Aelii Donati in Adelphos Terenti commentum
Praefatio
1 storax non rediit hac
nocte a cena aeschinvs 1 Haec
fabula palliata Adelphoe, ut ipsum indicat nomen, et plurali numero,
cum sit una, et genere masculino, cum sit comoedia, et Graeca
lingua, cum sit Latina, censetur. potuit eam Terentius Fratres dicere, sed et Graeci nominis
euphoniam perderet et praeterea togata uideretur, ad summam non
statim intellegeretur Menandri esse, quod Terentius imprimis cupit
scire lectorem, minus existimans laudis propria scribere quam Graeca
transferre. est igitur Menandri et a fratrum facto, quibus
argumentum nititur, nomen accepit. 2 Huius tota actio cum sit mixta ex utroque genere, ut
fere Terentianae omnes praeter Heautontimorumenon, tamen maiore ex
parte motoria est; nam statarios locos perpaucos habet. 3 Prodest autem et delectat actu et
stilo. 4 In hac primae partes sunt ut
quidam putant Demeae, ut quidam Syri. quodsi est, ut primas Syrus
habeat, erunt secundae Demeae, tertiae Micionis et sic deinceps.
quamquam etiam sunt, qui putant primas Micioni dandas, secundas
Syro, tertias Demeae. nam quod ait Terentius «
senes qui primi uenient
1 » non ad partes, quas dicimus, sed ad ordinem pertinet
exeuntium personarum. 5 Hoc etiam ut
cetera huiusmodi poemata quinque actus habeat necesse est choris
diuisos a Graecis poetis. quos etsi retinendi causa inconditi
spectatoris minime distinguunt Latini comici metuentes scilicet, ne
quis fastidiosus finito actu uelut admonitus abeundi reliquae
comoediae fiat contemptor et surgat, tamen a doctis ueteribus
discreti atque disiuncti sunt, ut mox aperiemus post argumenti
narrationem1. 6 In hac prologus
aliquanto lenior inducitur; magis etiam in se purgando quam in
aduersariis laedendis est occupatus. πρότασις turbulenta est, ἐπίτασις clamosa, καταστροφή lenior. quarum
partium rationem diligentius in principio proposuimus, cum de
comoedia quaedam diceremus. 7 Haec
sane acta est ludis scaenicis funebribus
L.
Lucii
Aemilii Pauli agentibus
L.
Lucio
Ambiuio et
L.
Lucio
Minucio Prothymo, qui cum suis gregibus etiam tum
personati agebant. modulata est autem tibiis dextris, id est Lydiis,
ob seriam grauitatem, qua fere in omnibus comoediis utitur hic
poeta. 8 Saepe tamen mutatis per
scaenam modis cantata, quod significat titulus scaenae habens
subiectas personis litteras M.M.C.; item deuerbia ab histrionibus
crebro pronuntiata sunt, quae significantur D. et V. litteris
secundum personarum nomina scriptis in eo loco, ubi incipit
scaena. 9 Adnotandum sane, quod haec
fabula προτατικὸν
πρόσωπον non habeat, hoc est personam, quae ad argumentum
nihil attineat quaeque sit adsumpta extrinsecus, ut est in Andria
Sosia. 10 Hanc dicunt ex Terentianis
secundo loco actam etiam tum rudi nomine poeta itaque sic
pronuntiatam Adelphoe Terenti,
non Terenti Adelphoe, quod
adhuc magis de fabulae nomine poeta quam de poetae nomine fabula
commendabatur. 11 In hac spectatur,
quid intersit inter rusticam uitam et urbanam, mitem et asperam,
caelibis et mariti, ueri patris et per adoptionem facti. quibus
propositis ad exemplum imitanda perinde fugiendaque Terentius
monstrans artificis poetae per totam fabulam obtinet laudem.
