-e re nata melius fieri haud potuit quam factum est, era.
De cette situation, il ne pouvait rien arriver de mieux que ce qui est arrivé, maîtresse,

1 e re nata sic proprie dicimus de his, quae contra uoluntatem nostram acciderunt, ut nunc uitium uirginis. - ergo e re nata ex uitio uirginis . - sic Lucilius «  puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust 135 »85. 2 Et sic maluit dicere, quae non Aeschino culpam sed potius casui attributam uellet. est autem ordo: "nihil melius potuit e re nata fieri quam id quod factum est, era", ut quandoquidem uitianda erat uirgo, ab eo uitiaretur, qui erat expetendus ad matrimonium. sensus enim hic est: malum quidem est uim fieri uirgini, sed ex condicione eius, quae uitiata sit, nihil potuit melius euenire quam86 contigit, ut ab eo uitiaretur, cuius non paeniteret. intellegere autem debemus fieri et factum est pro euenire et contigit dici. 3 melivs fieri havd potvit si fieri pro euenire acceperis, erit consecutio locutionis, sin minus, deerit quantum intellego.
1 e re nata ainsi disons-nous proprement des événements qui se sont produits contre notre volonté, comme ici le viol de la jeune fille. - donc e re nata veut dire ex uitio uirginis (du viol de la jeune fille) -. Ainsi Lucilius : « puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust » (en la circonstance, notre jeune esclave leur répondit en ces termes : il n'était pas sans finesse)437. 2 Et ainsi préfère s'exprimer celle qui voudrait que la faute incombât non à Eschine mais plutôt au hasard. L'ordre est : "nihil melius potuit e re nata fieri quam id quod factum est, era", de sorte que puisqu'il devait y avoir viol de la jeune fille, elle se trouve déshonorée par celui qui était prévu pour l'épouser. Car le sens est : "c'est certes un malheur qu'une violence soit commise à l'égard d'une jeune fille, mais étant donné la condition de celle qui a été déshonorée, rien ne pouvait arriver mieux que comme cela s'est produit, à savoir qu'elle se trouve déshonorée par un garçon qui ne laisse pas de regret". Nous devons donc comprendre que fieri et factum est équivalent à euenire (se produire) et contigit (il est arrivé). 3 melivs fieri havd potvit si on prend fieri au sens d'euenire, il y aura une cohérence de l'énoncé438, sinon il manquera quantum intellego (pour autant que je comprends).

296
quando uitium oblatum est, quod ad illum attinet potissimum,
que, puisqu'un viol a été commis, pour ce qui le concerne,

1 qvando vitivm oblatvm est hoc est e re nata. 2 oblatvm dicitur, quod offertur inuito. 3 vitivm oblatvm est qvod ad illvm attinet potissimvm quasi uitium oblatum sit potissimum, hoc est bonum; sed ex persona eius qui obtulit uitium factum est bonum, quod per se ipsum malum est. 4 Et hoc est «  quod melius haud fieri potuit quam factum est 136 ». illum autem dicit Aeschinum. 5 potissimvm autem superlatiuum est ab eo quod est potis et potius. sic enim facit potis potius potissimum. 6 Et qvod modo exceptionem significat, ut sit: quantum ad illum attinet, id est Aeschinum.
1 qvando vitivm oblatvm est c'est-à-dire e re nata. 2 oblatvm se dit de ce qui est proposé à quelqu'un malgré lui. 3 vitivm oblatvm est qvod ad illvm attinet potissimvm comme si le viol proposé était potissimum, c'est-à-dire bon, mais c'est du fait du personnage qui a commis le viol qu'une chose mauvaise en soi est devenue une bonne chose. 4 Et c'est ce que signifie « melius haud fieri potuit quam factum est ». Illum, quant à lui, désigne Eschine. 5 potissimvm est le superlatif de potis et de potius ; en effet, cela fait potis, potius, potissimum. 6 Et qvod de temps en temps signale une restriction, pour faire quantum ad illum attinet (pour autant que cela le concerne), c'est-à-dire Eschine.

297
talem, tali genere atque animo, natum ex tanta familia.
il soit ce qu'il est, d'une si bonne condition, d'un si bon caractère, issu d'une si grande famille.

1 tali genere laus ante illum, talem et tali animo in illo. 2 Et genus iam ad uiuos pertinet, familia etiam ad defunctos. alii genus ad nobilitatem referunt, familiam ad copias, unde et pater familias dicitur, ut sit ex tanta familia ex tam diuite domo. 3 Haec omnis περίστασις tragica est: gaudiorum introductio ante funestissimum nuntium. 4 talem a corpore, id est a forma, a pulchritudine; tali genere ab his quae extrinsecus sunt, id est ab honestate generis; atqve animo ab animo, id est a sapientia, modestia87: hoc modo igitur nihil praetermisit in laude.
1 tali genere c'est un éloge qui porte sur une période antérieure à lui, alors que talem et tali animo portent sur lui. 2 Et genus concerne les vivants, familia concerne aussi les morts. D'autres rapportent genus à la noblesse, familiam au patrimoine, d'où on dit aussi pater familias (père de famille)439, en sorte que ex tanta familia signifie ex tam diuite domo (d'une maison si riche). 3 Toute cette circonstance (περίστασις) est tragique : introduction d'éléments heureux avant une annonce très funeste. 4 talem se dit du physique, c'est-à-dire de la beauté ; tali genere se dit de ce qui lui est extérieur, c'est-à-dire l'honorabilité de sa famille ; atqve animo de son caractère, c'est-à-dire sa sagesse, sa modération : donc, ce faisant, rien n'a été oublié dans l'éloge.

298
So.-ita pol est ut dicis; saluus nobis deos quaeso ut siet.
So.-Oui nom d'un chien, tu as raison ; je prie les dieux qu'ils nous le préservent en bonne santé.

salvvs nobis deos qvaeso vt siet quam bonus est, cui nihil ad uota praeter salutem!
salvvs nobis deos qvaeso vt siet quel homme de bien que celui à qui on ne peut souhaiter que d'être sain et sauf !

scaena altera

Sostrata Canthara Geta

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299
Ge.-nunc illud est, cum884, si omnes omnia885 sua consilia conferant
Gé.-Nous voilà arrivés à un point où, même si tous les hommes mettaient en commun tous leurs avis

1 nvnc illvd est qvom si omnes omnia88 hic locus secundum artem comicam seruum currentem exprimit et nuntiantem mala. maxima itaque pars scaenae motoria est. significat autem: nunc tale negotium est, nunc tale periculum est. 2 Aut uero cum significationem temporis habet, ut si diceret quando aut quo tempore. 3 nvnc illvd est utrum periculum an tempus? est enim ἔλλειψις. 4 qvom si omnes omnia sva consilia ὑπερβολή cum παρονομασίᾳ omnes omnia. hinc Cicero «  omnes in hoc iudicio conentur omnia 137 ».
1 nvnc illvd est qvom si omnes omnia cette scène, selon la technique de la comédie, met en scène un esclave qui court et qui annonce de mauvaises nouvelles. C'est pourquoi le gros de la scène est du type agité440. 2 Ou alors cum a un sens temporel, comme s'il disait quando (quand) ou quo tempore (au moment où). 3 nvnc illvd est veut-il dire le danger ou le moment ? Car il y a une ellipse (ἔλλειψις)441. 4 qvom si omnes omnia sva consilia hyperbole (ὑπερβολή) avec paronomase (παρονομασίᾳ) dans omnes omnia. De là Cicéron : « omnes in hoc iudicio conentur omnia » (que tous, dans ce procès, tentent tout)442.

300
atque huic malo salutem quaerant, auxili nihil afferant,
et cherchaient un remède à notre malheur, ils ne seraient d'aucun secours

1 salvtem qvaerant non remedium ut aegro, sed ut pereunti salutem. 2 Et noue dixit malo salutem pro contra malum. 3 avxili nihil afferant mire de proximo repetitum est παρόμοιον, id est conferant et afferant. hoc conuenit praesertim stomacho uerba minus curantis, sicut supra omnes omnia.
1 salvtem qvaerant il ne dit pas remedium (remède) comme pour un malade, mais comme pour un agonisant salutem. 2 Et le tour malo salutem est inédit pour contra malum (contre le malheur)443. 3 avxili nihil afferant étonnamment il répète dans un contexte très court un mot ressemblant (παρόμοιον), à savoir conferant et afferant. Cela convient particulièrement à la colère d'un homme qui fait moins attention à ses mots, comme ci-dessus omnes omnia444.

301
quod mihique eraeque filiaeque erili est. uae misero mihi!
à ce qui nous touche, moi, ma patronne et la fille de la patronne. Aïe, pauvre de moi !

1 qvod mihiqve eraeqve filiaeqve erili mira in seruo fides: primum se ponit in erili malo et post se matrem, in ultimo puellam. 2 mihiqve eraeqve filiaeqve erili est πολυσύνδετον secundum, ut «  omnia secum a. armentarius A. Afer a. agit tq. tectumque lq. laremque aq. armaque Aq. Amyclaeumque c. canem Cq. Cressamque p. pharetram 13889 ». 3 vae misero mihi ἐμπαθῶς σχετλιάζει.
1 qvod mihiqve eraeqve filiaeqve erili étonnante loyauté chez un esclave : il se place en premier dans le malheur de sa maîtresse, devant la mère et, en dernier, la fille. 2 mihiqve eraeqve filiaeqve erili est polysyndète (πολυσύνδετον) de deuxième catégorie, comme dans « omnia secum armentarius Afer agit, tectumque laremque armaque Amyclaeumque canem Cressamque pharetram » (le vacher africain emporte tout avec lui, et son toit et son dieu lare et ses armes et son chien d'Amyclées et son carquois crétois)445. 3 vae misero mihi il se lamente de façon empathique (ἐμπαθῶς σχετλιάζει)446.

302
tot res repente circumuallant se886, unde emergi non potest:
Tant de soucis se dressent d'un coup tout autour, dont on ne peut se sortir,

1 tot res repente circvmvallant90 se circa nos et stipant se inuicem; nam circumuallamus et nos et alios. tamen rara locutio est. 2 Et circumuallant dixit uelut inimica acies contra nos, et ideo addidit unde emergi non potest. nam impressio dicitur hostium, ut Sallustius «  pressi undique multitudine 139 » et Cicero «  qui semper premuntur et numquam emergunt 140 ». 3 Et emergi noue, nam emergo dicitur, non emergor. sed ideo usus est, quia sine compositione et mergo et mergor facit. 4 vnde emergi non potest unde absolute. 5 An deest illud? an unde pro ex quibus?
1 tot res repente circvmvallant ils se pressent (circumuallant) contre nous et se serrent l'un contre l'autre ; car nous pressons (circumuallamus) nous-mêmes et autrui. Toutefois l'expression est rare447. 2 Et il dit circumuallant comme d'une armée ennemie qui vient contre nous, et dans cette idée il ajoute unde emergi non potest. Car les ennemis font ce qu'on appelle une impressio (assaut), comme chez Salluste : « pressi undique multitudine » (pressés de toutes parts par la foule) et Cicéron : « qui semper premuntur et numquam emergunt » (qui toujours se font presser sans jamais s'en sortir)448. 3 Et emergi est dans un emploi inédit, car on dit emergo, et non pas emergor. Mais il l'a utilisé sous cette forme parce que le verbe non composé fait aussi bien mergo que mergor449. 4 vnde emergi non potest unde est sans antécédent. 5 Ou bien manque-t-il illud ? ou unde est-il mis pour ex quibus (desquels) ?

303
uis, egestas, iniustitia, solitudo, infamia.
violence, misère, injustice, solitude, déshonneur !

vis egestas inivstitia solitvdo infamia hae res sunt quae circumuallant: uis illata, egestas ipsius puellae, iniustitia iudicum, solitudo a defensoribus, infamia ab his, qui credunt pretio uitiatam; nam et in subditis sic habes «  quando ego conscia sum mihi, a me culpam esse hanc procul, neque pretium neque rem ullam intercessisse 141 ».
vis egestas inivstitia solitvdo infamia telles sont les choses (res) qui pressent (circumuallant) : la violence commise (uis), la pauvreté de la jeune fille même (egestas), l'injustice des juges (iniustitia), la solitude sans défenseur (solitudo), le déshonneur (infamia) qui vient du discours de ceux qui croient qu'elle a été violée pour de l'argent ; en effet, on trouve aussi ci-dessous « quando ego conscia sum mihi, a me culpam esse hanc procul, neque pretium neque rem ullam intercessisse ».

304
hocine saeculum887! o scelera, o genera sacrilega, o hominem inpium...
Quelle époque ! O crimes, ô générations sacrilèges, ô maudit bonhomme...

1 hocine saecvlvm ἐν ἤθει questurus de homine saeculum accusat prius, ut «  o tempora, o mores! 142 » et e contrario saecula in omnibus rebus laudantur, ut «  quae te tam laeta tulerunt saecula? 143 ». 2 hocine saecvlvm o scelera o genera sacrilega o hominem impivm moris est nimis dolentibus incusare alia ex aliis. Vergilius «  cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia mater 144 » et «  quem non incusaui amens hominumque deorumque 145 ». 3 o hominem impivm Aeschinum scilicet. et hoc ἠθικῶς; nam semper ultimum ponimus eum, cui maxime irascimur, ut in Andria post accusatum socerum et uituperatam sponsam «  nam quid ego dicam de patre 146 » et in Phormione «  itane tandem uxorem duxit Antipho 147 » et post multa «  o facinus audax! o Geta monitor! 148 », unde ille «  uix tandem 149 » inquit.
1 hocine saecvlvm conforme à son caractère (ἐν ἤθει), au moment de se plaindre d'un individu, il incrimine d'abord le siècle, comme « o tempora, o mores ! » (ô temps, ô mœurs !) et a contrario le siècle est l'objet d'éloges en toute occasion, comme : « quae te tam laeta tulerunt saecula ? » (quelle est l'époque bénie qui t'a porté ?)450. 2 hocine saecvlvm o scelera o genera sacrilega o hominem impivm c'est une caractéristique de ceux qui souffrent trop que d'incriminer les choses les unes après les autres. Ainsi Virgile : « cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia mater » (tandis que tenant embrassé le corps pitoyable de son enfant la mère invoque et les dieux et les cieux cruels) et « quem non incusaui amens hominumque deorumque » (qui n'ai-je pas accusé et parmi les hommes et parmi les dieux ?)451. 3 o hominem impivm Eschine, implicitement. Et conformément à son caractère (ἠθικῶς) ; car nous mettons toujours en dernier celui qui est la principale cause de notre colère, comme dans L'Andrienne après l'accusation contre le beau-père et le dénigrement de la promise : « nam quid ego dicam de patre » et dans Phormion : « itane tandem uxorem duxit Antipho » et après plusieurs mots : « o facinus audax ! o Geta monitor ! » d'où il enchaîne « uix tandem ».

305
So.-me miseram, quidnam est quod sic uideo timidum et properantem Getam?
So.-Malheur de moi, que se passe-t-il donc pour que je voie Géta ainsi affolé et agité ?

video timidvm et properantem getam timidum perturbatum, non enim timet sed dolet. sic Plautus in Bacchidibus «  nam ut ex mari timida es 150 ».
video timidvm et properantem getam timidus signifie "troublé", car il n'a pas peur mais il a mal. De même Plaute dans Les Sœurs Bacchis : « nam ut ex mari timida es » (car tu es tout indisposée de ton voyage en mer).

306
Ge.-...quem neque fides neque iusiurandum neque illum misericordia
Gé.-...lui que ni la foi jurée, ni les serments, ni la pitié

1 qvem neqve fides ordo est: "hominem impium quem neque fides". 2 Et saepe repetitum neque exaggerat crimen admissum. 3 qvem neqve fides quia promisit; neqve ivsivrandvm quia iurauit; neqve illvm misericordia quia uim intulit. 4 neqve illvm secundum παρέλκον, nam abundat illum; ut «  nunc dextra ingeminans, nunc ille sinistra 151 ». 6 neqve illvm misericordia repressit ne auderet.
1 qvem neqve fides l'ordre est : "hominem impium quem neque fides"... 2 Et la répétition fréquente de neque amplifie le crime commis. 3 qvem neqve fides parce qu'il a promis ; neqve ivsivrandvm parce qu'il a juré ; neqve illvm misericordia parce qu'il a fait violence. 4 neqve illvm pléonasme de deuxième catégorie (παρέλκον), car illum est superflu ; de même dans : « nunc dextra ingeminans ictum, nunc ille sinistra » (redoublant de coups tantôt de la main droite, tantôt, lui, de la main gauche)452. 6 neqve illvm misericordia repressit ne l'a retenu d'être audacieux.

307
repressit neque reflexit neque quod partus instabat prope
n'ont retenu ni fléchi, ni non plus le fait que l'accouchement était imminent

1 neqve reflexit ne faceret. et sic hoc dictum est, ut a Vergilio «  num fletu ingemuit nostro? num lumina flexit? num lacrimas uictus dedit aut miseratus amantem est? 152 » etc. 2 Et si non potuit reprimi ne faceret, saltim ut in peccando esset mitior, debuit commoueri. sed melius quod supra. 3 neqve qvod partvs instabat prope αὐξητικῶς; non enim addidit mariti sed patris scelus91.
1 neqve reflexit ne l'a détourné d'agir. Et cela se dit ainsi, comme chez Virgile : « num fletu ingemuit nostro ? num lumina flexit ? num lacrimas uictus dedit aut miseratus amantem est ? » etc. (a-t-il gémi de mes pleurs ? a-t-il détourné les yeux ? a-t-il, vaincu, versé des larmes ou s'est-il apitoyé sur une amante ?)453. 2 Et s'il n'a pu s'empêcher d'agir, au moins, pour que sa faute en soit atténuée, aurait-il dû en être ébranlé. Mais la meilleure solution est la première454. 3 neqve qvod partvs instabat prope par amplification (αὐξητικῶς) ; car il n'ajoute pas un grief qui le concerne en tant que mari mais qui le concerne en tant que père.

308
cui miserae indigne per uim uitium obtulerat. So.-non intellego
pour cette malheureuse qu'il avait indignement violée et déshonorée ! So.-Je ne comprends pas

1 cvi miserae deest ei. 2 indigne impie, crudeliter, ut Vergilius «  quae causa indigna serenos foedauit uultus? 153 ». 3 non intellego ad hoc Sostrata ignorans inducitur, ut malo nuntio repente feriatur. et quia oportuit ipsam priorem loqui, praesens loquitur. quia autem non est perdenda tam suauis ἠθοποιΐα dolentis ad irascentem, idcirco non audit Geta, conuersus ne ob illam loqui desinat.
1 cvi miserae il manque ei455. 2 indigne de façon impie, cruelle, comme chez Virgile : « quae causa indigna serenos foedauit uoltus ? » (quel indigne traitement a souillé ton visage serein ?). 3 non intellego si c'est une Sostrata ignorante qui est mise en scène, c'est pour qu'elle soit frappée par surprise de la mauvaise nouvelle. Et parce qu'il fallait qu'elle parle la première, elle parle en étant présente. Mais comme il ne faut pas perdre l'occasion d'une si agréable éthopée (ἠθοποιΐα) d'un homme qui passe de la souffrance à la colère, pour cette raison Géta ne l'entend pas et lui tourne le dos pour ne pas s'interrompre devant elle.

309
satis quae loquatur888. Ca.-propius obsecro accedamus, Sostrata. Ge.-ah
suffisamment ce qu'il dit. Ca.-Approchons, s'il te plaît, Sostrata. Gé.-Ah !

satis qvae loqvatvr adhuc non audiente Geta loquitur. idcirco nec audit eam seruus nec uidetur ab eo Sostrata.
satis qvae loqvatvr elle parle sans se faire encore entendre de Géta. Aussi l'esclave ne l'entend-il pas et Sostrata n'est pas vue de lui.

310
me miserum! uix sum compos animi, ita ardeo iracundia.
pauvre de moi ! j'ai peine à me maîtriser tant je brûle de colère !

1 vix svm compos animi aut uix tandem aut non, ut Lucilius «  carcer, uix carcere dignus 154 ». 2 Et compos animi id est competentis animi uel sani animi, cui contrarium est impos animi. Sallustius «  neque animo neque auribus aut lingua satis competere 155 », cum de amente Septimio loqueretur. alii compotem animi compositum animi intellegunt.
1 vix svm compos animi soit uix signifie uix tandem (avec peine, mais enfin) ou non (négation), ainsi chez Lucilius : « carcer, uix carcere dignus » (prisonnier à peine digne de ta prison)456 2 Et compos animi équivaut à competentis animi (à l'esprit capable) ou sani animi (à l'esprit sain) ; son contraire est impos animi (incapable de se maîtriser). Salluste : « neque animo neque auribus aut lingua satis competere » (n'avoir pas de capacité suffisante au plan de l'intellect, de l'ouïe ou du langage), alors qu'il parlait de la folie de Septimius. D'autres comprennent compos animi au sens de compositus animi (qui s'est composé un esprit)457.

311
nihil est quod malim quam illam totam familiam dari mi obuiam
Il n'est rien que je ne souhaiterais davantage que de me trouver face à face avec cette famille tout entière,

qvam illam totam familiam hic non tam culpa familiae quam scelus Aeschini ostenditur, propter quam omnes cruciandi sunt.
qvam illam totam familiam ici ce n'est pas tant la faute de la famille qui est montrée que le crime d'Eschine, à cause de qui tous doivent être massacrés.

312
ut ego iram hanc in eos euomam omnem, dum aegritudo haec est recens.
pour épancher sur eux toute ma colère, tandis que mon aigreur est toute récente.

iram hanc hanc interdum pro qualitate, interdum pro quantitate accipimus, interdum pro utroque. ut «  tuaque animam hanc effundere dextra 156 » et «  hunc ego te, Euryale, aspicio? 157 » sed nunc pro utroque hanc dixit, ut Sallustius de scripto Celtiberi ait «  hanc igitur redarguit Tarquitius 158 ».
iram hanc nous interprétons hic tantôt comme ayant une valeur qualitative, tantôt quantitative, tantôt les deux à la fois. Ainsi : « tuaque animam hanc effundere dextra » (rendre cette mienne âme sous les coups de ta main) et « hunc ego te, Euryale, aspicio ? » (est-ce tel, Euryale, que je te revois ?), mais là il l'utilise dans les deux sens à la fois, comme Salluste à propos du texte du Celtibère : « hanc igitur redarguit Tarquitius » (Tarquitius la réfuta donc)458.

313
satis id mihi889 habeam supplici, dum illos ulciscar modo.
Je me satisferais de mon châtiment pour peu seulement que je me venge d'eux.

1 satis id mihi habeam svpplici moraliter loquitur. nam fere cum quisquis irascitur, sibi uidetur fortis92 tamquam plus audet. 2 dvm illos vlciscar modo uerum est hanc esse uindictam, quae ex recentissimis flagitiis properata sit. Vergilius «  te Turne superbum caede noua quaerens 159 ».
1 satis id mihi habeam svpplici il parle conformément à son caractère. Car généralement, quand on se met en colère, on se croit fort en tant qu'on a plus d'audace. 2 dvm illos vlciscar modo c'est vrai que c'est la vengeance qui se met en branle à partir des outrages les plus récents. Virgile : « te Turne superbum caede noua quaerens » (c'est toi, Turnus, qu'il cherche, avec l'orgueil que te donne ton récent massacre).

314
seni animam primum exstinguerem ipsi, qui illud produxit scelus;
Au vieux d'abord je ferais rendre l'âme, lui qui a donné le jour à ce scélérat ;

1 seni animam primvm exstingverem bene exstinguerem, quia ignis est93. Vergilius «  igneus est ollis uigor et caelestis origo seminibus 160 ». 2 Et primum addidit, quod ordinem significat; tunc enim adicitur, cum multa subsecutura monstrantur, ut «  cui fracta prius crura bracchiaque 161 » etc. 3 Vindicta in Aeschinum tota prominens ostenditur etiam per aliena supplicia.
1 seni animam primvm exstingverem exstinguerem est bon parce que l'âme c'est du feu. Virgile : « igneus est ollis uigor et caelestis origo seminibus » (ces germes de vie ont une vigueur ignée et une origine céleste). 2 Et il ajoute primum qui indique une chronologie ; car on l'ajoute quand beaucoup d'événements subséquents sont indiqués, comme dans : « cui fracta prius crura bracchiaque » etc. (on lui brise d'abord les jambes et les bras...)459. 3 La vengeance contre Eschine, qui déborde tout entière, se voit aussi dans les tourments réservés aux autres.

315
tum autem Syrum inpulsorem, uah, quibus illum lacerarem modis!
et puis Syrus, l'instigateur, oh ! de quelle manière je le taillerais en pièces !

1 impvlsorem causa poenae. 2 vah qvibvs illvm lacerarem modis hic uoluntas immodica ostenditur poenam pro merito reposcentis. 3 Et nota, cum Syrum dixerit, addidisse de supercilio rursus illum.
1 impvlsorem la cause du châtiment. 2 vah qvibvs illvm lacerarem modis ici on voit la volonté implacable de celui qui réclame un châtiment proportionné à l'acte. 3 Et notez qu'après avoir dit Syrus il ajoute à nouveau illum avec morgue.

316
sublimen890 medium primum arriperem et capite in terra statuerem,
Je le soulèverais d'abord en l'attrapant par la ceinture et le ficherais en terre par la tête

1 svblimen ista poena est. 2 statverem vt cerebro dispergat viam et cerebrum et uia dispergi potest; ideo uidetur ambiguum, ut apud Vergilium «  ensemque cruore spumantem sparsasque manus 162 ». aliter enim dicitur «  spargite humum foliis 163 », aliter «  sparserat et latices simulatos f. fontes A. Auerni 164 ».
1 svblimen c'est le châtiment. 2 statverem vt cerebro dispergat viam on peut trouver comme sujet de dispergi aussi bien un mot comme cerebrum que comme uia ; d'où il résulte de l'ambiguïté, comme chez Virgile : « ensemque cruore spumantem sparsasque manus » (son épée écumante de sang et ses mains souillées). Car on dit dans un sens : « spargite humum foliis » (jonchez le sol de feuilles), dans un autre : « sparserat et latices simulatos fontes Auerni » (elle avait répandu un liquide qui simulait les eaux de l'Averne)460.

317
ut cerebro dispergat uiam;
pour qu'il arrose la rue de sa cervelle ;

318
adulescenti ipsi eriperem oculos, posthac praecipitem darem;
au jeune homme lui-même, j'arracherais les yeux, après quoi je le jetterais tête la première ;

1 advlescenti ipsi eriperem ocvlos bene oculos, amoris inlices adiutoresque flagitii. 2 posthac praecipitem darem grauior poena caecitatis, non prouidere quo cadas.
1 advlescenti ipsi eriperem ocvlos oculos est bon, car les yeux sont des pièges d'amour et les auxiliaires de l'outrage. 2 posthac praecipitem darem le pire châtiment de la cécité c'est de ne pas se prémunir de la chute.

319
ceteros ruerem, agerem, raperem, tunderem et prosternerem!
tous les autres, je voudrais les renverser, pousser, secouer, assommer, coucher par terre !

1 ceteros rverem ruerem actiuam uim habet: Sallustius in secundo «  ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur 165 ». ruere autem est toto corpore niti ad impellendum, quod faciunt qui ipsi praecipites alios prosternunt. inde sues ruere dicuntur: Vergilius «  ipse ruit dentesque Sabellicus e. exacuit s. sus 166 » et Horatius «  hac rabiosa fugit canis, hac lutulenta ruit sus 167 ». 2 tvnderem et prosternerem uide quam fortis sibi uidetur, qui dolet et irascitur. 3 agerem "prosequerer", "premerem", ut Vergilius «  cursu palantis T. Troas ag. agebat 168 » et «  agit uentos 169 » id est nimia celeritate prosequitur et paene occupat praeuenitque.
1 ceteros rverem ruerem a un sens actif : Salluste au livre II : « ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur » (sous l'impulsion de ceux qui se ruaient dans le fleuve). Ruere c'est mettre toutes ses forces physiques à attaquer, ce que font ceux qui, en se jetant tête la première, abattent les autres. De là on dit que les cochons461 chargent (ruere) ; Virgile : « ipse ruit dentesque Sabellicus exacuit sus » (le sanglier sabellien charge et aiguise ses défenses) et Horace : « hac rabiosa fugit canis, hac lutulenta ruit sus » (par là passe en courant un chien enragé, par là se précipite un porc plein de fange)462. 2 tvnderem et prosternerem voyez comme il se croit fort celui qui ressent douleur et colère. 3 agerem "je le poursuivrais", "je le presserais" ; de même Virgile : « cursu palantis Troas agebat » (il serrait de sa course des Troyens dispersés) et « agit uentos » (il pousse les vents), c'est-à-dire il pourchasse avec une vitesse excessive et en vient presque à rattraper et à dépasser.

320
sed cesso eram hoc malo inpertire propere? So.-reuocemus. Geta! Ge.-hem,
Mais ne vais-je pas me dépêcher de faire part de ce malheur à ma maîtresse ? So.-Rappelons-le. Géta ! Gé.-Hein ?

321
quisquis es, sine me. So.-ego sum Sostrata. Ge.-ubi ea est? te ipsam quaerito,
Qui que tu sois, laisse-moi. So.-Mais c'est moi, Sostrata. Gé.-Où çà ? c'est justement toi que je cherche,

1 ego svm sostrata haec ideo inducuntur, ut ueri simile sit supra non uisam Sostratam, quando etiam nunc uix agnoscitur ab irato. 2 te ipsam exspecto oppido opportvne94 incerta distinctio, utrum te exspecto oppido an oppido95 opportune sit dicendum. 3 An exspectare impatienter cupere et sine praescriptione temporis, sperare iuxta certum tempus? unde apparet ad te exspecto, quia per se nimium est, non esse iungendum oppido.
1 ego svm sostrata la réplique vise à rendre vraisemblable que Sostrata n'a pas été aperçue plus tôt, puisque encore maintenant c'est tout juste si l'esclave en colère la reconnaît. 2 te ipsam exspecto oppido opportvne on ne sait comment ponctuer : faut-il dire te exspecto oppido (c'est tout à fait toi que je cherchais) ou oppido opportune (tout à fait opportunément) ? 3 A moins que exspectare ne signifie "désirer avec impatience" et sans limitation de durée, alors que sperare implique un temps limité ? Dans ce cas, il appert que te exspecto, parce que le mot dénote en soi l'excès, ne doit pas être complété par oppido463.

322
te expecto; oppido opportune te obtulisti mihi obuiam.
toi après qui j'en ai ; ça tombe vraiment bien que tu te sois trouvée sur mon chemin.

323
era... So.-quid est? quid trepidas? Ge.-ei mihi. Ca.-quid festinas, mi Geta?
Maîtresse... So.-Quoi ? Pourquoi trembles-tu ? Gé.-Hélas pauvre de moi ! Ca.-Qu'as-tu à te hâter ainsi, mon Géta ?

qvid festinas mi geta Probus personae assignat hoc Sostratae, Asper non uult ad omnia seruum respondere, sed nutricem putat hoc loqui. festinas autem "perturbaris" et "commotus est".
qvid festinas mi geta Probus attribue la réplique à Sostrata, Asper n'est pas d'avis que l'esclave répond à tout mais pense que c'est la nourrice qui dit cela. Quant à festinas il veut dire perturbaris (tu es troublé) et commotus es (tu es remué).

324
animam recipe. Ge.-prorsus... So.-quid istuc prorsus ergo est? Ge.-...perimus891!
Reprends ton souffle. Gé.-Nous sommes complètement... So.-Eh bien quoi, « complètement » ? Gé.-...perdus !

1 prorsvs apta κόμματα fesso et anhelanti ob perturbationem et contentum cursum. 2 animam recipe quod in lectione gestu ostendi minime potuit, id ex uerbis Sostratae ostenditur in Geta. nam ideo dicitur animam recipe, quod ille prae anhelitu crebriora uerba continuare non possit. 3 perimvs actvm est iam bina uerba iunguntur. 4 perimvs actvm est uerba sunt desperationis, nam actum est dicitur in ea re, de qua iam sit lata sententia.
1 prorsvs segments de phrase (κόμματα) qui conviennent à un personnage épuisé et à bout de souffle à cause de son trouble et de la course qu'il vient de faire. 2 animam recipe ce qui à la lecture ne pouvait guère être montré par un geste est montré, par les mots de Sostrata, à propos de Géta. Car si elle dit animam recipe, c'est parce que Géta, du fait de son essoufflement, ne peut pas tenir une conversation serrée. 3 perimvs actvm est cette fois ce sont deux verbes qui sont associés464. 4 perimvs actvm est ce sont des verbes de désespoir, car actum est se dit d'une affaire qui a déjà connu son verdict.

325
actum est. So.-eloquere ergo, obsecro te, quid sit? Ge.-iam... So.-quid iam, Geta?
C'en est fait. So.-Eh bien parle, je t'en conjure, de quoi s'agit-il ? Gé.-Désormais... So.-Eh bien quoi, « désormais », Géta ?

1 eloqvere obsecro te bene eloquere, nam conatur tantum, quod nec explicatur nec intellegitur; cui uitio contraria uirtus est eloquentia. 2 Iam hic plus gestu quam dictu agitur, quia, ut supra diximus, et lassus est qui nuntiat et integratur dolor nuntii, cum apud illam loquitur, ad quam maxime calamitas pertinet: quo dolore uox plerumque subtrahitur atque singultit. 3 Et simul dat iam signum perditarum rerum.
1 eloqvere obsecro te eloquere est bon car il ne fait qu'entreprendre un propos qui reste inexpliqué et incompréhensible ; or la qualité contraire de ce défaut est l'éloquence (eloquentia). 2 Ici il est question davantage de gestes que de paroles parce que, comme nous l'avons dit ci-dessus, d'une part le messager est épuisé et d'autre part est restituée intacte la douleur que cause le message, lorsque l'on parle devant la personne qui est le plus concernée par le malheur : cette douleur très souvent fait défaillir la voix et la fait hoqueter. 3 Et en même temps il signale l'état désespéré de la situation.

326
Ge.-...Aeschinus... So.-quid is ergo? Ge.-...alienus est ab nostra familia. So.-hem!
Gé.-...Eschine... So.-Eh bien qu'est-ce qu'il a ? Gé.-...est étranger à notre famille. So.-Hein ?

alienvs est a nostra familia bene alienus: Getae enim ipsi iam dominus, Sostratae gener, Pamphilae maritus uocabatur.
alienvs est a nostra familia alienus est bon : car pour Géta lui-même c'est un maître, pour Sostrata un gendre, pour Pamphila un mari qu'Eschine avait vocation à devenir.

327
perii. qua re? Ge.-amare occepit aliam. So.-uae miserae mihi!
Je suis perdue. Pourquoi ? Gé.-Il s'est mis à en aimer une autre. So.-Aïe pauvre de moi !

1 vae miserae mihi interponitur mulieris affectus nouo nuntio. 2 amare occepit aliam peius est amare occepit quam amat; nam in eo quod dixit occepit augmenta mali metuenda sunt, ut in principiis quae auctum recipiunt non statim imminutionem spectant. 3 Et occepit magnum facinus dixit.
1 vae miserae mihi vient s'interposer au milieu de l'annonce de la nouvelle une marque féminine d'affect. 2 amare coepit aliam c'est pire de dire amare coepit que de dire amat (il aime) ; car dans le mot occepit on doit craindre une aggravation du malheur, de même que dans les commencements, ce qui est en cours d'accroissement ne vise pas immédiatement la diminution465. 3 Et occepit signale un grand forfait.

328
Ge.-neque id occulte fert, ab lenone ipsus eripuit palam.
Gé.-Et il ne s'en cache pas, il l'a enlevée lui-même à un proxénète, ouvertement.

1 ab lenone ipsvs eripvit sic nuntiat, ut ultima peiora sint. 2 Et his argumentis uult probare, quod immodice amauit Aeschinus et paene plus quam amauit uirginem; nam pudori qui non consulit, amat. quis autem magis potuit impudens esse, quam qui post honestum amorem ab lenone amet? hoc enim significat meretricem. 3 Ergo non honestam sed ab lenone, non per alium, sed ipsus, nec emit aut abduxit, sed ob impatientiam ualde amantis eripuit, neque id occulte, ut qui celaret factum, tamquam satisfacturus uxori uideretur, sed palam. [ 4 ab lenone ipsvs eripvit sic nuntiat, ut ultima peiora sint.]
1 ab lenone ipsvs eripvit il fait son annonce de manière à ce que le pire soit à la fin. 2 Et en argumentant ainsi, il veut prouver qu'Eschine aime sans mesure et presque davantage qu'il n'a aimé la jeune fille ; car qui ne se soucie pas de l'honneur est amoureux. Or qui pourrait davantage manquer à l'honneur que celui qui, après un amour décent, va aimer "chez le proxénète" (ab lenone) ? Car cela implique qu'il s'agit d'une courtisane. 3 Donc il ne dit pas honnête mais chez le proxénète (ab lenone), non par l'intermédiaire d'un autre, mais lui-même (ipsus), et il ne l'a pas achetée ni enlevée, mais à cause de son impatience d'amoureux fou, arrachée (eripuit), et il ne l'a pas fait en cachette (occulte), comme quelqu'un qui dissimulerait le fait pour paraître avoir des égards pour son épouse, mais ouvertement (palam)466. 4 ab lenone ipsvs eripvit il fait son annonce de manière à ce que le pire soit à la fin467.

329
So.-satin hoc certum est? Ge.-certe hisce oculis egomet uidi, Sostrata. So.-ah
So.-La chose est-elle prouvée ? Gé.-La preuve, c'est que je l'ai vu faire moi-même de mes yeux, Sostrata. So.-Ah !

1 satin hoc certvm est magnis malis non statim creditur. hoc ergo ex dolore dixit, quod stupet audiens, non quia non habet fidem. 2 hisce ocvlis ἰδιωτισμός asseuerantis. 3 ah interiectio est flentis.
1 satin hoc certvm est on ne croit pas immédiatement aux grands malheurs. Donc elle dit cela de douleur, parce qu'elle est stupéfaite de ce qu'elle entend, et non pas parce qu'elle n'y accorde pas foi. 2 hisce ocvlis particularisme (ἰδιωτισμός) de celui qui fait une assertion. 3 ah interjection de quelqu'un qui pleure.

330
me miseram! quid iam credas? aut cui credas? nostrumne Aeschinum,
que je suis malheureuse ! Que croire désormais ? ou qui croire ? notre cher Eschine,

1 me miseram qvid iam credas mira affectio, nam lacrimae non sinunt finiri sensum. 2 qvid credas avt cvi credas fides aut personae qualitate seruatur, si grauis persona est cui creditur, aut ipsius rei qualitate, si ea res creditur, in qua fallere cui creditur aut non debet aut non potest. hic ergo mire in utroque dixit iam fidem nullam esse: et in persona et in re. quod etiam Vergilius transtulit breuiusque dixit «  nusquam tuta fides 170 », hoc est nec in re nec in persona; et hic ipse in Heautontimorumeno «  pro Iuppiter, ubinam est fides? 171 ». 3 nostrvmne aeschinvm nostram vitam omnivm ἐλλειπτικῶς omnia, quia fletus impedit uerba. deest autem hoc fecisse uel tale quid.
1 me miseram qvid iam credas étonnante affection, car les larmes ne laissent pas la phrase se finir. 2 qvid credas avt cvi credas le crédit est garanti soit par la qualité de la personne, si c'est une personne sérieuse que l'on croit, soit par la qualité de la chose même, si ce qu'on croit est une chose dans laquelle celui qu'on croit ne doit ni ne peut tromper. Donc ici, étonnamment, c'est sur les deux aspects qu'elle dit qu'il n'y a plus de crédit : ni dans la personne, ni dans la chose. C'est ce que Virgile a aussi transcrit et dit de façon plus ramassée : « nusquam tuta fides » (la confiance n'est plus en sûreté nulle part), c'est-à-dire ni dans une chose ni dans une personne ; et Térence lui-même dans L'Héautontimorouménos : « pro Iuppiter, ubinam est fides ? » (par Jupiter, où est donc passée la confiance ?)468. 3 nostrvmne aeschinvm nostram vitam omnivm le tout de façon elliptique (ἐλλειπτικῶς), parce que les pleurs empêchent les mots. Or il manque hoc fecisse (qu'il ait fait cela !) ou quelque chose de ce genre.

331
nostram uitam omnium892, in quo nostrae spes opesque omnes sitae
notre vie à tous, sur qui reposaient tous nos espoirs et toutes nos ressources,

sitae erant sitae positae; nam situm est quicquid in loco suo positum non euertitur.
sitae erant sitae veut dire "placées" ; car on dit qu'est situm tout ce qui, mis à sa place, ne se fait pas renverser.

332
erant, qui sine hac iurabat se unum numquam uicturum diem,
qui jurait que sans elle il ne pourrait vivre un seul jour,

333
qui se in sui gremio positurum puerum dicebat patris,
qui disait qu'il irait déposer son bébé dans le giron de son père,

1 qvi se in svi gremio positvrvm pvervm puerum dixit si puer nasceretur, non quia diuinabat. ad uotum ergo cupientis rettulit puerum, non quia necesse erat marem nasci. 2 Et haec omnia magno stupore dicuntur ad exaggerandam perfidiam illius cui creditur et dolorem eorum qui crediderunt.
1 qvi se in svi gremio positvrvm pvervm il disait puer pour le cas où lui naîtrait un enfant, non pas parce qu'il en devinait le sexe. Donc il rapporte le mot puer au souhait du père qui désire un fils, non parce qu'il était nécessaire que ce fût un garçon469. 2 Et toute la réplique se dit dans un état de grande stupeur pour exagérer la perfidie de celui en qui l'on avait confiance et la douleur de ceux qui avaient eu confiance.

334
ita obsecraturum ut liceret hanc sibi uxorem ducere!
qu'il le supplierait tant qu'on le laisserait l'épouser !

335
Ge.-era, lacrimas mitte ac potius quod ad hanc rem opus est porro prospice;
Gé.-Maîtresse, oublie tes larmes et regarde plutôt vers l'avant ce qu'il convient de faire ;

1 era lacrimas mitte ac potivs qvod ad hanc rem opvs est hinc Vergilius «  non lacrimis h. hoc t. tempus a. ait S. Saturnia I. Iuno 172 »; sentit autem non lacrimis agendum ubi consilio est opus. 2 porro prospice porro in reliquum, deinde uel in futurum. porro enim ordinis et temporis aduerbium est, non coniunctio.
1 era lacrimas mitte ac potivs qvod ad hanc rem opvs est d'où Virgile : « non lacrimis hoc tempus ait Saturnia Iuno » (ce n'est pas le temps des larmes, dit Junon fille de Saturne) ; il sent qu'il n'y a que faire des larmes quand il est besoin de réflexion. 2 porro prospice porro c'est pour ce qui reste, ensuite même dans le futur. Car porro est un adverbe logique et un adverbe de temps, non une conjonction470.

336
patiamurne an narremus cuipiam? Ca.-au au, mi homo, sanusne es?
faut-il souffrir en silence ou bien le divulguer ? Ca.-Holà, mon gaillard, as-tu toute ta tête ?

1 av mi homo sanvsne es hoc ex persona nutricis legendum est: illa enim dissimulandam rem putat. 2 mi pro meus.
1 av mi homo sanvsne es il faut faire dire cela au personnage de la nourrice : car c'est elle qui est d'avis qu'il faut dissimuler l'affaire. 2 mi pour meus471.

337
an hoc proferendum tibi uidetur usquam? Ge.-mihi quidem non placet.
Crois-tu vraiment qu'il faille publier n'importe où cette histoire ? Gé.-Non, ça ne me dit rien qui vaille.

an hoc proferendvm tibi videtvr
an hoc proferendvm tibi videtvr 472

338
iam primum illum alieno animo a nobis esse res ipsa indicat.
D'abord, que son cœur se soit éloigné de nous, l'événement même le montre.

339
nunc si hoc palam proferimus, ille infitias ibit, sat scio;
Du coup, si nous publions la chose au grand jour, lui fera du déni, je le sais bien ;

340
tua fama et gnatae uita in dubium ueniet. tum si maxime
c'est ta réputation et la vie de ta fille qui seront en cause. Et puis quand bien même

1 tva fama et gnatae vita tibi enim crimini erit uitiatam esse filiam, illi uero etiam oberit. 2 Et utrum uitam salutem dicit? 3 in dvbivm in periculum.
1 tva fama et gnatae vita car on te reprochera que ta fille ait été déshonorée, mais à elle aussi cela fera tort. 2 Et est-ce que par uitam il veut dire salutem (le bien-être) ? 3 in dvbivm en danger.

341
fateatur, cum amet aliam, non est utile hanc illi dari.
il avouerait, dès lors qu'il en aime une autre, il n'est pas utile que ce soit notre jeune maîtresse qui lui soit donnée en mariage.

fateatvr "uitiasse filiam". et complexio est dipleuros 96 oratoria, in qua utrum concesseris, contrarium tollis cogiturque quod ex altera parte sit, hoc est tacere.
fateatvr "qu'il a déshonoré ta fille". Et c'est un dilemme oratoire (complexio dipleuros)473 dans lequel, quoi qu'on ait concédé, on prend le contraire et force l'autre option, qui consiste à se taire.

342
quapropter quoquo pacto tacito est opus. So.-ah minime gentium!
Aussi, quoi qu'il en soit, il faut se taire. So.-Ah non ! Pas le moins du monde !

qvapropter qvoqvo pacto tacito est opvs ah minime gentivm97 congrue et pro persona et pro muliere et in malis constantem esse demonstrat.
qvapropter qvoqvo pacto tacito est opvs ah minime gentivm bien dans le ton et du personnage et d'une femme, elle montre que même dans le malheur il faut être constant.

343
non faciam. Ge.-quid ages? So.-proferam. Ca.-hem! mea Sostrata, uide quam rem agis.
Je n'en ferai rien. Gé.-Que feras-tu ? So.-Je vais divulguer la chose. Ca.-Hein ? Ma Sostrata, songe à ce que tu fais.

non faciam non faciam dixit pro non tacebo, quasi tacere actionem aliquam habeat. sed moralis significatio est et communis omnibus, sicut aduocatum dicimus male fecisse, quia tacuerit.
non faciam elle dit non faciam au lieu de non tacebo (je ne me tairai pas), comme si se taire recelait quelque action que ce soit. Mais c'est un sens moral et commun à tous, comme quand nous disons d'un avocat qu'il a "mal agi" parce qu'il s'est tu474.

344
So.-peiore res loco non potest893 esse quam in quo nunc sita est:
So.-La situation ne peut pas être en plus mauvaise posture qu'elle ne l'est actuellement :

1 peiore res loco non potest esse satis argute poeta facit inter Getam et Sostratam sententias ex perturbatione nutare. 2 qvam in qvo nvnc sita est causa nihil timendi.
1 peiore res loco non potest esse de façon assez subtile, le poète fait changer Géta et Sostrata d'avis sous l'effet du trouble. 2 qvam in qvo nvnc sita est raison pour n'avoir peur de rien.

345
primum indotata est; tum praeterea, quae secunda ei dos erat,
d'abord, elle est sans dot ; et puis en plus, ce qui était pour elle comme une seconde dot,

1 primvm indotata est ratio subiecta est causae. 2 Et indotatam modo pauperem dicit. 3 tvm qvae secvnda ei dos erat uidelicet «  pro uirgine dari nuptum 173 ». 4 Et incerta distinctio est; etenim erat si98 distinguimus, bis audiendum pro uirgine dari nuptum.
1 primvm indotata est la raison est mise sous la cause. 2 Et indotata veut parfois dire "pauvre". 3 tvm qvae secvnda ei dos erat évidemment « pro uirgine dari nuptum ». 4 Et la ponctuation n'est pas sûre ; de fait, si nous ponctuons après erat, il faut entendre deux fois pro uirgine dari nuptum.

346
periit; pro uirgine dari nuptum non potest. hoc reliquum est:
est perdu : on ne peut plus la donner à marier pour vierge. Mais il reste ceci :

1 non potest iungemus dari nuptum non potest. 2 pro virgine dari nvptvm id est uirgo, ut «  nunc plane est pro noua 174 » id est noua99. 3 An100 nec uirgo nec pro uirgine potest nubere? nec uirgo quia uitiata est, nec pro uirgine quia diffamata est res.
1 non potest nous accrocherons dari nuptum non potest. 2 pro virgine dari nvptvm c'est-à-dire vierge, comme dans : « nunc plane est pro noua » (on la donne aujourd'hui pour neuve), c'est-à-dire neuve475. 3 Ou bien est-elle empêchée d'épouser parce qu'elle n'est pas vierge ni ne peut passer pour vierge ? Elle n'est pas vierge puisqu'elle a été déshonorée, elle ne peut pas passer pour vierge parce que l'affaire a été ébruitée476.

347
si infitias ibit, testis est mecum894 anulus quem amiserat.
s'il fait du déni, j'ai pour témoin l'anneau qu'il avait perdu.

1 si infitias ibit si negabit. 2 testis est mecvm anvlvs locutio haec sic capienda est, hoc est "anulus pro me testis est" uel sic "anulus mecum101 testes sumus" sed melius quod supra.
1 si infitias ibit s'il vient à nier. 2 testis est mecvm anvlvs il faut ainsi comprendre cette expresion, à savoir : "anulus pro me testis est" (l'anneau est un témoin en ma faveur", ou ainsi "anulus mecum testes sumus" (l'anneau et moi en sommes témoins). Mais la première solution est meilleure477.

348
postremo quando ego conscia sum mihi895, a me culpam esse hanc procul,
Enfin, du moment que j'ai ma conscience pour moi sachant que je ne suis pas en faute dans cette affaire,

postremo qvando ego conscia svm mihi quando pro quoniam uel quandoquidem.
postremo qvando ego conscia svm mihi quando vaut quoniam (puisque) ou quandoquidem (dès lors que).

349
neque pretium neque rem ullam intercessisse illa aut me indignam, Geta,
qu'aucun avantage n'est intervenu ni rien qui puisse faire honte à elle ou à moi, Géta,

1 neqve rem vllam hoc est internuntium, pactum, donum aut promissum. 2 Et bene totum exsecratiue dixit, ut alii facinore102 abhorreant. 3 illa filia scilicet.
1 neqve rem vllam à savoir un négociateur, un contrat, un cadeau, une promesse. 2 Et elle fait bien de dire le tout sur un ton de malédiction, pour détourner autrui de mal agir. 3 illa sa fille implicitement.

350
experiar. Ge.-quid istic? accedo, ut melius dicas896. So.-tu quantum potes897
j'esterai. Gé.-Que dire à cela ? Je cède à tes bons arguments. So.-Et toi fais ton possible,

1 experiar "apud iudices agam". 2 qvid istic uerbum est aegre consentientis, quasi qui dicat: "quid istic resistam?". 3 accedo vt melivs dicas hoc est: "ut consentiam, ueluti melius potens sis dicere". 4 qvantvm potes deest cito, ut sit "quantum potes cito abi".
1 experiar "je plaiderai devant les juges". 2 qvid istic c'est le mot de quelqu'un qui consent du bout des lèvres, comme quelqu'un qui dirait : "quid istic resistam ?" (que rétorquer à ça ?). 3 accedo vt melivs dicas c'est-à-dire : "j'en viens à m'accorder avec toi de la même façon que tu es capable de t'exprimer au mieux". 4 qvantvm potes il manque cito (vite), pour faire "quantum potes cito abi" (va-t'en au plus vite).

351
abi atque Hegioni cognato huius rem enarrato omnem ordine;
va chez Hégion le parent de ma fille et raconte-lui l'affaire comme elle s'est passée ;

1 atqve hegioni apud Menandrum Sostratae frater inducitur. 2 hvivs filiae suae scilicet.
1 atqve hegioni chez Ménandre, c'est le frère de Sostrata qui est mis sur scène. 2 hvivs de sa fille, implicitement.

352
nam is nostro Simulo fuit summus et nos coluit maxime.
car il était intime de notre cher Simulus et il nous a beaucoup choyées.

1 simvlo nomen patris puellae est, diminutiuum a Simo uel a Simone. et nota nomen in palliata fabula Latine diminutum. 2 simvlo fvit svmmvs summus an ad cognatum an ad amicum refertur? an absolute, ut in Eunucho «  plurima salute Parmenonem summum suum impertit Gnatho 175 »? 3 et nos colvit maxime miserabilius coluit quam si diceret colit. Vergilius «  per caput h. hoc i. iuro p. per q. quod p. pater a. ante s. solebat 176 ». colere autem et maioribus et minoribus conuenit, ut posthabita coluisse Samo 177.
1 simvlo c'est le nom du père de la jeune fille, diminutif de Simus ou de Simon. Et remarquez que le nom, dans une palliata, a un diminutif latin478. 2 simvlo fvit svmmvs summus se rapporte-t-il au degré de parenté ou au degré d'amitié ? ou est-il utilisé tout seul, comme dans L'Eunuque : « plurima salute Parmenonem summum suum impertit Gnatho » ? 3 et nos colvit maxime cela fait plus pitié de mettre coluit au passé que de dire colit au présent. Ainsi Virgile : « per caput hoc iuro per quod pater ante solebat » (je jure par cette tête par laquelle mon père jurait autrefois). Quant à colere, il convient autant aux grandes qu'aux petites choses, comme dans « posthabita coluisse Samo » (elle l'a honorée en la préférant à Samos).

353
Ge.-nam hercle alius nemo respicit nos. So.-propera tu, mea Canthara,
Gé.-Oui, ma foi, personne d'autre ne nous respecte ainsi. So.-Et toi, dépêche-toi, ma chère Canthara,

1 nos monosyllabo finit exprimens uultuosam pronuntiationem. 2 tv mea canthara tristis ac seriae feminae blandimentum est mea magis quam pronomen possessiuum. deest enim cara uel quid tale, quod additum pronomen faceret mea.
1 nos il finit sur un monosyllabe, en usant d'une prononciation avec des grimaces. 2 tv mea canthara c'est le mot caressant d'une femme triste et sérieuse que ce mea, plus que ne le serait le pronom possessif. Car il manque cara (chère) ou quelque chose de ce genre qui, si on l'ajoutait, ferait de mea un pronom.

354
curre, obstetricem accerse, ut cum opus sit ne in mora nobis siet.
cours, va chercher la sage-femme pour que, quand il le faudra, elle ne nous fasse pas attendre.

1 cvrre mire dictum aniculae curre. 2 vt cvm opvs sit hoc est: "cum adesse coeperit partus". 3 ne in mora nobis siet locutio103 qualis supra104.
1 cvrre c'est étrange de dire à une petite vieille curre. 2 vt cvm opvs sit c'est-à-dire : "quand le travail d'accouchement aura commencé". 3 ne in mora nobis siet expression du même genre que plus haut479.

scaena tertia

Demea Syrus

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355
De.-disperii: Ctesiphonem audiui filium
Dé.-Je suis fichu : je viens d'apprendre que mon fils Ctésiphon

disperii ctesiphonem avdivi filivm hic ostenditur, quod seueri homines ac recti et honesti tenaces uel ridiculi sint uel odio habeantur, quoquo accesserint. magno autem affectu et quasi exclamans addidit filium, quasi causam redderet, cur dixerit disperii.
disperii ctesiphonem avdivi filivm la scène montre que les hommes austères, droits et honorables sont obstinés ou ridicules ou se font détester, à quelque décision qu'ils soient arrivés. Et c'est avec beaucoup de passion et presque en poussant une exclamation qu'il ajoute filium, comme s'il donnait la raison du fait qu'il ait dit disperii.

356
una fuisse898 in raptione cum Aeschino.
a participé au rapt avec Eschine.

vna fvisse in raptione cvm aeschino οἰκονομία, in qua ostenditur, quantum commouebitur Demea ipsa re comperta, cum ex parua rei suspicione tantum se afficiat. raptio autem ad personam refertur, rapina ad rem, raptus ad stuprum, si proprie uolumus loqui.
vna fvisse in raptione cvm aeschino préparation (οἰκονομία) par laquelle on montre quelle pourra être l'émotion de Déméa quand il aura une connaissance pleine et entière de l'affaire, dans la mesure où à partir d'un mince soupçon il en vient à être à ce point affecté. Raptio (rapt) se rapporte à une personne, rapina (larcin) à une chose, raptus (viol) à l'acte de déshonorer, si nous voulons nous exprimer proprement480.

357
id misero restat mihi mali, si illum potest,
il ne manque plus à mon malheur que, s'il le peut, celui

1 id misero restat bene restat, tamquam iam summum mali sit Aeschinum esse corruptum. 2 Et misero mihi quasi qui nihil nesciat nihil curante Micione. 3 si illvm potest non dubitat uelle et ideo potest dicit.
1 id misero restat restat est bon, comme si encore le malheur suprême était qu'Eschine est corrompu. 2 Et il dit misero mihi en homme qui n'ignore rien, alors que Micion ne s'occupe de rien. 3 si illvm potest il ne doute pas de sa volonté, c'est pourquoi il dit potest.

358
qui alicui rei est etiam, eum ad nequitiam899 adducere.
qui valait encore quelque chose, l'autre ne le pousse à être un vaurien.

1 qvi alicvi rei est recte, de hoc enim supra dixit «  non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium? 178 ». 2 etiam evm ad neqvitiam addvcere quasi inuitum dixit non uocare sed adducere. ducimus enim etiam orantes, adducimus inuitos. nequitia autem proprie libidinosa inertia dicta est, quod nihil queat nullique rei apta sit. unde et nugae quod nihil agant uel a non agendo.
1 qvi alicvi rei est c'est exact, car il a dit de Ctésiphon ci-dessus « non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum et sobrium ? ». 2 etiam evm ad neqvitiam addvcere comme si c'était malgré lui, il dit non pas uocare (il l'invite), mais adducere. De fait, nous amenons (ducimus) même des gens qui nous en prient, mais nous poussons (adducimus) les gens malgré eux. Quant au mot nequitia, au sens propre d'inertie libidineuse, il s'applique étymologiquement à un état qui nihil queat (ne peut rien faire) et n'est apte à rien. De la même façon aussi on dit nugae (balivernes), parce que l'on ne fait rien (nihil agant) ou par dérivation de non agere (ne rien faire) 481.

359
ubi ego illum quaeram? credo abductum in ganeum
Où dois-je le chercher ? je suppose qu'on l'aura emmené dans un bouge

1 vbi ego illvm qvaeram credo abdvctvm non isse eum dicit sed abductum esse, ut adhuc culpa non sit illius. 2 in ganevm ganeum ueteres tabernam meretricum dixerunt ἀπὸ τῆς γαίας, τουτέστι γῆς, eo quidem quod ipsa sit in terra, non in cenacula superius. unde et taberna quasi trabena a ualidioribus dicta trabibus, quibus superiora suspensa sunt.
1 vbi ego illvm qvaeram credo abdvctvm il ne dit pas qu'il y est "allé" (isse) mais qu'il y a été "emmené" (abductum), de sorte que ce n'est toujours pas de sa faute. 2 in ganevm ganeum, pour les Anciens, est le nom d'une taverne à filles qui vient de γαῖα, c'est-à-dire γῆ (terre) (ἀπὸ τῆς γαίας, τουτέστι γῆς), du fait que cette salle se trouve dans la terre et non pas dans l'étage du dessus. De là également le mot taberna, pour ainsi dire trabena, tire son nom des poutres (trabes) solides sur lesquelles les étages supérieurs sont suspendus482.

360
aliquo: persuasit ille impurus, sat scio.
quelque part : l'autre débauché l'aura persuadé, pour sûr.

1 persvasit ille impvrvs suademus facilia, persuademus difficilia. 2 Et suadere facientis est, persuadere perficientis. 3 impvrvs pro improbo ponitur apud Terentium. 4 Et hic quoque excusata uoluntas est Ctesiphonis, cui a maiore fratre et improbo ingesta sit persuasione nequitia.
1 persvasit ille impvrvs nous conseillons (suademus) de faire des choses faciles, mais nous persuadons (persuademus) d'en faire des difficiles. 2 Et suadere (conseiller) est le propre de quelqu'un qui fait quelque chose, persuadere le propre de quelqu'un qui achève quelque chose483. 3 impvrvs équivaut à improbus (malhonnête) chez Térence. 4 Et ici encore est mise hors de cause l'intention de Ctésiphon, chez qui la mauvaise conduite a été insufflée de façon persuasive par son malhonnête de frère aîné.

361
sed eccum Syrum ire uideo: iam hinc scibo ubi siet.
Mais voilà Syrus que je vois arriver ; j'en apprendrai bien où se trouve mon fils.

1 sed eccvm syrvm ire video ire et abire et uenire significat. 2 ire video ire pro uenire, ut «  nec uero Aeacidem me sum l. laetatus e. euntem a. accepisse 179 »105.
1 sed eccvm syrvm ire video ire signifie à la fois "s'en aller" (abire) et "venir" (uenire). 2 ire video ire est mis pour uenire (venir), comme dans « nec uero Aeacidem me sum laetatus euntem accepisse » (je ne me suis pas réjoui d'avoir accueilli le fils d'Eaque484).

362
atque hercle hic de grege illo est: si me senserit
Mais ma foi, il est de leur bande ; si jamais il sent que je

1 atqve hercle hic de grege illo est ἐπανάλημψις figura. 2 de grege illo est ordo uel bonorum uel malorum dicitur et grauium, ut equester ordo, senatorius ordo; grex uel bonorum uel malorum et leuium est, ut Cicero «  in his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri impudicique uersantur 180 ».
1 atqve hercle hic de grege illo est figure d'épanalepse (ἐπανάλημψις). 2 de grege illo est ordo s'emploie en parlant d'hommes importants, soit bons soit mauvais, comme dans equester ordo, senatorius ordo (ordre équestre, ordre sénatorial), alors que grex s'emploie en parlant d'hommes sans importance, soit bons soit mauvais, comme dans Cicéron : « in his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri impudicique uersantur » (dans ces jolies bandes se trouvaient tous les joueurs, tous les dépravés et les débauchés).

363
eum quaeritare, numquam dicet carnifex.
suis à sa recherche, il ne parlera jamais, le bourreau.

1 qvaeritare instanter quaerere. 2 carnifex pro ganeo positum est.
1 qvaeritare rechercher instamment. 2 carnifex mis pour ganeum (bordel)485.

364
non ostendam id me uelle. Sy.-...omnem rem modo seni
Je ne vais pas lui montrer ce que je veux. Sy.-...toute l'affaire, à l'instant, au vieillard,

non ostendam id me velle scilicet "scire ubi siet".
non ostendam id me velle implicitement "savoir où il est".

365
quo pacto haberet enarramus ordine:
comme elle s'est passée, nous l'avons racontée par le menu.

1 qvo pacto haberet enarramvs ordine hoc recte, quia dixerat Micio «  nisi quicquid est uolo scire atque hominem conuenire, si apud forum est 181 ». 2 enarramvs pro enarrauimus, ut «  omnis humo fumat N. Neptunia T. Troia 182 ». 2 Et ordine bene, quia simpliciter fatetur. fallax autem et captiosa narratio est, quando timemus fateri.
1 qvo pacto haberet enarramvs ordine c'est justement dit, parce que Micion avait dit : « nisi quicquid est uolo scire atque hominem conuenire, si apud forum est ». 2 enarramvs mis pour enarrauimus, comme dans « omnis humo fumat Neptunia Troia » (toute la Neptunienne Troie fait monter sa fumée du sol)486. 2 Et ordine bien dit, parce qu'il fait un aveu simple et sans détour. Au contraire, le récit est trompeur et captieux quand nous craignons d'avouer.

366
nihil quicquam uidi laetius... De.-pro Iuppiter,
Je n'ai rien vu, rien, de plus enjoué... Dé.-Par Jupiter,

nihil qvicqvam vidi laetivs quartum παρέλκον.
nihil qvicqvam vidi laetivs pléonasme (παρέλκον) de quatrième catégorie487.

367
hominis stultitiam! Sy.-collaudauit filium;
l'idiotie de ce bonhomme ! Sy.-Il a félicité son fils ;

1 hominis stvltitiam scilicet quia laetatur ignorans «  ubi Aeschinus siet 183 ». 2 collavdavit filivm plus est: non solum non accusauit, sed et collaudauit.
1 hominis stvltitiam évidemment parce que Micion se réjouit sans savoir « où se trouve Eschine ». 2 collavdavit filivm il en rajoute : non seulement il ne l'accuse pas mais en plus il l'en félicite.

368
mihi, qui id dedissem consilium, egit gratias.
moi, qui avais donné ce conseil, il m'a remercié.

369
De.-disrumpor. Sy.-argentum adnumerauit ilico;
Dé.-J'éclate ! Sy.-Il a compté la somme séance tenante ;

1 disrvmpor mire: his enim uerbis commouetur collaudauit, et egit gratias. et uide αὔξησιν stomachi reseruatam. 2 argentvm envmeravit contra illud est «  cur tu his rebus sumptum suggeris? 184 ». 3 Et non solum inquit enumerauit, sed quod peius est ilico.
1 disrvmpor c'est paradoxal : car les mots qui suscitent son émotion sont collaudauit et egit gratias. Et voyez comment l'amplification (αὔξησιν) de la colère est ménagée. 2 argentvm envmeravit c'est l'attitude contraire de la réplique : « cur tu his rebus sumptum suggeris ? ». 3 Et non seulement il dit enumerauit, mais, ce qui est pire, ilico.

370
dedit praeterea in sumptum dimidium minae:
il a donné en plus pour des faux frais une demi-mine :

371
id distributum sane est ex sententia. De.-hem!
ça a été ventilé exactement selon mon idée. Dé.-Hein !

id distribvtvm sane est ex sententia distributum in diuersa tributum, hoc est dispertitum per pulmentaria.
id distribvtvm sane est ex sententia distributum signifie "distribué pour servir à plusieurs usages", c'est-à-dire "ventilé entre différents petits plats".

372
huic mandes, si quid recte curatum uelis!
voilà bien le type à qui il faut confier ce dont tu veux prendre soin !

hvic mandes si qvid recte cvratvm velis εἰρωνεία est maioris stomachi, quia ille dixit «  ea distributum 185 », id est, ut iudicat Demea, non distributum106, dilapidatum. sic alibi «  columen familiae, bone custos, salue 186 ».
hvic mandes si qvid recte cvratvm velis c'est là de l'ironie (εἰρωνεία) due à une colère importante, parce que Syrus avait dit « ea distributum », c'est-à-dire, au jugement de Déméa, non pas "réparti" mais "gaspillé". De même ailleurs : « columen familiae, bone custos, salue ».

373
Sy.-hem900 Demea, haud aspexeram te; quid agitur?
Sy.-Tiens, Déméa, je ne t'avais pas aperçu ; comment ça va ?

1 hem demea hem interiectio est commoti et quasi perculsi re subita et noua. 2 qvid agitvr blandientis est, non interrogantis, ut alibi «  o noster, quid fit? quid agitur? 187 ».
1 hem demea hem est l'interjection d'un personnage ébranlé et comme frappé à l'annonce d'une nouvelle soudaine. 2 qvid agitvr formule de sympathie et non pas d'interrogation véritable, comme ailleurs : « o noster, quid fit ? quid agitur ? »488.

374
De.-quid agatur? uostram nequeo mirari satis
Dé.-Comment ça va ? Je ne parviens pas à m'étonner assez de votre

1 neqveo mirari satis mira sunt etiam illa, quae uehementer praua sunt, et ideo mirari pro horrere ac reprehendere positum est. 2 Et «  rationem 188 » ἰδιωτικῶς dixit malam, cum non sit ratio nisi bona. sed sic loquitur populus.
1 neqveo mirari satis on qualifie de mira également les choses qui sont résolument mauvaises, et du coup ici mirari est mis pour "éprouver et blâmer". 2 Et rationem est dit de façon particulière (ἰδιωτικῶς) en mauvaise part, alors qu'il ne saurait y avoir de raison que bonne. Mais c'est ainsi que s'exprime le peuple.

375
rationem. Sy.-est hercle inepta, ne dicam dolo, atque
manière d'être. Sy.-Ma foi, elle est idiote, pour parler sans détour, et

1 est hercle inepta hoc ad senem. 2 ne dicam dolo "ne mentiar", hoc est "quasi ex contrario dicere uidear, sed ut sedulo dicam". 3 atqve absvrda ineptum est stultum tantum, absurdum quod et stultum est et in ipsa stultitia diuersum et quasi repugnans sibi. sic ergo locutus est, ut uideatur ineptam rationem ad Aeschinum referre, absurdam ad Micionem, quoniam stultum fieri contrarium107 senectuti est.
1 est hercle inepta s'adresse au vieillard. 2 ne dicam dolo "sans mentir", c'est-à-dire "comme si tout en semblant dire le contraire je parlais en fait franchement". 3 atqve absvrda ineptus signifie seulement stupide, absurdus ce qui est stupide et en même temps, dans le cadre de la stupidité, incohérent et presque contadictoire. Donc il dit cela dans l'idée, en parlant d'ineptie, d'évoquer Eschine et, en parlant d'absurdité, d'évoquer Micion, puisque le fait de devenir stupide est incompatible avec la vieillesse489.

376
absurda. pisces ceteros purga, Dromo;
absurde. Nettoie les autres poissons, Dromon ;

377
congrum istum maximum in aqua sinito ludere
quant à cet énorme congre-là, laisse-le jouer dans l'eau

1 congrvm istvm maximvm διαστολή, quia erant alii non maximi; ut e contrario «  argitisque minor 189 », quia est et maior. nam istum quod ait δεικτικόν est; uidetur enim ostendere digito, quem dicat. 2 in aqva sinito lvdere pavlisper sic ostenditur bene obsonasse, qui uiuos attulit pisces; nam non ludit piscis nisi uiuus.
1 congrvm istvm maximvm distinction (διαστολή), parce qu'il y avait d'autres congres qui n'étaient pas très grands ; de même pour le contraire : « argitisque minor » (et la petite vigne blanche), parce qu'il en existe une grande. Car le istum qu'il dit est déictique (δεικτικόν) ; en effet il semble montrer du doigt lequel il veut dire490 . 2 in aqva sinito lvdere pavlisper il montre par là qu'il a fait un bon marché puisqu'il a rapporté des poissons vivants ; car un poisson ne joue que s'il est vivant.

378
paulisper901; ubi ego uenero, exossabitur;
un petit peu ; quand je reviendrai, on lui enlèvera ses arêtes ;

379
prius nolo. De.-haecine flagitia! Sy.-mihi quidem non placet902,
mais pas avant. Dé.-Ce scandale ! Sy.-Moi non plus je n'aime pas ça,

1 privs nolo superbe et pro auctoritate non dixit non oportet sed nolo. subauditur autem purgari eum. 2 Et nihil ex mora corruptelae accessurum pisci ex eo ostendit, quod ait ludere, hoc est uiuere et non laesum uiuere; non enim dixit natare, quod possunt etiam languidi pisces. ipse etiam planum fecit, quid sit purga dicendo exossabitur. purga igitur exossa significat, non ut quidam putant exossabitur, comedetur. 3 mihi qvidem non placet rursus hoc ad senem. et uide quam totum superbe et confidenter dixerit ob amicitiam omnium dominorum excepto uno Demea, quem tam de illis contemnit.
1 privs nolo avec orgueil et du fait de son autorité, il n'a pas dit non oportet (il ne faut pas), mais nolo. Et on sous-entend "qu'on le prépare". 2 Et il montre que le poisson n'est pas du tout gâté par une attente trop longue en disant qu'il joue, c'est-à-dire qu'il est vivant, et qu'il est vivant sans être blessé ; car il ne dit pas qu'il flotte, ce que même des poissons en mauvais état peuvent faire. Il clarifie aussi lui-même le sens de purga en disant exossabitur. Purga donc signifie exossa (désosse), au contraire de ceux qui croient qu'exossabitur signifie comedetur (on le mangera). 3 mihi qvidem non placet s'adresse à nouveau au vieillard. Et voyez avec quel orgueil et quelle confiance en lui il a dit l'ensemble, en raison de l'amitié qui le lie à tous les maîtres, à l'exception du seul Déméa, qu'il méprise tant sur ces questions.

380
et clamo saepe. salsamenta haec, Stephanio,
et je le crie souvent. Cette salaison, Stéphanion,

1 salsamenta hoc ad discipulum. 2 salsamenta aut salsi pisces aut lardum. 3 salsamenta haec stephanio in tota comoedia opera danda est, ut stomachetur Demea, excepto quod se ipse in fine commutat. haec ergo causa, quare Syrus quoque illi obicitur magnifice inferens se ut luxuriosum licentemque seruum, praesertim qui adolescentum paedagogus fuerit.
1 salsamenta s'adresse au jeune apprenti. 2 salsamenta ou des harengs saurs ou du lard. 3 salsamenta haec stephanio dans toute la comédie, il faut veiller à faire enrager Déméa, sauf au moment où, à la fin, il s'amende. C'est la raison pour laquelle Syrus aussi est placé en travers de son chemin, avec sa manière très grand style de se montrer un esclave exubérant et permissif, surtout après avoir été le pédagogue de jeunes gens.

381
fac macerentur pulchre. De.-di uostram fidem!
fais-la joliment macérer. Dé.-Bonté divine !

382
utrum studione id sibi habet an laudi putat
est-ce qu'il pense qu'il sera homme de goût ou glorieux

1 vtrvm stvdione aut ordo est utrumne aut est παρέλκον tertium aut uero per ἔλλειψιν accipitur, quasi dicat utrum est? aut utrum uerum est? quod qui accipit, utrum subdistinguat et separet a sequentibus necesse est. 2 vtrvm stvdione aut utrum superuacuum est aut ne aut certe τμῆσις figura est pro utrumne. 3 stvdione id sibi habet si sciens laedit filium? 4 lavdi pvtat quia decipit.
1 vtrvm stvdione soit l'ordre des mots est utrumne, soit c'est un pléonasme (παρέλκον) de troisième catégorie, soit cela se comprend avec une ellipse (per ἔλλειψιν), comme s'il disait utrum est ? (en est-il ainsi ?) ou utrum uerum est ? (est-ce vrai ?), ce qui oblige l'auditeur à ponctuer après utrum et à le séparer de ce qui suit. 2 vtrvm stvdione soit utrum est superflu, soit c'est ne soit du moins c'est une figure de tmèse (τμῆσις) pour utrumne491. 3 stvdione id sibi habet si en conscience il lèse son fils ? 4 lavdi pvtat parce qu'il déçoit.

383
fore, si perdiderit gnatum? uae misero mihi!
d'avoir causé la perte de son fils ? Aïe, pauvre de moi !

1 si perdiderit gnatvm et magno affectu non dixit Aeschinum et mire non addidit, cuius gnatum. 2 vae misero mihi hoc est quod supra dixit «  aegre est, alienus non sum 190 ».
1 si perdiderit gnatvm d'une part, avec beaucoup d'affect, il n'a pas dit Aeschinum, d'autre part il n'a pas ajouté du fils de qui il parlait. 2 vae misero mihi cela reprend ce qu'il a dit ci-dessus : « aegre est, alienus non sum. »

384
uidere uideor iam diem illum, cum hinc egens
j'ai l'impression de déjà voir le jour où d'ici, ruiné,

videre videor iam diem illvm illum dixit quasi quendam tristem ac funestum.
videre videor iam diem illvm il dit illum comme pour désigner un jour triste et funeste.

385
profugiet aliquo militatum. Sy.-o Demea!
il s'enfuira pour s'engager quelque part comme soldat. Sy.-O Déméa !

386
istuc est sapere, non quod ante pedes modo est
la sagesse c'est de ne pas seulement voir ce qu'on a devant les pieds,

non qvod ante pedes modo est videre hoc sumpsit poeta de illo in physicum peruulgato ancillae dicto «  quod ante pedes est, non uident: caeli scrutantur plagas 191 ».
non qvod ante pedes modo est videre le poète a tiré cette expression du bon mot bien connu de la servante au naturaliste : « quod ante pedes est, non uident : caeli scrutantur plagas » (ils ne voient pas ce qui est à leurs pieds, car ils scrutent les zones du ciel)492.

387
uidere, sed etiam illa quae futura sunt
mais aussi de se projeter dans l'avenir.

sed etiam illa qvae fvtvra svnt magis ridicula est assentatio, si quis maxime laudetur quibus maxime caret.
sed etiam illa qvae fvtvra svnt la flagornerie est plus drôle si on loue quelqu'un particulièrement pour des qualités dont il est particulièrement dépourvu.

388
prospicere. De.-quid? istaec iam penes uos psaltria est?
Dé.-Bon alors, cette musicienne, elle est maintenant entre vos mains ?

qvid istaec iam penes vos psaltria est dicendo istaec ostendit iamdudum hac se indignari.
qvid istaec iam penes vos psaltria est en disant istaec, il montre que cela fait quelque temps déjà qu'il s'indigne de la présence de cette musicienne.

389
Sy.-ellam intus. De.-eho, an domi est habiturus? Sy.-credo, ut est
Sy.-Oui, elle est là-bas dedans. Dé.-Hé ! il compte la prendre chez lui ? Sy.-Je crois, étant donné sa

1 ellam intvs ut «  ellum confidens catus 192 ». 2 an domi est habitvrvs proprie, quia haberi uxor dicitur et haberi mulier, cum coit. 3 credo vt est dementia sic et in Eunucho: et nominatiuus et septimus casus potest esse. si septimus, subaudias praeditus aut quid tale; sed melius nominatiuum accipimus casum.
1 ellam intvs comme dans : « ellum confidens catus »493. 2 an domi est habitvrvs au sens propre, parce qu'on dit qu'on prend une épouse (haberi) et qu'on prend une femme (haberi), au moment d'un rapport sexuel. 3 credo vt est dementia c'est comme dans L'Eunuque : le mot peut être un nominatif ou un ablatif. Si c'est un ablatif, il faut sous-entendre praeditus (pourvu de) ou quelque chose d'équivalent ; mais nous comprenons mieux avec le nominatif494.

390
dementia. De.-haecine fieri! Sy.-inepta lenitas
folie. Dé.-Qu'on puisse faire une chose pareille ! Sy.-Indulgence insensée

1 inepta lenitas patris et facilitas prava lenitas ad permittendum, facilitas ad ignoscendum. 2 Sic quidam; sed ego lenitatem ad Micionem refero, qui haec leniter patitur, facilitatem ad Aeschinum, cui haec per licentiam facilitas datur. prauum autem est quod ipsum laedit facientem, malum quod alios tantum.
1 inepta lenitas patris et facilitas prava indulgence (lenitas) pour permettre, facilité (facilitas) à pardonner. 2 C'est l'opinion de certains ; mais moi je rapporte lenitas à Micion, qui accepte cela avec indulgence, facilitas à Eschine, à qui cette facilité est octroyée par laxisme. Quant à prauus, il désigne quelque chose qui fait du tort à celui même qui le fait, malus (mauvais) ce qui fait du tort aussi à autrui.

391
patris et facilitas praua. De.-fratris me quidem
d'un père ! laxisme coupable ! Dé.-Mon frère me fait vraiment

1 fratris me qvidem piget pvdetqve pudet in his quae turpiter facit, piget in his quae cum damno ac malo. 2 Et pudere ad dedecus, pigere ad dolorem refertur. 3 Pudet quod turpe est, piget quod dolet.
1 fratris me qvidem piget pvdetqve il a honte à l'égard de ce qu'il fait de façon lamentable, il est contrarié à l'égard de ses dépenses et pertes. 2 Et pudere réfère au déshonneur, pigere à la douleur. 3 On a honte (pudet) de ce qui est lamentable, on est contrarié (piget) de ce qui fait mal.

392
pudet pigetque903. Sy.-nimium inter uos, Demea, ac
honte et me contrarie. Sy.-Il y a entre vous, Déméa, trop

nimivm inter vos d. demea μετὰ διορθώσεως 108: nunc enim redditum est quod supra debebatur. et praeterea repetendo nimium confirmauit superius dictum et τὸ κρεμάμενον109 soluit.
nimivm inter vos demea avec rectification (μετὰ διορθώσεως) : car ici est donné ce qui était attendu ci-dessus. Et en outre, en répétant nimium, il confirme ce qui était dit ci-dessus et met un terme à la suspension (τὸ κρεμάμενον)495.

393
(non quia ades praesens dico hoc) pernimium interest.
(je ne dis pas cela parce que tu es ici présent), oui, vraiment trop de différence :

394
tu quantus quantus es nihil nisi sapientia es,
toi, dans toute ta personne, tu n'es que sagesse,

1 tv qvantvs qvantvs110 id est quantuscumque. 2 nihil nisi sapientia ridicule prius additum nihil quam quicquam laudis nomine; deinde si sapiens dixisset, non tanta esset irrisio. 3 Sed ὑπερβολή: "stultus es". 4 nihil nisi sapientia es ille somnivm nec tu sapiens sed sapientia, nec ille somniculosus, sed somnium: ὑπερβολή.
tv qvantvs qvantvs c'est-à-dire quantuscumque (quelque grand que tu sois). 2 nihil nisi sapientia pour faire rire il met nihil avant quoi que ce soit d'élogieux sous la forme d'un nom496 ; ensuite, s'il avait dit sapiens (sage), la raillerie aurait été moins forte. 3 Mais c'est une hyperbole (ὑπερβολή) : "tu es stupide". 4 nihil nisi sapientia es ille somnivm pas plus qu'il n'avait dit tu sapiens mais sapientia, il ne dit ille somniculosus (c'est un rêveur), mais somnium : hyperbole (ὑπερβολή)497.

395
ille somnium. sineres uero illum tu904 tuum
et lui un mauvais rêve. Toi, pour de vrai, tu aurais autorisé ton fils

1 sineres vero illvm tvvm ab argumento fabulae repetit sineres nunc. 2 Et εἰρωνικῶς interrogat.
1 sineres vero illvm tvvm en partant de l'argument de la pièce, il répète ici sineres. 2 Et il fait une interrogation ironique (εἰρωνικῶς)498.

396
facere haec? De.-sinerem illum? aut non totis sex905 mensibus
à faire ça ? Dé.-Moi, l'autoriser ? est-ce que je n'aurais pas, six longs mois

1 totis sex mensibvs totis quasi longi sint. 2 Hoc est integris, ut ne unum quidem diem minus a sex mensibus sciat, quid coepturus sit filius: nimis comica et moralis asseueratio.
1 totis sex mensibvs totis comme s'ils étaient longs. 2 C'est-à-dire entiers, au point de savoir, sans manquer un seul jour sur les six mois, ce que son fils a l'intention d'entreprendre : l'assertion est fort comique et caractéristique.

397
prius olfecissem, quam ille quicquam coeperit906?
avant qu'il n'ait entrepris quoi que ce soit, dûment flairé la chose ?

1 qvam ille qvicqvam coeperit multum dixit et ante sex menses et olfecissem et prius quam coeperit non fecerit111. 2 Et totum ridicule; nam quid olfecisset, qui nondum scire coepisset cuiusque naribus nihil obiectum fuisset? nam ideo nares dictae a naritate, quia nos odoratu doceant praesto et prope esse, quod oculi adhuc non uident.
1 qvam ille qvicqvam coeperit il dit beaucoup de choses : dans les six mois, et olfecissem et prius quam coeperit, non pas "qu'il ait agi". 2 Et c'est tout à fait risible ; car que pourrait-il avoir flairé, celui qui n'a pas encore commencé à savoir quoi que ce soit et aux narines de qui rien n'est encore arrivé ? Car les narines (nares) tirent leur nom de naritas (connaissance), parce que les narines nous enseignent grâce à l'odeur que se trouve là ou à côté quelque chose que les yeux ne voient pas encore499.

398
Sy.-uigilantiam tuam tu mihi narras? De.-sic siet
Sy.-Que me vantes-tu ta vigilance ? Dé.-Qu'il en aille

1 vigilantiam tvam tv mihi narras id est: quam maxime scio. 2 sic siet modo vt nvnc est non dicit qui. ergo respice ad argumentum et ridebis haec optantem Demeam.
1 vigilantiam tvam tv mihi narras c'est-à-dire "que je connais fort bien". 2 sic siet modo vt nvnc est il ne continue pas celui qui... Donc regardez l'argument et vous rirez de ce souhait de Déméa500.

399
modo ut nunc est, quaeso. Sy.-ut quisque suum uult esse, ita est.
toujours comme aujourd'hui, voilà ma demande. Sy.-Chacun a les enfants qu'il souhaite.

vt qvisqve svvm vvlt esse ita est hae sunt sententiae et semper hyperbolicae et pro personis ridiculae. Plautus in Milite glorioso «  nimia est miseria, nimis pulchrum esse hominem 193 ».
vt qvisqve svvm vvlt esse ita est ce sont là des maximes, toujours hyperboliques et, en considération du personnage qui les prononce, risibles. Plaute, dans Le Soldat fanfaron : « nimia est miseria, nimis pulchrum esse hominem » (c'est une belle misère d'être un trop bel homme !).

400
De.-quid eum? uidistin hodie? Sy.-tuumne filium?
Dé.-Et lui ? Tu l'as vu aujourd'hui ? Sy.-Qui ? Ton fils ?

1 qvid evm vidistin hodie quid eum? initium interrogationis fururae de persona alicuius. sic in Heautontimorumeno «  sed Syrum -quid eum? 194 ». 2 tvvmne filivm hoc clare. 3 tvvmne filivm moris est, ut qui cogitat quid respondeat, interrogatione remoretur.
1 qvid evm vidistin hodie quid eum ? marque le début d'une question future sur la personne de quelqu'un. Ainsi dans L'Héautontimorouménos : « sed Syrum -quid eum ? » (Mais Syrus... -Quoi, Syrus ?). 2 tvvmne filivm cela à haute voix501. 3 tvvmne filivm c'est un trait de caractère pour celui qui réfléchit à sa réponse de gagner du temps en posant une question.

401
abigam hinc rus. iam dudum aliquid ruri agere arbitror.
Il faut que je le chasse à la campagne. Cela fait quelque temps déjà qu'il trime aux champs, je crois.

1 abigam hinc rvs ut pecudem dixit abigam, non ut hominem mittam. 2 abigam hoc lentius. 3 Et abigam dixit, ut abactores dicti. Cicero in Verrinis «  equarum greges istum abigendos curasse 195 ». 4 iam dvdvm aliqvid rvri hoc clare. 5 aliqvid rvri agere arbitror hoc plus est quam illic esse: uult enim cum laude eius loqui, ut supra «  rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium 196 ». 6 Et agere proprie dixit, nam ab agendo ager dictus est, quod in eo multa agenda sunt.
1 abigam hinc rvs il dit abigam comme pour parler d'une bête, et non pas mittam (j'enverrai) comme pour parler d'un être humain. 2 abigam il dit cela plus bas. 3 Et il dit abigam, comme on parle des abactores (voleurs de troupeaux). Cicéron dans les Verrines : « equarum greges istum abigendos curasse » (que c'est lui qui s'est occupé de rabattre des troupeaux de juments). 4 iam dvdvm aliqvid rvri cela à haute voix. 5 aliqvid rvri agere arbitror c'est plus que illic esse (il est là-bas) : car il veut parler de lui de façon élogieuse, comme ci-dessus : « rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium ». 6 Et il dit agere au sens propre, car c'est d'agere que vient le mot ager (champ), parce qu'on y a beaucoup de choses à faire502.

402
De.-satin scis ibi esse? Sy.-oh, quem egomet produxi. De.-optime est;
Dé.-Et tu es sûr qu'il y est ? Sy.-Ben, c'est moi qui l'y ai envoyé ! Dé.-Bon, tant mieux ;

qvem egomet prodvxi mutata praepositione non deduxi sed produxi dixit, id est porro duxi.
qvem egomet prodvxi par changement du préfixe, il ne dit pas deduxi (je l'ai détourné) mais produxi, c'est-à-dire porro duxi (je l'ai conduit vers l'avant).

403
metui ne haereret hic. Sy.-atque iratum admodum.
j'avais peur qu'il reste collé par ici. Sy.-Et très en colère.

metvi ne haereret hic et haec translatio ut subleuat Ctesiphonem ita Aeschino inuidiosa est; nam haeret auis non animo nec uoluntate, sed uisco decipientis aucupis.
metvi ne haereret hic et cette métaphore à la fois rehausse Ctésiphon et rabaisse Eschine ; car c'est l'oiseau qui reste collé, sans intention et sans le vouloir, mais sous l'effet de la glu du chasseur qui l'a piégé.

404
De.-quid autem? Sy.-adortus est iurgio fratrem apud forum
Dé.-Pourquoi donc ? Sy.-Il s'est disputé avec son frère sur la place

1 qvid avtem quid quare uel ob quam causam. Vergilius «  quid ueniant 197 ». cui contrarium est idem significans «  id quod te oro 198 »112. 2 adortvs est ivrgio aggredimur de longinquo, adorimur ex insidiis et ex proximo. nam adoriri est quasi ad alienum oriri, id est exsurgere.
1 qvid avtem quid signifie quare (pourquoi) ou ob quam causam (pour quelle raison). Ainsi chez Virgile : « quid ueniant » (pourquoi ils viennent). Dans un contexte contraire avec la même signification : « id te oro ». 2 adortvs est ivrgio nous attaquons (aggredimur) depuis une longue distance, nous assaillons (adorimur) depuis une embûche et de tout près. Car adoriri c'est aller vers autrui en sortant (oriri), c'est-à-dire surgir (exsurgere)503.

405
de psaltria istac. De.-ain uero? Sy.-uah, nihil reticuit.
au sujet de cette danseuse. Dé.-Pour de bon ? Sy.-Houlà ! il n'a rien omis.

1 nihil reticvit mirum enim minorem fratrem non pepercisse maiori nec reticuisse quidquid erat opus. 2 de psaltria istac hic mire senem imitatus est et memoriter, quia ille dixerat «  quid? istaec iam penes uos psaltria est? 199 ».
1 nihil reticvit on peut de fait s'étonner que le jeune frère n'ait pas eu pitié de son aîné et n'ait pas passé sous silence ce qu'il aurait fallu. 2 de psaltria istac ici, de façon remarquable, il imite le vieillard et le cite par cœur, parce que le vieillard avait dit : « quid ? istaec iam penes uos psaltria est ? »504.

406
nam ut numerabatur forte argentum, interuenit
Car alors qu'on se trouvait à compter l'argent, arrive

1 intervenit homo de improviso interuenire est in medio negotio quasi ex insidiis superuenire et opprimere in ipso actu eos, qui rem celatam uellent. 2 Et uide, quam oratorie narrat gestionem rei, quae numquam facta sit; his enim fides fit113.
1 intervenit homo de improviso interuenire c'est survenir au beau milieu d'une affaire, comme dans une embuscade, et prendre sur le fait ceux qui auraient voulu que la chose reste secrète. 2 Et voyez avec quel talent oratoire il raconte comment s'est passé un événement qui n'a pas eu lieu ; car par là même on le croit.

407
homo de inprouiso: coepit clamare « o Aeschine!
notre homme à l'improviste ; il commence à crier : « Eschine !

1 coepit clamare ἠθικῶς totum, et coepit clamare et quod sequitur. 2 aeschine haecine flagitia facere te a persona accusatio. et uide pondus in nomine Aeschini.
1 coepit clamare tout est conforme au caractère (ἠθικῶς), et coepit clamare et la suite. 2 aeschine haecine flagitia facere te accusation par la personne. Et voyez quel poids prend le nom d'Eschine505.

408
haecine flagitia facere te! haec te admittere
Toi, faire un tel scandale ! toi laisser faire

1 haec te admittere αὔξησις, nam plus est admittere quam facere. 2 haec te admittere indigna pronum est haec statim credere «  Demeam de eo, quem et superius laudauerit non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium? 200 », unde mira poetae arte et initia et media et postrema sibi congruunt atque respondent.
1 haec te admittere amplification (αὔξησις), car il y a plus de force dans admittere que dans facere506. 2 haec te admittere indigna il est facile d'obtenir que Déméa croie aussitôt ce qui est dit d'un garçon dont il a également fait l'éloge ci-dessus : « non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium ? », ce qui fait que, grâce à la remarquable technique du poète, le début, le milieu et la fin sont homogènes et se répondent.

409
indigna genere nostro! » De.-lacrimor prae907 gaudio.
des choses indignes de notre famille ! ». Dé.-Je pleure de joie !

lacrimor prae gavdio immoderata laetitia et maxime parentum lacrimas habet. recte ergo additum gaudio, quia solum lacrimor maerorem significat.
lacrimor prae gavdio une joie importante, et surtout celle de parents, fait naître des larmes. Il a donc raison d'ajouter gaudio, parce que lacrimor tout seul dénote la tristesse.

410
Sy.-« non tu hoc argentum perdis, sed uitam tuam ».
Sy.-« Ce n'est pas de l'argent que tu perds, c'est toi-même ! ».

non tv hoc argentvm perdis sed vitam tvam haec figura oratoria δεινότης dicitur; etenim ostenditur non esse mediocre quod factum est.
non tv hoc argentvm perdis sed vitam tvam cette figure rhétorique s'appelle habileté ( δεινότης ) ; en effet, on montre que l'acte accompli n'est pas de médiocre importance507.

411
De.-saluus sit! spero, est similis maiorum suum. Sy.-hui!
Dé.-Qu'il soit sauvé ! j'ai de l'espoir, il ressemble à ses ancêtre. Sy.-Fichtre !

hvi quasi admiretur ipse, quae narrat.
hvi comme s'il était admiratif de son propre récit.

412
De.-Syre, praeceptorum plenus est istorum ille. Sy.-phi908!
Dé.-Syrus, il est rempli de ces maximes-là. Sy.-Diantre !

1 syre praeceptorvm plenvs est istorvm ille uide Demeam non desinere culpam Aeschini in Micionem conferre, cum e contrario praeceptorum suorum uult esse quod sapit Ctesipho. 2 Et istorvm "quae dicis" scilicet «  non tu hoc argentum perdis 201 » etc. 3 phi interiectio est mirantis.
1 syre praeceptorvm plenvs est istorvm ille voyez que Déméa ne cesse pas de faire porter la faute d'Eschine sur Micion, alors qu'au contraire il prétend que c'est du fait de ses leçons morales que Ctésiphon est sage. 3 Et istorvm désigne "les choses que tu dis"508, à savoir : « non tu hoc argentum perdis » etc. 3 phi interjection d'étonnement.

413
domi habuit unde disceret. De.-fit sedulo:
c'est qu'il avait à la maison un bon maître. Dé.-On fait comme on peut :

1 domi habvit vnde disceret id est "te". 2 fit sedvlo ἠθικῶς dictum est fit. 3 Et sedvlo "sine dolo", id est "instanter", quia neglegentes dolosi dicuntur.
1 domi habvit vnde disceret c'est-à-dire "toi"509. 2 fit sedvlo fit est dit en conformité avec son caractère (ἠθικῶς)510. 3 Et sedvlo "sans tricher" (sine dolo), c'est-à-dire "instamment", parce que les négligents sont appelés dolosi511.

414
nil praetermitto; consuefacio; denique
je ne laisse rien passer ; je l'habitue ; finalement

415
inspicere tamquam in speculum uitas hominum909
je l'incite à regarder comme dans un miroir la vie des autres

inspicere tamqvam in specvlvm vitas hominvm ivbeo uidendum, an recte speculum induxerit, cum alienas uitas dicit inspiciendas esse; nisi forte hoc ad causam admouendi speculi, non ad effectum referemus. nam causa inspiciendi speculi emendatio est uultus, affectus formae per imaginem resultatio.
inspicere tamqvam in specvlvm vitas hominvm ivbeo il faut examiner si l'emploi de speculum (miroir) est correct, alors qu'il dit que c'est la vie d'autrui qu'il faut regarder ; mais peut-être est-ce à la cause du déplacement du miroir, non à son effet, que nous renverrons. Car la cause pour laquelle on regarde un miroir, c'est la volonté d'améliorer son visage, l'effet c'est le résultat de la forme à travers l'image512.

416
iubeo atque ex aliis sumere exemplum sibi:
et à y prendre des exemples pour lui-même :

417
« hoc facito ». Sy.-recte sane. De.-« hoc fugito ». Sy.-callide.
« Fais ceci ». Sy.-Fort bien. Dé.-« Evite cela ». Sy.-Habile.

1 callide callidus dictus est etiam qui exercet dolos. 2 Callidus dicitur, qui callum sibi usu artis induxerit.
1 callide on qualifie de callidus (rusé) y compris celui qui fait des fourberies. 2 On appelle callidus celui qui, à force de faire son métier, s'est fait un cal (callum)513.

418
De.-« hoc laudi est ». Sy.-istaec res est. De.-« hoc uitio datur ».
Dé.- « Ça c'est louable ». Sy.-Bonne chose. Dé.- « Ça c'est blâmable ».

1 hoc lavdi est et hoc vitio datvr non philosophice, sed ciuiliter monet; non enim dicit hoc bonum est sed hoc laudi est, nec hoc malum est sed hoc uitio datur. 2 Ergo ut idioticus et comicus pater, non ut sapiens et praeceptor. 3 istaec res est non quam rem gerit Micio; non enim utilem agit. et significat: "hoc uerum est, hoc utile est".
1 hoc lavdi est et hoc vitio datvr c'est un conseil non pas de philosophe mais de citoyen ; car il ne dit pas hoc bonum est (c'est cela le bien), mais hoc laudi est, ni hoc malum est (c'est cela le mal), mais hoc uitio datur. 2 Donc il parle en simple particulier et en père de comédie, non en sage et en éducateur514. 3 istaec res est et non pas ce que fait Micion515, car il ne fait rien d'utile. Le sens est : "voilà la vérité, voilà l'utilité".

419
Sy.-probissime. De.-porro autem... Sy.-non hercle otium est
Sy.-Remarquable. Dé.-Et aussi... Sy.-Ma foi, je n'ai pas le temps,

1 porro avtem prope delinitus erat Demea contra institutum argumenti. artificiose igitur poeta subiecit ex persona serui, unde illum ad amaritudinem prouocet. 2 Et porro autem, at, uero et huiusmodi principia sunt narrationum, quibus superiora sequentibus conectuntur.
1 porro avtem Déméa était presque radouci, contre l'intérêt de l'intrigue. Donc avec savoir-faire le poète soumet au personnage de l'esclave un moyen de le pousser à l'aigreur. 2 Et porro signifie autem (mais), at (mais), uero (mais) et les mots de ce type inaugurent des récits grâce auxquels ce qui précède est relié à ce qui suit.

420
nunc mi auscultandi; pisces ex sententia
tout de suite, de t'écouter ; j'ai trouvé des poissons à mon idée :

421
nactus sum: i mihi ne corrumpantur cautio est;
je dois veiller à ce qu'ils ne pourrissent pas ;

422
nam id nobis tam flagitium est quam illa, Demea,
car pour nous, il y a à cela autant de déshonneur, Déméa, qu'il y en a

1 nam id nobis tam flagitivm est non dixit peccatum irridens senem, sed flagitium. 2 Et quid est flagitium? corrumpi pisces uel talia.
1 nam id nobis tam flagitivm est il ne dit pas peccatum (erreur) en se moquant du vieillard, mais flagitium. 2 Et en quoi consiste le scandale ? A laisser pourrir des poissons ou autres choses de cet acabit.

423
non facere uobis, quae modo dixti, et quod queo
pour vous à ne pas faire ce que tu disais à l'instant, et, autant que je puis,

qvod qveo "quod possum". sed sic maluit dicere, ut alludentem se de sua arte fecisset Syrus114 et hac re ostenderet nihil ab illo dici serio; quod queo enim a coquendo παρόμοιον sumpsit. sic et infra «  sedulo moneo, quae possum pro mea sapientia 202 ». et Ciceronis dictum refertur in eum, qui coqui filius secum causas agebat «  tu quoque aderas huic causae 203 »; nam apud ueteres coquus non per C litteram, sed per Q scribebatur.
qvod qveo "ce que je peux". Mais il préfère le dire ainsi de sorte que Syrus s'est représenté comme faisant allusion à son propre métier et que Térence montre que même en cette affaire il ne saurait rien dire de sérieux ; car quod queo est choisi en raison d'une paronomase (παρόμοιον) avec coquo (cuisiner). De même aussi ci-dessous : « sedulo moneo, quae possum pro mea sapientia ». Et on rappelle le bon mot de Cicéron à l'égard de celui qui, fils de cuisinier, plaidait avec lui : « tu quoque aderas huic causae » (toi aussi tu étais à ce procès) ; car chez les Anciens coquus (cuisinier) s'écrivait non avec un C mais avec un Q516.

424
conseruis ad eundem istum praecipio modum:
je donne à mes collègues esclaves des leçons du même tonneau :

ad evndem istvm praecipio modvm arguta imitatio ad deridendum Demeam omnium, quae ille serio supra dixerat.
ad evndem istvm praecipio modvm imitation précise, pour faire rire de Déméa, de tout ce que ce dernier avait dit de façon sérieuse ci-dessus.

425
« hoc salsum est, hoc adustum est, hoc lautum est parum:
« cela est salé, cela est brûlé, cela est trop peu apprêté ;

1 hoc salsvm est hoc advstvm hoc coniuncte et contexte dicitur, quia non uicissim Syro assentatur senex. 2 lavtvm lauatum115.
1 hoc salsvm est hoc advstvm cela est dit de façon liée et enchaînée, parce que le vieillard n'approuve pas à chaque fois. 2 lavtvm équivaut à lauatum (lavé).

426
illud recte; iterum sic memento ». sedulo
ça c'est bien ; souviens-t'en pour la prochaine fois ». Avec zèle,

427
moneo, quae possum pro mea sapientia;
je prodigue les conseils que je peux, en fonction de mon goût ;

pro mea sapientia διασυρτικῶς sapientia dixit, quia condimenta gustu et sapore temperant coqui.
pro mea sapientia il dit sapientia de façon moqueuse (διασυρτικῶς), parce que les cuisiniers mélangent les condiments en goût et en saveur517.

428
postremo tamquam in speculum in patinas, Demea,
enfin, comme dans un miroir, c'est dans les casseroles, Déméa,

429
inspicere iubeo et moneo quid facto opus siet910.
que je les incite à regarder et leur dis ce qu'il faut faire.

inspicere ivbeo et moneo qvid facto opvs siet et hic speculum non ad imaginem uultus, sed ad contuitum contrapositae rei rettulit.
inspicere ivbeo et moneo qvid facto opvs siet et cette fois, le miroir (speculum) ne renvoie pas à l'image du visage, mais au reflet de ce qui est posé en face.

430
inepta haec esse nos quae facimus sentio;
Qu'il y ait de l'ineptie à ce que nous faisons, je m'en aperçois bien ;

1 nos qvae facimvs non coqui sed Micio Aeschinus et familia. 2 An nos pro domini posuit? an nos pro ego? et hoc melius. 3 sentio cum dilatione et uultuose dicendum sentio.
1 nos qvae facimvs non pas nous, les cuisiniers, mais Micion, Eschine et la maisonnée. 2 Ou bien a-t-il mis nos pour domini (nous les maîtres) ? Ou nos pour ego ? Cette solution est meilleure. 3 sentio c'est avec enflure et des grimaces qu'il faut dire sentio.

431
uerum quid facias? ut homo est, ita morem geras.
mais qu'y faire ? Les gens sont comme ils sont, on doit faire avec.

1 vervm qvid facias quid facias pro quid faciat unus quisque scilicet. 2 vt homo est ita morem geras utrum seruis aptum prouerbium an amicis, ut «  obsequium amicos, ueritas odium parit 204 »? 3 Et haec sententia modo uelut querela demissa uoce proferenda est.
1 vervm qvid facias quid facias pour quid faciat unus quisque (que peut faire chacun ?), évidemment518. 2 vt homo est ita morem geras est-ce aux esclaves que s'applique ce proverbe, ou aux amis, comme : « obsequium amicos, ueritas odium parit » ? 3 Et cette maxime doit être prononcée seulement comme une plainte, en baissant la voix.

432
numquid uis? De.-mentem uobis meliorem dari.
Tu veux autre chose ? Dé.-Oui, qu'on vous fasse cadeau d'une meilleure mentalité.

mentem vobis meliorem dari πρὸς τὸ numquid uis respondit agresti ueritate; nam respondendum erat recte aut ualeas. sed hic, ne uel abiens blandus esset, pro salutationibus ipsis amara supponit. et memento nunc etiam eundem insalutatum relinquere, qui adueniens paulo ante nec salutauerit nec resalutauerit fratrem. meliorem autem pro bona ac tolerabiliore posuit; non enim bonam credit, ut meliorem optet. sic et Vergilius «  di meliora piis e. erroremque h. hostibus i. illum 205 ».
mentem vobis meliorem dari répond au (πρὸς τὸ) numquid uis à la façon d'un vrai paysan ; car il aurait fallu répondre recte (ça va) ou ualeas (adieu). Mais lui, pour ne pas être agréable même au moment de prendre congé, remplace les formules de salutation par des paroles amères. Et rappelez-vous que maintenant encore ce même Déméa laisse son interlocuteur sans le saluer, lui qui peu auparavant à son arrivée n'avait pas salué son frère ni ne lui avait rendu son salut519. Quant à melior, il le met pour bona (bonne) et tolerabilior (plus acceptable) ; car il ne la juge pas bonne, puisqu'il la souhaite meilleure. Ainsi également chez Virgile : « di meliora piis erroremque hostibus illum » (dieux, donnez des choses meilleures aux fidèles et cet égarement aux ennemis !).

433
Sy.-tu rus hinc ibis? De.-recta. Sy.-nam quid tu hic agas
Sy.-Et toi, tu ne vas pas aller à la campagne ? Dé.-Si, de ce pas. Sy.-De fait, que pourrais-tu faire ici

1 tv rvs hinc abis uult Syrus nosse, an eat. 2 nam qvid tv hic agas addidit hortatum, ut quam primum abeat. 3 tv rvs hinc abis qui consuetudinis memor est, animaduertit has interrogationes non inquirendi causa poni, sed admonitionis loco esse apud eos, quos uelimus abscedere. sic igitur interrogat, ut hortetur, et sic pronuntiat, ut et fiat et amplietur, quod facit.
1 tv rvs hinc abis Syrus veut savoir s'il va y aller. 2 nam qvid tv hic agas il ajoute un encouragement, pour que Déméa s'en aille au plus vite. 3 tv rvs hinc abis celui qui se souvient de l'usage, remarque que ces sortes d'interrogations ne servent pas à questionner mais servent d'avertissement à ceux qu'on souhaiterait voir partir. Donc il pose des questions pour prodiguer en fait un encouragement, et prononce cet énoncé pour que se réalise et s'amplifie ce qu'il fait520.

434
ubi si quid bene praecipias, nemo obtemperat911?
où, quelque bon conseil que tu donnes, personne ne t'écoute ?

435
De.-ego uero hinc abeo, quando is, quam ob rem huc ueneram
Dé.-Je m'en vais donc, puisque celui pourquoi j'étais venu

qvando is qvam ob rem noua locutio is quam ob rem pro is propter quem. sic et alibi «  in eo me oblecto, solum id est carum mihi 206 ».
qvando is qvam ob rem expression inédite que ce is quam ob rem au lieu de is propter quem (celui à cause de qui). De même aussi ailleurs : « in eo me oblecto, solum id est carum mihi »521.

436
rus abiit: illum curo unum, ille ad me attinet.
est parti à la campagne : c'est de lui seul que j'ai souci, lui seul m'importe.

illvm cvro vnvm cum exceptione unum. et tamen sic loquitur, ut appareat non posse illum sibi imperare obliuionem Aeschini. nam idcirco addidit «  quando ita uult frater, de istoc ipse uiderit 207 ».
illvm cvro vnvm il dit unum pour marquer une exception. Mais en même temps, il le dit de telle façon qu'on comprend qu'il n'arrive pas à s'obliger à oublier Eschine. C'est pour cette raison qu'il ajoute « quando ita uult frater, de istoc ipse uiderit ».

437
quando ita uult frater, de istoc ipse uiderit.
Et puisque mon frère le veut ainsi, pour ce qui est de l'autre, qu'il y veille lui-même !

Amare coeperat et ideo tenet, nam «  ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti 208 »116.
Il commençait à avoir de l'affection pour lui et il se retient, car : « ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti ».

438
sed quis illic est, quem uideo procul? estne Hegio
Mais qui est-ce là que je vois là-bas ? N'est-ce pas Hégion

sed qvis illic est qvem video procvl estne hegio inuenta causa est, cur non abeat Demea propter reliquam fabulae partem, et simul117 aliud quod indignetur inueniat. bene autem dubitat esse familiarem ciuem ut multum absens a conspectu ciuium.
sed qvis illic est qvem video procvl estne hegio c'est une trouvaille pour empêcher Déméa de s'en aller, à cause de la suite de la pièce, et en même temps pour qu'il trouve un autre motif d'indignation. Et c'est bien de le faire hésiter à reconnaître un citoyen de ses amis, lui qui est souvent à l'écart du regard de ses concitoyens.

439
tribulis noster? si satis cerno, is hercle est: uah!
de la même tribu que moi ? Si je vois bien, c'est bien lui ; youpi !

440
homo amicus nobis iam inde a puero. di boni!
C'est un ami d'enfance. Bonté divine !

441
ne illius modi iam912 magna nobis ciuium
Des citoyens de cette trempe, aujourd'hui, il y en a un grand

1 ne illivs modi magna nobis penvria est ne ualde; illius modi cuiusmodi Hegio est id est qualis. 2 Et magna οἰκονομίᾳ senex laudatur, ut postulationi eius statim adsit fides.
1 ne illivs modi magna nobis penvria est ne signifie ualde ; illius modi signifie "de la façon dont est Hégion", c'est-à-dire qualis (tel qu'il est). 2 Et c'est avec un grand sens de la préparation (οἰκονομίᾳ) qu'est fait l'éloge du vieil Hégion, afin que sa demande soit aussitôt digne de confiance.

442
penuria est! homo antiqua uirtute ac fide.
besoin ! Un homme à la vertu et à la loyauté antiques !

443
haud cito mali quid ortum ex hoc sit publice.
Ce n'est pas de sitôt qu'on le verrait faire du mal à l'état.

havd cito mali qvid ortvm ex hoc sit pvblice utrum hoc optantis est, ne moriatur, an testimonium uitae hominis numquam obfuturi rei publicae?
havd cito mali qvid ortvm ex hoc sit pvblice hoc est-il l'expression de quelqu'un qui souhaite qu'il ne meure pas ou un témoignage sur la vie d'un homme qui ne nuira jamais à l'état522 ?

444
quam gaudeo, ubi etiam huius generis reliquias
Que je suis content de voir que des vestiges de cette trempe

vbi etiam hvivs generis118 id est paucos ac raros bonos; nam reliquias pro relictis paucisque dicunt. ideo et «  restare 209 » dixit.
vbi etiam hvivs generis c'est-à-dire des hommes de bien en petit nombre et rares ; car on dit reliquiae pour relicti paucique (de reste et en petit nombre). C'est pourquoi il dit aussi « restare ».

445
restare uideo! uah, uiuere etiam nunc libet.
il en reste encore ! Youpi ! la vie a encore du bon.

vivere etiam nvnc libet ex hac delectatione ostenditur Demea et quam peccantibus sit amarus ac saeuus et quam facile huius incusationi tamquam graui testimonio crediturus sit et quantum doliturus sit pro Aeschino, qui distat a talibus uiris.
vivere etiam nvnc libet avec cette exclamation de plaisir, il est montré à quel point Déméa est pénible et intraitable à l'égard de ceux qui sont en faute, avec quelle facilité il va se révéler prêt à se fier à l'accusation d'Hégion comme à un témoignage irréfutable et quelle douleur il va ressentir pour Eschine, qui est si différent des hommes de cette trempe.

446
opperiar hominem hic, ut salutem et conloquar.
Je vais à sa rencontre pour lui dire bonjour et lui parler.

scaena quarta

Demea Hegio Geta (Pamphila)

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447
He.-pro di immortales, facinus indignum, Geta!
Hé.-Dieux immortels, quel forfait indigne, Géta !

1 pro di immortales facinvs indignvm geta haec scaena fidem amici erga defunctum, maturitatem senilis orationis et accusationem eius, quem laedere nolit ipse accusator, continet. 2 facinvs indignvm recte, indignum facinus iam narrauit Geta; non enim apud spectatores iterum fuerunt dicenda, quae dicta sunt. illud sane admirandum eiusmodi Hegionis uerba induci, qualia esse debuerunt tantum praelaudati uiri et eiusdem Hegionis amici Demeae.
1 pro di immortales facinvs indignvm geta cette scène évoque la loyauté d'un ami à l'égard d'un défunt, l'urgence du discours d'un vieillard et son accusation contre une personne que l'accusateur même souhaiterait ne pas léser. 2 facinvs indignvm d'une façon correcte, Géta a déjà raconté le forfait indigne ; de fait, il n'aurait pas fallu redire devant les spectateurs un récit qui a déjà été fait523. On doit admirer beaucoup le fait que les mots d'Hégion sont tels qu'ils devaient être de la part d'un homme qui a été l'objet d'un tel éloge et qui est, qui plus est, un ami de Déméa.

448
quid narras? Ge.-sic est factum. He.-ex illan familia
qu'est-ce que tu me racontes là ? Gé.-Ce qui s'est passé. Hé.-Dans une telle famille,

qvid narras mirantis est, non interrogantis.
qvid narras exclamation d'étonnement, et non pas interrogation.

449
tam illiberale factum913 esse ortum! o Aeschine,
qu'un acte aussi grossier se soit produit ! O Eschine,

1 o aeschine pol havd paternvm mira maturitas, in qua nescias, utrum magis iniuria facta orbae uirgini an Aeschinum peccasse plus doleat. seruatur enim in Hegione, quod et bonus uir sit et amicus. 2 tam illiberale factvm hoc est non odisse cui succenseas, laudare homines, factum reprehendere.
1 o aeschine pol havd paternvm étonnante urgence de l'énoncé, dans lequel on ne sait pas si c'est l'outrage subi par la jeune orpheline ou le fait qu'Eschine ait commis une faute qui lui cause le plus de douleur. Car on garde dans Hégion et le fait qu'il est un homme de bien et qu'il est un ami. 2 tam illiberale factvm c'est ne pas haïr celui contre qui on est en colère que de faire l'éloge des hommes tout en blâmant l'acte.

450
pol haud paternum istuc dedisti! De.-uidelicet
nom d'un chien, elle est bien peu conforme à ton père l'image que tu as donnée là ! Dé.-De toute évidence

1 havd paternvm istvc dedisti deest facinus. 2 Et dedisti pro fecisti; sed sic dicitur in re magna, ut «  dabit ille ruinas a. arboribus s. stragemque s. satis 210 ». 3 videlicet de psaltria hac avdivit uidelicet confirmatiuum est. 4 Vt uidelicet uidere licet, sic et scilicet scire licet et ilicet ire licet.
1 havd paternvm istvc dedisti il manque facinus (forfait). 2 Et dedisti est mis pour fecisti (tu as fait) ; mais c'est ainsi que l'on s'exprime dans les affaires d'importance, comme dans : « dabit ille ruinas arboribus stragemque satis » (il donnera la ruine aux arbres et l'abattement aux moissons). 3 videlicet de psaltria hac avdivit uidelicet sert à confirmer. 4 De même que uidelicet représente uidere licet (on peut voir), de même scilicet (assurément) représente scire licet (on peut savoir) et ilicet (c'en est fait) ire licet (on peut partir).

451
de psaltria hac audiuit; id illi nunc dolet
il a ouï dire de cette musicienne ; et la chose lui est pénible

de psaltria hac avdivit sic errat Demea, ut intellegatur, quantum debeat irasci in his, quae inopinata audiet.
de psaltria hac avdivit Déméa est dans l'erreur de façon à ce que l'on mesure combien il devra se mettre en colère quand il entendra des nouvelles inattendues.

452
alieno. pater, is nihil914 pendit: ei mihi,
bien qu'il ne soit pas de la famille. Le père, lui, n'en a rien à faire. Pauvre de moi,

1 is nihil pendit abundat is, ut in Heautontimorumeno «  perii! is mihi, ubi adbibit plus paulo, sua quae narrat facinora! 211 ». 2 Aut is pro ipse, subiunctiuum pronomen pro119 minus quam finito.
1 is nihil pendit is est superflu, comme dans L'Héautontimorouménos : « perii ! is mihi, ubi adbibit plus paulo, sua quae narrat facinora ! » (je suis fait ! celui-là, dès qu'il a bu un peu trop, comme il me raconte ses exploits !). 2 Ou bien is est mis pour ipse, donc un pronom anaphorique pour un semi-défini524.

453
utinam hic prope adesset alicubi atque audiret haec!
que n'est-il quelque part ici dans le coin pour entendre ça !

vtinam hic prope adesset quasi non sibi crediderit dicenti «  in ore est omni populo 212 ».
vtinam hic prope adesset comme s'il ne s'était pas cru lui-même quand il a dit : « in ore est omni populo ».

454
He.-nisi facient quae illos aequum est, haud sic auferent.
Hé.-S'ils ne font pas ce qu'ils doivent faire, ils ne s'en tireront pas à si bon compte.

1 havd sic avferent quomodo accipimus haud sic auferent? an: "factum suum auferent"? an: nisi correxerint culpam, non silentio transituros ipsos id ipsum quod factum est? 2 Et nisi si non significat. 3 sic δεικτικόν est. 4 qvae illos aeqvvm est subauditur facere120 a superiore per σύλλημψιν intellectum. 5 havd sic avferent id est: "leuiter abibunt" uel "substrahent culpam". 6 havd sic avferent ciuilis et matura comminatio. et est sic δεικτικόν gestum continens leuissimae et paruae significationis.
1 havd sic avferent comment comprenons-nous haud sic auferent ? est-ce: "ils ne supprimeront pas ce qu'ils auront fait" ? Ou que, sauf à avoir corrigé leur faute, eux-mêmes ne passeront pas sous silence ce qu'ils ont fait ?525 2 Et nisi signifie si non (si... ne pas). 3 sic c'est un déictique (δεικτικόν)526. 4 qvae illos aeqvvm est on sous-entend facere (faire), qui se déduit de ce qui précède par syllepse (per σύλλημψιν)527. 5 havd sic avferent c'est-à-dire : "ils s'en iront de façon légère" ou "ils annuleront leur faute". 6 havd sic avferent menace polie et pressante. Et sic est un déictique (δεικτικόν) qui accompagne un geste qui signifie une chose très légère et de peu de portée.

455
Ge.-in te spes omnis, Hegio, nobis sita est:
Gé.-C'est en toi que tout notre espoir, Hégion, réside :

in te spes omnis hegio ut narratio non fuerat necessaria, ita preces interponendae sunt.
in te spes omnis hegio autant le récit n'était pas nécessaire, autant ces prières doivent être mises là.

456
te solum habemus, tu es patronus, tu es parens;
nous n'avons que toi, tu es notre patron, tu es notre parent ;

1 tv es patronvs tv es parens patronus aut temporale nomen est defensoris aut certe appellatio, per quam ostenditur, quod illi cultus et obsequium debeatur; est enim nomen ad aliquid. parens autem ueri amoris nomen est et aequali loco continet interpretationem. 2 Et uide, quam uigilanter poeta, cum simpliciter matronam de absente Hegione loquentem induceret «  coluit nos 213 » dixit, cum seruus et supplex apud praesentem loquitur, tu es patronus inquit. 3 Et tv es patronvs ab honesto; tv es parens a iusto.
1 tv es patronvs tv es parens patronus est ou bien un nom occasionnel pour désigner l'avocat, ou bien sûr l'appellatif par lequel on montre qu'on doit à cette personne révérence et obéissance ; car c'est un nom relatif528. Quant à parens c'est un nom qui désigne un amour véritable et il se comprend au sens d'une parenté d'égal à égal529. 2 Et voyez avec quelle vigilance le poète faisait dire en toute simplicité à la matrone Sostrata, quand elle évoquait Hégion en son absence, « coluit nos », et fait dire à l'esclave et suppliant Géta, en présence d'Hégion : tu es patronus. 3 Et tv es patronvs argument de l'honnête ; tv es parens argument du juste.

457
ille tibi moriens nos commendauit senex;
c'est à toi que le bon vieillard en mourant nous a recommandés ;

ille tibi moriens nos commendavit senex seruus magnum addidit ueritatis indicium dicendo moriens; nemo enim moriens non uera loquitur et urgentia, unde in iure ultima indicia certiora sunt. sic et alibi «  hanc mihi in manum dat, mors continuo ipsam occupat 214 ».
ille tibi moriens nos commendavit senex l'esclave ajoute une grande dose d'authenticité en disant moriens ; car au moment de mourir on dit toujours des choses vraies et urgentes, ce qui fait qu'en droit les dernières paroles sont des preuves plus sûres. De même ailleurs : « hanc mihi in manum dat, mors continuo ipsam occupat ».

458
si deseris tu, perimus915. He.-caue dixeris:
si tu nous abandonnes, nous sommes morts. Hé.-Attention à ce que tu dis :

1 si deseris tv perimvs proprie quasi patrono, nam socius deficit, parens prodit, patronus deserit. sic Sallustius «  post defectionem sociorum et Latii 215 » et «  unius ob iram prodimur 216 » et «  prodidisti et te et illam miseram et gnatum, quod quidem in te fuit 217 »; Plautus «  qui libertos habent, eos deserunt 218121 ». hinc et milites, qui defensores patriae debent esse, desertores dicuntur. 2 Haec omnia magnam uim habent, si per singulas partes orationis considerentur, ad commouendum precibus Hegionem. 3 Et si deseris tv perimvs et huic maxime rei respondet contrarie, quae illum maxime commouit, ut «  en ego uicta situ 219 » et «  pulsus ego? 220 ». alii πρὸς τὸ perimus τῷ εὐφημισμῷ responsum putant.
1 si deseris tv perimvs au sens propre pour un patron, car c'est un allié qui fait défection (deficit), un parent qui trahit (prodit), un patron qui abandonne (deserit). Ainsi chez Salluste : « post defectionem sociorum et Latii » (après la défection des alliés et du Latium), et : « unius ob iram prodimur » (à cause de l'animosité d'une seule divinité, nous sommes trahis), et : « prodidisti et te et illam miseram et gnatum, quod quidem in te fuit » ; Chez Plaute : « qui libertos habent, eos deserunt » (ceux qui ont des affranchis, ils les abandonnent). De là vient que les soldats , qui doivent être les défenseurs de la patrie, sont dit desertores (déserteurs)530. 2 Tous ces termes ont une grande valeur, si on en considère les parties du discours une par une, pour ébranler Hégion par des prières. 3 Et si deseris tv perimvs et en disant le contraire, il répond principalement à ce qui provoque principalement son émotion, comme dans : « en ego uicta situ » (me voici, moi qu'a vaincue la décrépitude) et « pulsus ego ? » (moi, repoussé ?). Certains estiment que c'est à ce (πρὸς τὸ) perimus qu'Hégion fait sa réponse par euphémisme (τῷ εὐφημισμῷ)531.

459
neque faciam neque me satis pie posse arbitror.
je ne compte pas le faire et je pense que ce serait bien impie de ma part.

1 satis pie posse deest facere. 2 neqve me satis pie posse arbitror honesta locutio, quae significat: quicquid fecerit pro pietatis debito, illius merito parum esse. sensus autem hic est: "neque faciam quod nefas est, ut uos deseram, nec hoc ipsum quod facio, satis pium est, pro tanta necessitudine". 3 Et bene addidit satis, ut etsi pius est, non tamen satis122.
1 satis pie posse il manque facere (de le faire). 2 neqve me satis pie posse arbitror bonne expression, qui signifie que, quoi qu'il ait fait pour satisfaire à son devoir de piété, eu égard aux mérites du défunt, c'est trop peu. Et le sens est : "je ne ferai pas ce qui est un interdit sacré, à savoir vous abandonner, et cela même que je fais n'est pas un acte de piété suffisant, eu égard à la force du lien qui nous tient". 3 Et il fait bien d'ajouter satis, pour : "si pieux qu'il soit, ça ne suffit pas".

460
De.-adibo. saluere Hegionem plurimum
Dé.-Je vais l'aborder. Mes meilleures salutations, Hégion,

salvere hegionem plvrimvm ivbeo ideo praeuidit Demea, non praeuisus est, quia oportuit illum audire, quae loqueretur Hegio, et ex illius iam uerbis in indignationem moueri. iubeo autem uolo significat, ab eo quod sequitur id quod praecedit; non iubemus enim nisi quod uoluerimus. et est Homericum «  κέλεαι δέ με πάντ᾽ ἀποδοῦναι 221 » et «  οὐκ ἐθέλω πολεμιζέμεν Ἕκτορι... νηήσας εὖ νῆας 222 »123.
salvere hegionem plvrimvm ivbeo Déméa l'a vu en premier sans être vu en premier, parce qu'il fallait qu'il entende Hégion parler et qu'à ses paroles il s'émeuve et s'indigne. Quant à iubeo, il veut dire uolo, comme on tire ce qui suit de ce qui précède532 ; de fait, nous n'ordonnons que ce que nous avons d'avord voulu. Et c'est homérique : « κέλεαι δέ πάντ᾽ ἀποδοῦναι » (tu m'invites à rendre tout) et « οὐκ ἐθέλω πολεμιζέμεν Ἕκτορι... νηήσας εὖ νῆας » (je ne veux plus faire la guerre à Hector... maintenant que j'ai bien fait charger mes nefs)533.

461
iubeo. He.-oh, te quaerebam ipsum: salue, Demea.
s'il te plaît. Hé.-Tiens, c'est toi que je cherchais justement : salut, Déméa.

462
De.-quid autem? He.-maior filius tuus Aeschinus,
Dé.-Alors ? Hé.-Ton fils aîné Eschine,

maior filivs tvvs aeschinvs artificiosissima postulatio; in qua statim124 Demea diceret nihil ad se hanc querelam pertinere, quippe qui Ctesiphonem curare debeat, infertur causa, cur non dissimulet pater, quia filius, quia maior, est, quia Aeschinus, si quid est in ipso nomine caritatis, quia fratris adoptiuus, quia bonus et liberalis et contra haec quibus laudatus est fecit.
maior filivs tvvs aeschinvs il y a beaucoup d'art dans cette réclamation ; devant celle-ci tout de suite Déméa aurait pu dire que cette plainte ne le concernait en rien, dans la mesure où c'est de Ctésiphon qu'il a à s'occuper, mais est indiquée une raison qui empêche le père de dissimuler que c'est son fils, que c'est l'aîné, que c'est Eschine, s'il y a dans ce nom même matière à s'attendrir, qu'il est le fils adoptif de son frère, qu'il est bon et généreux et qu'il a commis un acte contraire aux qualités pour lesquelles on le loue.

463
quem fratri adoptandum dedisti, neque boni
celui que tu as donné à adopter à ton frère, ce n'est pas en garçon bien

neqve boni quasi id quod est uel id quod esse debet.
neqve boni presque ce qu'il est ou ce qu'il doit être.

464
neque liberalis functus est officium916 uiri.
ni en homme bien élevé qu'il s'est acquitté de ses devoirs.

neqve liberalis fvnctvs est officivm viri quaerendum, inter bonum et liberalem quid intersit: an bonus est qui non nocet, liberalis qui etiam prodest? an bonus est qui non peccat in facto, liberalis qui nec in uerbo quidem?
neqve liberalis fvnctvs est officivm viri la question est de savoir quelle différence il y a entre bonus et liberalis : est-ce qu'on est bon (bonus) quand on ne fait pas de mal, et généreux (liberalis) quand en outre on fait du bien ? ou est-ce qu'on est bon (bonus) quand on ne fait pas de faute en acte et généreux (liberalis) quand on n'en commet pas même en parole ?534

465
De.-quid istuc est? He.-nostrum amicum noras Simulum atque
Dé.-De quoi s'agit-il ? Hé.-Tu connaissais Simulus, notre ami et notre

466
aequalem? De.-quidni? He.-filiam eius uirginem
contemporain ? Dé.-Evidemment. Hé.-Eh bien sa fille vierge,

1 aeqvalem125 aequaeuum, ὁμήλικα126. 2 qvidni plus est quidni? quam noueram; nam quasi corripit dubitantem dicendo quidni?, ut subaudiatur nouerim. 3 filiam eivs virginem127 uide quantum ualeat in128 iniuria uel dignitas personarum: non contentus facinore personas ante credidit ponendas.
1 aeqvalem veut dire aequaeuus (de même âge), ὁμῆλιξ (de même classe d'âge)535. 2 qvidni il ya plus de force dans quidni ? que dans noueram (oui, je le connais) ; car pour ainsi dire, il rabroue celui qui a posé la question, en disant quidni ? et en sous-entendant nouerim (comment ne le connaîtrais-je pas ?). 3 filiam eivs virginem voyez quelle valeur, dans la parole blessante, prend le statut des personnes : non content de nommer le crime, il croit bon de mettre en tête l'identité des personnes concernées.

467
uitiauit. De.-hem! He.-mane; nondum audisti, Demea,
il l'a déshonorée. Dé.-Hein ! Hé.-attends ; tu n'as pas encore entendu, Déméa,

hem interiectio nunc irati est et irati uehementer, quippe qui aliud uitium audiebat praeter crimina, quae sciebat.
hem interjection d'un homme qui est maintenant en colère, et même violemment en colère, lui qui vient d'entendre un autre outrage que les crimes qu'il connaissait déjà.

468
quod est grauissimum. De.-an quicquam917 est etiam amplius?
le plus grave. Dé.-Peut-il y avoir plus important encore ?

1 qvod est gravissimvm quia illud graue. 2 an qvicqvam est etiam amplivs amplius quantitatis est, nam ideo nondum etiam audisti quod est grauissimum. 3 amplivs id est maius.
1 qvod est gravissimvm parce que l'autre fait est grave. 2 an qvicqvam est etiam amplivs amplius est quantitatif, car pour cette raison nondum etiam audisti quod est grauissimum. 3 amplivs c'est-à-dire plus important536.

469
He.-uero amplius: nam hoc quidem ferundum aliquo modo est;
Hé.-Oui vraiment plus important : car ça, à la limite, on peut le tolérer ;

470
persuasit nox, amor, uinum, adulescentia:
il a été poussé par la nuit, le désir, l'ivresse, la jeunesse :

1 persvasit nox amor vinvm advlescentia Plautus in Bacchidibus «  quid hoc illecebrosius fieri potest, nox mulier uinum, homini adulescentulo? 223 ». 2 Et haec omnia ab impulsionis parte dicuntur, non a ratiocinationis, ideo et persuasit dixit, nam instans persuasio impulsio dicitur, ut ipse «  dum in dubio est animus, paulo momento huc uel illuc impellitur 224 ». 3 persvasit nox amor vinvm advlescentia haec ἀσυνδέτως inferuntur, ut multa uideantur. 4 vinvm plus dixit uinum quam si uinolentia diceret, ut «  tu nihil nisi sapientia es, ille somnium 225 ». 5 Proximum huic et simile est in Hecyra «  cum uirgine una adulescens ut129 cubuerit plus potus, se abstinere ut potuerit? non ueri simile dicis nec uerum arbitror 226 ». Vergilius «  Bacchus et ad culpam causas dedit 227 ».
1 persvasit nox amor vinvm advlescentia Plaute dans Les Sœurs Bacchis : « quid hoc illecebrosius fieri potest, nox mulier uinum, homini adulescentulo ? » (que peut-il y avoir de plus tentant pour un tout jeune homme que la nuit, une femme, du vin ?). 2 Et tout cela relève d'une part d'impulsion, non pas de raison, et c'est dans cette idée qu'il dit aussi persuasit, car une persuasion pressante s'appelle impulsio (impulsion), comme il le dit lui-même : « dum in dubio est animus, paulo momento huc uel illuc impellitur »537. 3 persvasit nox amor vinvm advlescentia ces mots se disent sans liaison (ἀσυνδέτως), ce qui donne l'impression qu'il y en a beaucoup. 4 vinvm il dit plus en disant uinum que s'il disait uinolentia, comme dans : « tu nihil nisi sapientia es, ille somnium ». 5 On trouve quelque chose de très proche et de semblable dans L'Hécyre : « cum uirgine una adulescens ut cubuerit plus potus, se abstinere ut potuerit ? non ueri simile dicis nec uerum arbitror ». Virgile : « Bacchus et ad culpam causas dedit » (Bacchus aussi donne des prétextes à l'accusation).

471
humanum est. ubi scit factum, ad matrem uirginis
c'est humain. Dès qu'il a su ce qu'il avait fait, c'est chez la mère de la jeune fille

1 hvmanvm est nihil iam de ea sumptum consuetudine est, quod non humanum. et hoc dicere solemus, ubi peccatum quidem non negamus, sed tolerabile esse dicimus. 2 vbi scit factvm id est: "intelligit", "sentit", quia superatus furore130 peccauerat et quia qui impulsione peccat, non peccat ratiocinatione. 3 Et hic locus illi rei occurrit: "cur ergo tacuisti?".
1 hvmanvm est il n'y a rien, dans le mode de vie décrit, qui ne soit pas humain. Et nous nous exprimons ainsi habituellement quand nous ne nions certes pas la faute mais que nous disons qu'elle est supportable. 2 vbi scit factvm c'est-à-dire : "il comprend", "il sent", parce qu'il avait commis cette faute sous l'emprise de la folie et parce qu'il faute de façon impulsive, non de façon raisonnée. 3 Et ce passage rencontre cet événement : "pourquoi t'es-tu tu ?".

472
uenit ipse918 ultro lacrimans, orans, obsecrans
qu'il est allé de lui-même, en pleurant, priant, suppliant,

1 orans obsecrans orare est placidos petere, obsecrare iratos rogare; unde plus facit obsecrans quam orans, plus uero orans quam rogans. Cicero «  rogare et orare 228 ». 2 venit ipse vltro lacrimans mire: ad matrem uenit ultro, ne quid leniter aut mollius mulier tulisse ac prope pactionem iniisse uideretur.
1 orans obsecrans orare c'est faire une requête à des gens calmes, obsecrare c'est demander quelque chose à des gens en colère ; donc obsecrans a plus de poids qu'orans, et orans plus que rogans. Cicéron : « rogare et orare »538. 2 venit ipse vltro lacrimans admirable : il est venu de lui-même voir la mère, pour qu'on n'ait pas l'impression que la femme a pris la chose de bon cœur et souplement, et est toute prête à faire des fiançailles.

473
fidem dans, iurans se illam ducturum domum.
promettant, jurant qu'il l'épouserait et la mènerait chez lui.

474
ignotum est, tacitum est, creditum est. uirgo ex eo
On lui a pardonné, on a tu l'affaire, on lui a fait confiance. Mais la jeune fille,

1 ignotvm est tacitvm est creditvm est ἀσυνδέτως ut solet per συντομίαν. sic loquitur, ut «  imus uenimus uidemus 229 ». ignotum est autem, quod «  ultro uenerat 230 » et «  lacrimans 231 »; tacitum est, quod «  orabat 232 » et «  obsecrabat 233 » ; creditum est, quod «  fidem dabat 234 » et «  iurabat 235 ». 2 Et honestius impersonaliter quam ignouimus, tacuimus, credidimus. 3 virgo ex eo compressv gravida est131 hoc addidit, ne ex uiliore usu et inhonesta patientia uirginis ad conceptum libido peruenerit. et praeterea quia et hoc dici potuit: "ille quidem uitiauit uirginem, sed quid si ex alio concepit postea, quae iam grauida facta est?", idcirco et a uitio uirginis tempus ostendit, ut cum facto ratio conueniret.
1 ignotvm est tacitvm est creditvm est avec asyndète (ἀσυνδέτως), comme il fait souvent par brièveté (per συντομίαν). Il s'exprime ainsi, comme dans : « imus uenimus uidemus ». Ignotum est, parce qu'il était venu spontanément (ultro uenerat) et en pleurant (lacrimans) ; tacitum est, parce qu'il priait et suppliait (orabat et obsecrabat) ; creditum est, parce qu'il donnait sa promesse et jurait (fidem dabat et iurabat)539. 2 Et c'est plus conforme aux bonnes manières avec un tour impersonnel qu'avec les formes personnelles ignouimus, tacuimus, credidimus (nous avons pardonné, gardé le silence, fait confiance). 3 virgo ex eo compressv gravida est il ajoute cela pour qu'on n'aille pas croire que c'est après une relation suivie et une complaisance malhonnête de la jeune fille que l'acte sexuel a abouti à une grossesse. Et en outre, parce qu'on aurait aussi pu dire : "le garçon a certes violé la jeune fille, mais comment être sûr qu'elle n'a pas conçu d'un autre ultérieurement en tombant alors enceinte ?", pour cette raison il indique le temps écoulé depuis le viol de la jeune fille, pour que l'événement et le décompte coïncident.

475
compressu grauida facta est (mensis hic decimus est).
après cette étreinte, s'est trouvée enceinte (nous voilà à neuf mois révolus).

476
ille bonus uir nobis psaltriam, si dis placet,
Mais notre bonhomme s'entiche d'une musicienne, n'en déplaise aux dieux,

1 ille bonvs vir εἰρωνεία indignantis in loco addita est uerbis ardentibus. 2 ille bonvs vir nobis psaltriam si dis placet conclusio accusantis. 3 Et bonus uir εἰρωνεία quidem est, sed ab eo posita, qui indignetur uirum bonum esse debuisse qui non sit; ut supra «  neque boni neque liberalis functus est officium uiri 236 ». 4 Et simul considera, quo nomine Aeschinum uocet, uirum appellans scilicet, qui uult eius certa esse promissa et qui illum iam pridem uideri maritum uelit. 5 nobis autem ex abundanti τῷ ἀττικισμῷ ad indignationem relatum est. 6 si dis placet bene interpositum ad inuidiam si dis placet, scilicet per quos iuratum est. 7 psaltriam nobis τῷ ἰδιωτισμῷ; sic enim dicimus. et est consuetudinis peruulgatae.
1 ille bonvs vir ironie (εἰρωνεία) d'indignation qui prend place après des paroles pleines d'ardeur. 2 ille bonvs vir nobis psaltriam si dis placet conclusion d'accusateur. 3 Et bonus uir est ironique (εἰρωνεία), mais s'il met ici de l'ironie, c'est pour s'indigner de ce qu'un homme devrait être bon mais ne l'est pas ; de même ci-dessus : « neque boni neque liberalis functus est officium uiri ». 4 Et en même temps observez de quel nom il désigne Eschine, en l'appelant homme (uirum), évidemment, parce qu'il veut que ses promesses soient tenues et qu'il voudrait qu'il donne l'impression d'être déjà marié. 5 Quant à nobis, superflu par atticisme (τῷ ἀττικισμῷ), il renvoie à de l'indignation540. 6 si dis placet il fait bien de mettre en incise, pour qu'on le déteste, si dis placet, à savoir les dieux par lesquels on jure. 7 psaltriam nobis particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ) ; car c'est ainsi que nous parlons. Et c'est un usage galvaudé541.

477
parauit quicum uiuat; illam deserit.
et se l'est payée pour vivre avec elle ; il abandonne l'autre.

1 illam deserit hoc est: cui e132 contrario dum uiuat obstrictus est. 2 Et deserit uirginem scilicet.
1 illam deserit c'est-à-dire : "celle à laquelle au contraire aussi longtemps qu'il vit il se trouve lié". 2 Et deserit "la jeune fille", implicitement.

478
De.-pro certon tu istaec dicis? He.-mater uirginis
Dé.-Tiens-tu pour sûr ce que tu dis ? Hé.-La mère de la jeune fille

1 pro certon tv istaec dicis hoc ideo non dicit, quia fidem non habeat narranti, sed quia mira sunt scelera. 2 mater virginis in medio est terribiliter satis in medio est, quasi retineri non possit nec cohiberi, quin rem prodat publice. et praeterea cum argumentorum genera duo sint, ἔντεχνον καὶ ἄτεχνον, sicut in rebus manifestis ἀτέχνῳ utitur. 3 Hoc ergo sublatis superciliis dicendum est in medio est; nam lentius erat, si diceret praesto est.
1 pro certon tv istaec dicis il ne dit pas cela parce qu'il n'a pas confiance dans celui qui fait le récit, mais parce qu'il s'agit de crimes étonnants. 2 mater virginis in medio est in medio est sonne assez comme une menace, comme si on ne pouvait pas l'empêcher ni la retenir de produire l'affaire en public. Et en outre, puisqu'il y a deux genres d'arguments, le genre technique (ἔντεχνον) et le non-technique (ἄτεχνον), ici, comme dans le cas de choses manifestes, il se sert du non-technique (ἀτέχνῳ). 3 Donc il faut dire ce in medio est avec les sourcils levés ; car ce serait trop lent s'il disait praesto est (elle est prête à).

479
in medio est, ipsa uirgo, res ipsa, hic Geta
est là pour en témoigner, la jeune fille elle-même, les faits eux-mêmes, et ce Géta

ipsa virgo scilicet quae in Aeschinum reum et testis et crimen est. et ideo addidit res ipsa, hoc est pondus uteri exactis ad pariendum mensibus.
ipsa virgo évidemment celle qui contre l'accusé Eschine est à la fois témoin et chef d'accusation. Et c'est pourquoi il ajoute res ipsa, c'est-à-dire son ventre lourd prêt à accoucher à terme.

480
praeterea, ut captus est seruorum919, non malus
en plus, qui, dans la loterie des esclaves, n'est pas un mauvais numéro

1 praeterea vt captvs est servorvm ad haec intellegamus aliter dici non inertem Socratem, aliter non inertem seruum; aliter non malum Scipionem, aliter seruum non malum esse. 2 vt captvs est quantum capit animus seruilis, tantum non malus neque iners Geta. 3 An vt captvs est "quemadmodum saepe aucupium in seruis habendis bonum euenit, ut in captu auium uel piscium uel ferarum plurimarum fortuna dominatur"? et hoc ideo, quia seruum bonum euenire non ratio est aut natura, sed casus utpote in re rarissima; ut sit ut captus est seruorum ut euentus est in seruis. 4 vt captvs est servorvm non malvs id est ut se habet condicio seruorum. Afranius in Simulante «  uti seruorum captus est, facillime domo atque nostra familia prouenditur 237 ». 5 Ergo captus sortem intellego. 6 non malvs hoc est "fidelis".
1 praeterea vt captvs est servorvm à ce propos, nous devons comprendre que c'est une chose de dire que Socrate n'est pas malhabile (iners) et une autre qu'un esclave n'est pas malhabile, une chose de dire que Scipion n'est pas mauvais (malus), une autre qu'un esclave n'est pas mauvais542. 2 vt captvs est pour autant que son âme servile peut saisir, dans cette mesure Géta n'est pas mauvais ni malhabile. 3 Ou alors vt captvs est signifie "souvent le coup de filet, quand on prend un esclave, se produit de la même façon que dans la prise d'oiseaux, de poissons ou de la plupart des bêtes sauvages : c'est la chance qui dirige l'opération" ? Et cela parce que, si un bon esclave échoit, ce n'est pas par raison ni par nature, mais par hasard, surtout dans une affaire exceptionnelle ; ça donne : ut captus est seruorum "comme l'événement se produit parmi les esclaves". 4 vt captvs est servorvm non malvs c'est-à-dire "conformément à la condition servile". Afranius dans Le Simulateur : « uti seruorum captus est, facillime domo atque nostra familia prouenditur » (vu la loterie des esclaves, on n'a guère de mal à vendre de chez nous et de notre maisonnée). 5 Donc j'interprète captus au sens de "lot"543. 6 non malvs c'est-à-dire "fidèle".

481
neque iners; alit illas, solus omnem familiam
ni un malhabile ; il nourrit ces dames, tout seul, toute la maisonnée

1 neqve iners "et artem habens". 2 Oratorie futurum testem et indicem laudat, sed ne id improbe facere uideatur, parcius id facit. non ergo dicit bonus et sollers, sed quod in seruo sufficit non malus neque iners. 3 Et proferendi Getae hoc maxime causa est, ne, quod permittere uideatur in seruo pauperis, atrocius fiat. 4 Et simul ut haec προθεράπευσις non contristet Getam, quem prius laudat dicturus «  hunc abduce, uinci, quaere rem 238 ». 5 alit illas solvs duas hic res docet: et unde uiuant, quod testimonium pudicitiae est, et grauem testem posse esse Getam. 6 solvs incerta distinctio est solus, sed melius est solus omnem familiam sustentat.
1 neqve iners équivaut à "et qui a du métier"544. 2 De façon oratoire, il fait l'éloge d'un futur témoin et instrument de la preuve, mais pour ne pas avoir l'air de le faire de façon malhonnête, il n'en rajoute pas trop. Donc il ne dit pas bonus et sollers (bon et habile), mais, ce qui est suffisant pour un esclave, non malus neque iners. 3 Et la raison principale de mettre Géta en avant, c'est d'éviter que ce qu'il autorise de faire à l'esclave d'un pauvre ne devienne pas trop atroce545. 4 Et en même temps, pour que cette préparation (προθεράπευσις) de la suite n'attriste pas Géta, qu'il loue d'abord avant de dire « hunc abduce, uinci, quaere rem ». 5 alit illas solvs il nous apprend ici deux choses : d'abord de quoi elles vivent, ce qui plaide en faveur de la pureté de leurs mœurs546, ensuite que Géta peut être un témoin honorable. 6 solvs on ne sait comment ponctuer solus, mais la meilleure solution est solus omnem familiam sustentat547.

482
sustentat; hunc abduce, uinci, quaere rem.
il l'entretient ; emmène-le, attache-le, soumets-le à la question.

1 Hoc uerbo tenuis uictus ostenditur, quod bene frugi esse monstratur in feminis133. 2 hvnc abdvce vinci qvaere rem non multum permittit utpote de alieno seruo; adeo Geta plus de se largietur. ipse tamen tria posuit ἀσυνδέτως, ut multa uideretur dicere. 3 hvnc abdvce ut «  tu Voluse, armari Volscorum edice maniplis 239 »; nam postea E littera huiusmodi uerbis ablata. 4 hvnc abdvce vinci bono ordine: et abduce abduc 134 illuc, ubi nemo possit intercedere, et uinci, ne solutus sit, ut scias uerum, si135 seruus accuset. 5 qvaere rem latenter praeter uincula etiam tormenta significauit, nam hoc quaere rem pete rei ueritatem significat.
1 Ce verbe548 désigne une nourriture chiche, parce qu'il est montré que ces femmes ont de la tempérance. 2 hvnc abdvce vinci qvaere rem il ne laisse pas d'échappatoire, surtout pour un esclave qui n'est pas à lui ; Géta du coup payera encore plus de sa personne. Cependant il met les trois verbes sans les lier (ἀσυνδέτως) pour donner l'impression d'en dire beaucoup. 3 hvnc abdvce comme dans : « tu Voluse, armari Volscorum edice maniplis » (toi, Volusus, ordonne aux escadrons des Volsques de s'armer) ; car ce n'est qu'ultérieurement que la lettre E, dans les verbes de ce type, s'est amuïe549. 4 hvnc abdvce vinci l'ordre est le bon550. Abduce est pour abduc551 (emmène-le), là où personne ne pourra s'interposer, et "attache-le", qu'il ne soit pas libre de ses mouvements552, pour que tu saches le vrai, dans la mesure où c'est un esclave qui accuse553. 5 qvaere rem implicitement, en plus des liens, ce sont des tortures qui sont désignées, car quaere rem signifie pete rei ueritatem (va chercher la vérité de l'affaire).

483
Ge.-immo hercle extorque, nisi ita factum est, Demea;
Gé.-Oui, ma foi, torture-moi si ça ne s'est pas passé ainsi, Déméa ;

1 immo hercle extorqve ἄτεχνος πίστις. et bene ipse de se plus apertiusque largitur. 2 extorqve multum dixit: non torque sed extorque. 3 Et torquemus hominem, extorquemus ueritatem.
1 immo hercle extorqve preuve non-technique (ἄτεχνος πίστις)554. Et il fait bien de payer spontanément de sa personne davantage et de façon plus nette. 2 extorqve il dit beaucoup, non pas torque (torture) mais extorque (extorque)555. 3 Et c'est un homme que nous torturons (torquemus), la vérité que nous extorquons (extorquemus).

484
postremo non negabit; coram ipsum cedo.
d'ailleurs pour finir, lui-même ne niera pas ; mets-le devant moi.

485
De.-pudet; nec quid agam nec quid huic respondeam
Dé.-Quelle honte ! Que faire et que lui répondre,

1 pvdet auersus hoc dicit et perturbatus Demea. 2 Maioris erit ponderis pudet dictum, si me nec addas nec subaudias.
1 pvdet c'est de dos et troublé que Déméa dit cela. 2 Il y aura plus de poids dans ce pudet, si on n'ajoute ni ne sous-entend me (quelle honte pour moi !).

486
scio. Pa.-miseram me, differor doloribus!
je l'ignore. Pa.-Pauvre de moi, je suis déchirée de douleurs !

differor doloribvs "diuellor", "discrucior", "dilaceror". et proprie hoc genus querelae conuenit parturienti et cui uiscera distenduntur et ei quae inexpertum dolorem iam primum sentiat.
differor doloribvs " je suis écartelée, "mise à la torture", "déchirée"556. Et ce genre d'exclamation de souffrance convient proprement à une femme qui accouche, dont les organes se tordent et qui ressent pour la première fois une douleur qu'elle n'a jamais expérimentée.

487
Iuno Lucina, fer opem! serua me obsecro! He.-hem,
Junon Lucine, assiste-moi ! Sauve-moi, je t'en conjure ! Hé.-Hein !

1 ivno lvcina fer opem bona procuratio poetae, ut et uox parturientis pro testimonio succedat ad inflammandum Demeam. et nota puellarum, quae in comoediis honestae sunt et ex amore ducuntur, aut nullam in scaena esse aut rarissimam uocem. 2 fer opem partui, serva me obsecro parturientem; duas enim res poscit haec precatio; et nascentis et parturientis salutem.
1 ivno lvcina fer opem bonne préparation557 du poète qui fait que même la voix de la parturiente, au lieu d'être une preuve, contribue à la colère de Déméa. Et notez que les jeunes filles qui, dans les comédies, sont honorables et agissent par amour, ne profèrent aucune réplique sur scène, ou alors à peine quelques bribes de discours558. 2 fer opem pour la naissance, serva me obsecro à savoir la parturiente ; en effet, cette prière demande deux choses : le salut du bébé et celui de la mère.

488
numnam illa, quaeso, parturit? Ge.-certe, Hegio. He.-em
ne dirait-on pas, s'il vous plaît, qu'elle accouche ? Gé.-Si, Hégion. Hé.-Hé !

nvmnam illa qvaeso partvrit illa scilicet, de qua sermo est. quid enim opus fuerat nomine?
nvmnam illa qvaeso partvrit illa implicitement désigne celle dont on parle. Quel besoin en effet y aurait-il de dire son nom ?

489
illaec fidem nunc uestram implorat, Demea;
elle implore désormais votre secours, Déméa ;

1 illaec fidem nvnc vestram haec oratoria πλάσις est: non enim uere rogat, sed hoc uidetur facere. 2 Et implorare est in malis positos cum ploratu aliquem rogare.
1 illaec fidem nvnc vestram c'est une fiction oratoire (πλάσις) : car il ne fait pas une vraie question mais c'est ce qu'il paraît faire. 2 Et implorare c'est le fait que des personnes en mauvaise posture sollicitent quelqu'un en pleurant.

490
quod uos uis cogit, id uoluntate impetret!
ce à quoi vous contraint la nécessité, qu'elle l'obtienne de vous de bon cœur !

qvod vos vis cogit id volvntate artificiose, ne totum suppliciter agendo diffidere causae uideatur. uis igitur legum intellegitur.
qvod vos vis cogit id volvntate fait avec art, pour éviter que, en agissant en tout sur le mode de la supplication, il ne paraisse douter de la cause. Donc uis se comprend comme "la force des lois".

491
haec primum ut fiant deos quaeso ut uobis decet;
Qu'il en soit ainsi à votre honneur, c'est ma toute première prière aux dieux ;

1 deos qvaeso vt vobis decet hoc est: non uoluntate aduersarium fore. 2 vt vobis decet παραινετικῶς dixit, non ut puellae utile est, sed ut uobis decet. 3 vobis decet Graece dixit: ὑμῖν πρέπει. et deest facere.
1 deos qvaeso vt vobis decet c'est-à-dire : "de ne pas vous opposer volontairement". 2 vt vobis decet il dit sur le ton de l'exhortation (παραινετικῶς) non pas ut puellae utile est (comme il est utile à la petite), mais ut uobis decet. 3 vobis decet le grec dit : ὑμῖν πρέπει. Et il manque facere559.

492
sin aliter animus uester est, ego, Demea,
mais si vous avez d'autres intentions, moi, Déméa,

1 sin aliter animvs est officium amici exsequitur in reddenda causa, cur aduersarius futurus sit. 2 ego demea ἐν ἤθει ego Demea.
1 sin aliter animvs est il assume son rôle d'ami en expliquant pourquoi il sera leur adversaire. 2 ego demea il est dans son rôle (ἐν ἤθει) en disant ego Demea560.

493
summa ui defendam hanc atque illum mortuum:
de toutes mes forces je défendrai la petite et celui qui est mort :

1 svmma vi defendam hanc non dixit id quod est uos ulciscar sed bene defendam. 2 atqve illvm mortvvm idonea causa aduersus uiuos faciendo pro mortuo scilicet. 3 Quasi136 iure et officio suo locutus est et exaggerauit culpam Aeschini, qui uidebatur in uno et eodem facinore uiuos mortuosque laesisse.
1 svmma vi defendam hanc il ne dit pas uos ulciscar (je tirerai vengeance de vous), mais bene defendam (je la défendrai bien). 2 atqve illvm mortvvm dans une cause adaptée à des vivants, en agissant pour un mort, implictement. 3 Il est dans son droit et dans son devoir en disant cela, et il amplifie la faute d'Eschine, qui paraît, en un seul et même forfait, avoir lésé à la fois les vivants et les morts.

494
cognatus mihi erat; una a pueris paruulis
c'était un mien parent ; c'est ensemble, dès la prime enfance,

1 cognatvs mihi erat causa exposita iam agit Hegio de persona sua utrum recte faciat, et quam personam deinde acturus sit ostendit. dicit137, cum amicitiarum duo genera sunt, unum necessarium, id est propinquitas sanguinis, alterum uoluntarium, quo nobis etiam alienissimi coniunguntur, Micionem sibi ac Demeam et uiuos et uoluntarios tantum amicos esse, Simulum uero et mortuum et non solum amicum uoluntate sed etiam necessitudine fuisse coniunctum. 2 Et cognatvs mihi erat uultu adiuuat, quia non a coniunctione inceptiua sumpsit exordium. 3 cognatvs mihi erat officia multa contra unum officium amicitiae Demeae ac Micionis.
1 cognatvs mihi erat après avoir exposé la cause, désormais Hégion plaide pour sa propre personne en se demandant s'il fait bien d'agir ainsi et il montre ensuite quel rôle il jouera. Il dit, alors qu'il existe deux genres d'amitié, l'un qui relève de la nécessité, à savoir le lien de sang, l'autre du choix, par lequel même des gens tout à fait étrangers s'attachent à nous, que Micion et Déméa, qui sont vivants, ne sont pour lui des amis que par son choix, alors que Simulus, même mort, est non seulement son ami par choix mais aussi qu'il était lié à lui par les liens du sang. 2 Et cognatvs mihi erat il appuie cette réplique du regard, parce qu'il n'a pas commencé sa phrase avec une conjonction de liaison. 3 cognatvs mihi erat plusieurs devoirs d'amitié contre un seul qui l'unit à Déméa et Micion.

495
sumus educti; una semper militiae et domi
que nous avons été élevés ; c'est ensemble sous les drapeaux et en privé

496
fuimus; paupertatem una pertulimus grauem.
que nous avons passé notre temps ; ensemble que nous avons supporté une pesante misère.

1 pavpertatem vna pertvlimvs ἐπαναφορά. 2 Et quia magis coniungit malorum consortium quam bonorum.
1 pavpertatem vna pertvlimvs épanaphore (ἐπαναφορά). 2 Et parce qu'on s'attache plus à ceux qui ont partagé des malheurs que des bonheurs.

497
quapropter ita920 faciam, experiar, denique
C'est pourquoi j'agirai ainsi, j'esterai, bref

1 ita faciam experiar sic dicit, ne dicat uindicabo, quod uult magis significatum esse quam dictum. 2 Et ne138 ei diceretur nihil poteris, quod ad incipiendum sufficit dixit experiar.
1 ita faciam experiar il dit cela pour ne pas dire uindicabo, parce qu'il veut que cela en dise plus qu'il n'en dit vraiment. 2 Et pour qu'on ne puisse pas lui dire "tu ne pourras pas réussir", il dit, ce qui suffit pour commencer, experiar561.

498
animam relinquam potius quam illas deseram.
j'y laisserai mon âme plutôt que de les abandonner.

animam relinqvam modesta comminatio: prius quid sibi possit euenire dixit, quam quid passurus sit Aeschinus.
animam relinqvam légère menace : il dit ce qui pourrait lui arriver avant de dire ce qui arrivera à Eschine.

499
quid mihi respondes? De.-fratrem conueniam, Hegio.
Que me réponds-tu ? Dé.-Je vais trouver mon frère, Hégion.

1 fratrem conveniam hegio uultuose pronuntiandum hoc quod addidit Hegio, quasi dicat: "res in manu fratris est constituta, non mea". 2 qvid mihi respondes respondere proprie dicitur, cui lis intenditur. spondere enim proprie est priorem loqui quasi spondeo id est uerba fundere, ut «  funditque has ore querelas 240 », respondere posteriore loco dicere.
1 fratrem conveniam hegio il faut prononcer avec un jeu de physionomie cet ajout Hegio, comme s'il disait : "l'affaire est entre les mains de mon frère, non entre les miennes". 2 qvid mihi respondes respondere se dit proprement de celui à qui est intenté un procès. Car spondere au sens propre, c'est dire le premier en quelque sorte spondeo (je m'engage)562, c'est-à-dire "répandre des mots", comme dans « funditque has ore querelas »563 (il répand ces plaintes de sa bouche)564, respondere c'est parler en second lieu.

500
He.-sed, Demea, hoc tu facito cum animo cogites:
Hé.-Oui mais, Déméa, en même temps réfléchis :

sed demea hoc tv facito ἐπιθεράπευσις supra habitae comminationis.
sed demea hoc tv facito remède (ἐπιθεράπευσις) contre la menace faite ci-dessus.

501
quam uos facillime agitis, quam estis maxime
plus vous menez une vie facile, plus vous êtes

qvam vos facillime agitis ut «  facile uictum q. quaerere 241 ». 2 Et uide, quam oratorie laudes sumpserit argumenta suadendi.
qvam vos facillime agitis de même dans : « facile uictum quaerere »565. 2 Et voyez avec quel talent oratoire il peut recueillir des éloges pour savoir trouver des arguments convaincants.

502
potentes, dites, fortunati, nobiles,
puissants, riches, heureux, notables,

503
tam maxime uos aequo animo aequa noscere
et plus vous devez reconnaître avec justice ce qui est juste,

aeqvo animo aeqva noscere oportet bene dixit aequo animo, quia potentior et fortior contra naturam est aequitas.
aeqvo animo aeqva noscere oportet il fait bien de dire aequo animo, parce que l'égalité est particulièrement puissante et forte contre la nature.

504
oportet, si uos uultis perhiberi probos.
si vous voulez qu'on vous tienne pour des gens honnêtes.

505
De.-redito; fient quae fieri aequum est omnia.
Dé.-Tu peux repartir ; il adviendra ce qu'il est légitime qu'il advienne.

redito prosequebatur abeuntem, quemadmodum apparet ex uerbis.
redito il se lançait à la poursuite de celui qui partait, comme il appert de la réplique.

506
He.-decet te facere. Geta, duc me intro ad Sostratam.
Hé.-C'est ce que tu dois faire. Géta, introduis-moi chez Sostrata.

decet te facere sollicita obsequela Hegionis ultima in loquendo ostendit impotentiorem personam contra Aeschinum; quo magis gaudium crescit comoediae, quando tali ac tanto pauperior puella sed tamen cupita iungetur.
decet te facere par l'ultime complaisance inquiète d'Hégion, il fait comprendre l'impuissance du personnage contre Eschine ; la joie de la comédie grandit d'autant plus quand c'est à un homme doté de telles qualités et aussi important qu'une jeune fille pauvre et néanmoins désirée se trouve unie.

507
De.-non me indicente haec fiunt: utinam hoc921 sit modo
Dé.-Ce n'est pas faute que j'aie prévenu, si tout cela arrive : pourvu au moins que tout ça soit

1 non me indicente quia dixerat «  ipse sentiet posterius 242 ». 2 Et nimis dura compositio sed apta irascenti. 3 vtinam hic sit modo defvnctvm utinam desperandi uim habet. 4 hoc id est negotium in raptu uirginis. 5 defvnctvm "finitum", id est: "ut non peiora committat". 6 defvnctvm "finitum", hoc est: "ne ulterius peccet Aeschinus".
1 non me indicente parce qu'il avait dit ipse sentiet posterius. 2 Et la construction est un peu rude, mais convient à un homme en colère. 3 vtinam hic sit modo defvnctvm utinam dénote le désespoir. 4 hoc c'est-à-dire l'affaire de l'enlèvement de la jeune fille. 5 defvnctvm "fini", c'est-à-dire : "qu'il n'en commette pas de pire". 6 defvnctvm "fini", c'est-à-dire : "qu'Eschine cesse de commettre des fautes".

508
defunctum! uerum nimia illaec licentia
révolu ! Mais cet excès de laxisme

nimia illaec licentia quam illi dat Micio.
nimia illaec licentia celle dont fait preuve Micion à son égard.

509
profecto euadet in aliquod magnum malum.
aboutira sûrement à un grand malheur.

profecto evadet per ardua et interrupta ueniet.
profecto evadet "arrivera" par des voies ardues et qui s'interrompent.

510
ibo ac requiram fratrem, ut in eum haec euomam.
Je vais aller chercher mon frère pour lui répandre ce que j'ai sur le cœur.

haec evomam non effundam sed euomam, utpote "quae me aequum faciunt, quibus me releuabo, cum ille languor egestus sit". nam euomam translatione hoc significat.
haec evomam non pas effundam (je répandrai) mais euomam, comme par exemple "les choses qui me rendront d'humeur égale, dont je me soulagerai, quand cette cette langueur se sera exhalée". Car euomam a ce sens par métaphore.

scaena quinta

Hegio

511 | 512 | 513 | 514 | 515 | 516

511
He.-bono animo fac sis, Sostrata, et istam quod potes
Hé.-Fais en sorte de garder bon courage, Sostrata, et ta fille, autant que possible,

1 bono animo fac sis sostrata hi sex uersus in quibusdam non feruntur. in hac scaena uidetur iam locutae Sostratae Hegio respondere: potest tamen et ipse incipere, tamquam qui et rem nouerit et maerore eius moueatur. 2 bono animo fac sis sostrata meminisse debemus, quod dixit «  duc me intro ad Sostratam 243 » et quod hoc intro in proscaenio est παρὰ τὸ πιθανόν, non post scaenam. nam aliud significat «  eamus intro 244 »139, ubi dicitur «  intus despondebitur, intus transigetur, si quid est quod restet 245 »; illud enim interius agitur extra omne proscaenium. 3 fac sis sostrata sis honorifice additur uerbo, ne, quod imperatiuo modo pronuntiatur, superbum sit; deductum est autem a senatus consulti formula: ubi aliquid senatus consulibus iniungit, addit si eis uideatur. 4 et istam qvod potes quia uox ipsa tristis est et circa tristem filiam, quod potes dixit.
1 bono animo fac sis sostrata Ces six vers ne sont pas présents dans certains exemplaires566. Dans cette scène, il semble qu'Hégion réponde à Sostrata qui lui a parlé : pourtant il peut aussi commencer de lui-même, en homme qui connaît l'affaire et est ébranlé par l'angoisse qu'elle suscite567. 2 bono animo fac sis sostrata nous devons avoir en mémoire qu'il a dit « duc me intro ad Sostratam » et que ce "dedans" se trouve sur l'avant-scène, contre le vraisemblable (παρὰ τὸ πιθανόν), et non dans la coulisse. Car ce n'est pas la même chose de dire « eamus intro » (entrons là- dedans), que de dire « intus despondebitur, intus transigetur, si quid est quod restet » ; car il s'agit là d'un lieu plus intérieur, en dehors de toute avant-scène568. 3 fac sis sostrata sis s'ajoute par politesse à un mot, pour enlever à la tournure à l'impératif un peu de morgue ; l'expression vient d'une formule des sénatusconsultes : quand le sénat enjoint quelque chose aux consuls, il ajoute si eis uideatur (si bon leur en semble)569. 4 et istam qvod potes comme le mot même est triste570 et évoque la fille, qui est triste, il ajoute quod potes.

512
fac consolere; ego Micionem, si apud forum est,
tâche de la consoler ; moi c'est Micion, au cas où il soit sur la place,

1 fac consolere duas res dixit, quas et ordine locutus est: et "tu bonum animum habe", inquit, et "filiam fac habere". 2 ego micionem quia Demeam iam uidit.
1 fac consolere il dit deux choses, qu'il expose dans l'ordre : d'une part "toi garde courage", dit-il, d'autre part "fais que ta fille garde courage". 2 ego micionem parce qu'il a déjà vu Déméa.

513
conueniam atque ut res gesta est narrabo ordine;
que je vais chercher pour lui raconter l'affaire comme elle s'est passée par le menu ;

514
si est facturus ut sit officium suum,
s'il est prêt, pour peu qu'il le soit, à faire son devoir,

si est factvrvs officivm hoc dicendo promittit ipsum esse facturum; nam facile est unum quemque officio suo fungi.
si est factvrvs officivm en disant cela, il promet que lui le fera ; car il est facile à chacun de s'acquitter de son devoir.

515
faciat; sin aliter de hac re est eius sententia,
qu'il le fasse ; mais s'il voit la chose autrement,

516
respondeat mihi ut quid agam quam primum sciam.
qu'il me réponde pour que je sache dès que possible ce que je dois faire.

vt qvid agam qvam primvm mature neque comminatur neque segnem ostentat se fore.
vt qvid agam qvam primvm de façon parfaite, sans proférer de menace, il montre qu'il ne sera pas négligent.

Actus quartus

scaena prima

Ctesipho Syrus

517 | 518 | 519 | 520 | 521 | 522 | 523 | 524 | 525 | 526 | 527 | 528 | 529 | 530 | 531 | 532 | 533 | 534 | 535 | 536 | 537 | 538 | 539

517
Ct.-ain patrem hinc abisse rus? Sy.-iamdudum. Ct.-dic sodes. Sy.-apud uillam est;
Ct.-Tu dis que mon père est parti à la campagne ? Sy.-Depuis longtemps. Ct.-Raconte, s'il te plaît. Sy.-Il est à la ferme ;

1 ain patrem hinc abisse rvs hic ostenditur timiditas boni adulescentis et reuersi ad peccandum ex delicti conscientia et reuerentia parentis. apparet item mos uerorum patrum circa filios Syro Demeam describente. 2 ain patrem hinc abisse rvs compendio ostenditur, quid sit iam locutus Syrus.
1 ain patrem hinc abisse rvs est présenté ici le caractère craintif d'un bon jeune homme qui est ramené sur le terrain de la faute à cause de la conscience qu'il a de son délit et de la crainte qu'il a de son père. On voit aussi la manière d'être des pères authentiques à l'égard de leurs fils dans la description que fait Syrus de Déméa. 2 ain patrem hinc abisse rvs est présenté un résumé de ce que Syrus a dit.

518
nunc cum maxime operis aliquid facere credo. Ct.-utinam quidem!
je pense qu'à l'instant même il est à l'ouvrage. Ct.-Pourvu seulement !

1 nvnc cvm maxime operis aliqvid facere credo uide quasi ἰδίωμα uerborum Syri esse, de opere loqui; sic enim dixit et Demeae, sed illud falso, hoc serio. 2 vtinam qvidem apud uillam sit subaudiendum et distinguendum, antequam inferas quod sequitur.
1 nvnc cvm maxime operis aliqvid facere credo voyez qu'il y a comme un tic de langage (ἰδίωμα) de Syrus dans le fait de parler de travail ; il l'a en effet déjà fait en parlant à Déméa571, mais là c'était un mensonge, ici c'est sérieux. 2 vtinam qvidem il faut sous-entendre apud uillam sit (qu'il soit à la ferme !) et placer une pause avant de lancer la suite.

519
quod cum salute eius fiat, ita se defetigarit uelim,
Soit dit en lui souhaitant la santé, je voudrais qu'il se fatigue tant

qvod cvm salvte eivs fiat hoc est non odisse patrem, sed tantum timere ex proprio delicto; seruatur enim in eo et amor filii et amoris affectus.
qvod cvm salvte eivs fiat ce n'est pas là haïr son père, mais seulement le craindre à cause de la faute qu'on a commise ; car on préserve en lui et son amour filial et son sentiment amoureux.

520
ut triduo hoc perpetuo prorsum e lecto nequeat surgere.
que pendant la durée pleine de ces trois prochains jours il ne puisse se lever de son lit.

1 vt tridvo hoc perpetvo quantum sufficiat amatori. 2 Et non opus erat perpetuo dicere, si triduum dixisset.
1 vt tridvo hoc perpetvo la durée nécessaire pour un amoureux. 2 Et il n'aurait pas été nécessaire de dire perpetuo, s'il avait dit triduum (pendant trois jours)572.

521
Sy.-ita fiat, et istoc si quid922 potis est rectius. Ct.-ita; nam hunc diem
Sy.-Soit, et mieux encore que cela, si cela se peut. Ct.-Oui ; car ce jour,

1 et istoc si qvid potis est rectivs deest addi, nam si mortem significaret, non conueniret adulescentem ita dicere. uidetur enim plus temporis optasse languori. 2 nam hvnc diem misere nimis cvpio moriatur scilicet. et hoc auersus seruus debet dicere, ne indecorum adulescentis personae sit ad haec ita dixisse. quamquam eiusmodi adulescentes inducant comici, ut Naeuius in Tribacelo: «  deos quaeso, ut adimant et patrem et matrem meos 246 ».
1 et istoc si qvid potis est rectivs il manque addi (être ajouté), car s'il évoquait la mort de Déméa, il ne serait pas convenable que le jeune homme réponde "oui". Car ce qu'il semble avoir émis comme souhait, c'est d'avoir plus de temps pour se consacrer à sa passion. 2 nam hvnc diem misere nimis cvpio "qu'il meure", implicitement. Et l'esclave doit dire cela de dos, pour qu'il ne soit pas inconvenant au personnage du jeune homme de dire ita (oui)573. Encore que les comiques mettent en scène des jeunes gens de ce genre, comme Naevius dans le Tribacelus : « deos quaeso, ut adimant et patrem et matrem meos » (je supplie les dieux qu'ils m'ôtent mes père et mère)574.

522
misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere.
j'ai méchamment l'intention, comme je l'ai commencé, de le passer tout entier dans le plaisir.

misere nimis cvpio abundat nimis more comicorum, qui hoc dicto asseuerationem inculcabant. 2 cvpio vt coepi perpetvvm in laetitia degere qui et supra dixit: «  ita quaeso, quando bene successit, hilarem hunc sumamus diem 247 ».
misere nimis cvpio nimis est superflu, selon l'usage des comiques, qui donnaient à ce mot une valeur assertive. 2 cvpio vt coepi perpetvvm in laetitia degere lui qui disait aussi ci-dessous : « ita quaeso, quando bene successit, hilarem hunc sumamus diem ».

523
et illud rus nulla alia causa tam male odi, nisi quia prope est:
Et cette campagne, je ne la déteste tant que parce qu'elle est près d'ici :

1 et illvd rvs nvlla alia cavsa tam male odi mire ostendit omnia ex delictis in prauum uerti, adeo ut miseram putet adulescens suburbanam uillam, qua re ceteri delectantur. illud ergo tamquam cum detestatione dixit. 2 Et male nimis et misere, nam nimium et malum et miserum est secundum illam sententiam: «  ut ne quid nimis 248 ».
1 et illvd rvs nvlla alia cavsa tam male odi il montre remarquablement que tout, depuis la faute commise, est vu de façon négative, au point que le jeune homme juge misérable leur ferme suburbaine, chose dont tous les autres font leurs délices. Il dit donc illud avec une sorte de ton haineux. 2 Et male signifie nimis (trop) et misere (salement), car nimius signifie à la fois malus et miser conformément à l'adage : « ut ne quid nimis » (rien de trop).

524
quod si abesset longius,
Car si elle était plus loin,

qvod si abesset longivs iam amori magis quam rei consulit adulescens.
qvod si abesset longivs pour l'heure, c'est à l'amour plus qu'à son patrimoine que songe le jeune homme.

525
prius nox oppressisset illi, quam huc reuerti posset iterum.
la nuit l'aurait surpris avant qu'il ne puisse revenir ici.

526
nunc ubi me illic non uidebit, iam huc recurret, sat scio;
Mais là, dès qu'il ne me verra pas là-bas, il va revenir en courant, je le sais bien ;

iam hvc recvrret mire de sene recurret dixit, ut eius instantiam demonstraret.
iam hvc recvrret il est paradoxal de dire recurret en parlant d'un vieillard, pour manifester la menace qu'il représente575.

527
rogitabit me, ubi fuerim: « quem ego hodie toto non uidi die! ».
il me demandera sans cesse où j'étais : « je ne t'ai pas vu de la journée » !

528
quid dicam? Sy.-nihilne in mente923 est? Ct.-numquam quicquam. Sy.-tanto nequior.
Que lui dirai-je ? Sy.-Il ne te vient rien à l'esprit ? Ct.-Pas le moins du monde. Sy.-Que tu es bête !

1 nihilne in mente est sic hoc accipiendum est, ut adulescenti libero malitiam putemus, non sapientiam deesse: adeo in hac re magister est seruus. 2 tanto neqvior sic hoc dictum est, ut e contrario dicimus tanto melior. 3 nvmqvam qvicqvam παρέλκον pro numquam, id est non.
1 nihilne in mente est ce qu'il faut comprendre c'est que nous devons penser que ce qui fait défaut à un jeune homme de bonne famille, c'est la malice, non pas la sagesse : et dans ce domaine, le maître c'est l'esclave. 2 tanto neqvior c'est une expression qui a pour contraire tanto melior (d'autant meilleur). 3 nvmqvam qvicqvam pléonasme (παρέλκον) pour numquam, c'est-à-dire non (ne pas)576.

529
cliens, amicus, hospes nemo est uobis? Ct.-sunt; quid postea?
Client, ami, hôte, vous n'avez personne ? Ct.-Si ; et après ?

1 cliens amicvs hospes nemo est vobis uide magistrum ad nequitiam, ut simplici adulescenti mentiendi uiam demonstret et honestum temptet afferre argumentum ad mendacium: propter clientem, amicum aut hospitem in urbe cessare; quod tamen nec sic intelligit ut rudis ac rusticus adulescens. 2 cliens amicvs hospes nemo est vobis mire sic interrogauit, ut qui agrestes inhumanosque reprehendat et insociabiles aliis ob asperitatem rustici senis.
1 cliens amicvs hospes nemo est vobis voyez ce maître en rouerie, comme il inculque à un jeune homme simple la méthode du mensonge et comment il s'ingénie à couvrir d'un argument honorable un bobard : qu'il s'est attardé en ville à cause d'un client, d'un ami ou d'un hôte ; mais cela le jeune homme, en tant qu'il est mal dégrossi et campagnard, ne le comprend pas de la même façon577. 2 cliens amicvs hospes nemo est vobis étonnamment, il dit cela sur le mode interrogatif, en homme qui les traite de rustauds, de sous-hommes, d'associaux en raison de la dureté du vieux paysan.

530
Sy.-hisce opera ut data sit? Ct.-quae non data est924, non potest fieri. Sy.-potest.
Sy.-Des gens à qui il faudrait apporter de l'aide ? Ct.-Sans qu'une aide ait été apportée, ce n'est pas possible. Sy.-Si, ça l'est.

1 qvae non data est non potest fieri a superiore subauditur ueniat in mentem, id est: "cogita dari potuisse et datam dicito". 2 qvae non data est non potest fieri hic de facto quaestio est, in qua quidam disputant quaedam tunc possibilia intellegi, cum facta sint; cum autem non fiant, non modo non fieri, sed ne possibilia quidem esse dicenda: qui locus περὶ δυνατῶν dicitur. 3 potest iterum subauditur ut data sit uel ut credatur data.
1 qvae non data est non potest fieri on sous-entend de ce qui précède ueniat in mentem (que ça vienne à l'esprit)578, c'est-à-dire : "imagine qu'une aide aurait pu être apportée, et prétends qu'elle l'a été"579. 2 qvae non data est non potest fieri il s'agit ici d'une question sur le factuel, sur laquelle certains dissertent en disant qu'il y a des choses qu'on peut interpréter comme possibles au moment où elles se sont réalisées, mais que, quand elles ne se réalisent pas, non seulement elles ne se réalisent pas, mais même elles ne peuvent pas être dites possibles ; c'est le raisonnement dit des possibles (περὶ δυνατῶν)580. 3 potest on sous-entend à nouveau ut data sit (qu'elle ait été donnée) ou bien ut credatur data (qu'on la croie donnée).

531
Ct.-interdius ; sed si hic pernocto, causae quid dicam, Syre?
Ct.-En plein jour ; mais si je découche, quel prétexte vais-je trouver, Syrus ?

interdivs bene, quia amatori maxime noctu opus est.
interdivs bien dit, parce que l'amoureux a surtout besoin de la nuit.

532
Sy.-uah, quam uellem etiam noctu amicis operam mos esset dari!
Sy.-Ah ! comme j'aimerais que même la nuit les amis aient coutume d'apporter de l'aide !

1 vah qvam vellem etiam noctv hoc utriusque personae conuenit, sed melius a Syro et facetius dicitur. 2 Et quidam totum personae Ctesiphonis assignant ab usque interdius. 3 Et quam uellem proprie dicimus in his, quae non uidemus fieri. bene igitur deficiente argumento cum aliud non inueniret, in uota conuersus est: unde uidentur magis haec uerba Ctesiphonis esse.
1 vah qvam vellem etiam noctv la réplique convient aux deux personnages, mais elle est meilleure et plus drôle si c'est Syrus qui la dit. 2 Et certains attribuent toute la réplique depuis interdius à Ctésiphon. 3 Et nous disons quam uellem au sens propre pour ce que nous ne voyons pas se réaliser. C'est bien donc que, à court d'argument et faute d'en trouver d'autres, il en vienne aux souhaits : aussi semble-t-il préférable que ces paroles soient celles de Ctésiphon581.

533
quin tu otiosus esto; ego illius sensum pulchre calleo.
Mais bon, sois tranquille, toi ; moi je connais parfaitement son caractère.

calleo "callide scio".
calleo "je sais de façon avisée" (callide)582.

534
cum feruit maxime, tam placidum quam ouem reddo. Ct.-quo modo?
Dès qu'il s'est bien échauffé, je le rends doux comme un agneau. Ct.-Comment ?

1 cvm fervit maxime tertia coniugatione dixit, unde et feruĕre dicitur correpta media syllaba. 2 qvo modo miratur, quia timet eum quem iste contemnit.
1 cvm fervit maxime il utilise le verbe à la troisième conjugaison, d'où aussi l'infinitif feruĕre avec une syllabe médiane brève583. 2 qvo modo Ctésiphon s'étonne parce qu'il a peur de celui que Syrus traite par le mépris.

535
Sy.-laudarier te audit libenter: facio te apud illum deum:
Sy.-Il adore entendre dire du bien de toi ; alors je te divinise à ses yeux :

lavdarier te avdit libenter quod de Demea dicitur, in omnes parentes dici puta; nam nemo tam asper est pater, qui non statim mitescat laudato filio.
lavdarier te avdit libenter ce qui est dit de Déméa, pensez qu'on le dit de tous les pères ; car il n'y a pas de père si sévère qui ne s'adoucisse dès qu'on fait l'éloge de son fils.

536
uirtutes narro. Ct.-meas? Sy.-tuas: homini ilico lacrimae cadunt
j'énumère tes vertus. Ct.-Les miennes ? Sy.-Les tiennes : le bonhomme aussitôt a les larmes qui lui viennent,

1 virtvtes narro non dixit elegantem indolem sed uirtutes. sunt autem perfecti sapientis uel diui alicuius. 2 Et bene cum stupore respondet meas? ostendens quod nullae essent. 3 meas tvas et meas et tuas cum gestu pronuntiare debemus, ut intellegatur irrisio.
1 virtvtes narro il ne dit pas elegantem indolem (caractère distingué) mais uirtutes. Or il s'agit de l'apanage du sage accompli ou d'un dieu. 2 Et Ctésiphon répond à juste titre meas ?, montrant par là qu'il n'en a aucune. 3 meas tvas nous devons prononcer et meas et tuas avec un geste, pour faire comprendre la moquerie.

537
quasi puero gaudio. em tibi autem! Ct.-quidnam est? Sy.-lupus in fabula.
comme à un enfant, de joie. Aïe, gare à toi ! Ct.-Quoi donc ? Sy.-Voici le loup de la fable.

1 qvasi pvero gavdio deest prae ut sit: prae gaudio. 2 lvpvs in fabvla silentii indictio est in hoc prouerbio atque eiusmodi silentii, ut in ipso uerbo uel ipsa syllaba conticescat, quia lupum uidisse homines dicimus, qui repente obmutuerunt; quod fere his euenit, quos prior uiderit lupus, ut cum cogitatione in qua fuerint etiam uerbis et uoce careant. nam sic Theocritus: «  οὐ φθέγξῃ ; λύκον εἶδες 249 » et Vergilius: «  uox quoque Moerim iam fugit ipsa, lupi Moerim u. uidere p. priores 250 ». alii putant ex nutricum fabulis natum pueros ludificantium terrore lupi paulatim Capua140 uenientis usque ad limen cubiculi. nam falsum est quod dicitur interuenisse lupum Naeuianae fabulae Alimonio Remi et Romuli, dum in theatro ageretur.
1 qvasi pvero gavdio il manque prae pour faire : prae gaudio (en raison de sa joie). 2 lvpvs in fabvla il y a l'ordre de faire silence dans ce proverbe584, et un silence complet, de sorte que l'on s'interrompt sur le mot même, voire sur la syllabe même, parce qu'on dit qu'ont vu le loup les hommes qui se taisent d'un coup. Et c'est ce qui arrive généralement à ceux que le loup a vus en premier, au point que, se bloquant sur l'idée qu'ils étaient en train de suivre, ils restent sans mots et sans voix. En effet, voici ce que dit Théocrite : « οὐ φθέγξῃ ; λύκον εἶδες (ne diras-tu rien ? as-tu vu le loup ?) et Virgile : « uox quoque Moerim iam fugit ipsa, lupi Moerim uidere priores » (déjà la voix aussi fuit Moeris, les loups ont vu Moeris les premiers). D'autres pensent que cela vient des histoires que les nourrices racontent aux enfants pour se moquer d'eux en leur faisant peur avec le loup qui vient pas à pas de Capoue jusqu'au bord du lit585. Mais c'est faux ce qu'on dit à propos du loup qui serait entré pendant que la pièce de Naevius Les Enfances de Romulus et Rémus se jouait sur la scène586.

538
Ct.-pater est? Sy.-ipsus est. Ct.-Syre, quid agimus? Sy.-fuge modo intro; ego uidero.
Ct.-Mon père ? Sy.-En personne. Ct.-Syrus, que faisons-nous ? Sy.-Réfugie-toi là-dedans ; moi, j'aviserai.

fvge modo intro non dixit i uel abi uel uade, sed fuge: tanta celeritate opus est.
fvge modo intro il ne dit pas i (vas-y) ou abi (va t-en) ou uade (pars), mais fuge : il y a urgence.

539
Ct.-si quid rogabit, nusquam tu me... audistin? Sy.-potin ut desinas?
Ct.-S'il te demande quoi que ce soit, nulle part tu ne m'as... Compris ? Sy.-Peux-tu cesser ?

1 si qvid rogabit nvsqvam tv me magna uirtute Terentius rudem, simplicem timidumque inducit Ctesiphonem ab initio, ut is sit, qui mox opprimetur cum meretrice accumbens interuentu patris ob imprudentiam et rusticitatem suam. 2 nvsqvam tv me familiaris ἔλλειψις et apta properanti, quare haec omnia et pressa uoce cum celeritate pronuntianda sunt.
1 si qvid rogabit nvsqvam tv me avec beaucoup de talent, Térence met en scène depuis le début un Ctésiphon mal dégrossi, simple et craintif, au point que c'est lui encore qui se laissera bientôt prendre en flagrant délit, couché avec sa maîtresse et surpris par l'arrivée de son père, à cause de son imprévoyance et de son caractère paysan. 2 nvsqvam tv me ellipse (ἔλλειψις) familère et propre à un personnage qui se hâte, raison pour laquelle toute cette réplique doit être dite aussi à voix basse et à toute vitesse.

scaena altera

Ctesipho Syrus Demea

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540
De.-ne ego homo infelix sum925! primum fratrem nusquam inuenio gentium;
Dé.-Ouais, que je suis malheureux ! D'abord je ne trouve mon frère nulle part au monde ;

1 ne ego homo infelix svm in hoc actu exemplum est, neminem facilius quam optimum quemque falli atque deludi. 2 Et ne ualde significat, ut «  ne illi uehementer errant 251 » Cicero in Catilinam. 3 ne ego homo svm infelix uide initium conueniens perpetuo maerori Demeae: per totam fabulam aut «  disperii 252 » dicit aut «  defessus sum 253 » aut tale quid semper, quo queratur, ita tamen, ut cum augmento sit miseria, quotienscumque processerit. nam plus est quod nunc dixit ne ego sum infelix quam «  disperii 254 ». 4 nvsqvam invenio gentivm abundat gentium.
1 ne ego homo infelix svm dans cette scène, on voit par l'exemple que personne n'est plus facile à tromper et à berner qu'un homme excellent. 2 Et ne signifie ualde, comme dans : « ne illi uehementer errant » (oui vraiment, ils se trompent lourdement), dans les Catilinaires de Cicéron587. 3 ne ego homo svm infelix voyez un début qui convient bien à l'éternel mécontentement de Déméa : dans toute la pièce, il dit toujours « disperii » ou « defessus sum » ou quelque équivalent qui montre qu'il se plaint, mais de manière à ce que son désarroi grandisse à chaque fois qu'il entre en scène. Car il dit plus en disant ne ego sum infelix qu'en disant « disperii ». 4 nvsqvam invenio gentivm gentium est superflu588.

541
praeterea autem, dum illum quaero, a uilla mercennarium
ensuite, alors que je le cherchais, c'est un des ouvriers de ma ferme

1 a villa mercennarivm vidi sapientissime Terentius etsi proxima uilla est, necessarium senem ad reliquos actus fabulae noluit ab urbe discedere personae senilis memor. nam et arduum fuerat dum redit et cruciabile, ne fatigatio eius in tragoediam transiliret. recte igitur inuenit a mercennario illi in urbe narratum ruri non esse Ctesiphonem. at ubi persona est adulescentis, et proficiscitur ad uillam et continuo redit, ut in Eunucho Phaedria. 2 Et a villa utrum a pro de positum est, ut sit de uilla, an deest uenisse, ut sit: a uilla uidi uenisse mercennarium?
1 a villa mercennarivm vidi de manière très avisée, Térence, même si la ferme est toute proche, n'a pas voulu éloigner de la ville un viellard nécessaire aux autres actes de la pièce, en se souvenant que c'est un personnage de vieillard. Car il eût été difficile, en lui faisant faire l'aller-retour, et pénible de ne pas faire de son épuisement un tremplin vers la tragédie. Donc à juste titre il invente le récit fait en ville à Déméa par un ouvrier de la ferme, selon lequel Ctésiphon n'est pas au domaine. Mais quand il s'agit d'un personnage de jeune homme, il va à la ferme et il en revient aussitôt, comme Phédria dans L'Eunuque589. 2 Et a villa est-ce que a est mis pour de, pour faire de uilla (un ouvrier de la ferme), ou manque-t-il uenisse (était venu), pour faire : a uilla uidi uenisse mercennarium (j'ai vu qu'un ouvrier était venu de la ferme) ?590

542
uidi; is filium negat esse ruri; nec quid agam scio.
que j'ai vu ; et lui m'affirme que mon fils n'est pas au domaine ; je ne sais plus quoi faire.

nec qvid agam scio "utrum fratrem an filium magis quaeram". nam senex querulus tria dicit sibi esse incommoda: quod fratrem non inueniat, quod Ctesipho ruri non sit, quod utrum in urbe maneat an ad uillam abeat ipse nesciat.
nec qvid agam scio "dois-je d'abord chercher mon frère ou mon fils ?". Car le vieillard plaintif dit qu'il a trois soucis : il ne trouve pas son frère, Ctésiphon n'est pas au domaine, il ne sait pas lui-même s'il doit rester en ville ou partir à la ferme.

543
Ct.-Syre! Sy.-quid est? Ct.-men quaerit? Sy.-uerum. Ct.-perii. Sy.-quin tu animo bono es.
Ct.-Syrus ! Sy.-Quoi ? Ct.-C'est moi qu'il cherche ? Sy.-De fait. Ct.-Je suis perdu. Sy.-Mais non, reste tranquille.

1 vervm modo uerum nomen est. 2 An aduerbium confirmantis, id est uere? 3 perii qvin tv animo bono es haec Ctesiphonis perturbatio huc tendit poetae arte, ut deprehendatur cum amica filius repente intrante sene. 4 Nunc quin pro immo positum est.
1 vervm parfois uerum est un nom. 2 A moins qu'il ne s'agisse d'un adverbe de confirmation, c'est-à-dire uere (vraiment) ? 3 perii qvin tv animo bono es le trouble de Ctésiphon est amené par l'art du poète au point que le jeune homme se fera prendre avec sa maîtresse sitôt le vieillard entré. 4 Ici quin est mis pour immo.

544
De.-quid hoc, malum, infelicitatis? nequeo satis decernere,
Dé.-Qu'est-ce que c'est que cette misère de malheur ? Je n'y vois plus bien clair,

1 qvid hoc malvm malum abundat. 2 qvid hoc malvm infelicitatis deest sit. et est ordo: "quid hoc infelicitatis sit, nequeo discernere". hic autem malum pro interiectione est positum, quasi dicat o malum. et est dictum anxii hominis et perturbati nimis.
1 qvid hoc malvm malum est superflu. 2 qvid hoc malvm infelicitatis il manque sit. Et l'ordre des mots est : "quid hoc infelicitatis sit, nequeo discernere" (de quel genre de malheur il s'agit, je n'arrive pas à le voir). Or ici malum est mis en fonction d'interjection, comme s'il disait o malum (ô malheur !). Et c'est le propos d'un homme angoissé et passablement perturbé.

545
nisi me credo huic esse natum rei, ferundis miseriis.
sauf que je crois que je suis né pour une chose : supporter des avanies.

1 nisi me credo pro: nisi quia iam superest, ut me credam. hic enim sensus est in huiusmodi locutione. 2 nisi me credo hvic esse natvm rei nisi me141 noua locutio pro: nisi quia credo. et huic rei potest subtrahi incolumi sensu, ut142: nisi me credo natum esse ferundis miseriis. ergo huic rei subdistinguendum et sic inferendum ferundis miseriis. 3 Ergo huic rei pro ad hanc rem.
1 nisi me credo pour : nisi quia iam superest, ut me credam (si ce n'est qu'il me reste désormais à me croire). C'est le sens des expressions de ce genre. 2 nisi me credo hvic esse natvm rei nisi me591 est une expression inédite pour : nisi quia credo592 (si ce n'est que je crois que je...). Et huic rei peut être supprimé sans gêne pour le sens, d'où : nisi me credo natum esse ferundis miseriis (sauf à me croire né pour endurer des avanies). Donc il faut ponctuer après huic rei et continuer ainsi : ferundis miseriis. 3 Donc huic rei équivaut à ad hanc rem (pour cette chose)593.

546
primus sentio mala nostra, primus rescisco omnia,
Je suis le premier à éprouver les malheurs de notre famille, le premier à tout deviner,

1 primvs143ἐπαναφορά. 2 primvs sentio mala ridiculus error Demeae. 3 Et primus ad ordinem, solus ad numerum dicitur.
1 primvs épanaphore (ἐπαναφορά)594. 2 primvs sentio mala erreur risible de Déméa. 3 Et primus renvoie à la succession, solus au nombre.

547
primus porro obnuntio; aegre solus, si quid fit, fero.
le premier à annoncer les mauvaises nouvelles ; c'est moi qui subis seul la moindre contrariété.

1 primvs porro obnvntio qui malam rem nuntiat, obnuntiat, qui bonam, adnuntiat. nam proprie obnuntiare dicuntur augures, cum aliquid mali ominis scaeuumque uiderint. 2 Ergo obnuntio malum imminens nuntio, quasi omen nuntio: inde enim ἐτυμολογία huiusce uerbi est. 3 aegre solvs si qvid fit fero praue scilicet.
1 primvs porro obnvntio pour celui qui annonce une mauvaise nouvelle, on dit qu'il obnuntiat, pour une bonne nouvelle, qu'il adnuntiat. Car au sens propre obnuntiare se dit des augures, quand ils ont vu un signe de mauvais présage et funeste. 2 Donc obnuntio veut dire "j'annonce un malheur imminent", comme si c'était omen nuntio (j'annonce un présage) : car c'est là l'étymologie (ἐτυμολογία) de ce verbe595. 3 aegre solvs si qvid fit fero en mal, implicitement.

548
Sy.-rideo hunc; primum ait se scire: is solus nescit omnia.
Sy.-Il me fait rire ; il dit qu'il est le premier à savoir : il est le seul à tout ignorer !

is solvs nescit omnia bene solus utpote de multis, quia, cum sciat Micio, Syrus, Aeschinus, Ctesipho, populus, hic solus fallatur.
is solvs nescit omnia solus est bien trouvé, à savoir seul parmi plusieurs, puisque, alors que sont déjà au courant Micion, Syrus, Eschine, Ctésiphon et le public, lui seul est dans l'erreur.

549
De.-nunc redeo; si forte frater redierit uiso. Ct.-Syre,
Dé.-Me voilà donc de retour ; si d'aventure mon frère est revenu, je vais aller le voir. Ct.-Syrus,

si forte frater redierit viso pro: si rediit.
si forte frater redierit viso pour si rediit au parfait de l'indicatif.

550
obsecro, uide ne ille huc prorsus se inruat. Sy.-etiam taces?
par pitié, veille à ce qu'il ne se précipite pas tout de suite à la maison. Sy.-Mais enfin, ne vas-tu pas te taire ?

1 prorsvs se inrvat neutrum uerbum quasi actiuum se inruat prorsus144. 2 vide ne ille hvc iam metuitur quod futurum est. 3 Et cum neutrum sit irruat, noue intulit se. praeterea sic dixit irruat tamquam de eo qui pugnaturus sit, ut in Eunucho «  quam mox irruimus? 255 » aut tamquam de sue, ut Horatius «  hac lutulenta ruit sus 256 » et Vergilius «  ipse ruit dentesque S. Sabellicus e. exacuit s. sus 257 ». 4 etiam taces antique pro tace. sic in Andria «  etiam tu hoc respondes? 258 » pro responde. est ergo correptionis significatio.
1 prorsvs se inrvat il utilise un verbe neutre en en faisant quasiment un actif : se inruat prorsus596. 2 vide ne ille hvc désormais on s'inquiète de l'avenir. 3 Et bien que irruat soit un verbe neutre, dans une construction inédite il ajoute se. Par ailleurs il utilise irruat pour parler de quelqu'un qui s'apprête à se battre, comme dans L'Eunuque : « quam mox irruimus ? » ou pour parler d'un cochon, comme Horace : « hac lutulenta ruit sus » (par là se précipite un porc plein de fange) et Virgile : « ipse ruit dentesque Sabellicus exacuit sus » (le sanglier sabellien charge et aiguise ses défenses)597. 4 etiam taces archaïque pour tace (tais-toi). Ainsi dans L'Andrienne : « etiam tu hoc respondes ? » pour responde (réponds)598. C'est donc une expression qui connote le blâme.

551
ego cauebo. Ct.-numquam hercle hodie ego istuc committam tibi;
Je m'en occupe. Ct.-Jamais, ma foi, je ne vais te confier aujourd'hui cette tâche ;

hodie ego istvc committam tibi "quod ago", id est complexum mulieris.
hodie ego istvc committam tibi "ce que je suis en train de faire", à savoir l'amour avec une femme.

552
nam me iam in cellam aliquam cum illa concludam; id tutissimum est.
et pour l'heure, je vais m'enfermer avec elle dans quelque cachette ; c'est le plus sûr.

1 nam me iam in cellam aliqvam cvm illa conclvdam id agit stulte adulescens, ut ibi deprehendatur, ubi conclusus est; sed sic ipse agit, ut possit subterfugere non deprehensus conspectum patris. 2 in cellam aliqvam cvm illa eleganter figurauit in locum quasi in loco: in cellam concludam, non in cella. 3 Et mire, ut reclusum tutumque locum subiret, cellam scilicet, quam ob ea quae in ipsa celantur clausam esse conueniat. nam et cella et cellarium a reponendis celandisque rebus esculentis et poculentis dicitur.
1 nam me iam in cellam aliqvam cvm illa conclvdam c'est là agir sottement de la part du jeune homme, au point de se faire prendre là où il s'est enfermé ; mais s'il agit ainsi, c'est pour pouvoir échapper sans se faire prendre au regard de son père. 2 in cellam aliqvam cvm illa élégante figure par laquelle il indique le lieu où l'on va comme si c'était le lieu où l'on est : in cellam concludam, et non pas in cella à l'ablatif599. 3 Et paradoxalement, pour pénétrer furtivement dans un endroit fermé et sûr, c'est-à-dire la cachette, dont il conviendrait qu'elle soit fermée en raison des choses qu'on y cache. Car et cella et cellarium (cellier) tirent leur nom du fait qu'on y dépose et dissimule (celare) des denrées comestibles et liquides.

553
Sy.-age, tamen ego hunc amouebo. De.-sed eccum sceleratum Syrum.
Sy.-Va, je vais quand même bien l'éloigner. Dé.-Tiens, mais c'est ce coquin de Syrus.

1 age tamen ego hvc amovebo mire amouebo dixit, non deterrebo; nam proprie amouetur de loco saxum. quo uerbo significat imminere sibi magnum laborem in hoc opere. 2 Et uide αὔξησιν: supra ut pecudem «  abigam hinc rus 259 » dixit, modo ut saxum amouebo inquit.
1 age tamen ego hvc amovebo : de façon étonnante, il dit amouebo, et non pas deterrebo (je le détournerai) ; car au sens propre, c'est un rocher qu'on amouet (déplace) de son logement. Avec ce verbe, il signifie que c'est une grande épreuve qui l'attend dans cette tâche. 2 Et voyez l'amplification (αὔξησις) : ci-dessus il en parlait comme d'une tête de bétail en disant : « abigam hinc rus », ici comme d'un rocher en disant amouebo.

554
Sy.-non hercle hic quidem durare quisquam, si sic fit, potest.
Sy.-Non, morbleu, personne ne peut durer ici dans ces conditions.

non hercle hic qvidem dvrare qvisqvam si sic fit potest nimis moraliter expressa uerba sunt Syri uerberatum se indicantis: quis non ex uerbis seruum intellegat? et seruum recens uerberatum? et seruum fugam comminantem? mire autem non ego sed quisquam dixit nec permanere sed durare; nam hoc uerbum perferendis malis conuenit, ut Vergilius «  durate et uosmet rebus seruate secundis 260 ». haec autem omnia sic dicit, quasi non uideat Demeam.
non hercle hic qvidem dvrare qvisqvam si sic fit potest c'est en pleine conformité à son caractère que Syrus s'exprime ainsi en indiquant qu'il a été frappé : qui pourrait ne pas comprendre, à ces mots, qu'il s'agit d'un esclave ? Et d'un esclave qui vient d'être frappé ? Et d'un esclave qui menace de s'enfuir ? De façon remarquable, il ne dit pas ego (moi), mais quisquam, ni permanere (rester) mais durare ; car c'est un verbe qui convient bien à l'endurance de tortures, comme chez Virgile : « durate et uosmet rebus seruate secundis » (tenez bon et préservez-vous pour un avenir favorable). Et il dit tout cela en feignant de ne pas voir Déméa.

555
scire equidem uolo quot mihi sint domini. quae haec est miseria!
Je voudrais savoir combien j'ai de maîtres. Cette misère !

1 qvot mihi sint domini et hoc apparet non a legitimo domino uerberatum esse. 2 qvae haec est miseria deest quam patior. et quasi comploratio quaedam est flebilis post querelas.
1 qvot mihi sint domini et il appert que ce n'est pas par son maître légitime qu'il a été frappé. 2 qvae haec est miseria il manque quam patior (que j'endure). Et c'est comme une sorte de déploration pitoyable après les plaintes.

556
De.-quid ille gannit? quid uult? quid ais, bone uir? est frater domi?
Dé.-Mais qu'est-ce qu'il est en train de glapir ? Que veut-il dire ? Que dis-tu, mon bon monsieur ? Est-ce que mon frère est à la maison ?

qvid ille gannit gannit proprie: gannitus est ueluti ploratus uapulantium.
qvid ille gannit gannit au sens propre : le terme gannitus désigne une sorte de déploration de ceux qui reçoivent des coups600.

557
Sy.-quid, malum, « bone uir » mihi narras? equidem perii. De.-quid tibi est?
Sy.-Qu'est-ce que tu me chantes, malheur, avec ton « bon monsieur » ? Je suis bel et bien mort. Dé.-Qu'est-ce qui t'arrive ?

qvid malvm et hic malum pro interiectione abundat.
qvid malvm et ici malum en position d'interjection est superflu601.

558
Sy.-rogitas? Ctesipho me pugnis miserum et istam psaltriam
Sy.-Tu le demandes ? Ctésiphon, à coups de poings, pauvre de moi, moi et la musicienne,

ctesipho me pvgnis miservm et istam psaltriam vsqve occidit mire interiecit miserum. et necessario usque addidit, ut ostenderet τὸ «  occidit 261 » nimiae caedis uerbum, non occisionis intellegi oportere.
ctesipho me pvgnis miservm et istam psaltriam vsqve occidit de façon étonnante il utilise miserum comme interjection. Et par nécessité il ajoute usque, pour montrer que le verbe (τὸ) occidit doit s'interpréter comme désignant une rossée excessive, non un massacre.

559
usque occidit. De.-hem, quid narras? Sy.-em uide ut discidit labrum.
il nous a presque tués. Dé.-Hein, qu'est-ce que tu racontes ? Sy.-Tiens, regarde comme il m'a fendu la lèvre.

1 vsqve occidit "prope" occidit. aut usque pro ualde est. 2 vsqve occidit pro: uehementer cecidit; nam occidere et praecidere ad caedem referebantur apud ueteres. 3 vsqve occidit ἰδιωτικῶς: nunc enim occisus loquitur. 4 em vide vt discidit labrvm non ostendit sed uidetur ostendere seni parum iam uidenti et intra os. 5 em vide vt discidit labrvm Asper mediam longam a caedendo accipit, ego mediam breuem a scindendo.
1 vsqve occidit "il m'a presque tué". Ou alors usque équivaut à ualde (beaucoup). 2 vsqve occidit mis pour : "il a frappé fort" ; car occidere et praecidere (tailler, découper) se rapportaient aux coups chez les Anciens. 3 vsqve occidit dit de façon particulière (ἰδιωτικῶς) : car il dit cela après avoir été frappé602. 4 em vide vt discidit labrvm il ne montre pas vraiment mais fait semblant de montrer au vieillard, qui ne voit pas très bien, et qui plus est à l'intérieur de sa bouche. 5 em vide vt discidit labrvm Asper le comprend avec une syllabe médiane longue, dérivé de caedere (frapper), moi avec une brève, dérivé de scindere (déchirer)603.

560
De.-quamobrem? Sy.-me inpulsore hanc emptam esse ait. De.-non tu eum rus
Dé.-Pourquoi ? Sy.-Il dit que c'est à mon instigation que la fille a été achetée. Dé.-Mais n'était-ce pas lui qu'à la campagne tu

1 non tv evm rvs prodvxe aiebas mire Terentius eos ipsos qui falluntur ex aliqua parte cautos facit, ut eo delectabilius spectatoribus procedant doli. nam quae gratia est aut delectatio non stultissimum145 falli! 2 non tv evm rvs prodvxe aiebas memoriter senex non solum quid sibi dixerit Syrus paulo ante, sed et quibus uerbis dixerit refert. nam sic dixerat «  quem egomet produxi 262 »146.
1 non tv evm rvs prodvxe aiebas de façon remarquable, Térence fait de ceux qu'on berne des personnages d'une certaine manière avisés, pour que les fourberies se présentent au spectateur avec d'autant plus d'agrément. Car quel agrément il y a ou quel plaisir à voir berner quelqu'un qui n'est pas un pur imbécile ! 2 non tv evm rvs prodvxe aiebas de mémoire, le vieillard rappelle non seulement ce que Syrus lui a dit auparavant, mais aussi en quels termes il le lui a dit. Car il s'était exprimé ainsi : « quem egomet produxi ».

561
produxe aiebas926? Sy.-factum; uerum uenit post insaniens;
avais expédié, selon tes propres dires ? Sy.-Je l'ai fait ; mais il est revenu peu après comme un fou ;

vervm venit post insaniens nunc «  produxi... iratum admodum 263 », nunc αὐξητικῶς non iratum praedicat, sed insanum.
vervm venit post insaniens d'abord : « produxi... iratum admodum », là, avec amplification (αὐξητικῶς), il ne dit pas iratum (en colère), mais insanum.

562
nihil pepercit. non puduisse uerberare hominem senem!
il n'a rien épargné. Tout de même, ne pas avoir eu honte de frapper un vieillard !

1 nihil pepercit ut supra «  nihil reticuit 264 ». sic dicimus in his, quae praeter exspectationem gesta sunt. 2 verberare hominem senem miserum fit de aetate id, quod de condicione non poterat.
1 nihil pepercit comme ci-dessus : « nihil reticuit ». Ainsi disons-nous quand quelque chose a été fait qui dépasse les attentes. 2 verberare hominem senem il se produit du pathétique avec la mention de l'âge qui n'aurait pu se produire avec la mention du statut604.

563
quem ego modo puerum tantillum in manibus gestaui meis.
Moi qui l'ai tenu naguère dans mes bras enfant, tout petit comme ça !

1 qvem ego modo pvervm addidit aetati inuidiam et meritum recens; hoc est enim, quod dicit modo. 2 Et tantillvm δεικτικόν est: uidetur enim manu fingere quam paruulum.
1 qvem ego modo pvervm il ajoute à l'âge de l'animosité et le caractère récent de son bienfait ; car voilà ce que siginifie modo. 2 Et tantillvm est un déictique (δεικτικόν) : il semble en effet figurer de la main la petite taille de l'enfant.

564
De.-laudo, Ctesipho: patrissas. abi, uirum te iudico.
Dé.-Bravo, Ctésiphon : tu es digne de ton père. Allez, te voilà un homme selon mes critères.

1 lavdo ctesipho patrissas facile inductus est senex uarietate fraudis et doli. nam Syrus et supra ut laudans, non ut uituperans Ctesiphonem, et nunc ut accusans idem perficit atque persuadet. 2 patrissas αὔξησις, nam ut supra dixerat «  spero, est similis maiorum suorum 265 », hic confirmauit quod sperare se dixerat. 3 Et uirum te iudico inquit, non adulescentulum: hoc enim ad aetatem et probitatem, non ad sexum refertur. 4 patrissas attende quam bene inuentum sit ita senem dicere! nonne uidetur tibi stultissimus, cum huiusmodi laude non modo se nunc laudare uelit, quod odiosum est, sed etiam filium apud intellegentes uituperare uideatur? siquidem non solum hic stultus est, sed etiam ille, quia patrissas inquit. 5 patrissas abi tam securus est, ut se laudet. et abi addidit quasi dicat: "non est quod iam <te> demorer, perfectus es". 6 lavdo ctesipho hic totus uersus mire delusum ostendit senem.
1 lavdo ctesipho patrissas le vieillard s'est laissé facilement tromper par la variété de la ruse et de la fourberie. Car Syrus, d'abord en faisant ci-dessus l'éloge de Ctésiphon au lieu de le blâmer, et maintenant en se faisant accusateur, obtient le même effet et emporte l'adhésion. 2 patrissas amplification (αὔξησις), car comme il avait dit ci-dessus : « spero, est similis maiorum suorum », il confirme ici les espoirs qu'il avait énoncés. 3 Et il dit uirum te iudico, et non pas adulescentulum (jeune homme) : car c'est à l'âge et aux qualités que cela renvoie, non au sexe. 4 patrissas examinez quelle belle invention il y a à faire s'exprimer ainsi le vieillard ! Car est-ce qu'il ne paraît pas très sot de vouloir avec un pareil éloge non seulement se louer soi-même, ce qui est détestable, mais aussi blâmer son fils auprès de ceux qui comprennent ? De fait, non seulement lui est stupide, mais son fils aussi, puisqu'il dit patrissas (tel père, tel fils). 5 patrissas abi il est assez rassuré pour faire son propre éloge, et il ajoute abi comme s'il disait : "je n'ai pas de raison de te retenir, tu es parfait". 6 lavdo ctesipho l'intégralité de ce vers illustre que le vieillard est berné.

565
Sy.-laudas? ne ille continebit posthac, si sapiet, manus.
Sy.-Bravo ? Alors, s'il est sage, il retiendra dorénavant sa main.

ne ille continebit posthac si sapiet manvs comminatio et subtilis et parcior uelut serui.
ne ille continebit posthac si sapiet manvs menace subtile et limitée comme il se doit de la part d'un esclave.

566
De.-fortiter. Sy.-perquam; quia miseram mulierem et me seruulum,
Dé.-Très fort. Sy.-Oui vraiment ; pour avoir, sur une pauvre femme et le petit esclave que je suis,

1 perqvam nimis: εἰρωνεία. 2 et me servvlvm ὡς orator non seruum sed seruulum, cum sit senex.
1 perqvam "trop" : c'est de l'ironie (εἰρωνεία). 2 et me servvlvm en bon orateur (ὡς), il ne dit pas seruum (esclave) mais seruulum, alors qu'il est âgé605.

567
qui referire non audebam, uicit; hui! perfortiter!
qui n'osais pas rendre les coups, remporté la victoire ? Oui ! Trop fort !

1 non avdebam hoc est: "non poteram". 2 hvi perfortiter hoc gestu seruili et nimis leuiori personae congrue dictum est.
1 non avdebam c'est-à-dire : "je ne pouvais pas". 2 hvi perfortiter cela se dit avec un geste d'esclave et d'une façon particulièrement adaptée à un personnage de faible condition.

568
De.-non potuit melius; idem quod ego sensit: te esse huic rei caput.
Dé.-Il ne pouvait mieux faire ; il a eu la même idée que moi : que c'est toi la tête pensante de cette affaire.

1 non potvit melivs hoc est: «  laudo, Ctesipho 266 ». 2 Et deest fieri ut sit: "non potuit melius fieri". 3 idem qvod ego hoc est «  patrissas: uirum te iudico 267 ».
1 non potvit melivs c'est-à-dire : « laudo, Ctesipho ». 2 Et il manque fieri, pour faire : non potuit melius fieri (ça n'aurait pas pu mieux arriver). 3 idem qvod ego c'est-à-dire : « patrissas : uirum te iudico ».

569
sed estne frater intus? Sy.-non est. De.-ubi illum inueniam cogito.
Mais est-ce que mon frère est à la maison ? Sy.-Non. Dé.-Je me demande chez qui je pourrais le trouver.

sed estne frater intvs "responde ut sit", sed ut non sit respondit147 .
sed estne frater intvs "dans ta réponse arrange-toi pour qu'il y soit", mais il répond qu'il n'y est pas606.

570
Sy.-scio ubi sit, uerum hodie numquam monstrabo. De.-hem, quid ais? Sy.-Ita.
Sy.-Je sais où il est, mais jamais d'aujourd'hui je ne le ferai savoir. Dé.-Hein, que dis-tu ? Sy.-C'est ainsi.

vervm hodie nvmqvam monstrabo uolens senem auidius quaerere, quod hic semper ardor paratissimus credendi etiam falsis est, fingit se nolle dicere. hodie autem aut abundat, ut «  numquam omnes h. hodie m. moriemur i. inulti 268 » aut numquam hodie pro: nullo tempore huius diei, quia numquam per se generale est.
vervm hodie nvmqvam monstrabo voulant que le vieillard cherche avec plus de curiosité, il fait semblant de ne pas vouloir le dire. Quant à hodie, soit il est superflu, comme dans : « numquam omnes hodie moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous aujourd'hui sans être vengés), soit numquam hodie équivaut à : "à aucun moment de cette journée", parce que numquam a en soi un sens général607.

571
De.-diminuetur tibi quidem iam cerebrum. Sy.-at nomen nescio
Dé.-Mais tu vas te faire aplatir la cervelle, crois-moi. Sy.-Mais j'ignore le nom

1 diminvetvr tibi qvidem iam cerebrvm comminationis genus uerba ipsa indicant, ut appareat senem baculum sustulisse. 2 at nomen nescio illivs hominis sed locvm novi vbi sit recte, quia si nomen diceret, non erat errandum agnita persona hominis; sed ubi habitet cognito, seu notus est seu ignotus, nulla causa quaerendi superest.
1 diminvetvr tibi qvidem iam cerebrvm c'est un genre de menace que les mots eux-mêmes indiquent, en sorte qu'il appert que le vieillard a soulevé son bâton608. 2 at nomen nescio illivs hominis sed locvm novi vbi sit c'est correctement dit, parce que s'il disait le nom, il n'y aurait plus lieu de se tromper, une fois connue l'identité du bonhomme ; mais une fois connu son domicile, que le bonhomme soit connu ou inconnu, il ne reste plus de raison d'interroger.

572
illius hominis, sed locum noui ubi sit. De.-dic ergo locum.
de ce type, je ne connais que l'endroit où il est. Dé.-Alors dis l'endroit.

1 dic ergo locvm dic ergo ait, quasi inuitum coegerit. 2 ergo semper addimus, ut hortemur tarde facientes, ut Vergilius «  ergo age, care p. pater , c. ceruici i. imponere n. nostrae 269 ».
1 dic ergo locvm il dit dic ergo comme s'il forçait son interlocuteur à parler malgré lui. 2 ergo s'ajoute toujours pour encourager ceux qui sont lents à agir, comme dans Virgile : « ergo age, care pater, ceruici imponere nostrae » (eh bien allons, cher père, installe-toi sur notre cou).

573
Sy.-nostin porticum apud macellum hanc deorsum? De.-quidni norim927?
Sy.-Tu connais ce portique près du marché en bas ? Dé.-Evidemment.

1 nostin porticvm apvd macellvm conuenit rustico et parcissimo seni macellum in urbe nescire, et ideo sic interrogatur a seruo. 2 hanc deorsvm bene hanc deorsum, quia non est una. 3 qvidni norim correptiue quidni pro quid nisi: etenim quamuis rusticus, tamen ciuis est Demea.
1 nostin porticvm apvd macellvm il est conforme à un personnage de vieillard paysan et avare d'ignorer le marché en ville, et voilà pourquoi l'esclave lui pose cette question. 2 hanc deorsvm bien dit, hanc deorsum, parce qu'il n'y en a pas qu'un seul portique. 3 qvidni norim c'est pour blâmer qu'il emploie quidni au lieu de quid nisi : de fait, bien que paysan, Déméa n'en est pas moins citoyen.