1 storax non rediit hac
nocte a cena aeschinvs203
cette comédie palliata des Adelphes, comme son nom
l'indique, a apparemment un titre au pluriel, bien qu'elle soit
unique, de genre masculin, bien que ce soit une comédie, et est en
langue grecque, bien qu'elle soit latine. Térence aurait pu
l'intituler Fratres (Les
Frères), mais alors il aurait perdu l'euphonie qu'apporte le nom
grec et, en outre, la pièce aurait été considérée comme une togata
et, au total, n'aurait pas été comprise d'emblée comme une pièce de
Ménandre, chose que Térence souhaite faire savoir au lecteur en
premier lieu, dans l'idée qu'il y a moins de gloire à écrire une
comédie originale qu'à en traduire une du grec. C'est donc une pièce
de Ménandre, intitulée à partir d'un fait qui concerne des frères,
sur lesquels s'appuie l'argument204. 2 L'action
entière de cette pièce, tout en étant mixte des deux genres, comme
presque toutes les comédies de Térence à l'exception de
L'Héautontimorouménos, est pourtant majoritairement
mouvementée, car les scènes statiques y sont peu nombreuses205. 3 Elle est utile et
plaisante par son action et son style206. 4 Le premier
rôle y est joué, selon certains, par Déméa, selon d'autres par Syrus
et dans ce cas, si c'est Syrus le premier rôle, c'est Déméa le
second, Micion le troisième et ainsi de suite. Il y en a d'ailleurs
d'autres qui pensent que c'est à Micion qu'il faut attribuer le
premier rôle, à Syrus le second, à Déméa le troisième. Car ce que
dit Térence, « senes qui primi uenient », ne se réfère pas aux rôles
dont nous parlons mais à l'ordre d'entrée en scène des
personnages207. 5 Cette œuvre aussi, comme toutes les autres de
ce genre, a nécessairement cinq actes, que les poètes grecs ont
séparés par des chœurs. Et bien que, pour tâcher de retenir un
spectateur mal dégrossi, les comiques latins aient très peu pratiqué
de subdivisions, dans l'idée probable d'éviter que, en proie à
l'ennui à la fin d'un acte ou incité à s'en aller, le spectateur, au
mépris du reste de la comédie, ne se lève, les actes ont tout de
même été isolés et séparés par des spécialistes d'autrefois, comme
nous le montrerons bientôt après avoir donné l'argument de la
pièce208. 6 Le prologue qui s'y trouve est un peu plus
calme ; il se préoccupe davantage de se justifier que d'attaquer ses
adversaires. L'exposition (πρότασις) y est agitée, le nœud (ἐπίτασις) bruyant et le
dénouement (καταστροφή) plus calme. Sur cette
typologie, nous nous sommes expliqué quelque peu en faisant quelques
remarques générales sur la comédie209. 7 Cette comédie a bel et bien été jouée pour les Jeux
Funèbres en l'honneur de Paul-Emile, avec Lucius Ambivius Turpion et
Lucius Minucius Prothymus comme acteurs qui, avec leurs troupes,
jouaient à l'époque encore masqués. Elle est accompagnée de musique
de flûtes de droite, c'est-à-dire de mode lydien, en raison de son
caractère sérieux, qui se trouve dans presque toutes les comédies de
ce poète210. 8 Souvent pourtant
il y a sur scène des passages chantés en mètres variés, ce
qu'indique la notice de la scène avec, sous les noms des
personnages, les lettres MMC (Mutatis Modis Cantata) ; de même les
diverbia sont prononcés de manière serrée par les acteurs et sont
signalés par les lettres DV à la suite des noms de personnages à
l'endroit où commence une scène. 9 Il
convient de bien noter qu'il n'y a pas dans cette pièce de
personnage protatique (προτατικὸν πρόσωπον), c'est-à-dire un
personnage qui ne participe en rien à l'intrigue et soit tiré du
dehors, comme l'est le Sosie de L'Andrienne. 10 On dit que dans la série des pièces de
Térence celle-ci a été jouée en second, en raison de l'encore faible
notoriété du nom du poète et qu'on l'a annoncée sous la forme
« Les Adelphes de Térence » et non pas « Térence :
Les Adelphes », parce le nom de la pièce à cette époque
faisait plus de publicité au poète que le nom du poète n'en faisait
à la pièce211. 11 On y voit la
différence entre la vie à la campagne et la vie en ville, entre une
vie douce et une vie rude, entre la vie d'un célibataire et celle
d'un homme marié, celle d'un père authentique et d'un père adoptif.
Avec ces types érigés en exemples, Térence, en montrant ce qu'il
faut imiter autant que ce qu'il faut éviter, obtient le titre
honorifique de poète artiste au fil de la pièce entière.