574
Sy.-praeterito hac recta platea sursum; ubi eo ueneris,
Sy.-Dépasse-le en empruntant tout droit cette avenue au-dessus ; quand tu y seras,

1 hac recta proprie hac hac parte, ut manu uiam ostendere uideatur. 2 vbi eo veneris clivvs deorsvm versvm est hac te praecipitato hoc lentius quidam. aliqui clauus legunt, aliqui cliuus, ut sit praecipitato148 cito descende.
1 hac recta au sens propre hac signifie hac parte (de ce côté-ci), en sorte qu'il paraît montrer la route de sa main. 2 vbi eo veneris clivvs deorsvm versvm est hac te praecipitato cette réplique est en aparté selon certains609. Certains lisent clauus (clou), certains cliuus en sorte que te praecipitato signifie cito descende (dépêche-toi d'y descendre)610.

575
cliuus deorsum uersum est; hac te praecipitato; postea
il y a une rue qui descend en face ; jette-toi de ce côté ; puis

576
est ad hanc manum sacellum; ibi angiportum propter est,
il y a de ce côté un petit sanctuaire ; là à côté, il y a une ruelle.

ad hanc manvm τῶν πρός τί πως ἔχοντα149 dicitur, in quo non permanet certum dextrum nec certum sinistrum, et ideo proficit in errorem. uult enim seruus haec signa esse perplexa. 2 Et sacellum, ut Varro ait, sacra cella est. 3 propter prope, ut Vergilius «  templum de m. marmore p. ponam p. propter a. aquam 270 » et Lucretius «  propter aquae riuum sub ramis arboris altae 271 ».
ad hanc manvm c'est un nom quasi-relatif (τῶν πρός τι πως ἐχόντων)611 qui est utilisé, dans lequel il ne reste ni la certitude que c'est à droite, ni la certitude que c'est à gauche, ce qui induit en erreur. Car l'esclave veut que ces signes soient ambigus. 2 Et sacellum, aux dires de Varron, équivaut à sacra cella (loge sacrée)612. 3 propter signifie prope (près de), comme chez Virgile : « templum de marmore ponam propter aquam » (je placerai un temple de marbre près de l'eau) et Lucrèce : « propter aquae riuum sub ramis arboris altae » (près d'un filet d'eau sous la ramure d'un arbre haut).

577
De.-quodnam? Sy.-illi ubi etiam caprificus magna est. De.-noui. Sy.-hac pergito.
Dé.-Laquelle ? Sy.-Là où se trouve un grand figuier. Dé.-Je connais. Sy.-Continue par là.

1 illi vbi etiam caprificvs magna est in hoc Homerum imitatus est, qui dicit caprificum prope Troiana moenia constitutam. 2 hac pergito non ito, sed quia longum est pergito.
1 illi vbi etiam caprificvs magna est en l'espèce, il imite Homère, qui dit qu'un figuier sauvage était placé près des remparts de Troie613. 2 hac pergito il ne dit pas ito (vas-y), mais, vu la longueur du trajet, pergito614.

578
De.-id quidem angiportum non est peruium. Sy.-uerum hercle! uah!
Dé.-Mais cette ruelle est une impasse. Sy.-Bon sang, c'est vrai ! Ah !

1 id qvidem angiportvm id est angusta et curua uia quasi anguiportus, ut Angitia Anguitia. alii quod inter portus sit locus angustus, hoc est inter domos; nam domos uel portus uel insulas ueteres dixerunt. 2 Et obserua Terentianam consuetudinem, qua inducit nonnihil sapere eos qui falluntur.
1 id qvidem angiportvm c'est-à-dire une voie étroite et sinueuse, comme si c'était anguiportus, comme on a Angitia ou Anguitia. D'autres pensent que c'est parce que c'est un lieu étroit (angustus) entre les ports (portus), c'est-à-dire entre les maisons ; car les maisons étaient nommées des ports (portus) ou des îlots (insulae) par les Anciens615. 2 Et observez l'habitude de Térence, par laquelle il induit que ceux qui se font berner savent quelque chose.

579
censen hominem me esse? erraui. in porticum rursum redi;
Tu penses sans doute que je suis un homme : je me suis trompé. Reviens au portique ;

1 censen me hominem esse erravi calliditas est maxima, deprehensum mendacium non defendere sed fateri, ut opinionem simplicitatis acquirat. uides igitur, ut ipse sibi succenseat, tamquam imprudens errauerit, non dolosus impulerit interrogantem. 2 Et mire se negat hominem, tamquam homo corde sit, non corpore.
1 censen me hominem esse erravi c'est le summum de la ruse que de ne pas se défendre d'un mensonge éventé mais de l'avouer, afin d'acquérir une réputation de sincérité. Vous voyez donc comme il s'irrite contre soi-même, en homme qui s'est trompé par imprévoyance et non en roublard qui a ébranlé celui qui l'interroge. 2 Et de façon paradoxale, il affirme qu'il n'est pas un être humain, comme s'il était homme moralement, non pas physiquement616.

580
sane hac multo propius ibis et minor est erratio.
tu iras bien plus vite par là et le risque de se tromper est moindre.

1 sane hac mvlto propivs ibis quasi errasse profuerit illa uia. 2 Et sane pro satis ac ualde, quia qui sanus est, idem et ualidus. 3 minor est erratio erratio pedum, error animi est et loci in quo erratur.
1 sane hac mvlto propivs ibis comme s'il avait été utile d'errer de l'autre côté. 2 Et sane est mis pour satis (assez) et ualde (beaucoup), parce que qui est sain (sanus) est en même temps en bonne santé (ualidus)617. 3 minor est erratio erratio (errance) concerne les pas, error (erreur) concerne l'esprit et le lieu dans lequel on erre618.

581
scin Cratini huius ditis aedes? De.-scio. Sy.-ubi eas praeterieris,
Tu connais la maison de ce nanti de Cratinus ? Dé.-Oui. Sy.-Quand tu l'auras dépassée,

cratini hvivs ditis aedes congrue nomen inuenit diuiti Cratinus ἀπὸ τοῦ κράτους, id est a potentia.
cratini hvivs ditis aedes de façon adéquate, il a trouvé pour ce riche le nom de Cratinus qui vient de κράτος (ἀπὸ τοῦ κράτους), qui signifie "puissance"619.

582
ad sinistram hac recta platea, ubi ad Dianae ueneris,
prends à gauche par cette avenue toute droite ; quand tu seras au temple de Diane,

1 ad sinistram hac deest ito: figura ἔλλειψις. 2 vbi ad dianae veneris sic absolute dicebant non addito templum. Sallustius «  ad Iouis mane ueni 272 ».
1 ad sinistram hac il manque ito (va) : figure d'ellipse (ἔλλειψις). 2 vbi ad dianae veneris c'est ainsi qu'on disait, dans une construction absolue, sans ajouter templum. Chez Salluste : « ad Iouis mane ueni » (viens le matin au temple de Diane).

583
ito ad dextram; prius quam ad portam uenias, apud ipsum lacum
va à droite ; avant d'arriver à la porte, près de l'abreuvoir,

1 privs qvam ad portam venias portam dicendo ostendit usque ad muros finemque ciuitatis erraturum Demeam. porta autem ab aratro portando dicta est, quod eo loco coloniae conditor et deductor subiunctis uacca et tauro aratrum, quo urbem designat, suspendit manu, ne imprimat sulcos, ubi ciuitatis aditus relinquendi sunt. 2 apvd ipsvm lacvm credibiliter addidit lacum, nam Varro docet semper lacum portis additum scilicet ob usum iumentorum exeuntium et introeuntium, et praeterea, ut aduersum hostilem ignem portis de proximo subueniretur.
1 privs qvam ad portam venias en disant portam, il montre que c'est jusqu'aux remparts et au bout de la ville que Déméa va errer. Quant au mot porta, il tire son nom du fait de porter la charrue (aratrum portare), parce que c'est à cet endroit que le fondateur et chef de la colonie, après avoir attelé une vache et un taureau, soulève de ses mains le soc, avec lequel il trace les limites de la ville, afin de ne pas imprimer de sillons là où doivent être laissés les accès de la ville620. 2 apvd ipsvm lacvm par souci de vraisemblance, il ajoute un abreuvoir, car Varron621 enseigne qu'on place toujours un abreuvoir à côté des portes, à l'usage des bêtes qui sortent ou qui entrent, et en outre pour qu'on puisse, en cas d'incendie des portes par des ennemis, intervenir de près.

584
est pistrilla, et exaduorsum fabrica: ibi est. De.-quid ibi facit?
il y a une petite boulangerie et en face un atelier : c'est là qu'il est. Dé.-Qu'est-ce qu'il fait là ?

est pistrilla ueteres absolute dicebant pistrinam ut sutrinam et medicinam, ad tabernam referentes; nam pistrino pistrilla non conuenit, etsi multa diminutiua diuersa sunt a genere nominum primae positionis, ut rana ranunculus, scutum scutella, canis canicula.
est pistrilla les Anciens disaient dans l'absolu pistrina (boulangerie) comme sutrina (cordonnerie) et medicina (cabinet médical), pour désigner la boutique de l'artisan ; car le féminin pistrilla (petite boulangerie) ne concorde pas avec le neutre pistrinum (moulin), même si l'on a beaucoup de diminutifs qui ont un genre différent du mot du premier degré, comme rana (grenouille), féminin, qui fait ranunculus (rainette), masculin, scutum (bouclier), neutre, qui fait scutella (écuelle), féminin, canis (chien), masculin, qui fait canicula (petite chienne)622.

585
Sy.-lectulos in sole iligneis pedibus faciundos dedit.
Sy.-Il a donné à fabriquer des petits lits d'extérieur à pieds de chêne.

lectvlos in sole iligneis pedibvs facivndos dedit in urbe conuiuium aut in sole aut in umbra pro condicione temporis instruebatur. repente igitur interrogatus quod minime opinabatur quaesiturum senem, arripuit statim lectulos, et quia potuit senex dicere "mentiris, nam habet lectulos", addidit ex tempore in sole, et ne eos quoque habere diceret, addidit iligneis pedibus faciundos. sed hoc gestu actoris adiutum est, quasi eodem tempore seruus et quaerat quid dicat et respondeat.
lectvlos in sole iligneis pedibvs facivndos dedit en ville, on installait un banquet soit au soleil, soit à l'ombre, selon le temps qu'il faisait. Du coup, interrogé abruptement sur un détail qu'il ne pensait pas que le vieillard demanderait, il sort aussitôt "des petits lits", et comme le vieillard aurait pu rétorquer : "tu mens, car il a déjà des petits lits", il ajoute dans la foulée in sole, et pour éviter que l'autre ne lui dise qu'il en a aussi, il ajoute iligneis pedibus faciundos. Mais cela est appuyé d'un geste de l'acteur, comme si l'esclave dans le même temps cherchait quoi dire et répondait.

586
De.-ubi potetis uos? recte928 sane. sed cesso ad eum pergere?
Dé.-Pour que vous vous y soûliez ? Bon, parfait. Mais qu'est-ce que j'attends pour le rejoindre ?

1 vbi potetis vos incerta persona, nam uel Syro uel Demeae hoc dictum iungi potest. 2 recte sane haec εἰρωνεία est, non approbatio.
1 vbi potetis vos attribution incertaine à un personnage, car on peut accrocher ça soit aux paroles de Syrus, soit aux paroles de Déméa623. 2 recte sane ça c'est de l'ironie (εἰρωνεία), non de l'approbation.

587
Sy.-i sane; ego te exercebo hodie, ut dignus es, silicernium!
Sy.-Vas-y donc ; quant à moi, je vais t'entraîner comme tu le mérites, cadavre ambulant !

1 sane sane aut abundat aut inferioribus iungitur. 2 silicernivm cena quae infertur dis manibus, quod eam silentes cernant, id est umbrae possideant, uel quod qui haec inferant, cernant tantum neque degustent; nam de his, quae libantur inferis, quisquis comederit aut biberit, funestatur. et erit silicernium senex, qui iam iamque silentibus umbrisque cernendus sit. et sic est melius quam, ut quidam γέροντα interpretantur γῆν ὁρῶντα, sic et nos silicernium intellegere, hoc est silicem cernentem senem, dum incuruus est, dum uel stratae saxo uiae est intentus uel sarcophagi iam iamque appropinquantis sibi.
1 sane ou bien sane est superflu, ou il s'accroche à ce qui suit624. 2 silicernivm c'est le repas qu'on sert aux dieux mânes, parce qu'ils le regardent en silence (silentes cernant), c'est-à-dire que ce sont des ombres qui s'en emparent, ou bien parce que ceux qui le servent se contentent de regarder (cernant) sans goûter ; car pour ce qui est des libations faites aux dieux d'en bas, quiconque en mange ou en boit est frappé de malheur. Et on dira silicernium d'un vieillard qui de plus en plus se fait regarder (cernendus) par les ombres silencieuses (silentibus). Et cette interprétation est meilleure que celle qui, sur le modèle de γέρων (vieillard) compris comme γῆν ὁρῶν (qui regarde la terre), nous fait comprendre silicernium comme un vieillard qui regarde les pierres (silicem cernens), en se courbant, en faisant attention aux pierres de la chaussée ou à celle du sarcophage qui s'approche de lui de jour en jour625.

588
odiose Aeschinus cessat929; prandium corrumpitur;
Eschine est odieusement en retard ; le repas se gâte ;

1 odiose aeschinvs cessat prandivm corrvmpitvr ἀσύνδετον: deest et. 2 prandivm corrvmpitvr ut coquus dixit, qui sciat conditionem150 quandam magis feruentem placere.
1 odiose aeschinvs cessat prandivm corrvmpitvr asyndète (ἀσύνδετον) : il manque et. 2 prandivm corrvmpitvr il parle en cuisinier, qui sait que telle préparation plaît davantage quand elle est brûlante.

589
Ctesipho autem in amore est totus. ego iam prospiciam mihi;
Quant à Ctésiphon, il est tout à son amour. Je vais désormais m'occuper de moi ;

1 ego iam prospiciam mihi iam interdum significat festinationem ut nunc, interdum ad describendam ponitur et increpandam moram, ut «  iam melior, iam diua, precor 273 » et «  uos quoque Pergameae i. iam f. fas est p. parcere g. genti , d. dique d. deaeque o. omnes 274 ». 2 Et prospiciam mihi dixit, tamquam hoc sentiat: "illi quia sua agunt negotia, et ego illorum exemplo consulam mihi". 3 Et bene prospiciam quasi: "non pransurus nisi prouidero mihi". 4 ctesipho avtem in amore est totvs non potuit plus dici de incondita ac nimia uoluptate.
1 ego iam prospiciam mihi iam désigne parfois de la hâte, comme ici, parfois il s'utilise pour décrire et blâmer une lenteur à agir, comme dans : « iam melior, iam diua, precor » (et toi, déesse, enfin, enfin un peu indulgente, je te supplie...)626 et : « uos quoque Pergameae iam fas est parcere genti, dique deaeque omnes » (vous aussi, il vous est permis d'éparner la nation de Pergame, dieux et déesses, vous tous...). 2 Et il dit prospiciam mihi, comme s'il ressentait ceci : "eux, puisqu'ils sont à leurs petites affaires, eh bien moi aussi je vais penser à moi à leur exemple". 3 Et il fait bien de dire prospiciam, comme s'il disait : "je ne suis pas près de dîner si je ne prends pas soin de moi". 4 ctesipho avtem in amore est totvs on ne pouvait pas dire davantage sur une volupté désordonnée et excessive.

590
nam iam abibo atque unum quidquid, quod quidem erit bellissimum
je vais y aller et tout ce qu'il y aura de plus joli,

bellissimvm proprie bellissimum dixit, unde et huiusmodi ad irritandam gulam cibi bellaria dicuntur.
bellissimvm il dit au sens propre bellissimum, d'où également le nom de bellaria (friandises) pour les mets de ce genre qui mettent en appétit.

591
carpam et cyathos sorbilans paulatim hunc producam diem.
je vais le prendre et je vais tirer ce jour en longueur, en douceur, en dégustant des coupes.

1 carpam modo eligam; alias laedam significat, ut «  carpit enim uires paulatim u. uritque u. uidendo f. femina 275 ». alias fruar, ut «  carpamus, dum mane nouum, dum gramina crescunt 276 » et Persius «  indulge genio, carpamus dulcia 277 », id est: "fruamur rebus dulcibus". 2 pavlatim hvnc prodvcam bono uerbo usus est ad metaphoram tamquam uel morientis diei, ut «  nec te tua f. funera m. mater p. produxi 278 »151 et «  qui egomet produxi 279 ».
1 carpam signifie parfois eligam (je choisirai) ; dans un autre sens, signifie laedam (je blesserai), comme dans : « carpit enim uires paulatim uritque uidendo femina » (car la femelle le prive peu à peu de ses forces, et il brûle quand il la voit), dans un autre sens fruar (je jouirai), comme dans : « carpamus, dum mane nouum, dum gramina crescunt »627 (jouissons, tant que le matin est récent, tant que les gazons poussent) et Perse : « indulge genio, carpamus dulcia » (sois indulgent avec le génie, cueillons les douceurs), c'est-à-dire : "jouissons de douces choses". 2 pavlatim hvnc prodvcam il utilise le bon verbe pour faire une métaphore du jour qui pour ainsi dire se meurt, comme : « nec te tua funera mater produxi » (je n'ai pas, moi ta mère, conduit le long cortège de tes funérailles) et : « qui egomet produxi »628.

scaena tertia

Micio Hegio

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592
Mi.-ego in hac re nihil reperio quamobrem lauder tantopere, Hegio;
Mi.-Pour ma part, je ne vois rien dans cette affaire qui me vaille tant d'éloges, Hégion ;

1 ego in hac re nihil reperio haec scaena plena est sententiarum senilium ad officia demonstranda. 2 Et tantopere uim aduerbialem in se continet, nam significat nimis.
1 ego in hac re nihil reperio cette scène est remplie de maximes de vieillards propres à montrer ce qu'on doit faire. 2 Et tantopere contient en soi et pour soi une valeur adverbiale, car il signifie nimis (trop)629.

593
meum officium facio, quod peccatum a nobis est ortum930 corrigo;
je fais mon devoir, la faute qui est venue de nous, je la corrige ;

qvod peccatvm a nobis est ortvm corrigo si diceret peccatum a nobis est, participium faceret; iam quia ortum addidit, nomen est: numquam enim eadem pars orationis iungi nisi per ἀσύνδετον potest.
qvod peccatvm a nobis est ortvm corrigo s'il disait peccatum a nobis est, il ferait un participe ; mais là, puisqu'il a ajouté ortum, c'est un nom : car jamais on ne peut juxtaposer la même partie du discours sauf par asyndète (ἀσύνδετον)630.

594
nisi si me in illo credidisti esse hominum numero qui ita putant
à moins que tu n'aies cru que j'étais du nombre de ces gens qui pensent

595
sibi fieri iniuriam ultro, si quam fecere ipsi expostulant931,
qu'on leur fait du tort quand on réclame pour celui qu'ils ont eux-mêmes fait,

1 si qvam fecere hoc distingue et separatim infer ipsi expostulant. 2 si qvam fecere ipsi expostvlant sensus manifestus est, sed obscura sunt uerba et eorum collocatio et distinctio. nam incertum utrum si expostulant intellegendum sit an si quam pro una parte orationis accipi oporteat.
1 si qvam fecere il faut mettre une pause et détacher ipsi expostulant. 2 si qvam fecere ipsi expostvlant le sens est clair mais l'obscurité est dans les mots, dans leur place et dans la ponctuation. Car on ne sait pas s'il faut comprendre si expostulant ou s'il faut interpréter si quam comme valant une seule partie du discours631.

596
et ultro accusant. id quia non est a me factum, agis gratias?
et qui se font accusateurs les premiers. Est-ce parce que je n'ai pas fait cela que tu me remercies ?

1 vltro accvsant ultro nunc praue ac peruerse. 2 id qvia non est a me factvm haec interrogatio quasi subtristi uultu est proferenda.
1 vltro accvsant ultro ici vaut praue (à tort) et peruerse (de façon tordue). 2 id qvia non est a me factvm cette question doit être dite avec une sorte de mimique triste.

597
He.-ah! minime! numquam te aliter atque es in animum induxi meum.
Hé.-Ah ! Point du tout ! Jamais je ne t'ai imaginé autre que tu es.

ah minime non "minime ago", sed "minime te credo esse illorum in numero".
ah minime non pas : minime ago (je ne te remercie pas du tout), mais : minime te credo esse illorum in numero (je ne crois pas du tout que tu sois de ce nombre)632.

598
sed quaeso ut una mecum ad matrem uirginis eas, Micio,
Mais je te demande de venir avec moi voir la mère de la jeune fille, Micion,

1 sed qvaeso vt vna mecvm seruauit τὸ πρέπον adiciendo mecum. 2 vna mecvm eas quippe ad incognitam matrem familias.
1 sed qvaeso vt vna mecvm il préserve les convenances (τὸ πρέπον) en ajoutant mecum633. 2 vna mecvm eas à savoir chez une mère de famille inconnue.

599
atque istaec eadem quae mihi dixti tute dicas mulieri:
et de dire la même chose que tu m'as dite à cette femme,

tvte dicas mvlieri in nomine ostendit, cur haec ipse dicat: mulieri enim, inquit, nimis pauidae ac diffidenti.
tvte dicas mvlieri c'est dans le choix du nom qu'il montre pourquoi il dit cela : car c'est à une "femme" qu'il faut parler, donc à un personnage particulièrement inquiet et méfiant634.

600
suspicionem hanc propter fratrem eius esse et ipsam932 psaltriam.
que ce soupçon est né à cause de son frère et de la musicienne elle-même.

1 svspicionem hanc propter fratrem eivs esse nimis breuiter et succincte et ut oportuit inter scientes. 2 et ipsam psaltriam propter subaudiendum est.
1 svspcionem hanc propter fratrem eivs esse particulièrement bref et succinct, comme il se doit entre gens qui sont déjà au courant. 2 et ipsam psaltriam il faut sous-entendre propter.

601
Mi.-si ita aequum censes aut si opus est facto, eamus. He.-bene facis;
Mi.-Si tu le juges bon ou s'il faut le faire, allons-y. Hé.-Tu fais bien ;

1 si ita aeqvvm censes a iusto et utili est tota sententia. 2 Et sane hi uersus desunt152, quos multa exemplaria non habent «  nam et illi animum releuabis 280 » et deinceps.
1 si ita aeqvvm censes toute la phrase argumente sur le juste et l'utile. 2 Et ces vers manquent, ils sont absents de nombreux exemplaires : « nam et illi animum releuabis » et la suite635.

602
nam et illi animum iam releuabis, quae dolore ac miseria
car d'une part tu vas lui redonner du courage, à elle qui, de douleur et de misère,

1 Et illi maluit quam nurui dicere, adhuc diuitem reueritus. 2 dolore ac miseria dolore partitudinis, miseria iniuriae ab Aeschino acceptae.
1 Et il préfère dire illi plutôt que nurui (à ta belle-fille), parce qu'il a encore de l'appréhension à l'égard d'un riche636. 2 dolore ac miseria dolore à cause de l'accouchement, miseria à cause de l'affront qu'elle a subi de la part d'Eschine.

603
tabescit, et tuo officio fueris functus. sed si aliter putas,
dépérit, d'autre part tu auras accompli ton devoir. Mais si tu es d'un autre avis,

sed si aliter pvtas artificiose remittendo quod petebat extorsit magis.
sed si aliter pvtas en renonçant avec art à sa demande, il obtient davantage.

604
egomet narrabo quae mihi dixti. Mi.-immo ego ibo. He.-bene facis;
je lui raconterai moi-même ce que tu m'as dit. Mi.-Mais non, j'irai moi. Hé.-Tu fais bien ;

immo ego ibo hoc aduerbio quod ait immo ostendit se prompte agere et instanter quod promisit.
immo ego ibo avec cet adverbe immo, il montre qu'il réalise promptement et instamment sa promesse.

605
omnes quibus res sunt minus secundae magis sunt nescio quo modo
tous ceux qui ont moins de chance sont, je ne sais comment, plus

1 minvs secvndae sic maluit, ne diceret miserae. 2 magis svnt nescio qvo modo haec uehementia est nulla palam ratione.
1 minvs secvndae il préfère dire cela, pour éviter de dire miserae (malheureuses). 2 magis svnt nescio qvo modo cette virulence n'a aucune raison de s'exprimer ouvertement637.

606
suspiciosi; ad contumeliam omnia accipiunt magis;
soupçonneux ; ils prennent tout plutôt comme une injure ;

accipivnt magis mire additum magis, cum possit sensus et sine hoc esse integer.
accipivnt magis il ajoute bizarrement magis, alors que le sens peut être complet sans ce mot.

607
propter suam impotentiam se semper credunt neglegi933.
à cause de leur impuissance, ils croient toujours qu'on les néglige.

1 propter svam impotentiam infirmitatem. et rursus noluit humilitatem aut miseriam dicere. 2 neglegi legitur et claudier id est claudicare.
1 propter svam impotentiam faiblesse. Et une fois de plus, il se refuse à dire humilitas (humilité) ou miseria (misère). 2 neglegi on lit aussi claudier c'est-à-dire claudicare (boîter).

608
quapropter te ipsum purgare ipsi coram placabilius est.
Aussi si tu te justifies toi-même en sa présence, ce sera plus apaisant.

1 qvapropter te ipsvm pvrgare utrum te ipsum una pars orationis an diuise accipiendum te Micionem ipsum Aeschinum purgare? 2 coram placabilivs153 et coram praesentem et coram praesentibus. 3 Et coram indiget adiectionis, palam non indiget. 4 Et praeterea coram ad certas personas refertur, palam generaliter dicitur.
1 qvapropter te ipsvm pvrgare faut-il comprendre te ipsum en un seul mot ou en deux : te pour renvoyer à Micion, ipsum purgare pour renvoyer à Eschine ?638 2 coram placabilivs coram signifie aussi bien "en sa présence" que "en leur présence". 3 Et coram a besoin d'un complément, palam (ouvertement) n'en a pas besoin. 4 Et en outre, coram renvoie à des personnes précises, palam s'emploie en général639.

609
Mi.-et recte et uerum dicis. He.-sequere me ergo hac intro. Mi.-maxime.
Mi.-Tu parles juste et vrai. Hé.-Suis-moi donc par là-dedans. Mi.-Absolument.

et recte et vervm dicis recte ad uerba rettulit, uerum ad rem et ad sententiam; potest enim recte et falsum dici, dummodo nullo uitio uerborum nominumque dicatur. quamquam et ipsum fallere in tempore quidam de officiis scribentes rectum putent.
et recte et vervm dicis recte renvoie aux mots, uerum à la situation et au sens ; car on peut dire quelque chose qui soit à la fois correct et faux, pour peu qu'il n'y ait aucune faute contre l'emploi des verbes et des noms640. D'ailleurs, certains qui écrivent des traités sur les devoirs pensent que tromper selon les circonstances est correct641.

scaena quarta

Aeschinus

610 | 611 | 612 | 613 | 614 | 615 | 616 | 617 | 618 | 619 | 620 | 621 | 622 | 623 | 624 | 625 | 626 | 627 | 628 | 629 | 630 | 631 | 632 | 633 | 634 | 635a

610
Ae.-discrucior animi!
Es.-Mon âme est à la torture !

discrvcior animi hoc loco χαρακτῆρα amantis immodice iuuenis et senis facit indulgentis ac lepidissimi patris. 2 discrvcior animi ἀντίπτωσις figura, ut «  o praestans animi i. iuuenis 281 ».
discrvcior animi dans cette scène, Térence montre le type (χαρακτήρ) d'un jeune homme amoureux fou et d'un vieillard indulgent et père très affable642. 2 discrvcior animi figure de l'antiptose (ἀντίπτωσις), comme dans : « o praestans animi iuuenis » (ô jeune homme remarquable de magnanimité !)643.

611
hocine de improuiso mali mihi obici tantum
Qu'à l'improviste un si grand malheur me tombe dessus, au point

1 obici proprie, quia inopinanti; nam obici dicitur in utramque partem, ut si quos ante quis uidet quam exspectauerit. quo uerbo magnitudo doloris ostenditur ex improuiso incommodo. 2 hocine de improviso mali haec uerba repentino nuntio percussum indicant Aeschinum prope diuortium stare et iram circa se Sostratae et eius filiae ob raptum meretricis154.
1 obici au sens propre, parce qu'il ne s'y attendait pas ; de fait obici se dit en bonne et en mauvaise part, comme quand quelqu'un voit des gens avant même d'avoir eu à les attendre. Ce verbe marque l'importance de la douleur qui vient d'un événement fâcheux inattendu. 2 hocine de improviso mali ces termes signalent qu'Eschine, frappé par la nouvelle subite, reste immobile en raison de la séparation et de la colère à son endroit que ressentent Sostrata et sa fille, à cause de l'enlèvement de la courtisane.

612
ut neque quid me faciam nec quid agam certum est934!
que je ne sais ni quoi faire de moi ni comment agir !

1 vt neqve qvid me faciam plus est quid me faciam quam quid faciam: illud enim de rebus, hoc de ipso homine intellegitur. 2 nec qvid agam certvm est certum est pro certum sit; nisi forte ut o quam significat, ut sit: o quam certum est155.
1 vt neqve qvid me faciam il y a plus de force dans quid me faciam que dans quid faciam (que faire ?) : car l'autre expression concerne la situation, celle-ci concerne l'individu lui-même. 2 nec qvid agam certvm est certum est est mis pour certum sit ; à moins peut-être que ut ait la valeur de o quam, pour faire : o quam certum est (o combien il est certain...)644.

613
membra metu debilia sunt; animus timore obstipuit;
Mes membres flageolent de peur ; mon esprit reste interdit de crainte ;

membra metv debilia svnt metu patris, timore diuortii.
membra metv debilia svnt metus c'est la crainte qu'il a de son père, timor c'est la peur qu'il a du divorce.

614
pectore consistere nihil consili quit. uah!
de mon esprit ne peut s'établir aucune idée. Ah !

615
quomodo me ex hac expediam turba?
comment me dépêtrer de cet embarras ?

616
tanta nunc suspicio de me incidit, neque ea immerito;
Un tel soupçon pèse désormais sur moi, et non sans raison ;

tanta nvnc svspicio modo ostenditur causa trepidationis Aeschini.
tanta nvnc svspicio on voit à l'instant la raison du trouble d'Eschine.

617
Sostrata credit mihi me psaltriam hanc emisse; id anus mihi indicium fecit.
Sostrata croit que c'est pour moi que j'ai acheté cette musicienne ; c'est ce que la vieille m'a signifié.

id anvs mihi indicivm fecit illa anus, cui Sostrata dixerat «  curre, obstetricem accerse 282 ».
id anvs mihi indicivm fecit la vieille femme à qui Sostrata disait : « curre, obstetricem accerse ».

618
nam ut hinc forte ad obstetricem erat missa, ubi uidi, ilico
Car quand il se trouve qu'on l'a envoyée d'ici chercher la sage-femme, dès que je l'ai vue, tout de suite

1 nam vt hinc forte ad obstetricem erat missa apparet inter cetera anum dixisse, ad obstetricem se missam. an ultro hoc suspicatus est Aeschinus? hinc autem addendo ostendit se ante fores Sostratae stare, ut alibi «  ex Andro commigrauit huc uiciniae 283 ». 2 vbi vidi sunt qui addant superuacue hanc et legant hanc ubi uidi.
1 nam vt hinc forte ad obstetricem erat missa il appert entre autres choses que la vieille a dit qu'elle était envoyée pour chercher la sage-femme. A moins que spontanément Eschine l'ait deviné ? Et en ajoutant hinc, il montre qu'il se tient devant la porte de Sostrata,comme ailleurs : « ex Andro commigrauit huc uiciniae »645. 2 vbi vidi certains ajoutent de façon superflue le pronom hanc et lisent hanc ubi uidi (dès que je l'eus aperçue).

619
accedo; rogito Pamphila quid agat, iam partus adsiet,
je l'aborde ; je la presse de questions sur ce que fait Pamphila, si l'accouchement se précise,

pamphila qvid agat iam partvs adsiet amatoria interrogatio, qua monstrat Aeschinus curae sibi esse res omnes.
pamphila qvid agat iam partvs adsiet question d'amoureux, par laquelle Eschine montre qu'il prend tous les détails à cœur.

620
eon obstetricem accersat. illa exclamat: « abi, abi iam, Aeschine,
si elle va chercher la sage-femme. Et elle s'écrie : « va, va-t-en désormais, Eschine,

1 illa exclamat non respondet sed exclamat. 2 Et bene uim addidit et dicit exclamationem fuisse. ergo a uocis sono exclamat, non a uerbis. 3 abi abi iam aeschine satis div dedisti verba "usque dum intellegeremus".
1 illa exclamat non pas respondet (elle répond), mais exclamat (elle s'exclame). 2 Et il fait bien d'ajouter de la force et de dire que c'était une exclamation. C'est donc la force de la voix qui fait qu'on s'exclame, non les mots que l'on dit646. 3 abi abi iam aeschine satis div dedisti verba "jusqu'à ce que nous comprenions".

621
satis diu dedisti uerba; sat adhuc tua nos frustrata est fides ».
tu nous a suffisamment payées de mots ; tes promesses nous ont à ce jour suffisamment trompées ».

sat adhvc tva nos frvstrata est fides "usque dum deciperemur".
sat adhvc tva nos frvstrata est fides "jusqu'à ce que nous soyons trompées dans nos attentes".

622
hem! quid istuc, obsecro, inquam, est? « ualeas, habeas illam quae placet ».
« Hein ! De quoi s'agit-il, s'il te plaît », dis-je. « Adieu, possède donc celle qui te plaît ».

1 hem qvid istvc obsecro inqvam est hem interiectio est nouas res et inopinas audientis. 2 valeas habeas illam quasi recedat et longe absit, ut in Andria «  ualeant qui inter nos discidium uolunt 284 ».
1 hem qvid istvc obsecro inqvam est hem est l'interjection de quelqu'un qui entend des nouvelles inattendues. 2 valeas habeas illam comme s'il s'en allait pour une longue absence, comme dans L'Andrienne : « ualeant qui inter nos discidium uolunt ».

623
sensi ilico id illas suspicari; sed me reprehendi tamen
J'ai tout de suite compris qu'elles avaient ce soupçon ; mais je me suis repris tout de même

624
ne quid de fratre garrulae illi dicerem ac fieret palam.
pour ne rien dire de mon frère à cette bavarde et ne rien laisser s'ébruiter.

1 garrvlae utpote anui. 2 ac fieret palam Demeae scilicet fieret palam, cui minime opus fuit.
1 garrvlae c'est-à-dire la vieille femme. 2 ac fieret palam qu'elle s'ébruite évidemment aux oreilles de Déméa, le dernier qui devrait être au courant.

625
nunc quid faciam? dicam fratris esse hanc? quod minime est opus
Et maintenant, que faire ? Dois-je dire que cette fille est à mon frère ? C'est ce qu'il ne faut absolument pas

nvnc qvid faciam figura διαπόρησις.
nvnc qvid faciam figure de de l'embarras (διαπόρησις)647.

626
usquam efferri. ac mitto: fieri potis est ut ne qua exeat;
divulguer. Mais je renonce : il peut se faire que rien ne sorte ;

vt ne qva exeat erumpat, ut «  cum spumeus a. amnis e. exiit o. oppositasque e. euicit g. gurgite m. moles 285 ».
vt ne qva exeat "ne s'échappe", comme : « cum spumeus amnis exiit oppositasque euicit gurgite moles » (quand un fleuve écumant est sorti de son lit et a surmonté de son tourbillon les digues qu'on lui oppose...).

627
ipsum id metuo ut credant; tot concurrunt ueri similia:
Mais ce qui me fait peur, c'est qu'elles ne me croient pas ; il y a un tel concours de circonstances :

1 ipsvm id metvo ipsum: quod fratri rapuit. 2 Et vt pro ne non posuit. 3 tot concvrrvnt veri similia "ut mea esse credatur".
1 ipsvm id metvo ipsum : le fait qu'il l'a enlevée pour son frère. 2 Et vt est mis pour ne non. 3 tot concvrrvnt veri similia il y en a tant qu'elle va passer pour être à moi.

628
egomet rapui; ipse egomet solui argentum; ad me abducta est domum.
c'est bien moi qui l'ai enlevée ; c'est bien moi qui ai versé de l'argent ; c'est chez moi qu'elle a étésoustraite.

1 ad me abdvcta est domvm proprie dixit non adducta, sed abducta: abducitur enim alienum. sic ipse in Heautontimorumeno «  abducimus tuam Bacchidem 286 ». ad me domum autem moraliter dixit pro ad domum meam. 2 An ideo ad me, quia et illic luctatus leno est in retinenda contra Aeschinum puella?
1 ad me abdvcta est domvm il dit au sens propre non pas adducta (conduite), mais abducta (soustraite) : de fait, c'est une chose étrangère que l'on abducit (soustrait). Ainsi dit-il lui-même dans L'Héautontimourouménos : « abducimus tuam Bacchidem » (nous soustrayons ta Bacchis)648. Quant à ad me domum, il le dit conformément à son caractère au lieu de ad domum meam (dans ma maison). 2 A moins qu'il ne dise ad me parce que là-bas aussi le proxénète s'est battu contre Eschine pour tenter de garder la petite ?649

629
haec adeo mea culpa fateor fieri: non me hanc rem patri
Et je reconnais que ce qui se passe est de ma faute : quand je pense que je n'ai pas mis mon père au courant de cette affaire,

630
utut erat gesta indicasse! exorassem ut eam ducerem.
comment tout s'est passé ! Je l'aurais supplié de me laisser l'épouser.

1 vtvt erat gesta "indicassem" hoc est "simul et gesta erat"; aut rem156 certam qualitatem significat, utut incertam, quasi dicat: quoquo modo, male bene. 2 exorassem vt eam dvcerem sic enim promiserat Sostratae se facturum fuisse.
1 vtvt erat gesta "je l'aurais mis au courant", c'est-à-dire, "sitôt faite". Ou bien rem exprime une qualité définie, utut en exprime une indéfinie, comme s'il disait : quoquo modo (de quelque façon que), male bene (bon an mal an)650. 2 exorassem vt eam dvcerem car c'est ce qu'il avait promis à Sostrata qu'il ferait.

631
cessatum usque adhuc est; nunc935 porro, Aeschine, expergiscere!
On a assez perdu de temps comme ça ; maintenant, Eschine, réveille-toi !

1 nvnc porro aeschine expergiscere sic et alibi «  enimuero, Daue, nihil loci est segnitiae neque socordiae 287 ». 2 Legitur et iam, quod est correptiuum interdum.
1 nvnc porro aeschine expergiscere de même ailleurs : « enimuero, Daue, nihil loci est segnitiae neque socordiae ». 2 On lit aussi iam, qui est parfois un adverbe de blâme651.

632
nunc hoc primum est: ad illas ibo ut purgem me. accedam ad fores.
et voici la première chose à faire : je vais aller chez elles pour me justifier. Je vais m'approcher de la porte.

1 nvnc hoc primvm est primum ab eo quod rogandus est pater. 2 accedam ad fores Sostratae scilicet.
1 nvnc hoc primvm est primum "la première chose" en partant de ce pour quoi son père doit être sollicité652. 2 accedam ad fores la porte de Sostrata, évidemment.

633
perii, horresco semper, ubi pultare hasce occipio miser!
Au secours, je tremble toujours quand je commence à frapper à cette porte, pauvre de moi !

horresco semper satis amatorie, nam nimium semper calorem frigus praecedit in corpore, ut «  totus, Parmeno, t. tremo h. horreoque , p. postquam a. aspexi h. hanc 288 ».
horresco semper c'est bien du langage amoureux, car la grande chaleur est toujours précédée d'une sensation de froid dans le corps, comme dans : « totus, Parmeno, tremo horreoque, postquam aspexi hanc »653.

634
heus! heus! Aeschinus ego sum! aperite aliquis actutum ostium!
Hé ! Hé ! C'est moi Eschine ! Ouvrez tout de suite cette porte, quelqu'un !

1 aperite aliqvis actvtvm ostivm uim pluralem habet aliquis, quamuis singulare uideatur; non est enim aliquis nisi de multis. recte ergo aperite aliquis. 2 Et noue, nam ueteribus non placet illud, ubi duae distinctiones sunt: aperite una, altera aliquis actutum ostium, ut assumatur rursus aperiat. proprie enim ueteres et quis et aliquis et quisquam non obseruabant quo genere aut quo numero declinarent. est ergo figura ἀρχαϊσμός.
1 aperite aliqvis actvtvm ostivm il y a une valeur de pluriel dans aliquis, bien qu'il semble être un singulier ; car on ne peut être "quelqu'un" que parmi plusieurs. Donc l'expression aperite aliquis est correcte. 2 Et c'est inédit, car les Anciens n'aiment pas les passages où il y a deux pauses : une après aperite, une seconde à aliquis actutum ostium, pour qu'on reprenne une deuxième fois aperiat (qu'il ouvre). Car proprement, les Anciens n'observaient pas de règle stricte sur le genre ou le nombre avec lesquels ils déclinaient les pronoms quis (quelqu'un), aliquis (même sens) et quisquam (même sens). C'est donc une figure d'archaïsme (ἀρχαϊσμός)654.

635a
prodit nescio quis: concedam huc.
Quelqu'un approche : je vais passer de ce côté.

scaena quinta

Aeschinus Micio

635b | 636 | 637 | 638 | 639 | 640 | 641 | 642 | 643 | 644 | 645 | 646 | 647 | 648 | 649 | 650 | 651 | 652 | 653 | 654 | 655 | 656 | 657 | 658 | 659 | 660 | 661 | 662 | 663 | 664 | 665 | 666 | 667 | 668 | 669 | 670 | 671 | 672 | 673 | 674 | 675 | 676 | 677 | 678 | 679 | 680 | 681 | 682 | 683 | 684 | 685 | 686 | 687 | 688 | 689 | 690 | 691 | 692 | 693 | 694 | 695 | 696 | 697 | 698 | 699 | 700 | 701 | 702 | 703 | 704 | 705 | 706 | 707 | 708 | 709 | 710 | 711 | 712

635b
Mi.-ita ut dixi, Sostrata
Mi.-Comme je l'ai dit, Sostrata,

1 ita vt dixi sostrata facite hinc apparet Micionem iam multa dixisse.
1 ita vt dixi sostrata facite il appert de ces mots que Micion en a déjà beaucoup dit655.

636
facite; ego Aeschinum conueniam ut quomodo acta haec sunt sciat.
faites ainsi ; moi je vais voir Eschine pour qu'il sache comment ça s'est passé.

1 facite iubet, ut uel securae sint uel adornent nuptias. 2 ego aeschinvm mire occursurus Aeschino Aeschinum quaerit.
1 facite il leur donne l'ordre soit de se tranquilliser, soit de préparer le repas de noces. 2 ego aeschinvm étrangement, c'est au moment où il s'apprête à tomber sur Eschine qu'il cherche Eschine.

637
sed quis ostium hic pultauit? Ae.-pater hercle est, perii. Mi.-Aeschine!
Mais qui vient de frapper ici à la porte ? Es.-Morbleu, mon père ! je suis perdu ! Mi.-Eschine !

pater hercle est quid hoc est, quod Micio timetur? an quia illi non confessus est? ostendit autem poeta tantumdem pudorem posse aut amplius quam timorem.
pater hercle est pourquoi donc Micion fait-il peur ? Est-ce parce qu'Eschine ne s'est pas confessé à lui ? En tout cas, le poète montre que la honte a autant de pouvoir, voire davantage, que la peur.

638
Ae.-quid huic hic negoti est? Mi.-tune has pepulisti fores?
Es.-Mais qu'est-ce qu'il fait ici ? Mi.-C'est toi qui as frappé à la porte ?

1 qvid hvic hic negoti est alius timor, quod hinc egreditur pater. 2 tvne has pepvlisti fores sic coepit interrogare, ut negationi locum praebeat. 3 Et nota pepulisti elatum uerbum et tragico coturno magis quam loquelae comicae accommodatum.
1 qvid hvic hic negoti est son autre crainte est qu'il est en train de voir son père sortir d'ici. 2 tvne has pepvlisti fores il commence par un mode d'interrogation qui laisse la place à une réponse négative. 3 Et notez l'emploi de pepulisti, verbe de ton élevé et qui est plus adapté au cothurne de la tragédie qu'à la phraséologie comique656.

639
tacet. cur non ludo hunc aliquantisper? melius est,
Il se tait. Pourquoi ne m'amuserais-je pas un peu avec lui ? L'idée est assez bonne,

1 tacet hoc apud se loquitur Micio. 2 melivs est et non bonum est sed melius, et hoc meliore affectu dixit, quam si diceret dignus est.
1 tacet cette réplique est faite en aparté par Micion. 2 melivs est et il ne dit pas bonum est (c'est bien), mais melius, et il le dit avec un sentiment plus favorable que s'il disait dignus est (il mérite).

640
quandoquidem hoc numquam mihi ipse uoluit credere.
vu que lui n'a jamais voulu me confier l'affaire.

hoc nvmqvam mihi ipse volvit credere contra illud quod ait «  denique alii clanculum patres quae faciunt, quae fert adulescentia, ea ne me celet, consuefeci filium 289 ». credere autem magno affectu dixit: non enim confiteri ut patri, sed credere ut parenti aut sodali suo.
hoc nvmqvam mihi ipse volvit credere c'est le contraire de ce qu'il disait : « denique alii clanculum patres quae faciunt, quae fert adulescentia, ea ne me celet, consuefeci filium »657. Quant à credere, il le dit avec beaucoup d'affect : car il ne dit pas confiteri (avouer), comme on le fait à l'égard d'un père, mais credere (confier), comme à un parent ou à son camarade.

641
nihil mihi respondes? Ae.-non equidem istas, quod sciam.
Tu ne me réponds rien ? Es.-Cette porte, moi ? non, pas que je sache.

1 non eqvidem istas deest pulsaui. 2 qvod sciam hoc est: "quantum scio".
1 non eqvidem istas il manque pulsaui (j'ai frappé). 2 qvod sciam c'est-à-dire : "autant que je sais".

642
Mi.-ita; nam mirabar quid hic negoti esset tibi.
Mi.-Bon ; c'est que je me demandais ce que tu pouvais bien avoir à faire ici.

ita nam mirabar qvid hic negoti esset tibi accepit negationem Micio, ut ludere Aeschinum possit.
ita nam mirabar qvid hic negoti esset tibi Micion entérine la réponse négative afin de pouvoir se jouer d'Eschine.

643
erubuit; salua res est. Ae.-dic, sodes, pater,
Il a rougi ; l'affaire est en bonne voie. Es.-Dis-moi, s'il te plaît, père,

1 ervbvit salva res est nimis paterna sententia. e contrario Simo in Andria «  uide num eius color pudoris signum usquam indicat 290 ». 2 Et quanti affectus est non dixisse erubuit: saluus est, sed salua res est! nonne uidetur tibi res eius omnis in Aeschino constituta? eodem animo et supra dixit «  in eo me oblecto, solum id est carum mihi 291 »; non enim solus intulit quod exspectabatur, sed absolute quasi ex omnibus solum id est inquit.
1 ervbvit salva res est phrase pleine d'un sentiment tout paternel. Tout au contraire, Simon dans L'Andrienne disait : « uide num eius color pudoris signum usquam indicat ». 2 Et quelle grande manifestation d'affection que de dire non pas erubuit : saluus est (il a rougi : il est sauvé), mais salua res est ! Car n'a-t-on pas l'impression que tout son capital est constitué par Eschine658 ? Dans le même ordre d'idée, il disait ci-dessus : « in eo me oblecto, solum id est carum mihi » ; en effet, il n'a pas mis solus au masculin, comme on s'y attendait, mais il a utilisé une construction absolue équivalant à ex omnibus solum id est (de toutes les choses, c'est la seule)659.

644
tibi uero quid istic est rei? Mi.-nihil mihi quidem;
pour de vrai, qu'as-tu à faire par ici ? Mi.-Rien pour mon compte ;

1 nihil mihi qvidem mihi hoc est: "meae propriae rei". 2 Et callida negatione coepit, ut et illi adimat confitendi locum ac fiduciam simulque fiat ei desperatio ducendae eius, cuius mentio tam contemptim ab ipso tractetur.
1 nihil mihi qvidem mihi s'interprète : meae propriae rei (pour mes propres affaires). 2 Et il commence avec un énoncé habilement négatif, pour à la fois ôter à Eschine l'opportunité d'avouer et la confiance, et en même temps pour lui insuffler le désespoir de pouvoir jamais épouser celle dont il fait une mention si pleine de mépris.

645
amicus quidam me a foro abduxit modo
c'est un ami qui m'a soustrait au forum tout à l'heure

1 amicvs qvidam me a foro hinc incipit mendacium mixtum uero; nam amicus et a foro uerum est, huc aduocatum falsum. sed huc et quidam modo ἔμφασιν habent lenis negotii et in quo nec magnae personae nec res difficilis operae aut longae occupationis habebantur. 2 Et aduocatum dicendo, alienum negotium demonstrauit. nam et sibi non uacat; si enim mulieribus addidisset, potuit aliud sperari.
1 amicvs qvidam me a foro ici commence son mensonge mêlé de vérité ; car amicus et a foro sont des informations exactes, huc aduocatum en est une fausse. Mais huc et quidam marquent une sorte d'emphase (ἔμφασις) à l'égard d'une affaire simple et dans laquelle ne sont impliquées ni des personnes d'importance, ni un travail difficile ou qui demande beaucoup de temps. 2 Et en disant aduocatum, il signale qu'il s'agit de l'affaire d'un autre. Car même sibi fait sens ; de fait, s'il avait ajouté mulieribus (pour les dames), on pourrait avoir autre chose à espérer.

646
huc aduocatum sibi. Ae.-quid? Mi.-ego dicam tibi:
pour que je l'assiste ici. Es.-Pourquoi ? Mi.-Je vais te le dire :

1 qvid deest ait, ut sit: quid ait?. 2 ego dicam tibi seniliter, nam iam dicendum fuit. 3 Et hoc habet ἔμφασιν uilis rei, quae uel facile dici possit uel non celanda sit.
1 qvid il manque ait, pour faire : quid ait ? (que dit-il ?). 2 ego dicam tibi caractéristique d'un vieillard, car il aurait dû déjà le dire660. 3 Et il y a une sorte d'emphase (ἔμφασις) à l'égard d'une affaire sans valeur, qui soit peut se plaider facilement, soit n'a pas besoin d'être cachée.

647
habitant hic quaedam mulieres pauperculae;
habitent ici des dames, des petites pauvresses ;

1 mvlieres pavpercvlae non potuit magis spoliare dignitate formae et aetatis puellam, quae amatur ab Aeschino, quam ut eam primo eodem nomine cum matre nominaret, deinde communiter diceret de ambabus uniuersa, quibus contemni debeant. 2 mvlieres pavpercvlae addidit pauperculae, ut magis desperet Aeschinus impetrare posse has nuptias a patre, et item quaedam, ut ignobiles demonstrentur. 3 Et totum hoc cum abiectione pronuntiandum. 4 Et quaedam et pauperculae dicendo ademit omnem spem nuptiarum; nam quaedam ignobilem indicat, pauperculae indotatam. quid ergo remanet, quod speret Aeschinus? 5 pavpercvlae nec pauperes saltem.
1 mvlieres pavpercvlae il ne pouvait pas davantage dépouiller du mérite de la beauté et de la jeunesse la jeune fille qui est aimée d'Eschine qu'en commençant par la désigner de la même appellation que sa mère, puis d'utiliser systématiquement des noms communs pour parler d'elles deux en même temps, pour qu'on doive les mépriser. 2 mvlieres pavpercvlae il ajoute pauperculae, pour qu'Eschine désespère davantage d'obtenir de son père le droit de se marier, et aussi quaedam, pour montrer leur absence de notoriété. 3 Et toute la réplique doit se dire avec un ton de dégoût. 4 Et en disant quaedam et pauperculae, il supprime tout espoir de mariage ; car quaedam indique une absence de notoriété661, pauperculae une absence de dot. Que reste-t-il donc à espérer pour Eschine ? 5 pavpercvlae et non pas mêmepauperes (pauvres)662.

648
ut opinor has non nosse te, et certo scio:
à mon avis tu ne les connais pas, d'ailleurs j'en suis sûr :

1 et certo scio ἐπανόρθωσις: parum dixi inquit. 2 opinor uelut adeo obscurae sint et nullius pretii. 3 vt opinor has non nosse te potuit recte dicere et hoc ut opinor, has non nosti, sed illud uetustius. 4 vt opinor has non nosse te aut abundat ut, aut deest scilicet. magnum autem crimen est in forma uicinae puellae, incognitam esse adulescenti de proximo et quia scit hunc esse, de quo dixerit «  quam hic non amauit meretricem aut cui non debuit aliquid? 292 », subdidit causam, ne dignitatis pudorisque esset, quod eam incognitam esse Aeschino dixisset: «  neque enim huc diu commigrauerunt 293 » inquit. 5 Et vt opinor mire ipse sibi sumit atque confirmat, quod nondum ille confessus est.
1 et certo scio épanorthose (ἐπανόρθωσις) : "j'ai dit trop peu", dit-il663. 2 opinor comme si elles étaient à ce point inconnues et sans valeur. 3 vt opinor has non nosse te il aurait pu aussi dire de façon correcte : ut opinor, has non nosti (à ce que je crois, tu ne les connais pas), mais sa formule est plus archaïque. 4 vt opinor has non nosse te soit ut est superflu, soit il manque scilicet (il est clair que...)664. Or c'est un grand crime contre la beauté de la jeune voisine que de dire qu'elle est inconnue d'un jeune homme du voisinage, et comme il sait que c'est de ce jeune homme qu'il disait : « quam hic non amauit meretricem aut cui non debuit aliquid ? », pour éviter que d'avoir dit qu'Eschine ne connaissait pas la jeune femme soit pour elle une preuve d'honorabilité et de moralité, il change la raison : « neque enim huc diu commigrauerunt », dit-il665. 5 Et vt opinor étrangement, il prend à son compte et confirme ce qu'Eschine n'a pas encore reconnu.

649
neque enim huc diu commigrauerunt. Ae.-quid tum postea?
car elles n'ont emménagé ici que depuis peu. Es.-Et alors ?

qvid tvm postea gratissime proditur Aeschinus amator, cum sedulo dissimulet.
qvid tvm postea de façon très agréable, Eschine se dénonce comme amoureux, bien qu'il fasse ses efforts pour le dissimuler.

650
Mi.-uirgo est cum matre. Ae.-perge. Mi.-haec uirgo orba est patre;
Mi.-C'est une jeune fille avec sa mère. Es.-Continue. Mi.-La jeune fille est orpheline de père ;

1 virgo est cvm matre uult Micio sic audire Aeschinum tamquam alienissimum, et ideo uelut inscius facti diligentius narrat. uirginem autem τῷ ἀρχαϊσμῷ157 pro muliere dixit. 2 perge uide instantius interrogantem, quam percontatorem decuit.
1 virgo est cvm matre Micion veut qu'Eschine écoute comme s'il agissait d'une affaire qui ne le concerne pas du tout, et il fait un récit assez précis comme si le jeune homme ne connaissait pas les circonstances. Quant à uirgo, il le dit par archaïsme (τῷ ἀρχαϊσμῷ) pour mulier (femme). 2 perge voyez comme il interroge avec plus d'insistance qu'il n'en faudrait à quelqu'un qui pose une question666.

651
hic meus amicus illi genere est proximus;
ce mien ami est son plus proche parent ;

hic mevs amicvs qui «  me aduocatum abduxit a foro 294 ».
hic mevs amicvs celui qui "m'a soustrait au forum pour que je l'assiste"667.

652
huic leges cogunt nubere hanc. Ae.-perii! Mi.-quid est?
les lois obligent la fille à épouser mon ami. Es.-Je suis mort ! Mi.-Comment ?

1 hvic leges cogvnt nvbere non permittunt dixit nec iubent, sed cogunt ad perturbandum Aeschinum. 2 Et recte: alia enim sinunt leges, alia cogunt fieri. 3 Et ne esset, quo resisteretur illi, uult ut mulieres a lege cogantur. 4 perii audit hoc Micio, sed dissimulat.
1 hvic leges cogvnt nvbere il ne dit pas permittunt (elles autorisent) ni iubent (elles enjoignent), mais cogunt (elles contraignent), pour troubler Eschine. 2 Et c'est correct : car certains points sont autorisés par les lois, d'autres sont contraints. 3 Et pour qu'il n'y ait aucun moyen de résistance668, il imagine que les femmes sont contraintes par la loi669. 4 perii Micion entend l'aparté d'Eschine, mais fait semblant de rien.

653
Ae.-nihil. recte. perge. Mi.-is uenit ut secum auehat;
Es.-Rien. C'est exact. Continue. Mi.-Il est venu pour l'emmener avec lui ;

1 Et recte id est: "recte quod perii". nihil magis comicum. 2 Et uide trisyllabum artificiose esse subiectum, ut qui perii dixit, uix hoc locutus fuisse uideatur. 3 is venit vt secvm avehat aliud peius in amatam, ne Athenis saltem alteri nuberet.
1 Et recte c'est-à-dire : "il est exact que je suis mort". Et rien n'est plus comique670. 2 Et voyez l'art avec lequel il met un trisyllabe, au point que celui qui dit perii, semble à peine avoir proféré cela671. 3 is venit vt secvm avehat un autre argument pire contre la femme aimée, pour l'empêcher de rester au moins à Athènes pour épouser le rival.

654
nam habitat Mileti. Ae.-hem! uirginem ut secum auehat?
car il habite Milet. Es.-Hein ! pour emmener la jeune fille avec lui ?

1 nam habitat mileti πιθανῶς Mileti. et est aduerbium locale. 2 hem virginem vt secvm avehat hic acrius commoueri proditur adulescens, ut affectu fateatur quod uerbis negat.
1 nam habitat mileti l'indication Mileti est vraisemblable (πιθανῶς). Et c'est un adverbe de lieu672. 2 hem virginem vt secvm avehat ici, le jeune homme trahit sa violente émotion, au point d'avouer par sa réaction ce qu'il nie en paroles.

655
Mi.-sic est. Ae.-Miletum usque, obsecro? Mi.-ita. Ae.-animo male est.
Mi.-C'est ça. Es.-Jusqu'à Milet, s'il te plaît ? Mi.-Oui. Es.-Je défaille.

1 sic est miletvm vsqve obsecro ita animo male est ille oblitus sui sic indignatur, ut in re propria, hic rursus callide uultu utitur tamquam aliena narrantis. 2 miletvm vsqve obsecro ita bene usque, nam est Miletus colonia Atheniensium in Ponto. 3 animo male est animo male fieri dicitur, cum ictu alicuius maeroris perculsus animus non sustinet corpus sequiturque ruina membrorum.
1 sic est miletvm vsqve obsecro ita animo male est l'un, s'oubliant lui-même, s'indigne comme on le fait dans une affaire personnelle, l'autre, tout à sa ruse, prend l'expression d'un homme qui raconte une histoire qui ne le concerne pas. 2 miletvm vsqve obsecro ita usque est bien trouvé, car Milet est une colonie athénienne sur le Pont-Euxin673. 3 animo male est on dit animo male fieri (qu'on se sent mal) quand l'esprit, ébranlé par le coup d'une mauvaise nouvelle, ne soutient plus le corps et que s'ensuit la chute du corps tout entier.

656
quid ipsae? quid aiunt? Mi.-quid illas936 censes? nihil enim.
Et elles ? Que disent-elles ? Mi.-Que veux-tu qu'elles disent ? Rien, de fait.

1 qvid ipsae qvid aivnt non satis credit Aeschinus pudicam matrem familias statim consentire nuptias158 nouas ignoti uiri. 2 qvid illas censes dicere posse subaudiendum. 3 nihil enim dicunt subaudiendum. et sic intelligendum nihil non "quod taceant", sed "quod nihil confirmantis habeat id quod dicunt".
1 qvid ipsae qvid aivnt Eschine n'arrive pas à croire que cette mère de famille réservée consente si vite au mariage de sa fille avec un inconnu. 2 qvid illas censes il faut sous-entendre dicere posse (que penses-tu qu'elles peuvent dire ?). 3 nihil enim il faut sous-entendre dicunt. Et il faut avec nihil interpréter non pas qu'elles se taisent, mais mais que ce qu'elles disent n'a rien d'une confirmation674.

657
commenta mater est esse ex alio uiro
La mère a inventé qu'il y avait un autre homme,

1 commenta mater est nondum dixit quid dicat. 2 Et159 commenta dicit, hoc est "fallaciam confinxisse uerisimilem", comminisci160. 3 ex alio viro iam de proximo tangit Aeschinum.
1 commenta mater est il ne dit pas encore ce qu'elle dit675. 2 Et maintenant il dit commenta, c'est-à-dire qu'il dit qu'elle a "forgé un mensonge plausible", comminisci676. 3 ex alio viro là il touche Eschine de très près.

658
nescio quo puerum natum, neque eum nominat;
je ne sais qui, qu'un enfant était né, mais elle ne donne pas le nom du père ;

659
priorem esse illum, non oportere huic dari.
que cet inconnu est le premier, qu'il ne faut pas la donner à l'autre.

priorem esse illvm mire tractat etiam partes Aeschini.
priorem esse illvm paradoxalement, il joue le rôle d'Eschine677.

660
Ae.-eho, nonne haec iusta tibi uidentur esse937 postea?
Es.-Eh ! Est-ce que ça ne te paraît pas juste après coup ?

1 nonne haec ivsta tibi videntvr esse scilicet illa quae amicus tuus dixerat quasi haec audires161. 2 ivsta tibi iusta: quae postea audisti quam illa quae pro Lemnio dicebas prius. 3 Aut si hoc non est, quaere quid sit postea. uidetur enim mihi postea sic abundare, quomodo interdum hodie de stomacho adicitur loquentis et uulgus dicit a mane et nos quam diu.
1 nonne haec ivsta tibi videntvr esse implicitement "les choses qu'avait dites ton ami", comme si tu étais en train de les entendre678. 2 ivsta tibi iusta : les circonstances que tu as entendues "après" (postea) celles que tu disais juste avant, dans ta plaidoirie pour le Lemnien679. 3 Ou alors, si ce n'est pas cela, demandez-vous ce que peut être ce postea680. Car il me semble que postea est aussi superflu que parfois le hodie qu'on ajoute pour marquer la colère du locuteur681 ou que le latin vulgaire a mane682 (dès le matin) et nous, quand nous disons quam diu (combien longtemps)683.

661
Mi.-non. Ae.-obsecro, non? an illam hinc abducet, pater?
Mi.-Non. Es.-Comment ça, non ? Est-ce qu'il va l'emmener d'ici, père ?

1 non uultuose pronuntiandum non. 2 an illam hinc abdvcet hinc tamquam singultus ploraturi est; nam sic pronuntiandum est. 3 pater quasi hoc a supplicante dicatur.
1 non il faut prononcer non avec une grimace. 2 an illam hinc abdvcet hinc est comme le hoquet de qui s'apprête à pleurer ; car c'est ainsi qu'il faut le prononcer. 3 pater comme si la phrase était dite par un suppliant.

662
Mi.-quid illam ni abducat? Ae.-factum a uobis duriter
Mi.-Et pourquoi ne l'emmènerait-il pas ? Es.-Vous avez agi durement,

factvm a vobis dvriter non dure id est crudeliter, sed quasi dura mente, hoc est inflexibili, et quod dicunt Graeci ἀμεταπείστως162.
factvm a vobis dvriter il ne dit pas dure (durement), c'est-à-dire crudeliter (cruellement), mais pour ainsi dire "avec un état d'esprit dur", c'est-à-dire inflexible, et ce que les Grecs disent sous la forme ἀμεταπείστως (inflexiblement)684.

663
immisericorditerque et si est dicendum,
et impitoyablement, et, si l'on peut parler,

1 immisericorditerqve nota octo syllabarum aduerbium atque insuper compositum et cum coniunctione prolatum. 2 et si est dicendvm pater magis aperte id est apertius, quia iam apertum fuerat duriter et immisericorditer. 3 Et bene praefatus est, ne contumax aduersus patrem uideretur.
1 immisericorditerqve notez l'emploi d'un adverbe de huit syllabes, en outre composé et allongé par une conjonction685. 2 et si est dicendvm pater magis aperte c'est-à-dire apertius (de façon plus franche), parce que les mots duriter et immisericorditer étaient déjà francs686. 3 Et il fait bien de prendre cette précaution oratoire, pour ne pas paraître agressif envers son père.

664
pater938, magis aperte, inliberaliter.
père, avec plus de franchise, de façon inélégante.

1 inliberaliter αὔξησις, nam multa duriter et iam, si opus sit, immisericorditer quoque et facienda sunt et patienda, si ita ratio et causa cogat, ut non sit illiberale, hoc est malum atque inhonestum. 2 inliberaliter "iniuste", "inclementer", "non bene", quia liberalis bonus.
1 inliberaliter amplification (αὔξησις), car beaucoup d'actes peuvent être commis et subis de façon dure (duriter) et même, si nécessaire, de façon également impitoyable (immisericorditer), pour peu qu'une raison et un motif y contraignent, sans toutefois qu'il y ait de la mauvaise éducation (illiberale), c'est-à-dire de la méchanceté et de la malhonnêteté. 2 inliberaliter de façon injuste, sans clémence, pas bien, parce que liberalis veut dire bonus (bon).

665
Mi.-quamobrem? Ae.-rogas me? quid illi tandem creditis
Mi.-Pourquoi ? Es.-Cette question ! Que sera enfin, d'après vous,

qvamobrem delectari magis cupiens Micio uult Aeschinum protrahere ad defensionem sui.
qvamobrem désireux de s'amuser davantage, Micion veut obliger Eschine à tirer en longueur jusqu'à son propre plaidoyer.

666
fore animi misero, qui illa939 consueuit prior,
l'état d'esprit du malheureux, qui a eu une relation avec elle en premier,

1 fore animi misero quid de se plus diceret, si factum fateretur? 2 qvi illa consvevit prior legitur et illam. et dicebant ueteres hanc rem consueui. 3 Et εὐσχημόνως, ut Plautus «  et clandestina ut celetur consuetudo 295 ». 4 Et maiore affectu non amorem allegauit, sed quod est commune cum bonis et multo iustius, consuetudinem.
1 fore animi misero que pourrait-il dire de plus s'il avouait sa faute ? 2 qvi illa consvevit prior on lit aussi illam. Et les Anciens utilisaient consueui avec l'accusatif. 3 Et il dit cela avec un maintien grave (εὐσχημόνως), comme chez Plaute : « et clandestina ut celetur consuetudo » (et pour que demeure cachée cette liaison clandestine)687. 4 Et avec une émotivité plus grande, il ne parle pas d'amor (amour), mais, ce qui est partagé avec les gens de bien et beaucoup plus légitime, de consuetudo (liaison).

667
qui infelix haud scio an illam misere nunc amet,
qui, dans son malheur, l'aime sans doute à la folie à l'heure qu'il est,

qvi infelix non qui sed qui infelix et non amet dixit sed misere amet: ita affectu proditur, qui ut alienus uult loqui.
qvi infelix il ne dit pas qui mais qui infelix, non pas amet mais misere amet : ainsi se trahit par son émotivité celui qui voudrait parler comme quelqu'un qui n'est pas impliqué directement.

668
cum hanc sibi uidebit praesens praesenti eripi,
quand il verra, présent, qu'on la lui enlève en sa présence,

1 praesens praesenti eripi adiuuant significationem haec ex abundanti addita, ut «  illum absens absentem auditque uidetque 296 » et «  fratrem n. ne d. desere f. fratrem 297 ». sic Caecilius in Exhautuhestoti «  est haec caterua plane gladiatoria, cum suum sibi alius socius socium sauciat 298 ». 2 Et totus hic locus est translatus a Vergilio in quarto Aen. Aeneidis «  quis tibi n. nunc 163, D. Dido , c. cernenti t. talia s. sensus 299 » etc.
1 praesens praesenti eripi ce sont des auxiliaires du sens que ces ajouts superflus, comme dans : « illum absens absentem auditque uidetque » (elle absente, lui absent, elle croit l'entendre et le voir), et : « fratrem ne desere frater » (en frère, n'abandonne pas un frère). Ainsi Caecilius, dans L'Exhautuhestôs688 : « est haec caterua plane gladiatoria, cum suum sibi alius socius socium sauciat » (c'est vraiment une escouade de gladiateurs, quand chacun blesse son ami, camarade contre camarade)689. 2 Et l'ensemble de ce passage est transposé par Virgile dans le livre IV de L'Enéide : « quis tibi tum, Dido, cernenti talia sensus », etc. (quel est ton sentiment, Didon, pendant que tu regardes un tel spectacle, etc.)690.

669
abduci ab oculis? facinus indignum, pater!
qu'on la soustrait à ses yeux ? Quel ignoble procédé, mon père !

670
Mi.-qua ratione istuc? quis despondit? quis dedit?
Mi.-Comment cela ? Qui la lui a promise ? Qui la lui a donnée ?

1 istvc deest dicis. 2 qvis despondit latenter obiurgat Aeschinum rem sine patre gessisse. et dicitur figura ἐπιτροχασμός. 3 qvis despondit quia non interfuit pater. 4 qvis dedit quia rapuit ante quam peteret.
1 istvc il manque dicis (tu dis). 2 qvis despondit à mots couverts, il reproche à Eschine d'avoir mené l'affaire sans le concours de son père. Et c'est la figure dite d'épitrochasme (ἐπιτροχασμός). 3 qvis despondit parce que son père n'a pas été partie prenante. 4 qvis dedit parce qu'il l'a prise avant de la demander.

671
cui quando nupsit? auctor his rebus quis est?
A qui a-t-elle été jamais mariée ? Qui est garant dans cette affaire ?

1 qvando nvpsit quia nuptiae non factae sunt. 2 Et nupsit moleste additum, quasi aliena sit quae non legibus ducta sit. 3 avctor his rebvs qvis est datiuo casu, non harum rerum. et Sallustius «  qui tunc Romanis imperator erat 300 ». 4 avctor ἀρχηγός164. 5 avctor his rebvs qvis est iterum obiurgat, quia non interfuit pater. 6 Et agit sic dolens ueluti minus sibi amoris praebitum fuerit Micio, ut his se in quantum amor patitur uideatur ulcisci, quia negotium non sibi confiteatur Aeschinus.
1 qvando nvpsit parce que le mariage n'a pas été réalisé. 2 Et nupsit est un ajout péjoratif, comme si restait étrangère une fille qui n'a pas été prise pour femme dans les règles. 3 avctor his rebvs qvis est avec un datif et non un génitif. De même Salluste : « qui tunc Romanis imperator erat » (qui était alors général pour les Romains)691. 4 avctor initiateur (ἀρχηγός)692. 5 avctor his rebvs qvis est à nouveau il lui reproche de ne pas avoir fait participer son frère. 6 Et Micion agit ainsi en se plaignant en quelque sorte d'avoir eu moins d'affection en partage, en sorte qu'il paraît se venger de cette situation, dans la mesure de sa tendresse, parce qu'Eschine ne s'est pas confié à lui dans cette affaire.

672
cur duxit alienam? Ae.-an sedere oportuit
Pourquoi a-t-il pris pour femme une étrangère ? Es.-Fallait-il donc rester assis

1 an sedere oportvit sedere proprie ignauae cessationis est, ut Vergilius «  sedeant spectentque Latini 301 » et «  quid sedes Verres? quid exspectas? 302 ». 2 cvr dvxit alienam utrum filiam an: "quae possit aliena esse?" nam omnes alienas filias ducunt.
1 an sedere oportvit sedere, au sens propre, dénote une inaction paresseuse, comme chez Virgile : « sedeant spectentque Latini » (que les Latins restent inertes et spectateurs), et : « quid sedes Verres ? quid exspectas ? » (que tardes-tu, Verrès ? Qu'attends-tu ?). 2 cvr dvxit alienam veut-il dire "la fille d'un autre" ? ou "qui pourrait être étrangère" ? Car à vrai dire, tous les hommes épousent des filles d'autrui693.

673
domi uirginem tam grandem, dum cognatus hinc
à la maison, pour cette jeune fille déjà âgée, à attendre qu'un parent d'ici

1 tam grandem grandem ad aetatem ueteres rettulerunt, non ad corpus. et in parte aetatis dicitur grandis, non in tota uita, nisi si additur natu, ut «  grandis natu parens adductus ad supplicium 303 ». et grandis infans et grandis puer et grandis ephebus et grandis uirgo recte dicitur. 2 Et unde scit Aeschinus? an grandem sic fingit ignotam? an quia dixit pater «  commenta mater est esse ex alio uiro nescio quo puerum natum 304 »? ergo et illa grandis et serus Milesius, qui tunc uirginem petit, cum iam alteri data sit uel rapta sit alteri. 3 dvm cognatvs hinc illinc veniret prouerbialiter hinc illinc.
1 tam grandem grandis chez les Anciens se réfère à l'âge, non à la taille694. Et c'est seulement pour une classe d'âge qu'on dit grandis, non pour la vie entière, à moins d'ajouter natu, comme dans : « grandis natu parens adductus ad supplicium » (un père âgé conduit au supplice). Et on dit de façon correcte grandis infans (un bébé déjà grand), grandis puer (un enfant déjà grand), grandis ephebus (un garçon dans la fin de son éphébie), grandis uirgo (une jeune fille presque femme)695. 2 Et d'où Eschine a-t-il eu ce renseignement696 ? Est-ce parce qu'il imagine un peu âgée l'inconnue ? Est-ce parce que son père a dit : « commenta mater est esse ex alio uiro nescio quo puerum natum » ? Donc à la fois la fille est assez âgée et en retard le rival de Milet qui prétend à la main de la jeune femme alors qu'elle a déjà été donnée à un autre ou enlevée par un autre. 3 dvm cognatvs hinc illinc veniret tour proverbial hinc illinc.

674
illinc ueniret exspectantem? haec, mi pater,
ou de là se présente à ses attentes ? Voilà, mon père,

675
te dicere aequum fuit et id defendere.
ce que tu aurais dû dire et plaider.

et id defendere non potuit magis amatorie nec magis pueriliter loqui, quam ut, non contentus quod ait haec dicere te aequum fuit, adderet et id defendere. patet autem, qualis affectus sit, cum etiam blanditur patri ob alienam causam, ut ipse nunc simulat.
et id defendere il ne pouvait pas parler plus en amoureux ou en enfant : au lieu de se contenter de dire : haec dicere te aequum fuit697, il ajoute : et id defendere. Or il montre bien dans quel état d'émotion il se trouve lors même qu'il flatte son père698 pour une cause qui lui est étrangère, comme il essaie de le faire croire.

676
Mi.-ridicule940! aduersumne illum causam dicerem
Mi.-Ridicule que tu es ! Devais-je plaider contre celui

ridicvle uocatiuus casus ab eo quod est ridiculus.
ridicvle c'est le vocatif de ridiculus699.

677
cui ueneram aduocatus? sed quid istaec941, Aeschine,
que j'étais venu assister ? Mais en quoi cette affaire, Eschine,

1 sed qvid istaec aeschine nostra iam haec ultima desperatio et Aeschinum protrahet in confessionem et in finem fallaciae deducet senem. 2 Et bene quidem nostra dixit; memor est enim respondisse se Aeschino interroganti «  tibi uero quid istic est rei? 305 » «  nihil mihi quidem 306 ». totum hoc autem senex ad id redegit, non tam ut torqueret Aeschinum quam ut maius faceret beneficium suum exponendo, in quod paene periculum amor eius inciderit.
1 sed qvid istaec aeschine nostra c'est là le comble du désespoir, qui va pousser Eschine à avouer sa faute et inciter le vieillard à mettre fin à son mensonge. 2 Et il a certes raison de dire nostra ; car, à Eschine qui lui demandait : « tibi uero quid istic est rei ? », il se souvient qu'il a répondu « nihil mihi quidem ». Dans toute cette réplique, l'idée du vieillard n'est pas tant de torturer Eschine que de majorer son bienfait en exposant dans quel péril l'amour du jeune homme a failli tomber.

678
nostra, aut quid nobis cum illis? abeamus. quid est?
nous concerne-t-elle, et qu'avons nous à faire avec ces gens-là ? Allons-nous-en. Qu'y a-t-il ?

qvid est qvid lacrimas quasi repente animaduerterit flentem et quasi causam omnem nesciat, sic inquirit.
qvid est qvid lacrimas comme s'il s'apercevait tout soudain qu'il pleure, et comme s'il en ignorait la raison, il pose cette question.

679
quid lacrimas? Ae.-pater, obsecro, ausculta! Mi.-Aeschine, audiui omnia
Pourquoi pleures-tu ? Es.-Mon père, je t'en prie, écoute ! Mi.-Eschine, j'ai déjà tout entendu

aeschine non hic exhibuisset personam patris, nisi pietate uictus pati filium nollet confessione torqueri. Vergilius «  nec plura querentem passa Venus m. medio s. sic if. interfata d. dolore e. est 307 ». bene ergo intellegunt, qui sic accipiant perrecturum adhuc fuisse Micionem, nisi uictus affectu fallaciam proiecisset.
aeschine il ne serait pas pleinement dans son rôle de père si, vaincu par son amour paternel, il ne refusait pas de supporter que son fils se torture en avouant. Ainsi Virgile : « nec plura querentem passa Venus medio sic interfata dolore est » (mais Vénus, ne supportant pas davantage ses plaintes, l'interrompit au milieu de ce douloureux récit). Donc ils ont raison ceux qui interprètent que Micion aurait poursuivi si, vaincu par l'émotion, il n'avait décidé d'abandonner son mensonge.

680
et scio; nam te amo, quo magis quae agis curae sunt mihi.
et je sais tout ; car je t'aime et ce que tu fais me tient d'autant plus à cœur.

nam te amo bene addidit nam te amo etc. nam et inuidis et inimicis moris est scire quid agamus.
nam te amo bon ajout de nam te amo etc. Car c'est un trait de caractère y compris des jaloux et des ennemis que de savoir ce que nous faisons700.

681
Ae.-ita uelim me promerentem ames, dum uiuas, mi pater,
Es.-Je voudrais mériter que tu m'aimes, pendant toute ta vie, mon père,

ita velim me promerentem quam pie additum promerentem, tamquam illic sit uotum Aeschini, cum possit pater etiam immeritum amare! et animaduertendum ut165 semper sequi uel statim uel ex interuallo maxime in huiusmodi affirmationibus. sic Cicero «  ita uelim deos mihi propitios, ut cum illius temporis mihi uenit in mentem 308 » etc. uelim autem pro uolo antique dicitur.
ita velim me promerentem quel beau témoignage d'amour filial dans cet ajout de promerentem, comme si là Eschine faisait ce vœu alors même que son père pourrait l'aimer sans qu'il le mérite ! Et il faut remarquer qu'un ut suit toujours ou immédiatement ou après un intervalle de quelques mots, surtout dans des affirmations de ce genre. Ainsi Cicéron : « ita uelim deos mihi propitios, ut cum illius temporis mihi uenit in mentem » etc. (j'aimerais que les dieux me soient favorables dans la même mesure que, quand m'est venue l'idée etc.)701. Quant à uelim, il équivaut à uolo (je veux) ches les Anciens.

682
ut me hoc delictum admisisse in me, id mihi uehementer dolet,
autant que le fait que j'aie commis cette faute contre moi-même me peine vivement,

admisisse in me in me αὐξητικῶς adiectum est.
admisisse in me in me est ajouté de manière amplificatoire (αὐξητικῶς)702.

683
et me tui pudet. Mi.-credo hercle; nam ingenium noui tuum
et j'ai honte pour toi. Mi.-Je te crois, ma foi ! Car je connais ta nature

et me tvi pvdet ambiguum quidem, sed apparet adulescentem propter suum peccatum dicere, non quod quicquam turpe fecerit pater.
et me tvi pvdet il y a là certainement de l'ambiguïté, mais il appert que le jeune homme évoque sa propre faute, non une quelconque turpitude de son père703.

684
liberale; sed uereor ne indiligens nimium sies.
honnête ; mais je crains que tu ne sois bien indélicat.

1 ne indiligens nimivm sies non ergo ingratus sed neglegens Aeschinus, nec neglegens sed indiligens nec in alterum sed in se deliquit. 2 Mirae clementiae genus est aut omnino ignoscere aut obprobrium in leuius commutare. nam tota obiurgatio ita amica est, ut non multum a blandimento discrepet magisque proficiat apud audientem, ut uult Terentius, quamquam sint illa aspera atque praefracta.
1 ne indiligens nimivm sies donc Eschine n'est pas ingrat mais négligent, pas négligent mais indélicat (indiligens), et il n'a pas fauté contre un autre mais contre lui-même. 2 C'est un remarquable genre de clémence que de pardonner complètement ou de transformer un acte scandaleux en peccadille. Car toute la remontrance est à ce point amicale qu'elle ne se différencie guère d'une marque d'affection et qu'elle est d'un plus grand profit auprès de l'intéressé, selon l'intention de Térence, quelque durs et hachés que soient ses mots.

685
in qua ciuitate tandem te arbitrare uiuere?
Mais enfin, dans quelle cité crois-tu vivre ?

1 in qva civitate tandem te arbitrare vivere communem locum inducit a loco, a persona, a facto, a tempore. 2 in qva civitate aliter pronuntiandum est, id est presse ac leniter, ne faciat illud Tullianum «  pro di immortales! ubinam gentium sumus? quam rem publicam habemus? in qua urbe uiuimus? 309 ». 3 Et tandem pro tamen. 4 in qva civitate hoc est: "oblitus es Athenis te esse, ubi legibus uiuitur?". uide et omnes sententias poni accusatorias et nihil amaroris. isti sunt colores orationum difficillimi, sed elaborauit Terentius Micionem facere molliter accusantem et inducere Demeam durissime blandientem. 5 in qva civitate quod obiurgat Micio, et magni amoris est et necessaria pro persona asseueratio. non enim conuenit patrem, etiam nimium diligentem filium, eius praeterire peccata.
1 in qva civitate tandem te arbitrare vivere il construit un argument à partir du lieu, de la personne, de l'acte, du temps. 2 in qva civitate il faut le prononcer autrement, c'est-à-dire à mi-voix et doucement, pour éviter de le faire à la Cicéron : « pro di immortales ! ubinam gentium sumus ? quam rem publicam habemus ? in qua urbe uiuimus ? » (dieux immortels ! Mais dans quel endroit du monde sommes-nous ? Quelle république est la nôtre ? Dans quelle ville vivons-nous ?)704. 3 Et tandem est mis pour tamen. 4 in qva civitate c'est-à-dire : "as-tu oublié que tu es à Athènes, où l'on vit dans un cadre légal ?". Voyez aussi que toutes les phrases qui se trouvent là sont accusatrices mais sans le moindre soupçon d'amertume. Il s'agit là de couleurs oratoires très difficiles, mais Térence a travaillé à faire un Micion qui accuse avec douceur et à présenter un Déméa qui cajole avec une extrême dureté705. 5 in qva civitate la remontrance de Micion témoigne d'une part d'une grande affection et, d'autre part, est une affirmation forte et nécessaire à son personnage. Car il n'est pas convenable pour un père, même plein d'affection pour son fils, de laisser passer ses erreurs.

686
uirginem uitiasti quam te non ius fuerat tangere.
Tu as déshonoré une jeune fille à laquelle tu n'avais pas le droit de toucher.

virginem vitiasti uide et rem dici et abesse tragicam exclamationem, et delictum ostendi et ad ueniam festinari; nam statim dicet «  iam id peccatum primum magnum, at humanum tamen 310 ». et tota pronuntiatio in huiusmodi uerbis submissa debetur166.
virginem vitiasti voyez que la chose est nommée sans qu'il y ait d'exclamation tragique et que la faute est montrée en même temps qu'on se dirige à grands pas vers le pardon ; car il s'apprête à dire : « iam id peccatum primum magnum, at humanum tamen ». Et la prononciation entière, dans une réplique de ce genre, doit se faire à mi-voix.

687
iam id peccatum primum magnum, at humanum tamen;
C'est déjà une première grande faute, même si elle est humaine ;

688
fecere alii saepe item boni ; at postquam id euenit, cedo,
d'autres honnêtes gens en ont souvent fait autant ; mais après cet accident, dis-moi,

1 fecere alii saepe item boni moris est exemplo lenire quod purgare non possis. 2 fecere alii saepe item boni consolatio ab exemplo. et boni non: "cum hoc facerent", sed: "alias boni". 3 at postqvam id evenit euenit inquit, non commissum est: nihil ignoscentius dici potuit.
1 fecere alii saepe item boni c'est un trait de caractère d'adoucir par l'exemple ce que l'on ne peut pas justifier. 2 fecere alii saepe item boni consolation par l'exemple. Et boni se comprend non pas "bons quand ils faisaient cela" mais "bons par ailleurs". 3 at postqvam id evenit il dit euenit, non pas commissum est (une fois que la chose a été commise) : on ne peut rien dire de plus indulgent706.

689
numquid circumspexti? aut numquid tute prospexti tibi
as-tu regardé autour de toi ? Ou t'es-tu consulté pour savoir

1 nvmqvid circvmspexti συγκοπὴ μεταπλασμός167 pro circumspexisti. 2 Et circumspicimus praesentia, prospicimus futura.
1 nvmqvid circvmspexti forme syncopée ou métaplasme (συγκοπὴ ἢ μεταπλασμός) pour circumspexisti707. 2 Et circumspicere (regarder autour de soi) se dit des choses présentes, prospicere (regarder devant) se dit des choses futures.

690
quid fieret, qua fieret? si te ipsum mihi942 puduit dicere943,
ce qui allait se passer, comment cela allait de passer ? comment, si tu avais honte de m'en parler toi-même,

1 qvid fieret168 id est: "qua ratione, quo modo fieret". 2 Et qua "ratione", id est "quibus adminiculis" uel "per quas personas". 3 si te ipsvm mihi pvdvit dicere puduit dicere optime additum est, quasi non debuerit Aeschinum apud Micionem pudere.
1 qvid fieret708 c'est-à-dire : "de quelle manière", "de quelle façon" ça se produit. 2 Et qua signifie qua ratione (de quelle manière), c'est-à-dire "avec quels auxiliaires" ou "par l'entremise de quels personnages". 3 si te ipsvm mihi pvdvit dicere puduit dicere est un excellent ajout, comme si Eschine ne devait pas avoir honte devant Micion.

691
qua resciscerem? haec dum dubitas, menses abierunt decem.
je viendrais à le savoir ? A force de tergiverser, dix mois ont passé.

1 qva resciscerem qua hoc est: "per quos". et ad omnia subauditur «  numquid circumspexti 311 ». 2 qva resciscerem deest re uel ratione. 3 menses abiervnt decem mire abierunt, quasi dicat: "te cessante menses cessere". et locus est incusationis a tempore. 4 Et abire dicitur quod paulatim nos deserit. hoc autem ex partu intellegit.
1 qva resciscerem qua c'est-à-dire per quos (par l'intermédiaire de qui). Et pour tout cela, on sous-entend « numquid circumspexti ? ». 2 qva resciscerem il manque re (qua re, pourquoi) ou ratione (qua ratione, de quelle manière). 3 menses abiervnt decem abierunt est étrange, comme s'il disait : "pendant que tu ne faisais rien, les mois sont passés". Et c'est un argument d'accusation par le temps. 4 Et abire se dit de ce qui nous abandonne petit à petit. Or ici, on comprend qu'il s'agit de l'accouchement.

692
prodidisti et te et illam miseram et gnatum, quod quidem in te fuit.
Tu as trahi toi-même, cette malheureuse et cet enfant, pour ce qui te regardait.

1 prodidisti et te et illam miseram Sallustius «  quod in familia nostra fuit, praestitit, ut in omnibus bellis adesset uobis 312 » et Cicero «  senator populi Romani, quod in uobis fuit, iacuit et pernoctauit in publico 313 ». 2 prodidisti et te et illam uide festiuum senem, quantum se adulescenti accommodet: non enim illum quem causa deposcit, sed amatorium ordinem fecit prius dicendo prodidisti te quam illam, tum etiam gnatum, ut ex animo eius amare uideatur id quod natum est. 3 Et prodidisti decepisti uel deseruisti, ut Vergilius «  unius ob iram prodimur 314 ». 4 qvod qvidem in te fvit pro: id quod in te erat, id est: "quantum in officio tuo spei et auxilii partiumque tuarum fuit", uel "quantum ad te spectabat". 5 Et hoc est illud, quod obsequentissimus pater uult omnia per se esse correcta.
1 prodidisti et te et illam miseram Salluste : « quod in familia nostra fuit, praestitit, ut in omnibus bellis adesset uobis » (notre famille, pour autant qu'il lui incombait, a fait en sorte de vous assister dans chaque conflit) et Cicéron : « senator populi Romani, quod in uobis fuit, iacuit et pernoctauit in publico » (un sénateur du peuple romain, chose qui vous incombait, est resté couché et a passé la nuit en public)709. 2 prodidisti et te et illam voyez comme ce vieillard plein d'humour s'adapte au jeune homme : car il ne met pas les choses dans l'ordre que la cause réclame, mais dans celui qui prévaut chez les amoureux en disant d'abord prodidisti te710 avant illam, et même avant gnatum, pour donner l'impression que c'est à partir de l'état d'esprit du jeune homme qu'il aime l'enfant qui est né. 3 Et prodidisti équivaut à decepisti (tu as déçu) ou à deseruisti (tu as abandonné), comme chez Virgile : « unius ob iram prodimur » (à la colère d'une seule divinité nous sommes abandonnés). 4 qvod qvidem in te fvit mis pour : id quod in te erat (pour ce qui était en ton pouvoir), c'est-à-dire "pour autant qu'il y avait en ton office d'espoir, d'assistance et de rôle à jouer pour toi", ou "pour autant que cela te regardait". 5 Et la raison en est qu'un père très complaisant veut que tout ce qui se fait par son intermédiaire soit correct.

693
quid? credebas dormienti haec tibi confecturos deos
Quoi ? Tu croyais que dans ton sommeil les dieux te finiraient la chose

1 dormienti haec tibi confectvros deos quam mitis, quam faceta obiurgatio! uide ut satis Micio sit ille ante descriptus. 2 qvid credebas dormienti haec tibi confectvros deos incerta distinctio, nam et per se quid et quid credebas legi potest. et ueluti subaccusatur hic Aeschinus. 3 dormienti haec tibi confectvros deos ἀπὸ τοῦ ἀδυνάτου. et quae sint quae di cessantibus praestare non possint, sequenti uersu docet, ne uideatur de dis male sensisse. 4 dormienti multo melius quam si diceret cessanti. et non facturos, sed quod plenum est confecturos. 5 Et mire deos ponit in eo negotio, quod ipse praestat, tamquam hic et se excuset et deos, quod non fecerint Aeschino quae uolebat etiam dormienti.
1 dormienti haec tibi confectvros deos quelle douceur, quel humour dans la remontrance ! Voyez comme ce Micion a suffisamment été décrit auparavant. 2 qvid credebas dormienti haec tibi confectvros deos ponctuation incertaine, car on peut lire quid tout seul et quid credebas. Et ici, Eschine est l'objet d'une accusation sous-jacente. 3 dormienti haec tibi confectvros deos argument de l'impossible (ἀπὸ τοῦ ἀδυνάτου). Et quelles sont les choses que les dieux ne peuvent pas fournir aux hommes qui ne font rien, le vers suivant le montre, pour éviter qu'on croie qu'il a une mauvaise opinion des dieux. 4 dormienti c'est bien meilleur que s'il disait cessanti (pendant que tu ne fais rien). Et il ne dit pas facturos, mais la forme complète confecturos. 5 Et étrangement, il met les dieux dans cette histoire, qu'il propose lui-même, comme s'il excusait ici et lui-même et les dieux de n'avoir pas fait à Eschine dans son sommeil ce qu'il désirait.

694
et illam sine tua opera in cubiculum iri deductum domum?
et qu'elle te serait, sans ton concours, amenée dans ton lit chez toi ?

1 et illam sine tva opera in cvbicvlvm iri ἀπὸ τοῦ ἄλλου ἀδυνάτου. 2 iri dedvctvm domvm ordo: "deductum iri".
1 et illam sine tva opera in cvbicvlvm iri autre argument de l'impossible (ἀπὸ τοῦ ἄλλου ἀδυνάτου)711. 2 iri dedvctvm domvm l'ordre est : deductum iri712.

695
nolim ceterarum rerum te socordem eodem modo.
Je ne voudrais pas que tu sois aussi indolent pour le reste.

nolim ceterarvm rervm te socordem quam nihil imperiose ac pro auctoritate patria! nolim te inquit socordem ceterarum rerum esse, non ne sis socors.
nolim ceterarvm rervm te socordem comme il ne dit rien de façon impérieuse tout en se conformant à son autorité paternelle ! Il dit nolim te socordem ceterarum rerum esse, et non pas ne sis socors (ne sois pas indolent)713.

696
bono animo es, duces uxorem. Ae.-hem! Mi.-bono animo es, inquam. Ae.-pater,
Mais garde courage, tu l'épouseras. Es.-Hein ! Mi.-Garde courage, dis-je. Es.-Père,

1 bono animo es apparet flenti haec dicta omnia. et hoc decuit uerecundum adulescentem ex ui tantae orationis et metu amittendae amatae nimium puellae. 2 bono animo es es modi imperatiui est temporis praesentis, nam esto futuri est. 3 dvces vxorem datur in ultima obiurgatione et breuiter et plena securitas. 4 hem singultiens fletu et gaudio dixit hem.
1 bono animo es il appert que c'est à un Eschine en larmes que cette réplique s'adresse. Et c'est l'attitude qui convient à un jeune homme respectueux, étant donné la force d'un tel discours et la crainte qu'il a de perdre une jeune femme qu'il aime éperdument. 2 bono animo es es est un impératif présent ; car c'est esto le futur. 3 dvces vxorem à la fin de la remontrance, et de façon lapidaire, est donnée une pleine et entière garantie. 4 hem c'est en hoquetant de sanglots et de joie qu'il dit hem714.

697
obsecro, num944 ludis tu me? Mi.-ego te? quamobrem? Ae.-nescio;
je t'en prie, n'es-tu pas en train de te jouer de moi ? Mi.-Moi, de toi ? Pourquoi ? Es.-Je ne sais pas ;

1 obsecro nvm lvdis tv me maestus amatoris animus ludentem senem loqui credit, et uera dicentem quia optata sunt adeo eum adludere nunc putat ludere nunc et ob hanc causam dixit ludis tu me nunc non quondam cum antea luxerit169. 2 ego te qvamobrem magna uis pronominum, cur non ludat, quibus et accessit consideratio rei, nam primo ego, deinde te, deinde causae propositio. 3 Et recte ludis: est enim amantis insulsum metum conicere170 imminente laetitia, inimici uero qualibet saeuitia in falsum gaudium quemquam impellere sub alicuius maeroris aduentum. ideo negat se Micio in hac parte lusurum Aeschinum, qui in aliis luserat. 4 nescio religiose dixit nescio, quasi non sit ratio quare non credat patri, quamuis subiecerit causam.
1 obsecro nvm lvdis tv me l'esprit affligé de l'amoureux croit que le vieillard parle en s'amusant et alors même qu'il dit la vérité, du fait que c'est là ce qu'il désire au plus haut point, il pense maintenant qu'il se moque de lui. Et c'est la raison pour laquelle il dit ludis tu nunc me, "maintenant" et non pas "tout à l'heure" quand auparavant il s'affligeait715. 2 ego te qvamobrem il y a un grand jeu des pronoms qui montre qu'il n'est pas en train de se moquer, et grâce auxquels on en arrive à la prise en compte de la situation : car il dit d'abord ego, ensuite te, ensuite la proposition de la raison. 3 Et ludis est correct : car c'est bien d'un amoureux de conjecturer une crainte stupide à l'approche même du bonheur, c'est bien d'un ennemi en revanche d'utiliser la première cruauté venue pour pousser quelqu'un dans une fausse joie à l'approche de quelque mauvaise nouvelle. C'est pour cela que Micion à cet endroit affirme qu'il cesse de se moquer d'Eschine, lui qui s'en était moqué auparavant. 4 nescio il a des scrupules à dire nescio, comme s'il n'y avait pas de raison de ne pas croire son père, bien qu'il ait suggéré la raison.

698
quia tam misere hoc esse cupio uerum, eo uereor magis.
c'est parce que je souhaite méchamment que ce soit vrai que j'ai de l'appréhension.

qvia tam misere hoc esse cvpio vervm misere pro nimis, quia nimia miseria, ut «  ne quid nimis 315 ». hoc enim putant qui uirtutes mediocritates esse dixerunt.
qvia tam misere hoc esse cvpio vervm misere est mis pour nimis (trop), parce qu'il y a de l'excès dans la misère, comme dans : « ne quid nimis »716. Car c'est l'avis de ceux qui pensent que les qualités sont dans la moyenne.

699
Mi.-abi domum ac deos comprecare ut uxorem accersas; abi.
Mi.-Va à la maison et fais des prières aux dieux pour pouvoir aller chercher ta femme ; va.

1 abi domvm ad deos comprecare magnus institor sui beneficii est, qui a dis petendum dicit esse, quod ipse praestabit. 2 An ideo, quia ordinis fuerat prius rem diuinam facere et sic uxorem accersere? 3 Et bene repetitum abi quasi haerenti morantique, ut «  uos istaec intro auferte: abite 316 ».
1 abi domvm ad deos comprecare il est le grand colporteur de son propre bienfait, lui qui dit qu'il faut demander aux dieux ce qu'il offrira lui-même. 2 Ou alors est-ce parce qu'il serait dans l'ordre des choses de faire d'abord un sacrifice et ainsi de faire venir son épouse ? 3 Et il fait bien de répéter abi, comme à quelqu'un qui reste collé là et qui traîne, de même que dans : « uos istaec intro auferte : abite ».

700
Ae.-quid? iam uxorem? Mi.-iam. Ae.-iam? Mi.-iam quantum potes945. Ae.-di me, pater,
Es.-Quoi ? Déjà ma femme ? Mi.-Déjà. Es.-Déjà ? Mi.-Autant déjà que possible. Es.-O mon père, que les dieux me

1 qvid iam vxorem accessit ad beneficium tempus, et ideo iam quasi gestiens repetit adulescens. 2 qvantvm potes aut deest cito aut quantum pote scilicet esse.
1 qvid iam vxorem le temps s'ajoute au bénéfice et c'est pourquoi le jeune homme répète iam en s'impatientant presque. 2 qvantvm potes soit il manque cito (vite), soit quantum pote implique esse717.

701
omnes oderint ni magis te quam oculos nunc ego amo meos!
haïssent dans leur totalité si je ne t'aime pas plus aujourd'hui que mes propres yeux !

1 ni magis te qvam ocvlos nvnc ego amo meos nunc addidit. 2 Et eleganter inuentum est, quod in se amator multum diligat, id est oculos, ut in Eunucho «  adulescenti ipsi eriperem oculos 317 », hoc est ipsos, de quibus amat.
1 ni magis te qvam ocvlos nvnc ego amo meos il ajoute nunc. 2 Et c'est une trouvaille heureuse de parler de ce que l'amoureux préfère en lui-même, à savoir les yeux, comme dans L'Eunuque : « adulescenti ipsi eriperem oculos »718, c'est-à-dire précisément les organes à partir desquels il peut être amoureux.

702
Mi.-quid? quam illam? Ae.-aeque. Mi.-perbenigne! Ae.-quid? ille ubi est Milesius?
Mi.-Ah bon ? Plus qu'elle ? Es.-Autant. Mi.-A la bonne heure ! Es.-Eh bien ? Où est ce type de Milet ?

1 qvid qvam illam commendat se Micio et familiariorem amatori facit mentionem faciendo saepius de amica in uxorem ducenda. 2 aeqve sic infert hoc, quasi dubitando inuenerit. 3 perbenigne multum putat, quia amator hoc dixit. ergo benigne large abundeque. 4 qvid ille vbi est milesivs non amat si statim timere desinit. unde Vergilius «  omnia t. tuta t. timens 318 ».
1 qvid qvam illam Micion se recommande et se fait plus familier aux yeux de l'amoureux en faisant mention souvent de son mariage avec sa maîtresse. 2 aeqve il dit cela comme s'il l'avait trouvé en hésitant. 3 perbenigne il estime que c'est beaucoup, parce que c'est un amoureux qui dit cela. Donc benigne veut dire large (largement) et abunde (abondamment). 4 qvid ille vbi est milesivs il n'est pas amoureux s'il cesse aussitôt d'être inquiet. D'où Virgile : « omnia tuta timens » (elle qui craint tout, même ce qui est sans danger).

703
Mi.-periit; abiit, nauem ascendit946. sed cur cessas? Ae.-abi, pater,
Mi.-Il s'est perdu ; il est parti, il a pris le bateau. Mais qu'attends-tu ? Es.-Vas-y toi, mon père,

1 abiit navem ascendit abiit facete, ne diceret mentitus sum. atque ita dixit, ut infantibus nutrices de terriculis solent dicere, quas cum ipsae confinxerint, abolitas uolunt, postquam illos uident nimium pauere. 2 Sed mihi uidetur ridens haec dixisse, ut intellegat Aeschinus Micionem ioco fuisse mentitum.
1 abiit navem ascendit abiit est spirituel, pour ne pas dire "j'ai tout inventé". Et il dit comme les nourrices, souvent, à propos des épouvantails719 que, après les avoir inventés, elles veulent faire disparaître, après avoir constaté que les petits ont trop peur. 2 Mais j'ai le sentiment qu'il dit cela en riant, pour qu'Eschine comprenne que Micion a tout inventé par jeu.

704
tu potius deos comprecare; nam tibi eos certo scio,
plutôt, pour prier les dieux ; car j'ai la certitude qu'avec toi,

705
quo uir melior multo es quam ego, obtemperaturos magis.
parce que tu es un homme tellement meilleur que moi, ils auront plus de complaisance.

1 tibi obtemperatvros magis mira sententia: obsequi deos bonis, quasi bonis hominibus multum debeant. 2 Et in excusatione precandi deos uide quae facultas nata sit patrem sine assentatione laudare! non est autem iniuriosum ad patrem referre deprecationem deorum, sed magis honorabile. nam tale est apud Vergilium «  tu, genitor, cape sacra manu p. patriosque p. penatis 319 », ut ipse patrem portet, hic deos.
1 tibi obtemperatvros magis étrange idée que les dieux sont complaisants avec les hommes de bien, comme s'ils avaient une dette importante à l'égard des hommes de bien. 2 Et voyez dans ce prétexte de la prière aux dieux quelle possibilité il y a de louer son père sans flagornerie ! Ce n'est pas une insulte de déléguer à son père la prière aux dieux, mais c'est une plus grande marque d'honneur. De fait, on trouve la même chose chez Virgile : « tu, genitor, cape sacra manu patriosque penatis » (toi, mon père, prends dans ta main les objets sacrés et les pénates de notre patrie), en sorte que lui porte son père et ce dernier les dieux720.

706
Mi.-ego eo intro ut quae opus sint947 parentur; tu fac ut dixi, si sapis.
Mi.-Je vais donc là-dedans pour préparer tout ce qu'il faut ; quant à toi, fais comme j'ai dit, si tu es sage.

ego eo intro vt qvae opvs sint parentvr tv fac vt dixi si sapis hic uersus in quibusdam non inuenitur.
ego eo intro vt qvae opvs sint parentvr tv fac vt dixi si sapis ce vers ne se trouve pas dans certains exemplaires.

707
Ae.-quid hoc est negoti? hoc est patrem esse aut hoc est filium esse?
Es.-Quelle affaire ! Est-ce là être un père ou être un fils ?

qvid hoc est negoti hoc est patrem esse et mirantis haec et laudantis oratio est. et paene uidetur huiusmodi patrem Terentius probare.
qvid hoc est negoti hoc est patrem esse c'est un discours d'admiration et d'éloge. Et Térence paraît presque donner lui-même son approbation à ce genre de père.

708
si frater aut sodalis esset, qui magis morem gereret? hic948
Si c'était mon frère ou mon camarade, comment pourrait-il être plus complaisant ? Cet homme

1 qvi magis morem gereret qui quo modo, qua re, qua ratione. 2 hic non amandvs omnia perfecit hic pater, ut et ametur et laudetur et foueatur.
1 qvi magis morem gereret qui vaut pour quo modo (comment), qua re (pourquoi), qua ratione (de quelle manière). 2 hic non amandvs le père a réussi ici d'un coup à se faire aimer, à se faire louer et à se faire chérir.

709
non amandus? hicine non gestandus in sinu est? hem!
peut-on ne pas l'aimer ? peut-on ne pas le porter dans son cœur ? Hein !

710
itaque adeo magnam mihi iniecit sua commoditate curam
C'est pourquoi il m'a insufflé, avec son affabilité, un grand soin

magnam mihi iniecit sva commoditate cvram mira sententia: mala nobis etiam de bonis nasci? an bonus parens magnae curae est filio?
magnam mihi iniecit sva commoditate cvram étrange idée que des maux peuvent naître aussi de bonnes choses. Ou bien est-ce parce qu'un bon père est un grand objet de souci de la part de son fils ?

711
ne forte imprudens faciam quod nolit; sciens cauebo.
de ne pas faire imprudemment quelque chose qu'il ne voudrait pas ; j'y veillerai en conscience.

sciens cavebo facere quod nolit, scilicet.
sciens cavebo implicitement facere quod nolit (je me garderai de faire des choses qu'il ne voudrait pas).

712
sed cesso ire intro, ne in mora meis nuptiis egomet siem!
Mais que tardé-je à rentrer, au risque de différer moi-même mes noces !

sed cesso ire intro ne in mora meis nvptiis egomet siem bene hoc utpote obiurgatus.
sed cesso ire intro ne in mora meis nvptiis egomet siem bien dit, en homme qui a reçu des remontrances.

scaena sexta

Demea

713 | 714 | 715 | 716 | 717 | 718

713
De.-defessus sum ambulando; ut, Syre, te cum tua
Dé.-Je suis épuisé à force de marcher ; Syrus, toi et tes

1 defessvs svm ambvlando hic exemplum inducitur saeui patris ex affectu uero et ob hoc inuisi omnibus: non tam amari uult quam ipse amat neque sibi nec cuiquam alii sed filio tantum consultum cupit. de autem ualde significat. 2 vt syre te cvm tva monstratione ut pro utinam. et haec omnia anhelans dixit. 3 te cvm tva adhuc non credit in errorem se missum fuisse. 4 vt te cvm tva monstratione ἰδιωτικῶς te cum tua monstratione.
1 defessvs svm ambvlando ici est développé l'exemple d'un père sévère en raison d'une émotion authentique et par là même odieux à tous : car il ne veut pas être aimé autant qu'il aime et ce n'est pas pour lui mais seulement pour son fils qu'il désire une consultation. Et de- signifie ualde (beaucoup)721. 2 vt syre te cvm tva monstratione ut est mis pour utinam (pourvu que). Et il dit toute cette réplique essoufflé. 3 te cvm tva il n'arrive pas encore à croire qu'il a été envoyé promener. 4 vt te cvm tva monstratione te cum tua monstratione est un particularisme (ἰδιωτικῶς).

714
monstratione magnus perdat Iuppiter!
indications, que le grand Jupiter vous fasse périr !

715
perreptaui usque omne oppidum, ad portam, ad lacum,
J'ai rampé par toute la ville, jusqu'à la porte, à l'abreuvoir,

1 perreptavi vsqve omne oppidvm tardus incessus non perambulatio sed perreptatio dicitur. 2 ad portam ad lacvm qvo non mire propinquiora omisit, utpote porticum, macellum, Cratini aedes, templum Dianae, et ultima posuit, ut quantum peragrauerit demonstraret. 3 ad lacvm facete poeta memorem inducit senem, quorum minime opus fuit meminisse.
1 perreptavi vsqve omne oppidvm une marche lente se dit non pas perambulatio (longue promenade) mais perreptatio (action de parcourir en rampant). 2 ad portam ad lacvm qvo non remarquablement, il n'évoque pas les points de repère les plus proches, comme le portique, le marché, la maison de Cratinus, le temple de Diane, et il évoque les derniers, pour montrer quelle distance il a parcouru. 3 ad lacvm avec esprit, le poète montre un vieillard qui garde la mémoire d'éléments qu'il n'est pas du tout utile de mémoriser.

716
quo non? neque illi fabrica ulla erat nec fratrem homo
où encore... ? et là-bas, il n'y avait pas d'atelier, et mon frère, aucun type

qvo non duobus dictis quo non addidit quasi et ad dicendum lassus.
qvo non aux deux indications données, il ajoute quo non comme s'il était fatigué même d'énumérer.

717
uidisse se aibat quisquam. nunc uero domi
ne m'a dit l'avoir vu, personne. Donc pour l'heure, c'est chez lui

718
certum obsidere est usque donec redierit.
que j'ai décidé de faire le siège, jusqu'à ce qu'il rentre.

1 certvm obsidere est vsqve donec redierit proprie obsidere dixit: conuenit enim et irato et repente aggressuro. 2 et ab eo quod est obsideo obsidēre facit producta media syllaba, ab eo quod est obsido obsidĕre facit eadem syllaba correpta.
1 certvm obsidere est vsqve donec redierit il dit au sens propre obsidere : c'est un terme, en effet, qui convient à un personnage irrité et qui s'apprête à attaquer. 2 Et la forme obsideo fait obsidēre avec une syllabe centrale longue, la forme obsido fait obsidĕre avec une syllabe centrale brève722.

scaena septima

Demea Micio

719 | 720 | 721 | 722 | 723 | 724 | 725 | 726 | 727 | 728 | 729 | 730 | 731 | 732 | 733 | 734 | 735 | 736 | 737 | 738 | 739 | 740 | 741 | 742 | 743 | 744 | 745 | 746 | 747 | 748 | 749 | 750 | 751 | 752 | 753 | 754 | 755 | 756 | 757 | 758 | 759 | 760 | 761 | 762

719
Mi.-ibo, illis dicam nullam esse in nobis moram.
Mi.-J'y vais ; je vais leur dire que chez nous il n'y a pas de retard.

1 ibo illis dicam in hac scaena exemplum est intempestiuae obiurgationis ac per hoc ridiculae. 2 ibo illis dicam moris est secum loqui uel senes uel maxime aliquid ex animo agentes. 3 illis dicam Sostratae et filiae.
1 ibo illis dicam dans cette scène, on a un exemple de remontrance intempestive et par là même risible. 2 ibo illis dicam monologuer est une caractéristique des vieillards ou du moins de ceux qui ont quelque chose qui leur tient à cœur723. 3 illis dicam à Sostrata et à sa fille.

720
De.-sed eccum ipsum. te iamdudum quaero, Micio.
Dé.-Mais le voilà, justement. C'est toi que je cherche depuis une heure, Micion.

721
Mi.-quidnam? De.-fero alia flagitia ad te ingentia
Mi.-Pourquoi cela ? Dé.-Je t'apporte d'autres scandales géants

1 fero alia flagitia ad te ingentia boni magno sonitu et ingenti ostentatione futurae accusationis exorsus est; magna enim sunt omnia, et fero et alia flagitia et ingentia et quod εἰρωνικῶς «  boni illius adulescentis 320 » dicit.
1 fero alia flagitia ad te ingentia boni c'est avec beaucoup de bruit et une manière très ostentatoire qu'il commence par évoquer l'accusation dont il va parler ; car tout est grandiloquent : fero, alia flagitia, ingentia et sa remarque ironique (εἰρωνικῶς) « boni illius adulescentis ».

722
boni illius adulescentis... Mi.-ecce autem! De.-noua!
de ce bon jeune homme... Mi.-Nous y voilà ! Dé.-Des nouveaux !

1 boni illivs advlescentis εἰρωνεία, quae semper amarius ponitur quam criminatio manifesta. 2 ecce avtem ecce dicitur, cum repente triste aliquid rebus interuenit laetis. 3 Aut certe, cum quando aliud agitur aliud emergit nouum, ut «  ecce autem gemini a T. Tenedo t. tranquilla p. per a. alta h. horresco r. referens 321 » et «  ecce trahebatur p. passis P. Priameia u. uirgo c. crinibus a t. templo 322 » et Cicero «  ecce autem repente, ebrio Cleomene, cunctis esurientibus 323 » etc. 4 nova recentia. an mira et magna, ut «  Pollio et ipse facit noua carmina 324 »?
1 boni illivs advlescentis c'est de l'ironie (εἰρωνεία), laquelle marque toujours plus de rancœur que l'indication claire du reproche. 2 ecce avtem on dit ecce quand un événement sinistre intervient soudain au milieu de la liesse. 3 Ou alors certainement quand, alors qu'on fait une chose, c'est une autre, nouvelle, qui sort, comme dans : « ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta, horresco referens » (voici soudain que, depuis Ténédos, par la mer tranquille, surgissent deux serpents, je frémis en le racontant...) et : « ecce trahebatur passis Priameia uirgo crinibus a templo » (voici qu'on amenait, cheveux dénoués, la fille vierge de Priam depuis le temple), et Cicéron : « ecce autem repente, ebrio Cleomene, cunctis esurientibus » etc. (voici soudain, alors que Cléomène était ivre et que tous avaient faim...). 4 nova "récents". Ou alors "remarquables et grands", comme dans : « Pollio et ipse facit noua carmina » (Pollion lui-même fait des poèmes inédits) ?

723
capitalia! Mi.-ohe iam! De.- ah! nescis qui uir siet. Mi.-scio.
Des gravissimes ! Mi.-Mais oui ! Dé.-Ah ! Tu ignores quel homme c'est. Mi.-Je le sais.

1 nescis qvi vir siet εἰρωνεία, nam uir ad laudem poni solet, ut alibi «  uirum te iudico 325 ». 2 scio satis ridicule non, quod ille cupit, Micio uult consentiendo mitigare, sed acriorem fieri iracundiam Demeae. nam scio ad negotii totius gestionem rettulit, non ad illud quod ait nescis quis uir siet.
1 nescis qvi vir siet c'est de l'ironie (εἰρωνεία), car uir est d'ordinaire laudatif, comme on le voit ailleurs : « uirum te iudico ». 2 scio de façon assez drôle, contre le souhait de l'autre, Micion ne veut pas, en marquant son consentement, calmer la colère de Déméa, mais au contraire la rendre plus vive. Car scio renvoie à l'intégralité de l'affaire, non à la réplique précédente nescis quis uir siet.

724
De.-o stulte! tu de psaltria me somnias
Dé.-Imbécile ! Tu te figures que c'est après la musicienne

725
agere? hoc peccatum in uirginem est ciuem. Mi.-scio.
que j'en ai ? La faute dont je te parle est contre une jeune citoyenne. Mi.-Je le sais.

726
De.-eho, scis, et patere? Mi.-quidni patiar? De.-dic mihi,
Dé.-Quoi, tu le sais et tu le tolères ? Mi.-Pourquoi ne le tolérerais-je pas ? Dé.-Dis-moi,

eho scis et patere iam et illi irascitur, non Aeschino modo.
eho scis et patere dès lors, il est courroucé aussi contre lui et non plus seulement contre Eschine.

727
non clamas, non insanis, non...? Mi.-malim quidem...
tu ne cries pas, tu ne deviens pas fou, tu ne... ? Mi.-Bien sûr je préfèrerais...

non malim qvidem alii uolunt Micionem dicere malim quidem, alii Demeam.
non malim qvidem certains sont d'avis que c'est Micion qui dit malim quidem, d'autres que c'est Déméa.

728
De.-puer natus est... Mi.-di bene uortant! De.-uirgo nihil habet...
Dé.-Il y a un enfant qui est né... Mi.-Que les dieux le protègent ! Dé.-La fille n'a rien...

1 pver natvs est di bene vertant hic bono exemplo inducitur Micio irascentem iuste Demeam leniter ferre, quia exanimato ob maerorem non conuenit inclementer ire obuiam, cum possit in tempore obiurgari, postquam destomachatus fuerit. 2 Et uide quam facete, cum ille puer natus est ad argumentum mali attulerit, hic ita respondit, quemadmodum illi, quibus puellam nasci metuentibus nuntiatur puerum natum esse. nam in omnibus, quae cupite euenerunt, di bene uertant solet dici, quia saepe homines ea optauerunt, quae illis aliter atque exspectauerunt contigissent. quam potestatem rerum uertentium semet in utramque partem Vertumno deo superesse ueteres exisitimabant. 3 virgo nihil habet uult rem sine remedio uideri, quia scit posse nuptiis finiri sollicitudinem. 4 Et uide amaritudinem Demeae contra omnes, ut nec uirgini ipsi parcat.
1 pver natvs est di bene vertant ici, d'une façon bien exemplaire, on voit Micion supporter le courroux légitime de Déméa avec bonhomie, parce qu'il n'est pas convenable de s'opposer violemment à un homme que le chagrin met hors de lui, dans la mesure où le moment venu on peut se le faire reprocher, une fois que la colère est retombée. 2 Et voyez avec quel humour, alors que l'autre a dit puer natus est en argumentant à charge, Micion répond, comme font ceux à qui, alors qu'ils redoutent que ne leur naisse une fille, on annonce que c'est un garçon. Car à l'occasion de tout événement qui survient selon nos souhaits, on a coutume de dire di bene uertant, parce que souvent les hommes souhaitent des choses qui leur arrivent autrement qu'ils ne l'avaient espéré. Cette faculté qu'ont les événements à se tourner (uertere) d'un côté ou de l'autre, c'est au dieu Vertumne (Vertumnus) que les Anciens pensaient en confier la charge724. 3 virgo nihil habet Déméa veut que la situation paraisse insoluble, parce qu'il sait que le mariage peut mettre fin à tous les soucis. 4 Et voyez que Déméa a de l'amertume contre tout le monde, au point d'être sans pitié même contre la jeune femme.

729
Mi.-audiui. De.-...et ducenda indotata est. Mi.-scilicet.
Mi.-Je l'ai entendu dire. Dé.-...et il faut l'épouser sans dot. Mi.-Evidemment.

1 avdivi ἀφελῶς et cum ἐξουθενισμῷ respondendum, quasi leue sit, quod admissum est. 2 indotata est171 et ducenda scilicet ne damnatus sit Aeschinus. 3 Et hoc uerbum uim necessitatis habet, ut «  pacem Troiano ab r. rege p. petendum 326 ».
1 avdivi c'est avec un ton simple (ἀφελῶς) et avec désinvolture (ἐξουθενισμῷ) qu'il faut faire cette réponse, comme si l'acte commis était une peccadille. 2 indotata est et pourtant il faut bien l'épouser, évidemment pour éviter à Eschine d'être condamné725. 3 Et ce verbe a une valeur d'obligation, comme dans : « pacem Troiano ab rege petendum » (il faut demander la paix au roi Troyen)726.

730
De.-quid nunc futurum est? Mi.-id enim quod res ipsa fert:
Dé.-Et maintenant, que va-t-il arriver ? Mi.-Mais, ce qu'implique la situation :

qvid nvnc fvtvrvm more irascentium, cum ipse dixerit quid futurum sit, Micionem interrogat. et huiuscemodi interrogatio secundum figuram suam non habet responsionem, sed Micio respondit quasi simpliciter inquirenti.
qvid nvnc fvtvrvm à la manière des gens en colère, alors qu'il a lui-même dit ce qui allait se passer, il pose la question à Micion. Et ce genre de question, conformément à sa nature, n'appelle pas de réponse, mais Micion répond comme si c'était une demande simple.

731
illinc huc transferetur uirgo. De.-pro949 Iuppiter!
la fille va passer de cette maison-là à celle-ci. Dé.-Par Jupiter !

1 illinc hvc transferetvr virgo uirginem quae iam cum uiro fuit uocat. Vergilius «  ah uirgo infelix 327 ». 2 pro ivppiter istocine pacto fieri oportet pro Iuppiter tragice adiecit auersus, istocine pacto ad ipsum Micionem respiciens dixit.
1 illinc hvc transferetvr virgo il appelle uirgo (vierge) une jeune femme qui a déjà été avec un homme. Virgile : « ah uirgo infelix » (ah ! malheureuse jeune fille)727. 2 pro ivppiter istocine pacto fieri oportet à la manière d'un tragique il ajoute pro Iuppiter de dos, il dit istocine pacto à Micion de face728.

732
istocine pacto fieri950 oportet? Mi.-quid faciam amplius?
Faut-il donc que ça se passe ainsi ? Mi.-Que puis-je faire de plus ?

733
De.-quid facias? si non re ipsa951 istuc tibi952 dolet,
Dé.-Ce que tu peux faire ? Si en réalité la chose ne te chagrine pas,

si non re ipsa istvc tibi dolet rem nunc pro ueritate posuit.
si non re ipsa istvc tibi dolet rem ici est mis pour ueritas (vérité).

734
simulare certe est hominis. Mi.-quin uirginem
il est au moins humain de faire semblant. Mi.-Mais enfin, la fille,

simvlare certe est hominis non dicit, quia hominis est mentiri, sed quia saepe iracundiae simulatio custodia disciplinae est.
simvlare certe est hominis il ne dit pas cela parce que le propre de l'homme est de mentir, mais parce que souvent la colère feinte sert à maintenir la discipline.

735
iam953 despondi; res composita est, fiunt nuptiae;
je l'ai obtenue ; l'affaire est conclue, le mariage est en cours ;

1 iam despondi res composita est fivnt nvptiae mira uarietas: despondi, res composita est, fiunt nuptiae, ne diceret despondi, composui, facio. 2 Et despondet puellam qui petit, spondet a quo petitur; recte ergo socer futurus despondi dixit.
1 iam despondi res composita est fivnt nvptiae admirable variété : despondi, res composita est, fiunt nuptiae, ce qui lui évite de dire despondi, composui (j'ai réglé), facio (je fais)729. 2 Et on parle de despondere (demander en fiançailles) pour celui qui fait la demande d'une jeune fille, de spondere (fiancer) pour celui à qui on fait la demande ; c'est donc correct pour un futur beau-père de dire despondi.

736
dempsi metum omnem; haec magis sunt hominis. De.-ceterum
j'ai dissipé toutes les craintes ; c'est ça qui est plus humain. Dé.-Pour le reste,

1 haec magis svnt hominis bene repetit hominis: ille enim dixerat «  simulare certe est hominis 328 ». 2 cetervm placet tibi factvm micio nihil aliud uolebat Demea nisi ut saeuiret Micio, quod impetrare non potuit etiam ab eadem sentiente de prauitate et peccato Aeschini.
1 haec magis svnt hominis il fait bien de répéter hominis : car Déméa avait dit « simulare certe est hominis ». 2 cetervm placet tibi factvm micio la seule chose que voulait Déméa, c'était que Micion sévisse, ce qu'il n'a pas réussi à obtenir même d'un homme qui a la même opinion sur la dépravation et la faute d'Eschine.

737
placet tibi factum, Micio? Mi.-non, si queam id
tu es d'accord avec ce qu'il a fait, Micion ? Mi.-Non, si je pouvais le

738
mutare; nunc cum non queo, animo aeque fero.
modifier ; mais puisque je ne le puis pas, je le supporte avec patience.

739
ita uita est hominis954 quasi cum ludas tesseris:
La vie humaine c'est comme quand on joue aux dés :

ita vita est hominis qvasi cvm lvdas tesseris rectum erat, si diceret ita uita est hominum quemadmodum tesseris ludere aut quemadmodum ludus est tesserarum. nota ergo genus locutionis.
ita vita est hominis qvasi cvm lvdas tesseris c'était correct s'il avait dit ita uita est hominum quemadmodum tesseris ludere (la vie des hommes est comme jouer aux dés) ou quemadmodum ludus est tesserarum (comme est le jeu de dés). Notez donc ce genre d'expression730.

740
si illud quod maxime opus est iactu non cadit,
si la combinaison dont on a le plus besoin ne tombe pas,

si illvd qvod maxime opvs est iactv utrum opus est iactu an iactu non cadit, incerta distinctio.
si illvd qvod maxime opvs est iactv est-ce opus est iactu (il faut un lancer), ou iactu non cadit (la bonne combinaison ne tombe pas au lancer), la ponctuation est ambiguë.

741
illud quod cecidit forte, id arte ut corrigas.
alors celle qui est tombée par hasard, il faut la corriger avec adresse.

1 illvd qvod cecidit forte id arte vt corrigas ars adhibenda pro fortuna; non enim si male iactus ceciderit, deserendus est ludus. 2 Et nunc forte pro fortuna intellegendum.
1 illvd qvod cecidit forte id arte vt corrigas il faut faire preuve d'adresse à défaut de chance ; car ce n'est pas parce qu'une mauvaise combinaison tombe qu'il faut quitter le jeu. 2 Et ici il faut comprendre forte au sens de fortuna (chance)731.

742
De.-corrector nempe! tua arte uiginti minae
Dé.-Correcteur, ouais ! avec ton adresse, c'est vingt mines

corrector quia dixit arte ut corrigas. sed moris est iratis ab ultimo uerbo contradicentis incipere.
corrector pace que Micion avait dit arte ut corrigas. Mais c'est un trait de caractère des gens en colère de rebondir sur le dernier mot de leur contradicteur.

743
pro psaltria periere; quae quantum potest
qui se sont envolées pour une musicienne ; autant que faire se peut

744
aliquo abicienda est; si non pretio, gratiis.
on va devoir l'éjecter quelque part ; et si ce n'est pas pour de l'argent, ce sera gratis.

745
Mi.-neque est neque illam sane studeo uendere.
Mi.-C'est hors de question et je n'ai nullement l'intention de la vendre.

neqve est neqve illam sane stvdeo vendere in scrupulo uersatur Micio, in quo eligit ineptus uideri potius quam prodat Ctesiphonem patri.
neqve est neqve illam sane stvdeo vendere Micion se trouve dans un dilemme dans lequel il choisit de passer pour inepte plutôt que de dénoncer Ctésiphon à son père732.

746
De.-quid igitur facies? Mi.-domi erit. De.-pro diuum fidem!
Dé.-Que vas-tu donc en faire ? Mi.-Elle habitera à la maison. Dé.-Par tous les dieux !

747
meretrix et mater familias una in domo!
Une courtisane et une mère de famille sous un même toit !

748
Mi.-cur non? De.-sanum te credis esse? Mi.-equidem arbitror.
Mi.-Pourquoi pas ? Dé.-Penses-tu être sain d'esprit ? Mi.-Par ma foi, je le crois.

cvr non posset dicere non est Aeschini amica, sed celanda est culpa Ctesiphonis.
cvr non il aurait pu dire "ce n'est pas la maîtresse d'Eschine", mais il faut dissimuler la faute de Ctésiphon.

749
De.-ita me di ament, ut uideo tuam ego ineptiam,
Dé.-Que les dieux m'assistent, mais quand je vois ta sottise,

1 ita me di ament vt video tvam ego ineptiam ordo est: "ita me di ament, te facturum credo, ut habeas quicum cantites". 2 Ipse se fallit172 non inquirendo interiorem causam retentae in domo meretricis. mire autem cantites quasi turpius sit cantare senem cum psaltria quam coire.
1 ita me di ament vt video tvam ego ineptiam l'ordre des mots est : "ita me di ament, te facturum credo, ut habeas quicum cantites"733. 2 Il se fourvoie lui-même en ne cherchant pas la cause profonde pour laquelle on garde la courtisane à la maison. Et étrangement, il dit cantites, comme si c'était plus honteux pour le vieillard de chanter avec la musicienne que de coucher avec elle734.

750
facturum credo ut habeas quicum cantites.
je crois que tu veux réussir à avoir quelqu'un avec qui pousser la chansonnette.

751
Mi.-cur non? De.-et noua nupta eadem haec discet? Mi.-scilicet.
Mi.-Pourquoi pas ? Dé.-Et la jeune mariée, elle prendra les mêmes cours ? Mi.-Evidemment.

et nova nvpta eadem haec discet alius audiet diceret, sed o magna in uerbis elegantia! uide enim quam uim significet discet et ideo non uxor, sed noua nupta, quam ad omnia docilem esse ipsum indicat nomen.
et nova nvpta eadem haec discet un autre aurait dit audiet (elle écoutera), mais quel talent dans le choix des mots ! Car voyez toute la portée du verbe discet (elle apprendra), et c'est pourquoi il dit non pas uxor (épouse), mais noua nupta, la jeune mariée dont le nom même indique qu'elle est docile en tout.

752
De.-tu inter eas restim ductans saltabis. Mi.-probe.
Dé.-Et toi, entre elles deux, tu danseras en tenant la corde. Mi.-Parfait.

1 tv inter eas restim dvctans saltabis lusus est natus ab eo fune, quo introductus equus durius in Troiam est, cum conexis manibus fune chorum ducunt saltantes. 2 Hoc a quibusdam dicitur, at ego puto manu consertos puerorum choros puellarumque cantantes restem ducere existimari et id maxime conuenire ad exagitandam improbitatem senis ueluti pueros imitantis, simul etiam quia iste conexus manuum lasciuus et petulans adimit discretionem condicionis, dignitatis, aetatis inter meretricem, nouam nuptam et senem. 3 Vide hoc quemadmodum dictum est et quanto stomacho! iam ab Aeschino recessum est, iam transitum ad Micionis luxuriam describendam.
1 tv inter eas restim dvctans saltabis le jeu vient de cette corde grâce à laquelle fut introduit avec beaucoup de difficulté le cheval dans la ville de Troie, lorsqu'en chantant ils mènent un chœur avec une corde à laquelle s'accrochent toutes les mains735. 2 C'est ce que disent certains, mais moi je crois que ce sont des chœurs de garçons et de filles qui se tiennent pas la main et qui, pense-t-on, tirent une corde, et cela convient bien pour mettre en valeur la débauche du vieillard en train d'imiter des enfants, d'autant également que cette chaîne lascive et grivoise de mains jointes abolit les différences de statut, de dignité et d'âge entre la courtisane, la jeune mariée et le vieillard. 3 Voyez comme cela est dit, et avec quelle colère ! Maintenant on a quitté Eschine, maintenant on est passé à la description de la débauche de Micion.

753
De.-probe? Mi.-et tu nobiscum una, si opus sit. De.-ei mihi!
Dé.-Parfait ? Mi.-Et toi aussi, avec nous, si nécessaire. Dé.-Pauvre de moi !

754
non te haec pudent? Mi.-iam uero omitte, Demea,
Ces choses ne te font pas honte ? Mi.-Laisse tomber, Déméa,

iam vero omitte demea mire urbanitatem expressit ultro obiurgantis qui obiurgatus est.
iam vero omitte demea il exprime remarquablement le caractère spirituel de celui qui fait de son propre chef une remontrance après avoir été l'objet de remontrances.

755
tuam istam iracundiam, atque ita955 uti decet
le courroux qui est le tien, et comme il convient

1 tvam istam iracvndiam tuam istam dicendo ridiculam et superuacuam significat. 2 Et bene iracundiam, nam ira de causa est, iracundia de uitio multum irascentis. 3 atqve vti decet hilarem et libentem bene addidit et libentem: multi enim hilares simulantes se non libentes sunt.
1 tvam istam iracvndiam en disant tuam istam, il veut dire "ridicule" et "superflu". 2 Et iracundia est bien choisi, car ira (colère) se dit d'une circonstance, iracundia (caractère coléreux) du défaut de celui qui s'irrite beaucoup736. 3 atqve vti decet hilarem et libentem il fait bien d'ajouter et libentem : car beaucoup de gens font semblant d'être joyeux sans être vraiment de bonne humeur.

756
hilarum956 ac libentem fac te in gnati nuptiis.
montre-toi joyeux et de bonne humeur pour les noces de mon fils.

1 hilarvm uetuste, non hilarem. 2 fac te non dixit esto, sed: "elabora ut esse possis".
1 hilarvm les Anciens disent ainsi, et non pas hilarem737. 2 fac te il ne dit pas esto (sois), mais : "fais un effort pour pouvoir l'être".

757
ego hos conuenio; post huc redeo. De.-o Iuppiter!
Pour ma part, je vais aller les chercher, puis je reviens ici. Dé.-Par Jupiter !

758
hancine uitam! hoscine mores! hanc dementiam!
quel mode de vie ! quelles mœurs ! quelle folie !

hancine vitam hoscine mores hanc dementiam ἐλλειπτικῶς omnia utpote stomachatus secum loquens: deest enim esse aut quid tale.
hancine vitam hoscine mores hanc dementiam tout en ellipse (ἐλλειπτικῶς), comme un homme en colère qui se parle à soi-même : car il manque le verbe être ou quelque chose de ce genre.

759
uxor sine dote ueniet, intus psaltria est,
Une épouse sans dot va venir ici, une musicienne s'y trouve déjà,

760
domus sumptuosa, adulescens luxu perditus,
la maison gaspille, le jeune homme est un débauché accompli,

domvs svmptvosa domus id est homines.
domvs svmptvosa domus c'est-à-dire les habitants.

761
senex delirans: ipsa si cupiat Salus,
le vieux est en plein délire : même si la déesse Salus en personne le souhaitait,

1 ipsa si cvpiat salvs servare prorsvs non potest σωματοποιΐα. Plautus «  libentiorem te faciam quam Libentia est 329 ». etenim ὑπερβολή est ipsa Salus si cupiat, prorsus non potest seruare hanc familiam. 2 Hinc licet aestimare, quantum et coloris et grauitatis apud Terentium sit ad imitationem Caecilii; nam uide quantum creuerit a superioribus, ut sic finiret!
1 ipsa si cvpiat salvs servare prorsvs non potest personnification (σωματοποιΐα). Plaute : « libentiorem te faciam quam Libentia est » (je te ferai plus fervent que Libentia). Et de fait, il y a hyperbole (ὑπερβολή) : ipsa Salus si cupiat, prorsus non potest seruare hanc familiam. 2 On peut juger de là quelle densité de couleur et de sérieux il y a chez Térence dans l'imitation de Cécilius ; car voyez comme il y a une progression par rapport à ce qui précède, pour finir de la sorte !

762
seruare prorsus non potest hanc familiam.
elle ne pourrait pas sauver cette famille.

Actus quintus

scaena prima

Syrus Demea

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763
Sy.-edepol Syrisce, te curasti molliter,
Sy.-Nom d'un chien, mon petit Syrus, tu t'es gentiment traité,

1 edepol syrisce hic exemplum inducitur licentiae seruorum sub miti domino. 2 edepol syrisce te cvrasti molliter quia detegi Ctesiphonem iam oportet, ebrius inducitur Syrus, per cuius fallacias tegitur adhuc. 3 Et Syriscum se dicit, non Syrum, τῷ ὑποκορίσματι. 4 molliter delicate.
1 edepol syrisce on montre dans ce passage un exemple de l'insolence des esclaves qui servent sous un maître indulgent. 2 edepol syrisce te cvrasti molliter comme il faut désormais que Ctésiphon soit découvert, c'est en état d'ébriété qu'arrive Syrus, dont les ruses l'ont jusqu'ici couvert. 3 Et il se désigne du nom de Syriscus, non de Syrus, avec diminutif affectueux (τῷ ὑποκορίσματι). 4 molliter délicatement.

764
lauteque munus administrasti tuum,
et tu as joliment administré ta charge.

1 lavteqve mvnvs administrasti tvvm ut «  quicquid esset bellissimum carperes cyathosque sorbilares 330 ». 2 Aut munus seruile: esse et bibere.
1 lavteqve mvnvs administrasti tvvm au point de prendre tout ce qu'il y avait de plus joli et de déguster des coupes738. 2 Ou alors il s'agit de la tâche de l'esclave (munus) : manger et boire.

765
abi. sed, postquam intus sum omnium rerum satur,
Allez ! Mais maintenant que je suis rentré, gavé de tout,

abi uerbum uel sibi uel alteri cum laudatione blandientis. nam sic dicunt, qui iam compotes sunt uotorum omnium perfectique in rebus uniuersis.
abi c'est un mot d'encouragement avec louange, soit à soi-même soit à un autre. Car c'est ce qu'on dit quand on a réalisé ses souhaits et qu'on a bien fait toutes ses affaires.

766
prodeambulare huc libuit. De.-illud sis uide
j'ai voulu faire un petit tour par ici. Dé.-Viens voir ça, s'il te plaît,

1 prodeambvlare nota duas praepositiones uni dictioni adiunctas, ut «  pede prosubigit terram 331 » et «  ἀμφιπερικρήνην 332 ». 2 Et opportune ad delicias exprimendas hoc uerbum conuenit, nam procedere segnem prodeambulare significat. nam deambulare etiam intus potuit.
1 prodeambvlare notez qu'il y a deux prépositions accolées dans un seul mot739, comme dans : « pede prosubigit terram » (de son pied il ameublit la terre)740 et «  ἀμφιπερικρήνην » (tout autour d'une source)741. 2 Et ce verbe convient de façon opportune pour exprimer des choses agréables, car prodeambulare signifie "marcher sans avoir rien à faire". Car pour ce qui est de déambuler (deambulare), il aurait pu le faire en restant chez lui742.

767
exemplum disciplinae! Sy.-ecce autem hic adest
modèle de discipline ! Sy.-Tiens, voici ici

1 exemplvm disciplinae quia unus ex multis reliquis. 2 An quia senior et nuper etiam paedagogus, ut ipse ait «  quem ego modo puerum tantillum in manibus gestaui meis 333 »?
1 exemplvm disciplinae parce qu'il est l'un parmi beaucoup d'autres. 2 Ou est-ce parce qu'il est âgé et que récemment encore il était esclave pédagogue, comme il le dit lui-même : « quem ego modo puerum tantillum in manibus gestaui meis » ?

768
senex noster. quid fit? quid tu es tristis? De.-oh scelus!
notre vieillard. Comment va ? Pourquoi cette mine sinistre ? Dé.-Oh le scélérat !

qvid fit qvid tv es tristis mire securitatem ebrii expressit: numquid enim pertimescit interuentum senis, ut solebat, Syrus aut quicquam praecauet? subblanditur tantum et ita rerum oblitus est, ut cum eum saeuum sciat, causam tristitiae eius inquirat.
qvid fit qvid tv es tristis remarquable manière d'exprimer l'impunité que ressent celui qui est ivre : car en quoi Syrus craint-il les interventions du vieillard, qu'il craint d'habitude, ou quelles précautions prend-il ? Il se contente de faire de menus cajoleries et a tellement tout oublié que, alors qu'il sait Déméa méchant, il lui demande pourquoi il est sinistre.

769
Sy.-ohe iam, tu uerba fundes957 hic, sapientia!
Sy.-Holà ! te voici prêt à répandre ici des flots de parole, ô sagesse !

1 tv verba fvndes hic sapientia sapientia uerba an tu sapientia, quia dixit supra «  tu quantus quantus es, nihil nisi sapientia es 334 »? 2 fvndes utrum: "sine ulla cessatione proferes", an: "perdes", secundum illud «  nam quid tu agas, ubi si quid bene praecipias, nemo obtemperat 335 »?
1 tv verba fvndes hic sapientia est-ce sapientia uerba (de sages paroles), ou tu sapientia (toi, la sagesse incarnée), vu qu'il a dit ci-dessus :«  tu quantus quantus es, nihil nisi sapientia es »743 ? 2 fvndes est-ce : "tu parleras sans aucune trève", ou : "tu laisseras se perdre", conformément à sa réplique : « nam quid tu agas, ubi si quid bene praecipias, nemo obtemperat » ?

770
De.-tun si meum esses... Sy.-dis quidem esses, Demea,
Dé.-Toi, si tu étais à moi... Sy.-Alors tu serais riche, Déméa,

dis qvidem esses demea ab eo quod est dis ditis dites facit, ab eo quod est diues diuitis diuites.
dis qvidem esses demea de la forme dis on a ditis et dites, de la forme diues on a diuitis et diuites744.

771
ac tuam rem constabilisses. De.-...exempla omnibus
et tu aurais consolidé ton bien. Dé.-...des exemples pour tous,

772
curarem ut essent! Sy.-quamobrem? quid feci? De.-rogas?
je me débrouillerais pour qu'il y en ait ! Sy.-Pourquoi ? Qu'ai-je fait ? Dé.-Cette question !

1 qvamobrem qvid feci nihil nunc in Syro nisi purum et simplex est ob ebrietatem. 2 Et uide quamobrem? quid feci? dicere non esse sobrii Syri.
1 qvamobrem qvid feci il n'y a plus chez Syrus que sincérité et franchise, en raison de son ivresse. 2 Et voyez que dire quamobrem ? quid feci ? n'est pas dans la manière d'un Syrus à jeun745.

773
in ipsa turba atque in peccato maximo,
En pleine tourmente, après une faute gravissime

in ipsa tvrba non minus ridicula importunitas Demeae est quam ebrietas Syri, qui aduersum temulentum tantae grauitatis oratione personat, ut ex dicentis uultu uerbisque et ex audientis habitu et stupore magnam uoluptatem percipiant spectatores. uide enim, quanto pondere uerborum cum ebrio litiget!
in ipsa tvrba le caractère pénible de Déméa n'est pas moins risible que l'ivresse de Syrus ; Déméa, face à l'esclave éméché, fait résonner des propos si sérieux que de la physionomie et des paroles du locuteur comparées à l'attitude et à la stupeur de l'auditeur naît un grand plaisir chez les spectateurs. Voyez en effet quel poids il met dans ses mots pour rivaliser avec l'ivrogne !

774
quod uix sedatum satis est, potastis958, scelus,
qui n'est pas bien réparée encore, vous vous êtes soûlés, scélérat,

potastis scelvs non quia plus uidet quam obicitur oculis, sed oratorie potastis dixit, cum unum ebrium cernat, propter illud quod ait «  exemplum disciplinae 336 », quasi in omnibus sit, quod in uno nunc aspicitur. Vergilius «  et crimine ab u. uno d. disce o. omnis 337 ».
potastis scelvs ce n'est pas que le vieillard voie plus que ce qui s'offre à ses yeux, mais c'est de façon oratoire qu'il utilise le pluriel potastis, bien qu'il ne voie qu'un seul ivrogne, à cause de sa formule « exemplum disciplinae », comme si tous avaient en eux ce qu'on distingue dans un seul exemplaire. Virgile : « et crimine ab uno disce omnis » (et d'un seul crime apprends à connaître tous les Grecs).

775
quasi re bene gesta! Sy.-sane nollem hunc959 exitum.
comme si tout allait bien ! Sy.-J'aurais préféré ne pas faire cette sortie !

sane nollem hvnc exitvm et hoc dictum obliti omnium rerum est nihil Demeae per fallaciam respondisse, sed tantummodo paenitet quod exierit.
sane nollem hvnc exitvm et cette parole de celui qui a tout oublié veut dire qu'il n'a rien répondu à Déméa par ruse mais seulement qu'il regrette d'être sorti.

scaena altera

Syrus Demea Dromo

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776
Dr.-heus, Syre! rogat te Ctesipho ut redeas. Sy.-abi!
Dr.-Hé, Syrus ! Ctésiphon te demande de rentrer. Sy.-Fiche le camp !

1 hevs syre quam clare dicat, ostenditur ex eo, quod heus praemisit, antequam loqueretur. 2 ctesipho mire additum nomen, cum aut sine hoc aut per pronomen possit intellegi Ctesipho. 3 vt redeas redeas dicendo ostendit et illum inter pocula, a quo egressus est ebrius.
1 hevs syre il le dit à haute voix ; cela se remarque au fait qu'il commence par heus avant de parler746. 2 ctesipho il ajoute bizarrement le nom propre, alors qu'on pourrait comprendre sans cette précision ou avec un pronom, qu'il s'agit de Ctésiphon747. 3 vt redeas en disant redeas, il montre que celui de chez qui il est sorti éméché est lui aussi entre deux verres.

777
De.-quid Ctesiphonem hic narrat? Sy.-nihil. De.-eho, carnufex!
Dé.-Qu'est-ce qu'il raconte avec son Ctésiphon ? Sy.-Rien. Dé.-Eh, boucher !

778
est Ctesipho intus? Sy.-non est. De.-cur hic nominat?
Est-ce que Ctésiphon est là ? Sy.-Non. Dé.-Pourquoi dit-il son nom, alors ?

779
Sy.-est alius quidam parasitaster paululus,
Sy.-C'en est un autre, un petit parasitoïde,

1 est alivs qvidam parasitaster pavlvlvs non alius parasitaster sed alius Ctesipho, qui est parasitaster. 2 Et bene non alter sed alius, quasi non duo sed multi sint Ctesiphones. 3 Et hoc sic pronuntiandum est, ut simul et dicat et quaerat.
1 est alivs qvidam parasitaster pavlvlvs non pas "un autre parasitoïde", mais "un autre Ctésiphon, qui est parasitoïde". 2 Et il fait bien de dire non pas alter (le deuxième) mais alius (un autre), comme s'il y avait non pas deux mais plusieurs Ctésiphon. 3 Et il faut prononcer cela à la fois comme une assertion et comme une question.

780
nostin...? De.-iam scibo. Sy.-quid agis? quid960 abis? De.-mitte me.
tu le connais... ? Dé.-J'en aurai le cœur net. Sy.-Que fais-tu ? Où vas-tu ? Dé.-Oublie-moi.

1 nostin quasi sycophanta addidit nostin?, nam ueteratoris est mentientem confidere. 2 qvid agis qvid abis hoc iam ebrio conuenit, non illi quam cognouimus Syro; nam quod retinet senem, confessionis genus est.
1 nostin c'est presque en dénonciateur qu'il ajoute nostin ?, car c'est le propre d'un vieux routier que d'être sûr de soi tout en mentant. 2 qvid agis qvid abis c'est une réplique qui convient à un ivrogne, non au Syrus que nous connaissons ; car sa tentative pour retenir le vieillard est une forme d'aveu.

781
Sy.-noli inquam. De.-non manum abstines, mastigia?
Sy.-N'y va pas, dis-je. Dé.-Tu ne vas pas me lâcher, fouettard ?

non manvm abstines mastigia etiam iniecissse manum, ut teneret Demeam, ex ipsius uerbis cernitur.
non manvm abstines mastigia il a même mis la main sur Déméa pour le retenir, on le voit des mots de Déméa lui-même.

782
an tibi iam mauis cerebrum dispergam hic? Sy.-abiit961.
Ou préfères-tu que je fasse du jus de cervelle ici ? Sy.-Il est parti.

1 an tibi iam mavis cerebrvm dispergam hic ut apparet, baculo minatur. 2 abiit quia prohibere non potuit, demisso et desperanti uultu quid factum sit dicit et abiisse pronuntiat.
1 an tibi iam mavis cerebrvm dispergam hic comme il appert, il le menace de son bâton748. 2 abiit comme il n'a pas réussi à l'empêcher, il dit avec le visage baissé et désespéré ce qui vient de se passer et annonce que le vieux est parti.

783
edepol comessatorem962 haud sane commodum,
Fichtre, le convive vraiment pas commode que voilà,

edepol comessatorem havd sane commodvm facete τῷ χλευασμῷ: tam inopinatus superuenit, ut omnia sic offendat, quemadmodum qui comessatum ingreditur, quia comessatoris est superuenire ad scortum et uociferare aliquid in iocularem strepitum. quare totum salse ad Demeam contulit.
edepol comessatorem havd sane commodvm amusant, avec une raillerie (τῷ χλευασμῷ) : il est arrivé si inopinément, qu'il bouscule tout comme quelqu'un qui vient pour faire la fête, parce que c'est le propre d'un fêtard d'arriver à l'improviste chez une prostituée et de faire quelque tapage en criant des plaisanteries salaces. C'est pourquoi c'est spirituel de rapporter tout cela à Déméa.

784
praesertim Ctesiphoni! quid ego nunc agam,
et surtout pour Ctésiphon ! Et moi, que dois-je faire maintenant,

praesertim ctesiphoni bona exceptio, ut appareat omnibus incommodum et in his Aeschino, sed praecipue Ctesiphoni.
praesertim ctesiphoni bonne mise en vedette, pour qu'on voie bien que s'il est pénible à tous et notamment à Eschine, il l'est principalement à Ctésiphon.

785
nisi, dum hae silescunt turbae, interea in angulum
sinon, en attendant que ce vacarme se calme un peu, trouver quelque recoin

nisi dvm hae silescvnt tvrbae non quae iam sunt, sed quae erunt.
nisi dvm hae silescvnt tvrbae non pas le vacarme actuel, mais le futur.

786
aliquo abeam atque edormiscam hoc uilli? sic agam.
où me retirer et cuver un peu ce petit coup de vin ? C'est ce que je vais faire.

hoc villi ὑποκόρισμα est uini, ut unus ullus, asinus asellus, uannus uallus, suinus suillus.
hoc villi c'est le diminutif (ὑποκόρισμα) de uinum (vin), comme on a unus ullus (un, quelque), asinus asellus (âne, ânon), uannus uallus (panier à vanner, corbeille à vanner), suinus suillus (porcin)749.

scaena tertia

Demea Micio

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787
Mi.-parata a nobis sunt ita ut dixi, Sostrata:
Mi.-Tout est prêt de notre côté, comme j'ai dit, Sostrata :

1 parata a nobis svnt ita vt dixi sostrata in hac scaena collatio est personarum mitis ac saeui parentis. 2 parata a nobis svnt de uerbis abeuntis uult ostendere poeta, quam orationem cum Sostrata habuerit ingressus Micio. 3 Et uide quas ἐλλείψεις interposuerit: primo parata a nobis sunt et non dixit quae, sed ut dixi dicendo, significat dixisse se omnia; deinde «  ubi uis 338 »: fiant nuptiae uel quid tale aut omisit aut dicturus hoc ipsum audit uehementius fores esse pulsatas et quod agebat abiecit.
1 parata a nobis svnt ita vt dixi sostrata dans cette scène, il y a comparaison des personnages de père, l'un doux et l'autre sévère. 2 parata a nobis svnt à propos de la réplique du personnage qui entre en scène750, le poète veut faire comprendre quelle conversation avait Micion avec Sostrata au moment d'arriver. 3 Et voyez quelles ellipses (ἐλλείψεις) il a laissées : d'abord parata a nobis sunt sans dire de quoi il parle, mais en disant ut dixi il marque qu'il a déjà tout dit ; ensuite « ubi uis » : il passe sous silence fiant nuptiae (que le mariage se fasse) ou quelque chose de ce genre, ou alors il s'apprêtait à le dire quand il entend qu'on frappe à grands coups à la porte et abandonne l'énoncé qu'il entreprenait.

788
ubi uis... quisnam a me pepulit tam grauiter fores?
quand tu veux... Mais qui donc a claqué si fort la porte de chez moi ?

1 qvisnam a me pepvlit a me modo id est meas. 2 tam graviter quia irati omnia concite faciunt, cum pulsandae fores essent exituro foras, Demea sic eas pulsauit, ut et his ipsis irasci uideretur.
1 qvisnam a me pepvlit il dit seulement a me, c'est-à-dire meas (ma porte). 2 tam graviter comme les gens en colère font tout de façon impulsive, alors qu'il devait claquer la porte de Micion au moment de sortir de la maison751, Déméa la claque d'une telle façon qu'on a l'impression qu'il est en colère y compris contre la porte.

789
De.-ei mihi, quid faciam? quid agam? quid clamem aut querar?
Dé.-Hélas, pauvre de moi ! Que faire ? Comment agir ? Que crier ? Quelles plaintes exhaler ?

1 ei mihi qvid faciam qvid agam qvid clamem avt qverar o caelvm o terra o maria neptvni multum laborauit Terentius, ut ἀναλογίαν seruaret in dolore Demeae, quod maior debet in Ctesiphone esse reprehensio quam in delictis Aeschini. 2 Et nota, quod ubi non inuenit quid dignum loqueretur, ab interiectione coepit ei mihi. et adhuc cum pro rei magnitudine oratio parua esset, quid faciam? inquit; in alieno indignatus est, in suo quid faciam? ait; in alieno litigauit, hic ait quid agam?; in alieno clamauit et questus est, quid huic in suo relinquitur praeter διαπόρησιν? in Aeschini peccato Micionem accusauit, in Ctesiphonis elementa cum dis omnibus ac toto mundo. 3 Mira αὔξησις, quam imitatus Vergilius in Orpheo post amissam rursus Eurydicen «  quid faceret? 339 », inquit; omnia enim consumpserat primus dolor. «  quo se rapta bis coniuge ferret? 340 » nam quid praeter omnes terras atque inferos loci remanebat, quod non lugeret? «  quo fletu Manes 341 »173 per quem fletum manes, qui omnes primis luctibus impleuerat lacrimis, «  quae numina uoce moueret? 342 », cui nec ira quidem remanserat inexperta. 4 Et uide hic gradus doloris et iracundiae in tantum auctos, ut iam crescere non possint. quippe in initio fabulae tantum tristis est Demea, nam sic audit a Micione «  quid tristis es? 343 » et ipse «  rogas me, ubi nobis Aeschinus siet? quid tristis ego sim? 344 » inde Demea procedit in peius adeo, ut sic incipiat «  disperii! Ctesiphonem audiui filium una fuisse in raptione cum Aeschino 345 », inde postea dicit «  ne ego homo sum infelix 346 », ad postremum ei mihi! quid faciam? quid agam? et naturali quodam modo postquam summus furor ad extrema peruenit, repente senex mutatur et mitis est.
1 ei mihi qvid faciam qvid agam qvid clamem avt qverar o caelvm o terra o maria neptvni Térence a beaucoup œuvré à préserver la proportion (ἀναλογία) dans l'affliction de Déméa, parce que les reproches qu'il fait à Ctésiphon doivent être plus grands qu'à l'égard des fautes d'Eschine. 2 Et notez que, faute de trouver des mots adaptés, il commence par l'interjection ei mihi. Et comme ici encore, étant donné la gravité de la situation, le discours est faible, il dit quid faciam ? ; il a trouvé des mots indignés dans le cas du fils de son frère, dans le cas du sien il dit quid faciam ? ; il a fait un réquisitoire à propos du fils de son frère, ici il dit quid agam ?752 ; dans le cas du fils de son frère, il a hurlé et poussé des plaintes, que lui reste-t-il dans le cas du sien hormis l'embarras (διαπόρησις) ? Pour la faute d'Eschine, il a accusé Micion, pour celle de Ctésiphon, les éléments en même temps que tous les dieux et l'univers entier. 3 Remarquable amplification (αὔξησις), que Virgile a imitée dans le passage d'Orphée, une fois qu'il a perdu Eurydice pour la deuxième fois753 : « quid faceret ? » (que pouvait-il faire ?), dit-il ; de fait, son premier deuil avait déjà tout consumé. « Quo se rapta bis coniuge ferret ? » (où pourrait-il bien porter ses pas, maintenant que son épouse lui était ravie une seconde fois ?) : car quel endroit restait-il, en dehors de la terre entière et des Enfers, pour ne pas s'affliger ? « Quo fletu Manes... » (de quelle déploration les Mânes...), au moyen de quelle déploration pourrait-il ébranler les Mânes, lui qui les avait déjà tous couverts de ses larmes lors du premier deuil ? « quae numina uoce moueret ? » (quels dieux pourrait-il émouvoir de sa voix ?), lui qui n'avait laissé aucune forme de colère sans l'essayer754. 4 Et observez qu'ici755 les degrés de l'affliction et de la colère sont arrivés au point où ils ne peuvent plus grandir756. De fait, au début de la pièce Déméa est seulement morose, car il se fait dire par Micion : « quid tristis es ? », et lui-même dit : « rogas me, ubi nobis Aeschinus siet ? quid tristis ego sim ? » ; puis Déméa aggrave son cas, en commençant ainsi : « disperii ! Ctesiphonem audiui filium una fuisse in raptione cum Aeschino » ; puis plus tard il dit : « ne ego homo sum infelix » ; et pour finir : ei mihi ! quid faciam ? quid agam ? et par une sorte de biais naturel, après que sa fureur extrême est allée à son paroxysme, soudain le vieillard change et devient affable.

790
o caelum, o terra, o maria Neptuni! Mi.-em tibi!
O ciel, ô terre, ô mers de Neptune ! Mi.-A ton tour !

1 o caelvm o terra o maria neptvni quod medius sit Neptunus inter caelum et inferos, dum utriusque regni particeps est, habetur elementorum potior omnium. nam ideo tridentem habet pro numero trium elementorum, et apud Vergilium idcirco dicit «  iam caelum terramque m. meo s. sine n. numine , u. uenti , m. miscere 347 » et apud Homerum sic idem «  γαῖα δ᾽ ἔτι ξυνὴ πάντων καὶ μακρὸς Ὄλυμπος 348 ». 2 Et hoc est, quod ait Horatius in arte poetica «  interdum tamen et uocem comoedia tollit 349 ». 3 In haec enim tria rerum natura diuiditur, ut «  principio maria ac terras c. caelumque p. profundum 350 », et per hoc totum mundum accusauit. 4 o caelvm o terra o maria neptvni utrum de eo elementa inuocat, quia dis quoque irascitur qui in his commorantur, ut dolentes solent, an, quia deos esse non putat, ideo haec omnia Neptuni dicit, quasi dicturus esset Neptuni fiant, nisi intercederet persona Micionis, quem uidens ad aliud conuersus desiit diluuium et interitum rebus optare obiecto fratre, cui maxime irascitur et propter quem detestabatur omnia? tale est apud Vergilium «  omnia uel medium fiat mare 351 ». an omnia accusat, ut indignantes solent? ut «  quem non incusaui amens hominumque deorumque? 352 » et «  atque deos atque a. astra u. uocat c. crudelia m. mater 353 ». 5 em tibi τῷ ἰδιωτισμῷ: nulli enim tibi Micio loquitur.
1 o caelvm o terra o maria neptvni du fait que Neptune est au milieu du ciel et des Enfers, en étant partie prenante des deux royaumes, il est considéré comme le maître de tous les éléments. Et c'est la raison pour laquelle il a un trident, symbolisant les trois éléments, et chez Virgile, il dit pour cette raison : « iam caelum terramque meo sine numine, uenti, miscere » (voilà que le ciel et la terre, sans mon autorisation, vents, vous osez les mélanger ?) et chez Homère, le même Neptune s'exprime ainsi : « γαῖα δ᾽ ἔτι ξυνὴ πάντων καὶ μακρὸς Ὄλυμπος » (la Terre encore, commune à tous, et le grand Olympe). 2 Et c'est ce que dit Horace dans L'Art poétique : « interdum tamen et uocem comoedia tollit » (parfois pourtant, même la comédie pousse sa voix)757. 3 Car c'est en ces trois éléments que la Nature se divise, comme dans : « principio maria ac terras caelumque profundum » (d'abord les mers, les terres et le ciel profond)758, et en disant cela, c'est l'univers entier qu'il accuse. 4 o caelvm o terra o maria neptvni est-il en train d'invoquer les éléments parce qu'il est en colère aussi contre les dieux qui y résident, comme le font souvent ceux qui se plaignent, ou bien parce qu'il ne croit pas à l'existence des dieux et qu'il dit que tout appartient à Neptune comme s'il avait été sur le point de dire Neptuni fiant (mettons ça sur le compte de Neptune)759, si le personnage de Micion ne l'avait interrompu, car en le voyant après s'être tourné dans une autre direction, il cesse de souhaiter le déluge et la fin du monde en face de son frère, contre qui il est le plus en colère et à cause de qui il détestait l'univers ? Chez Virgile on a quelque chose de comparable : « omnia uel medium fiat mare » (que tout soit la haute mer, soit !). Ou bien accuse-t-il l'univers, comme le font d'ordinaire les gens indignés ? Ainsi : « quem non incusaui amens hominumque deorumque ? » (qui dans ma démence n'ai-je pas incriminé des hommes et des dieux ?), et : « atque deos atque astra uocat crudelia mater » (la mère en appelle aux dieux et aux astres cruels). 5 em tibi particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ) : de fait, Micion ne s'adresse à personne en disant tibi.

791
resciuit omnem rem: id nunc clamat. scilicet963,
Il sait toute l'affaire : voilà pourquoi il crie. A l'évidence,

id nvnc clamat id ob id.
id nvnc clamat id pour ob id (à cause de cela).

792
paratae lites: succurrendum est. De.-eccum adest
le procès est ouvert : il faut porter secours. Dé.-Le voici,

1 paratae lites uidetur et ipse pertimuisse dicendo scilicet paratae lites, sed ut rursus confirmet se ipsum, succurrendum est ait. 2 Et svccvrrendvm Ctesiphoni scilicet.
1 paratae lites il semble avoir lui-même de l'appréhension en disant scilicet paratae lites, mais pour se rassurer lui-même, il dit succurrendum est. 2 Et svccvrrendvm à Ctésiphon implicitement.

793
communis corruptela nostrum liberum!
le débaucheur commun de nos enfants !

1 commvnis corrvptela nostrvm libervm qui communiter ambos corruperit. 2 commvnis corrvptela nostrvm libervm maior est accusatio ista quam prior, quippe cum iam modo de ambobus accusetur Micio et non de uno.
1 commvnis corrvptela nostrvm libervm celui qui les a corrompus ensemble tous les deux. 2 commvnis corrvptela nostrvm libervm cette accusation est plus grave que la précédente, dans la mesure où c'est pour les deux ensemble que Micion est accusé, non pour un seul.

794
Mi.-tandem reprime iracundiam atque ad te redi.
Mi.-Réfrène donc ton courroux et reviens à toi.

1 tandem reprime iracvndiam mire, quia reprehendere irascentem non potest, nimietatem reprehendit irati. 2 Et ira de causa est, iracundia de moribus. 3 atqve ad te redi quia ira ab eo quod est ire dicitur, quod a se eat qui irascitur et furit. 4 Et proprie ad te redi, ut Vergilius «  uerum ubi nulla f. fugam r. reperit f. fallacia , u. uictus ad se redit 354 » et Cicero «  redit ad se atque ad mores suos 355 ».
1 tandem reprime iracvndiam de façon remarquable, faute de pouvoir s'en prendre à celui qui est en colère, il s'en prend au degré excessif de sa colère. 2 Et la colère (ira) est un trait de circonstance, l'irascibilité (iracundia) est un trait de caractère760. 3 atqve ad te redi parce que le mot ira (colère) vient du verbe ire (aller), parce que celui qui se met en colère et est fou furieux s'éloigne de lui-même761. 4 Et il dit au sens propre ad te redi, comme Virgile : « uerum ubi nulla fugam reperit fallacia, uictus ad se redit »762 (mais comme aucune ruse n'a trouvé d'échappatoire, vaincu il se rend à soi-même) et Cicéron : « redit ad se atque ad mores suos » (il revient à lui et à son caractère).

795
De.-repressi, redii, mitto maledicta omnia;
Dé.-Je l'ai réfréné, je suis revenu à moi, je laisse tomber toutes les injures ;

repressi redii non quid dicatur, sed quo gestu dicatur specta et uidebis neque repressisse adhuc iracundiam neque ad se rediisse Demeam. sed quam mira perspicuaque moralitas in huiuscemodi rebus apparet!
repressi redii ce n'est pas ce qu'il dit, mais avec quel geste il le dit qu'il faut examiner, et vous verrez que Déméa n'a pas encore réfréné son courroux et qu'il n'est pas revenu à lui. Mais quelle remarquable caractérologie on a ici, et comme elle est bien vue dans une situation de ce genre !

796
rem ipsam putemus. dictum hoc inter nos fuit
pensons à l'affaire elle-même. Il a été décidé entre nous

1 rem ipsam pvtemvs uidetur paulo ocius destomachatus quam res etiam174 incerta poscebat. sed et hoc morale, nam iuste irati omissa saeuitia ad ratiocinationes saepe festinant. et praeterea illud accedit, quod non inuenit iam quod condigne dicat, simul etiam quia increpitus est a fratre, quod apud se ipsum ipse iam non sit per iracundiam uehementem. 2 rem ipsam pvtemvs "tractemus", "purgemus". nam hinc et putamina dicta sunt purgamenta, ut Plautus in Captiuis ait «  nucleum amisi, retinui pignoris putamina 356 ». et Vergilius «  multa putans 357 » dixit. putare est enim falsa et cassa a ueris et utilibus resecare, unde arborum purgatores putatores dicuntur. 3 Et rem causam ipsam ostendit, ut «  mitte ista atque ad rem redi 358 ».
1 rem ipsam pvtemvs il semble avoir décoléré un peu plus vite que la situation, toujours bien indécise, ne l'exigeait. Mais même ce trait est conforme à son caractère, car ceux qui ont un juste motif de colère, mettant de côté leur hargne, tâchent assez vite de se raisonner. Et en outre s'ajoute le fait qu'il ne trouve rien à dire qui soit en rapport avec la situation, et aussi que son frère lui reproche de ne pas être revenu à lui à cause de la violence de sa colère. 2 rem ipsam pvtemvs "traitons-la", "purgeons-la". Car c'est de là que vient aussi le mot putamina (déchets de branchages) pour désigner des immondices (purgamenta), comme dit Plaute dans Les Captifs : « nucleum amisi, retinui pignoris putamina »763 (j'ai perdu l'amande, j'ai gardé les déchets en gage). Et Virgile dit : "multa putans" (absorbé dans ses pensées). Car putare c'est tailler le faux et le vain du vrai et de l'utile, d'où le nom de putatores (élagueurs) qu'on donne aux nettoyeurs (purgatores) d'arbres. 3 Et rem désigne la cause même, comme dans : « mitte ista atque ad rem redi ».

797
(ex te adeo est ortum), ne tu curares meum
(c'est de toi qu'est venue l'idée), que tu ne t'occuperais pas de mon fils,

ne tv cvrares mevm nam175 «  ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti 359 ».
ne tv cvrares mevm car il a dit : « ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti ».

798
neue ego tuum? responde. Mi.-factum est, non nego.
ni moi du tien ? Réponds. Mi.-C'est un fait, je ne le nie pas.

factvm est apparet Micionem minutim quidem fateri, sed facete contemnere obiecta.
factvm est il appert que Micion avoue certes dans le détail, mais qu'avec drôlerie il a du mépris pour ce qu'on lui reproche.

799
De.-cur nunc apud te potat? cur recipis meum?
Dé.-Donc pourquoi est-il en train de se soûler chez toi ? Pourquoi reçois-tu mon fils ?

800
cur emis amicam, Micio? num qui minus
Pourquoi lui paies-tu une maîtresse, Micion ? Pourquoi serait-il moins

1 cvr emis amicam micio inclamatio ista nominis magnam inuidiam significat, ut «  regnumne, Aeschine, hic possides? 360 » et «  pacem te poscimus omnes, Turne 361 ». 2 nvm qvi minvs mihi idem ivs aeqvvm est esse aut num aut qui abundat. et est ordo: "qui minus aequum est esse idem ius mihi". qui ergo quare uel cur significat.
1 cvr emis amicam micio cette apostrophe nominative recèle beaucoup d'agressivité, comme dans : « regnumne, Aeschine, hic possides ? » et : « pacem te poscimus omnes, Turne » (c'est la paix que nous réclamons tous de toi, Turnus). 2 nvm qvi minvs mihi idem ivs aeqvvm est esse soit c'est num soit c'est qui qui est pléonastique. Et l'ordre est : "qui minus aequum est esse idem ius mihi" (comment est-il moins légitime que j'aie le même droit ?). Donc qui signifie quare (pourquoi) ou cur (pourquoi).

801
mihi idem ius aequum est esse quod mecum est tibi?
légitime que j'aie les mêmes droits sur toi que toi sur moi ?

802
quando ego tuum non curo, ne cura meum.
Puisque je ne m'occupe pas du tien, ne t'occupe pas du mien.

803
Mi.-non aequum dicis, non; nam uetus uerbum hoc quidem est,
Mi.-Tu n'as pas raison de dire ça, non ; car il y a un vieux proverbe qui dit

non nam vetvs verbvm hoc qvidem est confidenter non repetiuit non habens rationem quam subiceret, nisi illi prouerbium uenisset in mentem. nam quia se uidet in malam causam incidisse, totum uerniliter et facete agit et subicit aequitatem, ubi iusto se tueri non potest. quod tamen a Demea statim conuincitur dicendo «  nunc demum istaec nata oratio est 362 », ut ostendat illum perturbatum contraria protulisse dictis suis superioribus.
non nam vetvs verbvm hoc qvidem est il répète non avec confiance, sans avoir de raison à soumettre en dehors de ce proverbe qui lui vient à l'esprit. Car comme il se voit tombé dans un mauvais cas, il dit l'ensemble d'une manière bouffonne et facétieuse, et il soumet la question de l'égalité, où il ne peut pas se retrancher derrière la justice. Néanmoins, il se fait tout de suite contrer par Déméa qui lui dit « nunc demum istaec nata oratio est », pour montrer que c'est parce qu'il est troublé qu'il profère le contraire de ce qu'il venait de dire.

804
communia esse amicorum inter se omnia.
que tout est commun entre amis.

commvnia esse amicorvm inter se omnia inter Pythagoreos ortum dicitur.
commvnia esse amicorvm inter se omnia on dit que c'est un dicton dont l'origine est pythagoricienne.

805
De.-facete: nunc demum istaec oratio nata est964?
Dé.-Amusant : elle vient de sortir, cette maxime ?

facete nvnc demvm istaec oratio nata est alii totum iniungunt, alii separant facete.
facete nvnc demvm istaec oratio nata est certains lient l'ensemble, d'autres séparent facete764.

806
Mi.-ausculta paucis, nisi molestum est, Demea.
Mi.-Ecoute un peu, si ça n'est pas trop pénible, Déméa.

avscvlta pavcis nisi molestvm est demea in duas partes diuiditur tota persuasio: nihil passurum Demeam damni, nihil corruptelae176.
avscvlta pavcis nisi molestvm est demea l'argument persuasif est divisé en deux parties : que Déméa n'aura aucun dommage à supporter, et qu'il n'y aura pas dépravation.

807
principio, si id te mordet, sumptus filii
D'abord, si ça te ronge, les dépenses que tes fils

principio si id te mordet svmptvs filii qvem facivnt figurata locutio est, ut «  eunuchum quem dedisti quas turbas dedit! 363 ».
principio si id te mordet svmptvs filii qvem facivnt expression figurée, comme dans : « eunuchum quem dedisti quas turbas dedit ! »765.

808
quem faciunt, quaeso hoc facito tecum cogites:
font, je te prie de faire effort pour réfléchir à ceci :

qvaeso quaeso modo obiurgatorium est.
qvaeso quaeso est parfois orienté vers la remontrance.

809
tu illos duo olim pro re tollebas tua965
naguère tu les élevais tous les deux selon tes moyens

pro re tva "pro patrimonii tui qualitate".
pro re tva "selon la valeur de ton patrimoine".

810
quod satis putabas tua bona ambobus fore,
parce que tu pensais que tes biens étaient suffisants pour deux,

811
et me tum uxorem credidisti scilicet
et tu as cru à l'époque que sûrement je prendrais

et me tvm vxorem credidisti scilicet dvctvrvm ἐπαγωγή.
et me tvm vxorem credidisti scilicet dvctvrvm induction (ἐπαγωγή)766.

812
ducturum: eandem illam rationem antiquam obtine:
femme ; garde ce même calcul d'autrefois :

813
conserua, quaere, parce, fac quam plurimum
mets de côté, gagne, épargne, fais en sorte

1 conserva parce qvaere fac qvam plvrimvm illis relinqvas hoc sic pronuntiandum est, ut appareat hanc ipsam uoluntatem displicere Micioni. 2 conserva "parta", qvaere "noua", parce "omnibus".
1 conserva parce qvaere fac qvam plvrimvm illis relinqvas il faut prononcer cette réplique de manière à faire comprendre que cette opinion déplaît à Micion. 2 conserva "ce que tu as acquis", qvaere "de nouveaux biens", parce "toutes les sortes de biens".

814
illis relinquas; gloriam tu istam obtine;
de leur laisser le plus possible ; fais t'en une gloire ;

815
mea, quae praeter spem euenere, utantur sine.
mais mes biens, qui leur sont échus contre ton attente, laisse-les en user à leur guise.

vtantvr sine aut deest his, ut sit: his utantur, aut mea utantur antique locutus est.
vtantvr sine soit il manque his, pour faire : his utantur (laisse-les les utiliser), soit il construit à l'ancienne mea utantur (qu'ils utilisent mes biens)767.

816
de summa nihil decedet: quod hinc accesserit,
Rien ne partira de ton capital : ce qui partira d'ici,

de svmma nihil decedet "rei tuae" scilicet.
de svmma nihil decedet "de ton patrimoine", implicitement.

817
id de lucro putato esse omne. haec si uoles
considère que c'est tout bénéfice pour toi. Si tu veux bien

818
in animo uere cogitare, Demea,
y penser vraiment, Déméa,

819
et mihi et tibi et illis dempseris molestiam.
tu éviteras des ennuis à moi, à toi et à eux.

dempseris pro demes.
dempseris pour le futur demes.

820
De.-mitto rem: consuetudinem ipsorum... Mi.-mane;
Dé.-Je laisse tomber : mais leur liaison... Mi.-Attends.

1 mitto rem rem pecuniam. et haec exclamatio est moralis nimis aduersum tardos ac non intellegentes homines. 2 consvetvdinem ipsorvm loquor aut quid tale subaudiendum. 3 mitto rem consvetvdinem ipsorvm uel ab utilitate ad honestatem transit uel a rebus ad illos ipsos, de quibus agitur. cauet enim, ne aut rem perdant aut ipsi pereant. 4 mane scio istvc ibam moralis et faceta correptio est continens in se latenter blandimentum, quo deleniatur auditor.
1 mitto rem rem pour pecuniam (argent). Et c'est une exclamation vraiment caractéristique contre ceux qui sont trop lents et peu intelligents. 2 consvetvdinem ipsorvm il faut sous-entendre loquor ou quelque équivalent. 3 mitto rem consvetvdinem ipsorvm il transfère l'argumentaire ou bien de l'utile à l'honnête, ou bien des faits aux personnes mêmes dont il s'agit. Car il veille à ce qu'ils ne gaspillent pas le bien ni ne se perdent eux-mêmes. 4 mane scio istvc ibam façon de blâmer caractéristique et amusante, qui contient en elle-même de façon sous-jacente des mots gentils pour amadouer l'auditeur.

821
scio : istuc ibam. multa in homine, Demea,
Je sais. J'y venais. Il y a chez l'homme, Déméa, beaucoup

mvlta in homine demea signa insvnt obscurissimus sensus et re et uerbis.
mvlta in homine demea signa insvnt sens très obscur et dans la situation et dans les termes.

822
signa insunt, ex quibus coniectura facile fit,
d'indices desquels on peut facilement tirer des conjectures,

823
duo cum idem faciunt, saepe ut possis dicere:
en sorte que, quand deux individus font la même chose, on peut souvent dire :

1 dvo cvm idem facivnt obscure locutus est, cum hic sit sensus: "duo idem faciunt; quod uni licet facere, alteri non licet". 2 saepe vt possis dicere melius est saepe ad superiora coniungere, nam possunt duo idem facere et casu, non ut simili studio idem facere uideantur; tunc ergo erit signum saepe idem faciunt. dicere autem ponit pro intellegere et scire, ab eo quod praecedit id quod sequitur, ut «  faeneratum istuc beneficium pulchre tibi dices 364 » et «  memorem me dices esse et gratum 365 ». 3 dvo cvm idem facivnt nam ambo et sapiunt et intellegunt et in loco uerentur: non ingenii uitium est, sed aetatis quo «  dissimilis res sit 366 ». an quia huic licet?177.
1 dvo cvm idem facivnt il parle de façon obscure, alors que le sens est : "deux personnes font la même chose ; ce qui est permis à l'un n'est pas permis à l'autre". 2 saepe vt possis dicere mieux vaut rattacher saepe à ce qui précède, car deux personnes peuvent faire la même chose y compris par accident, sans paraître faire la même chose dans une intention semblable ; donc alors le signe sera saepe idem faciunt768. Quant à dicere, il le met pour intellegere (comprendre) et scire (savoir), en vertu d'une inversion des faits769, comme dans : « ut faeneratum istuc beneficium puchre tibi dices » et : « memorem me dices esse et gratum ». 3 dvo cvm idem facivnt car tous deux ont de la sagesse, de l'intelligence et à l'occasion du respect : ce n'est pas dans leur caractère mais dans leur âge que réside le défaut qui rend « la chose dissemblable ». A moins que ce ne soit parce que c'est permis à l'un ?770.

824
« hoc licet inpune facere huic, illi non licet »,
« cela, lui peut le faire impunément, lui ne le peut pas »,

825
non quod966 dissimilis res sit, sed quod is qui facit.
et ce n'est pas parce que la situation est différente, mais c'est celui qui agit qui l'est.

826
quae ego illis inesse967 uideo, ut confidam fore
C'est ce que je vois en eux, en sorte que j'ai confiance qu'il en ira

qvae ego illis inesse video ordo et sensus hic est: "multa in homine, Demea, signa insunt, ex quibus coniectura facile fit; quae ego illis inesse uideo, ut confidam fore ita ut uolumus".
qvae ego illis inesse video l'ordre des mots et le sens sont les suivants : "multa in homine, Demea, signa insunt, ex quibus coniectura facile fit ; quae ego illis inesse uideo, ut confidam fore ita ut uolumus" (il y a dans l'homme, Déméa, de nombreux signes qui facilitent les suppositions ; ces signes, je vois moi qu'ils sont en eux, en sorte que j'ai confance qu'il en ira comme nous le souhaitons).

827
ita ut uolumus: uideo sapere, intellegere, in loco
comme nous le souhaitons : je vois qu'ils sont sages, intelligents, à l'occasion

intellegere in loco vereri non in loco intellegere sed in loco uereri.
intellegere in loco vereri non pas in loco intellegere (ils sont intelligents à l'occasion), mais in loco uereri (ils sont respectueux à l'occasion).

828
uereri, inter se amare; scire est liberum
respectueux, attachés l'un à l'autre ; il faut reconnaître qu'ils ont de la générosité

inter se amare cito dixit inter se, quod est: cum alter alterum inuicem amat.
inter se amare il fait un raccourci en disant inter se, qui revient à dire : "quand ils s'aiment l'un l'autre réciproquement".

829
ingenium atque animum; quo uis illos tu die
dans le caractère et dans le cœur ; le jour où tu le veux, eux,

830
redducas. at enim metuas, ne ab re sint tamen
tu peux les ramener dans le droit chemin. Mais sans doute as-tu peur que pour l'argent tout de même,

1 at enim metvas ne ab re sint tamen omissiores pavlo oratorie, nam non paulo omissiores fore Demea, sed plurimum fore credit et metuit. 2 Et ab re id est" a patrimonio". 3 at enim metvas ἀντίθεσις ad priorem tractatum pertinens, qui est habitus de consumptione rei familiaris. 4 ne ab re sint tamen omissiores pavlo quia amant, potant, olent unguenta.
1 at enim metvas ne ab re sint tamen omissiores pavlo manière oratoire, car Déméa n'a pas peur que les jeunes gens soient un peu trop négligents, mais son opinion et ses craintes sont qu'il le soient extrêmement. 2 Et ab re c'est-à-dire "pour l'argent". 3 at enim metvas antithèse (ἀντίθεσις) du premier développement qui a été fait à propos du gaspillage du patrimoine familial. 4 ne ab re sint tamen omissiores pavlo parce qu'ils aiment, boivent, sentent le parfum771.

831
omissiores paulo. o noster Demea!
ils soient un peu négligents. O notre Déméa !

1 omissiores ἀνιέμενοι, ἀνετώτεροι, neglegentiores. sic in Heautontimorumeno «  ubi te uidi animo esse omisso 367 ». 2 o noster demea blanda et cum quodam complexu eius qui reprehenditur incusatio et de more sublata. 3 Et sic hoc dixit, tamquam dicturus esset: "multa te latent, simplex homo es". nam huiusmodi sententia latenter quandam dicentis auctoritatem fiduciamque designat.
1 omissiores relâchés (ἀνιέμενοι), pleins de laisser-aller (ἀνετώτεροι), trop négligents. Ainsi dans L'Héautontimorouménos : « ubi te uidi animo esse omisso » (quand je t'ai vu perdre l'esprit). 2 o noster demea gentil reproche, avec une sorte d'étreinte de celui qu'on réprimande et qui se hausse au-dessus de son caractère. 3 Et il dit cela comme s'il s'apprêtait à dire : "beaucoup de choses t'échappent, tu es un être naïf". Car un énoncé de ce type signale entre les lignes une certaine autorité et confiance en soi du locuteur.

832
ad alia omnia968 aetate sapimus rectius;
Pour tout le reste, nous sommes plus sages avec l'âge ;

ad alia omnia aetate sapimvs rectivs praeterquam ad auaritiam, ac per hoc quod optas liberis, uitium senectutis est.
ad alia omnia aetate sapimvs rectivs hormis pour ce qui est de la cupidité et par le biais de tout ce que tu souhaites pour nos enfants, c'est un défaut de la vieillesse.

833
solum unum hoc uitium adfert senectus hominibus:
il n'y a que ce défaut qu'apporte la vieillesse aux hommes :

834
attentiores sumus ad rem omnes, quam sat est:
nous sommes tous plus attentifs que nécessaire aux questions d'argent :

1 attentiores svmvs ad rem omnes proprie attentiores reddit omissioribus; supra enim dixerat «  ne ab re sint tamen omissiores paulo 368 ». 2 qvam sat est quoniam attentos esse non statim crimen est.
1 attentiores svmvs ad rem omnes au sens propre, il renvoie attentiores à omissiores ; car il disait ci-dessus : « ne ab re sint tamen omissiores paulo ». 2 qvam sat est puisque être attentif n'est pas en première instance un crime.

835
quod illos sat aetas acuet. De.-ne nimium modo969
cela, chez eux aussi, l'âge va le développer. Dé.-Il ne faudrait tout de même pas trop

1 qvod illos sat aetas acvet μεταφορικῶς acuet. 2 ne nimivm bonae tvae istae nos rationes micio et tvvs iste animvs aeqvvs svbvertit si178 ne ualde, subuertit infra legendum est, si ne pro coniunctione est, subuertat legendum est, ita ut subaudiamus timeo uel aliquid tale. 3 Et tuae istae quod ait, significationem habet nullius modi rationes et ineptae; nam apparet non eas probari ab eo qui sic loquitur, ut supra «  iam uero omitte, Demea, tuam istam iracundiam 369 ».
1 qvod illos sat aetas acvet acuet au sens métaporique (μεταφορικῶς). 2 ne nimivm bonae tvae istae nos rationes micio et tvvs iste animvs aeqvvs svbvertit si ne signifie ualde (beaucoup), c'est subuertit qu'il faut lire ci-dessous, si ne fonctionne comme une conjonction, c'est subuertat qu'il faut lire, en sous-entendant timeo (j'ai peur) ou quelque chose de ce genre772. 3 Et son tuae istae oriente vers le sens de "raisons sans fondement et ineptes" ; car il est clair que ses raisons ne sont pas approuvées par celui qui s'exprime ainsi, comme ci-dessus :«  iam uero omitte, Demea, tuam istam iracundiam ».

836
bonae tuae istae nos rationes, Micio,
que toutes tes bonnes raisons, Micion,

837
et tuus iste animus aequus subuertat970! Mi.-tace:
et ton état d'esprit équitable nous mettent tout par terre ! Mi.-Tais-toi :

tace non fiet nunc τῷ εὐφημισμῷ positum est, quasi diceret: "non subuertet, ne dixeris quod mali ominis est uerbum".
tace non fiet il dit cela par euphémisme (τῷ εὐφημισμῷ), comme s'il disait : "il ne mettra pas tout par terre, ne dis pas un mot de mauvais augure".

838
non fiet. mitte iam istaec: da te hodie mihi:
ça n'arrivera pas. Laisse tomber ça : aujourd'hui laisse-toi faire à mon idée :

1 da te hodie mihi "accommoda te ipsum uoluntati meae". nam in animum transtulit, quod est corporis, ut in Eunucho «  mihi sese dare, sermonem quaerere 370 ». Cicero «  ceruiculam iactaturum et populo se ac coronae daturum 371 ». 2 da te hodie mihi "si non uis, inquit, propter te, uel propter me mitis esto".
1 da te hodie mihi "adapte-toi à ma volonté". Car il transfère à l'esprit ce qui relève du corps, comme dans L'Eunuque : « mihi sese dare, sermonem quaerere ». Cicéron : « ceruiculam iactaturum et populo se ac coronae daturum » (il hochera la tête et se donnera au public et aux spectateurs). 2 da te hodie mihi "si, dit-il, tu ne le veux pas pour toi, adoucis-toi pour moi".

839
exporge frontem. De.-scilicet ita fert tempus971,
déride ton front. Dé.-Evidemment, les circonstances l'impliquent,

1 exporge frontem quia contrahi inuerso179 dicitur. et uerbo ipso ostenditur, quanto conatu opus sit ad explicandam tantam contractionem et senectutis et seueritatis. 2 scilicet ita fert tempvs faciendvm est uide si non hoc sit, quod Graeci μισοκαλήμερον dicunt; nam scilicet et ita fert tempus et faciendum est dicendo ostendit se magis cogi necessitatibus, ut paulum sit tranquillior. 3 Et cum tanta difficultate promittit, tamquam mala subiturus sit, atque adeo maiorem partem secum disputat necessario hoc uelit nolit faciendum, ut sit laetior, et hoc quia tempus fert.
1 exporge frontem parce que le contraire est contrahi (se contracter)773. Et le verbe même montre l'effort qu'il faut pour expliquer une si grande contraction due à la vieillesse et à la sévérité. 2 scilicet ita fert tempvs faciendvm est voyez s'il ne s'agit pas de ce que les Grecs appellent μισοκαλήμερος (hostile aux jours heureux)774 ; car évidemment, en disant ita fert tempus et faciendum est, il montre qu'il se laisse contraindre par la nécessité pour être un peu plus tranquille. 3 Et il a une très grande difficulté à promettre, comme s'il s'apprêtait à subir des malheurs, et se parle trop souvent à lui-même en se persuadant que bon gré mal gré il faut que la chose se fasse de toute nécessité pour être vraiment plus heureux, et cela parce que tempus fert.

840
faciendum est. ceterum ego972 rus cras cum filio
il le faut bien. Mais par ailleurs, dès demain, moi je file à la campagne avec mon fils,

1 cetervm rvs cras cvm filio cvm primo lvci ibo hinc hoc facit, quasi gaudere interim non possit, nisi uicinae saeuitiae proximitate solaretur. 2 faciendvm est satis mire tamquam necessitate cogitur ad gaudendum agrestis senex et μισοκαλήμερος.
1 cetervm rvs cras cvm filio cvm primo lvci ibo hinc il fait cela, comme s'il lui était impossible d'être content de temps en temps sauf à trouver de la consolation dans sa prochaine méchanceté. 2 faciendvm est de façon vraiment remarquable, c'est comme contraint par la nécessité à être content qu'est ce vieillard paysan et hostile aux jours heureux (μισοκαλήμερος).

841
cum primo luci ibo hinc... Mi.-de nocte, censeo:
je pars d'ici dès l'aube blémissante... Mi.-De nuit même, à mon avis :

1 ibo hinc tamquam de malo loco. 2 de nocte abundat de. 3 cvm primo lvci ἀρχαϊσμός, nam cum primo luci ueteres dicebant, lucum pro sole ponentes. ergo cum primo luci "cum primum coeperit illucescere". 4 cvm primo lvci ueteres masculino genere dicebant lucem.
1 ibo hinc comme d'un mauvais lieu. 2 de nocte de est superflu775. 3 cvm primo lvci archaïsme (ἀρχαϊσμός), car les Anciens disaient cum primo luci, en mettant lucus pour sol (soleil). Donc cum primo luci signifie "dès qu'il commence à faire jour". 4 cvm primo lvci les Anciens utilisaient le mot lux (lumière) au masculin776.

842
hodie modo hilarum973 face974 te. De.-...et istam psaltriam
mais pour l'heure, mets-toi de bonne humeur. Dé.-...et cette musicienne,

1 face te eodem uerbo utitur quo iamdudum ut laborem ad laetitiam se conuertentis ostendat. 2 Id est: "elabora, ut sis hilaris". 3 et istam psaltriam vna illvc mecvm abstraham uide singulas syllabas imbutas amaritudine rustica atque agresti! nam istam odium significat, psaltriam saeuitiam in nomen eius quam deliciosam esse oportet, et una mecum, quam cum adulescentibus esse conuenerat, et illuc, ad quem locum psaltriam secum180 ire compellit. deinde ne uel in itinere poena cesset, «  cum filio ibo hinc 372 » inquit, «  illam uero abstraham 373 ». nam illuc eo animo dixit, quo supra «  ibo hinc 374 ». et apparet illum quasi mancipium ducturum puellam, non ut fidicinam.
1 face te il utilise le même verbe que tout à l'heure, pour montrer l'effort de celui qui se convertit à la gaieté. 2 C'est-à-dire : "efforce-toi d'être de bonne humeur"777. 3 et istam psaltriam vna illvc mecvm abstraham voyez comme chaque syllabe est empreinte de cette aigreur de paysan et de sauvage ! Car istam est péjoratif, psaltriam contient de l'agressivité à l'égard du nom de celle qui doit être délicieuse, ainsi que una mecum, alors qu'il conviendrait qu'elle soit avec des jeunes gens, et illuc, lieu vers lequel il oblige la musicienne à aller avec lui. Ensuite, pour que même dans le trajet le châtiment ne cesse pas, il dit : « cum filio ibo hinc », et : « illam uero abstraham ». Car il dit illuc avec le même état d'esprit que ci-dessus « ibo hinc ». Et on voit bien qu'il a l'intention d'emmener la fille en qualité d'esclave, non de joueuse de lyre.

843
una illuc mecum hinc abstraham. Mi.-pugnaueris;
je m'en vais l'emmener là-bas avec moi. Mi.-Joli combat en perspective !

1 mecvm hinc abstraham non abducam, sed quod est saeuientis abstraham. 2 pvgnaveris "magnam rem feceris". sic Lucilius «  uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam 375 ».
1 mecvm hinc abstraham il ne dit pas abducam (j'emmènerai), mais, ce qui est agressif, abstraham778. 2 pvgnaveris "tu auras fait une grande chose". Ainsi Lucilius : « uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam » (nous avons vaincu, alliés, et nous avons combattu un grand combat).

844
eo pacto prorsus illic alligabis975 filium.
C'est comme ça que tu fixeras ton fils là-bas.

1 eo pacto prorsvs illic alligabis filivm haec cum risu dicit Micio. 2 Et ligare est inicere alicui uincula, contra alligare181 ad aliquid, sine quo esse non possit. ergo proprie ad amicam alligari adulescentem dixit amatorem. prorsus autem recte, certe ac uere significat.
1 eo pacto prorsvs illic alligabis filivm Micion dit cela en riant. 2 Et ligare c'est mettre des chaînes à quelqu'un, alors que alligare c'est attacher quelqu'un à quelque chose sans quoi le verbe ne peut s'employer779. Donc il utilise l'expression propre en disant que le jeune homme amoureux est attaché (alligari) à sa maîtresse. Quant à prorsus, il signifie recte (droitement), certe (assurément) et uere (vraiment).

845
modo facito ut illam serues. De.-ego istuc uidero,
Fais seulement en sorte de la garder elle. Dé.-J'y veillerai personnellement,

1 vt illam serves acuendum illam, hoc est: "non iam filium, sed illam serua", in qua utrumque retinueris. 2 ego istvc videro hoc est: "ut illam seruem".
1 vt illam serves il faut accentuer illam, c'est-à-dire : "garde non plus ton fils, mais elle", pour retenir les deux. 2 ego istvc videro c'est-à-dire : "je veillerai à la surveiller".

846
atque976 ibi fauillae plena, fumi ac pollinis
et c'est couverte de cendre, de fumier et de farine

atqve ibi favillae plena fvmi ac pollinis ne ametur scilicet.
atqve ibi favillae plena fvmi ac pollinis pour qu'elle cesse d'être aimée, implicitement.

847
coquendo sit faxo et molendo; praeter haec
que, à force de cuisiner et de moudre, elle sera, grâce à moi ; en plus de cela,

1 coqvendo sit faxo et molendo atqui est prius molere quam coquere. sed illud prius posuit, quo pulchritudo magis foedatur. 2 An quia prius torreatur triticum, ut tundi possit? ut Vergilius «  et torrere parant f. flammis e. et f. frangere s. saxo 376 ». 3 coqvendo sit faxo et molendo praeter haec ἀπόδοσις octaua.
1 coqvendo sit faxo et molendo or l'action de moudre est antérieure à celle de cuisiner. Mais il a mis en premier l'action qui gâte davantage sa beauté780. 2 Ou bien est-ce parce que le blé dur doit d'abord être grillé avant de pouvoir être écrasé ? Ainsi chez Virgile : « et torrere parant flammis et frangere saxo » (ils s'apprêtent à le griller au feu et à l'écraser sous la pierre). 3 coqvendo sit faxo et molendo praeter haec apodose (ἀπόδοσις) de la huitième espèce.

848
meridie ipso faciam ut stipulam colligat;
en plein midi, je lui ferai ramasser la paille ;

1 meridie ipso cum sol uehementior est. et nomen fecit de aduerbio. 2 Et meridiem ueteres dixerunt quasi medidiem, R pro D posita propter cognationem inter se harum litterarum. 3 vt stipvlam colligat quod sub sole fieri necesse est.
1 meridie ipso au moment où le soleil est le plus fort. Et il a fait un nom d'un adverbe781. 2 Et les Anciens disaient meridiem comme pour medidiem, après avoir remplacé D par R à cause des affinités qui existent entre ces deux lettres782. 3 vt stipvlam colligat parce qu'il faut que ça se fasse sous le soleil.

849
tam excoctam reddam atque atram quam carbo est. Mi.-placet:
je la rendrai aussi recuite et sombre que du charbon. Mi.-A la bonne heure :

1 tam excoctam reddam atqve atram ἰδιωτικῶς dixit reddam pro faciam. et excoctam ad tenuitatem siccati corporis, atram ad colorem rettulit. 2 Et uide quam aspera clausula quamque ingrata sit, qua saeuidici senis finitur oratio. 3 placet nvnc mihi videre sapere non contradicit, ne rursus prouocet; timet enim suasor, ne laetitia prouocet ad iurgium.
1 tam excoctam reddam atqve atram par particularisme (ἰδιωτικῶς), il dit reddam pour faciam (je la ferai). Et excoctam renvoie à la maigreur du corps desséché783, atram à sa couleur. 2 Et voyez avec quelle fin âpre et désagréable se termine la réplique du méchant vieillard. 3 placet nvnc mihi videre sapere il ne le contredit pas, pour ne pas le relancer ; en effet, dans son désir de le convaincre, il craint que la gaieté ne le relance dans une dispute.

850
nunc mihi uidere sapere. atque equidem filium
j'ai l'impression que désormais tu deviens sage. « Et moi, ce fils,

atqve eqvidem filivm tvm etiam si nolit non solum suadet laetitiam, sed etiam ridere cogit inuitum.
atqve eqvidem filivm tvm etiam si nolit non seulement il l'invite à la gaieté, mais il le force même à rire malgré lui.

851
tum etiam si nolit cogam ut cum illa una cubet.
même s'il n'est pas d'accord, je l'obligerai à coucher avec elle ! ».

852
De.-derides? fortunatus, qui isto animo sies!
Dé.-Tu te moques de moi ? Heureux homme, qui as un tel caractère !

1 derides fortvnatvs qvi isto animo sies hoc uerbum uultu Demeae sic profertur, ut subrisisse uideatur inuitus. sed rursus ego sentio amare seuereque dixit. 2 Et ridet qui simpliciter ridet, deridet qui cum alterius irrisione et contemptu ridet. 3 fortvnatvs qvi isto animo sies non laudantis est quod ait fortunatus, sed moraliter reprehendentis, ut si dicas, cum te aliquid cura offenderit, fortunatos stultos qui nihil sentiant. hoc quoque dixit in Eunucho «  at ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum 377 ».
1 derides fortvnatvs qvi isto animo sies ce mot de Déméa est dit avec une mimique qui donne l'impression qu'il sourit malgré lui. Mais il dit ego sentio avec un regain d'amertume et de sévérité. 2 Et on dit ridere pour quelqu'un qui rit simplement, deridere pour quelqu'un qui rit en raillant quelqu'un de façon méprisante. 3 fortvnatvs qvi isto animo sies ce n'est pas en manière d'éloge qu'il dit fortunatus, mais en manière de reproche conforme à son caractère, comme quand on dit, lorsqu'on a un souci particulier, "heureux les imbéciles qui ne ressentent rien". Il le dit aussi dans L'Eunuque : « at ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum ».

853
ego sentio... Mi.-ah, pergisne? De.-iam iam desino.
Moi, ce que je crois... Mi.-Ah non, tu continues ? Dé.-D'accord, d'accord, j'arrête.

iam iam desino et hic uelut necessitatem queritur imponi sibi.
iam iam desino et il se plaint ici en quelque sorte que la nécessité s'impose à lui.

854
Mi.-i ergo intro, et cui rei est, ei rei hunc sumamus diem.
Mi.-Entre donc, et employons ce jour à ce pour quoi il est fait.

1 et cvi rei est cui rei credas, nisi ineptiis182, hoc est ludo, laetitiae, uoto et gaudio nuptiali183. 2 hvnc svmamvs diem non accipiamus, sed impendamus et consumamus. unde et sumptum dicimus pecuniam, quae insumenda est.
1 et cvi rei est à quelle chose, selon vous, sinon à des babioles, à savoir au jeu, à la gaieté, aux souhaits et à la joie nuptiale. 2 hvnc svmamvs diem non pas au sens d'accipiamus (recevons-le), mais de impendamus (dépensons-le) et consumamus (consommons-le). De là vient que nous parlons de sumptus (dépense) aussi pour l'argent, qui doit être dépensé.

scaena quarta

Demea

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855
De.-numquam ita quisquam bene subducta ratione ad uitam fuit
Dé.-Jamais personne ne s'est tracé si bien un plan de vie

1 nvmqvam ita qvisqvam bene svbdvcta ratione in hac scaena exemplum inducitur hominum, qui uirtutem taedio deserunt ob contemptum eius apud omnes saeculumque uitiosius. et adeo fauet Terentius clementioribus atque mitissimis patribus, ut hunc quoque ducat ad sententiam Micionis, non tamen hoc sentientem quod ita fieri oporteat, sed quod ita res cogat. uult enim naturalem inesse ueris patribus acrimoniam, sed eam semper inuidiose adulescentibus. 2 bene svbdvcta ratione bene disposita, bene computata; ducere enim est digitis computare. 3 Sed ducere apud alium quem et palam, subducere apud se ipsum atque secreto. quo magis in hoc uerbo maioris attentionis et diligentiae signum est.
1 nvmqvam ita qvisqvam bene svbdvcta ratione dans cette scène, on voit l'exemple d'hommes qui abandonnent la vertu par dégoût, à cause du mépris dans lequel la tiennent tous les hommes et un siècle particulièrement mauvais. Et la faveur de Térence est telle pour les pères plus cléments et très indulgents, que celui-ci aussi il le range à l'avis de Micion, même s'il a ces sentiments non parce qu'il faut qu'il en soit ainsi, mais parce que la nécessité l'y force. Il veut en effet que les vrais pères aient intrinsèquement une aigreur naturelle, mais toujours dirigée contre les jeunes gens. 2 bene svbdvcta ratione bien disposée, bien comptée ; de fait, ducere c'est compter sur ses doigts. 3 Mais ducere c'est devant quelqu'un et ouvertement, subducere c'est pour soi-même et secrètement. Il y a d'autant plus dans ce verbe l'indice d'une attention et d'un zèle plus grands.

856
quin res, aetas, usus semper aliquid adportet noui,
sans que la situation, l'âge, l'expérience lui apportent toujours quelque chose d'imprévu,

1 qvin res quin modo cui non significat. 2 qvin res aetas vsvs tria posuit, ex quibus res pro experientia ponitur, et hac se dicit esse mutatum. nam mox dicet «  re ipsa repperi facilitate nihil esse homini melius neque clementia 378 ».
1 qvin res quin signifie parfois cui non au datif784. 2 qvin res aetas vsvs il met trois éléments parmi lesquels res est mis pour experientia (expérience), et c'est par elle qu'il dit qu'il a changé. Car il dira bientôt : « re ipsa repperi facilitate nihil esse homini melius neque clementia ».

857
aliquid moneat, ut illa quae te scisse credas nescias,
lui donnent quelque conseil, au point qu'on ignore ce qu'on croyait savoir,

aliqvid moneat σύλλημψις per casus: subauditur enim quem.
aliqvid moneat syllepse (σύλλημψις) de cas : car on sous-entend quem.

858
et quae tibi putaris prima in experiendo ut repudies.
et que ce qu'on jugeait essentiel par expérience, on le rejette.

et qvae tibi pvtaris prima prima ante alia eligenda, quae et primo loco ponenda, ac per hoc optima.
et qvae tibi pvtaris prima prima veut dire "à choisir avant d'autres choses" et "à mettre au premier rang", et par là même "les meilleures".

859
quod nunc euenit; nam ego uitam duram quam uixi usque adhuc,
C'est ce qui arrive aujourd'hui ; car cette vie dure que j'ai vécue jusqu'ici,

1 vitam dvram qvam vixi ἀρχαϊσμός, ut Lucilius «  magnam pugnauimus pugnam 379 ». 2 vitam dvram qvam vixi vsqve adhvc prius dixit quid faciat quam cur faciat.
1 vitam dvram qvam vixi archaïsme (ἀρχαϊσμός), comme chez Lucilius : « magnam pugnauimus pugnam »785. 2 vitam dvram qvam vixi vsqve adhvc il dit d'abord ce qu'il fait avant de dire pourquoi il le fait786.

860
prope iam excurso977 spatio omitto. id quam ob rem? re ipsa repperi
presque au bout de ma route désormais, je l'abolis. Et pourquoi cela ? En réalité, j'ai découvert

1 prope iam decvrso spatio id est: ad calcem et prope ipsos decursus metasque uiuendi. et est metaphora a cursoribus. 2 excvrso spatio id est: "in summa senectute". 3 id qvam ob rem re ipsa repperi quia secum loquitur, ideo multa reticet. et deest faciam et si quis quaerat et dicam.
1 prope iam decvrso spatio c'est-à-dire jusqu'à la ligne d'arrivée et presque les points de repère mêmes et les bornes de la vie. Et c'est une métaphore empruntée au vocabulaire de la course787. 2 excvrso spatio c'est-à-dire : "dans l'extrême vieillesse". 3 id qvam ob rem re ipsa repperi comme il se parle à lui-même, il reste muet sur beaucoup d'aspects. Et il manque faciam (ferais-je), si quis quaerat (si quelqu'un le demandait) et dicam (je dirais)788.

861
facilitate nihil esse homini melius neque clementia.
que la complaisance est ce qu'il y a de mieux pour l'homme avec la clémence.

1 facilitate iam se facilem infert. 2 Inter facilitatem et clementiam hoc interest: facilis est, cuius ira facile id est cito soluitur, clemens qui non irascitur.
1 facilitate il se présente comme docile. 2 Entre facilitas (docilité) et clementia (clémence) la différence est la suivante : on dit qu'est facilis (docile) celui dont la colère s'apaise facilement et vite, clemens (clément) celui qui ne se met pas en colère.

862
id esse uerum ex me atque ex fratre cuiuis facile est noscere.
C'est la vérité ; la comparaison entre moi et mon frère le laisse facilement reconnaître à qui que ce soit.

863
ille suam semper egit uitam in otio, in conuiuiis,
Lui, il a toujours mené sa vie dans l'oisiveté, dans les banquets,

ille svam semper egit vitam hic iam quasi comparatiua qualitas inducitur de utroque. et ut ille initio fabulae locutus est, sic hic in fine loquitur.
ille svam semper egit vitam on montre ici comme une qualité comparée des deux frères. Et de même que c'est l'autre qui parlait au début de la pièce, de même c'est celui-ci qui parle à la fin789.

864
clemens, placidus, nulli laedere os, arridere omnibus;
clément, placide, à ne jamais blesser personne de front, à rire avec tous ;

1 clemens placidvs nvlli laedere os mira uarietas et in locis et in partibus orationis. 2 Et clemens est, qui colit mentem suam, ne eam urgeat irascendo. 3 nvlli laedere os arridere omnibvs uoluptatis affectus est duplex: aut enim ex quiete uoluptas est aut ex aliquo actu. ergo hic utrumque complexus est. 4 Id est: "nullum praesentem laedere". 5 Et uide quam graece a nominibus uerba transeant184. 6 clemens placidvs clemens est circa recte agentes, placidus etiam circa delinquentes. 7 Et clementis est nulli laedere os, placidi arridere omnibus. 8 Et clemens animo, placidus uultu. 9 Et nvlli laedere os ut nullum secum tristem faciat. 10 Et haec est figura ἀναδρομή, cum recurrimus per ea quae diximus, ἐξηγητικῶς omnia repetitum.
1 clemens placidvs nvlli laedere os admirable variété, tant dans les arguments que dans le choix des parties du discours. 2 Et on dit clemens de quelqu'un qui cultive son esprit (colit mentem)790 pour éviter de harceler l'autre dans sa colère. 3 nvlli laedere os arridere omnibvs il y a deux manières de ressentir du plaisir : en effet, soit c'est de la tranquillité que naît le plaisir, soit d'une action. Donc ici, il embrasse les deux sortes de plaisir. 4 C'est-à-dire : "ne blesser personne en sa présence". 5 Et voyez de quelle manière typiquement grecque il y a un passage des noms aux verbes791. 6 clemens placidvs la qualité de clemens s'exerce à l'égard de gens qui agissent droitement, celle de placidus y compris à l'égard de gens qui commettent une faute. 7 Et c'est le propre d'un être clemens de ne blesser personne de front, d'un placidus de rire avec tous. 8 Et l'on est clemens par son état d'esprit, placidus par sa physionomie. 9 Et nvlli laedere os sans rendre personne morose en sa présence. 10 Et il s'agit de la figure de retour (ἀναδρομή), lorsque nous revenons au pas de charge à travers nos propos précédents, pour répéter tout de façon narrative (ἐξηγητικῶς)792.

865
sibi uixit, sibi sumptum fecit; omnes bene dicunt, amant.
il a vécu pour lui, c'est pour lui qu'il a dépensé son bien ; tous en disent du bien, tous l'apprécient.

866
ego ille agrestis, saeuus, tristis, parcus, truculentus, tenax,
Moi, ce paysan, sauvage, sinistre, radin, bourru, têtu,

1 ego ille agrestis bene addidit ille quasi iam notus in hoc ipso, quod ferus atque agrestis. 2 Et saeuus factis est, tristis animo, truculentus uultu. 3 Et aliter potest, ut tristis sit qui dolet, truculentus qui terret. et ideo αὐξήσει mire decurrit per ista.
1 ego ille agrestis bon ajout de ille, comme s'il était déjà notoirement défini comme un sauvage et un paysan. 2 Et l'on est saeuus par ses actions, tristis par son état d'esprit, truculentus par sa physionomie. 3 Et on peut comprendre autrement, qu'est tristis celui qui souffre, truculentus celui qui fait peur. Et alors, c'est avec une remarquable amplification (αὐξήσει) qu'il passe de l'un à l'autre.

867
duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi! nati filii:
j'ai pris femme : quelle misère j'y ai connue ! des fils me sont nés :

1 dvxi vxorem pendet duxi uxorem, sed et cum magno significatu addendum est: maiore enim pondere subtrahitur coniunctio, nam duxi etiam uxorem dicendum fuit. 2 qvam ibi miseriam vidi ibi inquit, quasi uxor locus sit. 3 Et hoc sine coniunctione, ut mala quae enumerat multa uideantur.
1 dvxi vxorem duxi uxorem reste en suspens, mais il faut l'ajouter aussi avec un grand pouvoir suggestif : il y a plus de poids en effet quand on enlève la conjonction de coordination, car il aurait fallu dire duxi etiam uxorem (j'ai même épousé une femme)793. 2 qvam ibi miseriam vidi il dit ibi comme si uxor était un nom de lieu794. 3 Et il dit cela sans mettre de conjonction, pour que les malheurs qu'il énumère paraissent nombreux795.

868
alia cura; heia autem! dum studeo illis ut quam plurimum
encore un souci ; hélas ! en m'efforçant de leur offrir le maximum,

alia cvra non altera.
alia cvra une de plus (alia) non une seconde et dernière (altera).

869
facerem, contriui in quaerendo uitam atque aetatem meam;
j'ai usé ma vie et mon âge à amasser ;

870
nunc exacta aetate hoc fructi pro labore ab iis fero:
maintenant que ma vie s'achève, voilà le fuit de mon travail que je récolte de leur part :

871
odium; ille alter sine labore patria potitur commoda;
la haine ; l'autre, là, n'a rien à faire pour s'emparer des avantages de la paternité ;

patria potitvr commoda accusatiuo casu extulit, quod nos septimo casu dicimus, id est patrio potitur commodo. Accius in Clytemestra «  seras potiuntur plagas 380 ».
patria potitvr commoda il met à l'accusatif ce que nous disons au septième cas796, c'est-à-dire patrio potitur commodo. Accius dans Clytemnestre : « seras potiuntur plagas » (ils reçoivent avec retard les coups mortels797).

872
illum amant, me fugitant; illi credunt consilia omnia,
c'est lui qu'ils aiment, c'est moi qu'ils fuient ; c'est à lui qu'ils confient tous leurs projets,

873
illum diligunt, apud illum sunt ambo; ego desertus sum;
c'est lui qu'ils chérissent, chez lui qu'ils sont tous les deux ; et moi on me déserte ;

illvm diligvnt apvd illvm svnt ambo ego desertvs svm hic ostendit Terentius uerum patrem et molestiorem et odiosum magis esse adulescentibus.
illvm diligvnt apvd illvm svnt ambo ego desertvs svm Térence montre ici qu'un père authentique798 est plus pénible et plus désagréable aux jeunes gens.

874
illum ut uiuat optant, meam autem mortem exspectant scilicet.
lui, ils souhaitent le voir vivre, moi, ils espèrent évidemment ma mort.

1 illvm vt vivat optant σύλλημψις, nam sic ueteres; nos dicimus illi optant, non illum optant. 2 illvm Micionem.
1 illvm vt vivat optant syllepse (σύλλημψις), car ainsi s'exprimaient les Anciens799 ; nous nous disons illi optant (il souhaitent pour lui), non illum optant (ils le souhaitent). 2 illvm Micion.

875
ita eos meo labore eductos maximo hic fecit suos
Voilà comment ces enfants que j'ai élevés à la sueur de mon front, il les a faits siens

876
paulo sumptu; miseriam omnem ego capio, hic potitur gaudia.
à peu de frais ; moi je récolte toute la misère, lui s'empare des bons côtés.

877
age age nunc iam experiamur contra ecquid ego possiem
Allons, allons ! c'est le moment pour nous d'essayer si je peux, au rebours,

nvnc iam experiamvr comice magis pluraliter experiamur dixit, quam si diceret experiar.
nvnc iam experiamvr de façon comique, il préfère utiliser le pluriel experiamur que de dire au singulier experiar.

878
blande dicere aut benigne facere, quando huc978 prouocat;
de dire des mots aimables, de me comporter gentiment, puisque c'est vers cela qu'il me pousse ;

qvando hvc provocat non addidit quis, sed intellegimus Micionem significari.
qvando hvc provocat il ne dit pas qui, mais nous comprenons qu'il s'agit de Micion.

879
ego quoque a meis me amari et magni pendi postulo.
moi aussi c'est être aimé des miens et estimé un bon prix que je revendique.

880
si id fit dando atque obsequendo, non posterioris feram.
Si pour obtenir cela il faut donner et avoir des complaisances, je ne serai pas en reste.

1 si id fit dando atqve obseqvendo bene naturam secutus ignorat artem, putans agi ueris omnia debere, non agi dando atque obsequendo. 2 si id fit id est: "iam a liberis si magni pendor". 3 non posterioris feram subauditur partes. 4 Aut: "non parui fiam", id est: "non uincar a Micione". et translatio est a partibus histrionum in fabula. 5 non posterioris feram primus in his ero, inquit, in dando atque obsequendo.
1 si id fit dando atqve obseqvendo bien guidé par la nature, il ignore l'artifice, croyant que tout doit être fait au moyen de la vérité, non être fait dando atque obsequendo. 2 si id fit c'est-à-dire : "si dès lors je suis bien estimé des enfants". 3 non posterioris feram on sous-entend partes (un rôle de second couteau). 4 Ou alors : "on ne fera pas peu de cas de moi", c'est-à-dire : "je ne serai pas distancé par Micion". Et c'est une métaphore empruntée au vocabulaire des acteurs de théâtre800. 5 non posterioris feram "je serai le premier, dit-il, dans l'action de donner et d'être conciliant".

881
deerit: id mea minime refert, qui sum natu maximus.
Ça va manquer : cela ne me fait ni chaud ni froid, au grand âge où je me trouve.

deerit id mea minime refert uide remanere in Demea non penitus eiectam seueritatem.
deerit id mea minime refert voyez qu'il reste dans Déméa une part de méchanceté dont il ne s'est pas débarrassé.

scaena quinta

Demea Syrus

882 | 883 | 884 | 885 | 886 | 887 | 888

882
Sy.-heus, Demea! orat frater ne abeas longius.
Sy.-Hé, Déméa ! le frère te prie de ne pas trop t'éloigner.

1 ne abeas longivs hic ostendit poeta, quam absurde blandus conetur esse qui non soleat, et quam immodica sit repentina largitas, ubi animus a parcitate nimia in contrarium uitium profusionis excurrerit. 2 hevs demea orat frater ne abeas longivs ut apparet, iam edormuit crapulam Syrus. 3 Et satis moraliter frater dixit nec addidit tuus. 4 frater moraliter, nam deest tuus.
1 ne abeas longivs ici le poète montre de quelle absurde façon un personnage qui n'en a pas l'habitude entreprend de se montrer sympathique, et quelle absence de modération il met dans ses soudaines largesses, quand son état d'esprit file de l'extrême avarice au vice contraire du gaspillage. 2 hevs demea orat frater ne abeas longivs à ce qu'on voit, Syrus a fini de cuver son vin. 3 Et d'une façon assez caractéristique, il dit frater (le frère) sans ajouter tuus (ton frère). 4 frater caractéristique, car il manque tuus801.

883
De.-quis homo...? o Syre noster, salue! quid fit? quid agitur?
Dé.-Qui est ce type qui... ? O, notre cher Syrus, salut ! Qu'est-ce qu'on devient ? Comment va ?

o syre noster salve qvid fit iam non haec blanda sed dura sunt, nam salue dixit ei non solum quem saepe uiderit, sed cum quo totiens litigauerit, et quid fit? quid agitur?, cum et sciat et condemnet actus eius.
o syre noster salve qvid fit ces paroles à ce moment ne sont pas agréables mais dures, car il dit salue à un personnage que non seulement il a souvent vu déjà mais aussi avec lequel il s'est beaucoup disputé, et il dit quid fit ? quid agitur ?, alors qu'il connaît et condamne ses actions.