Ex duobus Atticis fratribus alter quidem
Demea nomine rus coluit, uxorem duxit, suscepit filios duos,
Aeschinum et Ctesiphonem. at alter Micio nomine uxorem ducere et
filios creare noluit: adoptauit sibi filium fratris Aeschinum atque
ita indulgenter eduxit a paruulo, ut effuse luxuriatus adulescens ad
postremum ciuem Atticam uirginem uitiaret captus amore eius. quo
facto etiam cum matre puellae pepigit eiusdem nuptias, quam
uitiauit. cumque rem gestam ad patris, a quo adoptatus fuerat,
conscientiam iam iamque perlaturus esset, precibus Ctesiphonis
fratris sui, qui apud durum patrem atque agrestem Demeam parcius
atque artius haberetur, impulsus est, ut eidem a lenone raperet
meretricem. quo facto multiplici errore completur fabula: nam et
Demea cum hoc ipso, id est cum Micione, litigabat tamquam cum eo,
qui corruperit adulescentem adoptatum in mores perditos, nesciens
suum sibi filium Ctesiphonem esse corruptum, eluditurque a Syro et
Micione per totam fabulam; et mater puellae iam decimo mense post
raptum uirginis et exactis a puero mensibus credit sibi
ipsum2 rapuisse meretricem: quae perturbatio cito in
tranquillum redacta est. nam re comperta de uitio uirginis Micio dat
amanti3 Aeschino, quam concupiuerat, eiusque matrem
ipse accipit. deprehenso uero Ctesiphone in amore meretricis primo
irascitur, post lenitur atque eius habendae dat4 licentiam Demea.
De deux frères athéniens, le premier,
nommé Déméa, habitait la campagne, prit une épouse, en eut deux
fils, Eschine et Ctésiphon. Quant à l'autre, nommé Micion, il se
refusa à prendre épouse et à avoir des enfants ; mais il adopta le
fils de son frère, Eschine, et lui donna dès l'enfance une éducation
si permissive que, habitué à une profusion de débauche, une fois
jeune homme il finit par outrager une jeune fille citoyenne
d'Athènes dont il s'était épris. La chose faite, il fit même affaire
avec la mère de la jeune fille qu'il avait outragée pour l'épouser.
Alors qu'il était sur le point de mettre au courant de l'affaire son
père adoptif, sur la prière de son frère Ctésiphon, qui, auprès de
son père sévère et campagnard Déméa, était élevé chichement et à la
dure, il se laissa convaincre d'enlever pour lui une courtisane à un
proxénète. La chose faite, la comédie se développe en de multiples
méprises : car Déméa se disputait avec lui, à savoir Micion, comme
avec quelqu'un qui élevait mal son jeune fils, sans savoir que son
fils Ctésiphon était tout aussi mal élevé, et il s'en fait railler
par Syrus et Micion pendant toute la comédie ; d'autre part, la mère
de la jeune fille, neuf mois après le viol de la jeune fille, durée
conclue par la naissance d'un enfant, croit que c'est Eschine qui a
enlevé pour son propre compte la courtisane : cette perturbation est
vite ramenée au calme, car, une fois l'affaire du viol de la jeune
fille élucidée, Micion accorde à l'amoureux Eschine la femme qu'il
convoitait et lui-même reçoit sa mère. Une fois Ctésiphon pris sur
le fait, Déméa commence par s'irriter contre cet amour pour une
courtisane, puis il s'adoucit et accorde à son fils le droit de la
garder.
1 Primus
actus haec continet: Micionis solius primo uerba, post eiusdem et
Demeae iurgium. 2 Secundus actus haec
continet: lenonis alteram rixam aduersus Aeschinum pro puella,
eiusdem apud Syrum querelas, laetitiam Ctesiphonis ob possessionem
amicae et eiusdem gratiarum actionem apud Aeschinum. 3 Tertius actus haec continet: trepidationem Sostratae
et Cantharae nutricis ob parturientem Pamphilam uitiatam ab
Aeschino, Getam nuntiantem dominae per errorem, quod sibi rapuerit
Aeschinus meretricem, reditum in scaenam Demeae eiusdemque cum Syro
ludificante eum sermocinationem, Hegionis interuentum et querelam
apud eundem Demeam de facto Aeschini et consolationem
Sostratae. 4 Quartus actus haec
continet: Ctesiphonis cum Syro conloquium de inlusione Demeae
eiusdemque in scaenam interuentum atque secundam frustrationem per
Syrum factam, Micionis cum Hegione sermonem, querelam Aeschini de
rebus suis eiusdemque cum Micione patre facetissimam disceptationem,
Demeae reditum in scaenam ex errore, in quem eum coniecerat Syrus,
et renouatum cum fratre eiusdem iurgium, processionem in scaenam
temulenti Syri. 5 Quintus actus haec
continet: deprehensionem Ctesiphonis cum meretrice, tertium cum
Micione iurgium Demeae eiusdemque pristinae uitae correptionem, et
per eum multa in comoedia noua, hoc est blandimentum circa Aeschinum
et adfabilitatem erga Getam, conciliationem Sostratae,
liberationem5
Syri et uxoris eius et ueniam circa Ctesiphonem permissionemque
habendae meretricis. 6 Seruatur autem
per totam fabulam mitis Micio, saeuus Demea, leno auarus, callidus
Syrus, timidus Ctesipho, liberalis Aeschinus, pauidae mulieres,
grauis Hegio. 7 In diuidendis actibus
fabulae identidem meminerimus, primo paginarum dinumerationem neque
Graecos neque Latinos seruasse, cum eius distributio eiusmodi
rationem habeat, ut ubi attentior spectator esse potuerit, longior
actus sit, ubi fastidiosior, breuior atque contractior; deinde etiam
illud, in eundem actum posse conici et tres et quattuor scaenas
introeuntium et exeuntium personarum. 8 Facta autem haec una est de duabus fabulis, Adelphis
Menandri et Commorientibus Diphili.