884
Sy.-recte. De.-optime est. iam nunc haec tria primum addidi
Sy.-Bien. Dé.-Tant mieux. Voilà déjà trois choses que, pour commencer, j'ai ajouté

1 recte bene recte respondit: hae enim interrogationes de salute atque incolumitate eius sunt, qui interrogatur. 2 haec tria deest uerba. 3 optime est iam nvnc haec tria primvm addidi praeter natvram o noster qvid fit qvid agitvr hoc pressius dictum est.
1 recte il fait bien de répondre recte : car les questions de ce genre portent sur la santé et l'intégrité physique de celui qu'on interroge802. 2 haec tria il manque uerba (mots). 3 optime est iam nvnc haec tria primvm addidi praeter natvram o noster qvid fit qvid agitvr cela se dit à mi-voix803.

885
praeter naturam: « o noster », « quid fit », « quid agitur ».
contre ma nature : « O, notre cher... », « Qu'est-ce qu'on devient ? », « Comment va ? ».

praeter natvram plus dixit quam si diceret praeter consuetudinem.
praeter natvram il en dit plus que s'il disait praeter consuetudinem (contre mes habitudes)804.

886
seruum haud inliberalem praebes te, et tibi
Tu te révèles un esclave plutôt bien né et

1 servvm havd inliberalem dura et importuna repente commutatio ex tanta uituperatione in laudem Syri ostendit contra naturam suam niti Demeam. 2 praebes te id est "re ostendis, factis probas". 3 et tibi libens bene faxim libens ad quam rem adiectum est? an εἰρωνικῶς addidit? quis enim credat tam subitis post saeuitiam blandimentis, nisi factis quoque ostendatur? 4 et tibi libens bene faxim et additum est, ut ostendat hanc esse sententiam: "non solum te laudo, sed etiam iuuo, illud dicendo hoc faciendo". 5 et tibi libens bene faxim potest hoc et sic intellegi tibi bene faxim et libens; multi enim bene, sed non ex animo faciunt. ergo omnia addidit, quae placatum ostendant ipsum et clementem.
1 servvm havd inliberalem le changement dur et pénible qui fait passer d'un coup de la remontrance vive à l'éloge de Syrus montre que Déméa fait des efforts contre nature. 2 praebes te c'est-à-dire "tu montres par la situation", "tu prouves par les faits". 3 et tibi libens bene faxim à quoi libens s'adjoint-il ? Est-ce un ajout ironique (εἰρωνικῶς) ? Car qui pourrait croire à des marques si soudaines de sympathie après une telle animosité, si les faits aussi ne les prouvaient ? 4 et tibi libens bene faxim et est un ajout, pour montrer que le sens est le suivant : "non seulement je te loue, mais même je t'aide, d'un côté par mes paroles, de celui-ci par mes actes". 5 et tibi libens bene faxim on peut aussi comprendre ainsi tibi bene faxim et libens ; de fait, beaucoup font bien (bene), sans faire de bon cœur. Donc il ajoute tout ce qui est de nature à montrer qu'il est apaisé et clément.

887
libens bene faxim. Sy.-gratiam habeo. De.-atqui, Syre,
j'ai envie de te faire du bien. Sy.-Je t'en sais gré. Dé.-Mais c'est que, Syrus,

1 atqvi syre atqui abundat per παρέλκον. 2 syre asseueratio est non credentis.
1 atqvi syre atqui est superflu par pléonasme (παρέλκον). 2 syre assertion pleine d'assurance de quelqu'un qui n'y croit pas.

888
hoc uerum est et ipsa re experiere propediem.
c'est la vérité, et tu vas en faire l'expérience dans la journée.

1 hoc vervm est quasi falsum fuerit illud quod iurgabat et hoc sit uerum supra: « nunc iam tria » scilicet185. 2 propediem ὑφέν, nam propediem aduerbium est temporis, ut si diceret cito.
1 hoc vervm est comme si les reproches qu'il lui faisait étaient faux et vrai ce qui est au-dessus : « nunc iam tria » évidemment805. 2 propediem en un seul mot (ὑφέν), car propediem est un adverbe de temps806, comme s'il disait cito (vite).

scaena sexta

Demea Geta

889 | 890 | 891 | 892 | 893 | 894 | 895 | 896 | 897 | 898

889
Ge.-era, ego hinc979 ad hos prouiso quam mox uirginem
Gé.-Patronne, je vais voir chez eux quand ils comptent, la jeune dame,

1 era ego hinc ad hos proviso ad hos Micionem et Aeschinum scilicet. 2 proviso duas res significat: "procedo" et "uideo".
1 era ego hinc ad hos proviso ad hos, Micion et Eschine, implicitement. 2 proviso signifie deux choses en même temps : "je m'avance" et "je vois".

890
accersant. sed eccum Demeam. saluus sies!
la faire venir. Mais voici Déméa. Bonne santé à toi !

sed eccvm hoc apud se.
sed eccvm cela en aparté.

891
De.-o... qui uocare? Ge.-Geta. De.-Geta, hominem maximi
Dé.-O mon cher... comment t'appelles-tu ? Gé.-Géta. Dé.-Géta, un homme de très grande

1 o qvi vocare hac interiectione utimur, ubi ex interuallo notos uidemus. 2 o qvi vocare post o nomine uocaturus non habuit quid diceret et ideo subiecit qui uocare?. sic Vergilius «  o quam te me. memorem u. uirgo ? n. namque h. haud t. tibi u. uultus m. mortalis n. nec u. uox h. hominem s. sonat 381 ». moris est autem inferiores proprio nomine uocare, si blandiri uelis. sed hic nominis oblitus, dum dubitat et inquirit, inhaesit pronomini.
1 o qvi vocare nous utilisons cette interjection quand nous revoyons des personnes connues après un certain temps. 2 o qvi vocare après o il s'apprêtait à mettre un nom au vocatif, mais comme il n'avait pas le bon nom à dire, il dit qui uocare ?. De même Virgile : « o quam te memorem uirgo ? namque haud tibi uultus mortalis nec uox hominem sonat » (O... sous quel nom te nommer, jeune fille ? Mais tu n'as pas le visage d'une mortelle ni une voix qui sonne humain). C'est caractéristique d'appeler des inférieurs de leur nom propre, quand on veut leur faire plaisir, mais là il a oublié le nom de Géta et, tout en y réfléchissant et en le cherchant, il y substitue un pronom.

892
preti te esse hodie iudicaui animo meo;
valeur, voilà ce que je juges que tu es aujourd'hui, à mon avis ;

animo meo hoc est: "secundum animi mei sententiam et quantum ad animum pertinet meum".
animo meo c'est-à-dire : "conformément à ce que ressent ma conscience et pour autant qu'il en incombe à mon esprit".

893
nam is mihi est profecto seruus spectatus satis
car c'est pour moi à coup sûr un esclave bien recommandable

1 nam is mihi est profecto servvs in hoc laudando quia non laborat, subiecit specialiter merita eius. at in Syro nihil habuit quod diceret praeter laudem sine ullius facti mentione. 2 Et mihi id est: "quantum ad iudicium meum pertinet".
1 nam is mihi est profecto servvs comme il ne fait pas d'effort dans cet éloge, il suggère spécialement ses mérites. Mais il n'a rien eu à dire dans le cas de Syrus, en dehors d'un éloge sans la mention de quelque fait que ce soit. 2 Et mihi c'est-à-dire : "pour autant qu'il en incombe à mon jugement".

894
cui dominus curae980 est, ita ut981 tibi sensi, Geta;
que celui qui est attentif à bien s'occuper de son maître comme je t'ai vu être, Géta ;

1 cvi dominvs cvrae est cum hic dominas habeat, dominus dixit, quia et praeualet masculinum. Vergilius «  descendo ac d. ducente d. deo f. flammam i. inter et h. hostis exp. expedior 382 » et praeterea sententia generalis inducitur, cum nullum specialiter dominum significet. 2 ita vt tibi sensi geta maximum delinimentum infert eum nomine uocans, quemadmodum in superioribus. 3 Et quam grate, postquam audiuit, bis nomine appellauit Getam!
1 cvi dominvs cvrae est bien que Géta ait des patronnes, il dit dominus, parce que le masculin l'emporte. Virgile : « descendo ac ducente deo flammam inter et hostis expedior » (je descends et sous la conduite de la divinité je m'échappe au milieu des flammes et des ennemis)807, et en outre, c'est une maxime de portée générale, dans la mesure où aucun patron en particulier n'est désigné. 2 ita vt tibi sensi geta il procure un très grand plaisir en le nommant par son nom, comme ci-dessus. 3 Et comme il se fait bien voir, après avoir eu le renseignement, en l'appelant par deux fois Géta !

895
et tibi ob eam rem, si quid usus uenerit,
et à toi, pour cette raison, si l'occasion s'en présente,

1 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit et tibi utrum quemadmodum aliis an quemadmodum Syro? 2 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit defectus quidam rustici est praeter naturam blandientis cogi dicta repetere sine gratia. hae autem promissiones ad hoc praemittuntur, ut cum in subiectis agi a Demea huiusmodi res coeperint, non sit absurdum spectatoribus Demeam tam cito esse mutatum.
1 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit et tibi, est-ce "comme aux autres" ou "comme à Syrus" ? 2 et tibi ob eam rem si qvid vsvs venerit c'est un défaut de paysan qui fait des flatteries contre sa nature que d'être obligé de répéter des paroles sans agrément. Or ce genre de promesses est mis en préalable pour que, alors que les choses commencent à être faites par Déméa de cette façon, il ne paraisse pas absurde aux yeux des spectateurs que Déméa ait si vite changé.

896
libens bene faxim. meditor esse affabilis,
je voudrais faire du bien. Je m'entraîne à être sympathique,

meditor esse affabilis sic hoc lentius, ut illud supra «  iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster, quid fit? quid agitur? 383 ».
meditor esse affabilis il dit cela à mi-voix, comme ci-dessus : « iam nunc haec tria addidi praeter naturam : o noster, quid fit ? quid agitur ? ».

897
et bene procedit. Ge.-bonus es, cum haec existimas.
et ça marche bien. Gé.-Tu es bien bon de penser cela.

898
De.-paulatim plebem primulum facio meam.
Dé.-Peu à peu, je m'attire d'abord les faveurs du bas peuple.

1 pavlatim plebem primvlvm moraliter inferiorum turbam dixit plebem, hoc est: "ut in urbe uulgus, ita in familia seruos". et fit translatio ab his, qui honores dolose ac non pro merito petunt ambitiosique sunt. 2 plebem primvlvm facio meam hoc est: "mihi fauentem", ut e contrario Vergilius «  uadimus inmixti Danais h. haud n. numine n. nostro 384 ».
1 pavlatim plebem primvlvm c'est en conformité avec son caractère qu'il appelle la foule des inférieurs le petit peuple (plebs), c'est-à-dire : "comme en ville on a la populace, dans la maisonnée on a les esclaves". Et c'est une métaphore tirée de l'exemple de ceux qui briguent les honneurs frauduleusement et non pour leurs mérites et qui sont ambitieux. 2 plebem primvlvm facio meam c'est-à-dire : "qui m'est favorable", comme, au contraire, Virgile : « uadimus inmixti Danais haud numine nostro » (nous marchons, mêlés aux Danaens, mais sans l'assentiment des dieux).

scaena septima

Demea Geta Aeschinus Syrus

899 | 900 | 901 | 902 | 903 | 904 | 905 | 906 | 907 | 908 | 909 | 910 | 911 | 912 | 913 | 914 | 915 | 916 | 917 | 918 | 919 | 920 | 921 | 922 | 923

899
Ae.-occidunt me quidem dum nimis sanctas nuptias
Es.-Ils me tuent vraiment avec ce mariage en bonne et due forme

1 occidvnt me qvidem adulescens et Demea inter se affabiles imaginem praebent et quam dulcis sit iunioribus assentatio et quam ingrata censura. ἰδιωτικῶς autem dixit occidunt me pro: nimis laedunt et cruciant. 2 dvm nimis sanctas et nimis et sanctas ridicule additum in ea ducenda, quae iam pepererit. nam sanctum est, quod omni obseruatione inuiolatum est. 3 Et bene additum est nimis, quia nimium pro uitio ponitur propter illam sententiam, qua dicitur «  ut ne quid nimis 385 ». 4 occidvnt me qvidem quidem pro exceptione est, tamquam in hac mora nullus alius occidatur nisi qui amat, id est ego.
1 occidvnt me qvidem le jeune homme et Déméa, affables l'un envers l'autre, offrent une image qui montre combien la complaisance est douce aux jeunes gens et la censure désagréable. Il dit, de façon particulière (ἰδιωτικῶς) occidunt me pour "ils me blessent trop et me mettent à la torture". 2 dvm nimis sanctas et nimis et sanctas sont un ajout propre à faire rire dans le cas du mariage avec cette fille, qui a déjà eu un enfant. Car on parle de sanctus pour ce qui respecte intégralement tout le cérémonial. 3 Et nimis est un bon ajout, parce que nimius est considéré comme un défaut en vertu de cet adage qui dit : « ut ne quid nimis »808. 4 occidvnt me qvidem quidem sert de restriction, comme si dans ce retard personne d'autre n'était tué que l'amoureux, c'est-à-dire "moi".

900
student facere; in apparando consumunt diem.
qu'ils s'ingénient à faire ; ils perdent leur journée en préparatifs.

901
De.-quid agitur, Aeschine? Ae.-hem982, pater mi, tu hic eras?
Dé.-Comment va, Eschine ? Es.-Tiens, mon père, tu étais là ?

1 qvid agitvr aeschine iam ipse docuit quid fit? et quid agitur? blandimentum esse «  iam nunc haec tria primum addidi praeter naturam: o noster, quid fit? quid agitur? 386 ». 2 hem pater non sine consternatione respondet Aeschinus, etsi hic blande interrogat et miti uultu. nam et improuiso obiectus est Demea et insperanti.
1 qvid agitvr aeschine il a lui-même récemment appris que quid fit ? et quid agitur ? étaient des paroles de politesse : « iam nunc haec tria primum addidi praeter naturam : o noster, quid fit ? quid agitur ? ». 2 hem pater ce n'est pas sans une certaine consternation qu'Eschine répond, même si Déméa l'interroge avec gentillesse et un air doux. Car il tombe nez à nez avec Déméa à l'improviste et sans le vouloir.

902
De.-tuus hercle uero et animo et natura pater,
Dé.-Oui, ma foi, ton père pour de vrai, et par le cœur et par la nature,

tvvs hercle vero et animo et natvra pater totum eripuit Micioni, cui ne animum quidem reliquit.
tvvs hercle vero et animo et natvra pater il a tout enlevé à Micion, à qui il ne laisse pas même le cœur (animus)809.

903
qui te amat plus quam hosce oculos. sed cur non domum
qui t'aime plus que ses yeux. Mais pourquoi ne fais-tu pas venir chez toi

1 qvi te amat plvs qvam hosce ocvlos magis comicum quam amo. 2 sed cvr non domvm vxorem accersis bene subiecit, quae uolenti esse credebat.
1 qvi te amat plvs qvam hosce ocvlos plus comique que amo. 2 sed cvr non domvm vxorem accersis il suggère de bonne manière ce qu'il croit que l'autre va accueillir volontiers.

904
uxorem accersis? Ae.-cupio; uerum hoc mihi mora est:
ton épouse ? Es.-je voudrais bien ; mais tout ça me retarde :

vervm hoc mihi mora est tibicina et hymenaevm hoc est quod ait «  nimis sanctas nuptias student facere 387 ».
vervm hoc mihi mora est tibicina et hymenaevm c'est ce qu'il évoquait en disant : « nimis sanctas nuptias student facere ».

905
tibicina et hymenaeum qui cantent. De.-eho,
la flûtiste et ceux qui doivent chanter l'hyménée. Dé.-Dis donc,

hymenaevm 1186 Hymenaeum quidam Liberi ac Veneris filium dicunt esse, qui primus certas nuptias instituerit. ideo per laudem cantatur uirginalibus nuptiis ob eius modi meritum. alii uirum fortem Atticum dicunt fuisse, qui raptas praedonibus uirgines oppressis latronibus intactas patriae restituerit. alii, quod hymen dicitur membrana quaedam, qua est munita uirginitas, quae primo corrumpitur coitu, hymenaeum putant ueluti hymnum uocari uirginalium nuptiarum. 2 Ergo sic accipe hymenaeum in nuptiis, quemadmodum θρῆνον in funere et in sacris hymnum.
1 hymenaevmHyménée est, selon certains, le fils de Liber et de Vénus, qui le premier a institué la cérémonie des noces. Aussi est-il célébré dans des chants lors des noces des vierges, en raison de ce mérite810. D'autres disent qu'il s'agit d'un héros de l'Attique qui, alors qu'on avait enlevé des vierges pour des brigands, après avoir battu les voleurs, ramena les jeunes filles intactes dans leur patrie. D'autres, du fait qu'on appelle hymen une membrane qui protège la virginité et qui se rompt au premier rapport sexuel, pensent que hymenaeum est le nom qu'on donne aux hymnes qu'on chante aux noces. 2 Donc sachez que l'hyménée est aux noces ce que le thrène est aux funérailles et l'hymne aux cérémonies sacrées.

906
uin tu huic seni auscultare? Ae.-quid? De.-missa haec face,
veux-tu écouter les conseils d'un petit vieux ? Es.-Quoi ? Dé.-Laisse tomber

vin tv hvic seni avscvltare contemnens se ipsum dicit hoc solum afferens causae cur credendum sit, quod sit senex. et totum hoc apparet laetissimo uultu dici.
vin tv hvic seni avscvltare il dit cela en se rabaissant, mais seulement dans l'idée d'apporter une garantie de crédibilité, au motif qu'il est vieux. Et tout est visiblement dit avec une physionomie radieuse.

907
hymenaeum, turbas, lampadas, tibicinas,
l'hymenée, la foule, les lampes, les flûtistes,

tvrbas lampadas tibicinas bene totum pluraliter, ut qui reprehendit sic multa. Plautus «  quid tu mihi parasitos, luscos, quid Summanos somnias? 388 ». haec igitur uultu pronuntianda sunt, ut appareat ea displicere dicenti.
tvrbas lampadas tibicinas il fait bien de tout mettre au pluriel, comme quelqu'un qui fait ainsi de nombreux reproches. Plaute : « quid tu mihi parasitos, luscos, quid Summanos somnias ? »811 (qu'est-ce que tu me chantes avec tes affranchis borgnes, avec tes Summanus ?812). Il faut donc prononcer cela pour faire apparaître que cela déplaît au locuteur.

908
atque in horto hanc983 maceriam iube dirui
et ordonne qu'on fasse sauter ce muret dans le jardin

atqve in horto hanc maceriam ivbe dirvi maceries dicitur paries non altus de materia macerata187.
atqve in horto hanc maceriam ivbe dirvi maceries se dit d'un mur de faible hauteur fait en matériau malléable (macerata)813.

909
quantum potest, hac transfer, unam fac domum,
dès que possible, fais-la venir par là, fais une seule maison,

910
traduce et matrem et familiam omnem ad nos. Ae.-placet,
fais venir chez nous la mère et toute la maisonnée. Es.-Voilà qui me plaît,

911
pater lepidissime. De.-euge! iam lepidus uocor.
ô le plus charmant des pères. Dé.-Youpi ! ça y est, on m'appelle charmant.

evge iam lepidvs vocor apparet Demeam experiendi causa assentari, non quod animo facit.
evge iam lepidvs vocor il appert que c'est pour tenter l'expérience que Déméa est d'accord, non parce qu'il le fait de bon cœur.

912
fratri aedes fient peruiae, turbam domum
Chez mon frère, la maison sera un boulevard, il fera venir une bande chez lui,

fratri aedes fient perviae elegantius quam fratris.
fratri aedes fient perviae plus élégant que le génitif fratris814.

913
adducet, sumptu amittet multa. quid mea?
il va perdre beaucoup en dépenses. Que m'importe ?

914
ego lepidus ineo gratiam. iube nunc iam
Moi je suis charmant, et je rentre dans les bonnes grâces. Vas-y, maintenant, fais

1 ineo gratiam "in gratiam eo", hoc est "amicos comparo". 2 ego lepidvs irridens adulescentis animum sic inquit. 3 ivbe nvnc iam insultantis est uerbum iube188, tamquam praesto sit, Micioni hoc dicit Demea. 4 Aut apud se. 5 Hoc iubemus quod quasi insultantes dicere solemus. numerare hoc sit abs te cum affectum tenemus189. ita et Micioni Demea190 dicit iube nunc. 6 ivbe nvnc iam dinvmeret illi babylo viginti minas nimis morale est, cum de absente quasi cum praesente agimus. est autem hoc iube nunc iam figura etiam apud Plautum frequentissima. 7 ivbe nvnc iam sic dicit quemadmodum supra.
1 ineo gratiam "je rentre en grâce", c'est-à-dire "je me fais des amis". 2 ego lepidvs c'est en se moquant de l'état d'esprit du jeune homme qu'il dit cela. 3 ivbe nvnc iam iube est un verbe agressif, et comme s'il était à sa disposition, c'est à Micion que Déméa dit cela. 4 Ou c'est en aparté815. 5 Nous ordonnons (iubemus) ce que nous disons habituellement de façon agressive. "Numerare (compter) voilà ce qui t'incombe, pendant que, nous, nous nous assurons de l'affection"816. C'est ainsi que Déméa dit aussi à Micion iube nunc. 6 ivbe nvnc iam dinvmeret illi babylo viginti minas c'est vraiment caractéristique, quand nous parlons d'un absent comme s'il était présent. Et ce iube nunc iam est une figure également très fréquente chez Plaute. 7 ivbe nvnc iam il le dit comme ci-dessus.

915
dinumeret illi984 Babylo uiginti minas.
compter à ce Crésus vingt mines pour lui !

1 illi cui, cum hic alius nemo adesset cui diceret? 2 dinvmeret dinumeret dixit quasi multum numeret. 3 illi illi cui? Ctesiphoni? lenoni?191 an Aeschino? an Syro? 4 babylo Babylonem fratrem ob nimiam liberalitatem uocat. 5 An Aeschinum nimis prodigum?
1 illi à qui, puisqu'il n'y a personne d'autre à qui s'adresser ? 2 dinvmeret il dit dinumeret au sens de multum numeret (compter une grosse somme). 3 illi qui représente illi ? Ctésiphon ? le proxénète ? A moins que ce ne soit Eschine ? Ou Syrus ? 4 babylo il traite son frère de Babylonien à cause de sa générosité excessive. 5 Ou parle-t-il d'Eschine, qui est trop prodigue ?

916
Syre, cessas ire ac facere? Sy.-quid ego? De.-dirue;
Syrus, ne vas-tu pas bouger et agir ? Sy.-Pour faire quoi ? Dé.-Abats le mur ;

1 syre cessas ire ac facere ἰδιωτικῶς dicitur. 2 dirve hoc uultu dicitur adhortante.
1 syre cessas ire ac facere il le dit par particularisme (ἰδιωτικῶς). 2 dirve il le dit avec un air encourageant.

917
tu illas abi et traduce. Ge.-di tibi, Demea,
toi bouge de là et va chercher ces dames. Gé.-O Déméa, que les dieux te

918
bene faciant, cum te uideo nostrae familiae
récompensent, quand je vois qu'à l'égard de notre famille

cvm te video nostrae familiae tam ex animo factvm velle ex animo alicui facere est id facere quod ille in animo suo uelit, aut certe ex tota mente praestare, non perfunctorie.
cvm te video nostrae familiae tam ex animo factvm velle ex animo alicui facere c'est faire ce que l'autre souhaite dans son cœur, ou du moins le proposer de toute son âme et non pas négligemment.

919
tam ex animo factum uelle. De.-dignos arbitror.
tu es si bien disposé. Dé.-Je crois que vous le méritez.

1192 Sed ex animo factvm bene factum intelligere debemus, ut sit ex animo quasi ex sententia. 2 dignos arbitror multa desunt: et uos et esse et quibus fiat.
1 Mais pour ex animo factvm, nous devons comprendre bene factum (bien fait), en sorte que ex animo équivaut à ex sententia (à souhait). 2 dignos arbitror il y a plusieurs ellipses : uos, esse et quibus fiat817.

920
quid tu ais? Ae.-sic opinor. De.-multo rectius est
Qu'en dis-tu ? Es.-Je suis d'accord. Dé.-C'est beaucoup plus direct

qvid tv ais eo uultu dicitur quid tu ais?, quo uidemus loqui eos, qui ab his interrogant gesticulante uultu quid sentiant de consilio suo, quos sciunt approbaturos esse.
qvid tv ais il a pour dire quid tu ais ? le même air que nous voyons prendre à ceux qui demandent à d'autres, avec un air et des gestes particuliers, ce qu'ils pensent de leur idée, alors qu'ils savent qu'ils l'approuveront.

921
quam illam puerperam hac nunc duci per uiam
que de faire venir la jeune maman jusqu'ici par la route,

922
aegrotam. Ae.-nihil enim uidi melius, mi pater.
dans son état de faiblesse. Es.-De fait, je n'ai rien vu de meilleur, mon cher père.

923
De.-sic soleo. sed eccum Micio egreditur foras.
Dé.-C'est ma manière d'être. Mais voici Micion qui sort.

sic soleo εἰρωνεία potest uideri, quippe quando tale consilium dat Demea, quod probaret adulescens.
sic soleo ça peut passer pour de l'ironie (εἰρωνεία), dans la mesure où le conseil que donne Déméa est de nature à trouver l'assentiment du jeune homme.

scaena octaua

Demea Aeschinus Micio

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924
Mi.-iubet frater? ubi is est? tu iubes hoc, Demea?
Mi.-C'est mon frère qui l'ordonne ? Où est-il ? C'est toi qui l'ordonnes, Déméa ?

1 ivbet frater apparet Micionem dixisse cur diruis?, Syrum respondisse quia hoc iubet frater tuus. 2 ivbet frater dirui maceriam scilicet. 3 tv ivbes hoc Demea interrogatiue pronuntiandum totum; ita erit una persona et breuiter ostendetur ex huius uerbis, quid prior dixerit Syrus. 4 Et mirum initium, ne prooemio opus esset Demeae ad profitendam mutationem uoluntatis.
1 ivbet frater il appert que Micion a dit "pourquoi détruis-tu le muret ?" et que Syrus a répondu "parce que c'est un ordre de ton frère". 2 ivbet frater que le muret soit détruit, implicitement. 3 tv ivbes hoc Demea il faut prononcer cette réplique sur un ton interrogatif ; ainsi il y aura un seul personnage mais de ses paroles on pourra déduire brièvement ce qu'avait dit au préalable Syrus. 4 Et c'est un remarquable début pour que, sans qu'il soit besoin d'un prologue, Déméa puisse avouer son changement de volonté.

925
De.-ego uero iubeo et hac re et aliis omnibus
Dé.-Oui, c'est moi qui ordonne, dans cette circonstance et dans toutes les autres,

1 hac re maceriae disiectione. 2 et aliis omnibvs in his nuptiis senilibus.
1 hac re la destruction du muret. 2 et aliis omnibvs dans le mariage des vieux818.

926
quam maxime unam facere nos hanc familiam,
que du mieux possible cette famille et nous n'en fassions qu'une seule,

927
colere, adiuuare, adiungere. Ae.-ita quaseo, pater.
qu'on la choie, qu'on l'aide, qu'on se lie à elle. Es.-Oui, père, je t'en prie !

1 colere iubeo subauditur per ζεῦγμα. 2 colere adivvare adivngere colere ad Syrum pertinet, adiuuare ad Hegionem, adiungere ad Sostratam. 3 Et adnotandum coli a superiore, ut «  posthabita c. coluisse S. Samo 389 ».
1 colere iubeo (j'ordonne) est sous-entendu par zeugme (ζεῦγμα)819. 2 colere adivvare adivngere colere se rapporte à Syrus, adiuuare à Hégion, adiungere à Sostrata. 3 Et il faut noter qu'on est choyé (coli) par un supérieur, comme dans : « posthabita coluisse Samo » (elle l'a honorée en la préférant à Samos)820.

928
Mi.-haud aliter censeo. De.-immo hercle ita nobis decet;
Mi.-Je n'ai pas d'autre intention. Dé.-Et même, ma foi, c'est notre devoir ;

immo hercle ita nobis decet antiqui si addebant statim uerbum, nos decet facere, si non addebant, nobis decet dicebant.
immo hercle ita nobis decet les Anciens, quand ils ajoutaient aussitôt un infinitif, construisaient avec un accusatif, nos decet facere (il faut que nous fassions), quand ils n'ajoutaient pas un verbe, avec un datif, nobis decet (il nous faut).

929
primum huius uxoris est mater... Mi.-est; quid postea?
d'abord il y a la mère de l'épouse de ce garçon... Mi.-Oui ; et alors ?

1 primvm hvivs vxoris est mater incipit a persuasione sed latenter, ita ut ea quae proposito consilio dicenda erant ante demonstrarit quam dicat quid fieri uelit. et hoc semper fit ab oratoribus in his rebus, a193 quibus incipere non oportet propter turpitudinem aut incommoditatem rei, quae persuadenda est. considera adeo apud Vergilium, ubi persuadet Iris matribus, ut naues suas incendant, et inuenies hoc ipsum consilium ultimum poni post argumenta quam plurima «  quin agite et m. mecum inf. infaustas exu. exurite p. puppis 390 ». 2 Et initium a possibili factum est, nam dicit huius uxoris est mater.
1 primvm hvivs vxoris est mater il commence à vouloir le persuader, mais de façon latente, au point que ce qu'il fallait dire une fois le projet dévoilé, il le révèle avant de dire ce qu'il veut voir arriver. Et c'est ce que font toujours les orateurs à propos des faits par lesquels il convient de ne pas commencer en raison du caractère honteux ou fâcheux de la situation en faveur de laquelle il faut emporter l'adhésion. Considérez donc le passage de Virgile où Iris persuade les mères de brûler leurs vaisseaux, et vous verrez que ce conseil est mis en dernier après des arguments en très grand nombre : « quin agite et mecum infaustas exurite puppis » (allez, venez avec moi et incendiez ces navires de malheur). 2 Et le début se fait en partant du possible, car il dit huius uxoris est mater.

930
De.-...proba et modesta... Mi.-ita aiunt. De.-...natu grandior...
Dé.-...honnête, modeste... Mi.-C'est ce qu'on dit. Dé.-...bien âgée...

1 proba et modesta proba sibi, et modesta apud alios. 2 Et uide laudes conciliatoribus inuentas et usitatas. 3 ita aivnt hoc ita respondet, quasi dicat sed quid mea?
1 proba et modesta proba pour elle-même, et modesta devant les autres. 2 Et voyez les éloges que trouvent et utilisent les conciliateurs. 3 ita aivnt il répond ainsi comme s'il disait sed quid mea ? (mais en quoi cela me concerne-t-il ?).

931
Mi.-scio. De.-parere haec iam diu985 per annos non potest;
Mi.-Je sais. Dé.-Elle ne peut plus, depuis longtemps, faire d'enfants depuis des années ;

1 scio adhuc Micio non intellegit quo res tendat, sed tantum uultu quodam admirantis cur hoc dicatur respondet. 2 parere haec iam div per annos non potest recte, ne contra filios pater suadere uideatur. 3 per annos non potest bene per annos, quia non est sterilis. 4 parere haec iam div per annos non potest hoc autem addidit, ne contra filios pater suadere uideatur nuptias, si illis coheredes esse procreandos suadeat.
1 scio Micion ne voit toujours pas vers quoi on va, mais c'est seulement avec un air étonné devant le discours de Déméa qu'il donne sa réponse. 2 parere haec iam div per annos non potest correct, pour ne pas, en tant que père, paraître plaider contre les intérêts de ses enfants821. 3 per annos non potest per annos est bien dit, parce qu'elle n'est pas stérile822. 4 parere haec iam div per annos non potest il ajoute cela pour ne pas, en tant que père, paraître plaider en faveur d'un mariage, s'il devait plaider qu'il faut que des cohéritiers leur soient procréés.

932
nec qui eam respiciat quisquam est; sola est... Mi.-quam hic rem agit?
et il n'y a personne pour veiller sur elle ; elle est seule... Mi.-Qu'est-ce qu'il est en train de nous faire ?

933
De.-hanc te aequum est ducere, et te operam ut fiat dare.
Dé.-Il serait juste que toi tu l'épouses et que toi tu veilles à ce que ça se fasse.

1 hanc te aeqvvm est dvcere te, Micio scilicet. 2 et te operam vt fiat dare te, Aeschine, nam ad illum conuersus a Micione est. et quare Aeschinum dare aequum est? scilicet ut prosit socrui.
1 hanc te aeqvvm est dvcere toi, Micion, implicitement. 2 et te operam vt fiat dare toi, Eschine, car il s'adresse à lui en tournant le dos à Micion823. Et pourquoi est-il juste que ce soit Eschine qui prenne cette peine ? Evidemment pour qu'il prête assistance à sa belle-mère.

934
Mi.-me ducere autem? De.-te. Mi.-me? De.-te, inquam. Mi.-ineptis. De.-si tu sis homo,
Mi.-Moi épouser ? Dé.-Toi. Mi.-Moi ? Dé.-Toi, dis-je. Mi.-Tu es fou ! Dé.-Si tu étais un homme,

1 me dvcere avtem194 magna uis in pronominibus posita est, nam me ille sic dicit quasi quem minime deceat, te hic respondet quasi quem maxime oporteat. 2 ineptis uerbum est, quod facit ineptio ineptis ineptit. 3 si tv sis homo non sies. sed sis195 dixit, quasi in eo se hominem sit Aeschinus probaturus. 4 si tv sis homo Aeschine. 5 si sis pro: "si esse uolueris et si credi esse homo uolueris". 6 si tv sis homo hic facete et mire coegit Aeschinum ad persuadendum; non enim dixit si tu sis homo, persuade, sed hic faciat, ut ab illo non factum sed effectum exigeret.
1 me dvcere avtem il y a un grand jeu des pronoms824, car l'un dit me comme s'il disait quem minime deceat (moi qui devrais le moins convenir), et l'autre répond te comme s'il disait quem maxime oporteat (toi qu'il faudrait le plus). 2 ineptis c'est un verbe, qui fait ineptio ineptis ineptit825. 3 si tv sis homo et non pas sies826. Mais il dit sis au subjonctif, comme si Eschine devait prouver dans l'avenir qu'il y a un être humain en lui827. 4 si tv sis homo toi, Eschine. 5 si sis mis pour : "si tu voulais être un jour un être humain, et si tu voulais qu'on te croie tel". 6 si tv sis homo ici, de façon remarquable et amusante, il oblige Eschine à persuader son père ; car il ne dit pas si tu sis homo, persuade (si tu es un homme, persuade-le), mais hic faciat, comme s'il exigeait de lui non un fait mais un résultat.

935
hic faciat. Ae.-mi pater! Mi.-quid tu autem huic, asine, auscultas? De.-nihil agis.
il le ferait. Es.-Mon père ! Mi.-Qu'as-tu, âne, à l'écouter ? Dé.-Tu n'y peux rien.

1 qvid tv avtem hvic asine avscvltas aptum conuicium grandi et fatuo. 2 mi pater mi uocatiuus est casus ab eo quod est meus.
1 qvid tv avtem hvic asine avscvltas insulte qui convient à un homme âgé et extravagant. 2 mi pater mi est le vocatif de meus.

936
fieri aliter non potest. Mi.-deliras. Ae.-sine te exorem, mi pater!
Il ne peut en aller autrement. Mi.-Tu délires. Es.-Laisse-moi te fléchir, père !

1 fieri aliter non potest a necessario. 2 deliras proprie ut uetulo.
1 fieri aliter non potest argument du nécessaire. 2 deliras au sens propre pour un petit vieux.

937
Mi.-insanis; aufer! De.-age, da ueniam filio. Mi.-satin sanus es?
Mi.-Tu es fou ; dégage ! Dé.-Allez, accorde cette grâce à ton fils. Mi.-As-tu tant soit peu de bon sens ?

1 insanis avfer congrue seni deliras, iuueni insanis. 2 Et avfer uel te uel manum, nam rogans manum admouet scilicet dicens mi pater. 3 avfer aufer: aut te aut manum. 4 Aut pro eo quod est abi: ut sit aufer te.
1 insanis avfer il est adapté de dire à un vieillard deliras, à un jeune homme insanis. 2 Et avfer le complément est soit te (enlève-toi de là), soit manum (enlève ta main), car en le sollicitant il bouge sûrement sa main au moment où il dit mi pater. 3 avfer aufer : le complément est soit te (enlève-toi de là), soit manum (enlève ta main). 4 Ou encore au sens de abi (va-t'en) : pour faire aufer te (enlève-toi de là).

938
ego nouus maritus anno demum quinto et sexagesimo
Moi, en jeune marié de tout juste soixante-cinq ans,

1 ego novvs maritvs apud Menandrum senex de nuptiis non grauatur: ergo Terentius εὑρετικῶς. 2 ego novvs maritvs anno demvm qvinto et sexagesimo fiam atqve anvm decrepitam dvcam quis quid quando quomodo: quis ego, quid nouus, quando anno demum quinto et sexagesimo, quomodo «  anum decrepitam ducam 391 ». 3 anno demvm qvinto et sexagesimo haec aetas est, ut Varro ait, etiam comicorum senum. 4 Et demum aduerbium tarditatis est.
1 ego novvs maritvs chez Ménandre, le vieillard ne fait pas de difficulté pour le mariage ; donc Térence fait là une trouvaille (εὑρετικῶς). 2 ego novvs maritvs anno demvm qvinto et sexagesimo fiam atqve anvm decrepitam dvcam qui, quoi, quand, comment828 : qui : ego, quoi : nouus, quand : anno demum quinto et sexagesimo, comment : « anum decrepitam ducam ». 3 anno demvm qvinto et sexagesimo c'est l'âge, selon Varron, qu'ont aussi les vieillards de comédie. 4 Et demum est un adverbe qui marque le retard.

939
fiam atque anum decrepitam ducam? idne estis auctores mihi?
et que j'épouse une vieille décrépite ? C'est ça que vous me conseillez ?

1 atqve anvm decrepitam dvcam facete hoc addidit, tamquam faciendum hoc esset, si puella duceretur seni. 2 idne estis avctores mihi id est persuasores, et Vergilius «  auctor ego a. audendi 392 ». 3 decrepitam decrepitam aut stomacho anili et iracundo aut decrepitam obtusi animi et laesae senectutis aut decrepitam cui saepe moribundae crepuerit planctu familia, id est conclamauerit.
1 atqve anvm decrepitam dvcam il ajoute cela plaisamment, comme s'il était envisageable de le faire au cas où ce serait une jeune fille qui fût la future épouse du veillard. 2 idne estis avctores mihi c'est-à-dire "ceux qui tâchez de me convaincre", et Virgile : « auctor ego audendi » (je t'autorise à oser). 3 decrepitam decrepita à cause de son humeur sénile et irascible, ou decrepita à cause de son esprit obtus et de sa vieillesse mal en point, ou decrepita pour qui, tandis qu'elle se meurt, la maisonnée crépite (crepuerit) de lamentations, c'est-à-dire pousse des cris de concert829.

940
Ae.-fac; promisi ego illis. Mi.-promisti autem? de te largitor, puer!
Es.-Fais-le ; je le leur ai promis. Mi.-Tu as promis ? Mais sois généreux à ton compte, garçon !

1 largitor imperatiuo modo temporis futuri. 2 de te largitor pver acutius de te dictum est quam de tuo. 3 Et bene in eum, qui promiserat puellae coniunctionem suam.
1 largitor impératif futur. 2 de te largitor pver il faut accentuer de te davantage que s'il disait de tuo (avec ton argent). 3 Et c'est bien dit à l'encontre de celui qui avait promis à la jeune femme de s'unir à elle.

941
De.-age, quid si quid te maius oret? Mi.-quasi non hoc sit maximum!
Dé.-Allons, et s'il te demandait quelque chose de plus grave ? Mi.-Comme si ce n'était pas déjà le maximum !

942
De.-da ueniam! Ae.-ne grauare! De.-fac, promitte! Mi.-non omittitis?
Dé.-Accorde-le lui ! Es.-Ne rechigne pas ! Dé.-Fais-le, promets ! Mi.-Vous ne lâchez pas l'affaire ?

1 da veniam "praesta beneficium", "concede quod petitur". 2 ne gravare "ne te difficilem praebeas", quia grauem se dicitur praestare, qui id facile non praestat in beneficio quod potest. 3 da veniam ne gravare fac promitte altrinsecus agentium fatigantiumque uerba sunt.
1 da veniam "prête-toi à ce bienfait", "accepte ce qu'on te demande". 2 ne gravare "ne fais pas ton difficile", parce qu'on dit qu'il se montre grauis (lourd), celui qui ne rend pas facilement service dans un bienfait possible. 3 da veniam ne gravare fac promitte ce sont les paroles de personnages qui, de chaque côté, tentent de le persuader et le harcèlent.

943
Ae.-non, nisi te exorem. Mi.-uis est haec quidem. De.-age, prolixe, Micio.
Es.-Non, à moins de te fléchir. Mi.-Mais c'est du harcèlement. Dé.-Allez, Micion, un beau geste !

age prolixe micio aut age prolixe, id est: "age benigne", ut sit prolixe benigne secundum ueteres, aut per ἀσύνδετον et ἔλλειψιν age correptiuum, ut ad prolixe subaudiatur noster esto aut quid tale et Micio uelut insanis dictum est.
age prolixe micio soit c'est age prolixe, c'est-à-dire : "agis en homme généreux", en sorte que prolixe équivaut à benigne (de façon généreuse) selon les Anciens, soit avec asyndète (ἀσύνδετον) et ellispe (ἔλλειψιν), age est un terme de reproche, en sorte qu'il faut sous-entendre, à côté de prolixe, noster esto (sois des nôtres) ou quelque chose de ce genre830 et Micio est dit comme pour dire insanis (tu es fou).

944
Mi.-etsi hoc mihi prauum, ineptum, absurdum atque alienum a uita mea
Mi.-Bien que cela me paraisse nul, inepte, absurde et contraire à mes principes de vie,

etsi hoc mihi pravvm prauum, si anum ducet nullo commodo suo, ineptum qui non uoto filiorum ducat uxorem, absurdum homini, qui numquam duxerit et numquam ducere uoluerit, alienum196 seni duci uxorem, quae adulescenti ducta non sit.
etsi hoc mihi pravvm prauum, au cas où il épouse la vieille sans aucun avantage pour lui, ineptum s'il épouse une femme contre le souhait de ses fils, absurdum, pour un homme qui ne s'est jamais marié et n'a jamais voulu le faire, alienum, qu'une femme soit donnée en mariage à un vieillard alors qu'aucune ne lui a été donnée quand il était jeune.

945
uidetur, si uos tantopere istuc uultis, fiat. Ae.-bene facis;
puisque c'est ce que vous voulez à toute force, soit. Es.-C'est bien ;

1 si vos tantopere istvc vvltis fiat cur hic non quaeritur de uoluntate Sostratae? an quia illam consentire necesse est propter pauperiem uel ob amorem filiae suae? 2 si vos tantopere istvc vvltis fiat ridicule dixit et comice uxorem se ducere, non quia uelit aut debeat, sed ut obsequatur iubentibus.
1 si vos tantopere istvc vvltis fiat pourquoi ne s'enquiert-on pas ici de la volonté de Sostrata ? Est-ce parce qu'il est nécessaire qu'elle consente, en raison de sa pauvreté et par amour pour sa fille ?831 2 si vos tantopere istvc vvltis fiat il dit de façon risible et comique que s'il prend épouse, ce n'est pas pas pace qu'il le veut ou qu'il le doit, mais pour obéir aux injonctions de ses interlocuteurs.

946
merito te amo. De.-uerum. quid ego dicam, hoc cum confit quod uolo?
je t'aime à bon escient. Dé.-C'est vrai. Et maintenant, que lui proposer, puisque se réalise tout ce que je veux ?

hoc confit qvod volo perficitur, inquit, quod uolo, ut sumptum et turbam domum recipiat Micio et ego ineam gratiam.
hoc confit qvod volo "est accompli, dit-il, ce que je souhaite", à savoir que Micion ait de la dépense et des ennuis chez lui, et que moi je rentre dans les bonnes grâces de chacun.

947
quid? nunc quod restat, Hegio est his cognatus proximus,
Ah ? Pour le reste, il y a Hégion, son plus proche parent,

1 qvid nvnc qvod restat pro quod sequitur. 2 An quod restat tamquam reliquiae rerum priorum ac per hoc minimum? 3 hegio est his cognatvs proximvs commendatio personae quasi notae etiam Micioni ob merita sua. 4 Et bene addidit proximus, nam multi gradus et ueluti rami sunt propinquitatis in affinitate et cognatione dispositi.
1 qvid nvnc qvod restat pour quod sequitur (ce qui s'ensuit). 2 A moins que quod restat ne désigne le reste de la situation initiale et qui, par là même a peu d'importance ? 3 hegio est his cognatvs proximvs recommandation de la personne, qui se trouve être connue aussi de Micion grâce à ses mérites. 4 Et il fait bien d'ajouter proximus, car il existe beaucoup de degrés et, pour ainsi dire, de branches de proximité dans l'alliance et la parenté.

948
affinis nobis, pauper; bene nos aliquid facere illi decet.
un ami à nous, pauvre ; nous devons lui faire un peu de bien.

1 affinis nobis recte, nam uxoris cognati affines marito sunt. 2 pavper iam hoc nomine apparet aliquid flagitari.
1 affinis nobis correct, car les parents de l'épouse sont les alliés de l'époux. 2 pavper ici, sous ce nom, il appert qu'il y a un peu de reproche.

949
Mi.-quid facere? De.-sub urbe est agelli hic paululum986 quod locitas foras;
Mi.-Quel genre de bien ? Dé.-Il y a à côté de la ville ce petit domaine de rien que tu loues au dehors ;

1 qvod locitas foras foras dixit locum pro persona ponens, quasi diceret nescio cui alieno. sic et nos dicimus audi: quid dicit ecce hac? pro ecce hic. et Cicero «  hic tum alius ex alia parte 393 ». deest ergo aliquid, ut sit: quod locitas foras uersum. 2 Aut si foris, foris posito, id est "alieno". 3 svb vrbe est agelli pavlvlvm totum cum contemptione pronuntiandum.
1 qvod locitas foras il dit foras en mettant un complément de lieu pour désigner une personne, comme s'il disait "à je ne sais qui". Ainsi disons-nous nous aussi : audi : quid dicit ecce hac ? (écoute : qu'est-ce qu'il dit de ce côté ?) pour ecce hic (celui-ci)832. Et Cicéron : « hic tum alius ex alia parte » (là alors, un autre d'un autre côté)833. Il manque donc quelque chose, pour faire : quod locitas foras uersum (ce terrain que tu loues, tourné vers l'extérieur). 2 Ou bien si c'est foris qu'il faut lire, comprendre foris posito (sis à l'extérieur), c'est-à-dire "que tu loues à un étranger". 3 svb vrbe est agelli pavlvlvm il faut prononcer tout cela avec une pointe de mépris.

950
huic demus qui fruatur. Mi.-paululum id autem est? De.-si multum est, tamen
donnons-le-lui pour qu'il en dispose. Mi.-C'est ça le petit rien ? Dé.-Si c'est beaucoup, néanmoins

1 hvic demvs qvi frvatvr id est: "qui fructum capiat", non "proprietate potiatur". proprie ergo et quasi de iure dixit fruatur. 2 frvatvr autem est alatur, quia frumen dicitur summa gula, per quam cibum lingua demittit in uentrem.
1 hvic demvs qvi frvatvr c'est-à-dire : "pour qu'il en ait l'usufruit", non "la propriété". C'est donc au sens propre et au sens juridique, presque, qu'il dit fruatur. 2 Quant à frvatvr c'est alatur (qu'il s'en nourrisse), parce que frumen est le nom du haut de l'œsophage par lequel la langue fait passer la nourriture dans l'estomac834.

951
faciendum est; pro patre huic est, bonus est, noster est, recte datur.
il faut le faire ; il est comme un père pour la petite, il est bon, il est des nôtres, on fait un cadeau juste.

1 bonvs est noster est recte datvr ἐπιτροχασμός hortantis et ἀσύνδετον multa congerentis. 2 noster est bene addidit, namque dixit pro patre huic est. 3 bonvs est potuit responderi quid mea?. 4 recte datvr quasi non quaeratur, an dandum sit, sed illud solum, an recte, quaeratur. 5 bonvs est noster est haec omnia uultuose, tamquam inuidiam faciat parsimoniae Micioni. 6 Et plus significat noster, quam si addatur quid noster?
1 bonvs est noster est recte datvr épitrochasme (ἐπιτροχασμός) pour encourager et asyndète (ἀσύνδετον) pour rassembler plusieurs éléments. 2 noster est bon ajout, car il a dit pro patre huic est. 3 bonvs est on aurait pu répondre quid mea ? (en quoi cela me concerne-t-il ?)835. 4 recte datvr comme si la question n'était pas de savoir s'il faut donner mais seulement si l'on a raison de donner. 5 bonvs est noster est tout cela avec un jeu de physionomie, comme s'il critiquait la réticence à donner de Micion. 6 Et il dit plus en disant noster, que s'il ajoutait quid noster ? (et notre Hégion ?).

952
postremo non meum illud uerbum facio quod tu, Micio,
Après tout, cet adage n'est pas de moi mais de toi, Micion,

1 non illvd verbvm facio197 nunc uerbum pro ἀξίωματe posuit, quod uno stringitur uerbo. Ergo uerbum breuis sententia. 2 non mevm illvd facio198 nota uerbum pro sententia, ut «  uno uerbo dic, si quid est quod me uelis 394 » et «  miseram me, quod uerbum audio! 395 ». 3 verbvm dixit ueram sententiam, nam uerba a ueritate dicta esse testis est Varro.
1 non illvd verbvm facio ici, il a mis uerbum au sens d'un énoncé (ἀξίωμα) qui est attaché à un seul verbe836. Donc uerbum a le sens de "brève maxime". 2 non mevm illvd facio notez que uerbum est mis pour sententia, comme dans : « uno uerbo dic, si quid est quod me uelis », et : « miseram me, quod uerbum audio ! ». 3 Il dit uerbum au sens de uera sententia (énoncé vrai), car uerba vient de ueritas (vérité) au témoignage de Varron.

953
bene et sapienter dixti dudum: uitium commune omnium est
que tu as fort bien dit tout à l'heure : le défaut général des hommes,

954
quod nimium ad rem in senecta attenti sumus; hanc maculam nos decet
c'est que dans la vieillesse nous sommes trop attentifs aux questions d'argent ; cette tare, nous devons

1 hanc macvlam nos decet effvgere maculam τῷ χλευασμῷ dicit irridens opinionem Micionis, quia parsimoniam maculam putet. 2 Et simul auxit primo uitium, deinde maculam dicendo.
1 hanc macvlam nos decet effvgere il dit maculam par raillerie (τῷ χλευασμῷ), en se moquant de l'avis de Micion, parce qu'il estime que l'avarice est une tache. 2 Et en même temps il fait une amplification en disant d'abord uitium, ensuite maculam.

955
effugere; et dictum est uere et re ipsa fieri oportet. Ae.-mi pater!
la fuir ; le dicton est vrai et il faut le mettre en pratique. Es.-Mon père !

956
Mi.-quid istic? dabitur, quando quidem hic uult. De.-gaudeo;
Mi.-Quoi ? Bon, on le donnera, puisque c'est ce qu'il veut. Dé.-Je m'en réjouis ;

957
nunc tu germanus es pariter animo et corpore.
maintenant tu es vraiment mon frère, pareil à moi moralement et physiquement.

958a
suo sibi gladio hunc iugulo.
C'est avec son propre glaive à lui que je l'égorge !

1 svo sibi gladio hvnc ivgvlo ἀλληγορία. 2 Non suo sed suo sibi moraliter et ut ueteres solent loqui.
1 svo sibi gladio hvnc ivgvlo allégorie (ἀλληγορία). 2 Il ne dit pas suo mais suo sibi de façon caractéristique et selon l'usage des Anciens.

scaena nona

Demea Aeschinus Micio Syrus

958b | 959 | 960 | 961 | 962 | 963 | 964 | 965 | 966 | 967 | 968 | 969 | 970 | 971 | 972 | 973 | 974 | 975 | 976 | 977 | 978 | 979 | 980 | 981 | 982 | 983 | 984 | 985 | 986 | 987 | 988 | 989 | 990 | 991 | 992 | 993 | 994 | 995 | 996 | 997

958b
Sy.-factum est quod iussisti, Demea,
Sy.-On a fait selon tes ordres, Déméa,

factvm est qvod ivssisti demea id est: diruta est maceria.
factvm est qvod ivssisti demea c'est-à-dire : le muret est détruit.

959
De.-frugi homo es. ergo edepol hodie mea quidem sententia
Dé.-Tu es un homme de confiance. Aussi, ma foi, aujourd'hui, à mon avis,

1 frvgi homo es utilis ut fruges. 2 ergo edepol hodie mea qvidem sententia ivdico syrvm fieri libervm hoc est iamdudum quod promiserat Syro, sed nunc opportune: uidetur enim modo meritum praecessisse. 3 Et sententia ivdico περισσολογία est.
1 frvgi homo es utile comme les céréales (fruges). 2 ergo edepol hodie mea qvidem sententia ivdico syrvm fieri libervm c'est ce qu'il avait promis depuis quelque temps à Syrus, mais c'est maintenant le moment : il semble en effet que tantôt son mérite ait progressé. 3 Et sententia ivdico enoncé verbeux (περισσολογία).

960
iudico Syrum fieri esse aequum liberum987. Mi.-istunc liberum?
je juge qu'il est légitime que Syrus devienne un homme libre. Mi.-Lui, libre ?

961
quod nam ob factum? De.-multa. Sy.-o noster Demea, edepol uir bonus es!
Et à quel titre ? Dé.-A de nombreux. Sy.-O notre cher Déméa, ma foi quel homme de bien tu es !

1 mvlta oratorie maluit generaliter multa dicere, quam quaerere specialiter, quod inuenire non posset. 2 Et Micio singulariter unum quaerit, hic pluraliter multa respondet. 3 qvod nam ob factvm a iure199: adscribi enim causas manumissionis in iure formula est. 4 edepol vir bonvs iurat bonum, quia praeter opinionem est.
1 mvlta de façon oratoire, il préfère dire multa comme une généralité plutôt que de chercher des détails spécifiques qu'il ne saurait trouver. 2 Et Micion pose la question au singulier, lui répond multa au pluriel. 3 qvod nam ob factvm formule juridique : car c'est la formule en droit qui impose d'inscrire les raisons d'un affranchissement. 4 edepol vir bonvs il accompagne bonus d'un serment, parce que c'est contre les idées reçues837.

962
ego istos uobis usque a pueris curaui ambos sedulo,
C'est moi qui, depuis qu'ils sont tout petits, vous ai élevé ces deux-là avec ardeur,

ego istos vobis vsqve a pveris intellegit Syrus laborantem pro se Demeam non habere quod dicat, et ideo ipse prosequitur ordinem meritorum, quem200 apparet paedagogum fuisse.
1 ego istos vobis vsqve a pveris Syrus comprend que Déméa, qui travaille pour ses intérêts, ne trouve rien à dire, alors il poursuit lui-même la liste de ses mérites, lui dont il appert qu'il était pédagogue838.

963
docui, monui, bene praecepi semper quae potui omnia.
j'ai prodigué leçons, conseils, bons préceptes, toujours, autant que j'ai pu.

1 docvi monvi bene praecepi ridicule adduntur, sed tamen consuetudine, quia imputantur etiam facta praue pro bonis. 2 qvae potvi omnia bene quae potui quasi plura uellet.
1 docvi monvi bene praecepi ce sont des ajouts pour faire rire, mais tout de même selon l'usage, parce que même des actes mauvais sont comptés comme bons. 2 qvae potvi omnia bien dit quae potui, comme s'il voulait en désigner beaucoup.

964
De.-res apparet et quidem porro haec: opsonare cum fide,
Dé.-La chose est claire, et il y a aussi ces suppléments : faire le marché avec loyauté,

res apparet mire irridet Demea, sic tamen, ut serio agere uideatur.
res apparet de façon remarquable, Déméa se moque de manière à paraître tout de même parler sérieusement.

965
scortum adducere, apparare de die conuiuium:
faire venir de la fille, préparer un banquet en plein jour :

apparare de die convivivm id est repente, neque ante praedictum aut pridie constitutum.
apparare de die convivivm c'est-à-dire soudain, sans que la chose ait été prévue ni programmée de la veille.

966
non mediocris hominis haec sunt officia. Sy.-o lepidum caput!
voilà des services qui ne sont pas ceux d'un homme ordinaire. Sy.-O quel être exquis !

967
De.-postremo hodie in psaltria hac emenda hic adiutor fuit,
Dé.-Enfin, aujourd'hui, il a contribué à l'achat de cette musicienne,

1 postremo hodie in psaltria hac emenda hic adivtor fvit et hoc totum serio dicitur, ut magis ridiculum uideatur. 2 hic adivtor fvit in re bona adiutores, in mala impulsores dicuntur. ergo hic adiutor dicitur Syrus a non irascente, a criminante autem et irato impulsor. 3 hic adivtor fvit hic cvravit de more repetitum est hic, cum dicitur hic adiutor fuit, hic curauit. sic enim solemus onerare audientem meritis eius, quem laudamus. deinde quid non praestitit, qui et officium corporis ut adiutor et curam animi praebuit ut consultor?
1 postremo hodie in psaltria hac emenda hic adivtor fvit et tout cela se dit sur un ton sérieux, pour que cela paraisse plus drôle. 2 hic adivtor fvit on dit adiutor (auxiliaire) pour des actes positifs, impulsor (instigateur) pour des actes négatifs. Donc ici Syrus est appelé adiutor par un Déméa qui n'est pas en colère, mais s'il était accusateur et courroucé, il dirait impulsor. 3 hic adivtor fvit hic cvravit il est dans son caractère quand il répète hic, en disant hic adiutor fuit, hic curauit. C'est ainsi en effet que nous rebattons d'ordinaire les oreilles de l'auditeur avec les mérites de celui dont nous faisons l'éloge. Ensuite, que n'a-t-il pas fait, lui qui a offert les services de son corps en qualité d'auxiliaire et le travail de son esprit en qualité de conseiller ?

968
hic curauit: prodesse aequum est; alii meliores erunt;
c'est lui qui a réglé l'affaire : il est juste qu'on lui rende service ; les autres s'amélioreront ;

969
denique hic uult fieri. Mi.-uin tu hoc fieri? Ae.-cupio. Mi.-siquidem
enfin, c'est ce que celui-ci veut. Mi.-C'est ce que tu veux ? Es.-Je le souhaite. Mi.-Donc, puisque

deniqve hic vvlt fieri abutitur Demea sciens prodigam uoluntatem adulescentuli.
deniqve hic vvlt fieri Déméa abuse, en connaissant la prodigalité volontaire du jeune homme.

970
tu uis... Syre, eho accede huc ad me; liber esto. Sy.-bene facis.
tu le veux... Hé Syrus, approche jusqu'à moi ; sois libre. Sy.-Beau geste.

1 syre accede hvc ad me utrum ut eundem manu emittat an ut palam fiat, iubet propius accedere iuris publici consuetudinem ludens? 2 Et uide quam comicam manumissionem quam facete induxerit atque condigne!
1 syre accede hvc ad me est-ce pour l'affranchir encore ou pour que cela se fasse en public qu'il lui ordonne de s'approcher en se jouant des règles du droit public ?839 2 Et voyez quel affranchissement comique il montre, comme il est drôle et conforme aux convenances !

971
omnibus gratiam habeo, et seorsum tibi praeterea, Demea.
A tous, merci, et tout particulièrement à toi, Déméa.

et seorsvm tibi praeterea demea effecit Demea plus quam uolebat: nam qui amari conabatur, praefertur his etiam qui amantur.
et seorsvm tibi praeterea demea Déméa a obtenu plus qu'il ne voulait : car lui qui voulait qu'on l'aime, voilà qu'on le préfère désormais à ceux qu'on aime.

972
De.-gaudeo. Ae.-et ego. Sy.-credo. utinam hoc perpetuum fiat gaudium,
Dé.-Je m'en réjouis. Es.-Et moi aussi. Sy.-Je vous crois. Puisse cette joie être éternelle,

1 gavdeo et ego gratulantium Syro uoces sunt, quibus de more illo credo respondet. 2 vtinam hoc perpetvvm fiat gavdivm integrum, solidum et nusquam interruptum.
1 gavdeo et ego ce sont des paroles de félicitation à Syrus, auxquelles il répond, selon son caractère, credo. 2 vtinam hoc perpetvvm fiat gavdivm une joie entière, solide et en tous points continue.

973
Phrygiam ut uxorem meam una mecum uideam liberam!
et que je puisse voir ma femme Phrygia libre en même temps que moi !

1 phrygiam vt vxorem meam ut ipse Syrus, ita Phrygia uxor secundum ueteres, qui seruis nomina a nationibus imponebant. 2 vna mecvm videam liberam hoc sic pronuntiandum est, quasi gaudeat se recordatum de ea, quod cum ultro cogitare habuisset, paene oblitus fuit.
1 phrygiam vt vxorem meam comme on a Syrus, on a Phrygia, son épouse, suivant les habitudes des Anciens qui donnaient aux esclaves des noms ethniques. 2 vna mecvm videam liberam il faut prononcer cela comme s'il était content de se souvenir d'elle, parce qu'à force de réfléchir par soi-même il a failli l'oublier.

974
De.-optimam quidem mulierem. Sy.-et quidem tuo nepoti huius filio
Dé.-Une excellente femme. Sy.-Et qui, à ton petit-fils, le fils de celui-ci,

975
hodie prima mammam dedit haec. De.-hercle uero serio,
aujourd'hui a été la première à donner le sein. Dé.-Morbleu, vraiment, sérieusement,

1 hodie prima mammam dedit haec ridiculum meritum, siquidem oportuerit primam esse quamcumque. 2 An quia causa est, qua ingenui dicuntur serio a nutricibus liberis educendi? 3 hercle vero serio aduerbia sunt confirmantia cum παρέλκοντe.
1 hodie prima mammam dedit haec mérite risible, puisque la première aurait pu être n'importe qui. 2 Ou est-ce parce qu'on dit sérieusement que les enfants libres doivent être élevés par des nourrices libres ? 3 hercle vero serio ce sont des adverbes de confirmation avec pléonasme (παρέλκον).

976
siquidem prima dedit, haud dubium est quin emitti aequo siet.
puisqu'elle l'allaité la première, nul doute qu'il soit juste de l'affranchir.

977
Mi.-ob eam rem? De.-ob eam; postremo a me argentum quanti est sumito.
Mi.-A ce titre ? Dé.-A ce titre ; enfin reçois de ma part l'argent qu'elle vaut.

1 ob eam rem hoc eo uultu dicitur, quo rem ueluti excutimus et ostendimus momenti esse nullius. 2 argentvm qvanti est svmito quanto pretio ualet. 3 argentvm qvanti est svmito hoc uerbo tenus, ut faciunt qui persuadere aliquid cupiunt.
1 ob eam rem il faut dire ça avec l'air qu'on prend quand on se débarrasse d'une affaire et qu'on montre qu'elle est sans importance. 2 argentvm qvanti est svmito autant qu'elle en vaut. 3 argentvm qvanti est svmito en paroles seulement, comme font ceux qui veulent persuader de quelque chose.

978
Sy.-di tibi, Demea, omnes semper omnia optata afferant988!
Sy.-Que les dieux, Déméa, tous les dieux, t'apportent pour toujours tout ce que tu souhaiteras !

di tibi demea omnes semper omnia optata afferant omnes omnia antiqua elegantia et figurata.
di tibi demea omnes semper omnia optata afferant omnes omnia relève de l'élégance et des figures des Anciens.

979
Mi.-Syre, processisti hodie pulchre. De.-siquidem porro, Micio989,
Mi.-Cher Syrus, tu as joliment avancé aujourd'hui ! Dé.-Surtout si pour aller plus loin, Micion,

1 processisti hodie pvlchre nunc uere pulchre processit Syrus. 2 siqvidem tv tvvm officivm facies hoc est patroni, ut libertum non deseras sed alas manumissum. Plautus «  facis melius quam pars lenonum, qui libertos habent et eos deserunt 396 »201.
1 processisti hodie pvlchre maintenant, vraiment, Syrus a fait une belle avancée. 2 siqvidem tv tvvm officivm facies c'est-à-dire le devoir d'un patron, celui de ne pas abandonner un affranchi mais de l'entretenir après l'avoir libéré. Plaute : « facis melius quam pars lenonum, qui libertos habent et eos deserunt » (tu fais mieux que beaucoup de proxénètes qui ont des affranchis et les abandonnent)840.

980
tu tuum officium facies atque huic aliquid paullum prae manu
tu fais, toi, ton devoir et lui donnes quelque chose de la main à la main

981
dederis unde utatur; reddet tibi cito. Mi.-istoc uilius.
pour son usage ; il te le rendra vite. Mi.-Moins que ça !

1 dederis vnde vtatvr utatur uiuat, quia usura uita dicitur, ut «  unius usuram horae gladiatori isti non dedissem 397 ». 2 An unde utatur de suo fructum usumque capiat et cuius tibi sortem reddat? et hoc melius, nam ideo addidit reddet tibi cito. 3 istoc vilivs hoc egit Terentius, ut conuersis officiis usque adeo prodigum faceret Demeam, donec parciorem redderet Micionem. 4 istoc vilivs quasi nihil minus; negatio est enim floccum ostendentis aut quid tale cum ἐλλείψει, qua subauditur quicquam et non dabo.
1 dederis vnde vtatvr utatur signifie uiuat (vivre), parce que usura (usage, usure) signifie uita (vie), comme dans : « unius usuram horae gladiatori isti non dedissem » (je n'aurais pas donné à ce gladiateur l'usage d'une seule heure)841. 2 Ou bien est-ce que unde utatur signifie de prendre sur son capital le produit et l'usage et de t'en rendre le capital avec les intérêts ? Et c'est une meilleure solution, car il ajoute pour cette raison : reddet tibi cito. 3 istoc vilivs Térence a réussi à faire faire un prodige à Déméa en inversant les valeurs, jusqu'à rendre Micion plus économe. 4 istoc vilivs pour ainsi dire rien ou peu ; car c'est une manière de nier en montrant un flocon ou quelque chose de ce genre, avec une ellipse (ἐλλείψει) où l'on sous-entend quicquam (rien) et non dabo (je ne donnerai)842.

982
Ae.-frugi homo est. Sy.-reddam hercle, da modo. Ae.-age, pater. Mi.-post consulam.
Es.-C'est un homme de confiance. Sy.-Je rendrai, ma foi, donne seulement. Es.-Allez, père. Mi.-J'aviserai plus tard.

983
De.-faciet. Sy.-o uir optime! Ae.-o pater mi festiuissime!
Dé.-Il le fera. Sy.-O le meilleur des hommes ! Es.-O mon père si affable !

1 faciet ne quid negatum in fine fabulae uideatur, addidit Demea faciet. 2 Et faciet hoc potens et irridens quasi de prodigio dicit. 3 Et mire faciet, quia nec credibile erat statim consensurum qui negauerat et perpetua negatio esse in fine non debuit.
1 faciet pour ne pas qu'il semble y avoir du négatif à la fin de la pièce, Déméa ajoute faciet. 2 Et faciet il dit cela en puissant et comme s'il se moquait d'une chose prodigieuse. 3 Et faciet est remarquable, parce que d'un côté il n'était pas crédible de voir consentir aussitôt quelqu'un qui avait refusé, d'un autre côté il ne devait pas y avoir un refus perpétuel dans une fin de pièce843.

984
Mi.-quid istuc? quae res tam repente mores mutauit tuos?
Mi.-Qu'est-ce donc ? Quel événement soudain a changé ton caractère ?

qvid istic qvae res tam repente mores mvtavit tvos animaduertendum est, qua calliditate Terentius quaerens finem fabulae complere laetitia, per ipsum Demeam muneratur uniuersos, qui in tota comoedia tristis ac saeuus interturbauit et uociferatus est.
qvid istic qvae res tam repente mores mvtavit tvos il faut remarquer avec quelle adresse Térence, désireux de saturer cette fin de pièce d'événements heureux, fait donner par Déméa lui-même des cadeaux à chacun alors que dans toute la comédie, morose et sévère, il a fait obstacle à tout et a passé son temps à vociférer.

985
quod prolubium...? quae istaec subita est largitas? De.-dicam tibi:
Quel caprice... ? D'où te vient cette soudaine largesse ? Dé.-Je vais te le dire :

1 qvod prolvbivm prolubium Latine, quod Graeci προθυμία , id est promptus animus ad largiendum. 2 svbita est largitas repentina, ac per hoc ipsa est ingrata et immoderata, ut euenit, cum ex nimis parcis non largi et202 liberales, sed effusi prodigique redduntur.
1 qvod prolvbivm prolubium en latin est ce que les Grecs appellent προθυμία , à savoir un esprit enclin à distribuer844. 2 svbita est largitas soudaine, et par là même désagrable et immodérée, comme il arrive quand des gens trop chiches se transforment non pas en personnes pleines de largesse et généreuses, mais en dépensiers et en gaspilleurs.

986
ut id ostenderem, quod te isti facilem et festiuum putant,
c'est pour te montrer que si ces gens-là te trouvent facile et affable,

1 vt id ostenderem abundat id, non ἔλλειψις est pro propter id. 2 qvod te isti facilem et festivvm pvtant multum detraxit Micioni dicendo te isti putant, per quod significatur errare adulescentes et hunc non esse festiuum. 3 qvod te isti facilem et festivvm pvtant bene in postremo dignitas personae huius seruata est, ne perpetuo commutata uideretur, ut Truculenti apud Plautum.
1 vt id ostenderem id est superflu, mais ce n'est pas une ellipse (ἔλλειψις) pour propter id (à cause de cela). 2 qvod te isti facilem et festivvm pvtant il a beaucoup enlevé à Micion en disant te isti putant, par quoi il signale que les jeunes gens se sont trompés et qu'il n'est pas d'humeur badine. 3 qvod te isti facilem et festivvm pvtant c'est bien que pour finir la qualité fondamentale de ce personnage soit préservée et qu'elle ne paraisse pas avoir été modifiée pour jamais, comme la personnalité du héros du Truculentus chez Plaute845.

987
id non fieri ex uera uita neque adeo ex aequo et bono,
cela ne vient pas de ton vrai mode de vie, ni tellement de la justice et de la bonté,

988
sed ex adsentando, indulgendo et largiendo, Micio.
mais de la complaisance, du laxisme et du gaspillage, Micion.

1 indvlgendo attendendum est indulgentiam a Demea culpae adscribi denuo. 2 et largiendo micio seuere additum nomen est uerbis ex animo plorantis.
1 indvlgendo il faut remarquer que l'indulgence est à nouveau versée du côté des fautes par Déméa. 2 et largiendo micio avec sévérité il ajoute aux mots le nom propre de celui qui est en train de pleurer spontanément.

989
nunc adeo si ob eam rem uobis mea uita inuisa, Aeschine, est
Et si jusqu'à présent ce qui vous a rendu mon mode de vie odieux, Eschine,

990
quia non iusta iniusta prorsus omnia omnino obsequor,
c'est que je ne laisse pas totalement tout faire, juste ou injuste,

1 qvia non ivsta inivsta prorsvs omnia omnino obseqvor prouerbiales sunt huiusmodi elocutiones: fanda nefanda, digna indigna, uelis nolis etc. 2 Fuit ueteribus usitatum iusta iniusta, digna indigna, fas nefas.
1 qvia non ivsta inivsta prorsvs omnia omnino obseqvor de tels énoncés sont proverbiaux : fanda nefanda (dicibles ou indicibles), digna indigna (mérités ou immérités), uelis nolis (bon gré mal gré), etc. 2 Les Anciens utilisaient ces tours iusta iniusta, digna indigna (mérités ou immérités), fas nefas (permis, défendu)846.

991
missa facio; effundite, emite, facite quod uobis libet.
alors j'y renonce ; gaspillez, achetez, faites ce que bon vous semble.

1 effvndite emite facite effundite ad Aeschinum pertinet, emite ad Ctesiphonem, facite ad omnes. 2 facite qvod vobis libet prope rediit rursus ad amaritudinem pristinam. 3 Haec ἐπιτροπή est figura, qua inuitos nos permittere ostendimus quod nolumus fieri.
1 effvndite emite facite effundite renvoie à Eschine, emite à Ctésiphon, facite à tous. 2 facite qvod vobis libet il est quasiment revenu à son aigreur initiale. 3 C'est la figure d'invocation à autrui (ἐπιτροπή), par laquelle nous montrons que c'est malgré nous que nous permettons quelque chose que nous ne voulons pas.

992
sed si uultis potius, quae uos propter adulescentiam
Mais si vous préférez, à l'égard de ce qui, en raison de votre jeune âge,

qvae vos propter advlescentiam minvs videtis hic ostendit Terentius magis Demeam simulasse mutatos mores quam mutauisse.
qvae vos propter advlescentiam minvs videtis ici Térence montre que Déméa a davantage fait semblant de changer de caractère qu'il n'en a changé en réalité.

993
minus uidetis, magis impense cupitis, consulitis parum,
vous rend moins claivoyants, avides sans modération, trop irréfléchis,

minvs videtis magis impense cvpitis consvlitis parvm ποικιλία: minus, magis, parum.
minvs videtis magis impense cvpitis consvlitis parvm variété (ποικιλία) : minus, magis, parum847.

994
haec reprehendere et corrigere me et obsecundare in loco,
que je vous reprenne, vous corrige, vous seconde à l'occasion,

1 haec reprehendere et corrigere et obsecvndare in loco tribus tria redduntur et utraque αὐξητικῶς, illa in malam partem superiora, haec in bonam quae inferiora sunt. non tantum enim culpae est minus prouidere quam impense cupere, nec tantum mali est impense cupere quam parum consulere. non tantum enim culpae est minus prouidere quam impense cupere, nec tantum mali est impense cupere quam parum consulere. item reprehendere bonum est, melius corrigere, optimum secundare; nam qui reprehendit, non continuo et corrigit, qui corrigit, non illico secundat, id est laetissimum reddit et fidelissimum. alii secundare obsequi dictum putant et ideo additum in loco, quasi non semper faciendum sit. 2 Ergo obsecvndare uel in melius conuertere uel obsequi intellegimus.
1 haec reprehendere et corrigere et obsecvndare in loco aux trois éléments précédents répondent trois éléments, et dans les deux cas il y a amplification (αὐξητικῶς), la série antérieure en mauvaise part, la série suivante en bonne part. Non seulement en effet il est moins fautif d'être moins prévoyant que d'être avide sans modération, et il n'y a pas autant de mal à être avide sans modération qu'à être trop irréfléchi. De même, il est bien de reprendre, il est mieux de corriger, il est excellent de seconder ; car celui qui reprend ne corrige pas sans arrêt, celui qui corrige ne seconde pas tout de suite, c'est-à-dire ne rend pas très heureux et plein de confiance. Certains pensent que secundare signifie obsequi (complaire) et que c'est pour cela qu'il ajoute in loco, comme si ce n'était pas toujours qu'il fallait le faire. 2 Donc obsecvndare se comprend soit comme in melius conuertere (changer en mieux) soit obsequi (complaire).

995
ecce me qui id faciam uobis. Ae.-tibi, pater, permittimus;
me voici prêt à le faire pour vous. Es.-Nous nous en remettons à toi, père ;

tibi pater permittimvs noluit Terentius ab amoribus filiorum perpetuo repulsum patrem.
tibi pater permittimvs Térence ne veut pas que le père soit perpétuellement tenu à l'écart de l'affection de ses fils.

996
plus scis quid opus facto est. sed de fratre quid fiet? De.-sino
tu sais mieux ce qu'il faut faire. Mais pour mon frère, que va-t-il se passer ? Dé.-Je l'autorise

sino habeat in istac finem faciat haec quidem permissio est, sed exceptionem in se continet et cum quodam stomacho et uelut minaci denuntiatione profertur.
sino habeat in istac finem faciat c'est certes une permission, mais elle contient en elle-même une restriction et elle est proférée avec une certaine colère et une sorte d'accusation menaçante.

997
habeat; in istac finem faciat. Mi.-istuc recte. Cantor-plaudite!
à la garder ; qu'il finisse avec elle. Mi.-Voilà qui est juste. Chef de troupe-Applaudissez !

in istac finem faciat hoc est aut: ne aliam amet, aut: ne alteram comparet, ne post istam luxuriet cura alterius. 2 recte bene et Micio non discessit de proposito suo, qui ut peccasse alias ostenderet fratrem ob nimiam asperitatem, cum exceptione quadam laudans uerba eius istuc recte dixit, quasi diceret non ut cetera, et simul reposuit ei, qui supra dixerat «  quod te isti facilem et festiuum putant 398 ».
in istac finem faciat à savoir soit : qu'il n'en aime pas une autre, soit : qu'il ne s'en achète pas une autre, qu'après celle-ci il ne se jette pas dans la débauche par amour d'une autre. 2 recte il est bien que Micion ne s'éloigne pas de son projet, lui qui, pour montrer qu'en d'autres circonstances son frère avait commis des erreurs à cause de son excessive sévérité, dit en faisant l'éloge de ses paroles, avec une certaine restriction, istuc recte, comme s'il disait non ut cetera (mais non pas le reste), et en même temps il lui rend la pareille, à lui qui avait dit : « quod te isti facilem et festiuum putant ».

Notes

1. Inexplicablement, cette section est numérotée "4*" chez Wessner. Nous corrigeons et rectifions les numéros suivants en conséquence.2. Wessner éditait "mensibus <Aeschinum> credit sibi ipsi", ajoutant après Estienne le nom du personnage qui fonctionne comme le sujet indispensable de l'infinitive. Mais V nous met sur la voie en lisant "ipse" au lieu de "ipsi". C'est sans doute dans ce pronom qu'il faut chercher le sujet de l'infinitive : nous rétablissons donc "ipsum", malgré un manque de clarté assez net pusique le dernier personnage masculin cité est Ctésiphon et non Eschine.3. Le texte corrompu dat "†amab†" est ici édité "dat amanti" (selon une conjecture de Wessner dans son app. cr.), ce qui donne un sens satisfaisant.4. Le mot "dat" est une conjecture habile de Wessner. Sans cet ajout, le texte ne se comprend pas. La séquence "daedat" a dû provoquer une haplographie ancienne.5. "Sostratae, liberationem" est un ajout de Reifferscheid, suivi par Wessner. C'est indispensable au sens ; il s'est produit un saut de "conciliationem" à "liberationem".6. Wessner complétait le lemme en "observari et <ad.> rapere", pour se conformer au texte térentien. C'est inutile : il arrive souvent que Donat saute un mot dans le lemme. En outre ce qui est en cause dans le commentaire, ce sont les verbes : on n'a donc pas besoin spécifiquement de "aduersarios".7. La conjonction "cum" est ajoutée par Wessner, à juste titre. La succession "cum cum" a été simplifiée, d'évidence.8. Wessner suivait une conjecture d'Estienne, qui rend certes le texte plus limpide, "producta I". Mais le texte, par exemple de CV, "producte", quoique assez implicite, se comprend.9. "Te" est un ajout de Wessner, logique, puisque c'est ce pronom qui est explicité dans la scholie.10. Wessner ajoutait entre le lemme et la scholie "<ut sit: irata>". C'est absolument inutile.11. Nous rendons au vers 32 le plus gros de ce que Wessner attribuait au vers 33, en renumérotant les scholies concernées en conséquence. De fait, la séquence "aut te amare cogitat", même si elle est souvent traitée de pair avec la suite, qui constitue le vers 33, figure bien dans le vers 32. Nous suivons donc l'usage établi par Wessner lui-même qui consiste à coupler les scholies au vers qui contient le premier mot du lemme. En l'espèce, ce que Wessner désignait sous l'appellation 33 1- 5 est renuméroté 32 2-6 ; 33 6 devient 33 (et reste le seul lemme attribuable au vers 33).12. Wessner postulait ici un peu vraisemblable "ἐμφατικώτερον", qu'il déduisait du seul "non", unanime dans les mss., au motif que la plupart des mss. ont dans la suite "quam si diceret". Mais il suffit d'adopter la leçon de V, qui a "quasi" au lieu de "quam si" pour obtenir à peu de frais une leçon tout à fait satisfaisante.13. Nous conservons "dicit", postulé par Wessner, même si le tour sans verbe (dont témoignent les mss.) est assez dans la manière du grammairien.14. Wessner éditait "Πάμφιλος ἔχοι †νιων πωλουμενον", d'après un texte approximatif noté par le seul ms. A et par le codex Cujas (voir les Observationes de Lindenbrog (1623), p. 640). De ce texte ressort nettement une finale "EXOINIωNπωλουμενον", qui a pu faire penser au subtil Cazaubon (cité par Lindenbrog, ibid.) à une formule "Εἶτα φίλης σχοινίῳ ᾿μποδούμενον" (ensuite, empêtré dans la chaîne de sa maîtresse), avec la métaphore du mariage et de la corde au cou. Meineke, l'éditeur des fragments des comiques attiques (FCA 54), reconstituait, d'après cette seule attestation, un texte un peu hardi : "Εἶτα φίλ᾿ ὃς ἔχεις γυναῖκα σχοινίων πωλουμένων" ("Ensuite, ami qui as une femme, puisqu'on t'a vendu des chaînes", avec un "γυναῖκα" vraiment sorti de nulle part), mais avec en finale un "σχοινίων πωλουμένων" qui a la garantie d'un autre fragment comique attribué à Antiphane (dans un autre contexte que le mariage). La proposition que nous faisons se fonde, en les adaptant "metri causa", sur les idées judicieuses de nos prédécesseurs. Nous proposons de lire dans le début du segment du ms. A ("еτ τλΦΙλΟC"), qui manifestement anticipe le début du texte grec, un simple "e" (qui appartient à "sententiae") et "ut", qui présente la citation, puis "ἁψῖδ᾿ ὃς". Pour les reste, nos retouches au grec sont somme toute minimes. Nous supposons une confusion chez le copiste entre φ et ψ (déjà remarquée en d'autres cas) et une haplographie bien naturelle du segment "OCEIXECXOI" en "OCEXOI".15. Wessner éditait "Romanis id uideri, quos spectatores habet. Menander" etc. Nous suivons le texte de A, qui est au demeurant le seul à indiquer du grec dans ce passage. Mais quelque texte que l'on suive, le sens ne se laisse pas facilement appréhender.16. Wessner éditait "†τωμανκαριαημυ† γυναῖκ᾿ οὐ λαμβάνω". Comme plus haut, on peut considérer que le grec a été anticipé par le scribe de A et que le τ est en fait un "ut" latin. Pour le reste, notre lecture est presque tranquille. On peut restituer la fin d'un trimètre (sur "μακαρία") et le début du suivant (à partir de "ἐμή").17. Wessner édite "†utruna", sans choisir parmi des leçons aberrantes des mss. On propose de restituer, pour ce segment délicat, la leçon "uerba", assez plausible sur le plan ecdotique et qui donne un sens satisfaisant.18. Wessner ajoutait "<contra me>" pour se conformer au texte térentien. Ce n'est pas nécessaire.19. Comme souvent, Wessner explicite la scholie en ajoutant "<insueuerit>". C'est inutile.20. Wessner ajoute ici "<s.>". C'est raisonnable, puisque "stabilius" est objet de commentaire.21. C'est Wessner qui ajoute "<a.>", pour "adiungitur". Nous gardons cet ajout plausible.22. "Facit" est un ajout de Wessner, plausible en raison de la nature du commentaire et de la présence de grec, qui a pu avoir un effet sur la délimitation de la lacune à laisser.23. Le lemme 2 a la leçon "rursus", le lemme 3 commente "rursum". Les deux formes, ici, sont possibles métriquement.24. Wessner éditait "bene<ficium>", en adaptant Estienne qui proposait "bene facere". Mais, bien qu'elliptique, la scholie se comprend avec ce seul "bene", consensuel dans les mss.25. "Se" ne figure pas dans les manuscrits de Térence. Mais c'est Donat (ou plutôt un copiste scrupuleux, qui l'a rajouté sur la foi de ce que disait la scholie 4) qui semble l'avoir ajouté lui-même, puisqu'il précise au lemme 77, 4 que "se" manque. Le vers est faux avec l'ajout de "se".26. Wessner complétait le lemme avec un "<f.>" inutile.27. Les mss. (notamment V 1 et K) ont "quorsum istuc aut dicis". Wessner supposait donc ici une lacune et complétait "<deest pertinet> aut dicis", à comprendre "il manque 'pertinet' ou 'dicis'". Mais il s'agit en fait d'une reformulation de "istuc", dès lors qu'on a corrigé "aut" en "ut".28. Wessner complétait le lemme avec un "<haec>" inutile.29. Wessner complétait le lemme avec un "<id>" inutile.30. Wessner ajoutait devant "apud" un "ut" inutile.31. Wessner complétait le lemme avec un "<m.>" inutile.32. Wessner ajoutait en début de scholie un "Et" inutile.33. Nous corrigeons ici le texte de Wessner "qui a natura et affectu pater sit", qui donne un sens paradoxal (puisque justement Micion n'est pas un père par nature) en préférant la lectio facilior du ms V : "qui non natura sed affectu". En gardant la lectio difficilior de Wessner, on est obligé d'interpréter "a natura et affectu" comme deux groupes compléments différents, sans que la préposition soit en facteur commun, et de forcer le sens de" ab". Le tour se comprend alors (?) : "Micion, qui loin d'être un père par la nature est un père par le sentiment".34. Wessner complétait le lemme avec un "<d. i.>" inutile.35. Wessner ajoutait un début anticipé de scholie et un lemme sous la forme "<mire ALIENVS NON SVM>". Inutile.36. Wessner complétait le lemme avec un "<g.>" inutile.37. Wessner complétait le lemme avec un "<g.>" inutile.38. Wessner ajoutait ici de son cru un "<tacet>" inutile.39. "Si" n'est pas dans le texte térentien ; l'ordre du reste du vers est "sim eius" et non "eius sim". Sur le sens de la scholie induit par cette lecture défectueuse du vers de Térence, voir la note apposée au texte français.40. Wessner, suivant Estienne (1529), éditait ἦθος ὑπερβολῆς. On ne sait trop d'où Estienne tirait ce texte. Sans doute du ms. A, aujourd'hui perdu pour nous. Mais on se souvient qu'il a écrit de ce manuscrit qu'il était difficile à lire, notamment pour le grec, et il n'y a pas forcément une foi absolue à accorder à cette leçon, sans doute reconstituée. Il paraît raisonnable de se cantonner à une phraséologie plus habituelle et de proposer cette conjecture.41. Wessner éditait "'aliquid' uero ad minorandum est. quod addidit 'meretricem', ostendatur <securitas> Micionis etc.". Dans ce texte, "ad minorandum" est une conjecture de Rabbow et "securitas" un ajout de Schoell. En outre, Wessner considère "aliquid" comme un autonyme, mais ce pronom figure au vers suivant. Nous supposons, justement, qu'il n'est pas autonyme. Nous rétablissons "admirandum", quasi-unanime (on trouve sporadiquement "adiurandum" chez G) et, pour sauver le génitif "Micionis", nous proposons non pas "securitas", dont on ne voit pas pourquoi il n'aurait pas laissé de trace, mais "os" qui, devant "ostendat", a été l'objet d'une haplographie évidente. D'ailleurs le texte de VK "meretricem non osten-" témoigne à sa façon d'une certaine survie de "os".42. Wessner, suivant Rabbow, ajoutait ici un "non" bien trop facile, qui ne figure pas dans les mss. En fait, il faut la négation si l'on se représente la pensée de Micion, mais il n'en faut pas si, comme c'est le cas ici, on se représente la pensée commune.43. Wessner athétisait les scholies 4 et 5, qu'il considérait comme suspectes. Or de très bons mss. (MGDJOU et V en marge) ont ce texte. Seul K et C, parmi les témoins essentiels, ne l'ont pas, ni non plus V1, sans doute dépendants d'un même original qui avait pu omettre par hasard ce segment.44. "i", pour "<inopi>", est un ajout de Wessner que nous conservons, car l'adjectif est objet du commentaire.45. Wessner éditait "AT ENIM NON SINAM 'enim' inceptiua etc.". Cela donne un texte incohérent, puisque Donat signale un "enim" en début de phrase dans sa scholie, conformément d'ailleurs à la tradition térentienne, alors qu'il porte (ou que Wessner lui fait porter) "at enim" dans son lemme. Il suffit d'imaginer que "at" est le début de la scholie pour remettre le lemme et la scholie en conformité. Sans doute peut-on supposer que Donat avait seulement écrit "at enim inceptiua etc." et qu'une main ultérieure, de l'époque de l'archétype au plus tard, a augmenté le lemme avec les deux mots suivants, qui constituent la réplique complète de Sannion, d'où "at enim non sinam" (sans doute avec des abréviations, dont témoigne par exemple G qui écrit "at enim non sententia enim inceptiua etc.", où "sententia" doit être le développement mal compris d'un "sinam" probablement écrit "sin."), en lui donnant ainsi la forme que nous éditons. Mais "at" ne fait pas pour autant partie du lemme térentien.46. Wessner complétait en le commençant par "<i.>". C'est inutile.47. Wessner ajoutait ici un lemme "<ex tvis virtvtibvs>". Inutile.48. Wessner éditait "hoc <est>". Les mss. portent "hoc" (K) ou "an" (GUV...). Il nous semble que, dans l'un ou l'autre cas, on peut rétablir un "aut", le deuxième volet de l'interrogation étant lui-même double.49. Wessner suit ici l'editio princeps et édite "ut ne", mais l'ajout de "ut" ne s'impose nullement.50. "Meam" est un ajout de Wessner, mais qui semble s'imposer, car le commentaire porte précisément sur le fait qu'il dit "ma" sans préciser de quoi il s'agit.51. Pour cette tentative de sauver un peu de grec dans le texte édité par Wessner, suivant Lindenbrog, voir la note apposée au texte français.52. Wessner ajoutait de son cru "<s. t.>" dans le lemme de cette scholie, pour des raisons différentielles avec la scholie même. C'est inutile et nous supprimons l'ajout.53. Wessner ajoutait "<in>" devant ce groupe nominal. Mais les mss. ne l'ont pas (sauf V 2 dans une rature) et la tournure est plutôt classique en l'état.54. Wessner ajoutait "<modo>" pour compléter la citation. Cela n'est pas utile.55. Nous déplaçons au vers 211 ce bout de scholie que les mss. et Wessner proposent en association avec le vers 212 où elle se comprend moins bien. La lacune inaugurale de la scholie 212, 1, qui a perdu un segment écrit en grec, a favorisé la "descente" de ce morceau de texte latin, qui s'est décalé de quelques mots seulement.56. Wessner supposait une lacune en tête de commentaire, en raison d'un ou plusieurs mots grecs. De fait, les mss. offrent bien une lacune en tête de scholie. Le texte de Wessner était "CERTATIONEM COMPARATAM ...... quia ille 'concertasse' dixit, non 'caesum esse'". Nous pensons que "non caesum esse" doit remonter à la scholie 211, 2 (voir note ad loc.). Quant au grec inaugural de cette scholie, le ms. Cujas, vu indirectement par Lindenbrog, atteste le texte que nous éditons et qui est parfaitement compréhensible dès lors que l'on a déplacé le segment "non caesum esse". Estienne (1529), qui ne connaissait pas le manuscrit Cujas, proposait, sans doute d'après le ms. A (aujourd'hui perdu pour Les Adelphes) ou quelque autre témoin notant du grec, "διασύρει" ("il tire en longueur") qui décrit le phénomène mais de façon moins technique que le texte du Cujas.57. Conjonction ajoutée par Estienne (1529) et retenue par Wessner. C'est un ajout raisonnable.58. Wessner éditait "quia quidquid agit leno ad lucrum refert, lucri genus dicit esse Syrus †sic a lenone, quemadmodum ipse persuadet", avec un locus desperatus. De fait, le texte des mss. est loin d'être consensuel. Sans entrer dans le détail ecdotique, il y a deux difficultés : 1. une partie des mss. (VU...) porte "ad lenonem", une autre (CGM...) "a lenone", K faisant la moyenne avec "ad lenone" ; 2. on observe une hésitation entre "esse si" et "et sic". Mais U a "et sic (...) rem", et nous pensons qu'il a raison : la scholie dit quelque chose du mot "rem" qu'a utilisé Syrus. La difficulté porte aussi sur la fin de la scholie : nous proposons de restituer "qua admodum" (où "qua" est le relatif fémini appuyé sur "rem"). Dès l'archétype, manifestement, la tradition avait corrigé en "quemadmodum", ce qui avait entraîné, à date ancienne, la correction du subjonctif "persuadeat" en "persuadet".59. La préposition est un ajout raisonnable d'Estienne (1529), suivi par Wessner.60. Contrairement à ce que laisse entendre Wessner, "non" n'est pas une conjecture ; "et eum non" est le texte de DMV2, que nous éditons, ainsi que celui d'autres manuscrits.61. Wessner éditait le lemme 4 avec des cruces, dans la mesure où ce lemme ne correspond en rien au commentaire, qui vise en réalité le vers 224.62. Devant cette citation, Wessner ajoute "et", qui est absolument inutile.63. Wessner suivait ici une conjecture de Kauer, qui donnait "ad hanc rem", qui fait contresens. En effet, il s'agit d'opposer le pronom "hoc" (qui équivaut à "hanc rem") à l'adverbe "hoc" (qui équivaut à "ad hunc locum").64. Wessner éditait "'emptae muilieres complures' etc. 3 <EMPTAE MVLIERES COMPLVRES ET> ITEM HINC ALIA", supposant qu'il fallait répéter un lemme qui avait disparu par saut du même au même depuis la citation de la scholie 2. Il suffit de ne rien ajouter et de considérer que la prétendue fin de lemme 3 est en fait la fin de citation du lemme 2 et que la scholie 3 n'a pas de lemme.65. Wessner éditait "<in> hanc insulam portat" là où les mss. principaux lisent sans souci "hanc insulam dictam", que nous restituons et qui est parfaitement cohérent dans le contexte.66. Schoell, suivi par Wessner, complétait la citation d'un "<a.t.d.>" aussi inutile qu'inexistant.67. Wessner complétait le lemme d'un inutile "<Ae.>".68. Le texte n'est pas sûr. Nous éditons ici "siccante", qu'on trouve dans les manuscrits les plus fautifs, la leçon "significans" que Wessner édite avec une crux n'offrant aucun sens. La conjecture "se inclinante" de Wessner dans son app. cr. est également plausible pour le sens.69. Wessner édite ici l'excellente suggestion d'Estienne (1529), qui ajoute "uel cum opus est beneficium", qui a sauté tant il semble une redite. Estienne a pleinement raison de restituer ce segment.70. En tête de lemme, Wessner ajoutait "numquam" qui ne sert à rien puisque ce n'est pas cela qu'on commente.71. Wessner ajoutait ici "<ne>", dans la structure attendue "ne hominem", mais en fait il n'y a pas lieu de le faire si l'on comprend quelque chose comme "puisque 'neminem' implique 'hominem', pourquoi dire 'neminem hominem' ?".72. Wessner éditait en fin de lemme 1 : "'o Ctesipho'" puis le répétait par conjecture (en supposant un saut du même au même) en début de lemme 2. Il est nécessaire en début de lemme 2, non en fin de lemme 1 et nous simplifions le segment en revenant au texte des mss.73. Wessner insérait ici de son cru un lemme "<ELLVM>", foncièrement inutile.74. Leçon du ms. M, contre "<alii>", conjecture de Wessner.75. Wessner croyait bon de rajouter "supra". Inutile.76. Nous modifions très légèrement le texte de Wessner, qui dit "meretricis" alors que le substantif "amoribus" laisse attendre un pluriel. Nous éditons donc le texte avec l'adjectif "meretriciis".77. Wessner ajoute ici cet adverbe. C'est raisonnable et sa perte dans les mss. s'explique aisément.78. Texte de MUV... Wessner éditait une suggestion d'Estienne (1529): "beneficii ex periculo <et> difficultate", inutile dès lors que le texte de ces bons mss. est satisfaisant.79. Les mss. ont ici "non si ego tantummodo aduersantibus" (V...) ou "non si ege(n)t tantummodo aduersantibus" (UG...). Ce texte pose évidemment problème. Wessner, suivant Estienne (1529), proposait de le sauver en ajoutant "aliis" devant le participe, dans un ablatif absolu. L'idée est bonne mais il y a lieu de croire que son sujet se cache dans "tantummodo", d'où notre restitution.80. "Non" n'est pas un ajout de Klotz, quoi qu'en pense Wessner, mais une lecture difficile d'une abréviation de la négation qui a été confondue avec une abréviation de "hoc", souvent présent dans les mss.81. Schoell, suivi par Wessner, ajoutait ici "in mulierum colloquio", sorti de nulle part et parfaitement inutile dès lors que l'adverbe "hic" en tient lieu.82. Wessner complétait la citation avec un "<f.>" pour "fui". Inutile.83. Wessner faisait droit à un ajout d'Estienne "ad omnes dies" qui est inutile, si l'on comprend que "omnes dies" est une reformulation de "semper" et non le complément de "rettulit".84. Wessner ajoute au lemme un "remedium" qui n'a visiblement pas d'utilité.85. Sur ce texte mal transmis de Lucilius, dont Donat est le seul attestateur, nous prenons le texte de Charpin dans son édition de la CUF en adaptant la finale "malust" (alors que Charpin athétise le "est" et écrit "malus [est]").86. Wessner s'inspirant de Klotz écrivait "quam <quod>" mais on peut se passer de cette lectio facilior.87. Wessner ajoutait "<a>" devant ce nom. Inutile.88. Wessner édite "quod" (mais "cum" au lemme 4), alors que le commentaire du lemme porte sur le sens de "cum". L'hésitation vient sans doute du fait que "cum" était écrit "quom" et qu'une fois abrégé il a pu être pris pour "quod". Pour des raisons de cohérence, nous rétablissons "quom" dans le texte de Térence et dans le texte du commentaire en latin.89. Les mss. notent (quand ils notent quelque chose) "asyntheton" pour la figure et laissent une lacune qui suppose la présence de grec après "omnia secum". K, à la place de la lacune, a une série d'initiales dont certaines correspondent à quelques éléments de la série. Cela atteste que les scribes ont pensé voir dans ces segments incompréhensibles du grec, qu'ils ont prudemment omis. Mais il s'agit bien du procédé de la polysyndète, non de celui de l'asyndète, comme l'a très brillamment restitué Estienne (1529) qui a compris ce qui s'est passé.90. Wessner ajoutait ici, comme Estienne (1529), "circumuallant" qui, venant d'être cité dans le lemme, est inutile dans la scholie.91. Wessner éditait "non <tantum> mariti sed etiam". L'ajout de "tantum" est motivé (?) par la présence d'"etiam". Mais "etiam" n'est pas garanti : MUV ne l'ont pas. Le plus sage est donc de supprimer "etiam" et, bien sûr, l'ajout de "tantum" qui reposait sur lui.92. Wessner ajoute ici "et". Inutile.93. Wessner, par souci de clarté, ajoutait "<anima>". On sait que l'implicite n'arrête pas Donat. Nous ne gardons la conjecture.94. Wessner complétait le lemme avec "<quaerito te>", à sa place. Ce morceau n'étant pas commenté, il est inutile de l'ajouter.95. Wessner ajoute à juste titre "an oppido". Il y a eu dans les mss. un saut du même au même qui rend le commentaire incompréhensible.96. Wessner édite ce mot en alphabet grec, mais il est translitéré dans les mss. MUVGK. Par ailleurs, le mot est inusité dans la langue rhétorique, à notre connaissance.97. Nous complétons le lemme indiqué par Wessner dans la mesure où la scholie porte sur la réplique de Sostrata et non sur celle de Géta. C'est ce que note Wessner dans son app. cr. : "schol. pertinet ad ah minime gentivm non faciam".98. "Si" est un ajout de Wessner nécessaire à la construction. Nous le conservons.99. Wessner suppose sans doute à juste titre un saut du même au même qui aurait entraîné dans les manuscrits la disparition d'un segment. Ce que nous y lisons est en effet incompréhensible : "non potest iungemus dari nuptum id est uirgo". On comprend, avec la proposition d'ajout de Wessner, que la présence si proche de deux "dari nuptum" a pu entraîner aisément la faute.100. Ce texte, conjecturé jadis par Wessner, est en réalité la leçon de K, souvent excellent témoin. Nous la retenons donc.101. Wessner éditait " 2 TESTIS EST MECVM ANVLVS <noua> locutio, hoc est: pro me testis est. 3 <An 'testis est> mecum' hoc <est>: testes sumus? etc.", texte qui repose sur divers ajouts personnels. Nous revenons au texte des manuscrits VGMU. Notons cependant que K porte tout autre chose : "testis mecum est anulus locutio haec est pro me testis est hoc est mecum aut anusque testes sumus etc." qui semble reposer sur une série de mélectures ou de sauts du même au même. Sachant la qualité habituelle de K, il est fort probable que son modèle portait déjà un texte très corrompu. 102. Wessner ajoutait " a tali" devant "facinore" sans doute pour rendre la construction plus classique, mais "abhorreo" avec l'ablatif seul est loin d'être sans exemple. Nous nous rangeons au texte des manuscrits.103. Schoell proposait d'ajouter "bona" devant "locutio", et Wessner le suivait. L'ajout n'a aucun intérêt.104. Texte de GVMU, rejeté par Wessner sur l'autorité de C, mais que nous confirmons avec la lecture de K. Le texte GVMUK peut être conservé.105. Le texte virgilien porte "Alciden" et non "Aeacidem".106. Wessner ajoutait ici logiquement un "sed" qui n'est dans aucun manuscrit. L'énoncé étant précisément plus abrupt sans "sed", nous pensons qu'il faut privilégier la version plus difficile que nous lisons dans les manuscrits.107. Wessner éditait "quem iam stultum fieri <non> contrarium senectuti est", où la négation était une conjecture de Schoell. Il nous semble que le texte se comprend tout à fait sans la négation (voir la note apposée au texte français), mais que le tour "quem iam", fort noueux en l'état et presque incompréhensible, peut cacher un "quoniam" mal lu à date très ancienne par mélecture d'abréviation.108. Wessner éditait "DEMEA μεταδιόρθωσις", mais le terme technique ne paraît pas exister. Il est postulé par Lindenbrog (1623), lequel ne nous dit pas d'où il l'a tiré. Les mss. ont "DEMEA" suivi d'une lacune et reprennent sur "nunc" etc. Sauf K. Ce dernier écrit, dans ce qui est sans doute pour lui un lemme, "de me", fait suivre une lacune et reprend sur un mot court, que nous pouvons lire "spe" (mais cette main de K est très difficile à lire) et il se pourrait que "me" et ce mot mystère constituent respectivement le début et la fin du segment grec. Peut-être sous "spe" y a-t-il "seos". Cela accrédite notre reconstruction "μετὰ διορθώσεως". Le lemme lui-même devait se terminer seulement sur l'initiale du nom de Demea ("D." ou "DE.").109. Wessner édite ici une conjecture de Westerhof bâtie sur le texte de Lindenbrog (1623), lui-même sans doute établi d'après le ms. Cujas. Mais le ms. K (inconnu de Wessner) porte explicitement, là où tous les autres ont une lacune qui se finit sur "non soluit" (où "non" est en fait la fin du mot grec) : "to crema me non soluit". Cela donne absolument raison à Westerhof et à Wessner.110. Les manuscrits ont simplifié "quantusquantus" en "quantus", ce qui se comprend s'ils n'ont pas le texte de Térence sous les yeux, mais ne se comprend pas si l'on considère le commentaire que fait Donat. Wessner a donc prudemment rétabli le texte térentien.111. Le texte des manuscrits est incompréhensible. Ils lisent en effet "et priusquam coeperit non olfecerit et totum" etc. Wessner suivait Schoell qui conjecturait "priusquam coeperit. 2 COEPERIT non olfecerit. 3 Et totum" qui est absurde car ce n'est pas le jeune homme qui "renifle", mais bien Déméa. On ne peut donc remplacer poste pour poste "coeperit" par "olfecerit". On peut en revanche, malgré l'aspect de lectio facilior de cette correction, le remplacer par "fecerit" que l'archétype a glosé, croyant bien faire, en "olfecerit" vu le contexte. On comprend alors que Déméa en dit plus car il aurait, dit-il, flairé l'affaire avant même que le jeune homme ne l'entreprenne, c'est-à-dire qu'il aurait démasqué non les actes d'Eschine ("fecerit"), mais ses projets ("coeperit").112. Les mss. de Donat donnent ici "id quod te oro", amétrique, mais ceux de Térence ont "id te oro".113. Le texte de Donat (mal assuré) porte "is enim fides sit", corrigé par Estienne en "his enim fides fit", qu'édite Wessner. Mais que représente "his" ? Un datif, au sens de "pour eux en effet se produit de la croyance" ? Mais seul Déméa est là pour entendre le récit de cette querelle imaginaire inventée par Syrus. Un ablatif de moyen, au sens de "par ces mots en effet se produit de la croyance" ? Mais le neutre "his" n'a pas de référent stable et représente l'idée qui est dans "oratorie narrat", ce qui semble assez bizarre. On peut, du coup, peut-être penser que le vrai texte du grammairien était "sic enim fides fit" ("car c'est de la sorte qu'on est cru"). L'adverbe "sic", qui suit immédiatement le très ressemblant "sit" de la phrase précedente, a pu alors être omis, puis s'est immiscé un "is" (qui évitait à "enim" d'être le premier mot de la phrase) ; dès lors l'énoncé devenait peu clair. Dans notre traduction, nous traduisons comme s'il y avait un ablatif "his" au sens de "his uerbis", et le laissons glisser au sens d'un ablatif de manière. C'est une façon de traduire comme s'il y avait "sic" sans trancher complètement dans le débat. De toute façon, le sens du lemme est parfaitement compréhensible.114. Wessner éditait "ut <cum> illudentem de sua arte fecisset Syrum", où le "cum" est une conjecture de Goetz sans doute gêné par le temps de "fecisset". En réalité le problème n'est pas là, car les manuscrits principaux sont unanimes à donner "Syrus" au nominatif et "alludentem" et la plupart d'entre eux (GVMU) donnent en plus "se". Nous revenons à ce texte en considérant que ce qui est troublant c'est le changement brutal et implicite de sujet entre les deux subordonnées coordonnées. La première a pour sujet explicite "Syrus" la seconde pour sujet implicite "Terentius". De telles rudesses ne sont pas sans exemple ailleurs chez Donat. Voir Pho. 112, 2 et 192, 1 par exemple.115. Nous faisons droit à la suggestion de Wessner, qui édite "LAVTVM lau<a>tum". Les mss. ont soit "lautum lautum" soit une omission (par ex. V) face à cette tautologie. Wessner a raison : c'est une remarque morphologique sur le fait que la forme "lautum" appartient au verbe "lauare" et a un doublon "lauatum" plus clair pour les élèves de Donat. Mais sous l'absurde "lautum lautum" des mss. peut aussi se cacher un énoncé "lautum lotum" (avec l'autre variante morphologique du participe de "lauare").116. Cette scholie 437 est numérotée par Wessner 436.2, alors qu'elle concerne pleinement le vers 437. Nous rectifions donc la numérotation. En outre nous supprimons le lemme "QVANDO ITA VVLT FRATER DE ISTOC IPSO VIDERIT" qui était un ajout de Wessner et qui vient d'être cité en fin de scholie précédente. La redite est inutile et ne figue pas dans les mss.117. Wessner éditait "et simul <ut> aliud quod indignetur inueniat", avec un ajout personnel de "ut". Les mss. hésitent entre "et simul aliud quod indignetur inueniat" et "et simul aliud additur quod indignetur" (V notamment), qui sent sa correction. En fait, quoique un peu rêche, le texte se comprend sans aucun ajout, dans la suite de "inuenta causa est cur".118. Wessner complétait le lemme d'un "<RELIQVIAS>" qui, certes, est l'objet du commentaire, mais qui n'est pas dans les mss. et n'est pas d'une nécessité absolue : le commentaire porte tout autant sur "huius generis".119. La préposition est un ajout plausible de Wessner. Les mss. ont "subiunctiuum pronomen minus quam finitum", comme si une seule catégorie de pronom était ici envisagée, alors qu'il y en a bien deux représentées respectivement par "is" et par "ipse" (voir la note apposée à la traduction). Peut-être peut-on suggérer aussi la perte d'une coordination, dans un énoncé qui ferait un rappel sur les deux pronoms cités, "subiunctiuum pronomen et minus quam finitum".120. "Facere" est un ajout d'Estienne (1529), suivi par Wessner, et que le contexte rend indispensable.121. Le texte de Plaute est en général "libertos qui habent".122. Correction insipirée par une conjecture habile de Wessner qui proposait "ut <sit> etsi pie", tous les manuscrits ayant "ut et sapiens" qui ne s'explique pas en contexte. Nous pensons que pour arriver à "et sapiens", l'archétype a dû mésinterpréter un segment "ETSIPIVSEST" sans doute largement abrégé du type "etsipi'est". Une lecture rapide a pu faire entendre "et sipiest", dépourvu de sens, corrigé immédiatement en "et sapiens".123. La citation homérique n'est pas transmise par les manuscrits que nous connaissons, qui laissent une lacune importante. Lindenbrog d'après le manuscrit Cujas éditait ce que Wessner reprend avec des cruces : "κέλεαι δέ με πάντ᾽ ἀποδοῦναι †εθελομην γαρ εκτωρα συνεννιαιενα†". Le début de la citation est tiré de Il. 1, 134 (qui dit "κέλεαι δέ με τῆνδ᾽ ἀποδοῦναι", la finale "πάντ᾽ ἀποδοῦναι" se lisant de son côté en Il. 3, 285, mais l'erreur peut provenir dès l'origine d'une citation de mémoire). La suite, "†εθελομην γαρ εκτωρα συνεννιαιενα†", parfaitement amétrique et barbare, est désespérée sous cette forme. Mais il s'agit manifestement d'illustrer la differentia "iubeo" vs "uolo", ici relayée par un verbe "κέλεαι" d'un coté, une forme "εθελομην" de l'autre et il doit y avoir deux citations homériques réunies par un "et" pris pour du grec puis victime d'un saut du même au même dans la séquence "et οὐκ ἐθ". Il faut alors comprendre, pour restituer le vers que nous proposons, qu'il s'agit d'un hysteron proteron comme en Il. 9, 356-358 : Achille dit qu'il ne combattra pas, parce qu'il a déjà fait charger ses navires, ce qui implique un ordre. Alors que les actions se déroulent dans l'ordre inverse (Achille charge d'abord ses navires et dit ensuite qu'il ne veut plus combattre), Donat explique que c'est bien dans l'ordre donné par Homère que les choses doivent être mises : c'est parce qu'il ne veut plus combattre qu'il a fait charger ses navires, donc la volonté précède l'ordre. Le manuscrit Cujas portait un texte allusif, réduit à la seule figure qui intéresse le grammairien, bien que, de ce fait, trois vers soient concernés. La finale "νηήσας εὖ νῆας" se lit encore assez facilement sous "συνεννιαιενα".124. Wessner, suivant Estienne, éditait "in qua <ne> statim", mais cet ajout est inutile, c'est une simple affaire de ponctuation. L'enchaînement est le suivant : la "postulatio" est habile, parce que, là où Déméa pouvait se défendre en se prétendant non concerné, la manière dont Hégion s'adresse à lui l'oblige à se justifier.125. Ajout d'Estienne (1529) repris par Wessner, qui s'impose pour avoir un lemme. 126. Le mot grec est une conjecture d'Estienne (1529) pour combler une lacune des mss.127. Wessner ajoutait ici "uitiauit", conjecture personnelle. Cela ne sert à rien, et contredit même la matière du commentaire.128. Cette préposition est un ajout de Klotz, plausible, vu le risque d'haplographie du segement "inin".129. Ce "ut" ne se rencontre pas dans les mss. de Térence. On n'en sait pas plus sur ce que lisait Donat car, dans le commentaire ad loc. de L'Hécyre, ce passage n'est pas expressément lemmatisé.130. Wessner édite un locus desperatus "†supra future†" et fait dans l'apparat critique la suggestion que nous retenons ici.131. Wessner complétait le lemme "...GRAVIDA <FACTA> EST", mais c'est inutile.132. "E" est un ajout d'Estienne (1529) mais le texte des manuscrits "contrarium" se comprend assez mal.133. Wessner ajoutait en tête de scholie un lemme "<SVSTENTAT>", sur lequel porte effectivement le commentaire. Mais comme Donat vient de citer le syntagme "solus omnem familiam sustentat" en 481, 5, et que le dernier mot de la scholie précédente est précisément "sustentat", il y a lieu de croire qu'il ne le répétait pas et que les énoncés s'enchaînaient simplement, bien qu'il s'agisse vraiment ici d'une scholie lexicologique et non pas d'une remarque de ponctuation comme dans la précédente. Nous supprimons donc l'ajout de Wessner, qui ne se lit pas dans les mss.134. Wessner éditait "abduce illuc", mais tous les manuscrits portent "abduce ad hoc (ab hoc JK) illud", ce qui laisse supposer une glose morphologique "abduce abduc", la forme de l'impératif pouvant troubler des élèves du quatrième siècle.135. Wessner ajoute "sit" à un texte unanime des manuscrits : "ne solutus ut sciat si uerum seruus accuset", qui, malheureusement, se comprend mal. Nous proposons de conserver l'ajout de Wessner, mais de lire "scias" au lieu de "sciat" dont la personne ne se comprend pas, s'agissant d'une reformulation de "uinci" (deuxième personne), et de déplacer "uerum" comme complément de "scias". De ce fait, il s'agit d'appliquer le mode normal d'extorsion des aveux d'un esclave, sous la torture. On peut se demander enfin, sans trancher toutefois, si "accuset" n'a pas été entraîné mécaniquement par le subjonctif "scias / sciat" et s'il ne faudrait pas lire "accusat".136. Wessner ajoutait en tête de scholie un "Et" que nous supprimons.137. Wessner ajoutait ici "enim". Le passage, depuis "deinde", est très mouvementé dans les mss. et le texte malaisé à établir. Mais pas de trace de "enim" toutefois : nous le supprimons.138. Wessner édite "re ei diceretur", qui ne semble pas pouvoir se rattacher correctement à la suite. Nous supposons (l'app. cr. étant muet à cet égard) qu'il s'agit d'une coquille pour "ne ei diceretur", que nous éditons.139. Wessner entourait "eamus intro" de cruces, sans raison apparente.140. Wessner mettait des "cruces" devant ce mot, mal compris par l'ensemble des érudits qui ont lu ce texte et diversement conjecturé ("e cauea" Westerhof, "ex silua" Schoell, "per arua" Goetz par exemple), mais tous les manuscrits ont lu "capua" et la critique récente a montré que ce pouvait tout à fait être la bonne leçon. Voir la note apposée au texte français.141. Wessner ajoutait pour la clarté "nisi me <credo>", mais, quoique brutal, l'énoncé est plausible sans l'ajout.142. Wessner ajoutait au texte des manuscrits "<sit>", pour obtenir le "ut sit" habituel des reformulations de Donat. Mais on peut s'en passer.143. Wessner précisait "PRIMVS <...PRIMVS...PRIMVS>" dans le lemme, puisque, si l'on accepte la restitution tout intellectuelle d'Estienne (1529), il est là question d'épanaphore. Mais ce n'est pas l'usage de Donat de morceler un lemme qui court sur plusieurs membres de phrase. Nous simplifions donc le lemme. Les mss. ont "primus (lac.) primus sentio etc.".144. Au lieu de la leçon "†prius" choisie par Wessner et considérée comme désespérée, nous préférons restituer "prorsus" comme la suite de la citation (sans respect de l'ordre des mots de Térence).145. Wessner éditait "non <nisi> stultissimum", ce qui orientait le sens vers "Car quel agrément y a-t-il ou quel plaisir à ne voir berner qu'un imbécile ?". Les mss. n'ont pas "nisi" et le texte se comprend sans lui, dès lors qu'on en fait non un énoncé interrogatif mais un énoncé exclamatif.146. Donat utilise ici un texte de Térence fourni par certains mss. mais le codex Bembinus lit "qui" au lieu de "quem".147. Texte sans doute irrémédiablement corrompu. Wessner éditait "SED ESTNE FRATER INTVS responde <deest>, ut sit: '<sed> responde'", à partir d'une conjecture d'Estienne (1529) : "Sed est ne frater intus deest respondes ut sit responde". Les manuscrits lisent tout autre chose et sans grand consensus : DOJGU lisent "Sed ne est frater intus respondens ut non sit respondit", CK lisent à peu près la même chose l'un et l'autre, c'est-à-dire "responde ut sit respondit (responde C)" sans négation. V et M ont visiblement, avec leur adresse habituelle, tenté de corriger un texte absurde et lisent, pour V "sed estne frater intus? responde? ut non sit respondit", et pour M "Sed est ne frater intus responderis ut non sit respondit". La seule explication que nous trouvons à ce désordre est un saut du même au même sur le segment "ut sit sed ut non sit", qui a eu pour effet de faire disparaître "sed ut non" probablement très abrégé sous une forme du type "ſʒ ut nõ". C et K en restent plus ou moins là avec chez C peut-être une tentative (absurde) de sauver ce qui peut l'être. Le reste de la tradition a lu seulement "ut non sit" (ou l'a corrigé à cause de la réplique "non est"), puis face à "responde ut non sit respondit", corrigé sans mal "responde" en "respondens", correction évidente puisque V s'est contenté (avant de corriger la suite) de lire ce qu'il voyait.148. Wessner éditait "hoc lentius. quidam clarius legunt, ut sit '<te> praecipitato' cito descende", mais les manuscrits ont un texte nettement plus problématique. VGU lisent "hoc lentius quidam aliqui legunt aliqui clarius ut sit" que MC ont sans doute corrigé en "hoc lentius quidem aliqui legunt aliqui clarius ut sit". K lit "hoc lentius quidam clarius legunt ut sit praecipitato cito descendit" et donne encore une fois la meilleure piste pour comprendre la dégradation du texte. Il faut à nouveau supposer une simplification de "aliqui clauus legunt aliqui cliuus" qui a dû à un moment être lu "aliqui clauus legunt aliqui clarius", puis "aliqui clarius legunt aliqui clarius" et simplifié, d'autant plus aisément que "clarius" (à voix haute) s'oppose alors à "lentius" (en aparté : voir 252, 2 et 401, 2). Pour comprendre cette leçon, il faut simplement modifier la ponctuation Wessner et mettre un point après "quidam" et non avant. La leçon "clauus", si absurde soit-elle, est attestée par au moins un manuscrit de Térence, F 1 (Marouzeau).149. Wessner édite τῶν πρός τι προσῆκον ; nous rétablissons la forme attendue τῶν πρός τί πως ἔχοντα. Voir la note apposée au texte français.150. Wessner éditait ici "condicionem", mais la confusion entre les deux mots "conditio" (assaisonnement) et "condicio" (condition) est extrêmement fréquente. Ici, comme nous l'a fait remarquer très justement Daniel Hadas, la graphie "conditio" s'impose. 151. Wessner complétait la citation abrégée de Virgile en ajoutant "<p.>" pour "produxi", indispensable dans le contexte de la scholie. Nous adoptons cet ajout.152. Nous revenons au texte des mss. contre Wessner, qui proposait un inutile et improbable "de<esse pos>sunt".153. Wessner, on ne sait pourquoi, jugeait utile de compléter le lemme d'un "<EST>" que nous supprimons.154. Wessner éditait "...perculsum indicant Aeschinum, prope diuortium <in>stare ira circa se Sostratae et eius filiae...", ce qui s'interprète "<ces termes signalent que la nouvelle subite> a frappé Eschine, que le divorce est tout proche en raison de la colère à son endroit que ressentent Sostrata et sa fille" ; "perculsum" est une conjecture personnelle contre le "percussum" unanime des mss., qui ne pose aucun problème, qui a le même sens et que nous rétablissons. "Instare", quant à lui, émane de plusieurs modernes, depuis Estienne (1529), en passant par Teuber et Wessner. Mais les mss. ont toujours "stare". L'accusatif "iram" est également unanime et il est majoritairement précédé de "et". Reste la place un peu erratique du groupe "et eius", plus souvent lu "eius et". Le texte des mss., finalement assez stable, et que nous rétablissons au mot près d'après celui de M, se comprend sans difficulté.155. Nous adoptons l'ajout de Wessner "o quam <certum est>", que l'archétype a dû sauter et qui rend, dans les mss., le texte abrupt et inexploitable.156. Wessner éditait "VTVT ERAT GESTA INDICASSE hoc est <siue bene>[conjecture de Klotz] siue male gesta erat; 'ut' enim certam qualitatem significat", mais les manuscrits ont autre chose avec une certaine unanimité. Ils lisent tous (sauf U) "indicassem", et tous "simile". Tous sauf K lisent "ut" dans le lemme et non, comme K et le codex Bembinus de Térence, "utut". Nous pensons qu'il s'est produit des erreurs à la chaîne en raison de l'incompréhension de "utut". En effet même K qui lit "utut" dans le lemme ne le lit plus dans la scholie. Or Wessner a sans nul doute raison de lire comme il le fait "utut incertam". Reste à savoir à quoi s'oppose "utut". Wessner suppose assez facilement et avec l'autorité quasi unanime des manuscrits (sauf O qui lit "et enim") que "utut" est ici distingué de "ut". Mais il se peut très bien qu'il ait tort car, au vers précédent, on lit "rem". Il y a donc un énoncé défini "rem" (l'affaire) et un énoncé indéfini "utut" (de quelque manière que). Nous proposons donc de lire "aut rem" au lieu de "ut enim" en supposant que le segment "eratautrem", sans doute largement abrégé, a pu être lu en raison du premier mot (fautif) du lemme "erat ut enim", et ce d'autant plus que "rem" est dans un vers que Donat ne commente pas, donc invisible pour qui n'a pas le texte de Térence. Pour le début nous nous rallions aux manuscrits sur "indicassem", en pensant plutôt qu'il s'agit d'une reformulation visant à souligner que le verbe "indicasse" est sur le même plan que "exorassem", bien qu'il ne soit pas impossible que Donat ait lu dans Térence "indicassem", quelque difficile qu'il soit à construire, surtout s'il lit "me" et "non" au vers précédent. Pour le segment donné par les mss. sous la forme "simile", il nous semble que "simul et" est bien meilleur car, si on lit ainsi, il y a deux scholies parfaitement complémentaires. Voir la note apposée au texte français. 157. L'article "τῷ" est ajouté par Wessner et correspond aux usages de Donat. Nous le conservons.158. Les mss. ont "consentire nuptias", que Wessner proposait de corriger en "consentire <in> nuptias". La construction transitive du verbe "consentire" n'est pas inconnue du latin classique au sens de "être d'accord pour décider qqch.". Peut-être peut-on la risquer ici, à moins qu'on préfère corriger le cas en "consentire nuptiis".159. Wessner éditait seulement "Et", prêté à la seconde main. Les mss. ont clairement "et iam" ou "etiam".160. Wessner éditait cette scholie de la façon suivante : "Et 'commenta' dicit, hoc est fallaciam confinxit, <nam confinge>re ueri simile <est> comminisci", avec d'importants ajouts personnels. Un panorama sur les principaux mss. montre que c'est foncièrement inutile. Ces derniers (GKUVM) sont unanimes pour donner ce que nous éditons, à quelques variantes près, dont "uerisimile" (VG) au lieu de "uerisimilem". Variante également plausible (voir la note apposée à la traduction).161. Wessner éditait "NONNE HAEC TIBI IVSTA VIDENTVR <POSTEA hic sensus est: nonne haec tibi iusta uiderentur> esse, si illa quae amicus tuus dixerat <postea>quam haec audires?", avec des ajouts personnels conséquents. Nous revenons strictement au texte des mss. (GKMUV) qui ont clairement non pas "si" mais "scilicet" (ou une abréviation "scili.", "s.", à l'exception peut-être du peu lisible K, qui peut avoir "si" et non "s.") et unanimement "quasi" et non pas "quam". Ce n'est pas ici qu'on parle de "postea" mais dans la suite du commentaire à ce vers. Ici, il est question du temps utilisé par Eschine dans sa question. Voir le commentaire à la traduction.162. L'adverbe grec sous cette forme est une conjecture de Schoell, suivie par Wessner.163. On attendrait l'abréviation "t." pour "tum". Nous supposons que Donat lisait "nunc".164. Le mot grec, édité par Wessner, a été conjecturé par Schoell. Les mss. ne savent pas où s'arrête la citation de Salluste et en ont un texte altéré, avec "imperat" au lieu de "imperator erat" (ce qui fait perdre tout intérêt à l'illustration, puisqu'il s'agissait de dire quelque chose du datif adnominal qu'on est censé y trouver). Pour les copistes, apparemment, le texte de Salluste a l'allure "qui tunc romanis imperat auctor". Après ce segment, certains mettent une lacune (KU...), certains écrivent des initiales inexploitables, "p. x. u." ou "p. xii" (VC), avant de repartir sur le lemme suivant avec "his rebus" (UV), ou "hic rebus" (K), ou "rebus" tout seul (G). Ce désordre atteste bien la présence d'un mot grec. Le ms. G donne la meilleure indication. On y lit : "Qui tunc romanis imperat auctor p. x. n. Ins rebus" etc. Le segment "p. x. n. Ins" (dont la fin a été prise par d'autres copistes comme le début du lemme, "his") note en lettres latines, artificiellement séparées par des points comme s'il s'agissait d'initiales de mots, des signes qui sont en fait des lettres grecques. Schoell a donc pleinement raison de restituer un segment "ρχηγος" (avec "γος" interprété par G "Ins"). L'alpha qui manque au début a pu s'être noyé dans l'initiale du lemme "A(uctor)". Nous faisons donc droit à l'ingénieuse conjecture de Schoell. Sur le sens de cette scholie, constituée du seul mot grec, voir la note apposée au texte latin.165. Wessner adopte la conjecture d'Estienne (1529) en ajoutant "<ut>" qui ne figure pas dans les mss. Nous les suivons, car c'est bien "ut" qui est l"objet du commentaire.166. Nous revenons au texte des mss., "debetur", contre Wessner, qui éditait "<esse> debet".167. Wessner éditait "συγκοπὴ μεταπλασμός" à partir d'un texte issu du codex Cujas via Lindenbrog et où on lit "СΥΓΚΟΠΗ ΗλλΗΤΑΝλСΜΟС". Il semble bien que le deuxième "mot" commence par la conjonction ἢ (postulée aussi par Schoell, contre Wessner), le reste montrant des confusions banales dans ce codex (comme elles le sont dans A) entre λλ et Μ ou λ et Α et laissant assez bien rétablir le mot μεταπλασμός.168. Wessner complétait le lemme en éditant "QVID <FIERET QVA> FIERET", supposant un saut du même au même. Certes la scholie porte bien sur "qua fieret", mais, à supposer (tant qu'à intervenir sur le texte des mss.) qu'il ne faille pas corriger simplement "quid" en "qua", on peut se contenter de cette approximation : l'indication, relative, sert à situer le commentaire, au demeurant évident, au vers 690 en lemmatisant son incipit. Cette technique est banale. Nous revenons donc au texte des mss.169. Wessner éditait "maestus amatoris animus ludentem senem <serio> loqui credidit, uera dicentem quia optata sunt putat ludere nunc. potest et ob hanc causam dicere, quod eum numquam lusit antea". Le texte des manuscrits est absolument erratique sur tout ce secteur et la reconstruction que nous proposons est purement conjecturale. Elle se fonde sur les éléments suivants : 1-"serio" conjecture de Wessner est en réalité attesté par K, à la place de "senem", mais il s'agit sans doute soit d'une mélecture soit d'une correction érudite provoquée par "ludentem". 2-"credit et" est la leçon de a, les autres portant "credit" (DJ, Firenze, plut. 22, sin 06), "credidit" (VGKUMC...), "crederet" (Om...). La leçon "crederet" s'explique sans doute par la mélecture du segment "creditet" lu "crediret" et corrigé. La leçon "credidit" peut provenir d'une erreur du même type sur "creditet" lu "creditit" et normalisé. La leçon "credit" s'explique par la simple chute du "et". 3-"quia optata" est parfois précédé de "sed" (VGUMJDO), mais l'émergence de cette conjonction provient précisément de la disparition de "et" plus haut. Le mansucrit a a conservé les deux, signe que les deux ont pu à un moment cohabiter. 4-"adeo eum adludere" est à nouveau le texte de a, seul à donner une solution compréhensible dans un magma de leçons aberrantes "ut alludere", "ut alluderet", "ut alludere et", "ut alludetur". Il est évident que l'arrivée inopinée de "ut" a provoqué l'ensemble du désordre, certains intégrant "ut" sans rien changer au risque d'un segment agrammatical, d'autres tentant de résoudre l'aporie de ce "ut" venu d'on ne sait où. 5-"non quondam" : les manuscrits sont unanimes à postuler une forme commençant par "qu-", mais il ne savent pas trop laquelle : "non quod eum", " non quia eum", "quod cum numquam", "non quicum". Une chose est probable, c'est que la négation devait se trouver devant la forme en "qu-" (VGUMJDO par exemple), et que son passage après (CK) peut résulter d'une correction ou d'une simple erreur de lecture, ensuite corrigée. Il s'agissait donc de dire "'nunc' et non pas 'qu-'...". De ce fait "quondam" en partie visible dans "quod cum numquam" (CK) est un bon candidat. 6-"luxerit" est donné par O, Firenze, plut. 22, sin 06 et m, mais la leçon est de toute évidence diffilicior face au consensuel "lus(er)it" attiré par "ludentem", "alludere" et "ludis", dans un contexte très court.170. Wessner éditait "est enim amantis <se> conicere in falsum metum", voyant bien qu'un ajout était nécessaire pour comprendre ce texte que l'on lit chez CKU. Mais des leçons aberrantes nous mettent sur une autre voie. J lit visiblement "in salsum", M 1 lisait "infussum" exponctué et corrigé en marge par M 2 en "in falsum". De ce fait, on peut supposer qu'"in falsum" est une lectio facilior pour un mot préfixé en "in-" et transformé en "in falsum" en raison du contexte. "Insulsum" devient alors un excellent candidat d'autant qu'il sauve "amantis" excellente lectio difficilior face à "amantem" et qu'il économise l'ajout du réfléchi qui s'imposait dans la solution de Wessner.171. Wessner, suivant une conjecture d'Estienne (1529) supposait un lemme "<ET DVCENDA INDOTATA EST>", sans voir que, non sans malice, Donat commente "indotata" par ce qui précède immédiatement dans le vers, "et pourtant, toute sans dot qu'elle soit, il faut quand même l'épouser".172. Wessner éditait "ipse <se> fefellit", avec un "se" ajout d'Estienne (1529) plausible, à moins qu'il ne faille lire, comme nous le proposons, "ipse se fallit", ayant entraîné une mécoupure avec mélecture du "s". De "fefallit", on passe évidemment naturellement à "fefellit", la forme correcte.173. Ajout d'Estienne (1529) qui s'impose compte tenu de la nature du commentaire.174. Wessner éditait "etiam <nunc>", en ajoutant le second adverbe, qui ne sert à rien.175. Difficile de dire si ce "nam" est de Donat, comme élément de la scholie, ou s'il est de Térence (de fait Micion disait "nam ambos curare etc."). Dans ce deuxième cas, la scholie est réduite à la seule citation, sans la conjonction causale, ce qui semble un peu abrupt.176. Westerhof, suivi par Wessner, ajoutait ici "<filios>" pour faire droit au moins partiellement au contenu de la seconde tirade de Micion ( 820 et suiv.). Mais c'est inutile, car il suffit de comprendre que Déméa ne sera pas non plus victime de la corruption des jeunes gens qui rejaillirait immanquablement sur lui. Il ne subira donc de perte ni dans son patrimoine, ni dans sa réputation.177. Wessner éditait (compte non tenu ici de l'ordre des lemmes sur lequel nous reviendrons) : 823, 3 "...sed aetatis. 825 NON QVOD DISSIMILIS RES SIT an quia huic licet, <illi non licet>?". Le commentaire du vers 825 tel qu'édité ainsi n'a aucun sens. L'ajout, dû à Wessner, est absent des manuscrits qui lisent tous à peu près "non quod dissimilis res sit an quia huic licet" avec quelques variantes minimes dues à la difficulté de comprendre ce que cela signifie. Nous pensons que le désordre provient ici du passage de scholies marginales à un texte continu, ce que confirme la succession aberrante, dans ce passage, des lemmes dans les manuscrits (820, 830, 831, 821, 823, 825, 826, 823, 3 ; 827, 828 et fin du 830). On peut supposer que le compilateur a copié d'abord, en regard du texte de Térence, une scholie en haut à gauche, puis la suivante en haut à droite et toute la colonne de scholies qui le suivait, puis la colonne de gauche qu'il avait commencée mais non finie, et ce sur une seule page du texte de la comédie. Les scholies ont ensuite été rassemblées en "texte" en déroulant leur succession horizontale. Sur cette "méthode", voir Funaioli (1930). Du coup, il est fort probable que cette recomposition brutale du commentaire ait entraîné des erreurs dans la délimitation des lemmes et des scholies. Pour nous, il est évident que le segment édité par Wessner sous 825 ne peut se comprendre que si sa place originelle (que nous rétablissons selon l'ordre des vers de Térence) était de conclure le commentaire de 823, 3. Dans ce cas, ce n'est pas un lemme, mais une citation et le commentaire devient à peu près clair (voir note apposée au texte français).178. Ce mot est un ajout de Westerhof, mais il s'impose compte tenu de la construction qui suit. "Si" a pu être confondu avec "s." mis pour "subuertit" (dans le lemme) et disparaître dans le développement de l'abréviation "s." en "subuertit".179. Wessner, suivant Klotz, édite "in<uerso> uerbo" en postulant un saut du même au même dans le "in uerbo" des manuscrits. Mais on peut lui objecter que le segment "INVERSO" a pû être pris pour "IN VERBO" vu le contexte et la présence de "uerbo" deux mots après.180. Texte des excellents manuscrits VKUM. Wessner éditait "†et quasi quo†", texte issu de C (et en partie attesté par G). Toutefois, bien que se comprenant, contrairement à ce que prétend Wessner, ce texte a tout d'une glose marginale commentant "ad quem locum".181. Wessner et Goetz ajoutaient ici respectivement "aliquem" et "ligare", dans cet ordre, mais cela ne sert rigoureusement à rien, compte tenu de la nature du commentaire. Voir la note apposée au texte français.182. Wessner éditait "cui rei est indultus", conjecture de Schoell bâtie sur le "multus" de C, les autres penchent nettement vers le texte que nous proposons et qui se trouve exactement sous cette forme dans V. Les autres, compte tenu des circonstances ont lu "nuptiis".183. Ne comprenant pas "nisi ineptiis" devenu "nisi nuptiis", les scribes ont pataugé dans les coordinations de ce segment qui développe "ineptiis". Wessner suivait l'aberrante leçon de C "imponatur" pour "nuptiali", mais, ne pouvant la comprendre, il la faisait précéder d'une "crux".184. Wessner éditait "grate a nominibus <ad> uerba transeat" suivant pour "grate" une conjecture d'Estienne (1529), pour l'ajout de "ad" une conjecture de Wieling, et pour la forme "transeat" une correction de Klotz. Nous éditons ce que donnent les manuscrits, à la notable exception de K qui a lu le verbe au singulier. Sur le sens de ce commentaire, voir la note apposée au texte français.185. Passage très difficile. Wessner éditait "quod nunc <est> mitis", avec l'ajout de "<est> mitis" dû à Schoell. Ce texte est proche de celui de K "quod nunc mitis", ce qui pourrait le faire préférer, mais K paraît attester une amélioration d'un passage sans doute corrompu que C a recopié tant bien que mal en lisant "ſʒ ñc ĩ triſ", en gros quelque chose comme "sed nunc in tris"... Tous les autres témoins portent une lectio facilior : "quod nunc dicit". Pour "quod" au lieu de "sed", on peut penser que l'erreur invétérée est due à une abréviation peu claire ou peu connue de "supra", interprétée par telle branche en "sed" (C), par telle autre en "quod". La leçon "quod" était d'autant plus tentante que l'on venait de lire "hoc", et elle induisait que ce qui se lisait au mieux "mitis" était le verbe. Le mieux était une troisième personne pour la parallélisme avec "iurgabat" et "dicit" est une correction aisée et élégante. Wessner a évité l'écueil de la "lectio facilior" que représente "dicit", sans doute en recourant à une lecture de K par Schoell complétée par une conjecture de ce dernier. Nous pensons que tout le problème se trouve dans ce que nous a transmis (sans doute bien involontairement) C. Dans le segment incompréhensible "ñc ĩ triſ", il est tentant de lire avec une légère différence de texte par rapport à la citation exacte de Térence "nunc iam tria" du vers 884. Reste le "s" final de ce segment et ce que C a lu "ſʒ" (sans doute "sed" dans son esprit). Nous pensons que si l'on accepte "nunc iam tria", il faut lire "supra" à gauche pour "ſʒ" et "scilicet" à droite pour "ſ". Sur le sens de ce commentaire, voir la note apposée au texte français.186. Les deux scholies qui suivent sont attribuées par Wessner au vers 904 (respectivement scholies 2 et 3). Mais elles concernent vraiment le mot "Hymenaeum" et nous les rapatrions au vers 905 (vide de scholies chez Wessner).187. Texte peut-être irrémédiablement corrompu. Ce que nous éditons, à la suite de Wessner (avec un "<materia>" ajouté par Dziatzko), repose sur des corrections d'éditeurs à un texte unanime des manuscrits "maceries dicitur paries nunc altus de macerata", ce qui n'a aucun sens, à moins de considérer que "macerata" désigne un type de construction, une sorte de "torchis". Le mot technique aurait pu se perdre. Notons à l'appui de cette hypothèse qu'aucun scribe ne semble voir ici le moindre problème.188. Wessner ajoutait ici "<et>" qui n'a aucune raison d'être.189. Wessner éditait le texte désespéré de C "IVBE quasi hoc dicere insultantes solemus †nunc minare hunc si abste tecum afflictum tenemus†". Notre texte repose pour le début sur JO et jusqu'à "solemus" sur un consensus plus large de manuscrits généralement fiables VGUMJO. La seconde partie a été transmise par la plus grande partie de la tradition de manière absurde bien que relativement consensuelle : "nunc minari hunc assistere quem afflictum tenemus" (O) est un bon représentant de ce magma. Nous nous rallions plutôt au texte de C qui, sans être vraiment compréhensible, a le mérite de transmettre sans doute un état "ante correctiones", en lisant "nunc minar hoc si abste tecum afflictum tenemus". Nous supposons que la séquence "abste cum" a été relue "abs tecum", puis corrigée en "abste tecum" pour qu'il ne manque rien à aucune des deux prépositions. "Nunc minar'" paraît cacher "numerare" tiré lui-même de "dinumeret" du texte térentien dont il est un à peu près. Cette scholie est une reformulation dont Donat donne un autre aperçu au vers 946.190. Wessner éditait, d'après C, "Demea Micioni" (même sens), mais nous prenons l'ordre de V, meilleur syntaxiquement et attesté indirectement par G, dont la lecture "mitio in demea" atteste une mélecture d'un segment "MITIỐIDEMEA" lu "MITIOĨDEMEA" avec simple déplacement de la tilde.191. Wessner, suivant Umpfenbach, éditait "Ctesiphoni <an> lenoni an" etc., pour la correction. Mais on peut comprendre sans l'ajout.192. Nous déplaçons au vers 919 cette scholie que Wessner numérotait 918, 2, car elle concerne un énoncé qui se trouve au vers 919 exclusivement. Le vers 918 ne compte donc plus qu'une seule scholie, et l'ancienne scholie unique de 919 selon Wessner devient 919, 2.193. Nous entérinons l'ajout de la préposition "a", dû à Estienne, suivi par Wessner. Indispensable à la construction de "incipere".194. Wessner complétait le lemme avec "<TE>", concerné par la scholie. C'est certes possible, mais les mss. ne l'ont pas et cette dose d'implicite est tout à fait acceptable.195. Wessner éditait " 3 SI TV SIS HOMO non 'si es' sed '<si> sis' dixit" etc. Or parmi les mss. que Wessner appelle injustement "deteriores", il y a unanimité sur un très bon texte qui ne nécéssite pas l'ajout de Wessner. Car si K (inconnu théoriquement de Wessner), qui a omis une page correspondant au texte des scholies 931, 1 à 984, et U, qui a fait un saut du même au même qui nous prive de sa scholie 934, 3, ne nous sont ici d'aucun secours, GVM sont formels : le texte est celui que nous éditons. Il en résulte qu'il y a deux scholies en une : la première se réduit à une remarque morphologique (voir note apposée au texte français), la seconde, à partir de "sed sis dixit", est une scholie d'analyse du texte et des intentions des personnages.196. C'est Wessner qui ajoute "<alienum>". Cela paraît légitime pour rendre compte de la succession des quatre adjectifs et du sens général de ce dernier élément.197. Wessner complétait le lemme avec "<MEVM>", inutile.198. Wessner complétait le lemme avec "<VERBVM>", inutile.199. C'est Wessner qui ajoute la préposition en écrivant "<a> iure". Nous le suivons en l'occurrence : il s'agit d'un argument "a iure" ou d'un énoncé "tiré du" droit. La disparition de la préposition s'explique facilement si l'on imagine qu'avant d'être redéveloppé, le dernier mot du lemme était abrégé "F", suivi du "a" de la scholie, l'ensemble ayant été compris "FA" pour "factum".200. Wessner éditait "2 SED. <D.>", d'après une assez fine suggestion de Schoell qui, à partir d'un texte isolé de C, "sed", pensait voir là un lemme pour "sedulo docui". C'est envisageable et même tentant, sauf que la plupart des mss. ont "quem" et non pas "sed" et que, avec "sed", la phrase est un peu bancale faute d'un sujet à la proposition infinitive. Mais précisément, c'est ce qui pourrait faire pencher en faveur de la solution Schoell/Wessner, "quem" pouvant sembler être une correction. Néanmoins, quelque solution qu'on adopte, le sens n'est pas modifié et nous nous rallions à la majorité et la grammaticalité.201. Le texte plautinien est, d'ordinaire, "facis sapientius etc.".202. Nous suivons Wessner qui entérinait l'ajout de ce "<et>" dû à Estienne (1529) et que la syntaxe rend indispensable.203. Le lemme indiqué en tête de la préface correspond au vers 26, c'est-à-dire au vers 1 de la scène 1 de l'Acte I, et non au premier vers de la pièce, qui est celui du Prologue. Mais c'est purement conventionnel, car la préface de Donat présente la comédie dans son ensemble, selon le plan standard qui est le sien dans ces circonstances : type de comédie, caractéristiques de la représentation, résumé de la fable, etc. Le fait, néanmoins, que le vers étiquette de la pièce soit le début de l'Acte I et non le début du Prologue prouve bien que le Prologue est tenu pour un hors-d'œuvre et que la pièce stricto sensu commence seulement avec le début de l'action, menée par des personnages sur scène.204. Le commentaire porte sur le titre de la pièce. "Adelphi" est un mot au pluriel et c'est un mot masculin, alors que "fabula palliata" est une lexie au féminin singulier. Cette remarque est usuelle, qui consiste à signaler une incongruité apparente à écrire "fabula palliata Adelphoe" ; Térence s'en explique ailleurs à propos du mot "Eunuchus", masculin en règle générale mais féminin quand c'est un titre de pièce. On doit donc comprendre ici que "Adelphoe" est un féminin singulier lorsqu'il est employé en tant que titre, car il prend le genre de son hyperonyme "fabula" (même en l'absence de ce dernier). Notons qu'en grec le titre devrait être au duel, mais il n'y a pas, sauf erreur, de titre grec au duel, même quand l'intrigue suppose qu'il s'agit de deux individus. Ainsi les Synapothneskontes (Les Deux Mourants), comédie de Diphile, présente un titre au pluriel. On connaît aussi des titres comme Didymoi (Les Jumeaux), où on attendrait Didymō (Les Deux Jumeaux). Le fait que le titre est un mot grec (il en va d'ailleurs de même avec tous les autres titres térentiens) ancre la comédie dans le genre de la "palliata" (comédie en latin à sujet grec). Enfin, ce titre est fait "a facto fratrum" (à partir d'un fait qui concerne des frères) : il s'agit d'une allusion à la typologie des titres donnée par Evanthius, Com. VI, 4 : "Toutes les comédies ont quatre manières d'être intitulées : d'après un nom, d'après un lieu, d'après un fait, d'après un événement. D'après un nom : par exemple Phormion, Curculion, Epidicus ; d'après un lieu : par exemple L'Andrienne, La Léocadienne, La Fille de Brindes ; d'après un fait : par exemple L'Eunuque, La Comédie aux Ânes ; d'après un événement : par exemple Les Deux Mourants, Le Crime, Le Bourreau de soi-même".205. Le commentaire évoque le type de comédie dont il s'agit, par référence à Evanthius Fab. IV, 4 : "Comoediae autem motoriae sunt aut statariae aut mixtae. motoriae turbulentae, statariae quietiores, mixtae ex utroque actu consistentes" (Quant aux comédies, elles sont mouvementées ou statiques ou mixtes. Les mouvementées sont agitées, les statiques plus calmes, les mixtes participent des deux types).206. Elle est utile par les préceptes moraux qu'elle délivre et plaisante par sa langue élégante et son action intéressante. Elle obéit donc au "docere" et au "placere". La remarque de Donat vaut pour justifier à la fois le programme scolaire, qui fait de Térence un auteur incontournable, et la nécessité éditoriale d'écrire après d'autres un nouveau commentaire de cette pièce.207. La question de la répartition des rôles consiste à établir la distribution. Le premier rôle (le grec dirait le protagoniste) joue un seul personnage, le second (deutéragoniste) aussi, en général ; au-delà, il est possible qu'un même acteur se charge de plusieurs rôles. La question n'est donc pas anodine, mais on voit que Donat ne cherche pas à trouver une configuration plausible, dans laquelle il montrerait de combien d'acteurs on a besoin au minimum en tenant compte des intervalles de temps nécessaires à un même comédien pour changer de costume et (éventuellement) de masque.208. Sur la question controversée des cinq actes, cf. par exemple C. Nicolas, 2007b, notamment p. 597-608. Texte disponible en ligne sur le site HAL-SHS: cf. http://hal-univ-lyon3.archives-ouvertes.fr/docs/00/32/73/82/PDF/papier.pdf209. Référence (habituelle dans les préfaces de Térence) à Evanthius Fab. IV, 5 et Com. VII.210. La date de la représentation indiquée correspond donc à l'année 160 avant J. C. Mais il est indiqué le nom de deux chefs de troupes, et, dans les Didascalies de la pièce de Térence, apparaît le nom d'un troisième chef de troupe, L. Hatilius de Préneste. On peut donc supposer qu'il y a télescopage de plusieurs informations, concernant plusieurs représentations de la pièce. Sur la musique de scène et la flûte de droite ou de gauche, cf. Evanthius Com. VIII, 11 : "huiusmodi carmina ad tibias fiebant, ut his auditis multi ex populo ante dicerent, quam fabulam acturi scaenici essent, quam omnino spectatoribus ipsius antecedens titulus pronuntiaretur. agebantur autem tibiis paribus, id est dextris aut sinistris, et imparibus. dextrae autem tibiae sua grauitate seriam comoediae dictionem praenuntiabant, sinistrae [Serranae] acuminis leuitate iocum in comoedia ostendebant. ubi autem dextra et sinistra acta fabula inscribebatur, mixtim ioci et grauitates denuntiabantur" (Les poèmes de ce genre étaient donnés accompagnés de flûtes, au point que, dès qu'on les entendait, beaucoup dans le public disaient quel genre de pièce les acteurs s'apprêtaient à représenter, avant même que son titre ne soit annoncé en préalable aux spectateurs. On les jouait avec des flûtes égales, c'est-à-dire droites et gauches, et inégales. Les tuyaux de droite, par leur son grave, annonçaient un passage sérieux de la comédie, ceux de gauche, par la légèreté de leurs sons aigus, montraient un passage enjoué. Quand la comédie portait dans sa rubrique de titre la mention "droite et gauche", on pouvait s'attendre à un mélange de jeu et de sérieux).211. cf. Evanthius Com. VIII, 1 : "in plerisque fabulis priora ponebantur ipsarum nomina quam poetarum, in nonnullis poetarum quam fabularum, cuius moris diuersitatem antiquitas probat. nam cum primum aliqui fabulas ederent, ipsarum nomina pronuntiabantur, antequam poetae pronuntiaretur, ne aliqua inuidia ab scribendo deterreri posset. cum autem per editionem multarum poetae iam esset auctoritas adquisita rursus priora nomina poetarum proferebantur, ut per ipsorum uocabula fabulis attentio adquireretur" (dans la plupart des pièces, on indique le nom des pièces avant celui des auteurs, dans quelques-unes celui de l'auteur avant celui des pièces, diversité d'usage qui garantit l'ancienneté. Car, dès qu'on produisait une pièce, on en donnait le titre avant de nommer l'auteur, pour éviter que la jalousie ne le détourne de l'écriture. Mais une fois que la production de plusieurs pièces avait assis suffisamment l'autorité du poète, alors au contraire on mettait en avant le nom du poète pour que la mention de ce nom attire sur la pièce l'attention du public).212. La pièce de Térence est le résultat d'une "contaminatio" entre deux modèles, ce dont le poète s'explique partiellement dans le Prologue. Ménandre avait peut-être écrit deux pièces intitulées Adelphoi ; quant à la pièce de Diphile, intitulée en grec Synapothneskontes ("ceux qui agonisent en même temps"), elle a été fidèlement retranscrite, là où elle est le modèle, si l'on en croit le Prologue de Térence, c'est-à-dire pour la seule scène de l'enlèvement au début de l'Acte II. Notons, en ce qui concerne les deux titres, que Donat n'est pas cohérent avec son propos précédent (Praef. I 1) sur le maintien des titres grecs : pour que la pièce de Diphile soit reconnue comme un spécimen de Néa en grec et de palliata en latin, il faudrait continuer à l'intituler Synapothnescontes. C'est d'ailleurs ce que fait Térence dans son prologue (cf. 6-7), où il signale la comédie de Diphile sous son titre original, le titre latin correspondant Commorientes étant dû à Plaute.213. Comme souvent en lexicologie antique, Donat glisse d'un mot à l'autre. Ce qui motive son topo sur "scriptor" est en effet le terme "scriptura", présent chez Térence.214. Le commentaire porte sur "obseruare", mais c'est "obseruatio" qui est expliqué ; même glissement d'un mot à l'autre au commentaire au vers 412, 2 de L'Andrienne ; cf. ad loc.215. "Genus uerborum" désigne, dans la grammaire de Donat, la voix verbale, ou la diathèse : "Les genres des verbes, que d'autres appellent significations, sont au nombre de cinq : actif, passif, neutre, déponent, commun. Sont actifs ceux qui finissent en o et prennent un r pour se mettre au passif, comme 'lego' je lis, 'legor' je suis lu. Sont passifs ceux qui finissent en r et, en le perdant, repassent à l'actif, comme 'legor lego'. Sont neutres ceux qui finissent en o et, s'ils prennent un r, cessent d'être latins, comme 'sto' je me tiens debout, 'curro' je cours ; sont également neutres ceux qui finissent en i, comme 'odi' je hais, 'noui' je sais, 'memini' je me souviens ; il y en a aussi qui finissent en um, comme 'sum' je suis, 'prosum' je suis utile ; d'autres qui finissent en t [et qu'on appelle impersonnels], comme 'pudet' j'ai, tu as, il a (etc.) honte, 'taedet' j'ai, tu as, il a (etc.) dégoût, 'paenitet' j'ai, tu as, il a (etc.) regret, 'libet' j'ai, tu as, il a (etc.) plaisir ; mais ces derniers et leurs semblables doivent être considérés comme défectifs. Sont déponents ceux qui finissent en r et, en le perdant, cessent d'être latins, comme 'conuiuor' je prends un repas, 'conluctor' je lutte. Sont communs ceux qui finissent en r et tombent sous deux formes, l'une passive, l'autre active, comme 'scrutor' je scrute, je suis scruté, 'criminor' j'incrimine, je suis incriminé : nous disons en effet 'scrutor te' je te scrute et 'scrutor a te' je suis scruté par toi, 'criminor te' je t'incrimine et 'criminor a te' je suis incriminé par toi. Certains verbes échappent à cette règle et sont dits hétérogènes, comme 'soleo' j'ai l'habitude, 'facio' je fais, 'fio' je deviens, 'fido' j'ai confiance, 'audeo' j'ose, gaudeo je me réjouis, 'uescor' je me nourris, 'fero' je porte, 'medeor' je soigne, '[reddo' je rends] 'edo' je mange, 'pando' je déploie, 'mando' je mâche, 'nolo' je refuse, 'uolo' je veux. Certains ont une flexion défective, comme 'cedo' donne, 'aue' salut, 'faxo' je ferai, 'sis' s'il te plaît, 'amabo' s'il te plaît, 'infit' il commence, 'inquam' dis-je, 'quaeso' je t'en prie, 'aio' j'affirme. Il y a même des monosyllabes qui pour cette raison sont les seuls à connaître un allongement, comme 'sto' je me tiens, 'do' je donne, 'flo' je souffle, 'no' je nage. Certains verbes ont une signification incertaine, comme 'tondeo' je tonds, 'lauo' je lave, 'fabrico' je fabrique, 'punio' je punis, 'munero' je gratifie, 'partio' je répartis, 'populo' je dévaste, 'adsentio' je m'accorde, 'adulo' j'adule, 'lucto' je lutte, 'auguro' je prédis, : tous ces verbes en effet se finissent en o et en r et connaissent presque tous les temps du participe. Il y a en outre des verbes qui peuvent être composés, comme 'pono' je pose, 'traho' je tire, d'où 'repono' je repose, 'retraho' je retire ; d'autres qui ne le peuvent, comme 'aio', 'quaeso'". Ce que Donat veut dire ici, c'est qu'il y a un facteur commun de l'accusatif "scripturam", qui fonctionne d'abord comme le sujet de l'infinitive au passif, dont le verbe est "obseruari", et ensuite comme l'objet de l'infinitive dont le verbe actif est "rapere".216. Il s'agit de remarquer que le genre et le nombre de "comoedia" l'emporte sur celui du titre, théoriquement masculin pluriel. Cf. ce que Donat disait dans sa Préface en I 1.217. Donat donne une typologie des différentes fabulae. On en retrouve les principales dans Evanthius (Fab. IV, 1), auquel il ne se réfère pas ici : "Il faut aussi retenir que, après la Néa, les Latins ont produit mainte forme de théâtre, comme les togatae, à partir de personnages et d'intrigues latines, les prétextes, à partir de hauts personnages tragiques tirés de l'histoire romaine, les atellanes, du nom d'une cité de Campanie où elles ont été données pour la première fois, les Rhinthonicae, du nom de leur auteur Rhinton, les tabernariae, dotées d'une intrigue et d'un style de bas étage, les mimes, qui consistent en une imitation suivie d'événements minimes et de personnages infimes". Evanthius donne par ailleurs une autre liste légèrement différente dans Com. VI  1 "Fabula 'pièce' est un mot générique, qui inclut deux sous-types principaux, la tragédie et la comédie. La tragédie, quand elle est bâtie sur une intrigue latine, est dite prétexte. Quant à la comédie, elle comprend de nombreuses subdivisions : palliata, togata, tabernaria, atellane, mime, rhinthonica ou planipedia". La liste de Donat comprend donc en commun avec les deux listes d'Evanthius : le terme générique "fabula" (cf. "generaliter"), ses subdivisions principales ("species") comédie et tragédie, dont la prétexte est une sous-catégorie (bizarrement placée au milieu de genres comiques) ; les autres genres indiqués sont des types de comédies : togata (comédie en toge, donc à sujet romain), tabernaria (comédie de bas étage), atellane (comédie régionale, spécialité de la ville d'Atella), mime, Rhintonica (du nom de son inventeur). Manque à la liste de Donat la palliata (comédie à sujet grec, dont les pièces de Térence sont d'éminents représentants, d'où leur absence de la liste : elles sont présentes par défaut) et la planipedia, sur le nom de laquelle Evanthius propose plusieurs étymologies : "La planipedia a ce nom en raison de son intrigue de bas étage et de la vulgarité de ses acteurs, qui ne sont pas juchés sur des cothurnes ou des socques quand ils sont sur la scène ou sur les tréteaux, mais sur la plante de leurs pieds ; ou alors c'est parce que les intrigues qu'on y trouve ne concernent pas des personnages qui logent dans des tours ou des cénacles, mais de plain-pied, dans des quartiers populaires". En revanche, Donat utilise le terme, inconnu d'Evanthius, de "crepidata", mot à mot la pièce jouée en "crepida", sorte de sandale. Le cothurne, chaussure haute, était l'apanage de la tragédie ; la crepida caractérisait la comédie.218. Les Latins utilisent certains adjectifs de localisation dans deux sens différents : tantôt purement qualificatifs, tantôt purement situationnels. Ainsi "imum mare" peut signifier "la mer profonde" ou "le fond de la mer", "summa arbor" "un arbre très haut" ou "le sommet de l'arbre". D'où l'ambiguïté ici pressentie par Donat : "prima fabula" ne veut pas dire "la première pièce" (puisqu'il n'y en a pas une deuxième de même titre), mais "le début de la pièce".219. La remarque vaut ici pour signaler que le mot "populus" désigne le peuple romain et non le public, sens que ce mot a majoritairement dans le commentaire de Donat.220. Cf. la typologie d'Evanthius, Fab. IV, 4 : "Comoediae autem motoriae sunt aut statariae aut mixtae. motoriae turbulentae, statariae quietiores, mixtae ex utroque actu consistentes (Quant aux comédies, elles sont mouvementéées ou statiques ou mixtes. Les mouvementées sont agitées, les statiques plus calmes, les mixtes participent des deux types).221. La présence à la fois de "e contrario" et "contrarium" a troublé les éditeurs. Teuber proposait de remplacer "e contrario" par "a charactere", qui convient bien à la scholie, tandis que Ritschl athétisait "contrarium" dans la suite. En réalité, même si l'expression est maladroite, "e contrario" est une locution adverbiale portant sur "protulerit" et non une lexie "e contrario repugnans", qui poserait problème sur le plan terminologique. Le groupe ternaire "repugnans, contrarium, diuersum" fait appel à une terminologie technique de la dialectique. Les "repugnantia" sont des propositions contradicatoires entre elles (cf. Cic. Tusc. 2, 72 et Top. 19 ; 21 ; 53 ; de or. 2, 170...).222. Le nom du personnage comique dit en théorie quelque chose de son rôle. Les exemples donnés ici par Donat sont caractéristiques : Storax (variante latine de Styrax) est le nom d'un arbre odorant, Parménon ("le stable", sur "παρ(α)μένω ", "rester auprès de, être fidèle à") implique en effet l'idée de fidélité, Syrus et Géta (le Syrien et le Gète) sont des ethniques qui renvoient à des peuples notoirement perfides de l'orient hellénisé ou de l'Afrique punique, Thrason ("le courageux") et Polémon ("le guerrier") sont indéniablement des noms de soldats, Pamphile ("l'amoureux universel") est un nom prédestiné de jeune premier, Myrrhina ("qui sent la myrrhe"), qui conviendrait plutôt à une courtisane qu'à une matrone, est en tout cas un nom qui connote le parfum et Scirtus (d'après "σκιρτάω ", "bondir") annonce un personnage gesticulant... Le procédé contraire consiste à donner un nom par antiphrase, comme le banquier de Plaute Misargyridès (dans la Mostellaria, 574), dont le nom signifie "qui déteste l'argent". Plusieurs de ces noms sont récurrents dans la palliata ou dans la Néa : de fait, Pamphile est nécessairement un adulescens (dans L'Andrienne), Thrason est un miles (dans L'Eunuque), tout comme Polémon (personnage de La Tondue de Ménandre). Certains, en revanche, ne sont pas autrement connus par des sources directes. Remarquons toutefois que ces noms ne sont parlants que pour des Latins qui connaissent le grec.223. Le commentaire prend ici nettement la forme générique du problème ("πρόβλημα", "quaestio") qui réclame une solution ("λύσις", "solutio").224. L'absence de mot interrogatif rend la structure plutôt assertive. La préférence pour l'assertion est ici, en outre, peut-être motivée par le fait que l'on entre dans la scène d'exposition, qui doit remplir une fonction informative.225. L'"aduersitor" était un esclave spécialisé dans l'accueil de son maître, au devant duquel il allait à chaque arrivée.226. La forme "ierant" doit, dans ce sénaire iambique, se scander "īerant" ; or la forme attendue est soit "īuerant" soit "ĭerant", avec un abrègement régulier de la longue en hiatus. Du coup, on est tenté de corriger le texte "īerant" en "īuerant", mais c'est inutile : la scansion de Térence, avec amuïssement du u (consonne) intervocalique et maintien de la longue malgré l'hiatus, est un trait archaïque ; Priscien De metr. Ter. GL 2 422, 35 cite ce début de scène comme caractéristique des prologues et des premières scènes de Térence, toujours écrits en sénaires iambiques ("Terentius in omni prologo et in omni prima scaena trimetris utitur"), attestant ainsi la scansion et l'orthographe prescrites par Donat. En revanche, les exemples virgiliens donnés en appui sont contre-productifs, car l'ancienne longue a bien subi l'abrègement attendu et les formes verbales se scandent "abĭisse" (et non "abīisse") et "petĭisse" (et non "petīisse").227. Le pluriel a ici une valeur générique, comme "on" en français. L'énoncé est donc à comprendre comme un adage.228. L'ajout "aut ibi" de Térence est compris par Donat comme donnant une indication morpho-syntaxique : alors qu'"uspiam" peut aussi bien répondre à la question "ubi" qu'à la question "quo", "ibi" sert à orienter l'adverbe exclusivement vers la question du lieu où l'on est.229. Comprendre : ici aussi il faut postuler "irata" (qui se trouve exprimé au vers 31, en apposition).230. Il s'agit du récit de Sinon. On peut s'interroger sur le rapport de cet exemple au reste : c'est le pressentiment qui est mis en évidence. Le commentaire de Donat porte ici sur un type particulier de pensée, le pressentiment de mauvais augure, la pensée qu'on ne dit pas car elle est néfaste, comme dans le cas des idées biaisées que les épouses se font.231. Les noms relatifs (que les Grecs appellent "τὰ πρός τι " et les Latins "nomina ad aliquid", entre autres possibilités) sont les noms du lexique qui entretiennent une relation binaire d'une manière telle que l'existence de l'un est conditionnée par l'existence de l'autre, comme avec les binômes de termes père/fils ou époux/épouse : s'il y a une épouse, c'est qu'il y a un époux et réciproquement. Donc, dans la situation d'énonciation où "ego" parle de sa femme ou de son père, il est inutile de préciser de l'épouse de qui ou du père de qui il s'agit : "uxor" implique "uxor mea" ; dans le cas où le contexte est clair, la précision est inutile aussi : "parentes" sans déterminant désigne les parents de celui dont on est en train de parler. Donat prête là beaucoup d'érudition au poète ("erudite"), qui, quoi qu'en dise le commentateur, ne risquait pas de connaître ces réflexions grammaticales et cette terminologie... Notons que dans son Ars, Donat n'utilise pas le terme grec mais seulement (et de façon fort allusive) le terme latin "ad aliquid" : Don. GL IV 374, 8 : "sunt alia ad aliquid dicta ut pater, frater" (il il y aussi ceux qu'on nomme en relation avec quelque chose, comme "frater" (frère), "pater" (père)). Probus, en revanche (qui est peut-être utilisé en l'occurrence par le commentateur), connaît les deux termes, le grec et le latin, et se montre un peu plus explicite : Prob. GL IV 119, 34 : "sunt nomina, quae Graeci τῶν πρός τι appellant, id est ad aliquid, ut puta pater frater mater. iunguntur enim quibus respondeant, ut puta pater Marci, mater Iuli, frater Victoris : sic et cetera talia" (il y a des noms que les Grecs appellent "πρός τι", c'est-à-dire "ad aliquid", comme par exemple "pater", "frater", "mater". Ils s'adjoignent en effet aux noms auxquels ils répondent, comme par exemple "père de Marcus", "mère de Julius", "frère de Victor").232. L'amplification proposée paraît étrange : le moins grave est d'aimer ailleurs, puis vient le fait d'être aimé (lequel pourrait passer pour innocent, en toute logique, sauf à l'interpréter, comme fait Donat, au sens de "profiter d'une femme amoureuse sans être amoureux soi-même"), puis le fait de boire, puis de prendre du plaisir, quel qu'il soit. Tout porte à croire que la progression est montée à l'envers. Et c'est peut-être là que le procédé rejoint l'"idiotisme" : voilà, selon le misogyne Micion, la manière dont les femmes ordonnent les valeurs morales. On voit qu'elles placent très haut dans la gravité le fait que leur époux se soûle sans elles, ce qui rejoint le reproche souvent fait aux dames de comédie (et typiquement chez les nourrices) d'être des ivrognesses.233. L'opposition "supposuerit" vs "sumpsit" relaie, de façon moins technique, les substantifs correspondants, qui sont des termes de la logique, "suppositio" vs "sumptio", lesquels sont des décalques respectifs du grec "ὑπόθεσις " et "λῆμμα".234. La proposition peut en effet se comprendre avec "te" comme sujet ou comme objet du verbe "amare" (tu aimes ou quelqu'un t'aime). La suivante, au passif, cesse d'être ambiguë.235. L'épanaphore est une figure de répétition d'une même structure syntaxique en tête de phrase ou de segment ; ici c'est la reprise du pronom relatif objet "quae" dans deux relatives juxtaposées qui est en cause. Voir aussi 496 et 546.236. La notion d'anacoluthe est ici très élargie. Donat dit (sans doute) que pour être complète, la phrase devrait dire "ego pater", "moi, le père". Or cette absence de précision n'affecte en rien la grammaire. L'anacoluthe dont il s'agit est donc déplacée sur le plan sémantique : puisqu'il parle de son fils, il devrait préciser "moi le père". Mais cette remarque vient en porte-à-faux avec ce qu'il a dit plus haut des noms relatifs (voir la scholie 31).237. Heureuses, du moins, pour l'homme qui est en retard, et que son épouse soupçonne de boire avec des amis ou de faire l'amour avec une maîtresse.238. C'est-à-dire qu'il a pour son jeune adulte de fils une tendresse de mère. Ce comportement n'est guère habituel dans la mentalité de l'homme romain, ni non plus dans celle de l'homme athénien.239. Est commenté l'usage de la généralité avec l'indéfini "quemquam", qui permet à Térence de se moquer doucement de son personnage, qui s'étonne de ce qui lui arrive alors que cela est commun. L'ironie est perceptible.240. Donat fait remarquer que la structure "quam ipse est sibi" (qu'il ne l'est à soi-même) implique un dédoublement de la personne, à la fois sujet et objet de l'affection. Il n'y a rien là de particulièrement étonnant, puisqu'on a affaire à une structure réflexive. Mais le commentateur nous incite à relire tout l'énoncé ; dans ce cas, on a le sentiment que l'homme évoqué par Micion place dans son cœur un être qu'il aime mais aussi soi-même ; il est donc étrangement inclus dans soi-même. C'est cette bizarrerie anatomique, façon poupées russes, que Donat relève sans doute en s'en amusant.241. Sans doute une différence subtile sur le statut de père géniteur ("ex me natus") et de père seulement juridique ("meus natus").242. Donat paraît signaler que l'adjectif "dissimilis" (différent) ne devrait pas souffrir le degré.243. Etymologie amusante. On peut sans doute aussi comprendre, avec un autre sens de "colere", "qui honore l'esprit". Michalopoulos (1999) voit un rapprochement entre "clementia" et "mens" chez Catulle (64, 136-8). S'agit-il d'un jeu étymologique ou d'un rapprochement poétique dicté par les sonorités? Ernout-Meillet n'excluent pas la première hypothèse puisqu'il leur semble que les Latins considéraient que "clemens" contenait le mot "mens". Néanmoins, Donat est le seul à en faire une étymologie aussi explicite.244. Comprendre que l'adjectif "urbanam" est en facteur commun à deux substantifs de genre différent mais ne s'accorde qu'au plus proche, selon l'usage latin.245. Il s'agit d'une remarque lexicologique. La collocation "uitam secutus sum" (littéralement, "j'ai suivi une vie") est excellente, selon Donat, car ce que l'on suit, d'ordinaire, c'est un maître ("secta", de même famille que le verbe "sequor", désigne l'école dans laquelle les disciples suivent leur maître, "suivent" ses cours). Dire donc "suivre telle vie" revient à faire métaphoriquement du nom "uita" une "magistra", une maîtresse d'école.246. Le rapprochement entre "caelibes" et "caelites" est-il le fait d'une maxime connue ou s'agit-il d'un trait d'esprit d'un auteur isolé ? En tout cas Quintilien penche pour la seconde solution (I, 6, 26) et qualifie même cette étymologie d'"inuentio" : "Qui uero talia libris complexi sunt, nomina sua ipsi inscripserunt, ingenioseque uisus est Gauius caelibes dicere ueluti caelites, quod onere grauissimo uacent, idque Graeco argumento iuuit: ἠϊθέους enim eadem de causa dici adfirmat. Nec ei cedit Modestus inuentione: nam, quia Caelo Saturnus genitalia absciderit, hoc nomine appellatos qui uxore careant ait" (Mais ceux qui ont rassemblés de tels faits dans des livres y ont inscrit leurs noms, et Gavius a cru être intelligent en disant que "caelibes" (célibataires) s'identifiait à "caelites" (habitants du ciel), car ils sont tous les deux exemptés d'un poids très lourd, et il appuie son argument d'un exemple grec : il affirme en effet qu'on fait venir "ἠΐθεοι" (jeunes gens) de la même origine. Et Modeste ne le lui cède pas par l'invention, puisqu'il dit que, puisque Saturne a tranché les parties génitales de Caelus, ceux qui n'ont pas de femme sont appelés par ce nom). Isidore de Séville propose une étymologie quelque peu différente, même si elle est toujours en rapport avec la racine de "caelus" : Etym. X, 34 : "Caelebs, conubii expers, qualia sunt numina in caelo, quae absque coniugiis sunt. Et caelebs dictus quasi caelo beatus" ("Caelebs" (célibataire): qui n'a pas part au mariage, comme les divinités qui sont dans le ciel, qui n'ont pas de conjoint. Et le "caelebs" est appelé ainsi comme s'il était "caelo beatus" (heureux dans le ciel)). Ces étymologies amusantes sont-elles ce qui fait dire à Donat qu'il s'agit de "maximes" ?247. Sur cette restitution d'un fragment très mal transmis, voir la note apposée au texte latin.248. Le texte des prétendues maximes grecques tout comme celui de la citation de Ménandre qui suit est fort mal assuré, vu l'état de la transmission. On comprend qu'il s'agit sans doute de maximes sarcastiques contre le mariage, ou, en tout cas, d'énoncés stylistiquement condensés ; voir Bureau 2011.249. On suppose (sans garantie, étant donné l'état assez problématiques des textes grecs qui s'enchaînent dans ce passage) que Donat signale que, là où Térence dit "ceux qui ne se marient pas sont heureux", Ménandre disait "ceux qui se marient font une bêtise". Il relève donc un changement de point de vue en cohérence avec la citation précédente où il est (peut-être) dit que celui qui se marie "commet une faute" envers le père. Sur le célibat, voir notamment Sen. Phae. 478 (réplique d'Hippolyte qui recommande à la jeunesse le célibat).250. Question de ponctuation. Dans cette variante, il faut construire : "et comme ces gens-là trouvent que c'est un don du ciel qu'une épouse, je n'en ai jamais pris".251. Remarque sur la valeur des temps : avec le parfait, Micion dit qu'il n'a jamais pris femme et que, donc, à ce jour, il est encore célibataire (aspect résultatif) ; s'il avait dit à la place "uxorem non habeo", on aurait seulement pu déduire son état actuel, sans pouvoir préjuger de son état précédent (marié puis divorcé ? veuf ? jamais marié ?).252. Comprendre que l'on peut segmenter soit "ruri agere semper" (il a toujours vécu à la campagne), ce qui oriente vers une vie agréable, soit "semper parce ac duriter" (toujours chichement et à la dure), ce qui oriente vers une vie vertueuse.253. Au vers 74- 75 de L'Andrienne, Térence utilisait la même fin de vers "parce ac duriter". On ne sait pas en quoi il y a variation : est-ce par rapport au vers de L'Andrienne, dans lequel Térence utilise non pas l'infinitif de narration "agere uitam" mais l'imparfait "uitam (...) agebat" ? Dans ce cas, le "ut" de la scholie est bizarre, puisqu'il faut comprendre non pas "comme dans l'autre pièce" mais "par rapport à l'autre pièce". Ou bien est-ce la même variation dans les deux pièces ? Dans ce cas, il peut s'agir de l'emploi, dans les deux passages, d'un adverbe en "-e" puis d'un adverbe en "-ter" (surtout que "dure" est la forme analogiquement attendue, plutôt que "duriter") ?254. De fait, si Donat continuait son portrait à l'infinitif présent de narration, comme il l'a commencé, il écrirait "ducere". Or cela indiquerait un procès permanent, là où on attend qu'il soit ponctuel.255. Donat fait ici remarquer un passage de l'infinitif de narration ("agere") à l'indicatif parfait. C'est la suite logique de la remarque précédente.256. Si l'on restitue "uerba" au lieu de "†utruna", on doit comprendre que Donat préconise de lier dans la lecture les deux mots "uxorem duxit," pour éviter, en les détachant, de rapprocher "uxorem" du "se habere" qui précède.257. Le problème soulevé (comme dans l'exemple de L'Eunuque rappelé ici) est dans la référence de l'adverbe "inde" : après avoir dit "nati duo", Térence devrait reprendre non par un adverbe mais par un pronom ("quorum" ou "ex quibus") qui fonctionnerait comme le complément de "maiorem" ("dont j'ai adopté l'aîné"). C'est ce qu'il redit, autrement, au lemme suivant. Mais on peut aussi comprendre l'adverbe comme marquant un repère chronologique, au sens (fréquent) de "deinde", "ensuite" : "ensuite j'ai adopté l'aîné".258. Donat souligne ici un emploi du datif éthique.259. Le démonstratif "hic" relève en effet de la sphère de la première personne.260. "Educare" est également attesté chez les Anciens, notamment chez Ennius et Plaute, mais, de fait, pas chez Térence. De là vient peut-être cette affirmation un peu péremptoire de Donat.261. On reconnaît, dans la phraséologie "quaeritur", le genre de la "quaestio" dans lequel on pose un problème d'exégèse à propos d'un passage qui fait difficulté. La difficulté, ici, et qui laisse attendre sa solution ("hoc solum uerum est"), est d'ordre sémantique : quel est donc le sens du verbe "habui" ?262. Donat commente d'une part l'emploi d'un adjectif neutre pour référer à un sujet masculin et le fait que "solus" est utilisé seul, sans son complément de type partitif (seul parmi une collectivité). Il s'en réexplique au commentaire au vers 643, 2.263. Elucidation d'une ambiguïté possible, en raison de l'homonymie nominatif/accusatif de la forme "patres".264. Est donc ici illustrée l'habitude.265. "Coniugatis" fait référence à la notion grammatico-rhétorique de "coniugatio", décalquée sur le grec "συζυγία", et illustrée par exemple par Cicéron, Top. 12 : "Coniugata dicuntur quae sunt ex uerbis generis eiusdem. Eiusdem autem generis uerba sunt quae orta ab uno uarie commutantur, ut 'sapiens sapienter sapientia'. Haec uerborum coniugatio συζυγία dicitur, ex qua huius modi est argumentum: 'Si compascuus ager est, ius est compascere' (On appelle "liés" des énoncés qui naissent de mots de même type. Sont des mots de même type ceux qui ont une même origine et offrent une variation, comme "sapiens, sapienter, sapientia" [sage, sagement, sagesse]. Cette liaison de mots s'appelle "syzygie", d'où un argument de cet acabit : "si c'est bien un pâturage communal, on peut y paître en commun"). Ici Donat relève la liaison "liberalitate liberos".266. La construction de "conuenire" avec un sujet de chose, un datif de personne et un complément en "cum" + abl. est classique (Cic. Fin. 5, 87 ; Tusc. 5, 39...). Est-ce la première attestation de cette structure qui est remarquée ici ?267. Le participe "clamitans" est un fréquentatif, impliquant davantage d'intensité et de répétition du procès que le simple "clamans". Le choix du fréquentatif, à côté d'un adverbe impliquant lui aussi la fréquence, est ici salué comme une bonne isotopie ("congrue") ; il aurait pu aussi bien être versé du côté de la redondance.268. On a ici peut-être un sens rare du mot "lectio", rare du moins dans les textes, mais qui est assuré en latin oral par la survie romane de ce sens de "leçon". Dans ce cas, on a une explicite représentation du cours de grammaire professé par le maître. Si l'on est plus sage, on comprendra plutôt "souviens-toi de ta lecture, de ce que tu as lu (ou de la lecture publique entendue), et tu sauras etc.".269. La réplique à laquelle il est renvoyé n'est pas dite par par Micion, qui est le locuteur du lemme commenté ici, ni par Déméa, que Micion imite dans sa réplique, mais par Hégion. Du coup, il faut comprendre "ἠθικῶς" en fonction du commentaire au vers 476 5-7 : il ne s'agit pas de voir là un trait de caractère de Déméa mais un atticisme qui connote la colère. Et plus que la colère, comme trait de caractère, c'est un fait de grammaire qui est ici mis en lumière. Donat, par l'adverbe ἠθικῶς, précise que le pronom "nobis" est un datif éthique, c'est-à-dire un pronom personnel de l'interlocution et utilisé au datif, sans fonction grammaticale indispensable, et qui sert seulement à marquer l'importance que revêt pour le locuteur le message : cf. en français populaire des tours comme "Tu vas me la finir, cette assiette ?". Notons que le datif éthique n'est pas spécifiquement un atticisme : il est tout autant latin que grec.270. Micion est le parangon du père indulgent ("pater lenis"), c'est en quoi ses paroles se conforment à ce qu'on attend de lui.271. Il est difficile de dire pourquoi Donat éprouve le besoin de traduire en grec le texte de Térence. Est-ce que, sans le dire, il cite là la formule correspondante dans la pièce de Ménandre ? Quand c'est le cas, il le signale explicitement, pour marquer l'exactitude d'une traduction. Est-ce pour une autre raison ? Par exemple, souhaite-t-il rendre sensible l'équivalence bilingue (habituelle) entre "officium" et "καθῆκον" ? Quand à l'étymologie d'"officium" (reprise par Isidore de Séville, Et. 6, 19, 1), pour laquelle les Anciens invoquent d'ordinaire une déformation d'"opificium", elle est faite selon la technique du chaînon manquant, qui est fréquente chez Isidore de Séville : pour expliquer un terme (ici "officium") par un autre (ici "efficio"), les étymologistes antiques créent parfois un mot intermédiaire, inexistant (ici "*efficium"), qui permet un raisonnement. Dans ce cas, comme ici, ils utilisent "quasi" comme nous utilisons l'astérisque, pour caractériser une forme postulée et postulable, mais non attestée. Cf. par exemple Isid. 9, 3, 45 : "Militia autem (...) a mole rerum, quasi moletia" ; 9, 3, 59 : "ipsa coitio in unum cuneus nominatus est, quasi couneus, eo quod in unum omnes cogantur" ; etc. On voit un autre exemple de cette méthode en "quasi" au lemme suivant, 70, 2.272. Térence rompt un parallélisme possible avec le tour "malo coactus" ; on pouvait attendre "beneficio adiiunctus" mais on a une variante syntaxique avec une relative au lieu d'un participe apposé. Sans le dire, Donat illustre vraisemblablement la "varietas" térentienne.273. L'opposition des termes concerne en réalité les vers 69- 71 d'une part et 72- 73 d'autre part.274. Ce qui est commenté, c'est le mot "par".275. Ce qui est vrai de la chose, à savoir le "beneficium", l'est d'autant plus quand le bienfaiteur est le père. C'est un raisonnement a fortiori.276. "Consuefacere" (habituer) implique l'idée d'apprivoisement. Ainsi Col. 6, 2, 9 : "nam ubi plaustro aut aratro iuuencum consuescimus" (car quand nous apprivoisons le jeune bœuf au chariot ou à la charrue...).277. Donat semble se contredire d'un lemme à l'autre, puisque tantôt il atteste un texte térentien "nescire se", tantôt "nescire" seul. Le codex Bembinus, dans sa première rédaction, ignore le pronom, qui est restitué dans la deuxième rédaction. On doit donc supposer que la leçon authentique que lit Donat ne comprend pas le réfléchi. La scholie 4 est une remarque de syntaxe, et non d'ecdotique. Donat précise que, pour la correction syntaxique, il faut restituer le pronom sous-entendu ("deest"), de fait indispensable en grammaire normative. Mais les copistes de Donat, trompés par la recension calliopienne du texte térentien qu'ils ont sans doute sous les yeux et se méprenant sur le sens de la scholie 4, qu'ils prennent pour une remarque ecdotique, ont pu ajouter le pronom "se" dans les scholies 1 et 2.278. Donat dit ici "dans cet acte" au lieu de "dans cette scène". Mais le résumé qu'il a fait de l'Acte I intègre bien cette scène de dispute entre les deux frères. Il s'agit donc d'une erreur occasionnelle, qu'on retrouve ailleurs : cf. son commentaire à Ad. 540, 1 et à Andr. 965, 1.279. Remarque de critique littéraire sur les qualités respectives de Térence et de son modèle grec. Aulu-Gelle faisait déjà une comparaison entre les comédies originales et leurs imitations latines (Gell. 2, 23, 1-3) ; au contraire de ce que dit Donat, qui est presque toujours favorable à Térence au détriment de Ménandre, Aulu-Gelle est très sévère avec les productions latines.280. Il s'agit sans doute de remarquer le polyptote "quicquam" / "quemquam", encore qu'il ne s'agisse pas d'une variation de cas, puisque les deux pronoms sont à l'accusatif. On est alors induit à penser qu'il s'agit d'autre chose. Peut-être que le commentaire met en valeurla construction du passage, dans lequel l'accusatif "quem" est en facteur commun, alors qu'il devrait être repris par un nominatif ("neque is quemquam metuit"). Donat parle ordinairement d'anacoluthe dans ce type de situation.281. L'ambiguïté constatée tient à la construction de la proposition infinitive avec ses deux accusatifs, l'un sujet, l'autre objet : faut-il comprendre "aucune loi ne le tient" ou "il ne possède aucune loi" ?282. Ne pas dire que la personne chez qui on entre par effraction est elle-même un bandit est un mensonge par omission qui a pour but d'aggraver le cas d'Eschine.283. Même rapprochement avec "mutilatus" dans Hec. 65, 3. Dans cette même scholie, Donat évoque aussi un rapprochement avec "mulceo" (ramollir), conformément à Fest. 129, 5 et Macr. Sat. 6, 5, 2.284. Chez Térence on lit "mulcauit" et non "mulctauit". Texte meilleur de fait, car "mulcauit" correspond bien aux reformulations qu'en donne Donat dans son commentaire, alors que "mulctauit" signifierait "il les a mis à l'amende". Mais le rapprochement entre "Mulciber" et "mulctare" semble indiquer que Donat confond les deux verbes. Selon Sánchez Martínez (2000, p. 476), c'est Donat qui aurait inventé le pseudo-mot "Mulciber" selon la méthode des "nomina ficta" ("quasi").285. Il s'agit donc d'un argument faible, puisque fondé seulement sur la rumeur.286. La fin du commentaire se comprend par rapport à ce que lit Donat : en lisant "quod mihi dixere" au lieu de "quot mihi dixere" (texte habituel des éditeurs de Térence, au sens de "combien de gens m'ont dit cela au moment où j'arrivais !"), il se force à faire de "quod" l'objet de "dixere", ce qui oblige à trouver à "hoc" une autre fonction : il en fait donc un adverbe de lieu, complément d'"aduenienti" ("à moi qui arrive ici"). "Hoc" est effectivement un adverbe qui répond à la question "quo". Quant au fait qu'il le classe comme "articulus", et non pas "pronomen", cela s'explique par les emplois déterminants du démonstratif et notamment par l'utilisation qu'on en fait comme indicateur de genre ("hic et haec lupus", "lupus masculin et féminin"), en remplacement de l'article que les grammairiens grecs utilisent à ce titre. Mais c'est une remarque typologique de grammaire générale : dans le contexte du vers térentien, "hoc" ne peut pas être compris comme articloïde.287. Sans contexte, le sens de ce fragment est purement conjectural. On se sait pas si Donat le cite pour une franche synonymie, notamment de "in ore" et de "populo" / "gentibus" ou s'il montre seulement une identité de structure grammaticale ("in ore" avec un datif au lieu du génitif attendu).288. Donat réutilise ici à dessein le qualificatif que Micion a utilisé au vers 98.289. L'idiotisme tient peut-être au souvenir qu'a Donat de l'étymologie du verbe "putare", qui est issu de la langue agricole ("émonder un arbre").290. Il faut comprendre que ce que Déméa a fait à l'époque de sa jeunesse, c'était justement de ne rien faire, faute de moyens.291. Donat signale à juste titre la scansion "fīeret" et rappelle un fragment d'Ennius qu'il cite ailleurs (Pho. 74, 4 et And. 429, 3) et qui illustre lui aussi ce fait de scansion archaïque. Dans les autres utilisations qu'il fait du fragment d'Ennius, il s'intéresse non à la métrique mais à la construction de "memini" avec un infinitif présent, au lieu du parfait attendu.292. Selon son habitude, Donat considère comme une anacoluthe les cas où un des éléments d'un couple de corrélatifs n'est pas exprimé. Ici "quamuis" devrait préparer "tamen".293. Donat signale souvent que l'emploi de "homo" est caractéristique du prosaïsme comique et même plutôt d'une parlure servile. Le grand style para-tragique est donc aussitôt annulé par la fin de la réplique.294. "Homo" (être humain, bonhomme) n'est pas en effet une manière d'apostropher son propre frère.295. Sur l'induction, voir Cicéron, Inv. 1, 51 ; le rapport "inductio"/ἐπαγωγή est par exemple explicité par Cicéron, Top. 42.296. Il n'est pas sûr qu'il faille comme Donat interpréter "illi" dans l'exemple virgilien comme un adverbe. Ce peut tout à fait être dans le contexte un pronom, dont le référent peut parfaitement être Achille.297. Il est indifférent de scander cette syllabe brève ou longue. Mais l'adverbe "illi" (comme sa variante "illic") est réputé avoir une finale longue et on ne voit pas sur quoi se fonde Donat pour cette remarque phonétique.298. Sans doute faut-il comprendre que les reproches faits par Déméa sont considérés par lui comme gravissimes et que Micion les rabaisse au maximum dans son argumentation. Dans ce cas, la scholie porte sur le morceau oratoire 117- 122 où Micion minimise les fautes d'Eschine.299. De fait, le verbe simple "sarcire" signifie déjà "raccommoder", en sorte que le préverbe "re-" paraît inutile. Il est appelé par "restituetur" pour un joli effet de parallélisme.300. L'argument "a coniugatis" a été relevé il y a peu : cf. supra le commentaire au vers 57, 2.301. C'est le même emploi du futur antérieur qui est remarqué dans la citation de Virgile. Cet emploi qualifié d'archaïque est l'objet du lemme suivant également.302. Il ne s'agit pas de correction grammaticale mais de logique sémantique. Les propositions "s'occuper des deux enfants" et "me reprendre celui que tu m'as donné" ne sont pas équivalentes sur le plan logique. L'adverbe d'approximation vient donc à la fois signaler le caractère bancal de l'équivalence et faciliter le rapprochement des deux propositions qui, sur le plan argumentatif, est fort.303. Dans ce vers virgilien très célèbre, l'imprécation de Didon passe par l'accumulation des impératifs juxtaposés. Chez Térence, l'effet, identique, est obtenu par les subjonctifs de troisième personne.304. Comme souvent chez Térence, les répliques s'enchaînent par rebonds métalinguistiques. Donat fait donc remarquer la reprise des mots d'une tirade précédente (132), "quem dedi"/ "quem dedisti", avec éventuellement une légère variation : "repeto"/ "reposcere". Il en fait aussi, en forçant sans doute un peu le trait, un élément de caractérologie. Mais il n'y a pas que les paysans en colère qui rebondissent sur des paroles prononcées.305. C'est-à-dire que Micion n'est pas indulgent par faiblesse ou par lâcheté, mais par système. C'est d'ailleurs l'objet de la pièce que d'opposer deux systèmes d'éducation paternelle.306. C'est la même question que plus haut (Ad. 116, 1) : "illi" est-il un pronom au datif ou un adverbe de lieu ?307. On peut penser que Donat a mal interprété ce passage (pour lequel son texte de la comédie de Térence est assez malmené). Confondant sans doute "si" et "sim" dans sa lecture, et lisant sans doute "aut etiam si adiutor eius iracundiae", il en a conclu que la forme "adiutor" était la première personne d'un verbe déponent, et comprend "si je favorise sa colère". Dans ce cas, le génitif est une erreur de construction et l'on attendrait l'accusatif. Mais "adiutor" est un nom, il faut bien lire "aut etiam adiutor sim eius iracundiae" (avec "si" en facteur commun à déduire du vers précédent), "ou si j'étais l'auxiliaire de sa colère" ; dans cette situation, il n'y a aucune anomalie dans l'emploi du génitif.308. L'adoucissement de la formule de reproche, en montrant que le personnage n'est pas soumis à ses passions - ici la colère -, renforce la gravité du reproche au lieu de l'affaiblir. Cela correspond exactement au caractère de Micion.309. L'hyperbole, ici, est dans l'emploi d'une structure interro-négative, qui revient à dire "toutes les courtisanes".310. Comprendre : "il le défend contre vents et marées, tout en sachant, comme tout le monde, qu'entretenir une courtisane est un scandale". Comme l'expression est assez paradoxale, Rabbow (suivi par Wessner) avait ajouté une négation. Mais les mss. sont unanimes : il n'y a pas de négation.311. La parenthèse de première catégorie semble donc être constituée d'un verbe. En tout cas "credo", ici, à côté du verbe principal "taedebat", est en incise.312. Comprendre : Micion croit qu'Eschine est amoureux d'une courtisane et ne peut l'avouer aussi crûment ; il utilise donc une formule adoucie, "uxorem ducere", "épouser". Et il ignore à ce moment-là qu'il est dans le vrai, puisque celle qu'aime Eschine est en réalité une jeune femme honorable et épousable.313. Ce n'est pas le sens des verbes qui est en cause, mais seulement sans doute l'emploi de l'imparfait.314. Remarque étymologique : "de-feruisse" est expliqué par "de(orsum)" (vers le bas) et "feruore". On peut sans doute comprendre que Donat construit une infinitive dont le sujet implicite est "le jeune homme" : "j'espérais qu'il retenait sa jeunesse en deçà de l'ebullition".315. Le verbe "quiritare" est donc décrit pour ce qu'il est et que Benveniste nomme un "verbe délocutif", dérivé dont la base est une formule et le sens est "dire x" (x étant la base). Voir Diom. GL 1, 381, 23. Le terme de base "Quirites" désigne le corps des citoyens Romains et se colore d'une forte empreinte historique voire légendaire puisque ce terme est à mettre en relation avec l'épisode de l'alliance entre Romulus et Tatius. Par la suite, l'emploi de ce terme est récurrent dans la phraséologie officielle et militaire. De plus, l'archaïsme du terme renchérit sur le caractère sérieux du passage.316. Térence use de synonymes que Donat tente d'expliquer par une gradation que l'on peut comprendre pour la première série, qui est moins nette pour la seconde.317. Donat justifie un peu maladroitement que l'adverbe "otiose" oriente vers le sème de 'sécurité' alors que le substantif de base "otium" oriente vers celui de 'loisir'.318. Donat constate qu'il y a cinq adverbes consécutifs. Pour certains, la valeur est évidente ; pour "ilico" en revanche, qui peut être soit un adverbe de lieu soit un adverbe de temps, on peut hésiter et le commentateur choisit l'adverbe de lieu, qui d'ailleurs fait redondance avec "hic".319. La figure est curieusement nommée ellipse alors qu'il s'agit évidemment d'une aposiopèse. 320. Encore une remarque sur l'absence d'un corrélatif. Voir plus haut la scholie 110, 1.321. Indication de gestuelle : le personnage, disant "je m'en soucie comme de cela", accompagne sa réplique, selon Donat, d'un geste qui montre un objet qui connote la petite quantité ; parmi ces objets, notons la présence du flocon ("floccum") qui est précisément, en latin, un de ces forclusifs associables à la négation ou lexicalisés dans la petite quantité, dans un tour comme "flocci pendere", "estimer à la valeur d'un flocon". De même Eugraphius, Ad. 163 : "quasi de ueste floccum carpserit" (comme s'il arrachait à son vêtement un flocon de laine).322. Donat joue sur deux mots contenant le radical de "ius". Le premier, "iniuria", est la négation du "ius", et désigne le tort commis, donc "ius" ne peut avoir comme sens que l'absence de tort, donc la réparation exigée du prévenu. L'argument est assez subtil.323. La citation de Cicéron utilise l'adverbe "tantulum", que Donat classe ici implicitement comme déictique (au sens de "pas plus que ça"), d'où son rapport avec le texte commenté.324. Donat veut dire que "re" est employé dans un sens concret par opposition ici à "uerbis" (les mots vs la réalité tangible), et non comme un simple équivalent d'indéfini ("en quelque chose", "en une chose").325. Donat remarque l'étrangeté énonciative de la réplique de Sannion. Le proxénète mélange style direct et indirect. Il devrait dire: "iusiurandum dabitur : 'tu es indignus iniuria hac'" (on fera un serment : "tu ne mérites pas cet affront"), ce qui, au style indirect, vu la situation d'énonciation, devrait donner "ius iurandum dabitur me esse indignum iniuria hac" ("me" et non pas "te"). Tel quel, l'énoncé de Térence veut dire "il y aura un serment pour attester que tu ne mérites pas cet affront", ce qui est étrange puisque c'est Sannion la victime de l'affront. D'où les remarques de Donat : il faut supposer, dans le serment, l'ellipse d'un verbe de déclaration dont le sujet représente les jeunes gens ("un serment : 'nous jurons que tu n'as pas mérité ça'"), ou faire deux phrases différentes : la première se conclut sur "il y aura un serment" ; la seconde commence sur "te esse indignum..." et ne s'interprète comme principale que sur le mode exclamatif (Toi, ne pas avoir mérité ça !). Mais on ne voit pas bien alors l'enchaînement des idées. On suppose donc que c'est la première soluition qui a la faveur du commentateur dans la scholie 4, bien qu'on ait le sentiment du contraire, car "sic" paraît implicitement reprendre la plus proche des deux options proposées.326. Le comique est dans le jeu de mots entraîné par le polyptote. On est dans un comique de répétition qui procède en un renversement et accentue le sentiment d'injustice qui exaspère le personnage.327. C'est donc une remarque implicite de ponctuation. S'il faut lire "praestrenue" (avec la valeur intensive du préfixe telle qu'illustrée par le morceau virgilien), il faut relier les deux éléments au moyen du signe typographique de l'hyphen, qui sert justement à désambiguïser en liant les chaînes de caractères qui doivent être rapprochés.328. C'est "nihili" qu'on a chez les éditeurs de Térence. Si le vers (dans ce passage polymétrique) est bien un septénaire trochaïque comme les deux suivants, il faut "nihil". Mais si c'est un octonaire iambique comme le précédent, il faut "nihili". Les deux solutions sont donc viables métriquement.329. La question de l'ordre des éléments dans une chaîne étymologique n'arrête en général pas les grammairiens antiques. Le même auteur peut, d'une page à l'autre, affirmer que le mot X vient du mot Y aussi bien que le mot Y vient du mot X. Il semble que "venir de" (le plus souvent en latin simplement la préposition "ab") signifie le plus souvent simplement "être apparenté", sans ordre réel entre les éléments. Voir Nicolas 2007a. Ici, fait plutôt rare, Donat se pose une vraie question de morphologie dérivationnelle en cherchant lequel des deux mots est la base de l'autre.330. Donat décode et commente finement un jeu de scène induit par le texte seul. Parménon a donné, sur ordre gestuel d'Eschine, un coup à Sannion, qui s'en est offusqué. Pour impressionner le proxénète, le jeune homme le menace en disant qu'il va doubler la mise ("geminabit"). Mais Parménon, trop loin pour bien entendre (ou trop prompt ?), n'a pas entendu (ou attendu ?) la dernière syllabe (d'où l'impératif "gemina"), et a frappé Sannion de nouveau, d'où son "ei mihi". Une fois de plus, Donat se montre très attentif au détail du texte et même aux questions de proxémique et se forge une mise en scène personnelle fort amusante.331. Le texte virgilien est habituellement "diua precor" et non "diua parens". Donat le cite à nouveau, pour le même usage, en 539, 1 avec le texte consensuel "diua precor".332. Il demeure une incertitude sur le texte de la fin de la scholie, un groupe de manuscrits lisant "proximi". Dans ce cas, il pourrait s'agir d'une allusion d'actualité à la situation athénienne. Mais si on lit "proxime", il faut comprendre "les tyrans sont renversés de façon particulièrement rapide ou immédiate". On peut peut-être comprendre une inversion "maximi proxime" et traduire "d'autant plus vite qu'ils sont plus tyranniques".333. Donat lève une ambiguïté, la question du proxénète pouvant se comprendre au sens de "qu'as-tu à t'en prendre à moi ?" (interprétation retenue) ou "quelle affaire as-tu avec moi ?" (interprétation rejetée, puisque de fait Eschine, en lui volant une de ses filles, a affaire avec lui).334. Donat souligne que le verbe préfixé est plus fort que le verbe simple parce qu'Eschine aurait rossé Sannion, quand bien même il n'aurait fait qu'effleurer quelque chose qui lui appartenait. Or Sannion vient de demander si Eschine s'en prend à lui parce qu'il a touché quelque chose qui lui appartient.335. De fait, Sannion est dans son bon droit et on ne peut rien lui répondre ; le seul reproche qu'Eschine trouve à lui faire est donc le tapage qu'il est en train de faire dans la rue. En effet, le "conuicium" est bien un délit, une "iniuria" selon Gaius (Inst. 3, 20).336. Dans l'épisode virgilien, Magon supplie Enée de le "conserver" ("serues"), ce qui revient à l'asservir, si l'on en croit l'étymologie proposée, d'ailleurs classique. Donat profite d'une explication lexicologique sur "lora" (lanières), confondu sciemment avec "laura" (lauriers), pour faire un excursus sur les noms des esclaves, en opposant "mancipium" et "seruus". Le rapprochement étymologique proposé par Donat entre "lōrum" (les verges) et "laurus" (le laurier) est quelque peu alambiqué. Il s'explique sans doute par une homophonie semblable à celle qui explique la variation du nom de la portion du mont Aventin plantée de lauriers, "Lauretum" ou "Lōretum", ou celle qui explique, selon Isidore de Séville (Etym. 17, 7), le nom populaire du rhododendron, "lorandrum", parce qu'il est semblable aux feuilles de laurier. Si le lien phonétique entre les deux termes existe, le lien sémantique, bien que détaillé par Donat, est plus discutable. Quant à l'explication de "seruus" par "seruare", elle est reprise dans les Institutiones Iustiniani (I, 3, 3) : "serui ex eo appellati sunt quod imperatores seruos uendere, ac per hoc seruare, nec occidere, solent" (les esclaves tirent leur nom de ce que les généraux victorieux ont l'habitude de vendre les esclaves, et pour cela de les garder ("seruare") et de ne pas les tuer).337. Donat explique que Sannion, en disant "où pourrais-je aller ?", prend de façon stupide au pied de la lettre l'injonction d'Eschine "redi".338. Comme souvent avec les relatifs, Donat se pose la question du rapport à l'antécédent. Si "quo" est un adverbe relatif de lieu, il est incorrect car c'est "unde" et son sème 'provenance' qui est nécessaire. Si c'est un pronom relatif, il devrait être accompagné de la préposition "ab" pour exprimer la provenance. Mais ce qui gêne manifestement Donat, c'est que, l'antécédent "illuc" (complément de lieu de "redi") étant un adverbe, on n'attend pas qu'il puisse être pronominalisé. La construction laisse attendre effectivement un adverbe relatif de lieu indiquant la provenance ("là d'où"), et ce ne peut être que "unde". L'incorrection relevée est comparable à celle qu'on a dans un tour français comme "reviens là duquel tu es parti".339. Autrement dit, en ajoutant à son énoncé une malédiction, Eschine fait comprendre que c'est le fait d'avoir acheté la fille vingt mines qui est grave et funeste.340. Le dieu Vertumne, d'origine étrusque, est symbole du changement de saisons ; il veillait sur la fécondité des vergers et des fruits. Il possèdait aussi le don de métamorphose. De fait, on comprend mieux l'étymologie de laquelle son nom découle, à moins que ses attributions aient été précisément augmentées après coup en raison de l'étymologie qu'on prêtait à son nom, par un effet de rétromotivation. De fait, le nom latin de Vertumne, selon Ernout-Meillet, repose sur une déformation possible à partir de l'étrusque "Voltumna" et "Veltune". 341. Ce qui semble gêner Donat peut être de deux ordres : soit l'ellipse du verbe ("facis", "facias"), soit la forme "si nolo" à l'indicatif, car on rencontre "si nolis" (Cic. Inv. 1, 1, 73 et Planc. 20), mais non une autre forme. Notons que "si nolim" et "si noles" se rencontrent, mais l'un et l'autre sont poétiques ou étrangers à la langue classique (Ovide, Horace, Sénèque).342. L'idiotisme paraît résider dans la tournure orale brutale du leno. "Quid enim" est la forme attendue mais sans coordination l'énoncé est rude et digne du sinistre marchand d'esclaves.343. Donat est sensible à l'audace prudente de Térence, qui insère des propos appartenant au vocabulaire tragique dans la bouche de ses personnages comiques afin d'explorer une palette de comiques variés, ici la dérision proche du paratragique. On peut évidemment songer à Ajax rendu fou par la remise à Ulysse des armes d'Achille.344. L'état du texte grec transmis est trop désespéré pour qu'on en tente une traduction complète. Ce fragment de Ménandre n'a pas été identifié par les éditeurs de ce poète. Néanmoins la finale "οικετην λαβων" ("ayant avec lui un domestique") est parfaitement lisible et ressemble à la situation de la scène en cours pendant laquelle Sannion s'est fait rosser par Eschine aidé de son serviteur Parménon. Sans doute y a-t-il donc ici un parallèle fait entre la pièce et son modèle. Si le parallèle doit être suivi, on peut être tenté de chercher l'expression d'un grand nombre pour correspondre à "quingentos" et un contexte où il est question de coups. Il existe un mot "γρόνθος" (coup, gifle) qui correspond à "colaphos" et peut représenter le segment "γρωνον". D'où, peut-être, un trimètre iambique qui, pour "ερπατοτον γρωνον οικετην λαβων", pourrait prendre la forme "ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην λαβών" (...de 700 gnons, en ayant pris avec lui son domestique). Ce génitif pluriel pourrait alors s'appuyer sur "ἄλγος", le premier segment de cette citation ("douleur <consistant en 700 coups>"). Sinon, pour le début, on peut aussi penser à "αἲ ᾿γώ" ("hélas, moi"), qui correspond bien à "misero homini" et qu'on trouve sous des formes proches chez Ménandre ("αἲ τάλας", "hélas malheureux !"). Mais le mètre résiste à nombre de nos suppositions...345. Remarquons que les reformulations décalquent la formation préfixée en "in-" du verbe de départ. 346. La leçon variante "darier" au lieu de "tradier" ne donne pas le schéma métrique attendu.347. La seconde explication de l'origine de "mussitare" est la plus probable, mais le verbe est sans doute à rapprocher tout de même de "mutus". "Mussitare" ne signifie pas uniquement "se taire" ou "supporter en silence" mais également "dire tout bas, marmonner, murmurer". Il est formé sur une onomatopée "mū", comme "musso" ("murmurer, chuchoter, garder pour soi"), dont "mussito" est un fréquentatif, ou comme "mutus".348. Donat se demande si "tace", dans le contexte, n'est pas dans un emploi aussi codifié que "age" par exemple (ou notre "allons" ou "allez" du français). Cela le mettrait alors en effet du côté de l'adverbe. Et, s'il est lexicalisé, rien n'empêche de penser qu'il s'adresse à la cantonnade bien qu'il soit au singulier. Mais qu'il s'adresse à tous ou au seul Ctésiphon, il est dit à des personnages qui ne sont pas sur scène : Syrus sort de la maison et, sans encore avoir vu Sannion qui est sur scène, parle à celui ou à ceux qui sont à l'intérieur et que le spectateur ne voit pas.349. Remarque didascalique pour signaler que Syrus entre en scène en continuant une conversation qu'il tenait à l'intérieur de la maison.350. Rappelons que le statut de soldat mercenaire à la solde d'un potentat oriental (la position des soldats de comédie, donc) n'a rien de particulièrement brillant et que le miles est un personnage très décrié sur la scène.351. Sur l'emplacement de cette scholie, voir la note apposée au texte latin. Donat remarque ici une figure d'atténuation : Syrus dit au proxénète qu'"il s'est battu", alors qu'en réalité "il a été battu".352. Donat remarque que le mot unique "concertasse" est l'objet d'une reprise par le proxénète en deux mots "certationem comparatam". Le sens reste le même.353. A savoir Heaut. 94.354. Syrus, pour amadouer Sannion, a présenté la dispute de la scène précédente comme une "concertatio". Or le mot, par son préfixe, semble indiquer un combat égal et entre égaux. Sannion rebondit donc sur ce mot et précise qu'il ne s'agissait pas d'un combat égal mais au contraire inégal et mal fondé et qu'il mériterait des dommagements.355. L'origine de cette distinction se trouve chez Charisius, Ars 403, 26 : "certationem et certamen. certatio est administrantium, certamen operis" (différence entre "certatio" et "certamen" : la "certatio" est le fait de personnes agissantes, "certamen" est le fait d'un travail).356. La citation est en réalité dans les Géorgiques (II, 530), sans qu'il soit possible de savoir si la bévue est de Donat ou d'un des copistes intermédiaires.357. Note lexicologique assez précise sur la base de l'opposition entre les noms résultatifs en "-men" et les noms d'action en "-tio". Dans la citation de Virgile, "certamina" désigne ainsi l'objet concret, que l'on peut "poser" sur un arbre, et qui va servir à déterminer le vainqueur du concours.358. Un adverbe et non pas une préposition, comme il peut l'être aussi.359. Comprendre un ablatif à valeur instrumentale. C'est ainsi que Donat appelle ce type d'emploi.360. Donc soit "c'est ta faute" (avec nominatif) soit "c'est arrivé par ta faute" (avec ablatif). La scansion du vers de Térence permet les deux interprétations.361. Le sous-entendu grivois, ou cacemphaton, a été théorisé par Cicéron (Or. 154) et Quintilien (8, 3, 44 sq.) et repris par les grammatici (par ex. Diomède GL I  270, 26- 30 ou Priscien GL II  594, 15). Ce trope indésirable consiste en l'émergence en général involontaire, dans le cours de l'énoncé, d'un gros mot par association de syllabes ou d'idées. Voir Nicolas (2007c : 27-28). Ici, il s'agit d'un cacemphaton de polysémie : le mot "os" signifie à la fois "visage" et "bouche". Le proxénète, pour marquer qu'il n'aurait pas pu être plus complaisant qu'il ne l'a été, dit "usque os paraebui", qui peut se comprendre soit "j'ai été jusqu'à présenter mon visage <à ses coups>" soit, de façon beaucoup plus vulgaire, "j'ai été jusqu'à lui prêter ma bouche". D'où notre traduction du vers 215 de Térence, volontairement ambiguë et qui peut s'interpréter de façon grivoise.362. Donat a déjà cité il y a peu, pour le commentaire du vers 157, ce même vers de Virgile pour une tout autre raison. Sans doute a-t-il encore sous le coude son volume de Virgile calé au même endroit, ou la "fiche" sur la négation qu'il utilisait pour le commentaire du vers 157.363. Le lemme cite bien un morceau du vers 223, mais le commentaire porte sur un mot qui est dans le 224. C'est ce qui justifiait les cruces qu'avait posées Wessner et que nous ne conservons pas.364. Si Donat nommait ce procédé, il l'appellerait sans doute "polysyndète" comme il le fait, selon une restitution nécessaire d'Estienne (1529), en 301, 1.365. Donat pose ici une question que se poseront souvent les exégètes du théâtre classique : comment Untel sait-il ce qu'il sait, si ce n'est pas sur scène qu'il l'a appris ou s'il ne nous dit pas comment il l'a appris ? Ici, il suppose que Syrus bluffe, et que son intuition tombe juste.366. C'est donc soit l'accusatif du démonstratif (et il devrait alors être qualifié de pronom plutôt que d'"articulus"), soit c'est l'adverbe de lieu archaïque "hoc".367. Syrus, en disant "spero", laisse entendre qu'il souhaite que Sannion vienne réclamer son dû, ce qui peut donner au proxénète l'impression qu'il peut partir tranquille et que sa dette n'est pas enterrée définitivement. Mais c'est une pure manœuvre dilatoire. On peut d'ailleurs tout à fait comprendre que "spero" s'accroche à "ubi redieris" (quand tu seras revenu -j'espère <que tu reviendras>), dans un souhait normal et poli qu'on fait devant quelqu'un qui s'apprête à faire un trajet en bateau.368. Il y a bien là un aparté de Syrus. D'ordinaire (et par exemple dans cette scène même), Donat fait une remarque didascalique sur le fait que la réplique est dite sans être entendue, par convention, de l'autre personnage. Mais ici, en outre, Donat suppose que les répliques, qui s'enchaînent linéairement dans le texte à lire, car on ne saurait les écrire l'une sur l'autre sans les rendre illisibles, étaient dites sur scène simultanément. C'est très peu probable, à cause du mètre. On est ici en sénaires iambiques, et l'oreille veut entendre ses six pieds familiers, qu'elle n'entendrait pas complets si les deux locuteurs du même vers parlaient en même temps. Ce qui gêne Donat sans doute, dans la mise en scène mentale qu'il se fait de la scène, c'est que Sannion, qui hurle sa désapprobation depuis plusieurs secondes déjà, soit obligé de s'interrompre pour laisser Syrus faire un aparté qu'il n'est pas censé entendre lui-même. Il est vrai que c'est dramaturgiquement gênant. Mais les exemples de ce procédé abondent aussi chez Molière par exemple.369. Il s'agit sans doute de faire remarquer que cet impératif singulier ne peut s'adresser à la cantonnade (on attendrait alors plutôt un pluriel) ni à personne en particulier si ce n'est à lui-même.370. Ce que commente en réalité Donat, c'est à la fois la métaphore filée du petit caillou qui fait mal (d'où notre traduction de Térence avec "rouages" et "engrenages", qui déplace légèrement la métaphore du grain de sable de la chaussure vers les mécanismes) et la formation des deux termes métaphoriques à partir d'un diminutif en "-ulus". Signalons une relative incohérence par rapport à sa remarque sur l'aparté dans le vers précédent : si Sannion n'a pas entendu Syrus dire le mot "scrupulus", il n'y a pas de raison qu'il file la métaphore, sauf involontairement, pour le seul plaisir du spectateur et du lecteur.371. Le féminin "mulieres", qui entraîne dans son accord le participe "emptae", est coordonné au neutre "alia" : il en résulte que "emptae" est en facteur commun avec deux sujets de genre différent (c'est la syllepse de genre), et qu'il choisit le genre du plus proche. Le commentaire de Donat siginifie que "emptae" vaut aussi pour un "empta" neutre sous-entendu.372. Vénus est autrement appelée, d'ailleurs, Cypris. Une île consacrée à Vénus devait donc s'intéresser particulièrement au commerce des femmes.373. Les habitants de Chypre, au contraire du paysan italien décrit par Horace dans cette ode, n'hésitaient pas, eux, à construire des navires pour commercer dans toutes les îles alentour et sur le continent. Mais la deuxième citation se rattache assez mal à l'ensemble. Une fois de plus, on a l'impression que Donat exploite un document qu'il a sous les yeux (ici, dans le début des Odes d'Horace, deux occurrences du nom de Chypre à quelques vers de distance) de toutes les façons possibles.374. Et non pas la première personne du verbe qui signifie "aller", ce que l'on pourrait penser à première lecture.375. Un lieu, parce qu'il est à Chypre, un temps parce qu'il se tient à date fixe, comme une foire.376. S'il reste pour régler l'affaire de l'enlèvement de sa courtisane, pour éviter une perte, il renonce à une vente bien plus considérable à Chypre, pendant la foire. Donat dit donc que si le manque à gagner chypriote est "maximum", c'est par comparaison implicite avec le manque à gagner local, qui est seulement "magnum". Entre deux dommages, il incline à choisir le moindre.377. "Actum agere" signifie littéralement "faire quelque chose qui est déjà fait" ; au sens judiciaire "plaider une chose déjà plaidée". Cela revient à dire "faire une chose inutile".378. L'important ici n'est pas tant le verbe cité par Donat que l'idée qu'il exprime. En effet, Donat commente le sémantisme du verbe "incipere" et l'illustre par son fréquentatif "inceptare". C'est un cas d'autonymie sémiotypique.379. "Labasco" est effectivement un verbe inchoatif mais ce n'est pas un verbe métaphorique: il est formé sur une racine dont le sens premier est "chanceler , vaciller". Sur cette racine sont formés, entre autres, "labo, -are", "labor, -i", "labes, -is", "lapsus, -us"…380. La prolixité consiste ici à utiliser deux mots pour dire quelque chose qui tenait en un seul.381. Avec ce type d'énoncé, il est difficile de savoir à quel genre de structure métalinguistique on a affaire. Il peut s'agir d'une étymologie ("diuiduus" vient de "diuisio", "dimidius" de "dimensio") ou d'une remarque lexicale générale ("diuiduus" s'emploie dans le champ de la division, "dimidius" dans celui de la "dimension"). En tout cas c'est une differentia entre les deux adjectifs.382. Le texte cité de Virgile est inconnu de nous et impossible à compléter.383. On pouvait s'attendre légitimement ici à une citation virgilienne... Peut-être a-t-elle sauté dans l'archétype ? Peut-être Donat, qui est aussi un commentateur de Virgile, a-t-il réservé la recherche de citation pour plus tard et a-t-il oublié de revenir sur ce passage ? Peut-être enfin la chose lui paraît-elle si évidente, et les illsutrations célèbres si nombreuses, qu'il ne prend pas la peine de citer expressément des passages que tous ses élèves ont en tête ?384. Le mot "tuber", neutre, désigne toute sorte d'excroissance, par exemple une tumeur. Dans le monde végétal, il désigne particulièrement la truffe, et c'est sans doute ce qu'il faut comprendre ici. En tout cas, le végétal en question pousse dans un environnement qui lui ressemble, dans une terre enflée ("tumentibus") et presque enceinte ("praegnantibus"). Isidore (Et. 17, 10, 19) en fait d'ailleurs une étymologie : "tuberum tumor terrae prodit ; eaque causa nomen illi dedit" (l'enflure de la terre produit celle des truffes, et c'est ce qui explique le mot même de "tuber").385. Dans Eun. 341, 2, Donat fait remarquer que "numquid uis" peut avoir une simple valeur de rupture de la conversation. Ici il rappelle cette valeur tout en soulignant que l'énoncé sous sa forme "numquid uis" est elliptique et qu'ici Térence a exprimé un complément normalement nécessaire. D'ailleurs en Eun. 191, 1 la formule est "numquid aliud uis" et en Pho. 151 Donat la complète avec un groupe nominal.386. L'étymologie est évidemment loufoque. On s'étonne qu'elle n'ait pas retenu l'attention d'Isidore de Séville, qui ne la rappelle pas.387. Le passage de L'Enéide cité ici (III, 602) se rattache très librement à l'argumentaire. C'est un Grec isolé, sauvage, oublié là par ses compatriotes, trouvé sur l'île des Cyclopes par Enée et sa flotte, qui parle aux ennemis troyens et tâche de gagner leur pitié. Il s'agit donc d'un passage censé illustrer la figure d'"axiopistia".388. Remarque étymologique récurrente dans le commentaire sur le rapport de l'adverbe "sedulo" et de "dolus".389. Dans ce cas, il faut ponctuer ainsi : "laetus est ; de amica ?" (il est tout content ; au sujet de son amie ?), avec une interrogation elliptique.390. Donat fait ici une remarque de grammaire de type analogique sur la question de la double déclinaison possible du pronom "qui(s)". On sait que, hérités de deux séries différentes de pronoms en indo-européen, l'une thème en i, l'autre thématique, les relatifs et les interrogatifs-indéfinis sont devenus indistincts en latin. Mais ils gardent chacun des traces de leur dualité d'antan. La forme d'ablatif "qui" (ici cachée dans le pronom indéfini "quiuis") est régulière au regard de la forme de pluriel "quibus". Inversement, la forme d'ablatif "quo" laisse attendre analogiquement un ablatif pluriel "quis" lui-même attesté. Néanmoins la norme standard, qui relève de l'usage, est d'utiliser un couple hétérogène "quo" vs "quibus".391. Question de ponctuation, très fréquente chez Donat, et qui, ici, tourne autour de la construction de "opus est". Il voit deux manières de segmenter le continuum "abs quiuis homine cum est opus beneficium accipere gaudeas". Première solution : "abs quiuis homine cum est opus beneficium accipere, gaudeas". Dans ce cas, la proposition en "cum" va jusqu'à "accipere" et "beneficium" est un accusatif objet de ce verbe ; l'ensemble se comprend : "quand il est besoin de recevoir un bienfait", et on a la construction, dite ici commune ("communiter"), "opus est" + infinitif. Deuxième solution : "abs quiuis homine cum est opus beneficium, accipere gaudeas". Dans ce cas, on a "opus est" avec "beneficium" comme sujet au nominatif, "quand un bienfait est besoin", et on a la construction dite ici archaïsante. Il y a une troisième solution, que Donat n'évoque pas, avec "opus est" absolu : "abs quiuis homine, cum est opus, beneficium accipere gaudeas". Dans ce cas, "cum opus est" veut dire "si nécessaire" et "beneficium accipere" est le complément de "gaudeas". C'est la solution de ponctuation que nous avons retenue pour notre version électronique des Adelphes.392. C'est-à-dire dans la proposition "quem aequum est facere <bene>". La formulation "bis numero subaudiendum", qui semble se comprendre "il faut sous-entendre deux fois" mais qu'il faut en réalité interpréter "il faut sous-entendre une deuxième fois", est répétée à l'identique au commentaire de And. 633, 1.393. Une différence de taille entre le texte commenté et l'illustration virgilienne : chez Virgile, le double emploi de "frater" renvoie à deux personnes différentes, alors que chez Térence les deux occurrences, même si elles ont une valeur légèrement différente (dans le ton), renvoient au seul Eschine.394. Donat semble considérer "nunc" comme une cheville inutile au sens. Ce n'est pas le cas dans le texte de Térence, car l'adverbe y a une réelle valeur chronologique : "et maintenant (=après ce que tu viens de faire)" etc. A moins qu'il ne faille voir dans cet emploi d'un adverbe de l'instant présent un particularisme de la parlure des jeunes amoureux, toujours autocentrés dans le "ici et maintenant" ?395. On ne sait trop bien ce que veut dire Donat. Peut-être selon lui faut-il ponctuer "quid ego nunc ? te laudem ?" ("que faire maintenant, pour moi ? Te louer ?"), auquel cas on ne voit pas pourquoi "quid" signifierait "propter quid". Ou bien simplement "quid, nunc, te laudem ?" ("pourquoi, maintenant, devrais-je te louer ?"), ce qui paraît postulable d'après la scholie précédente qui insiste sur la valeur particularisante de "nunc".396. Difficile de construire la proposition de Térence en ajoutant ce "quod" prétendument manquant, sauf à considérer qu'il s'agit d'une conjonction complétive induite par "scio" : "satis certe scio quod numquam etc.", "je sais bien que jamais...". Cette construction, banale à l'époque de Donat, est assez improbable sous la plume de Térence.397. Donat distingue l'emploi de la conjonction "itaque" (donc), qui s'antépose au début du segment, d"'itaque" valant "ita" plus "-que" (et ainsi), qui se trouve plutôt hors de la tête de phrase. Pour ce qu'il dit de la différence quantitative, cf. Servius GL IV, 427, 13 : "itaque pars orationis quaeritur utrum correpta media an producta dici debeat. scire debemus quoniam tunc corripitur media cum una pars fuerit orationis ; tunc uero producitur, cum duae" (la question est de savoir si le mot "itaque" doit se prononcer avec une syllabe centrale brève ou longue. Il faut savoir que la centrale est brève quand c'est un mot unique ; elle est longue en revanche, quand il s'agit de deux mots). On a le sentiment que les deux grammairiens se contredisent. Pour Donat, c'est la particule antéposée (donc la conjonction qui signifie "c'est pourquoi") qui a une syllabe longue, pour Servius c'est celle qui est le groupement de deux mots (donc le groupe qui signifie "et ainsi"). Mais peut-être faut-il comprendre qu'il ne s'agit pas d'une différence de quantité, mais d'une différence d'accent : la conjonction, vraiment considérée comme univerbée, aurait son accent standard sur l'antépénultième ("ítaque"), alors qu'au sens de "et ainsi" le groupe aurait l'accent d'enclise qu'on attend d'un groupe en "-que" (itáque). Sur le déplacement de l'accent induit par la présence d'un enclitique, cf. Servius GL IV, 427, 6. Donat (puis Servius, en sens contraire) aurait alors par erreur interprété la différence de ton comme une différence de quantité. Priscien (GL III, 100, 15) évoque la conjonction conclusive "itáque" avec un accent aigu sur la pénultième, sans dire qu'il s'agit d'une longue ; il parle bien d'allongement en revanche en GL III, 521, 2 ; au demeurant, il donne raison à Servius et tort à Donat pour l'interprétation des valeurs différentielles de "itáque" vs "ítaque". Dans le match des grammairiens, donnons donc raison à Servius et Priscien, qui attribuent à "ítaque" la valeur de "c'est pourquoi" et à "itáque" celle de "et ainsi", alors que Donat dit le contraire.398. Le mot "rem" (chose) est ici développé en apposition par le mot "fratrem" (frère), ce qui paraît étrange à Donat. La seconde main interprète autrement (cf. scholie suivante) la construction d'un texte que les éditeurs de Térence ne retiennent en général pas (on lit ordinairement "fratrem nemini homini" et non "fratrem neminem hominem").399. On a ici, dans une scholie de commentaire inhabituellement longue, une prise de position presque auctoriale de la deuxième main. C'est assez rare pour être souligné.400. Le commentateur principal semble segmenter "...unam rem me habere arbitror fratrem ; hominem neminem esse etc." puisqu'il voit une apposition de "fratrem" à "rem" (cf. le commentaire au lemme 1). La seconde main n'est pas d'accord, car il faut alors rattacher à nouveau à "arbitror" l'infinitive qui suit. Pour lui, mieux vaut lier "fratrem" à toute la fin de phrase et comprendre "je pense que j'ai un seul avantage sur les autres <à savoir> que mon frère etc.". Il n'y a plus d'apposition "rem" / "fratrem". On peut supposer en outre que la seconde main lit "fratrem nemini homini", car ce ne peut être que sur ce datif (qu'on lit de fait dans les manuscrits de Térence) que s'accroche le complément "quam mihi" qu'il sous-entend ("que pour personne il n'existe de frère plus remarquable <que pour moi>"). Le lemme de la première main est au contraire "neminem hominem". Cf. note suivante.401. La première main commente un accusatif "neminem hominem", au contraire de la seconde qui lit un datif (cf. note précédente). Faut-il y voir un effet de syntaxe ? En effet, Donat pourrait accorder secondairement la citation au datif pour en faire un complément de "locutus est" qui passerait donc à l'accusatif, selon la syntaxe intégrationnniste habituelle chez les Latins à l'égard du métalangage. Mais c'est peu probable : d'abord Donat ne modifie quasiment jamais la forme des lemmes térentiens ; ensuite, avec la ponctuation qu'il semble adopter, et qui est critiquée par la seconde main au lemme précédent, on se tirera mieux d'affaire avec un accusatif qui prendra la place du sujet de l'infinitive ; enfin, dans la phrase suivante, il garde lemmatisée une forme à l'accusatif qui n'a pas de justification syntaxique à ce cas, alors qu'il pourrait plutôt écrire "cum nemo ne hominem significet" (en rétablissant "nemo" pour la syntaxe) ou "cum nemini ne hominem significet" en conservant le lemme térentien en l'état. Donc le Donat "première main" lit bien "fratrem neminem hominem" et la seconde main lit "fratrem nemini homini". Les deux commentateurs ne travaillent pas sur le même texte.402. L'étymologie de "nemo" par "ne homo" ("pas un homme ne..."), correcte, est restée perceptible aux locuteurs pendant toute la latinité. Donat reproche donc ici implicitement au poète un pléonasme.403. Pour le débat sur la nature de "ellum", cf. le commentaire à And. 580, 1-4.404. Le débat est donc sur le sens de "caput". Faut-il comprendre "charmante tête !", c'est-à-dire "charmante personne !" par synecdoque ? Ou faut-il voir le sens métalinguistique de "tête de chapitre", "début d'énoncé" ? Dans ce cas, comme Parménon, le personnage de L'Eunuque cité en appui, le fait à l'égard du discours de Thaïs qu'il est en train d'écouter, Ctésiphon serait en train de faire l'éloge de son propre discours en train de se faire, comme s'il répétait l'éloge qu'il va prononcer devant son frère : "c'est grâce à lui que je vis... Charmant début ! etc.". Dans cette hypothèse, la formule "nihil pote(st) supra" signifie "on ne peut rien concevoir de plus élogieux que mon discours".405. C'est donc une partie saillante ("eminens") et prototypique ("maioris pretii") qui, dans le procédé de synecdoque, doit désigner le tout.406. Avec méthode, Donat illustre au moyen de deux citations le sens physique et le sens moral du mot "opera". Mais on peut remarquer que la seconde citation ne cite pas "opera" mais le verbe "operari", selon un glissement assez habituel dans la lexicographie antique. C'est le sémème commun à toute une famille de lexèmes apparentés qui est en fait traité d'un bloc.407. On ne voit pas bien ce qu'ici Donat appelle adverbe. Sans doute le seul "quid", qu'il interprète souvent comme équivalent de "propter quid", dans un sens effectivement adverbial. Mais ici, c'est vraiment un pronom. Et c'est l'intonation globale de la réplique ("ce que c'est !") qui est à tirer du côté de l'exclamation d'étonnement. "Aduerbium" a ici, apparemment, un sens décalé.408. Est donc commenté ici un sens de "prae" valant "comparativement à".409. L'exemple de développement de "tout" par seulement deux éléments est assez mal venu en l'espèce, puisqu'au vers suivant Virgile ajoute "et crinis flauos et membra decora iuuentae" (et par ses cheveux blonds et par ses membres pleins d'une gracieuse jeunesse) ! Ce n'est d'ailleurs pas fatalement vrai pour le texte térentien. Donat semble le comprendre comme nous le ponctuons, mais on peut tout aussi bien (c'est en général l'option des modernes) interpréter "maledicata, famam, meum laborem et peccatum in se transtulit" (il a pris sur lui les injures, le scandale, ma peine, ma faute), avec quatre développements distincts de "omnia".410. Festus donne une autre étymologie de "decrepitus" : "decrepitus est desperatus crepera iam uita, ut crepusculum extremum diei tempus. siue decrepitus dictus quia propter senectutem nec mouere se nec ullum facere potest crepitum" (Un "decrepitus" est un désespéré, du fait que sa vie est désormais critique ("crepera"), de même que le "crépuscule" est la toute fin du jour. Ou alors "decrepitus" vient de ce que, du fait de sa vieillesse, on ne peut plus ni bouger ni faire le moindre "crepitus" (craquement)).411. Donat se trompe et dans son analyse morphologique de "fores" et dans son analyse sémantique de "crepuit". En réalité, il ne faut pas comprendre "pourquoi la porte a-t-elle craqué", car "fores", mot habituellement au pluriel, a pour nominatif singulier "foris" : cela se dirait donc "quidnam foris crepuit ?". Il faut comprendre "qu'est-ce qui a fait craquer la porte ?", avec sens transitif de "crepo" et "fores" à l'accusatif pluriel. La bévue tient peut-être à la tendance qu'a Donat à interpréter systématiquement "quid" comme un adverbe interrogatif plutôt que comme un pronom. Quant à l'étymologie de "decrepitus" par "crepare", qui est admise comme authentique, elle s'explique sans doute par le sens de "radoter" que prend occasionnellement le verbe.412. C'est en permanence ce que Donat fait, en se faisant une mise en scène mentale de la pièce à partir des répliques.413. L'asyndète est sans doute à supposer entre "opportune" et "te ipsum quaerito", entre lesquels on pourrait attendre un lien causal. Quant à l'intervention intempestive de la seconde main, elle est hors de propos. On se sait pas à quoi il faut rattacher ce "uenisse" prétendument sous-entendu : à "nihil uideo" (je vois que rien n'est venu) ? à "opportune te ipsum" (tu es venu bien à propos) ? Dans ce deuxième cas, la construction sur "quaerito" est problématique. Et en tout état de cause, on ne voit pas le rapport qu'il y aurait avec l'asyndète, objet du commentaire de la main principale.414. Remarque de syntaxe : le génitif du gérondif est-il posé sur un "causa" sous-entendu ("en vue de flatter")  ? Ou est-ce une construction sans ellipse, détachée du reste ?415. Remarque de caractérologie. A plusieurs reprises, Donat fait remarquer des différences caractéristiques entre des frères que tout oppose (Déméa le paysan et Micion le citadin) ou que l'histoire familiale a séparés (Eschine et Ctésiphon). Pour ce qui est des deux jeunes gens, Eschine est maintes fois représenté comme un jeune homme riche, arrogant avec les petites gens, alors que son puîné Ctésiphon garde une réserve propre à sa jeunesse, à son dénuement, à sa crainte d'affronter son père et à sa rusticité.416. Donat, d'un lemme à l'autre, cite le texte de Térence avec "quod" ou avec "quo".417. L'expression n'a rien de particulièrement attique. Elle est commune en latin, et notamment dans la langue comique. Peut-être, comme on l'a déjà vu ailleurs, Donat parle-t-il d'atticisme dès qu'il sent un emploi qui s'apparente un peu au datif éthique. Cf. le commentaire qu'il donne à Ad. 476, 5-6.418. On a déjà constaté que Donat utilise volontiers "bis" (deux fois) pour "iterum" (une deuxième fois). Par ailleurs, on ne voit pas trop pourquoi il faut sous-entendre "dolet", si ce n'est parce qu'il y a deux infinitives coordonnées dépendant toutes deux de ce verbe. La notion de sous-entendu (il s'agit en fait de facteur commun) est ici assez large.419. Ce que relève Donat c'est l'emploi de "tam" marquant l'intensité devant un diminutif en "–ulum". Cela peut paraitre contradictoire.420. L'idiotisme, ici, comme en Ad. 476, 6, est dans l'emploi d'un datif éthique.421. C'est depuis la guerre samnite, selon Tite-Live (9, 40), que les banquiers menaient leur activité sur le forum. Voir Pl. Asin. 117, Pers. 442, Liv. 26, 11, 7... Sur le mot "forum", ses développements financiers et les métiers de la banque dans la Rome de Térence, voir Nadjo (1989 : 233 sq.).422. Autrement dit, soit "absoluam" est pris dans son sens financier, avec la métaphore du lien entre le créditeur et le débiteur, soit dans son sens judiciaire ("absoudre, innocenter"), car le leno a un air contrit comme un accusé. On a en outre une indication d'accessoire de costume pour le personnage du leno, qui portait une barbe caractéristique ; la physionomie triste, quant à elle, plaide plutôt pour une absence de port de masque ; de même plus haut, quand est indiqué un changement de physionomie : cf. le commentaire à Ad. 265, 5. Et ci-dessous, Ad. 280, 1.423. Au sens de "allons !" ou de "oui".424. La citation de Lucilius, fréquemment utilisée chez les grammairiens pour illustrer la prononciation du R roulé (la "lettre canine"), est également exploitée ailleurs par Donat, implictement. Cf. le commentaire à And. 597, 4. Le texte de Lucilius est par ailleurs cité diversement : "canes" au lieu de "canis" (Charisius fait remarquer à cette occasion que "canes" est un singulier), "dicit" au lieu de "dictat".425. Les exemples cités sont respectivement dans la bouche de l'esclave Géta pour le second et du jeune homme Charinus pour le premier. Il ne peut donc s'agir d'illustrer un trait commun de caractère. En fait, Donat veut dire que les personnages, quels qu'ils soient, quand ils parlent d'une courtisane, ont tendance à utiliser des pronoms plutôt que le terme approprié, qui s'apparente à une insulte. Du coup, si "illa" est conforme au caractère d'un personnage, c'est à celui de la courtisane plutôt qu'à celui du locuteur.426. C'est donc le procédé de l'euphémisme, implicitement.427. Cette réflexion de Donat sur le rapprochement entre comédie et tragédie est très intéressant, puisqu'il s'agit de caractériser un genre de comédie très particulier (ancêtre de la "comédie larmoyante"). D'un autre côté, le commentateur s'acharne à bien montrer que Térence ne franchit jamais la frontière générique.428. Donat veut dire que, pour introduire un personnage de théâtre, on peut soit le faire parler lui-même en le faisant entrer en scène, soit parler de lui avant qu'il entre en scène.429. Canthara, en tant qu'elle est la nourrice de Pamphila, a peu de chances d'avoir aussi été la nourrice de Sostrata, elle-même mère de Pamphila et sans doute son égale d'âge ("illius" désigne donc implicitement Pamphila et non Sostrata). Donc quand Sostrata dit "mea nutrix", elle utilise une expression flatteuse pour la vieille femme. D'où la remarque sur les noms relatifs : "nutrix" est, dans son rapport à "alumnus" (nourrisson), un nom relatif, l'un de ces termes qui intéressent les grammairiens par leur valeur sémantique relationnelle : si l'on est nourrice, on est toujours la nourrice d'un nourrisson et le couple "nutrix"/"alumnus", sur son critère propre, est dans le même genre de relation que "pater"/"filius" par exemple. Mais ici, le terme est utilisé de façon honorifique, puisque Sostrata n'a pas effectivement eu Canthara pour nourrice. Et pour la fin de la scholie, il faut comprendre que certains noms relatifs s'apparentent à des noms de métiers honorables ou à des titres (en français "Maître", "Docteur", "Professeur" par exemple). Mais parmi les noms de métier proposés par Donat, seul "magister" (dans son rapport à "discipulus") peut être considéré comme un nom relatif. Les deux autres exemples sont cités pour leur seule valeur laudative et cela renvoie à ce que Donat dit des apostrophes plus ou moins laudatives qui sont faites avec les noms de métier : "miles" ou "leno" sont des apostrophes déshonorantes, "orator" est une apostrophe valorisante (cf. Ad. 210, 3). "Nutrix" est donc à la fois un nom relatif et un nom de métier valorisé et c'est ce qui fait de lui l'objet d'une scholie hétérogène dans son propos.430. Donat indique ici ce qui selon lui motive la peur du personnage ("times" dans le début du vers, cité à la scholie suivante).431. On comprend la remarque : le sémantisme de l'adjectif devrait lui interdire le pluriel. Mais au sens d'"isolé" il est compatible avec le pluriel.432. Ce vers vient d'être cité au commentaire de 288. Donat a encore son volume de Virgile sous le coude.433. Il se peut que Donat souligne ici le désespoir du personnage qui réclame soit des choses dont elle n'a pas besoin, soit la présence d'Eschine, qui de toute manière va finir par arriver, comme l'a dit Canthara.434. La scholie paraît contredire la scholie 1 ; en fait, elle complète le "mire" de la scholie 1 : cet emploi pluriel exceptionnel est paradoxal ("mire"), car jamais on n'utilise "solus" au pluriel.435. Cette remarque sur l'emploi d'une négation composée en lieu et place de la simple est récurrente dans le commentaire : voir And. 202, 2 ("nihil") ; 370 ("nullus") ; 784 ("nec") ; Eun. 216, 2 ("nullus") ; 273, 3 ("nihil") ; 390, 1 ("numquam") ; 735, 1 ("nihil") ; 884, 1 ("nihil") ; 1092, 2 ("numquam") ; Ph. 121, 3 ("numquam") ; 142, 5 ("nihil") ; 202, 1 ("nulla")...436. Ce qui séduit Donat est sans doute l'opposition entre le singulier et le pluriel qui traduit la position héroïque d'Eschine, seul sauveur face à une multitude de maux.437. Traduction Charpin adaptée.438. Autrement dit, comme va le dire Canthara, Eschine a tiré avantage de son viol.439. "Familia", dans ce sens, signifie "maisonnée" et englobe tous les gens, esclaves compris, qui vivent sous un même toit et sous l'autorité d'un même maître.440. Il s'agit ici de l'entrée en scène d'un type de personnage bien connu, à savoir le "seruus currens" hurlant de mauvaises nouvelles et qui permet sur le plan dramatique de lancer la dynamique de l'intrigue comique, jouant ainsi l'élément perturbateur. On rencontre ce type dans d'autres comédies de Térence mais aussi chez Plaute, par exemple Curc. 284-287, entrée fracassante de l'esclave. Ce type de personnage répond au type de "senex currens" mis en scène à l'acte V, à travers le personnage de Micion.441. L'emploi pronominal absolu d'"illud" (au sens de "cela", en référence à la situation et non à un mot du texte) paraît gêner Donat qui suppose donc l'ellipse d'un mot neutre, comme "periculum" ou "tempus" : "nous voici maintenant à ce péril où..., à ce moment où...". C'est évidemment inutile.442. Plutôt qu'à une paronomase, qui concerne habituellement le rapprochement de termes différents qui se ressemblent par hasard, on a affaire ici à un polyptote, variation morphologique sur le même mot. Donat n'ignore pourtant pas le terme (qu'il utilise sous sa forme grecque πολύπτωτον, Ph. 188, 2).443. Remarque de construction : l'innovation remarquée consiste à construire "salus" avec le datif de destination, "salus malo" (un traitement salutaire destiné au mal) plutôt qu'avec le tour prépositionnel attendu "salus contra malum" ("un traitement salutaire contre le mal").444. Pour le couple "conferant"/"afferant", la notion de paronomase (qu'il appelle cette fois παρόμοιον) est plus justifié que pour "omnes/omnia". On voit en tout cas que le grammairien considère ces sortes de redite comme une marque de relâchement de l'expression sous l'empire d'une passion.445. Curieusement, les mss. de Donat tronquaient la citation de Virgile (G. III, 343 sq.) avant le passage qui illustre le mécanisme de polysyndète (ou coordination multiple). Sans doute est-ce parce que ce vers est l'emblème de la figure qu'il illustre et que le début de la phrase est suffisamment évident pour appeler le reste, comme si pour illustrer l'allitération on disait "comme dans Racine 'pour qui sont etc.'". En tout cas, chez Quint. IX, 3, 51, c'est cette même expression virgilienne (à partir de "tectumque") qui est citée pour illustrer le polysyndeton. On la retrouve encore chez Diomède (GL I, 448, 3). Cela dit, les grammairiens citent plutôt de façon réflexe Virg. Aen. II, 262 "Acamasque (ou Athamasque) Thoasque / Pelidesque" etc. qu'on retrouve chez Charisius (GL I, 283, 2), Pompée (GL IV, 304, 25), Sacerdos (GL VI, 455, 31) et chez Donat lui-même dans son Ars maior (GL IV, 399, 4). Julien de Tolède, quant à lui, cite consensuellement les deux exemples virgiliens (Maestre Yenes ed., p. 201). La raison de cette interruption de la citation avant même qu'elle illustre ce qu'elle est censée illustrer est peut-être due aussi à un problème de transmission du texte. Voir la note apposée au texte latin.446. La scholie, comme cela arrive occasionnellement, est entièrement en grec. Par variation, Donat, en lieu et place du terme technique σχετλιασμός (lamentation), utilise le verbe σχετλιάζει ("il fait un σχετλιασμός"), ce qui entraîne l'hellénisation de l'adverbe. Même effet par exemple en Ad. 72, 1 (καλῶς ἀντέθηκεν "il fait une belle antithèse).447. Le verbe "circumuallo" ("entourer") est transitif, mais son objet est habituellement la personne assiégée et non celle qui assiège. Avec un réfléchi, l'expression devrait signifier "s'assiéger soi-même" et non pas, comme il semble ici, "se dresser <contre quelqu'un>". C'est en cela qu'elle est réputée rare. Mais peut-être y a-t-il un texte mal assuré : les meilleurs mss. de Térence donnent "circumuallant" et non "circumuallant se". Il en résulte une difficulté de traduction du commentaire. Nous proposons, pour le début de la traduction du lemme 1, "ils se pressent contre nous", pour préparer la traduction du lemme 2 : "emergere", comme le montre l'exemple de Cicéron qui suit, est le complémentaire de "imprimere" (presser) dans le vocabulaire guerrier: un ennemi presse (famille de "imprimit" ou "impressio"), l'autre essaie de s'en sortir ("emergere"). Chez Térence, "circumuallare", qui fait couple avec "emergi", remplace ce qui, dans cette métaphore militaire signalée au lemme 2, relève de la série "imprimere". On pourrait donc mieux comprendre et traduire la fin du lemme 1 avec le verbe "presser" plutôt qu'avec le verbe "entourer" ; il s'agit d'une remarque de construction du verbe : "nous nous pressons ou nous pressons autrui", c'est-à-dire "on peut dire 'se presser' ou 'presser autrui'".448. En admettant que le segment qui commence à "nam impressio dicitur" et la citation de Salluste n'aient pas été déplacés, il faut comprendre que Donat anticipe sur le commentaire de la citation cicéronienne, qui comprend "premere" et entraîne, avec anticipation, la définition de "impressio".449. Il n'y a rien chez les grammairiens sur l'emploi du passif ou du déponent du verbe "emergo". Mais sans doute n'y a-t-il rien de spécial à en dire ! Ici, de fait, l'emploi de la forme "emergi" est sans surprise, dans une structure de passif impersonnel. Qu'on puisse écrire l'infinitif "emergi" ne prouve pas qu'on puisse écrire "emergor" : seule la forme "emergitur" est postulable.450. Voir Bureau 2011.451. Les deux exemples virgiliens censés illustrer l'accumulation de griefs ne sont pas très probants, puisqu'il n'y a que deux catgories incriminées à chaque fois, l'une d'elles particulièrement bipolaire et topique (les hommes et les dieux). En revanche, il est remarquable que, dans ces deux citations, il y ait polysyndète ("atque deos atque astra", "hominumque deorumque"), c'est-à-dire justement le procédé stylistique dont Donat vient de parler à propos du vers 301. A-t-il sous la main un catalogue exemplifié des figures ? Dans ce cas, l'idée d'utiliser ces deux citations (un peu à contre-emploi) au commentaire du vers 304 lui est-elle venue de ce qu'il vient de les relire dans la fiche "polysyndeton" pour le vers 301 ? Peut-être avons-nous là un indice de la manière de travailler du commentateur et des outils qu'il a à sa disposition.452. Le pléonasme remarqué n'est pas de même type dans les deux cas, même s'il concerne à chaque fois le démonstratif "ille". Chez Virgile, il n'y a pas d'incorrection ; chez Térence, au contraire, "illum" duplique fonctionnellement à l'intérieur de la relative le pronom relatif, comme si en français nous écrivions: "lui qu'aucun sentiment de pitié ne l'a empêché de mal agir".453. Les lemmes 306, 6 et 307, 1 ressortissent à la syntaxe. Donat, en complétant la pensée du personnage, dit quelque chose de la syntaxe des verbes d'empêchement, ici représentés par "repressit" et "reflexit". On attendrait plutôt, d'ailleurs, qu'il complète avec une proposition en "quin" plutôt qu'en "ne". Mais l'exemplification virgilienne est, quant à elle, clairement sémantique. Le lien avec le lemme térentien est dans l'usage que fait le poète du verbe "flexit", ici dans son sens premier de "détourner (les yeux)". Les imprécations de Didon ne servent pas spécialement le propos syntaxique du moment.454. Donat proposait deux solutions pour interpréter le verbe "reflexit" dans la scholie 1 : soit c'est un verbe d'empêchement, soit c'est un verbe qui, comme chez Virgile, signifie "détourner". Et il conseille de se rallier à la première solution, celle du verbe d'empêchement.455. C'est comme antécédent au datif que ce pronom est réputé manquant. Mais l'usage latin, dans un tour "ei cui" où antécédent et pronom relatif sont au même cas, est de supprimer l'antécédent. Donat le restitue pour la forme, pour la complétude de la proposition rectrice.456. L'adverbe "uix" a soit une valeur pragmatique au sens de "avec peine, mais tout de même on y arrive", soit une valeur restrictive proche de "ne quidem", type "je peux à peine me retenir de", donc une portée presque négative, qui semble plutôt être celle du texte commenté. La citation de Lucilius, récurrente chez Donat pour illustrer le sens de "carcer" comme mot d'injure, est ici utilisée à cause de son emploi de "uix". La place de la citation semble signaler que Donat y voit plutôt le sens restrictif-négatif.457. Les vieilles expressions "impos" et "compos (animi)" sont à mettre en relation avec la famille de "potis" et "possum" et avec le sème de 'capacité'. Mais ici, dans l'explication étymologique, s'immiscent des paronomases avec "competo" (composé de "peto") ou "compono" qui gauchissent un peu le sens. La citation de Salluste ne comporte pas du tout le mot expliqué, mais le verbe "competere", dans un contexte de folie ou d'absence de maîtrise de soi qui paraît pouvoir entériner le faux lien étymologique avec "compos".458. Donat signale des emplois du démonstratif "hic" qui, pour certains, sont proches de "talis", d'où leur valeur qualitative, ou de "tantus", d'où leur valeur quantitative. Il serait tentant de supposer que Donat donne à sa première illustration la valeur qualitative, à la seconde la valeur quantitative et à celle de Salluste les deux. Mais pour Virgile, Servius, commentant le vers "hunc ego te Euryale...", signale explicitement le rapport à "talis", mais c'est aussi vers la qualité que s'oriente son commentaire sur la première illustration virgilienne de Donat avec "animam hanc".459. Pour illustrer le principe des adverbes chronologiques, Donat choisit un exemple exprimant la vengeance et la torture, préfigurant peut-etre ce qu'il imagine en guise de punition pour celui qui a commis le viol.460. Le commentaire porte sur la variation de sens du verbe "dispergo" (et du verbe simple "spargo") selon le type de complément d'objet : l'accusatif objet du verbe peut représenter aussi bien la chose que l'on répand ("spargere latices" dans un des exemples virgiliens), auquel cas le verbe signifie "éparpiller, disperser", que l'endroit où on répand quelque chose ("spargere humum foliis" chez Virgile), auquel cas le verbe signifie "arroser, recouvrir". Le verbe "joncher" a pu offrir le même genre de construction : "joncher le sol de roses" vs "joncher des roses sur le sol" (désuet).461. Donat reste encore une fois dans le commentaire ironique envers le personnage. On peut relever l'exemple qu'il donne à propos des cochons. Il ironise en creux sur le personnage par ce rapprochement animalier. Le rapprochementà venir avec Virgile appuie le sentiment burlesque en quelque sorte par le mélange des genres et des tons.462. Les exemples cités, s'ils illustrent bien la diathèse active ("actiuam uim"), n'illustrent pas la transitivité qu'on trouve dans le vers de Térence. Mais la définition lexicographique que Donat propose du verbe "ruere" permet de comprendre (notamment via le sème impliqué par "impellendum" dans la définition de Donat) comment le verbe peut occasionnellement devenir transitif. De même en français avec le verbe "charger", qui peut, dans le vocabulaire militaire ou animalier, s'employer dans l'absolu ("Chargez !", "le sanglier charge") ou avec un objet ("charger l'armée ennemie"). Ces deux mêmes illustrations de Virgile et d'Horace sont reprises au commentaire au vers 550, 3 pour évoquer le tour "irruat se".463. La question de ponctuation (à quel mot faut-il accrocher tel autre mot) est ici remarquablement réglée au moyen d'une differentia qui permet (par une comparaison avec "sperare") de mettre en valeur le sens en soi déjà superlatif du verbe "exspectare" : du coup, il est meilleur de faire porter l'amplificateur "oppido" sur l'adverbe "opportune" plutôt que sur le verbe "exspectare". Il faut donc segmenter "te expecto ; oppido opportune te obtulisti mihi obuiam".464. Et non un adverbe ou une interjection, comme jusqu'ici. C'est donc le premier énoncé complet de Géta.465. Comprendre que, puisqu'il commence à être amoureux, il est très amoureux, comme il est d'usage dans une passion naissante. L'énoncé de Géta est donc amplifié par rapport à un simple "amat".466. Le commentaire de la tirade de Géta prend la forme d'un syllogisme : 1. qui manque à l'honneur est amoureux ; or ("autem") 2. Eschine manque à l'honneur ; donc ("ergo") 3... Là on attendrait un retour à la proposition 1 ("donc il est amoureux"). Mais la fausse conclusion abonde en réalité la proposition 2 en donnant force exemples de manquement à l'honneur dans l'attitude d'Eschine. On classerait donc plutôt cet ensemble argumentatif dans la catégorie des enthymèmes. Et la conclusion "donc il est amoureux" reste à la charge de l'interlocutrice.467. Le lemme 328, 4 est l'exacte répétition de 328, 1. Il se trouvait légèrement décalé au milieu du commentaire de 329. Cette duplication inutile est certainement le résultat d'une note marginale, d'un oubli, etc. dans un ms. et qui a fini par prendre place dans le corps du texte.468. Pour l'appréciation des témoignages, entrent en ligne de compte à la fois la qualité du témoin et l'importance du fait lui-même. On retrouve dans cette typologie l'enseignement traditionnel des rhéteurs. Voir par exemple Quint. 2, 4, 27. Si le témoin est une personnalité moralement irréprochable, son témoignage est valorisé ; de même si le témoin, quel qu'il soit, a vu quelque chose de primordial et non un simple détail.469. C'est un problème exégétique qui se pose là : Eschine avait autrefois promis qu'il présenterait l'enfant ("puerum") à son père, dès sa naissance. Or "puer" est un mot masculin. Comment pouvait-il donc savoir, avant la naissance du bébé, que ce serait un garçon ? Réponse de Donat : parce qu'il souhaitait que c'en fût un, et qu'il le désignait donc selon ses souhaits. En réalité, le terme est générique et n'a rien pour surprendre. Cela étant, la réponse peut se faire sur un autre registre : dans la comédie (Néa ou palliata), tous les enfants qui naissent sont des garçons, selon les relevés de N. Boulic dans sa thèse (Grenoble 3, 2008). On aurait donc là, quoi qu'en dise Donat sur la nécessité du sexe de l'enfant à venir, un élément de code, un stéréotype. Il n'est pas prévu que ce puisse être une fille. On est dans du méta-théâtre : c'est un enfant de comédie, donc un garçon.470. Il y a un débat implicite chez les grammairiens latins pour déterminer la nature exacte de certains mots de liaison : sont-il des conjonctions (puisqu'ils lient) ou des adverbes ? "Porro" est de ceux-là, qu'on trouve classé comme adverbe ou comme préposition. Pour Donat, c'est donc un adverbe, avec deux sens : adverbe "d'ordre" et adverbe "de temps". Signalons d'ailleurs que, paradoxalement, dans ses deux traités de grammaire, "porro" est traité comme conjonction explétive : cf. Ars maior (Holtz, p. 647, 3) : "potestas coniunctionum in quinque species diuiditur. sunt enim copulatiuae, disiunctiuae, expletiuae, causales, rationales. (...) expletiuae, quidem, equidem, saltim, uidelicet, quamquam, quamuis, quoque, autem, porro, porro autem, tamen" (la valeur des conjonctions se répartit en cinq espèces. De fait, il y en a des copulatives, des disjonctives, des explétives, des causales, des rationnelles. Les explétives sont "quidem" etc). Ici, en revanche, le même "porro" est classé adverbe. Par adverbe d'ordre, il faut comprendre adverbe qui entre dans une série chronologique argumentative : il a alors son sens de "par ailleurs", "d'autre part" ou "en outre". Comme adverbe de temps, il prend le sens de "plus tard", "à la suite".471. Donat précise souvent que "mi" est une forme de "meus", à qui il sert de vocatif. Mais la chose ne doit pas aller de soi et les élèves (et peut-être Donat aussi) devaient sans doute voir dans cette forme surtout sa valeur ancienne de datif du pronom personnel ("à moi"), d'où elle procède avant de se voir employée comme vocatif du déterminant possessif, dépourvu de vocatif à l'origine comme parfois les mots en "-eus". On est en droit de supposer que la scholie s'interprète ainsi: "<le datif> 'mi' est utilisé à la place du <vocatif> 'meus'".472. Lemme "vide" dans les mss. Comme les deux vers suivants ne sont l'objet d'aucun commentaire, on peut peut-être supposer que l'archétype avait été déchiré ou très abîmé sur une portion de bas de page ou de haut de page qui contenait les commentaires aux vers 337-339. On peut en effet s'étonner que Donat n'ait pas pris la peine, par exemple, de noter le changement de ton de Géta, qui se remet à raisonner après une période d'affolement, alors qu'il est si sensible à la psychologie des personnages et à l'économie du récit ; qu'il n'ait pas explicité ce que recouvre "res" au vers 338 ; qu'il ne dise rien du tour "infitias ibit" (339), de nature à intéresser le lexicologue qu'il est si souvent (et sur la reprise duquel il dit tout de même quelque chose au vers 346). Bref, il y a peut-être une lacune ici dans l'ancêtre commun de tous les manuscrits.473. Le terme δίπλευρος, que Wessner édite en caractères grecs et que les manuscrits ont donné en translitération latine, est très rare et paraît limité au vocabulaire stratégique (une "offensive sur deux fronts", une "phalange à deux flancs"). Il a peut-être existé en latin tardif juridique, comme d'ailleurs son complémentaire "monopleuros". Mais les rhéteurs grecs l'ignorent. Il y a là sans doute une erreur invétérée de transmission. Sans doute y avait-il une lexie grecque complète (avec comme correspondant de "complexio" l'attendu "συμπλοκή"). Nous n'avons pas de solution ecdotique satisafaisante. La définition de ce qui est nommé ici nous dit bien de quoi il s'agit : si l'on divulgue le scandale, il y a deux volets possibles à la défense d'Eschine : soit il nie avoir enlevé la musicienne ; soit il avoue. Mais quelque défense qu'il adopte, cela aboutit à lui refuser la main de la jeune fille. Donc mieux vaut, pour le clan de Sostrata, se taire.474. Donat se demande comment on peut reprendre par "facere", le verbe d'action par excellence, un verbe d'état comme "tacere", "se taire". Et il concède que l'usage l'autorise. De même le français peut dire "je n'en ferai rien" pour reprendre n'importe quel verbe, même d'état ("Sois indulgent. -Je n'en ferai rien !").475. Donat évoque ici, comme dans le passage cité du prologue de L'Hécyre, le stylème térentien qui consite à dire "pro + abl." là où on pourrait avoir simplement un attribut au nominatif.476. La scholie se comprend ainsi : quel est le sens de "pro" dans "pro uirgine" ? est-ce la même expression que dans le prologue de L'Hécyre (cité), ou "pro noua" équivaut strictement à "noua" ? si oui, le sens ici est "elle ne peut plus être donnée vierge en mariage". Ou bien "pro uirgine" a-t-il sons sens plein ? Dans ce cas, elle ne peut pas non plus "passer pour vierge", dès lors qu'on a ébruité le scandale.477. Donat s'interroge sur le sens de "mecum" (avec moi). "L'anneau est témoin avec moi", donc "en ma faveur" ? Ou bien "il est témoin avec moi", donc "nous sommes tous les deux témoins" ?478. Donat paraît trouver étrange qu'à un nom grec, attendu dans une comédie imitée du grec, on associe le diminutif latin "-(o)lus". Mais peut-être Donat se trompe-t-il. Il existe en effet un anthroponyme grec "Simylus", qui pourrait très bien avoir été transcrit "Simulus". Et il n'y a dans ce cas aucun hybride gréco-latin.479. Donat vise sans doute l'expression remarquée au vers 346 "pro uirgine", tour prépositionnel au lieu de "uirgo". Ici "in mora" tour prépositionnel remplace le datif "morae" d'un classique double datif.480. Donat fait preuve ici d'une très bonne méthode lexicologique. Trois dérivés de "rapere" sont différenciés selon leur complément du nom ("raptio" vs "rapina" // "personne" vs "chose") ou leur sens propre ("raptio", "rapina") ou figuré ("raptus").481. Deux leçons de lexicologie en un seul lemme. D'abord une differentia entre "uocare" et "(ad)ducere" qui permet d'illustrer la psychologie de Déméa, prêt à excuser Ctésiphon et à charger Eschine. Cette differentia prépare le lemme 359, 1 qui exploite un autre composé de "ducere". Puis vient une étymologie de "nequitia" par "nequeo", dont la formulation est embarrassée parce que le verbe "nequire" n'a pas de gérondif, ce qui interdit d'utiliser la méthode classique du type "lex a legendo dicta" ("'lex' vient de 'legere'"). A ces deux commentaires lexicologiques, la deuxième main ajoute son grain de sel dans une seconde étymologie qui, sans être un coq-à-l'âne, tient quand même un peu de l'esprit d'escalier. Le scholiaste entreprend d'expliquer "nugae", qui ne figure pas dans le texte de Térence, parce que c'est un mot qui appartient au même champ que "nequitia" d'une part et que (selon lui) il est lui également bâti sur une locution négative : il voit dans le mot un n- négatif et un avatar de "ago" : le mot veut donc dire "inaction". Le mot "in-ertia", qui sert dans la définition de "nequitia", a pu également concourir à l'idée de cet excursus.482. La main principale propose une étymologie du vieux mot "ganeum", qui désigne un sous-sol, un caveau, une arrière-salle où pouvaient être offerts des services sexuels ; il sert également de terme d'injure, comme on le voit au commentaire à 363, 2. L'étymon proposé est le nom grec de la terre. La formulation bilingue "ganeum ἀπὸ τῆς γαίας, τουτέστι γῆς", dans laquelle même la préposition qui introduit le mot grec est mise en grec (et, dans la foulée, la reformulation), s'explique par une difficulté syntaxique. On attendrait la préposition latine "ab", laquelle gouverne l'ablatif ; or il n'y a pas d'ablatif en grec. Le locuteur se sent donc obligé soit de traduire le mot grec en latin (ce qui donnerait par exemple "ganeum a terra"), opération qui fait perdre la connivence phonique entre le mot expliqué et son étymon (c'est une étymologie grecque sans grec), soit d'helléniser la préposition introductrice, ce qui permet de mettre l'étymon au génitif (c'est une étymologie grecque créolisée). Dans la foulée, le "id est" attendu entre les deux autonymes grecs est lui-même traduit en grec sous la forme "τουτέστι". Ces deux manières sont l'une et l'autre très fréquentes dans le cas d'étymologies bilingues. Quant au scholiaste de la seconde main, il propose en excursus une étymologie latino-latine du mot "taberna". Il s'agit cette fois d'une étymologie par à-peu-près phonique : on restitue un chaînon manquant "*trabena" pour faire le lien entre le mot expliqué et l'étymon postulé "trabes" : dans ce cas, l'usage est de signaler le "barbarisme" nécessaire au raisonnement au moyen d'un "quasi" prudent, qui correspond à notre usage de l'astérisque.483. La differentia entre "suadere" et "persuadere" se fait par un raisonnement analogique : "suadere" est à "facere" ce que "persuadere" est à "perficere" ; il y a donc dans le verbe composé un sème spécifique d'accomplissement. C'est ce qui explique le premier lemme : pour faire faire quelque chose de difficile, il faut donc "persuadere", avec ce que le verbe implique de superlatif par rapport au verbe simple.484. La citation de Virgile est erronée : chez Virgile on a "Alciden" (donc Hercule) et non "Aeacidem" (donc Ajax). La suite du texte virgilien, qui évoque l'enlèvement de Cerbère aux Enfers, ne peut concerner en effet que le descendant d'Alcée, non celui d'Eaque. Sans doute une lecture trop rapide et non contextualisée de la part de Donat. Ou une mélecture d'un copiste dès l'archétype.485. "Ganeum", qui a été l'objet d'une fiche lexicologique en 359, 2, est ici mis en équivalence avec "carnifex", "bourreau". Le seul contexte où ils sont susceptibles d'être considérés comme synonymes est celui de l'insulte : les deux mots constituent des apostrophes injurieuses.486. Donat, se fondant sans doute sur le fait que Syrus fait une concordance au passé, voit donc dans "enarramus" non un présent mais une forme syncopée du parfait "enarrauimus". De même pour la forme "fumat" dans le vers de L'Enéide cité en appui. Les formes syncopées en" -amus" et en "-at", sans être de simples fantômes, sont néanmoins vraiment rares, à cause de leur ambiguïté avec le présent. Et dans les deux cas proposés ici, assez improbables. Mieux vaut imaginer qu'"enarramus" est un présent de narration : dans ce cas, la concordance au passé est habituelle.487. Le pléonasme tient ici à la duplication de "nihil" par "quicquam". C'est un pléonasme de pronom (sans doute ce que recouvre la "quatrième catégorie"). La catégorisation du "παρέλκον" (pléonasme) chez Donat est assez difficile à interpréter. Souvent il numérote les catégories, de 1 à 6. Les catégories 1 et 2 ne sont pas citées explicitement, la 6 est exceptionnelle (And. 291, avec des verbes), la 5 également (en And. 205, 2, avec des négations) et les 3 et 4 (de loin les plus fréquents) semblent ambigus. L'idée se fait parfois jour que le critère est donné par la nature des mots qui participent du pléonasme : pronoms, adverbes, noms, verbes... Mais le détail contredit à l'occasion cette impression. Ainsi le même "nihil quicquam" est-il effectivement classé pléonasme 4 en Eun. 884,2 ; Pho. 80, 2 ; 250, 4 ; Hec. 400, 4, mais il est pléonasme 3 en Eun. 90, 2. Son correspondant masculin "nemo quisquam", tout aussi nettement constitué de pronoms, est toujours compté comme un pléonasme 3 (Eun. 1032, 2 ; Hec. 67, 1), de même que "plerique omnes" (Pho. 172, 1) et l'improbale "quaedam tonstrina" (Pho. 89, 2), alors que les exemples tels que "utrum... an" (Pho. 659), "utrum... -ne" (Eun. 721, 1), "quoque etiam" (Hec. 734, 1), "mecum una" (Hec. 131, 1), "fere plerumque" (Pho. 89, 3), "nondum etiam" (Hec. 192, 1), "quia enim" (Pho. 332, 1), à défaut de présenter toujours des adverbes, présentent en tout cas toujours des formes indéclinables... ce qui n'empêche pas "nondum etiam" (ANd. 201) d'être classé pléonasme 4... En fait, il est très vraisemblable que les copistes, dès les manuscrits les plus anciens, ont commis des erreurs entre les chiffres iii et iiii ou iv et introduit la plus grande confusion dans le classement méthodique du grammairien.488. Donat caractérise l'aspect phatique d'une formule comme "quid agitur ?", qui, sous couleur d'être une question, est en réalité une formule inaugurale de la conversation. De fait, Syrus vient d'apercevoir Déméa et réalise, avec cette formule, l'acte social de la salutation.489. Donat énonce ici une généralité : tous les vieillards sont sages ou devraient l'être. C'est donc la conduite du jeune homme qui est qualifiée d'imbécile, car il est un jeune imbécile, et celle de Micion qui est absurde, car incompatible avec la sagesse attendue de son âge.490. Donat semble gêné par la présence conjointe d'un déterminant et d'une épithète à côté du nom. C'est apparemment ce que semblait montrer aussi la scholie 353, 2, avec l'emploi de "mea" : si Térence avait dit "mea cara Canathara" au lieu de "mea Canthara", "mea" serait un pronom. Analogiquement, c'est la même chose ici : "congrum istum maximum" est constitué de deux groupes, séparés par la diastole. On comprend qu'il faut segmenter "congrum istum, maximum" (le congre, celui-ci, le gros), avec "istum" en qualité de pronom à valeur déictique.491. Les lemmes 382, 1 et 2 forment un tout. Il s'agit d'analyser la forme "utrum studione". Le problème que se pose Donat est causé par la place de la particule interrogative enclitique "-ne", qui, en théorie, doit s'accrocher au premier mot du segment concerné. Le grammairien fait donc plusieurs hypothèses : 1. l'ordre à rétablir est "utrumne" (début du lemme 1 et fin du lemme 2), et il y a une tmèse, comme quand on sépare par un ou plusieurs mots deux morphèmes liés d'une même unité lexicale (par ex. dans ce fragment, probablement d'Ennius ou de Lucilius, cité par Donat dans sa grammaire, où le mot "Massilitanas" est coupé en son milieu : "Massili portabant iuuenes ad litora tanas", "ils portaient les jeunes Marseillais sur le rivage") ; 2 soit il y a pléonasme, dans la mesure où "utrum" et "-ne" ont une même fonction d'interrogation totale ; 3 soit il y a ellipse et, en réalité, deux phrases interrogatives distinctes, dont la deuxième commence par "studio", ce qui redonne à "-ne" sa place traditionnelle. En réalité, la structure "utrum Xne... an Y" n'est pas isolée (et concurrence la structure "utrumne X... an Y") : cf. par ex. Cic. Verr. 2, 3, 84 : "utrum tibi sumes ad defensionem, tantone... an...". C'est plutôt la piste du pléonasme qui est la plus crédible, le tour s'interprétant étymologiquement comme "lequel des deux (=de deux choses l'une), est-ce que X ou est-ce que Y ?".492. Il s'agit d'un extrait de l'Iphigénie d'Ennius ; mais l'expression relève tout autant de la sagesse populaire que de l'intertextualité littéraire.493. Remarque implicite de morphologie sur le pronom/adverbe archaïque "ellum", "ellam" et sur sa syntaxe : voir la note à And. 855, 2-5.494. Dans L'Eunuque, au vers 525, figurait l'expression "ut est audacia". Dans le commentaire afférent, Donat ne disait rien sur le cas d'"audacia". Ce qu'il signale ici, c'est que "dementia" peut se comprendre comme étant au nominatif ("quelle démence est la sienne !") ou à l'ablatif, sans doute un ablatif de qualité tronqué ("de quelle démence il est !"). La scansion ne permet pas de trancher. Rappel : ce que Donat appelle le "septième cas" recoupe les emplois non prépositionnels de l'ablatif, ceux qui relèvent presque uniformément des valeurs héritées de l'instrumental indo-européen.495. La scholie concerne deux vers d'un coup, le 392 et le 393. Donat commente d'abord la rectification que "pernimium" (393), intensif, opère sur "nimium" (392), et c'est ce qu'il nomme au moyen du syntagme grec "μετὰ διορθώσεως". Dans la foulée, il signale que l'incise "non quia ades praesens dico hoc", qui interrompt l'énoncé de Syrus, prend fin : voilà ce qu'il appelait une "suspension" (τὸ κρεμάμενον). Le verbe κρεμάω et sa famille sont connus des rhéteurs dans le sens d'une suspension de la pensée (par ex. : "κρεμᾶται ἡ διάνοια", Herm. Cat. 1, 3, 93), souvent en vue d'éveiller la curiosité de l'auditeur. Sur l'établissement du texte, notamment grec, voir la note apposée au texte latin.496. Donat veut dire que l'auditeur entend d'abord "quoi que tu sois, tu n'es rien...", avant d'entendre "...sinon de la sagesse". L'opposition "quantus/nihil" est, selon Donat, du plus haut comique. Peut-être peut-on implicitement comprendre qu'il conseille de faire une pause entre "nihil" et "nisi" pour l'effet comique.497. Donat remarque un parallélisme sur l'attribut du sujet : au lieu d'un adjectif, le poète a deux fois mis un substantif. Et ce serait là une marque d'hyperbole, dans la mesure où celui dont on parle est ainsi représenté comme le modèle même de la sagesse ou de la rêverie.498. L'ironie est perçue à travers le procédé de la question oratoire qui contraint le personnage à l'évidence.499. C'est une étymologie du nom des narines dont on retrouve à peu près la formulation chez Isidore, Et. XI, 1, 47. Elle repose sur le rapprochement phonique entre "nares" et la famille de l'adjectif "(g)narus" (connaisseur), dont le contraire est "ignarus". Elle est farfelue mais amusante. On note en tout cas que, comme souvent dans des cas de dérivation, le rapport base/dérivé est inversé : on s'attendrait à ce que ce soit "naritas" qui dérive de "nares" et non l'inverse. Mais les Anciens ne s'occupaient guère de ces détails, ils se contentaient de mettre en relation deux termes, sans se soucier d'une hiérarchie particulière. Par la même, le rapport institué est souvent réversible.500. C'est-à-dire que, sans le savoir, Déméa souhaite que son fils reste ce qu'il est actuellement, à savoir un dévoyé.501. Ce lemme, comme celui de 401 4, de même formulation, s'apparente à une didascalie. Il s'agit, dans une scène où les personnages en viennent assez souvent à penser tout haut, d'aider le lecteur de Térence à distinguer les bribes de réplique dialoguées des bribes en aparté.502. Etymologie classique mais fantaisiste.503. Une differentia très comparable entre les deux verbes est faite au commentaire de And. 479 ; la même technique militaire du surgissement par surprise y est décrite en accompagnement du verbe "adoriri".504. Syrus, dans cette prétendue altercation entre les deux frères, fait parler Ctésiphon avec la phraséologie de son père. Notamment, l'effet d'écho est particulièrement net dans la manière de désigner la jeune fille au moyen du groupe "istaec psaltria" et sa valeur péjorative.505. De fait, Eschine n'est pas sur scène et le fait de l'incriminer nominativement (en rappelant la prétendue conversation qu'il a eue avec Ctésiphon) et à la seconde personne (ce qui est, de fait, aussi le sens de "persona") ajoute à la virulence du propos. Sur le lien entre nom propre et véhémence, voir par exemple And. 199, 1 et la note ; et, dans une moindre mesure, Pho. 352, 4 et la note.506. L'amplification entre "facere" et "admittere" réside dans le fait qu'"admittere" contient un sème 'permissivité' ; alors que "facere" désigne simplement le fait de faire quelque chose, "admittere" contient l'idée (exprimée par le préverbe "ad-") qu'Eschine aurait pu empêcher que l'infamie tombe sur la famille mais ne l'a pas fait, ce qui est plus grave.507. La figure de "deinotès" est citée aussi en And. 910, 1, passage auquel on renvoie (voir la note). L'habileté, ici, est dans le zeugme "tu perds de l'argent" et "tu perds ta vie", qui aboutit en effet à une sorte de "terrorisme" moral, bien dans le double sens du mot grec qui peut désigner à la fois l'habileté ou la terreur.508. Sans le dire très explicitement, Donat relie le démonstratif "iste" à la deuxième personne.509. Donat reformule : "il a eu à la maison de qui apprendre" équivaut à "il t'a eu à la maison". C'est aussi une manière implicite de préciser, comme il le fait souvent avec des mots comme "unde", que l'adverbe relatif est en fonction de pronom relatif. C'est une situation qui convoque souvent, dans son commentaire, la figure de syllepse.510. Peut-être faut-il comprendre que c'est la manière impersonnelle ("on fait de son mieux") de dire quelque chose de personnel ("je fais de mon mieux") qui est caractéristique du personnage. Les moralistes de comédie font, de fait, volontiers dans la généralité.511. Etymologie habituelle de "sedulo", qui revient plusieurs fois dans le corps du commentaire.512. La question est la suivante : pourquoi tendre un miroir au jeune homme si c'est pour qu'il examine les qualités et les défauts d'autrui ? Réponse : parce qu'il y a deux opérations en une. D'abord on observe les autres, ensuite on se regarde soi-même, pour se corriger en se modelant sur les meilleurs d'entre eux. Ce n'est donc pas l'effet du miroir qui est visé (l'image de soi), mais sa cause (on se compare à ce qu'on a vu juste avant). L'expression est assez alambiquée. On peut s'étonner en outre que Donat n'ait pas saisi la perche que lui tendait Térence pour voir dans cette phrase un passage de méta-théâtre. La métaphore du miroir est en effet utilisée dans la définition de la comédie que donne Cicéron cité par Evanthius (Com. 5, 1), et Donat connaît bien ce passage.513. Cette étymologie est acceptée par les modernes.514. Ce n'est donc pas la morale en tant que telle, le bien et le mal dans l'absolu, qui intéressent Déméa, mais le qu'en-dira-t-on. Il reste donc parfaitement dans son rôle.515. Implicitement, Donat rappelle à nouveau le lien entre "iste" et la deuxième personne. La reformulation voit dans "istaec" un implicite : "c'est toi qui as raison", et non pas Micion.516. Le jeu de mots de Cicéron s'interprète ainsi : il y a ambiguïté entre "tu quoque" (toi aussi) et "tu coque" (toi, cuisinier), surtout si, comme le dit Donat, le vocatif "coque" est prononcé "quoque" à l'époque. Du coup, si l'on remonte dans le commentaire, le choix de Syrus de dire "quod queo" est motivé par la paronomase avec le verbe "coquo" (prononcé "quoquo"). En revanche, l'autre plaisanterie de Syrus citée pour attester qu'il n'est jamais sérieux, ne relève pas de la paronomase mais du jeu de mot polysémique. Cf. le lemme 427.517. "Sapientia", de la famille de "sapor" (saveur) et de "sapere" (avoir du goût) est ici à prendre au sens étymologique de "goût".518. Donat signale la valeur générale de la deuxième personne employée ici par Syrus, et qui équivaut à "on" du français.519. La rusticité du personnage de Déméa est ici caractérisée par son impolitesse (refus de saluer) et par sa faible connaissance du code des maximes conversationnelles : alors que "numquid uis ?" est une formule codifiée de demande de congé, il donne à cette question purement phatique une réponse que personne n'attendait.520. Encore une remarque sur les maximes conversationnelles et la valeur illocutoire des actes de langage : sous la question se niche un ordre.521. Est en cause ici, comme presque à chaque fois dans la même situation, une remarque de syntaxe des genres ou des cas, qu'il arrive à Donat de nommer syllepse. Déméa reprend l'antécédent masculin "is" par le groupe relatif "quam ob rem" (qui implique donc une chose) : ce faisant, il réifie Ctésiphon. De même dans l'autre exemple cité, où le masculin "eo" est ensuite remplacé par le neutre "id".522. Tout dépend du genre du démonstratif "hoc". Si le pronom est neutre, son référent est alors la proposition précédente, qui fait mention de l'âge d'Hégion. Le locuteur, après avoir dit qu'Hégion est un vieil homme, s'empresse alors de dire "pourvu qu'à cause de ce grand âge il ne lui arrive pas malheur en public !". Si le pronom est masculin, son référent est évidemment Hégion, et le texte se comprend comme un éloge d'un homme irréprochable vis-à-vis de l'Etat.523. On a là un précepte important, que retiendront les doctes de l'époque classique : il est contre-productif de redire quelque chose que le spectateur sait déjà. Mais une question doit toujours se poser alors : comment celui qui arrive, et qui n'a pas assisté au premier récit, est-il au courant de ce qui s'est passé ? Ici, la chose est claire : Géta, qui a le premier raconté l'épisode de l'enlèvement, est allé chercher Hégion à qui il avait mission de raconter ce scandale, qui ne doit pas quitter la sphère familiale. Le second récit vient donc d'avoir lieu hors scène.524. Cf. Donat Ars maior, GL IV, 379, 26 : "Qualitas pronominum bipertita est. aut enim finita sunt pronomina aut infinita. finita sunt quae recipiunt personas, ut ego tu ille ; infinita sunt quae non recipiunt personas, ut quis quae quid : sunt etiam pronomina minus quam finita, ut ipse iste. sunt praepositiua, ut quis hic; sunt subiunctivua [uel relatiua], ut is idem"... (il y a deux sortes de pronoms : de fait ils sont ou définis ou indéfinis. Les définis sont ceux qui marquent la personne, comme "ego", "tu", "ille" ; les indéfinis sont ceux qui ne marquent pas la personne, comme "quis, quae, quid". Il y a aussi les pronoms semi-définis, comme "ipse", 'iste" ; les préposés, comme "quis", "hic" ; les postposés, comme "is", "idem"...). La typologie de Donat n'est pas homogène. Il signale qu'il y a deux qualités de pronoms, qui distinguent les définis (comme les pronoms personnels, qui sont définis par la situation d'énonciation) et les indéfinis (comme l'interrogatif, à portée illimitée). Mais les "minus quam finita", les "moins que définis" (que nous traduisons ici par semi-définis) sont-ils une troisième catégorie ? Une sous-catégorie des "infinita" ? Des "finita" ? En tout cas, dans la grammaire de Donat, "ipse" est bien l'un des exemples de ce sous-type : en effet, il accompagne les pronoms personnels, qui lui donnent donc un peu de "défini", mais il est polyvalent ("ipse ego", "ipse tu", etc.), et a donc un caractère moins défini que "ego" ou "tu" . Quant à "is", il appartient à la catégorie des "subiunctiua", et l'on voit que le critère de différenciation s'est déplacé : ces pronoms-ci s'opposent aux "praepositiua" sur un plan syntaxique (ordre des mots) et sémantique : les "praepositiua" se placent avant leur référent (ils sont donc cataphoriques, ainsi l'interrogatif "quis"), alors que les "subiunctiua" se placent après leur référent, qu'ils reprenennt (ce sont donc des anaphoriques). L'opposition entre les "minus quam finita" et les "subiunctiua" n'est pas bonne, car elle n'est pas exclusive. Ainsi "quis" est cité à la fois parmi les "infinita" et parmi les "praepositiua". On peut donc analogiquement imaginer qu'un pronom puisse être classé à la fois parmi les "minus quam finita" et les "subiunctiua".525. Les deux reformulations proposées sont hétérogènes sur le plan énonciatif : au discours direct pour la première, indirect pour la seconde.526. Cf. le commentaire à 454, 6.527. "Facere" est sous-entendu, mais "facient" est présent dans la proposition rectrice. La notion de syllepse est ici sans doute motivée par le fait qu'il y a une relative complexe "quae aequum est illos <facere>", dans laquelle le pronom relatif a une fonction non dans la relative elle-même stricto sensu mais dans l'infinitive qui dépend de la relative. Procédé banal en syntaxe classique.528. Son corrélatif est alors "cliens".529. "Parens" désigne le père ou la mère, au pluriel les parents, dans une relation verticale ; mais il a aussi (comme en français, dans "nous sommes proches parents") le sens de "membre de la même famille", dans une relation horizontale ou collatérale. C'est ce que veut dire Donat ici par "aequali loco" : Hégion n'est le géniteur d'aucun membre de la familia de Sostrata, mais il leur est apparenté. Il n'est pas impossible aussi que la présence dans le commentaire de l'adjectif "aequalis" ne cache une étymologie cryptée de "parens" sur l'adjectif "par" (égal, identique).530. Differentia à trois termes dans le lexique de la trahison, chacun avec sa spécificité et son exemple littéraire. Le commentateur de la deuxième main a inséré un exemple virgilien inutile, dans la mesure où le commentateur principal avait illustré "defectio" chez Salluste (et la matérialisation de son sème spécifique avec "sociorum"), "prodo" chez Térence (et la matérialisation de son sème spécifique avec "gnatum") et "desero" chez Plaute (et la matérialisation de son sème spécifique avec "libertos"). L'exemple virgilien de la seconde main contrarie plutôt ce bel ordonnancement, dans la mesure où, dans le rapport traître vs trahi, il n'y a pas dans le vers de Virgile de "parens" évident.531. La fin du lemme évoque implicitement la réponse d'Hégion "caue dixeris", "ne dis pas cela". Cette réplique peut en effet se comprendre comme une réponse euphémistique à Géta, qui vient de dire "nous sommes morts", ou une accroche à "si deseris tu" : "si tu nous abandonnes... -Ne dis pas cela...".532. Même formulation exactement que dans And. 49, 1. Ce que Donat veut dire ici, comme le montre la suite du lemme, c'est que "iubere" représente une phase psychologique postérieure à "uelle" : il faut d'abord vouloir avant d'ordonner.533. Sur l'établissement du texte, voir la note apposée au texte latin. Les citations homériques viennent toutes les deux en appui d'une analyse de l'hystéron protéron. Un peu plus haut dans le texte de la première citation, nous lisons "ἐθέλεις" (tu veux) et le raisonnement est "sans doute as-tu l'intention de me voir faire la grève du combat, puisque tu m'ordonnes maintenant de rendre la fille". Sur la deuxième, à vrai dire bien plus claire, voir la note du texte latin.534. Quelle que soit la solution adoptée, il semble clair que "liberalis" est situé plus haut que "bonus" dans l'échelle des valeurs.535. Pourquoi Donat traduit-il en grec un adjectif latin bien connu ? Est-ce parce qu'il cite implicitement le passage correspondant dans la pièce originale ? Ou est-ce parce que l'adjectif "aequalis" à son époque signifie presque exclusivement "égal" et que, "aequaeuus" n'étant pas bien fréquent, il juge nécessaire d'ajouter un autre synonyme, qu'il ne trouve que dans l'autre langue ?536. La reformulation de Donat, de l'ordre de l'évidence, vise peut-être à signaler qu'il s'agit de l'emploi standard du comparatif, et non pas de l'emploi formulaire de la langue du droit, "amplius", par laquelle le magistrait renvoyait "à plus ample informé" et demandait davantage d'information pour l'instruction de l'affaire.537. C'est dans cette citation le verbe "impellitur" qui fait office du terme "impulsio" (qui est son nom d'action). Donat, comme souvent es lexicographes antiques, illustre le sème plutôt que le lexème lui-même.538. La differentia proposée par Donat tend à montrer surtout qu'il y a une progression du moins fort vers le plus fort, tant chez Térence que chez Cicéron dans l'illustration proposée.539. Donat ne cite pas expressément le texte térentien (il écrit "orabat" au lieu de "orans", etc.) ; disons qu'il le cite allusivement : on y trouve les mêmes mots, mais sous une autre forme et parfois dans un autre ordre.540. L'atticisme et le caractère superflu relevés ici signalent en réalité l'emploi d'un datif éthique (cf. en français "me" dans "tu vas me la calmer, cette petite ?"), marque d'oralité impliquant de l'émotion. Si le grec connaît cet emploi, le latin le connaît aussi et cela n'a rien de spécialement attique. Peut-être Donat constate-t-il, s'il a le modèle de la pièce grecque sous les yeux, qu'il y a un datif éthique à cette même place ?541. C'est une autre manière d'évoquer l'emploi du datif éthique, comme en 476, 4.542. L'enjeu de ce commentaire est à la fois sur le rapport entre un adjectif qualificatif et le nom qu'il qualifie et sur l'usage rhétorique de la négation. Dire que Socrate n'est pas maladroit, si ce n'est pas une litote valant "il est décidément très fort, ce Socrate", est une tautologie qui tend à abaisser la qualité intrinsèque ; dire qu'un esclave n'est pas maladroit relève du compliment occasionnel et dans ce cas le fait de nier l'adjectif péjoratif correspond à de l'emphase. Tout dépend donc de la personne à qui s'attache l'adjectif.543. Comme on le voit de la citation d'Afranius, le tour "ut captus est seruorum" a quelque chose de formulaire. Les explications embarrassées de Donat nous indiquent que "captus" est un substantif (de quatrième déclinaison) dont le sens aiguille soit vers la faculté de saisir quelque chose (intellectuellement), de le "capter", soit vers les hasards de la chasse et de la pêche ; "sors", "lot tiré au sort" en est alors un quasi-synonyme. Le mot s'interprète donc comme "coup de filet" ou "loterie".544. Simple glose étymologique, qui rappelle le rapport en "ars" et "iners", et qui remplace l'énoncé-litote à double négation ("neque" + "in-") en énoncé affirmatif ("habens").545. C'est-à-dire qu'il fait l'éloge de Géta alors qu'il s'apprête à le faire soumettre à la question. L'éloge vient donc à l'avance minimiser l'atrocité de la proposition suivante.546. Car on aurait pu craindre que deux femmes seules n'aient d'autre solution que de faire métier de leurs charmes.547. Soit "alit illas solus, omnem familiam sustentat" (il les nourrit tout seul, il pourvoit à l'entretien de toute la maisonnée), soit "alit illas, solus omnem familiam sustentat" (il les nourrit, seul il pourvoit à l'entretien de toute la maisonnée). Comme on voit, cela ne fait guère de différence.548. Implicitement "sustentat", le dernier mot de la scholie précédente.549. Tant dans le vers térentien que dans l'exemple tiré de L'Enéide, ce qui est en cause c'est la morphologie de l'impératif des verbes "dico" (ici représenté par son composé "edice" dans l'extrait virgilien), "duco" (ici "abduce"), "facio" et "fero" (implicites). La forme correcte d'impératif, réputée ici postérieure, est sans -e final, du moins pour les verbes simples : "dic", "duc", "fac", "fer".550. Térence, selon Donat, suit l'ordre chronologique de la procédure. 1-On isole l'esclave, 2-on l'attache pour éviter qu'il ne fuie, 3-on le torture pour obtenir son témoignage. Dans ce cas, on peut aussi supposer que l'ordre que vise le grammairien concerne la place du pronom "hunc", mis en facteur commun aux deux verbes dont il est le COD.551. Sur cette forme voir la note apposée au texte latin.552. Ce commentaire d'allure tautologique est en fait une remarque de morphologie. Il faut interpréter "uinci" comme impératif présent de "uincire" (attacher) et non comme l'infinitif présent passif de "uincere" (vaincre), ce qui s'interprèterait "abduce uinci" (emmène-le pour qu'il soit vaincu).553. On se souviendra que les esclaves ne peuvent déposer valablement que sous la torture. Même si Géta est d'accord pour déposer, il faudra le torturer, au moins pour la forme, pour que son témoignage ait valeur légale. Voir le vers suivant.554. Chez les rhéteurs, la preuve non-technique est celle qui peut être administrée sans déduction de la part de l'enquêteur. L'aveu en fait partie, la torture en est donc un moyen. Cf. par exemple Cic. Part. 6 et 48 (sous l'appellation "sine arte <argumenta>"), Rh. Her. II, 9- 12 et Quint. V, 1, 1.555. Donat veut dire que le préverbe "ex-" a une valeur intensive.556. Reformulation dans laquelle, comme souvent, Donat utilise des synonymes dotés du même préfixe.557. Donat n'utilise pas, en général, ce terme de "procuratio" pour parler de préparation (d'un prochain épisode, d'un prochain effet scénique, etc.). Nous supposons qu'il s'en sert ici sous la pression morphologique forte du terme grec προθεράπευσις, qu'il vient peut-être de découvrir, en tout cas d'utiliser au commentaire du vers 481, et qui est le modèle du calque morphologique "pro-cura-tio". Signalons que peu après il utilise un autre terme inédit apparenté à προθεράπευσις, à savoir ἐπιθεράπευσις (Ad. 500). Devons-nous supposer qu'il a sous la main une fiche lexicologique sur la famille du verbe grec θεραπεύω ?558. L'invocation de la jeune femme relève du "copier-coller" : on la retrouve identique, dans les mêmes circonstances dramaturgiques, dans la bouche de la jeune parturiente de And. 473. Et, comme dans L'Andrienne, cette réplique se fait depuis la coulisse. Donat le note en And. 473, 4. Il en fait aussi la remarque dans la Préface de L'Andrienne, Praef. 1, 9. Il existe donc une règle de bienséance qui fait qu'on ne montre pas sur scène une jeune fille sage et honorable. Les personnages féminins qui se montrent sont des matrones, des entremetteuses, des esclaves, des accoucheuses, des nourrices, etc., et surtout des courtisanes. Pour ce qui est de la représentation, quel est le statut de cette réplique hors-scène ? Un acteur non visible se contentait-il de la dire depuis le postscaenium ? Ou utilisait-on une machine, comme l'eccyclème, pour montrer conventionnellement au spectateur un épisode qui se passe à l'intérieur de la maison ?559. La construction "decet uobis (facere)" est correcte, mais on attend plutôt "decet uos (facere)". D'où le passage par le grec. Donat veut dire que la tournure avec le pronom au datif est influencée par l'expression grecque correspondante. On peut comprendre implicitement qu'il cite ici Ménandre, le modèle de Térence.560. Son caractère grave et sérieux est marqué par le ton solennel et décidé de cet "ego, Demea".561. Comprendre : il dit "j'essaierai" et non pas "je réussirai", pour qu'on ne puisse pas lui dire qu'il a échoué. Il donne donc des assurances sur sa motivation, non sur le résultat. Par ailleurs Donat n'explique pas ici, comme il l'avait fait plus haut à propos d'une réplique de Sostrata (Ad. 350 1), qu'"experiar" a sans doute son sens technique de "j'esterai, j'irai en justice".562. Si l'on comprend bien le commentaire, Donat, d'une façon apparemment toute tautologique, semble dire que le sens de "spondere" est "dire 'spondeo'". Comprendre que "spondeo" dans son emploi performatif (je m'engage) est devenu formulaire dans la langue des tribunaux ; à partir de là, il peut devenir un verbe délocutif (au sens benvenistien), mais au sens de la délocutivité généralisée (cf. les travaux d'Anscombre et Ducrot), "dire spondeo" ; de là, il perd sa valeur performative et sa valeur délocutive et décrit simplement l'activité de celui qui intente un procès, le plaignant. D'où "respondere" (d'où est parti le commentaire), au sens de "'spondere' à son tour", donc "plaider en second dans un procès". Donc Hégion se pose en plaignant (celui qui, implicitement, "spondet"), Déméa et Micion, à qui il a (métaphoriquement) intenté un procès, sont en position de répondeurs.563. Chez Virgile, on lit d'ordinaire "loquelas" (paroles doucereuses). Le ms. K de Donat a d'ailleurs rectifié la citation en ce sens.564. Le commentateur de la seconde main fait, lui, une étymologie implicite par le grec, rapprochant (légitimement) "(re)spondeo" du grec σπένδω (faire une libation), σπονδή (libation), d'où la "traduction" par le verbe "fundere" et l'exemple virgilien en appui. De fait les deux séries lexicales sont apparentées via l'indo-européen, mais assez éloignées sur le plan sémantique. L'idée de base est celle de "garantir par une libation solennelle" ; le latin a mis en valeur l'acte de langage ("s'engager"), le grec l'opération religieuse ("faire une libation, une offrande liquide").565. Le commentaire porte donc sur le sens de l'adverbe "facil(lim)e".566. C'est là une remarque de "Donat" éditeur de texte et comparant plusieurs volumes de Térence ou de commentaires précédents.567. Autrement dit, cette courte scène marque-t-elle la fin d'un dialogue commencé chez Sostrata et qui se conclut avec le retour sur scène d'Hégion, qui continue à parler à son interlocutrice qu'on ne voit ni n'entend, ou est-elle la première phrase d'un nouveau développement ?568. Dans un lemme au texte un peu embarrassé (et indécis par endroits), il est difficile d'être sûr de déterminer ce que commente Donat. Peut-être tâche-t-il de faire une distinction entre "intro" (qu'avait prononcé Hégion quelques vers plus haut, pour demander à Géta de l'introduire chez Sostrata) et "intus", qu'on trouve dans l'exemple cité de L'Andrienne et qui clôt la pièce. On sait que, pour les Latins, qui à cet égard optent pour le point de vue de la coulisse, "entrer" signifie "aller dans une maison du décor" et donc "sortir de scène". Réciproquement, "sortir" ("exire", "egredi") signifie ce que nous appelons "entrer sur scène". Ici donc, Donat voit peut-être, entre "aller 'intro'" et "aller 'intus'" une distinction entre deux lieux scéniques. "Intus" désigne le hors-scène, ce lieu invisible où se concluent par exemple les contrats de mariage de la toute fin ; "intro" désignerait, par opposition, un lieu codifié de l'avant-scène. On devrait donc voir Hégion parler (muettement d'abord) à Sostrata pendant que se déroule la fin de la scène précédente. Donat signale (en grec) que c'est invraisemblable. Alors pourquoi a-t-il cette idée ? Peut-être pour éviter une scène vide : Hégion quitte avec Géta la scène pour entrer chez Sostrata, le temps pour Déméa de faire un court monologue. Puis Déméa quitte la scène (alors vide). Puis Hégion revient, pour une minuscule réplique qui clôture l'acte III. Donc s'il est resté en avant-scène ("contre le vraisemblable"), il permet de faire une liaison de scène entre III, 4 et III, 5 (scène qui n'existe pas dans tous les exemplaires, selon le commentaire inaugural de cette scène) et évite au plateau de rester vacant un tout petit peu trop tôt.569. Apparemment Donat voit dans "sis" la formule de politesse (équivalant à notre "s'il te plaît") qui adoucit le caractère trop impérieux d'un ordre. De fait, il fait un rapprochement avec la formule "si eis uideatur", dans laquelle on a une proposition hypothétique. Or "sis" est l'abrégé de "si uis", "si tu veux". C'est donc ce mot que Donat analyse ici. Mais on peut aussi plutôt voir dans ce "sis" la forme de subjonctif de "sum" et comprendre "fais en sorte d'être ("fac sis", avec un subjonctif de parataxe) de bonne composition". C'est bien, en tout cas, la structure qu'on trouve juste en dessous : "istam fac consolere" avec subjonctif paratactique. Est-ce parce que Donat s'attend à trouver chez Térence plutôt la forme "sies" pour le subjonctif qu'il analyse de cette façon un peu acrobatique la forme "sis" ? Peut-être, si l'on en juge selon son commentaire de 934, 3 : voir notre note ad loc.570. Le mot "consolere", à moins qu'il ne s'agisse de comprendre "comme la voix même d'Hégion est triste", selon le sens qu'on donne au mot "uox" ("voix" ou "mot").571. Au vers 401, dans la scène 3 de l'Acte III.572. Donat veut dire que si Térence avait mis "triduum" à l'accusatif de durée, cela signifierait d'emblée "pendant ces trois jours pleins" ; avec l'expression "hoc triduo" à l'ablatif, le sens est plutôt "dans l'intervalle de ces trois jours", et il faut ajouter "perpetuo" (en continu) pour que cela devienne une pleine et entière expression de la durée sans interruption.573. Le commentaire et le lemme commenté n° 2 ne sont pas en phase, ce qui explique que Wessner ait posé des cruces autour du lemme, comme il le fait systématiquement dans ce cas-là. Nous les supprimons, car le texte édité (qui est celui de Térence) ne pose aucun problème. Il est clair, en revanche, que Donat continue de commenter la réplique de Syrus qui est l'objet du commentaire du lemme 1 : le jeune homme a souhaité que son père se fatigue au point de ne pas bouger de son lit pendant trois jours, à quoi Syrus renchérit en disant "et mieux encore si possible", ce qui peut s'interpréter de deux façons : "qu'il reste alité encore davantage" (et c'est sur la foi de cette interprétation que Ctésiphon répond "oui"), ou "qu'il crève !", ce que Ctésiphon, par souci de convenance, ne comprend pas.574. Il s'agit là du seul fragment conservé de cette comédie de Naevius. Donat le cite comme exemple de jeune homme de comédie qui reste en dehors de la convenance en souhaitant la mort de ses parents.575. Il est en effet fait référence au type de comédie, ici le "senex", vieillard généralement débile, au sens physique du terme, par opposition avec le "seruus currens". Donat dira en 541 que le senex est bien faible physiquement, ce qui motive une invention dramaturgique de Térence pour sauver la vraisemblance.576. Le pléonasme est dans la jonction de l'adverbe négatif "numquam" et du pronom positif "quicquam" (qui n'enlève rien à la polarité négative de l'énoncé). C'est le même genre d'effet qu'on a en français dans un tour comme "il n'a rien fait du tout" dans lequel "du tout" ne semble avoir aucune autre fonction que d'appuyer l'assertion négative.577. Pas plus qu'il n'interprétait plus haut le double sens à propos de la mort souhaitée de son père. Donat, après avoir invoqué la convenance (il serait inconvenant qu'un jeune homme souhaite la mort de son père), invoque ici la typologie des caractères : inculte et tenu à l'écart de la ville, Ctésiphon se conforme à son rôle en n'interprétant pas les doubles sens. 578. Comme plus haut, lemme et texte commenté ne sont pas en phase. Nous éliminons les cruces de Wessner. Le commentaire ici porte en réalité sur la réponse de Syrus en fin de vers "potest", sur laquelle on peut développer l'ellipse "<fieri ut> ueniat in mentem" (si, ça peut venir à l'esprit).579. On croit avoir là un argument d'un de ces pères jésuites que fait parler Pascal dans les Provinciales !580. Cf. Cic. Fat. 1 ; Quint. III, 8, 25.581. Il n'y a pas en soi de contradiction entre les lemmes 1 et 3. Donat, cherchant comme d'habitude à attribuer les répliques de la façon la plus plausible, finit par dire que les mots semblent plus adaptés au caractère de Ctésiphon, mais que, en même temps, il serait plus drôle que ce soit Syrus qui les dise. On ne sait pas comment il a tranché en définitive dans ce débat.582. Sous cette tautologie apparente, Donat signale que le verbe "calleo" est ici utilisé en emploi transitif, ce qui fait de lui un verbe de connaissance.583. Il existe deux verbes de même sens, "ferueo" (infinitif "feruēre") de la deuxième conjugaison, et "feruo" (infinitif "feruĕre") de la troisième conjugaison. Ce dernier est archaïque. En revanche, Donat ne signale pas s'il analyse la forme "feruit" comme un indicatif présent ou comme un indicatif parfait. Nous l'avons traduite (dans la version française de la comédie) comme un parfait.584. C'est un lemme très long par rapport aux usages de Donat. Il consiste en une notule sur le sens et l'origine du proverbe "lupus in fabula". Le caractère proverbial est assez net : cf. Otto 1962 ; Cicéron l'évoque dans une lettre à Atticus (Att. 13, 33 a : "de Varrone loquebamur ; lupus in fabula. Venit enim ad me", "nous étions étions en train de parler de Varron ; le loup de la fable : le voici qui vient vers moi"), ainsi que Servius dans le commentaire qu'il donne au vers de la neuvième Bucolique que cite Donat dans ce lemme (Serv. ad Buc. 9, 54 : "unde etiam prouerbium hoc natum est lupus in fabula quotiens superuenit ille de quo loquimur", "d'où vient le proverbe 'lupus in fabula', dès que survient celui dont nous parlons) ou le grammairien Pompée (GL 5, 311, 31 "de nescioquo loquebaris, et subito uenit is, dicis tu lupus in fabula", "tu étais en train de parler de n'importe qui et le voilà qui vient : toi tu dis 'lupus in fabula'"), sans parler de Donat lui-même dans son grand traité de grammaire (GL 4, 402, 11) ; bien sûr on pourrait penser que dans tous ces cas il s'agit au fond d'une citation du vers des Adelphes et que l'expression pourrait n'être devenue proverbiale qu'à partir de Térence, mais en fait on la trouve aussi chez Plaute (Stich. 577) avec la variante "lupus in sermone" ; dans cette pièce aussi il est question de l'arrivée fortuite de celui dont on parle précisément. Mêmes circonstances et variation d'expression : on est bien dans le domaine du proverbe. Mais il semble qu'on puisse hésiter sur la valeur contextuelle de ce tour. Chez Térence, Plaute, Cicéron, il y est à chaque fois question de l'irruption de la personne dont on parle, irruption qui n'est pas nécessairement une menace, comme on le voit chez Cicéron. On est alors dans le registre de "Tiiens, quand on parle du loup...". Mais Donat explique que cela revient à dire "Tais-toi !", comme si l'arrivée inopinée de telle personne représentait nécessairement une menace. De fait pour les Romains, l'apparition d'un loup dans l'enceinte d'une ville était un prodige qu'il fallait expier selon une procédure complexe. Voir Trinquier (2004).585. Williams (1970) et Jocelyn (1971) s'accordent à conserver le texte "Capua" (voir la note apposée au texte latin) et à le justifier, même s'ils divergent un peu dans leur interprétation. Williams, s'inspirant de pratiques de comptines anglaises connectées à l'actualité (baby baby naughty baby / hush, you squalling thing, I say. / Peace this moment, peace, or maybe / Bonaparte will pass this way (Williams (1970, p. 65)), suppose que ce loup venant de Capoue serait né de la figure repoussoir d'Hannibal. Jocelyn quant à lui suppose qu'il s'agit d'un loup-garou, Pétrone attestant qu'on peut à Capoue se transformer aisément en loup-garou (Sat. 62). Peut-être faut-il voir dans le loup de Capoue une allusion à Spartacus, Crixus et Oenomaus, tous trois originaires du "ludus" de Capoue et qui ravagèrent comme on le sait la péninsule italienne pendant de longs mois en 73 avant J.C. Dans cette dernière hypothèse, la lexie "le loup de Capoue" serait devenue proverbiale après l'époque de Térence et Donat ferait un anachronisme en expliquant le tour de Térence par cette lexie populaire.586. C'est à l'origine du proverbe que s'intéresse dans la fin de ce lemme copieux le commentateur. Il semble qu'il en voie trois possibles, toutes en relation avec un sens de "fabula". 1. D'abord, il rappelle une croyance populaire folklorique paysanne ("fabula") : les gens croient que voir un loup ou être vu par un loup fait perdre la parole. Pline (8, 80) relaie cette légende : "Sed in Italia quoque creditur luporum uisus esse noxius uocemque homini, quem priores contemplentur, adimere ad praesens" (mais en Italie aussi on croit que voir un loup est dangereux et qu'un homme que les loups ont vu en premier se voit ôter immédiatement la voix) ; Isidore de Séville (Et. 12, 2, 24) la colporte aussi : "rustici aiunt uocem hominem perdere, si eum lupus prior uiderit" (les paysans disent qu'un homme perd la voix si un loup l'a aperçu en premier ; texte identique chez le grammairien Julien de Tolède citant un exemple de paroemia "proverbe"). Et il existe des traces grecques de cette croyance : cf. Platon Rep. 1, 336 d. A l'appui de cette origine paysanne et folklorique, Donat cite Théocrite et Virgile. Le proverbe signifie donc originellement "le loup dans la croyance populaire". 2. Ensuite, il évoque des histoires de bonnes femmes ("in nutricum fabulis"), qui racontent aux petits enfants des récits terrifiants sur le loup, sans doute pour qu'ils restent prudemment dans leur lit. Le proverbe veut alors dire au départ "le loup dans les histoires de bonnes femmes". 3. Enfin, une troisième origine possible (que Donat réfute comme mensongère) est liée au sens littéraire de "fabula", pièce de théâtre. Un loup serait entré sur scène, sans doute au moment où l'on parlait de lui, pendant la représentation d'un drame historique ("fabula praetexta") de Naevius intitulée, selon les sources, soit Romulus, soit Lupus (Le Loup), soit Alimonium Remi et Romuli (littéralement "la nourriture de Rémus et Romulus", allusion à leur petite enfance nourrie au lait de la louve). Le proverbe signifierait alors "le loup dans la pièce de Naevius". 587. C'est la citation récurrente pour illustrer ce sens affirmatif de "ne".588. Le latin, notamment archaïque, utilise de façon figée des substantifs au génitif partitif pour accompagner des adverbes de lieu : "ubi terrarum" (où parmi les terres ?), "nusquam gentium" (nulle part parmi les nations), etc. Cf. le français "nulle part au monde". La suppression du mot au génitif n'entache en rien le caractère grammatical de la phrase, et c'est ce que commente ici Donat. 589. Le commentaire porte sur la vraisemblance. Un personnage de jeune homme, comme le fait Phédria dans L'Eunuque quand sa maîtresse tente de l'éloigner trois jours de la ville, peut faire l'aller-retour maison de ville-maison de campagne au pas de course sans rompre la conformité avec son personnage. Mais avec un vieillard, la situation serait soit invraisemblable, soit si pathétique qu'elle friserait le tragique. D'où la rencontre que Déméa fait d'un de ses ouvriers à peine sorti de scène et qui lui évite de rentrer jusqu'à son domaine. Il reste donc disponible pour le reste de l'action et se cantonne dans les limites physiques qui sont celles de son personnage. Donat fait apprécier l'extrême attention au détail de Térence, mais fait en même temps admirer la sienne.590. Autrement dit : "a uilla" est-il un complément d'origine développant un verbe de mouvement qui resterait implicite, ou est-ce une variante de "de uilla" en fonction de partitif ?591. Implicitement "nisi me credo".592. Implicitement "nisi quia me credo". Il n'est pas sûr que l'expression rectifiée soit meilleure que l'originale, dont on ne voit pas exactement ce qu'elle a d'inédit.593. Comprendre que "huic rei" (ou sa reformulation "ad hanc rem") est en emploi cataphorique pour annoncer le complément qui suit : "que je suis né pour cela, à savoir subir des avanies".594. Procédé qui consiste à répéter une structure en tête de segment. Déjà noté en 496 et 33, 6. C'est Estienne (1529) qui propose de voir sous la lacune unanime des mss. le mot grec ἐπαναφορά. Il est donc en quelque sorte l'auteur de la scholie 546, 1.595. "Obnuntio" est donc analysé comme un composé dont le premier membre est le substantif "omen" (présage) et non un préverbé en "ob-", ce qui est bien surprenant (surtout eu égard à l'opposition qui est faite d'abord avec l'autre préverbé "ad-nuntio"). Il semble, à la lecture du TLL, confirmée par Maltby (1991), que Donat soit le seul à imaginer cette étymologie.596. Sur cette typologie, voir la note à 2, 4 et à 319, 1.597. Les deux mêmes citations sont utilisées aux mêmes fins au commentaire au vers 319, 1.598. Il ne s'agit pas d'une remarque morphologique. "Taces" et "respondes" ne sont pas des formes archaïques d'impératif. Donat fait une remarque stylistique : les Anciens utilisaient un tour interrogatif à l'indicatif en lui donnant pragmatiquement la valeur d'un ordre. Cf. en français un tour comme "Vas-tu te taire ?".599. C'est-à-dire que Térence insiste davantage sur le déplacement vers la cachette que sur le résultat de l'opération. Mais on ne voit pas trop ce que cela a d'"élégant".600. Ce prétendu sens propre n'est pas connu. Le mot "gannitus" désigne le jappement du chiot ou le grognement de plusieurs animaux. Pour les plaintes humaines, il n'est que métaphorique.601. Cf. la remarque faite au vers 544.602. Ces trois premiers lemmes forment un tout. La question est sur le sens de "usque occidit" : si "occidit" veut dire "tuer" (procès qui ne souffre pas de degré), alors c'est que "usque" veut dire "presque" : "il a failli me tuer", "pour un peu il me tuait". Mais peut-être faut-il comprendre "occidit" avec son sens archaïque de "frapper", auquel cas "usque" est un intensif : "il m'a beaucoup frappé". La troisième solution envisagée implicitement relève de l'idiotisme comique, du tic de langage (lemme 3) : "usque" et "occidit" ont leur sens moderne, et la phrase est absurde : "il a été jusqu'à me tuer" : comment peut-on dire cela après avoir été roué de coups à mort ? Est-ce donc un mort qui parle ? C'est ce que signifie le lemme 3.603. Il existe en effet deux formes homographes, distinguées par la seule quantité du i central : 1. "dis-cīdit", parfait de "discīdo" (composé de "caedo", "couper"), lequel verbe semble ne pas avoir de parfait en réalité : c'est l'option d'Asper ; 2. "di-scĭdit", parfait de "discindo", composé de "scindo", "déchirer". Dans ce débat où, une fois n'est pas coutume, Donat prend parti de façon personnelle, on peut donner raison à Asper, metri causa : c'est ce que propose Marouzeau dans son commentaire métrique du vers 559 à la p.  186 de son édition du théâtre de Térence, C.U.F., tome 3.604. Comprendre que, en soi et pour soi, le fait pour un maître de fouetter son esclave est de l'ordre du normal ; pour rendre cette situation pathétique, il faut ajouter des éléments, par exemple celui du grand âge de l'esclave. Cf. aussi le commentaire au vers 566, 2.605. Cf. 562, 2.606. Donat signale le caractère perlocutoire de la question de Déméa qui, en demandant si son frère est là de façon ouverte (particule neutre "-ne") ne veut en réalité entendre que la réponse "oui" (ce qui ressortit à la particule "nonne" normalement). Malgré cela, l'esclave répond "non", ce qui est la stricte vérité, mais n'est pas conforme à ce qu'espère Déméa.607. Donat feint d'être gêné par la présence de deux adverbes de temps qui semblent se contredire : un événement peut-il se produire à la fois jamais et aujourd'hui ? Deux solutions à ce problème : le second adverbe est inutile ; ou bien il n'y a pas d'incompatibilité, car l'un est générique et l'autre spécifique : "jamais" a un sens absolu qui peut être relativisé par la mention d'un adverbe plus précis ; le tour signifie alors (comme le montre la glose que fait le commentateur) "jamais, du moins dans le cadre de cette journée-ci". Quant au vers de Virgile, déjà cité deux fois dans les pages qui précèdent, et deux fois dans le commentaire à L'Andrienne, il donnait lieu à deux autres explications. En 157, il disait que "numquam" valait "non" (de même en And. 410, 2, avec une valeur renforcée, dit-il) ; en 215, 2, il disait que "hodie" n'était pas un adverbe de temps mais une marque de colère (même explication aussi en And. 196, 1). S'il n'y a pas une cohérence extrême en l'espèce, on peut tout de même signaler que la présence de "numquam", de "hodie" ou de "numquam hodie" appelle chez lui le vers de Virgile à la vitesse du réflexe.608. Commentaire didascalique ; le "baculum" est donc un accessoire du vieillard de comédie.609. L'aparté proposé porte sur "hac te praecipitato" : "quand tu y seras arrivé, il y a en face un chemin. (bas) Jette-toi dans ce précipice". Ce peut être un aparté avec ce sens de "praecipitato", qui s'apparente à un souhait de mort, mais ce peut être également un véritable itinéraire : "il y a une descente, tu la prends tout droit".610. Sur le texte proposé, voir la note apposée au texte latin. Ces deux lectures ne sont évidemment pas de même niveau. "Clauus" n'a aucun sens (à moins de supposer que le vieux doit se jeter tête la première contre un clou !), et "cliuus" est la seule lecture possible. D'ailleurs c'est la seule que Donat commente.611. Le texte de Wessner (qui figure sous la forme "τῶν πρός τι προσῆκον" lue dans un manuscrit, les autres laissant là une lacune) peut à la rigueur signifier que l'expression "participe des noms relatifs" (πρός τι). Or ce n'est pas le cas : on est en réalité dans la catégorie des quasi-relatifs (πρός τί πως ἔχοντα). Il faut donc rétablir une leçon plus conforme aux attentes pour l'expression grecque. Donat évoque ici (avec la paire canonique "gauche" vs "droit") la catégorie des noms quasi-relatifs, qui s'appellent l'un l'autre dans une relation binaire et complémentaire. Or les grammairiens la connaissent sous la forme τῶν πρός τί πως ἔχοντα : cf. Probus [Palladius], GL 4, 119, 37 : "sunt nomina, quae Graeci τῶν πρός τί πως ἔχοντα appellant, id est ad aliquid quodam modo habentia, ut puta dexterior superior inferior. iunguntur enim quibus respondeant, ut puta dexterior oculus, superior dens, inferior uestis" (il y a aussi les noms que les Grecs appellent τῶν πρός τί πως ἔχοντα, c'est-à-dire qui se comportent d'une certaine façon à l'égard de quelque chose, comme par exemple "à droite", "supérieur", "inférieur". Car ils se joignent aux éléments auxquels ils répondent, comme par exemple "œil droit", "dent du dessus", "vêtement de dessous") ; avec des formulations très comparables, on a aussi : Char., GL 1, 156, 8 : "sunt his similia quae Graeci dicunt τῶν πρός τί πως ἔχοντα, id est ad aliquid quodam modo se habentia, ut dexterior sinisterior" ; Diom., GL 1, 322, 29 : "et similia τῶν πρός τί πως ἔχοντα, id est ad aliquid quodam modo adtendentia uel taliter qualiter se habentia, ut dexter sinister". ; ars Bobiensis, dans GL 1, 536, 9. Dosithée (GL 7, 390, 1), qui a la particularité d'offrir un traité grammatical bilingue, donne ici deux variantes terminologiques : en latin, il utilise la même formule grecque que tous les autres : "sunt his similia quae Graeci dicunt τῶν πρός τί πως ἔχοντα, id est ad aliquid quodam modo adtendentia, ut dexterior sinisterior" ; mais en grec il dit bizarrement "τῶν πρός τί προσέχοντα". Il résulte de ces comparaisons que le texte grec de Donat devait avoir la forme canonique τῶν πρός τί πως ἔχοντα, que nous rétablissons ici.612. Nous ne savons pas à quel texte de Varron Donat fait allusion, mais cette même étymologie est prêtée à Trebatius dans les Nuits attiques d'Aulu-Gelle (7, 12, 4-6) : "sicut hercle C. quoque Trebatio eadem concinnitas obrepsit. Nam in libro de religionibus secundo : 'sacellum' est inquit locus paruus deo sacratus cum ara. Deinde addit uerba haec : 'Sacellum' ex duobus uerbis arbitror compositum 'sacri' et 'cellae', quasi 'sacra cella'. Hoc quidem scripsit Trebatius ; set quis ignorat 'sacellum' et simplex uerbum esse et non ex 'sacro' et 'cella' copulatum, sed ex 'sacro' deminutum ?" (De même, la même régularité a surpris C. Trebatius. En effet, dans le second livre de son traité Sur les religions, il écrit : "ce qu'on appelle 'sacellum' est un petit lieu consacré à un dieu avec un autel". Puis il ajoute ces mots : "sacellum est, je crois, composé des deux mots 'sacer' et 'cella', comme si c'était 'sacra cella'". Voici certes ce qu'écrit Trebatius. Mais qui ignore que "sacellum" est un mot simple, qu'il n'est pas composé de "sacer" et de "cella" mais est un diminutif de "sacer" ?). On remarque que Donat évoque seulement le début du passage d'Aulu-Gelle et ne réfute pas cette étymologie qui est pourtant impossible.613. Hom. Il. 6, 433 : λαὸν δὲ στῆσον παρ᾽ ἐρινεόν... (arrête l'armée devant le figuier sauvage...).614. Verbe qui implique sémantiquement un sème d'effort.615. Deux étymologies sont proposées pour le mot "angiportum" (et concurremment pour sa variante plus fréquente "angiportus"). 1. soit le morphème "angi-" désigne le serpent ("anguis", ici écrit "angi-" selon une variante graphique qu'illustre le couple "Anguitia/Angitia"), ce qui implique le sème 'sinueux' ("curua") ; 2. soit il exprime le sème 'étroit' comme les lexèmes apparentés "angor", "ango", "angustus". Quant au second élément, "portus", il signifie fondamentalement "passage", notamment "voie, rue". Mais il signifie aussi "maison", comme le précise Donat : de fait Festus voit ce sens dans la Loi des XII Tables, II, 3 (Fest. 262, 19 : "portum in XII pro domo positum omnes fere consentiunt", "tous s'accordent à dire que le mot 'portus' dans les XII Tables est mis pour 'domus', 'maison'"). Le rapprochement avec "insula", qui est le nom de l'îlot de quartier, voire de l'immeuble, par lequel Donat semble voir une même métaphore marine, est fortuit : si "insula" est bien une métaphore, portus "passage" a, lui, son sens standard.616. Le tour "censen me hominem esse ? Erraui" peut se comprendre autrement, en référence au proverbe "errare humanum est" dont on a des traces assez anciennes, par ex. Cicéron Phil. 12, 5 : "cuiusuis hominis est errare, nullius nisi insipientis in errore perseuerare" (c'est le propre de n'importe quel humain de se tromper, mais seulement d'un imbécile de persévérer dans l'erreur), et qu'on peut supposer hérité de la sagesse populaire romaine de toute époque. Ce que Syrus veut peut-être dire est alors : "Je suis bien un homme, à ton avis ? Eh bien, je me suis trompé".617. L'adverbe "sane" a le même sens intensif que "ualde" comme, analogiquement, les adjectifs correspondants "sanus" et "ualidus", sont synonymes.618. Differentia entre les deux substantifs dérivés de "errare". Cette differentia souligne la valeur des suffixes servant à former "erratio" et "error" : le suffixe "-tio" sert à dénoter une action concrète, ici, le fait d'errer. Cependant, malgré la réalisation des deux formations, "erratio" est très peu employé et "error" désigne en réalité aussi bien le fait d'errer physiquement que celui d'errer mentalement.619. Donat s'intéresse souvent à l'onomastique comique. Notons ici la phraséologie typique de l'étymologie à partir du grec avec "créolisation" du propos et reprise du segment grec en latin par l'intermédiaire d'un "id est", selon le schéma "Y ἀπὸ τοῦ Y id est ab X", ce qui semble par transitivité créer un lien étymologique absurde entre Y et X, qui n'appartiennent pas au même idiome. C'est néanmoins une formulation habituelle chez les lexicographes.620. Isidore de Séville (Et. 15, 2, 22) voit lui aussi un rapprochement entre "porta" et le verbe "portare", mais simplement dans la mesure où la porte est ce qui permet d'importer ou d'exporter quelque chose ("importari", "exportari"). Pour Donat (qui ne fait pas le rapprochement avec "portus", "passage" dont il a parlé il y a peu, en 578), la porte est donc l'endroit où le fondateur de la ville nouvelle "porte" la charrue pour interrompre le sillon laissé par le soc.621. Voir Varr. RR, 1, 13, 3.622. Donat veut donc dire que le mot "pistrilla" est un diminutif de "pistrina" et non pas de "pistrinum", à cause du genre des deux mots considérés, même s'il existe des contre-exemples de couples dans lesquels mot simple et diminutif n'ont pas le même genre. Parmi les couples cités, très récurrents chez les grammairiens, tant sur la question du genre que sur celle des diminutifs, le dernier est moins convaincant, car "canis" est aussi bien masculin que féminin (il participe du "genre épicène" des grammairiens, susceptible de variation de genre "hic canis" vs "haec canis"), en sorte que le diminutif féminin n'a rien de surprenant. En outre, le mot diminutif a souvent un sens métaphorique par rapport au simple : "ranunculus" désigne aussi (ou surtout) la renoncule, "scutella" désigne un plat et non un élément de l'armure, "canicula" désigne un poisson ou la chenille, etc. Du coup, le genre du mot suffixé peut être influencé par un terme hyperonymique du même champ sémantique : "scutella", féminin comme "patina" (plat), etc.623. Les répliques n'étant pas formellement attribuées dans tous les exemplaires, il en résulte parfois de l'ambiguïté. Donat règle presque toujours la question à son avantage. Mais sans doute pas dans le cas présent. Syntaxiquement, on peut considérer que la proposition "ubi potetis uos" est dans la suite de la réplique de Syrus et dite par lui (à condition de ne pas lui donner le ton interrogatif) : "...des chaises longues pour que vous vous y soûliez". Mais dans ce cas, on ne comprend pas qui représente "vous". En tout cas, cela implique par définition son interlocuteur Déméa. Or on imagine mal que Micion ait commandé des meubles de jardin pour recevoir son rustaud de frère et y boire avec lui de concert, étant donné ce que nous savons de leurs rapports. Donc la réplique est bien prononcée par Déméa, et "vous" désigne Syrus, Micion, Eschine et toute cette bande de désœuvrés.624. Donc soit "i sane" (dans cette hypothèse, l'adverbe est apparemment superflu), soit "sane te exercebo...", "je vais diablement te faire faire de l'exercice...".625. Très joli réseau d'étymologies contextuelles. D'abord Donat explique le sens premier de "silicernium", qui est le nom d'un repas funèbre. Le sème qui s'impose est donc celui du 'silence', alors que le second lexème "-cernium" fait irrésistiblement penser à "cernere", donc au sème 'regarder'. D'où plusieurs interprétations par rétromotivation ; mais il faut aussi expliquer le sens contextuel présent chez Térence : Syrus utilise le terme en fonction d'insulte (selon un procédé qu'on trouve avec des mots concrets comme "crux", potence, ou "carcer", prison, insultes occasionnelles), comme on pourrait traiter un vieillard de "pierre tombale". Et au lieu d'expliquer le procédé métaphorique, Donat invente deux autres étymologies pour expliquer ce sens : une correcte selon lui (il est "regardé" par les ombres "silencieuses"), une fantaisiste selon lui, et qui est fort intéressante, car elle procède de l'idée que ce qui est une étymologie pour le grec est analogiquement présentable pour le latin : le nom (standard) du vieillard en grec fait penser à une locution qui signifie "regarder la terre" ; donc le latin "silicernium" a lui aussi ce sens, et cette fois c'est "silex" qui remplace le sème 'silence'. Il n'y a plus qu'à expliquer le rapport entre l'interprétation et la réalité, lequel relève de la rétromotivation : il regarde par terre parce qu'il est courbé, ou (d'après la seconde main, très en verve en l'occurrence) parce qu'il guette les cailloux du chemin, voire sa future pierre tombale...626. La citation était donnée plus haut, en 175, 4, pour illustrer un emploi comparable de "iam". Mais le texte donné était légèrement différent ("parens" au lieu de "precor").627. Virg. Geo. 3, 305. On lit habituellement "dum gramina canent" (tant que le gazon est blanc).628. Variation sur le texte de ce passage, que Donat commente à sa place avec la forme "quem egomet produxi".629. Pour nous "tantopere" est indéniablement un adverbe ; la remarque apparemment tautologique de Donat s'explique par le fait qu'il garde le sentiment de l'origine nominale de la forme, qui vient de l'ablatif "tanto opere".630. Il faut donc comprendre que, ici, "peccatum" est un substantif, sujet du verbe "ortum est" (une faute est née <de notre part>), et qu'il n'est pas partie intégrante d'un passif impersonnel "peccatum est <a nobis>" (il a été commis une faute de notre part). Sinon, si les deux formes "ortum" et "peccatum" étaient des participes, il faudrait les coordonner.631. Le bloc des deux lemmes participe du même commentaire. C'est une question de ponctuation et d'interprétation. On peut comprendre soit "si quam fecere, ipsi expostulant" (quans ils ont commis quelque tort, ils réclament eux-mêmes), soit "si, quam fecere ipsi, expostulant" (s'ils réclament contre l'injustice qu'ils ont eux-mêmes commise). Dans le premier cas, "quam" est un pronom indéfini, représentant "iniuriam", et forme un bloc avec la conjonction "si" : c'est ce que Donat veut dire en parlant d'une seule partie du discours (de fait, cela peut s'écrire "siquam" en un seul mot, à cause du caractère enclitique de l'indéfini) ; dans le second cas, "quam" est un pronom relatif. On a le sentiment que la pause requise au lemme 1 avant le segment "ipsi expostulant" plaide plutôt pour la première interprétation.632. L'explicitation n'était sans doute pas nécessaire.633. Micion ne connaît pas Sostrata, la "belle-mère" de son fils. Il ne serait donc pas convenable qu'il aille la rencontrer de lui-même. La proposition d'Hégion de l'accompagner pour faire les présentations est donc de l'ordre de la convenance.634. La remarque semble forcée. Cela serait plus rassurant pour une femme, par nature inquiète et méfiante, d'avoir l'information de la bouche même du père du jeune homme. Mais peut-être faut-il comprendre que Donat interpète ici "tute" non pas comme le pronom personnel sujet de deuxième personne "tūtě" (dont il a déjà dit quelque chose en commentant le vers 290, 2) mais comme l'adverbe "tūtē" (de façon rassurante), dérivé de "tūtus" (en sécurité) : dans ce cas, le vers de Térence se comprend "et que tu dises à la femme la même chose qu'à moi, de façon rassurante", et ce serait de l'emploi de l'adverbe qu'il parle ici. Les deux solutions ("tūtě" vs" tūtē") sont envisageables métriquement.635. La tradition manuscrite de Térence ne fait pas état de cette lacune, qui doit sans doute concerner l'assaut de politesses inutiles des vers 602 et 603. Les exemplaires que lit Donat, avec cette lacune possible, avaient sans doute fait un saut du même au même, en embrayant directement après le "bene facis" du vers 603, au lieu d'embrayer sur le "bene facis" du vers 601.636. Autrement dit, il ne veut pas brûler les étapes : tant que Micion n'a pas entériné le mariage d'Eschine, il est prématuré d'évoquer des liens de famille.637. Une fois n'est pas coutume, le commentaire critique verse plutôt du côté du blâme que de l'éloge. La maxime d'Hégion à l'égard des pauvres est de mauvais aloi. Donat aurait pu, au contraire, la justifier comme une habileté d'Hégion, cherchant une connivence avec le riche Micion.638. Bonne question. On peut en effet comprendre "que tu te justifies toi-même auprès d'elle" ou "que tu le justifies auprès d'elle".639. Les lemmes 2- 4 parlent de l'opposition implicite entre les deux adverbes "coram" et "palam" : "coram" est indifférent au nombre ; en outre, et surtout, il est prépositionnel, au contraire de "palam" qui est un adverbe. Il faut donc préciser le régime de "coram" ("certas personas"), indispensable, alors que "palam" n'a pas besoin de cette spécification, ce qui fait de lui un terme général. Mais justement, ici, "coram" na pas de régime dans le vers de Téérence. Le lemme 2 s'interprète donc comme le complément qui manque. En même temps, Donat fait de la morpho-syntaxe en signalant que le régime de cette pseudo-préposition peut aussi bien être un singulier qu'un pluriel mais aussi que le cas peut être l'accusatif ("praesentem") ou l'ablatif ("praesentibus").640. "Recte" renvoie donc à la correction grammaticale, non à la véridicité de l'énoncé. Les deux critères ne sont pas solidaires.641. Cf. Cic. Off. I, 31.642. En fait le personnage du père n'apparaît que dans la scène suivante. Donat présente comme un tout organique ("hoc loco") le solo d'Eschine (scène 4 de l'Acte IV) et le duo père-fils qui est, pour nous, la scène 5 de l'Acte IV. Comme le monologue d'Eschine est plutôt long et en mètres variés (scène chantée), il est peu probable que Donat la croie effectivement partie prenante de la même scène que le duo père-fils qui suit, long également et en sénaires iambiques. Peut-être est-ce là l'indice qu'il groupait toute cette séquence pour une même séance de cours.643. C'est-à-dire qu'on met un cas pour un autre (anti-ptose). Comme nous le fait remarquer Daniel Hadas, il ne s'agit certainement pas, comme nous le pensions, d'un génitif d'exclamation (cf. G. Serbat, L'emploi des cas en latin, BEC, Peeters, Louvain, 1996, p. 367), tournure très rare, et qui ne se construit pas avec un verbe, mais nous avons bien ici, et dans l'exemple de Virgile, le génitif à emploi locatif. Cet usage est bien attesté avec “animi”. Cf. Kühner-Stegmann, II.1, p. 446-47.644. Le "tantum" du vers précédent laisse croire que "ut" a une valeur consécutive, ce qui laisse attendre automatiquement un subjonctif. C'est d'ailleurs le mode qu'on trouve dans la tradition manuscrite térentienne. Mais comme Donat lit un indicatif, il en fait une notule : si ce n'est pas un "ut" consécutif, c'est peut-être que c'est un "ut" exclamatif, sans corrélation avec le "tantum" qui précède.645. En désignant la maison de Sostrata, d'où est partie tout à l'heure Canthara la nourrice, au moyen du démonstratif de proximité "hinc", Eschine révèle qu'il est à distance zéro de ce point de départ. C'est donc comme une didascalie interne de décor et de déplacement que remarque ici Donat.646. Donat distingue donc l'emploi technique d'"exclamatio", qui désigne un type d'énoncé caractérisé par un ton et, facultativement, certains mots ("o", "quantum", etc.), de l'emploi ordinaire, qui en fait le dérivé d'un verbe dont la base implique le sème 'crier'. De fait, ce que crie Canthara ne relève pas de l'exclamation au sens technique du terme.647. C'est le subjonctif délibératif qui est ainsi commenté.648. Précisément, dans le vers 311 cité de L'Héautontimourouménos, le texte consensuel donne "adducimus". Mais la situation conviendrait bien avec "abducimus", puisqu'il s'agit effectivement de soustraire la courtisane à Clitiphon.649. Première hypothèse pour justifier la structure "ad me domum" (chez moi à la maison) au lieu de "ad domum meam" (à ma maison) : Eschine aime à parler de lui, comme les jeunes gens égoïstes de la comédie, conformément à ce qu'on attend de son caractère ("moraliter") : cf. aussi le commentaire à 692, 2  ; deuxième hypothèse : il dégage un pronom personnel de première personne, et non un simple possessif, pour continuer le parallélisme avec les deux propositions précédentes, qui mettaient en valeur "egomet" : dans ce cas, il s'agit d'un argument implicite supplémentaire pour accréditer l'idée qu'il a acquis la musicienne pour son plaisir personnel : il l'a enlevée ; il l'a payée ; il l'a soustraite chez lui ; dans sa maison <où on l'a vu se battre contre le proxénète>. Encore un élément à ajouter au faisceau de concordances qui se mue en preuve contre lui.650. Donat fait en réalité deux commentaires sur la forme étrange pour ses contemporains "utut". Dans le premier cas, il considère qu'il s'agit d'une conjonction temporelle renforcée, signifiant "exactement au moment où". Dans le deuxième cas, il prend "utut" pour un adverbe indéfini, comme il le faisait dans And. 684, 3. Dans ce cas, il explique que la même chose est dite deux fois : une fois par le mot "res" (une affaire) qui est selon lui défini, et une fois par "utut" (de quelque manière), qui est évidemment nettement moins défini. Contrairement au mot français "chose", le mot latin "res" est beaucoup moins indéfini que, par exemple, l'emploi du neutre. En Ad. 206, 1, Donat souligne que "res" indique ce qui est réel.651. Cf. ses remarques plus haut en 175, 4 et en 589, 1.652. Eschine dit qu'il doit d'abord aller voir ces dames pour se justifier ("me purgem") : c'est précisément ce que Micion est parti faire à la scène précédente (même structure verbale au vers 608 : "te ipsum purgare", avec une hésitation sur le sens, que commentait Donat). Mais peut-être peut-on comprendre tout autrement : "c'est la première chose à faire par rapport à ce qu'on doit attendre d'un père", puisque désormais Eschine est père.653. Cf. le commentaire à ce vers, Eun. 84, 1 et 2.654. Ce qui est en cause, donc, c'est la rupture de nombre entre l'impératif pluriel "aperite" et ce qui paraît être son sujet, le pronom singulier "aliquis". La même rupture est possible en français : "ouvrez, quelqu'un".655. Donat veut dire que Micion entre en scène en terminant une conversation qu'il a eue à l'intérieur de la maison de Sostrata.656. La forme se trouve en prose (Cicéron, Pline...). Mais quoi qu'en laisse entendre DOnat, elle ne se trouve pas en tragédie, apparemment.657. Donat cite ici imparfaitement les vers 52- 54 de cette même pièce, pour lesquels il citait et commentait un texte qui commence par l'adverbe "postremo", et non pas par "denique".658. L'expression "salua est res" s'interprète en effet assez spontanément : "mon patrimoine est sauvé". Or ce n'est pas d'argent qu'il s'agit (lequel, au contraire, a été d'ores et déjà en partie perdu en réparations de portes et de vêtements, lors de l'enlèvement de la musicienne, sans compter d'autres facéties d'Eschine qui sont évoquées ici et là). Le bien dont parle Micion par métaphore, c'est son fils.659. Cf. le commentaire au vers 49.660. Les vieillards de comédie ont la réputation de radoter et de tarder souvent à aller au but. "Seniliter" est donc, dans ce contexte technique, une sous-catégorie de "moraliter" (conformément au caractère), comme par exemple "amatorie" (d'une façon caractéristique pour un amoureux de comédie). Le comique Caecilius, dans un passage métathéâtral, caractérise les vieillards de comédie comme des sots ("comicos stultos senes", Ribbeck, p. 63). Mais le reproche de radotage sénile est un topos, y compris en dehors de l'univers comique : cf. Cic. CM 30, 55, 65.661. Du fait du caractère indéfini de ce pronom.662. "Pauperculae" est le diminutif de "pauperes" : on pourrait penser que c'est le degré de pauvreté qui est diminué et on serait alors moins pauvre en étant "pauvrette" qu'en étant "pauvre". Mais, comme nous le suggère Daniel Hadas, le sens de "nec saltem" ou de "non saltem" est "même pas". Donat veut dire que Sostrata et Pamphila sont rendues encore plus méprisables par l'utilisation du diminutif: ce ne sont même pas des "pauvres" mais des "petits pauvres". La remarque va donc dans le même sens que le reste du commentaire sur le vers 647.663. Il a d'abord dit "opinor" (je crois), avant de rectifier "certo scio" (je sais de façon certaine). "Opinor" était trop bas dans l'échelle argumentative, il est donc révisé à la hausse. Cette rectification est qualifiée d'épanorthose.664. Donat, ici et dans le lemme précédent, est gêné par la tournure "ut opinor non has nosse te et certo scio". Si l'infinitive dépend d'"opinor", la phrase ne fait pas sens à cause de "ut". Première solution, donc, "ut" est superflu et il faut le décompter de l'analyse. La phrase veut alors dire : "je crois que tu ne les connais pas, et j'en suis même sûr". Deuxième solution, "ut opinor" est en incise et l'infinitive s'appuie sur une ellipse, par exemple celle de "scilicet" dans son sens plein "on peut savoir, il est clair" ce qui donne : "à mon avis, <il est clair> que tu ne les connais pas, et j'en suis même sûr". En fait, on a l'impression que Térence a anticipé la fin de sa phrase et mis une infinitive dépendant de "scio" un peu trop tôt : "à mon avis, que tu ne les connaisses pas, j'en suis même certain". A moins que "ut" ne soit exclamatif, ce qui donnerait une phrase assez bizarre du type : "à quel point je crois que tu ne les connais pas (et j'en suis même sûr) !".665. Le raisonnement est le suivant : je sais qu'Eschine a fréquenté toutes les petites femmes faciles du coin ; or je fais semblant de croire qu'il ne connaît pas Pamphila ; donc Pamphila n'est pas une fille facile. Le jeune homme pourrait se satisfaire de cette conclusion. Du coup, pour l'empêcher même de pouvoir se targuer d'aimer une fille honorable (ce qui est le cas), Micion ajoute, pour expliquer qu'Eschine ne l'ait jamais rencontrée, qu'elle vient d'arriver en ville, en sorte qu'on ne peut rien conclure de la moralité de la jeune fille. Au contraire, même, étant donné la fâcheuse réputation a priori qu'ont les étrangères.666. Apparemment, Donat voit une nuance de degré entre "interrogantem" et "percontatorem", le premier plus marqué (du côté de l'interrogatoire), le second plus neutre (du côté du questionnaire). Cette nuance n'est guère sensible pour nous. Mais ce qu'il convient de remarquer, c'est que l'intervention "perge" d'Eschine n'est ni une interrogation ni une question (quelque nuance qu'il y ait entre les deux termes) : c'est une injonction.667. Le texte des vers 645- 646 ("me a foro abduxit modo huc aduocatum sibi") est cité très allusivement. C'est une paraphrase plutôt qu'une citation réelle.668. La syntaxe de Donat prête un peu à confusion ici. On peut supposer que le pronom "illi" renvoie à Micion ("pour éviter qu'il y ait un argument par lequel on puisse lui résister, il..."), mais en prose classique on s'attendrait plutôt à trouver le réfléchi indirect "sibi". Ou alors faut-il comprendre autre chose ? "...pour éviter qu'on puisse résister à cela..." ?669. Cette loi, dite des filles épiclères, existe bel et bien à Athènes. Elle est d'ailleurs utilisée comme subterfuge par Phormion dans la pièce de même nom : cf. Pho. 122 et suivants. Le titre du modèle grec utilisé par Térence, L'Epidicazoménos d'Apollodore de Caryste, est d'ailleurs un titre juridique signifiant "celui qui fait adjuger <une orpheline à son plus proche parent>" et montre combien cette loi est centrale dans l'intrigue de la pièce qui est devenue Phormion chez Térence.670. Donat note implicitement un jeu de mots. Le jeune homme a dit en aparté "je suis mort !" ; Micion fait semblant de ne pas comprendre et demande au jeune homme ce qu'il y a. La réplique d'Eschine peut alors se comprendre de deux façons : 1. phatique : "Rien. Tout va bien. Continue" (il est alors admis entre les deux personnages que l'aparté a été pris pour un toussotement ou quelque chose de non articulé) ; 2. métalinguistique : "Rien. Il est exact de dire 'je suis mort'. Continue" (il est alors admis que Micion a entendu et interprété l'aparté d'Eschine).671. L'aparté, selon Donat, doit donc être court, pour rester dans le vraisemblable.672. En fait un nom de ville au locatif. Le fonctionnement est adverbial (on peut le reprendre par un adverbe comme "ibi" par exemple), mais la morphologie est nominale. Mais pour Donat, le locatif étant résiduel et hors paradigme standard, il est systématiquement traité comme un adverbe de lieu.673. Donc vraiment loin d'Athènes. Cela dit, il ne peut s'agir de la ville d'Ionie, patrie de Thalès et célèbre pour sa pourpre, car cette ville se trouve près d'Halicarnasse, assez au sud sur la côte égéenne de Turquie, et pas du tout sur le Pont (c'est-à-dire la Mer Noire). Milet est le nom de plusieurs villes (une en Crète notamment) ; il s'agit donc d'une moins connue. A moins que Donat ne se soit trompé dans sa géographie ?674. Le problème que veut résoudre Donat, c'est que par la réponse “Nihil”, Micio semble indiquer que les femmes n'ont rien dit en réponse à la proposition de mariage. Mais ce ne peut ête le cas, puisque Micio va dire tout de suite que la mère s'y est opposée. Donat propose donc de comprendre que le “nihil” veut dire non pas “elles n'ont rien dit”, mais “elles n'ont rien dit de positif”. (Note et traduction du segment suggérées par Daniel Hadas).675. Ambigu. On peut comprendre "il ne dit pas encore ce qu'il faut dire" (avec subjonctif délibératif) ou "il ne dit pas encore quelle chose dit <vraiment> Sostrata ,<puisque c'est d'un mensonge qu'il parle maintenant>". Comme souvent on est gêné par les références implicites de troisième personne.676. L'expression embarrassée a gêné Wessner qui proposait des rajouts importants (voir note apposée au etxte latin). Donat reformule "commenta", mais au style indirect : "il dit 'commenta', c'est-à-dire <qu'il dit qu'>'elle a forgé' etc.", d'où l'infinitif "confinxisse" là où on attendrait un indicatif. Mais il a reformulé au même temps. La fin de la scholie est étrange. Certains mss. (VG) ont écrit "uerisimile comminisci" (leçon plausible), comme une seconde formulation indirecte : 1. "fallaciam confinxisse", 2. "uerisimile comminisci" (inventer une chose vraisemblable). Mais c'est plus qu'étrange, dans la mesure où, cette fois, la reformulation se fait au présent de l'infinitif et où, surtout, c'est une tautologie, puisque c'est le même verbe qui est reformulé. Nous pensons donc que Donat dit deux choses de façon ramassée : 1. il y a une reformulation mettant en équivalence sémantique l'énoncé direct "commenta <est>" et l'énoncé indirect "<eam> fallaciam confinxisse uerisimilem" ; 2. Donat signale que "commenta" est une forme de "comminisci", ce qui ne va peut-être pas de soi auprès de ses élèves. Nous préférons donc la leçon "uerisimilem" de KUM qui laisse "comminisci" tout seul, comme une sorte de scholie morphologique autonome.677. C'est-à-dire qu'il rapporte les paroles (supposées) de Sostrata comme il aurait pu les entendre de la bouche de son fils Eschine.678. Ce qui est commenté, c'est le présent "uidentur". Eschine ne demande pas si Micion a trouvé cela juste, en mettant "uidentur" au parfait, mais si, maintenant, il trouve ça juste. Donat fait remarquer qu'Eschine est sous le coup présent de cette fâcheuse nouvelle et que c'est de son indignation présente qu'il est surtout en train de parler.679. On suppose que Donat s'est trompé (ou la tradition manuscrite à un moment de la transmission), et que cet habitant de Lemnos est en fait l'habitant de Milet inventé par Micion pour faire peur à Eschine.680. Est en cause dans tout ce bloc l'interprétation de "postea" dans la réplique "nonne haec iusta tibi uidentur postea". Marouzeau sépare le bloc en deux : "nonne haec iusta tibi uidentur ? postea..." avec interruption de Micion au début d'une seconde phrase. Mais Donat suppose qu'il s'agit d'une seule phrase et tâche de compléter l'ellipse après "postea".681. Sur cet emploi pragmatique de "hodie", cf. le commentaire de Donat, dans cette même pièce, aux vers 175, 4 et 589, 1.682. L'expression se trouve notamment chez Plaute. Mais elle est également attestée à l'époque tardive, même si elle est rare. On la trouve sous la plume d'Augustin et dans la Vulgate. Elle est également attestée chez quelques lettrés, dont Cicéron (chez ce dernier, certes, seulement dans une lettre "Ad familiares"). Nous avons donc à la fois des attestations de cette expression qui montrent que les locuteurs l'employant avaient conscience de son caractère moins soutenu et des attestations dans un contexte moins léger que celui des comédies : Suétone, Varron, Valère Maxime. Le peu d'attestations de l'expression ne permet pas de trancher dans un sens ou dans l'autre.683. Il est difficile d'évaluer vraiment la distinction que fait ici Donat entre "uulgus" et "nos" : le peuple vs nous les lettrés ? En outre et surtout, on ne voit pas spécialement le rapport entre le "postea" commenté (et ses emplois prétendument superflus) et les deux autres locutions proposées. Le seul point commun entre ces exemples nous paraît être dans le fait qu'un adverbe ("mane", "diu") est accompagné d'un autre morphème, la préposition "ab" ou l'adverbe "quam". Faut-il comprendre que Donat analyse "post-eā" (avec un a long, ce qui le rend différent du syntagme "post eă", "après ces choses") comme l'adverbe "eā" précédé d'une préposition ? Dans ce cas, le rapport à "a mane" est trouvé. Mais pour "quam diu" ? Il est en tout cas intéressant de constater que Donat fait de la socio-linguistique, en opposant la langue du vulgaire à d'autres formes de latin, parmi lesquelles "la nôtre", pour laquelle il faut sans doute comprendre le latin de son époque (que nous appelons "tardif"). Il y fait une autre allusion plus loin, au lemme 949, 1.684. La remarque est morpho-sémantique. L'adjectif "durus" laisse attendre une formation adverbiale en "-e", "dure", qui existe aussi ; mais Térence utilise, contre la règle, une forme "duriter". Du coup, Donat y voit une intensité supplémentaire. En fait, les dramaturges anciens (Ennius, Statius, Térence, Afranius) n'emploient jamais "dure" mais toujours "duriter". Il pourrait ici dire que c'est un usage "apud ueteres" et non pas seulement térentien. Notons que dans la glose qu'il fait, il utilise l'expression "dura mente" qui préfigure les adverbes de manière des langues romanes.685. C'est bien huit syllabes en tout, y compris le préfixe (qui en fait un composé) et la conjonction "-que" enclitique. Mais ce bloc insécable de huit syllabes, sans césure possible, est en effet assez rare pour être souligné et Donat, bien qu'il ne fasse que assez peu de remarques prosodiques, ne pouvait manquer d'en dire quelque chose.686. La remarque est à la fois morphologique, dans la mesure où le comparatif analytique "magis aperte" du poète est corrigé en un comparatif synthétique "apertius", et sémantique : le comparatif "magis aperte" (<encore> plus franchement) est justifié par le fait que les deux premières appréciations d'Eschine étaient déjà bien franches.687. Donat évoque ici les sens sexuels des mots de la famille de "consuetudo" et "consusesco", qui orientent vers l'idée de "relations sexuelles" ou de "liaison durable" (souvent extra-conjugale). Il a déjà évoqué cette virtualité de sens au commentaire de And. 439, 2. Cf. surtout le lemme suivant : on voit donc qu'"amor" est à verser du côté de l'instant et de l'instinct, "consuetudo" du côté de la durée et de l'affinité. Quant au vers de Plaute (Amph. 490), il porte non pas "consuetudo" mais "consuetio", forme prouvée par Festus.688. Cette pièce de Caecilius Statius (219- 166 environ), très prolifique auteur de palliata dont on a conservé à peine 300 vers décontextualisés sur un ensemble de plus de quarante comédies, est connue par de trop rares fragments pour qu'on puisse en avoir une idée précise. Le titre grec (ἐξ αὑτοῦ ἑστώς) s'interprète (peut-être) comme "celui qui se maintient sur ses propres ressources", "l'autarcique". Le modèle de Caecilius était une pièce de même titre (évidemment perdue elle aussi) dont on n'a aucune trace, et dont on ne connaît pas l'auteur, représentant de la Néa. Le fragment lui-même est difficile à établir et a été complété, à sa droite et à sa gauche, par des savants modernes. Nous le donnons tel qu'édité par Wessner, sans les crochets qu'il y mettait autour du premier mot (conjecture de Bergk) et du dernier (dû à Estienne).689. Ces "auxiliaires de sens superflus" consistent donc en des polyptotes : on rapproche, comme Térence avec "praesens praesenti", deux formes du même mot : "socius socium", "absens absentem", "fratrem frater". Notons que la fiche que Donat a sous les yeux ne doit probablement comporter que des exemples versifiés, car il ne fait pas figurer l'exemple qui, pour nous aujourd'hui, s'impose en premier à l'esprit : Suet. Tit. 7, 2 "Berenicen statim ab urbe dimisit inuitus inuitam", que Racine a rendu célèbre. Ailleurs, Donat peut aller jusqu'à parler, pour ce type de syntagme, de κακόζηλον : voir Eun. 192, 2 ; 243, 5 ; 722, 3.690. En. 4, 408 et suiv. Le rapprochement est bien artificiel.691. Est en cause dans ce commentaire l'usage, comme complément du nom, au lieu du génitif adnominal standard, d'un datif : "auctor his rebus" ou "imperator Romanis" (chez Salluste). C'est un datif de destination.692. La raison d'être de l'explicitation en grec du mot "auctor" est peut-être dans la polysémie du mot latin. Le synonyme grec (qui figure peut-être dans la pièce de Ménandre) est donc là pour faire comprendre le sens du mot latin parmi quelques autres possibles. Sur le texte même, voir la note apposée au texte latin.693. Donat dénonce une lapalissade de Térence. De fait, on épouse toujours une fille d'une autre famille. Mais peut-être que Térence utilise ici l'adjectif "alienus" au sens de "étranger", "d'un autre pays", terme pour lequel habituellement il utilise l'adjectif "peregrinus".694. En effet, les occurrences de cet adjectif appliqués à la taille concernent des inanimés. On parle de "seges grandissima" (une très grande récolte) chez Varron ou encore de "grandis epistula" (une longue lettre) chez Cicéron.695. "Grandis" qualifiant des classes d'âge signale donc que l'individu approche de la limite supérieure de ladite classe d'âge.696. La question que pose Donat est d'ordre narratologique. Le lecteur, le spectateur et Donat lui-même savent bien qu'Eschine a toutes les raisons de connaître précisément l'âge et la physionomie de Pamphila. Mais nous sommes là au niveau de la fiction de Micion, dans laquelle Eschine n'est pas supposé l'avoir jamais vue. Or il donne ce détail d'âge. Comment le sait-il ?697. Encore une citation textuelle assez cavalière, sans respect de l'ordre des mots.698. Eschine semble plutôt rudoyer son père que le flatter.699. Il s'agit plus vraisemblablement de l'adverbe de manière de "ridiculus". En tout cas, la remarque de Donat est implicitement différentielle : c'est, dit-il, le vocatif, et non pas (implicitement) l'adverbe. La scansion est impuissante à départager les deux points de vue, et les éditeurs de Térence ont plutôt la forme "Ridiculum !".700. Autrement dit, ce n'est pas un pléonasme de Térence, puisque les paroles qui suivent pourraient parfaitement être dites par quelqu'un qui déteste Eschine.701. Donat insiste ici sur les souhaits en "sic/ita... ut" qui indiquent une proportion : "autant j'ai fait quelque chose, autant je souhaite quelque chose". La proposition en "ut" justifie en quelque sorte la demande votive et la proportionne.702. L'amplification réside dans le fait que le verbe "admisisse" est employé avec deux compléments, "me" qui est placé avant le verbe et "in me" qui est placé après.703. Le verbe "pudet" se construit d'ordinaire avec un accusatif représentant la personne qui a honte et un génitif représentant la chose qui suscite la honte. Donc tout porte à croire que l'énoncé signifie "j'ai honte de toi", alors qu'Eschine veut évidemment dire "j'ai honte pour toi".704. Ce passage célèbre de la première Catilinaire joue sur l'indignation, alors que la réplique de Micion se veut une remontrance indulgente. Il faut donc se garder de prendre l'intonation de l'un pour jouer l'autre.705. La manière si tranchée des deux frères d'avoir un caractère foncièrement différent de l'autre est l'objet même de la pièce, presque le projet du dramaturge. Ces deux caractères paradoxaux opposés sont donc, d'après Donat, une gageure oratoire.706. Micion remplace donc un verbe péjoratif possible par le verbe neutre "euenit".707. Pour les modernes comme pour les grammairiens latins, la forme "circumspexti" pour "circumspexisti" (comme par exemple "dixti" pour "dixisti") relève de la forme syncopée. Mais la syncope est pour les Latins une catégorie de métaplasme, à côté de la prosthèse, consonne qui s'ajoute au début d'un mot (par exemple le g de "gnatus"), la parenthèse, consonne ou syllabe qui s'ajoute au milieu d'un mot pour des raisons métriques ("relligio" pour "religio" ou "indugredi" pour "ingredi" par exemple), la prosparalepse, ajout superflu en fin de mot ("accingier" pour "accingi") et quelques autres phénomènes de variantes phonétiques utilisées par les poètes. Les métaplasmes, qui sont souvent traités parmi les défauts de la langue, sont donc les aménagements phonétiques dus à des licences poétiques (voir parmi beaucoup d'autres Probus GL 4, 262, section "De metaplasmis"). Le texte corrigé (voir la note apposée au texte latin) se comprend donc avec un "ou" qui signifie "et par là", le premier terme étant spécifique, le second terme étant générique.708. La scholie, malgré les apparences, porte sur "qua fieret".709. Le passage commenté est en réalité, comme pour le lemme 4, "quod quidem in te fuit", comme on le comprend des deux exemples littéraires qui sont donnés. C'est pourquoi Wessner, comme il le fait habituellement dans ce cas de figure, met des cruces que nous supprimons, car ce n'est pas la restitution du texte qui est problématique mais seulement la place du lemme dans le bloc de commentaire du vers 692.710. Cf. ce qu'il dit plus haut du caractère égoïste des amoureux : 628, 2.711. Il ne nous semble pas que l'adjectif indéfini grec ἄλλου (autre) ait ici un sens catégorisant, au sens de "une autre sorte d'impossible" (l'adynaton n'étant pas catégorisé à notre connaissance) ; il faut sans doute comprendre implicitement "argumentum aliud" (ou "locus alius") ἀπὸ τοῦ ἀδυνάτου avec hellénisation et attraction dans le syntagme prépositionnel de l'indéfini.712. L'ordre des deux formants est libre ; mais apparemment, pour les infinitifs futurs passifs, Donat prone un ordre plus figé qu'ailleurs. Ces formes en "-tum iri" restent plutôt rares dans les textes, de toute façon.713. Autrement dit, il formule un souhait au lieu de formuler un ordre ("imperiose") ; mais cet acte de langage n'en est pas moins efficace, selon Donat.714. La précision de Donat sur le jeu de l'acteur est justifié par l'emploi hors normes de "hem", qui marque habituellement un sentiment pénible. Or ce n'est pas pas le cas ici.715. Tout l'enjeu de ce commentaire qui a gravement perturbé les scribes (voir la note apposée au texte latin) est de définir le caractère paradoxal de l'amoureux qui s'imagine tellement qu'il va être malheureux qu'il pense qu'on se moque de lui quand on lui dit que tout va bien. Or c'était quand il le faisait pleurer (679) que Micion se moquait de son fils, car il savait déjà tout, avait déjà décidé de pardonner et faisait marner son fils avant une leçon de morale bien méritée.716. Argument presque identique en 523, 2.717. Le texte est assez corrompu dans ce secteur, mais il semble que Donat lemmatise une forme "potes" (les mss. de Térence portent plutôt "potest") mais commente une forme "pote", selon une conjecture de Goetz fondée sur le commentaire à Ad. 264.718. La réplique est en fait dans Les Adelphes, 318. Donat a sans dout fait un raccourci dans sa formulation (à moins qu'il ne s'agisse d'un saut du même au même dès l'archétype) en synthétisant ce passage et deux autres qui sont effectivement dans L'Eunuque : 648 : "ego unguibus facile illi in oculos inuolem uenefico" et 740 : "oculi ilico effodientur".719. Le mot "terricula" désigne l'épouvantail. Mais peut-être faut-il comprendre ici, plutôt que d'objets concrets, qu'il s'agit d'histoires qui font peur, comme par exemple celle du "loup de Capoue" évoqué plus haut (voir notre note à 537, 2). Pour se débarrasser de l'image cauchemardesque qu'elles ont sucitée chez l'enfant, elles utilisent une formule du genre "et hop, il est parti, on ne le reverra jamais". C'est ce que fait en tout cas le rival inventé, qui s'embarque et disparaît pour jamais.720. Il faut avouer que le rapport avec l'épisode d'Enée portant son père Anchise sur ses épaules est bien artificiel.721. Donat parle ici de la valeur intensive du préfixe de "defessus".722. La remarque de Donat a une valeur à la fois métrique et grammaticale puisque, sans cette précision, il est impossible de distinguer, absolument et en contexte, les infinitifs des verbes "obsideo" et "obsido", dont les sens sont relativement semblables, à la quantité près des deux voyelles centrales : "obsĭdēre" vs "obsīdĕre". La scansion montre qu'il s'agit bien, en l'espèce, du verbe "obsĭdēre".723. Le tour "secum loqui" peut désigner (et désigne surtout) dans le commentaire le procédé de l'aparté, mais ici Micion parle tout seul. Il sort de chez lui et dit sa réplique peut-être à quelqu'un à l'intérieur, ou bien à soi-même. Mais ce n'est pas un aparté. Il est par ailleurs abusif de dire que c'est une caractéristique ("moris") des vieillards : les esclaves, les jeunes gens, les parasites, les soldats fanfarons, les nourrices, etc., font des monologues ; c'est en fait un procédé d'écriture comique en général.724. Commentaire comparable en 191, 2.725. Pour avoir déshonoré une citoyenne. Le mariage rachète la faute, en quelque sorte.726. C'est non pas le verbe qui est commenté (car on ne verrait pas le rapport alors avec la citation virgilienne, qui n'utilise pas le verbe "ducere"), mais l'emploi de l'adjectif verbal à valeur d'obligation.727. Chez Virgile (Buc. 6, 47), le terme "uirgo" réfère à Pasiphaé, épouse de Minos. Le terme désigne donc soit une vierge, au sens anatomique du terme, soit une femme jeune. On se souvient que Donat a déjà dit que "uirgo" signifiait "mulier" chez les auteurs archaïques en 650, 1 et que "uirgo" est cité comme un nom de classe d'âge en 673, 1.728. Comprendre respectivement "en aparté" et "à haute voix". Donat lie souvent la position "de dos" ("auersus", comprendre "dos à l'interlocuteur") au texte dit "à part". Mais ici on ne voit pas l'intérêt de faire prononcer l'exclamation à part.729. La "varietas" consiste à changer le sujet des trois verbes juxtaposés, quand le poète aurait pu se contenter de trois formes à la première personne.730. Expression qui, apparemment, consiste à proposer des groupes parallèles hétérogènes : le nom "uita" comme comparé sur un plateau de la balance, la proposition "cum ludas tesseris" sur l'autre plateau, comme comparant.731. Remarque morphologique : Donat veut dire qu'ici "forte" n'est pas un adverbe, mais l'ablatif du substantif "fors" (hasard), mis en parallèle avec l'ablatif "arte" dans l'autre proposition.732. Rappelons qu'à ce stade Micion croit toujours que c'est Eschine qui a enlevé la musicienne et non son propre fils Ctésiphon. Il croit donc Eschine bigame.733. Donat se contente de supprimer la proposition "ut uideo tuam ego ineptiam", sans changer le reste de l'ordre des mots. C'est donc ce segment-ci qui semble gêner l'interprétation. Est-ce parce que, ici, la proportion en "ut" est une temporelle et non pas une comparative, comme on s'y attend dans les énoncés votifs en "ita... ut", dont il a dit quelque chose il y a peu (cf. le commentaire à 681) ?734. Quoi qu'en laisse entendre Donat, il y a sûrement une allusion grivoise dans la remarque de Déméa, qui se poursuit avec la mention faite de la jeune mariée. Il plaide plus franchement pour le sous-entendu sexuel aux vers 751 et 752.735. L'épisode célèbre est narré dans L'Enéide, 2, 235 et suivants. La métaphore est donc comparable à celle du loup (la courtisane) qu'on laisse entrer dans la bergerie (la maison familiale).736. D'après Ernout-Meillet, si la distinction entre "ira" et "iracundia" était opérée en théorie par les Anciens, en pratique, les deux termes étaient indifféremment employés. La confusion est notamment constante dans le De Ira de Sénèque.737. De fait, les deux formes existent. La plus conforme aux attentes est "hilarus", réputée archaïque, qui suit (anaogiquement parlant) la même déclinaison thématique que son modèle grec. Et la déclinaison en "-is" est effectivement plus récente puisqu'attestée à partir du premeier siècle de notre ère seulement.738. Reformulation, plutôt que citation, des vers 590-591, qui annonçaient la sortie de Syrus vers quelque taverne.739. Les Anciens ne faisaient pas la différence entre les prépositions et les préverbes.740. Virg. G. 3, 256. Le sujet implicite (au vers précédent) est le sanglier sabellique dont Donat aime parler pour évoquer le sens du verbe "ruere" : cf. les lemmes 319, 1 et 550, 3.741. Le mot (Hom. Il. 2, 305) est en général écrit en trois mots ἀμφὶ περὶ κρήνην.742. La remarque sur l'emploi de "prodeambulare" est quelque peu spécieuse : ce verbe est en effet un hapax de Térence.743. De fait, "sapientia" peut aussi bien être le substantif féminin au vocatif que l'adjectif "sapiens" accordé à l'accusatif neutre pluriel.744. Les deux formes n'en font qu'une ; phonétiquement on obtient en latin une déclinaison mixte "diues, ditis" dont les locuteurs ont analogiquement refait deux flexions régulières complètes. On peut supposer que la remarque a vocation à bien préciser la valeur de la forme "dis", qui pourrait être confondue avec une forme syncopée de "diis", datif-ablatif pluriel de "dei" (les dieux) ; l'énoncé se somprendrait à peu près : "tu serais aux dieux, Déméa".745. C'est la succession de questions très brèves qui laisse à penser que le personnage est ivre certainement.746. C'est-à-dire que Dromon, qui entre en scène en sortant de chez Micion, crie sans voir Déméa quelque chose que Déméa ne devrait pas entendre. D'où la réponse de Syrus : "Abi", "fiche le camp", sans doute en aparté cette fois.747. On ne voit pas ce qui rend Donat si confiant dans l'intelligence du spectateur ou du lecteur. Est-ce simplement la mention du verbe "rogat", qui semble indiquer qu'il ne peut s'agir que du jeune maître de Syrus ? Mais le maître de Syrus est Eschine, non Ctésiphon. En tout cas, c'est bien le nom propre qui déclenche la réaction de Déméa, et il n'est pas sûr que l'indication soit inutile.748. Voir la note à 571, 1.749. Donat explique à mots couverts une règle phonétique : un mot dont le radical finit en n (comme "uinum", "unus", "uannus", "asinus", "suinus") a un diminutif fini en "-llus" ou "-llum". Manière d'évoquer l'assimilation régressive du groupe -nl-.750. Littéralement, "qui s'en va", comprendre "d'une des maisons du décor", donc "qui entre sur scène" ; rappelons que le latin pratique le point de vue des coulisses, au contraire du français qui a adopté le point de vue de la scène.751. Comme le verbe "abire" au vers précédent, le verbe "exire" (sortir) veut dire dans le contexte "entrer sur scène". Rappelons la situation : à la fin de la scène précédente, entendant dire que son fils Ctésiphon est chez son frère, Déméa y est entré à l'improviste et a surpris le jeune homme en pleins ébats amoureux. Il ressort horrifié de chez Micion. Dans le même temps, Micion était en face, chez Sostrata, pour arranger le mariage d'Eschine. Les deux frères se croisent donc à nouveau entre les deux maisons. Du coup, le verbe "pulsare", ici, ne veut pas dire "frapper à la porte" (puisque Déméa ne veut pas rentrer chez Micion, mais vient d'en sortir). Il s'agit en fait d'un claquement de porte.752. Le rapprochement avec "litigauit" prouve que Donat donne à "agam" son sens judiciaire de "plaider". Il comprend donc "que puis-je faire ? que puis-je arguer ?".753. C'est-à-dire dans les Géorgiques, IV, 504 et suivants.754. Il y a là un très curieux excursus, où Donat (re)fait une explication de texte de deux vers de Virgile, dans un parallèle artificiel avec un vers de Térence. Sans doute une trace de son commentaire de Virgile (perdu).755. C'est-à-dire dans le vers commenté de Térence, après l'excursus virgilien qui vient de prendre fin.756. Puisqu'on en est à l'invocation aux dieux et au cosmos entier.757. C'est-à-dire qu'il y a dans l'invocation hyperbolique de Déméa un style para-tragique.758. Le texte habituel de ce vers de L'Enéide (I, 58) porte non pas "principio" mais "ni faciat".759. Donat propose sans doute de séparer "Neptuni" du reste de la phrase ; on aurait alors l'invocation aux trois éléments, puis un début de phrase "Neptuni"... interrompu par Micion.760. On a déjà eu une differentia très comparable en 755, 1 : ce que désigne "ira" est donc conjoncturel, ce que désigne "iracundia" est structurel.761. On remarque que Donat choisit d'employer une périphrase "ab eo quod est ire" plutôt que le simple gérondif du verbe "ire" dans un énoncé intégrationniste. En effet, s'il avait écrit quia "ira ab eundo dicitur", l'explication étymologique qu'il propose par rapprochement phonétique aurait perdu tout son sens. Cette explication (farfelue et isolée) est par ailleurs uniquement fondée sur ce rapprochement puisque l'étymologie d"'ira" est, aujourd'hui encore, peu claire.762. G. 4, 443-444 : le second vers est faux : il faut le pronom "sese" ("ad sese redit" ou "in sese redit").763. Pl. Capt. 655. Le texte habituel, confirmé par Nonius 232, 3 L, qui cite ce même extrait plautinien, est "nuculeum amisi, reliqui pigneri putamina" : "j'ai lâché l'amande et ai laissé en gage les déchets !". Nonius explique que tout ce qui tombe de n'importe quoi, et non seulement les branchages élagués, peut être appelé "putamen", par exemple la coquille de la noix. Par ailleurs, le même Nonius (587, 21 L), dans son livre IV sur la synonymie, explique les divers sens de "putare", parmi lesquels celui de "purgare" ; pour le sens de "animo disputare", il cite en premier lieu le vers de Virgile qui commence par "multa putans", que Donat cite aussi dans ce développement sur "putare".764. Remarque de ponctuation. Soit c'est : "Facete. nunc demum...", "Amusant ; et il vient de sortir, ce proverbe ?", soit c'est "facete nunc demum...", "Tu viens de le trouver facétieusement, ce proverbe ?".765. L'objet du commentaire, comme le montre la comparaison avec le vers de L'Eunuque, est syntaxique : dans les deux exemples, on a une prolepse : le nominatif "filii" se justifie dans la relative (où il n'est pas), alors que, là où il est, on l'attendrait au génitif, l'accusatif "eunuchum" est attiré à ce cas par le pronom relatif dont il est l'antécédent, alors que, pour son propre compte on l'attendrait au nominatif.766. Voir la scholie 114.767. L'archaïsme pressenti est dans la construction transitive de "utor".768. C'est sans doute le sens de "signa" qui résiste à l'interprétation de Donat depuis le vers 821 ; notons tout de même qu'il a l'honnêteté de reconnaître qu'il ne comprend pas toujours ce qu'il est censé commenter. C'est un scrupule qui l'honore...769. L'expression récurrente "ab eo quod praecedit id quod sequitur", habituellement présente sous la forme "ab eo quod sequitur id quod praecedit" (Andr. 49, 1 ; 502, 1 ; Ad. 460 ; Ph. 493) se comprend ainsi : la structure en "ab" rappelle la typologie des arguments ou des lieux ("ab honesto", "a persona", etc.) ; et le complément est une proposition complétive au lieu d'être un nom. Littéralement : "<argument> de ce que ce qui est après est mis avant". Donat, chaque fois qu'il utilise ce tour, signale une anticipation dans le raisonnement ; le locuteur dit un mot qui, en avance sur la chronologie des événements, préfigure la situation suivante. Ainsi quand on dit "iubeo" au lieu de "uolo", car il faut d'abord vouloir avant d'ordonner. Ici, Térence met "dicere" alors qu'il faut comprendre la phase antérieure au discours, qui est la pensée. C'est l'équivalent de l'"hysteron proteron" de la rhétorique grecque.770. Le commentaire signale que les deux jeunes gens ont les mêmes qualités et pourtant des conduites très différentes. Glosant les propos de Micion, Donat cherche à comprendre ce paradoxe. Ce n'est pas dans le caractère, dit-il, mais cela peut provenir 1- de la différence d'âge (Eschine est plus âgé donc plus audacieux), 2-de la licence laissée à l'un des jeunes gens, Eschine en l'occurrence, qui est élevé de façon beaucoup plus laxiste que Ctésiphon.771. Adaptation au pluriel (ou citation approximative) des vers 117-118, dans lesquels seul Eschine était concerné. 772. Selon qu'on lit et édite un indicatif "subuertit" ou un subjonctif "subuertat", la particule "ne" change de statut : particule affirmative ("Oui, tes belles raisons nous mettent tout par terre...") ou particule prohibitive de l'expression de la défense ("Que tes belles raisons n'aillent pas nous mettre tout par terre") ou conjonction dépendant d'un verbe de crainte sous-entendu ("<j'ai peur> que tes belles raisons n'aillent tout nous mettre par terre...").773. Donat semble opposer les deux composés, un par "con-", un par "ex-" (préverbes de sens contraires) ,et les deux verbes "porrigo" (étendre) et "traho" qui signifie parfois "resserrer". La remarque vise aussi sans doute à expliquer "exporge" forme rare et probablement totalement inusitée de ses élèves. Plus haut (482), il a déjà expliqué "uinci" par son contraire. C'est une méthode lexicologique commune.774. Le terme grec, reconstitué par Lindenbrog, est inconnu par ailleurs. Liddell-Scott le signale comme n'étant attesté que dans ce lemme de Donat et juste après en 840, 2. Le terme καλήμερος existe, au sens de "qui connaît un jour de bonheur" ; on déduit donc que μισοκαλήμερος signifie "qui déteste avoir un jour de bonheur" ou "qui déteste ceux qui ont ne serait-ce qu'un jour de bonheur". La formulation de Donat laisse entendre qu'on a affaire à un type de misanthrope, un "caractère" particulier. Mais il n'a guère laissé de trace dans la tradition.775. "De" est superflu au sens où l'expression "nocte" (ablatif de "nox" employé adverbialement) existe en latin. Mais, dans les faits, les deux expressions "nocte" et "de nocte" sont toutes les deux attestées.776. On a deux explications contradictoires sur le tour "cum primo luci". L'une (la seconde) plaide pour un emploi de "lux", mais au masculin d'une part et à une forme d'ablatif qu'on n'attend pas. Le latin classique dirait "cum prima luce" ; l'autre (la première) propose sans doute de voir dans "luci" une forme de génitif de "lucus", qui signifie "bois" et que les étymologies des Anciens associaient systématiquement à la famille de "lux" par antiphrase. Le sens, ici, serait purement et simplement celui de "lumière", "cum primo luci" s'interprétant "avec le début de la lumière". En fait, "luci" est une forme de locatif de "lux" qui signifie "à la lumière du jour" et "cum primo" est un adverbe intensif "dès que possible" ; d'où "demain matin à l'aube". Une explication plus consensuelle consiste à dire que "luci" est adverbialisé (comme "uesperi" ou "mane") et que, du coup, il supporte d'être déterminé (ici par "primo"), mais avec le genre neutre.777. L'énoncé de Térence n'est pas compliqué et ne semble pas mériter de reformulation. Sauf si c'est une remarque sous-jacente d'orthographe. En effet, Térence a utilisé une forme archaïque d'impératif de "facio", au lieu de "fac" (voir la scholie 482, 3 et la note apposée). Il en résulte que la succession "face te", dans le cadre d'une scriptio continua où les mots ne sont pas séparés, pourrait être prise pour l'adverbe "facete", "avec humour" . La reformulation, qui fait clairement apparaître un impératif, lève donc une ambiguïté orthographique.778. A préfixe égal, l'idée de 'tirer' qui est dans "abstraham" implique davantage de violence que celle de 'conduire' qui est dans "abducam".779. Il s'agit d'une remarque de syntaxe. "Ligare" peut s'employer avec un simple COD, mais non "adligare" qui réclame un COD et un complément circonstanciel de lieu en "ad" + acc. (éventuellement métaphorique).780. Bien qu'il n'ait pas utilisé ici la formule "ab eo quod sequitur id quod praecedit" (ou "ab eo quod praecedit id quod sequitur"), Donat signale implicitement un argument par inversion de la chronologie. Cf. la note au commentaire au vers 823, 2.781. "Meridie" (à midi) est pour Donat un adverbe, mais dès qu'il est déterminé par "ipso", il est traité comme un nom. En fait, comme l'indique le lemme suivant, c'est un nom (dont il donne la forme d'accusatif) qui, à l'ablatif locatif, fonctionne comme un complément de temps.782. On connaît mieux l'échange D/L, qu'on observe dans des emprunts au grec ("lacruma" pour "dacruma", "Ulixes" pour "Odysseus") ou dans des séries latines ("olere" / "odor"). Dans le cas de "meridie" (qui vient effectivement de "medidie"), il s'agit d'une dissimilation qui évite la répétition du même phonème dans un contexte très court.783. "Excoquo", dont "excoctus" est le participe, signifie littéralement "faire sortir par la cuisson, faire cuire". La sécheresse est une conséquence de ce procès.784. C'est-à-dire que le relatif qui est inclus et figé dans la conjonction "quin" peut être restitué à n'importe quel cas selon la construction. Ici, de fait, "quin" inclut un datif (complément implicite de "adportet").785. Donat a utilisé il y a peu et à d'autres fins (cf. le lemme 843, 2) ce passage de Lucilius. On a une nouvelle preuve de la méthode de Donat, qui réutilise une donnée dont la "fiche" est encore sur son "bureau". Ici, il l'exploite (très légitimement) pour illustrer l'emploi, qu'il qualifie d'archaïque, de l'accusatif de l'objet intérieur : Térence dit "uitam uixi" (j'ai vécu une vie), Lucilius dit "pugnauimus pugnam" (nous avons combattu un combat).786. Ce qu'il fait : "omitto..." ; pourquoi il le fait : "quam ob rem ?". Les éléments sont dans cet ordre au vers 860.787. Cicéron, CM 83 : "quasi decurso spatio ad carceres a calce reuocari" (une fois parcourue toute la piste, être rappelé de la ligne d'arrivée au box de départ) s'est souvenu de Térence, et Donat s'est souvenu de Cicéron. La réminiscence implicite est notamment dans l'expression "ad calcem".788. L'énoncé "complet" restitué par Donat donne, en traduction : "Et pourquoi <le ferais-je> ? <Si quelqu'un me le demandait, voici ce que je dirais :> j'ai trouvé...".789. De fait, l'Acte V est indéniablement celui de Déméa.790. Même étymologie et formulation très voisine en 42, 2.791. C'est un des effets de la "varietas" qui a été louée au lemme 1 de ce vers. Les "noms" sont en fait les adjectifs "clemens" et "placidus", les verbes sont les syntagmes à l'infinitif qui prennent leur suite. Sur la grécité de ce procédé, on peut s'appuyer sur une remarque de Priscien (GL 3, 186) qui note, à propos de diverses figures de syllepse et de "transitio" : "Graecorum quoque auctores frequenter huiuscemodi utuntur figurationibus" (les auteurs grecs aussi usent fréquemment de figures de cette sorte). Ici, comme souvent, Donat utilise le verbe "transire" pour l'expression technique "transitione uti" ou "transitionem facere", remplaçant un terme nettement technique par un verbe qui l'est moins.792. Pour définir la figure d'ἀναδρομή, Donat utilise le verbe "recurrimus", qui décalque la forme interne du technicisme grec, lequel implique par son préfixe l'idée de retour et par son radical l'idée de course. Sa construction avec le supin "repetitum" fait de lui un verbe de mouvement strict ("nous courons en arrière"), plutôt qu'un verbe de sens métaphorique ("nous re-courons à"), d'où une traduction assez littérale.793. Donat voit une asyndète stylistiquement marquée, qui nous semble inutile : le groupe sujet étendu du vers 866 "ego ille agrestis, saeuus, tristis, parcus, truculentus, tenax", s'articule directement sur le syntagme verbal "uxorem duxi". On peut donc supposer que Donat ne lisait pas exactement le même texte que nous et qu'il voyait peut-être un verbe "sum" dans le vers 866 : "moi je suis ce paysan, grossier, etc.". Dans ce cas, c'est une nouvelle indépendante qui commence au vers 867 et on peut parler d'asyndète.794. Donat remarque que l'adverbe anaphorique de lieu "ibi" semble reprendre le substantif "uxor" (épouse) : comme si l'on disait en français "j'ai pris femme : j'y ai connu bien du malheur". Même remarque sur un problème de référence personne-adverbe au lemme 949, 1.795. Scholie comparable en 470, 3 : l'asyndète produit un effet d'accumulation.796. C'est ainsi que Donat appelle les emplois instrumentaux non prépositionnels de l'ablatif. C'est ce qu'explicite la seconde main. "Potior" gouverne l'ablatif, mais des emplois transitifs se trouvent en langue archaïque (cf. l'exemple d'Accius).797. Trad. de J. Dangel dans son édition CUF, 2002, p. 166.798. Comprendre "un père géniteur".799. Ce que Donat appelle syllepse ici (une syllepse de cas implicitement, comme au lemme 857), c'est l'emploi de l'accusatif "illum" en prolepse, alors que le pronom fonctionne comme le sujet de la complétive.800. Le lemme 4, au-delà de la seconde main mal placée, continue directement le propos précédent, en l'enchaînant sur "partes". Donat suppose qu'il faut sous-entendre "non feram posterioris partes" et comprendre "je n'endosserai pas le rôle d'un subalterne, <mais celui du protagoniste>".801. S'il est logique qu'un esclave parle de son patron en le désignant du nom d'"erus", sans déterminant ("le patron"), car, dans la situation d'énonciation, ce nom relatif n'a pas besoin d'être rapporté à la première personne, il n'est pas logique en revanche qu'il dise "frater" pour désigner Micion : car, toujours à cause de la loi des noms relatifs, cela revient à dire (sauf indication) "mon frère". On comprend donc que la caractéristique de la parlure servile remarquée ici consiste à se sentir à ce point de la famille des maîtres qu'on s'identifie à eux. Ici, Syrus est de la même fratrie que Micion et Déméa, pour ainsi dire.802. "Quid fit ? "et "quid agitur ?" laisseraient attendre des réponses en pronoms ("illud fit", "illud agitur") et non en adverbes. Donat signale donc le caractère phatique et conventionnel de telles maximes conversationnelles.803. Donat signale un aparté.804. Comme on oppose l'inné, avec tout ce qu'il a de structurel, à l'acquis, conjoncturel, Térence oppose ici la nature (profonde) à l'habitude (plus superficielle).805. Sur ce texte, très mal transmis, voir la note apposée au texte latin. Donat commente ici le jeu de Déméa qui a décidé de jouer le gentil. Il a donc changé d'attitude au point de saluer poliment un esclave, alors qu'il ne saluait même pas son propre frère au début de la pièce. Voir 41, 2. Les trois énoncés dont il est question ici sont les trois formules de politesse qu'il a essayées sur Syrus, au grand étonnement de ce dernier. Du coup, on comprend que Déméa feint d'avoir été méchant par jeu alors qu'il est au fond gentil, mais nous savons, nous, que c'est exactement l'inverse : c'est quand il est gentil qu'il joue la comédie.806. A ne pas confondre donc avec le syntagme nominal "prope diem", "près du jour". Il s'agit d'une remarque de ponctuation, l'hyphen (ὑφέν) étant un signe en forme d'arc renversé qui sert à préciser qu'il faut lier dans le même mot deux lettres, et qui permet de lever des ambiguïtés. Par exemple Diomède GL 1, 434, 36 : "his adiciunt hyphen, cuius forma est uirgula sursum sensim curuata subiacens uersui et inflexa ad superiorem partem ˘. hac nota subter posita utriusque uerbi proximas litteras in una pronuntiatione colligimus (...) ut est 'Turnus ut anteuolans' et 'antetulit gressum' et 'quam simulac tali persensit p(este) t(eneri) / c(ara) I(ouis) c(oniunx)' et apud Sallustium 'iam primum iuuentus simulac belli patiens erat' : 'simulac' hyphen legendum. est enim una pars orationis (on ajoute à ces signes celui de l'hyphen, dont la forme est celle d'une virgule placée au-dessus et légèrement recourbée qu'on met sous le vers et qui est orientée vers le haut : ˘. Avec ce signe placé au-dessus de chacun des deux mots concernés, nous rassemblons en une seule prononciation deux lettres adjacentes (…), comme dans "Turnus ut ante˘uolans" et "ante˘tulit gressum "et "quam simul˘ac tali persensit" etc. et chez Salluste "iam primum iuuentus simul˘ac belli patiens erat" : il faut lire "simulac" d'un seul tenant car c'est une seule partie du discours). Dans le cas fréquent de scriptio continua, l'hyphen permettait de distinguer "simul ac" la conjonction de "simul + ac", adverbe + coordination. Le signe complémentaire est la diastole, qui oblige au contraire à dissocier des éléments qu'on pourrait croire associés, ainsi dans la fin de vers virgilienne (qui amuse beaucoup les grammairiens et, sûrement, leurs élèves) "conspicitur sus" (Aen. 8, 83), avec une diastole après "-tur" pour comprendre "une truie est aperçue", et non pas "conspicit ursus" (un ours regarde).807. Contextuellement, malgré le masculin "ducente deo", c'est Vénus le guide d'Enée dans cet épisode.808. Cf. les lemmes 523, 2 et 698, qui exploitent tous deux cet adage tiré de L'Andrienne 60, également cité en Andr. 455, 2.809. Les deux frères s'étaient réparti les rôles : l'un était le père naturel ("natura"), l'autre, le père adoptif, était le père de cœur ("animo") : cf. le vers 126 (avec la variante "consiliis" pour "animo"). Mais ici, Déméa s'arroge le double rôle.810. Il n'est pas clair de savoir s'il s'agit du mérite du dieu Hyménée, qui a codifié le mariage, ou de celui des jeunes filles qui sont arrivées vierges au mariage. De fait, un peu plus loin, Donat évoque des "nuptiae seniles", un "mariage de vieux", qui s'oppose aux "nuptiae uirginales" de ce lemme. Sans doute ne chante-t-on Hyménée que dans les noces virginales, pour célébrer le caractère virginal de l'union.811. Le texte plautinien est généralement édité avec "quos" (deux fois) à la place de "quid", ce qui ne change rien au sens.812. Il s'agit d'un certain Summanus, affranchi borgne, ici présenté effectivement au pluriel.813. "Maceries" ou "maceria" est mis ici en rapport étymologique avec "macerata", qui veut dire "humidifié". On peut donc comprendre que le matériau est de la terre glaise humide et malléable, un torchis qui sèche à l'usage.814. Il aurait pu écrire "fratris aedes", la maison de mon frère, mais Donat juge plus élégant le datif "fratri aedes" etc., "pour mon frère, la maison sera ouverte aux quatre vents".815. Les deux phrases qui se suivent semblent contradictoires : le dit-il à Micion ou en aparté ? En réalité, les deux : Micion n'est pas sur scène, mais c'est bien à lui, en son absence, que Déméa s'adresse à mi-voix.816. Sur le texte controversé de ce passage, voir la note apposée au texte latin.817. La phrase "complète" reconstituée par Donat est donc : "dignos uos esse quibus fiat arbitror", "j'estime que vous méritez que cela vous arrive".818. Comprendre le mariage de Micion avec Sostrata, qui est l'ultime rebondissement que Déméa a en tête et qui va être l'objet de cette scène.819. Il s'agit plutôt d'un facteur commun que de ce que les modernes appellent un zeugme.820. Même exemple (Virg. Aen. I, 16) mais remarque légèrement différente au lemme 352, 3.821. Déméa ne souhaite pas dépouiller Eschine(qui est son fils naturel mais aussi le fils adoptif de son riche frère) de la part d'héritage qui lui reviendra à la mort de Micion. Il ne faut donc pas que Micion procrée. L'argument du grand âge et de la stérilité de la future épouse de Micion est donc un argument de bon père : ce mariage aura pour conséquence de pourrir la vie de son frère, célibataire endurci, sans léser Eschine.822. Du moins, si elle l'est aujourd'hui en raison de son âge, elle ne l'a pas toujours été, puisqu'elle est mère de Pamphila. L'emploi du présent est bizarre, sauf si l'on donne à l'adjectif "sterilis" le sens de "stérile de naissance".823. Subtile remarque didascalique de Donat : la répétition inutile du pronom "te" dans les deux infinitives est un indice qui lui donne raison. Il y a là en réalité deux sujets différents car Déméa change d'interlocuteur en cours de phrase. La seconde partie, dos tourné à Micion, signale implicitement un aparté d'où Micion est exclu.824. Formulation et analyse comparable à la scholie 696, 2.825. Remarque de morphologie visant à désambiguïser : "ineptis" est une seconde personne de verbe et non une forme syncopée du substantif "ineptia". 826. S'il ne s'agit pas d'une simple remarque d'éditeur de texte ("il faut éditer 'sis' et non pas 'sies', forme qui ne semble pas apparaître ici dans les mss. de Térence), Donat fait remarquer que Térence emploie une forme "moderne" "sis" au lieu de la forme archaïque "sies", plus fréquente chez lui, et qu'on trouve dans cette même pièce aux vers 684, 852 et 890, contre un seul emploi (outre celui-ci) de "sis" en 511. Mais comme pour lui, en 511, il s'agit de "sis" adverbe au sens de "s'il te plaît" (sur cette erreur, voir notre note ad loc. en 511, 3), il voit ici le seul emploi de cette forme de subjonctif, contre trois emplois de "sies", d'où sa remarque, assez elliptique au demeurant.827. Donat formule assez justement la valeur du potentiel qu'a ici utilisé Térence. Voir aussi la scholie 5 du même vers.828. On trouve là les questions fondamentales de l'exégèse littéraire, qui fondent les bases du commentaire.829. Etymologie comparable au lemme 264, 3.830. Il faut donc comprendre soit "age prolixe", "agis généreusement", soit "age ; prolixe" ; "allons ; avec empressement <sois des nôtres>".831. Donat, avec son acuité habituelle, décèle un manque dans l'information. En effet, ce projet dément de marier Micion et Sostrata est surgi sans préparation du cerveau de Déméa qui semble vouloir venger là toutes les rancœurs accumulées depuis l'enfance contre son frère. Mais a-t-on songé à s'enquérir du consentement de Sostrata. A ce "problème" exégétique (πρόβλημα), Donat propose la solution (λύσις) de l'évidence : la pauvreté de Sostrata s'accommodera inévitablement de ce mariage forcé.832. Au lieu de citer un exemple littéraire, comme à chaque fois, Donat cite un exemple de la conversation courante, relevant donc du latin de son époque. C'est assez rare pour être signalé : cf. aussi ci-dessus le lemme 660, 3. On reconnaît ici le goût du latin tardif pour le cumul "ecce" + démonstratif, qui est à l'origine des séries démonstratives de plusieurs langues romanes (par ex. a. fr. "cil" ou "cist" ou "ce").833. Térence dit quelque chose comme "ce domaine que tu loues au dehors" pour faire comprendre "que tu loues à quelqu'un du dehors". L'adverbe se trouve donc référer à une personne, pour laquelle on attendrait donc un pronom. Il a déjà fait une remarque comparable au lemme 867, 2.834. Il s'agit donc d'une étymologie "fruor" < "frumen".835. Donc "noster est" annule avant même qu'elle soit formulée la question "quid mea ?", "en quoi cela me concerne-t-il ?", puisque "noster" implique "mea".836. Cf. le commentaire à L'Eunuque, lemme 275, 2.837. Comme il ne va pas de soi que l'acariâtre Déméa soit bon, il faut apparemment jurer par Pollux qu'il l'est. Le serment vient donc pour attester une affirmation paradoxale.838. Le pédagogue était l'esclave qui s'occupait de l'éducation des enfants.839. Déméa a déjà prononcé la formule qui libère Syrus de l'esclavage au vers 960. Mais ici c'est Micion qui prononce la formule performative, car c'est lui le maître de Syrus. Il n'y a donc pas de redite. 840. Ce vers (Curc. 548) est juste après le vers 546 que Donat a exploité au lemme 907 : encore une preuve de sa méthode de travail ?841. Raisonnement lexicologique très abusif...842. "Istoc" est un déictique, dans une expression comparable à "autant que ça !" (en claquant son ongle sur ses dents). Comme c'est un déictique, Donat se demande ce que le locuteur "montre", et il propose un flocon ("floccum") ; il s'agit d'un de ces mots exprimant la très petite quantité ou la très faible valeur (comme en français "mie", "goutte" ou "point") et s'associant à une négation pour faire une négation composée. "Floccum" est de ces mots forclusifs en latin.843. La solution à ce dilemme est donc dans l'emploi du futur : Micion continue à refuser pour l'instant, mais on garde l'espoir qu'il le fera sous peu. Sont donc préservés en même temps le vraisemblable et la fin heureuse (pour Syrus en tout cas).844. "Prolubium" (de la famille de "lubet/libet") renvoie à l'idée de caprice ; προθυμία à celle d'empressement et de désir. L'idée d'empressement à dépenser est strictement contextuelle et n'appartient pas aux sèmes spécifiques des deux mots cités.845. C'est-à-dire qu'il est bien que, dans une comédie de caractère, les caractères soient tenus d'un bout à l'autre. Le misanthrope doit donc rester tel.846. Il s'agit d'appariements de contraires sans liaison (comme en français "bon an, mal an"). Donat pouvait aussi citer "ioca seria". Ce sont des types de tournures héritées de l'indo-européen (et qui s'apparentent aux dvandva su sanskrit), et des syntagmes lexicalisés plutôt que des proverbes au sens strict.847. Moins, plus, trop peu : on est toujours dans des structures comparatives, mais on oriente l'échelle tantôt vers le haut, tantôt vers le bas. Il en résulte de la variété, qu'il appelle ici non pas "uarietas" comme souvent, mais du terme grec correspondant. Pourquoi ?848. hunc dans les ms de Térence.849. La place du lemme 28, 3 "aut ibi" pose problème. Le texte consensuel des éditeurs de Térence fait figurer "aut ibi" au début du vers 29. Mais il se peut que Térence lise un vers 28 sous la forme "profecto hoc uere dicunt : si absis uspiam aut" et ne fasse commencer le vers 29 que sur "ibi". Cela est indifférent métriquement pour le vers 28 et légèrement moins bon pour le vers 29, pour lequel "ibi" doit alors être scandé comme un iambe, sans l'abrègement iambique attendu. Quant à la place d'un monosyllabe en fin de vers ("aut" dans le cas présent), c'est une caractéristique de Térence, qui pourrait plaider en faveur de la lecture reconstituée de Donat.850. La forme "insueuerit" des manuscrits de Donat est amétrique : on trouve chez Térence la forme syncopée "insuerit".851. Chez Térence on lit "credo" ; "puto" rend le vers amétrique.852. Les éditeurs de Térence éditent plutôt "dum is rescitum iri credit" : le sens est le même.853. Ou "ipsus" : indifférent métriquement.854. Ou "ehem", métriquement indifférent.855. "mulcauit" chez Térence.856. "quot" chez Térence.857. Ordre différent chez Térence : "nullum huius factum".858. "consiliis" chez Térence.859. Térence : "ah si pergis".860. Térence : "nec nihil".861. On lit chez Donat soit "deferuisse" soit "deferbuisse" selon les lemmes. Ce sont des variantes morphologiques du même verbe. On lit aussi chez Térence (et Donat le fait remarquer à la scholie 5) "deseruisse", qui oblige à comprendre tout autrement.862. "quamquamst" ou "quamquam est" chez Térence ; indifférent métriquement et sémantiquement.863. Donat connaît deux leçons, "nihil" et "nihili". Nous éditions "nihil", qui a sa préférence. Voir note apposée au texte français.864. Chez Térence "enim" au lieu de "at enim".865. Dans son lemme, Donat omet "ergo" ; plus loin, dans la scholie 199, 4, il cite cette portion (sans doute allusivement, comme souvent) sous la forme "ipsum istuc uolo experiri". Difficile d'établir ce qu'il lisait réellement.866. Un lemme entérine la présence du pronom "tu" (abrégé) mais la citation que fait Donat de ce vers à la scholie 800, 1 est "regnumne Aeschine hic possides ?". Des variantes térentiennes donnent aussi l'ordre "tu hic".867. Var. : "sim".868. Var. : "ego tibi".869. Wessner, suivant une grande partie de la tradition térentienne, place les vers 199-200 dans l'ordre que nous donnons ici. Notons qu'une autre partie de la tradition (et aussi des éditeurs modernes, par exemple Marouzeau) les inverse et qu'il est possible que Donat les donne dans l'ordre 200-199 si l'on suit l'ordre de ses scholies dans les manuscrits. Difficile néanmoins de se faire une opinion stricte là-dessus, tant l'ordre des vers suivi dans le commentaire est souvent l'objet de turbulences.870. Var. : "ferre".871. Var. : "occeperis".872. On lit aussi bien "ac tum" en deux mots, ce qui se comprend "et règle l'affaire au moment où...". Mais Donat lit "actum agam", dont il fait un proverbe. Nous éditons donc "actum" en un seul mot.873. Il faut éditer "periclum" pour que le vers soit juste. Mais les mss. de Donat ont la forme non syncopée.874. Ou "defrudet" (simple variante graphique, indifférente métriquement). Mais Donat lit, d'un lemme à l'autre, un indicatif ou un subjonctif. Nous éditons le subjonctif, qu'on lit habituellement chez Térence.875. Les éditeurs de Térence éditent en général le passif "reddatur" au sens de "que mon dû me soit rendu". Les deux possibilités sont métriquement acceptables.876. On édite d'ordinaire "homini nemini".877. "hem" edd.878. "quaero" edd.879. Var. "tristitiem".880. Var. "quo". Donat lit les deux formes alternativement dans son commentaire881. Var. "deos".882. Var. "es".883. Var. "quando hoc bene successit".884. Var. "quom". Donat a à la fois la forme "quod" et la forme "cum", d'un lemme à l'autre.885. Les mss. de Térence ont l'ordre "omnia omnes".886. Donat et certains mss. de Térence font figurer un "se" (indifférent métriquement) à côté de "circumuallant", d'autres l'ignorent. Le sens est meilleur sans le pronom, dont la présence gêne manifestement le commentateur, dont le propos est, ici, assez embarrassé.887. Var. "saeclum".888. La leçon habituelle a l'indicatif "loquitur" ; de fait, le subjonctif est amétrique.889. Térence : "mihi id".890. Var. "sublimem".891. Il faut pour la métrique corriger le "perimus" de Donat et des manuscrits térentiens en "periimus".892. Térence : "omnium uitam".893. Térence : "non potis est esse".894. Térence : "testis mecum est".895. Térence : "conscia mihi sum".896. Térence : "dicis" plutôt que "dicas". Le texte de ce vers est mal assuré.897. Ou "potest", selon les manuscrits.898. Var. dans les mss de Térence : "adfuisse" (indifférent métriquement et sémantiquement).899. Var. dans les mss de Térence : "nequitiem" (indifférent métriquement et sémantiquement).900. Var. dans les mss de Térence : "ehem" (indifférent métriquement et sémantiquement).901. Var. dans les mss de Térence : "tantisper" (indifférent métriquement et sémantiquement).902. Var. dans les mss de Térence : "placent" (indifférent métriquement et sémantiquement).903. Le texte habituel de Térence est "pudet pigetque". Donat inverse l'ordre des verbes dans le lemme, mais il traite ensuite, dans son commentaire, d'abord de "pudere" ensuite de "pigere". Dans le doute, nous rétablissons le texte habituel.904. Le pronom "tu" n'a pas l'air de se trouver dans le texte que lit Donat. Mais, comme il lui arrive de temps en temps d'oublier un mot dans une séquence donnée, on ne peut pas en être sûr.905. Var. dans les mss de Térence : "sex totis" (indifférent métriquement et sémantiquement).906. Var. dans les mss de Térence : "coeperet" (indifférent métriquement et sémantiquement).907. Var. dans les mss de Térence : "oho ! lacrimo gaudio". La variante de Térence "lacrimor" (déponent) au lieu de "lacrimo" est indifférente, mais avec la préposition "prae" le vers est faux (sous réserve de ce que Donat lisait entre "indigna" et "lacrimor" et dont il ne nous dit rien). On trouve "prae" également dans le commentaire d'Eugraphius.908. Var. dans les mss de Térence : "phy!" (indifférent métriquement et sémantiquement).909. Var. dans les mss de Térence : "speculum in uitas omnium". Le texte présenté par Donat est métriquement faux.910. Var. dans les mss de Térence : "usus sit". La forme "opus siet" est possible si on scande "opu'".911. Var. dans les mss de Térence : "obtemperet". Donat cite le vers avec l'indicatif (que nous citons) au commentaire au vers 769, 2.912. Le mot "iam" ne figure pas dans le lemme commenté : c'est sans doute un autre cas d'oubli d'un mot dans une série un peu longue.913. Variante dans les manuscrits de Térence : "facinus".914. Variante dans les manuscrits de Térence : "nihili".915. Variante dans les manuscrits de Térence : "periimus".916. Variante dans les manuscrits de Térence : "functus officium est".917. Variante dans les manuscrits de Térence : "quid".918. Variante dans les mss. de Térence : "ipsus".919. Variante dans les manuscrits de Térence : "ut captust seruolorum".920. Donat lit "ita faciam" au lieu de "nitar faciam" qu'on trouve dans les mss. de Térence. Le remplacement de "nitar" par "ita" (sans préjuger de ce que Donat lisait au début et à la fin du vers) rend le vers faux. Comme "ita" n'est pas l'objet du commentaire, il est possible qu'il procède d'une mauvaise lecture par un scribe ancien de "nitar".921. Les mss de Donat hésitent entre "hic" et "hoc" et Donat, de fait, parle de la forme "hoc" en 507, 4. Nous éditons donc "hoc".922. si qui ed.923. Variante: "in mentem".924. sit ed.925. Les lemmes du commentaire semblent offrir trois lectures différentes : "ne ego infelix sum" ; "ne ego homo sum infelix" (confirmée par la scholie 789, 4) et peut-être "ne ego sum infelix". Le même vers offre de multiples variantes dans les mss. de Térence. Nous éditons le texte du premier lemme de Donat, qui, tel quel, n'est pas métrique, sauf à savoir exactement ce que Donat lisait entre ce début et la fin du vers, également mis en lemme.926. Chez Térence, on a "non tu eum rus hinc modo / produxe aibas".927. nouerim edd.928. Var. "bene".929. "Aeschinus otiose cessat" edd.930. ortum est edd.931. expostules edd.932. Chez Térence, on a "illam".933. La tradition manuscrite donne "claudier" ou "claudere".934. "certum siet" edd.935. Les éditeurs de Térence ont "iam", que Donat signale à titre de variante.936. Var. "istas".937. Le texte de Térence n'a pas "esse", qui rend le vers amétrique. Mais la scholie 660, 1 le fait apparaître dans les mss. de Donat (contre Wessner : voir les notes apposées au commentaire original et traduit à cet endroit).938. Var. "atque etiam si est pater / dicendum magis aperte".939. Les ms. de Térence ont "illa", mais Donat cite "illam" à titre de variante, texte qu'il est le seul à donner.940. Var. "ridiculum".941. Les mss. de Térence ont "ista". La forme donnée par Donat est amétrique.942. Var. "mihi ipsum".943. Variante "proloqui".944. Chez Térence : "num nunc".945. Var. "potest". Donat paraît lire aussi une variante "pote".946. Var. "escendit".947. Var. "sunt".948. Chez Térence, "hic" appartient au vers suivant. Il semble faire partie du vers 708 dans les mss. de Donat, quoique la chose soit difficile à établir définitivement.949. Var. "O".950. "Fieri" n'est pas chez les éditeurs de Térence. Mais on ne sait trop ce que Donat lisait autour. En tout cas, tel quel, le vers est amétrique.951. Var. "ipsa re".952. Var. "tibi istuc".953. L'ordre des mots chez Térence est "quin iam uirginem" en fin de vers 734.954. Var. "hominum".955. "Ita" ne figure pas dans le lemme de Donat. Il est dans le texte de Térence. On peut supposer que Donat, comme cela lui arrive, a cité sans exactitude.956. On a les deux variantes "hilarum" et "hilarem" dans les lemmes du commentaire et dans la scholie. Nous choisissons "hilarum" qui est réputé par Donat être la forme archaïque.957. Var. "fundis".958. Var. "potatis".959. Var. "huc".960. Var. "quo".961. Var. "abit".962. Var. "comissatorem".963. Var "ilicet".964. Variante "nata oratiost" dans les manuscrits de Térence et chez Donat même dans la scholie 803.965. On ne sait où Donat plaçait la forme "tollebas", qui ne figure pas dans son lemme ni dans la scholie.966. Var. "quo".967. Var. "inesse in illis".968. Var. "ad omnia alia".969. Le dernier mot du vers n'est pas cité par Donat dans le lemme, qui le saute.970. Donat lit soit "subuertat" soit "subuertit" selon la valeur de la particule "-ne", objet du commentaire 835, 2.971. Var. "tempus fert".972. Le pronom "ego" est sauté dans le lemme de Donat.973. Difficile de dire, faute de le voir inscrit dans un lemme, si Donat lit "hilarum" ou "hilarem" dans ce vers, mais dans son commentaire il utilise une reformulation avec l'adjectif "hilaris", qui pourrait nous faire préférer la forme "hilarem". Voir sur cette question les scholies 522 (citant le vers 287), 755, 3 et 756, 1.974. Var. "fac".975. Var. "prorsum illi alligaris".976. Dans plusieurs éditions de Térence, "atque" est le dernier mot du vers 846, en sorte que, pour préserver l'usage de l'édition Wessner, il faudrait soit affecter la scholie 846 du numéro 845, 3, soit supprimer "atque" du lemme, soit le considérer comme un mot du scholiaste et non comme un bout de lemme. Mais dans le commentaire, la coordination copulative standard de début de scholie est "et" et non "atque". Comme c'est un détail sans enjeu, nous ne modifions pas la numérotation Wessner mais rapatrions "atque" au début du vers 846, comme dans une bonne partie de la tradition térentienne d'ailleurs.977. Variante "decurso" qui se trouve aussi chez Donat, selon les lemmes.978. Var. "hoc".979. Var. "hic".980. Var. "cura".981. Var. "uti".982. Var. "ehem".983. Var. "hanc in horto".984. Le gros de la tradition térentienne a "ille". Eugraphius ad loc. connaît aussi une forme "illuc".985. Var. "iam diu haec".986. Var. "agelli est hic sub urbe paullum". Chez Donat, en outre, l'adverbe "hic" n'est pas donné dans le lemme.987. Le segment "esse aequum" manque dans le lemme 959, 2 mais on ne peut en inférer qu'il manque dans l'exemplaire de Donat, qui a fait un raccourci.988. Var. "offerant".989. Par raccourci, Donat saute le segment "porro Micio" dans le lemme 979, 2.

Citations

1. senes qui primi uenient (TerHec. 23)2. is quoniam moritur - ita auido ingenio fuit (PlautAul. 9)3. fatis Iunonis iniquae (VergAen. 8, 292)4. praeterea regem non sic Aegyptus et i. ingens L. Lydia n. nec p. populi P. Parthorum a. aut M. Medus H. Hydaspes o. obseruant (VergGeo. 4, 210)5. obseruatote ut blande palpetur mulieri (PlautAmp. 507)6. sume pater (VergAen. 5, 533)7. aemulari exoptat neglegentia (TerAnd. 20)8. nam ego hanc machaeram me c. consolari u. uolo (PlautMil. 5)9. adiutamini (PacuvChrys. Ribb. trag. p. 101)10. obseruabam mane illorum seruulos uenientis aut abeuntis (TerAnd. 83)11. neque seruulorum quisquam qui aduersum ierant (TerAd. 27)12. nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas (VergAen. 2, 25)13. et mihi iam multi crudele canebant artificis scelus et taciti uentura uidebant (VergAen. 2, 124)14. nunc si quis est, qui hoc dicat aut sic cogitet (TerPho. 12)15. quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat (TerAd. 30)16. ego quia non rediit filius quae cogito (TerAd. 35)17. aut tete amari (TerAd. 33)18. adulescentem adeo nobilem (TerEun. 204)19. ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ λαμβάνω (MenAd. frg. incogn.)20. contra haec omnia (TerAd. 44)21. duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi! nati filii: alia cura (TerAd. 867-868)22. e praedonibus, unde emerat, se audisse abreptam e Sunio (TerEun. 114-115)23. educet siluis regem regumque parentem (VergAen.6, 765)24. semper eius dicta est haec atque habita est soror (TerAnd. 809)25. ita habeantur atque dicantur (CicVerr. 2, 2, 87)26. ut illa illum contra: qui est amor cultu optimus (PlautMil. 101)27. psaltriam nobis, si dis placet, parauit (TerAd. 476)28. cur potat? (TerAd. 62)29. cur tu in his rebus sumptum suggeris? ()30. praetermitto (TerAd. 51)31. si sperat fore clam rursus ad ingenium redit (TerAd. 71)32. stetit acri fixa dolore, tunc quassans caput hanc effundit pectore uocem (VergAen. 7, 291-292)33. credo iam ut solet iurgabit (TerAd. 79)34. erubuit: salua res est (TerAd. 643)35. in ore gentibus agens (SallHist. 1 frg. 59 M)36. cur amat? cur potat? (TerAd. 61-62)37. an laudi putat fore si perdiderit gnatum? (TerAd. 382-383)38. scortari (TerAd. 102)39. potare (TerAd. 102)40. fores effringere (TerAd. 102)41. magna sunt enim ea quae dico, mihi crede: noli haec contemnere (CicCaecil. 39)42. qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat (TerAd. 99)43. nihil quicquam iniustius homine imperito (TerAd. 98)44. memini me fieri pauum (EnnAnn. 1 frg. 17 M)45. illi mea tristia facta degeneremque Neoptolemum narrare memento (VergAen. 2, 548-549)46. cur amat (TerAd. 61)47. non est flagitium adulescentulum scortari (TerAd. 101)48. consiliis ego pater sum (TerAd. 126)49. donec me flumine uiuo abluero (VergAen. 2, 719-720)50. i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas (VergAen. 4, 381)51. meus est factus (TerAd. 115)52. sit rogas? sensi. nam unam ei cenam atque eius comitibus dedi (TerHeaut. 454-456)53. ea ne me celet consuefeci filium (TerAd. 54)54. neque nihil (TerAd. 141)55. aegre pati (TerHec. 143)56. ut homo est, ita morem geras (TerAd. 431)57. credo iam omnium taedebat et dixit uelle uxorem ducere (TerAd. 150-151)58. miserum (TerAd. 155)59. innocentem (TerAd. 155)60. ferte auxilium (TerAd. 155)61. constitit in digitos extemplo arrectus uterque (VergAen. 5, 426)62. numquam omnes hodie moriemur inulti (VergAen. 2, 670)63. iniuria (TerAd. 162)64. tu, dum tuas iniurias per te - id quod non potes - persequi conaris (CicCaecil. 53)65. ne tantulum quidem commotus est (CicVerr. 2, 2, 124)66. i prae, sequor (TerAnd. 171)67. praediuitis urbe Latini (VergAen. 11, 213)68. templum de marmore ponam propter aquam (VergGeo. 3, 13-14)69. iam melior, iam diua parens (VergAen. 12, 179)70. animo ac uirtutibus (LucilSat. H 35 Charpin)71. per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor, hanc animam serues natoque patrique (VergAen. 10, 524-525)72. persuasit ille impurus, sat scio (TerAd. 360)73. fores effregit atque in aedes irruit alienas (TerAd. 88-89)74. uis (TerAd. 186)75. mitte ista atque ad rem redi (TerAd. 185)76. ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in usus (VergAen. 4, 646-647)77. rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos ad limina misit (VergAen. 7, 220-221)78. pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam! (TerAd. 111)79. ipsum istuc uolo experiri (TerAd. 172)80. quique sui memores alios fecere merendo (VergAen. 6, 664)81. numquam, regina, negabo promeritam (VergAen. 4, 334-335)82. mox, cras redi (TerAd. 204)83. dein quaestum occipit (TerAnd. 79)84. mussat rex ipse Latinus (VergAen. 12, 657)85. audire uocem uisa sum militis (TerEun. 454)86. salue mi Thraso (TerEun. 455)87. miles, nunc adeo edico tibi (TerEun. 806)88. concertasse (TerAd. 211)89. uelocis iaculi c. certamina p. ponit i. in u. ulmo (VergGeo. 2, 530)90. usque os praebui (TerAd. 215)91. numquam omnes hodie moriemur inulti (VergAen. 2, 670)92. meo iure utar, ut potior sit, qui prior ad dandum est (TerPho. 533)93. pecuniam in loco neglegere maximum interdum est lucrum (TerAd. 215-216)94. proficisci (TerAd. 224)95. aiunt (TerAd. 224)96. sic te diua potens Cypri (HorCarm. 1, 3, 1)97. numquam dimoueas, ut trabe Cypria Myrtoum pauidus nauta secet mare (HorCarm. 1, 1, 13-14)98. actum aiunt ne agas (TerPho. 419)99. minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male (TerAd. 191-192)100. uide, quod inceptet facinus (TerHeaut. 600)101. ut temporibus rei publicae cedat, non est postulandum (CicCat. 1, 22)102. nec tibi de sorte in d. d??? c. c??? (Verg. frg. incogn.)103. accipienda et mussitanda (TerAd. 207)104. etiam insuper defraudat? (TerAd. 246)105. plus quingentos colaphos infregit mihi (TerAd. 200)106. nunc uide utrum uis: argentum accipere an causam meditari tuam (TerAd. 195)107. scio me D. Danais e c. classibus u. unum (VergAen. 3, 602)108. Syre (TerAd. 247/TerAd. 249)109. o frater frater (TerAd. 256)110. et fratrem ne desere, frater (VergAen. 10, 600)111. tu nunc C. Carthaginis a. altae f. fundamenta l. locas (VergAen. 4, 265-66)112. ridiculum caput (TerAnd. 371)113. quam uenuste quod dedit principium adueniens! (TerEun. 457-458)114. nihil potest supra (TerAd. 264)115. hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc operam (VergAen. 6, 331-332)116. annua magnae sacra refer Cereri laetis operatus in herbis (VergGeo. 1, 338-339)117. hic ego illum contempsi prae me (TerEun. 239)118. omnia Mercurio similis uocemque c. coloremque (VergAen. 4, 558)119. minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male: argenti tantum dabitur (TerAd. 191-192)120. in tuto est omnis res (TerAd. 267)121. iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster, quid fit, quid agitur? (TerAd. 884-885)122. iam debacchatus es, leno (TerAd. 184)123. diuiduum face (TerAd. 241)124. cupide accipiat faxo (TerAd. 209)125. irritata canis quam homo quam planius dictat (LucilSat. 1, frg. 3 Charpin)126. plenus, inquit, rimarum sum, hac atque illac perfluo (TerEun. 105)127. daturne illa Pamphilo (TerAnd. 301)128. illa quidem nostra erit (TerPho. 134)129. nam hunc diem misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere (TerAd. 521-522)130. Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem (VergAen. 4, 634)131. quaeque i. ipse m. miserrima u. uidi et q. quorum p. pars m. magna (VergAen. 2, 5)132. Annam, cara m. mihi n. nutrix , h. huc s. siste s. sororem (VergAen. 4, 634)133. miserae hoc tamen unum exsequere, Anna, mihi (VergAen. 4, 420-421)134. nam numquam unum intermittit diem (TerAd. 295)135. puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust (LucilSat. Sept 17 Charpin)136. quod melius haud fieri potuit quam factum est (TerAd. 295)137. omnes in hoc iudicio conentur omnia (CicVerr. 2, 1, 15)138. omnia secum a. armentarius A. Afer a. agit tq. tectumque lq. laremque aq. armaque Aq. Amyclaeumque c. canem Cq. Cressamque p. pharetram (VergGeo. 3, 343-345)139. pressi undique multitudine (SallHist. 5 frg. 8 M)140. qui semper premuntur et numquam emergunt (CicCat. 2, 21)141. quando ego conscia sum mihi, a me culpam esse hanc procul, neque pretium neque rem ullam intercessisse (TerAd. 348-349)142. o tempora, o mores! (CicCat. 1, 2/CicDej. 31)143. quae te tam laeta tulerunt saecula? (VergAen. 1, 605-606)144. cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia mater (VergBuc. 5, 22-23)145. quem non incusaui amens hominumque deorumque (VergAen. 2, 745)146. nam quid ego dicam de patre (TerAnd. 17)147. itane tandem uxorem duxit Antipho (TerPho. 231)148. o facinus audax! o Geta monitor! (TerPho. 233-234)149. uix tandem (TerPho. 234)150. nam ut ex mari timida es (PlautBac. 106)151. nunc dextra ingeminans, nunc ille sinistra (VergAen. 5, 457)152. num fletu ingemuit nostro? num lumina flexit? num lacrimas uictus dedit aut miseratus amantem est? (VergAen. 4, 369-370)153. quae causa indigna serenos foedauit uultus? (VergAen. 2, 285-286)154. carcer, uix carcere dignus (LucilSat. H 91 Charpin)155. neque animo neque auribus aut lingua satis competere (SallHist. 1 frg. 136 M)156. tuaque animam hanc effundere dextra (VergAen. 1, 198)157. hunc ego te, Euryale, aspicio? (VergAen. 9, 481)158. hanc igitur redarguit Tarquitius (SallHist. 3, frg 81 M)159. te Turne superbum caede noua quaerens (VergAen. 10, 514-515)160. igneus est ollis uigor et caelestis origo seminibus (VergAen. 6, 730-731)161. cui fracta prius crura bracchiaque (SallHist. 1 frg. 44 M)162. ensemque cruore spumantem sparsasque manus (VergAen. 4, 664-665)163. spargite humum foliis (VergBuc. 5, 40)164. sparserat et latices simulatos f. fontes A. Auerni (VergAen. 4, 512)165. ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur (SallHist. 2 frg. 101 M)166. ipse ruit dentesque Sabellicus e. exacuit s. sus (VergGeo. 3, 255)167. hac rabiosa fugit canis, hac lutulenta ruit sus (HorEp. 2, 2, 75)168. cursu palantis T. Troas ag. agebat (VergAen. 5, 265)169. agit uentos (VergAen. 4, 245)170. nusquam tuta fides (VergAen. 4, 373)171. pro Iuppiter, ubinam est fides? (TerHeaut. 256)172. non lacrimis h. hoc t. tempus a. ait S. Saturnia I. Iuno (VergAen. 12, 156)173. pro uirgine dari nuptum (TerAd. 346)174. nunc plane est pro noua (TerHec. 5)175. plurima salute Parmenonem summum suum impertit Gnatho (TerEun. 270-271)176. per caput h. hoc i. iuro p. per q. quod p. pater a. ante s. solebat (VergAen. 9, 300)177. posthabita coluisse Samo (VergAen. 1, 16)178. non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium? (TerAd. 94-95)179. nec uero Aeacidem me sum l. laetatus e. euntem a. accepisse (VergAen. 6, 392)180. in his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri impudicique uersantur (CicCat. 2, 23)181. nisi quicquid est uolo scire atque hominem conuenire, si apud forum est (TerAd. 153-154)182. omnis humo fumat N. Neptunia T. Troia (VergAen. 3, 3)183. ubi Aeschinus siet (TerAd. 82-83)184. cur tu his rebus sumptum suggeris? (TerAd. 62)185. ea distributum (TerAd. 371)186. columen familiae, bone custos, salue (TerPho. 287)187. o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 883)188. rationem (TerAd. 375)189. argitisque minor (VergGeo. 2, 99)190. aegre est, alienus non sum (TerAd. 137)191. quod ante pedes est, non uident: caeli scrutantur plagas (EnnIph. frg. 8 Ribb.)192. ellum confidens catus (TerAnd. 855)193. nimia est miseria, nimis pulchrum esse hominem (PlautMil. 68)194. sed Syrum -quid eum? (TerHeaut. 950)195. equarum greges istum abigendos curasse (CicVerr. 2, 1, 28)196. rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium (TerAd. 95)197. quid ueniant (VergAen. 1, 518)198. id quod te oro (TerAnd. 556)199. quid? istaec iam penes uos psaltria est? (TerAd. 388)200. Demeam de eo, quem et superius laudauerit non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac sobrium? (TerAd. 94-95)201. non tu hoc argentum perdis (TerAd. 410)202. sedulo moneo, quae possum pro mea sapientia (TerAd. 426)203. tu quoque aderas huic causae (CicDict. 9 M)204. obsequium amicos, ueritas odium parit (TerAnd. 68)205. di meliora piis e. erroremque h. hostibus i. illum (VergGeo. 3, 513)206. in eo me oblecto, solum id est carum mihi (TerAd. 49)207. quando ita uult frater, de istoc ipse uiderit (TerAd. 437)208. ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti (TerAd. 131-132)209. restare (TerAd. 445)210. dabit ille ruinas a. arboribus s. stragemque s. satis (VergAen. 12, 453-454)211. perii! is mihi, ubi adbibit plus paulo, sua quae narrat facinora! (TerHeaut. 220)212. in ore est omni populo (TerAd. 93)213. coluit nos (TerAd. 352)214. hanc mihi in manum dat, mors continuo ipsam occupat (TerAnd. 62)215. post defectionem sociorum et Latii (SallHist. 1 frg. 22 M)216. unius ob iram prodimur (VergAen. 1, 251-252)217. prodidisti et te et illam miseram et gnatum, quod quidem in te fuit (TerAd. 692)218. qui libertos habent, eos deserunt (PlautCurc. 548)219. en ego uicta situ (VergAen. 7, 452)220. pulsus ego? (VergAen. 11, 392)221. κέλεαι δέ με πάντ᾽ ἀποδοῦναι (HomIl. 1, 134)222. οὐκ ἐθέλω πολεμιζέμεν Ἕκτορι... νηήσας εὖ νῆας (HomIl. 9, 356-358)223. quid hoc illecebrosius fieri potest, nox mulier uinum, homini adulescentulo? (PlautBac. 87-88)224. dum in dubio est animus, paulo momento huc uel illuc impellitur (TerAnd. 266)225. tu nihil nisi sapientia es, ille somnium (TerAd. 394-395)226. cum uirgine una adulescens ut129 cubuerit plus potus, se abstinere ut potuerit? non ueri simile dicis nec uerum arbitror (TerHec. 138-140)227. Bacchus et ad culpam causas dedit (VergGeo. 2, 455)228. rogare et orare (CicCaecil. 3)229. imus uenimus uidemus (TerPho. 103-104)230. ultro uenerat (TerAd. 472)231. lacrimans (TerAd. 472)232. orabat (TerAd. 472)233. obsecrabat (TerAd. 472)234. fidem dabat (TerAd. 472)235. iurabat (TerAd. 472)236. neque boni neque liberalis functus est officium uiri (TerAd. 463-464)237. uti seruorum captus est, facillime domo atque nostra familia prouenditur (AfrSim. frg. 9 Ribb.)238. hunc abduce, uinci, quaere rem (TerAd. 482)239. tu Voluse, armari Volscorum edice maniplis (VergAen. 11, 463)240. funditque has ore querelas (VergAen. 5, 842)241. facile uictum q. quaerere (TerEun. 260)242. ipse sentiet posterius (TerAd. 139-140)243. duc me intro ad Sostratam (TerAd. 506)244. eamus intro (TerPho. 1054)245. intus despondebitur, intus transigetur, si quid est quod restet (TerAnd. 980-981)246. deos quaeso, ut adimant et patrem et matrem meos (NaevTrib. Ribb.)247. ita quaeso, quando bene successit, hilarem hunc sumamus diem (TerAd. 287)248. ut ne quid nimis (TerAnd. 61)249. οὐ φθέγξῃ ; λύκον εἶδες (TheocrId. 14, 22)250. uox quoque Moerim iam fugit ipsa, lupi Moerim u. uidere p. priores (VergBuc. 9, 53-54)251. ne illi uehementer errant (CicCat. 2, 6)252. disperii (TerAd. 355)253. defessus sum (TerAd. 713)254. disperii (TerAd. 355)255. quam mox irruimus? (TerEun. 788)256. hac lutulenta ruit sus (HorEp. 2, 2, 75)257. ipse ruit dentesque S. Sabellicus e. exacuit s. sus (VergGeo. 3, 255)258. etiam tu hoc respondes? (TerAnd. 849)259. abigam hinc rus (TerAd. 401)260. durate et uosmet rebus seruate secundis (VergAen. 1, 207)261. occidit (TerAd. 559)262. quem egomet produxi (TerAd. 402)263. produxi... iratum admodum (TerAd. 402-403)264. nihil reticuit (TerAd. 405)265. spero, est similis maiorum suorum (TerAd. 411)266. laudo, Ctesipho (TerAd. 564)267. patrissas: uirum te iudico (TerAd. 564)268. numquam omnes h. hodie m. moriemur i. inulti (VergAen. 2, 670)269. ergo age, care p. pater , c. ceruici i. imponere n. nostrae (VergAen. 2, 707)270. templum de m. marmore p. ponam p. propter a. aquam (VergGeo. 3, 13-14)271. propter aquae riuum sub ramis arboris altae (Lucr. 5, 1392)272. ad Iouis mane ueni (SallHist. frg. inc. 26 M)273. iam melior, iam diua, precor (VergAen. 11, 179)274. uos quoque Pergameae i. iam f. fas est p. parcere g. genti , d. dique d. deaeque o. omnes (VergAen. 6, 63-64)275. carpit enim uires paulatim u. uritque u. uidendo f. femina (VergGeo. 3, 215)276. carpamus, dum mane nouum, dum gramina crescunt (VergGeo. 3, 325)277. indulge genio, carpamus dulcia (Pers. 5, 151)278. nec te tua f. funera m. mater p. produxi (VergAen. 9, 486-487)279. qui egomet produxi (TerAd. 402)280. nam et illi animum releuabis (TerAd. 602)281. o praestans animi i. iuuenis (VergAen. 12, 19)282. curre, obstetricem accerse (TerAd. 354)283. ex Andro commigrauit huc uiciniae (TerAnd. 70)284. ualeant qui inter nos discidium uolunt (DonAnd. 696-697)285. cum spumeus a. amnis e. exiit o. oppositasque e. euicit g. gurgite m. moles (VergAen. 2, 496)286. abducimus tuam Bacchidem (TerHeaut. 311)287. enimuero, Daue, nihil loci est segnitiae neque socordiae (TerAnd. 206)288. totus, Parmeno, t. tremo h. horreoque , p. postquam a. aspexi h. hanc (TerEun. 83-84)289. denique alii clanculum patres quae faciunt, quae fert adulescentia, ea ne me celet, consuefeci filium (TerAd. 52-54)290. uide num eius color pudoris signum usquam indicat (TerAnd. 878)291. in eo me oblecto, solum id est carum mihi (TerAd. 49)292. quam hic non amauit meretricem aut cui non debuit aliquid? (TerAd. 149)293. neque enim huc diu commigrauerunt (TerAd. 649)294. me aduocatum abduxit a foro (TerAd. 645-646)295. et clandestina ut celetur consuetudo (PlautAmph. 490)296. illum absens absentem auditque uidetque (VergAen. 4, 83)297. fratrem n. ne d. desere f. fratrem (VergAen. 10, 600)298. est haec caterua plane gladiatoria, cum suum sibi alius socius socium sauciat (CaecilExhautuhestos frg. inc. Ribb. p. 48)299. quis tibi n. nunc 163, D. Dido , c. cernenti t. talia s. sensus (VergAen. 4, 408)300. qui tunc Romanis imperator erat (SallJug. 7, 4)301. sedeant spectentque Latini (VergAen. 12, 15)302. quid sedes Verres? quid exspectas? (CicVerr. 2, 2, 191)303. grandis natu parens adductus ad supplicium (CicVeerr. 2, 2, 76)304. commenta mater est esse ex alio uiro nescio quo puerum natum (TerAd. 657-658)305. tibi uero quid istic est rei? (TerAd. 644)306. nihil mihi quidem (TerAd. 644)307. nec plura querentem passa Venus m. medio s. sic if. interfata d. dolore e. est (VergAen. 1, 385-386)308. ita uelim deos mihi propitios, ut cum illius temporis mihi uenit in mentem (CicCaecil. 41)309. pro di immortales! ubinam gentium sumus? quam rem publicam habemus? in qua urbe uiuimus? (CicCatil. 1, 9)310. iam id peccatum primum magnum, at humanum tamen (TerAd. 687)311. numquid circumspexti (TerAd. 689)312. quod in familia nostra fuit, praestitit, ut in omnibus bellis adesset uobis (SallJug. 14, 13)313. senator populi Romani, quod in uobis fuit, iacuit et pernoctauit in publico (CicVerr. 2, 4, 25)314. unius ob iram prodimur (VergAen. 1, 251-252)315. ne quid nimis (TerAnd. 61)316. uos istaec intro auferte: abite (TerAnd. 28)317. adulescenti ipsi eriperem oculos (TerAd. 318)318. omnia t. tuta t. timens (VergAen. 4, 298)319. tu, genitor, cape sacra manu p. patriosque p. penatis (VergAen. 2, 717)320. boni illius adulescentis (TerAd. 722)321. ecce autem gemini a T. Tenedo t. tranquilla p. per a. alta h. horresco r. referens (VergAen. 2, 203-204)322. ecce trahebatur p. passis P. Priameia u. uirgo c. crinibus a t. templo (VergAen. 2, 303-404)323. ecce autem repente, ebrio Cleomene, cunctis esurientibus (CicVerr. 2, 5, 87)324. Pollio et ipse facit noua carmina (VergBuc. 3, 86)325. uirum te iudico (TerAd. 564)326. pacem Troiano ab r. rege p. petendum (VergAen. 11, 230)327. ah uirgo infelix (VergBuc. 6, 47)328. simulare certe est hominis (TerAd. 734)329. libentiorem te faciam quam Libentia est (PlautAsin. 268)330. quicquid esset bellissimum carperes cyathosque sorbilares (TerAd. 590-591)331. pede prosubigit terram (VergGeo. 3, 256)332. ἀμφιπερικρήνην (HomIl 2, 305)333. quem ego modo puerum tantillum in manibus gestaui meis (TerAd. 563)334. tu quantus quantus es, nihil nisi sapientia es (TerAd. 394)335. nam quid tu agas, ubi si quid bene praecipias, nemo obtemperat (TerAd. 434)336. exemplum disciplinae (TerAd. 767)337. et crimine ab u. uno d. disce o. omnis (VergAen. 2, 65)338. ubi uis (TerAd. 788)339. quid faceret? (VergGeo. 4, 504)340. quo se rapta bis coniuge ferret? (VergGeo. 4, 504)341. quo fletu Manes (VergGeo. 4, 505)342. quae numina uoce moueret? (VergGeo. 4, 505)343. quid tristis es? (TerAd. 81)344. rogas me, ubi nobis Aeschinus siet? quid tristis ego sim? (TerAd. 82)345. disperii! Ctesiphonem audiui filium una fuisse in raptione cum Aeschino (TerAd. 355-356)346. ne ego homo sum infelix (TerAd. 540)347. iam caelum terramque m. meo s. sine n. numine , u. uenti , m. miscere (VergAen. 1, 133-134)348. γαῖα δ᾽ ἔτι ξυνὴ πάντων καὶ μακρὸς Ὄλυμπος (HomIl. 15, 193)349. interdum tamen et uocem comoedia tollit (HorArs 93)350. principio maria ac terras c. caelumque p. profundum (VergAen. 1, 58)351. omnia uel medium fiat mare (VergBuc. 8, 58)352. quem non incusaui amens hominumque deorumque? (VergAen. 2, 745)353. atque deos atque a. astra u. uocat c. crudelia m. mater (VergBuc. 5, 23)354. uerum ubi nulla f. fugam r. reperit f. fallacia , u. uictus ad se redit (VergGeo. 4, 443-444)355. redit ad se atque ad mores suos (CicCaecil. 57)356. nucleum amisi, retinui pignoris putamina (PlautCapt. 655)357. multa putans (VergAen. 6, 332)358. mitte ista atque ad rem redi (TerAd. 185)359. ambos curare propemodum reposcere illum est quem dedisti ()360. regnumne, Aeschine, hic possides? (TerAd. 175)361. pacem te poscimus omnes, Turne (VergAen. 11, 362)362. nunc demum istaec nata oratio est (TerAd. 805)363. eunuchum quem dedisti quas turbas dedit! (TerEun. 633)364. faeneratum istuc beneficium pulchre tibi dices (TerPho. 493)365. memorem me dices esse et gratum (TerAd. 251)366. dissimilis res sit (TerAd. 825)367. ubi te uidi animo esse omisso (TerHeaut. 962)368. ne ab re sint tamen omissiores paulo (TerAd. 830-831)369. iam uero omitte, Demea, tuam istam iracundiam (TerAd. 754-755)370. mihi sese dare, sermonem quaerere (TerEun. 516)371. ceruiculam iactaturum et populo se ac coronae daturum (CicVerr. 2, 3, 49)372. cum filio ibo hinc (TerAd. 840-841)373. illam uero abstraham (TerAd. 842-843)374. ibo hinc (TerAd. 841)375. uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam (LucilSat. frg. inc. 111 M)376. et torrere parant f. flammis e. et f. frangere s. saxo (VergAen. 1, 179)377. at ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum (TerEun. 244)378. re ipsa repperi facilitate nihil esse homini melius neque clementia (TerAd. 860-861)379. magnam pugnauimus pugnam (LucilSat. frg. inc. 111 M)380. seras potiuntur plagas (AccClyt. frg. VII Dangel)381. o quam te me. memorem u. uirgo ? n. namque h. haud t. tibi u. uultus m. mortalis n. nec u. uox h. hominem s. sonat (VergAen. 1, 327-328)382. descendo ac d. ducente d. deo f. flammam i. inter et h. hostis exp. expedior (VergAen. 2, 632-633)383. iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 884-885)384. uadimus inmixti Danais h. haud n. numine n. nostro (VergAen. 2, 396)385. ut ne quid nimis (TerAnd. 61)386. iam nunc haec tria primum addidi praeter naturam: o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 883)387. nimis sanctas nuptias student facere ()388. quid tu mihi parasitos, luscos, quid Summanos somnias? (PlautCurc. 546)389. posthabita c. coluisse S. Samo (VergAen. 1, 16)390. quin agite et m. mecum inf. infaustas exu. exurite p. puppis (VergAen. 6, 635)391. anum decrepitam ducam (TerAd. 939)392. auctor ego a. audendi (VergAen. 12, 159)393. hic tum alius ex alia parte (CicVerr. 2, 1, 66)394. uno uerbo dic, si quid est quod me uelis (TerAnd. 45)395. miseram me, quod uerbum audio! (TerAnd.240)396. facis melius quam pars lenonum, qui libertos habent et eos deserunt (PlautCurc. 547-548)397. unius usuram horae gladiatori isti non dedissem (CicCatil. 1, 29)398. quod te isti facilem et festiuum putant (TerAd. 986)

Notice Editoriale

Aelii Donati in Adelphos Terenti commentum
[fr] Commentaire d'Aelius Donat aux Adelphes de Térence[en] Aelius Donatus' Commentary on Terence's Adelphi (The Brothers)Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti (Vol. 1.3)

Ediderunt, interpretati sunt et adnotauerunt :

[fr] Edition, traduction et commentaire :[] Edition, translation and commentary by :Bruno Bureau (PR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Christian Nicolas (PR) - Université Jean Moulin-Lyon 3

Auxilio editoribus fuerunt :

[] Assistants à l'édition :[] Assistants to Editors :Sarah Laborie (Professeur agrégé, ex ADR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Cécile Parras (ADR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Marie Rébeillé-Borgella (Professeur agrégé, ex ADR) - Anne Riocreux (Professeur agrégé) - EditeurUniversité Jean Moulin-Lyon 3UMR 5189 (HiSoMA)AHN (Atelier des Humanités Numériques) ENS LyonLyon2011-05-25

Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti 1.3

Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti accedunt Eugraphi Commentum et Scholia Bembina recensuit Paulus Wessner, Lipsiae, in Aedibus B. G. Teubneri, 1902, tomus alter.Editio textus latini sine ulla translatione a pagina tomi alterius editionis Pauli Wessner 3 ad paginam 185. [fr] Edition en latin du commentaire pages 3-185 de l'édition Wessner, tome 2.[en] Latin text without translation corresponding to pages 3-185 of Wessner's edition, vol. 2.

Collection

Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti
[fr] Commentaires de Donat aux comédies de Térence[en] Donatus' Commentary on TerenceAeli Donati quod fertur Commentum Terenti (Vol. 1)EditeurUniversité Jean Moulin-Lyon 3UMR 5189 (HiSoMA)AHN (Atelier des Humanités Numériques) ENS LyonLyon2009-07-27