1 L'Acte
I contient les événements suivants : d'abord un monologue de Micion,
suivi d'une dispute entre lui et Déméa. 2 L'Acte II contient les événements suivants :
deuxième dispute, cette fois du proxénète avec Eschine au sujet de
la jeune femme, les plaintes d'Eschine auprès de Syrus, l'allégresse
de Ctésiphon parce qu'il possède sa maîtresse et ses remerciements à
Eschine. 3 L'Acte III contient
l'agitation de Sostrata, la mère, et de Canthara, la nourrice, en
raison de l'accouchement de Pamphila, la jeune femme outragée par
Eschine, puis l'annonce erronée à sa maîtresse par Géta qu'Eschine a
enlevé la courtisane pour son propre compte, le retour sur scène de
Déméa et sa conversation avec Syrus qui se joue de lui,
l'intervention d'Hégion et sa dispute avec ce même Déméa sur le
forfait d'Eschine, puis sa consolation à Sostrata. 4 L'Acte IV contient les événements suivants :
conversation de Ctésiphon avec Syrus sur la ruse faite à Déméa et
intervention en scène du même Déméa, avec une seconde fourberie
faite par Syrus, puis la conversation de Micion et d'Hégion, la
lamentation d'Eschine sur ses affaires et la dispute très drôle de
ce même Eschine avec son père Micion, puis le retour sur scène de
Déméa après la méprise dans laquelle l'avait jeté Syrus, et sa
nouvelle algarade avec son frère, puis l'entrée en scène de Syrus
tremblant. 5 L'Acte V contient les
événements suivants : prise en flagrant délit de Ctésiphon avec sa
courtisane, troisième algarade entre Micion et Déméa et autocritique
de ce dernier concernant son mode de vie passé et, par son
entremise, l'avalanche d'événements qu'on trouve dans une comédie
nouvelle, à savoir sa gentillesse à l'égard d'Eschine, son
affabilité envers Géta, sa réconciliation avec Sostrata,
l'affranchissement de Syrus et de son épouse et le pardon accordé à
Ctésiphon avec, pour lui, la permission de garder sa
courtisane. 6 On conserve dans toute
la comédie un Micion permissif, un Déméa sévère, un proxénète
cupide, un Syrus roublard, un Ctésiphon craintif, un Eschine
dépensier, des femmes terrorisées, un Hégion sérieux. 7 Pour ce qui est de la division en actes de la
comédie, souvenons-nous de même d'abord que ni les Grecs ni les
Latins n'ont respecté un nombre prescrit de pages, dans la mesure où
la subdivision obéit à ce principe : là où le spectateur est en
mesure d'être bien attentif, l'acte doit être assez long ; là où il
se fatigue, il faut l'abréger et le condenser ; et aussi que dans un
même acte on peut rassembler trois ou quatre scènes de sorties et
d'entrées de personnages. 8 Cette
comédie unique a été faite à partir de deux modèles grecs, Les
Adelphes de Ménandre et les Commorientes (les
Deux mourants) de Diphile212.
Prologus
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25
postquam poeta sensit scripturam
suam
Le poète, après s'être aperçu que son
ouvrage
1 postqvam poeta
s.
sensit
s.
scriptvram
s.
svam
postquam
pro quoniam, cuius
reciprocum quoniam pro
postquam. Plautus in
Aulularia «
is quoniam moritur - ita auido ingenio fuit
2 ». 2 postqvam sensit pro
postquam
sensisset. 3 scriptvram svam
indifferenter omnis qui aliquid scriberet scriptor a ueteribus dicebatur.
1 postqvam poeta sensit scriptvram svam
postquam est mis pour
quoniam (puisque) ,
comme réciproquement on a quoniam pour postquam. Plaute dans
L'Aululaire : « is quoniam moritur - ita auido
ingenio fuit » (après sa mort –il était si cupide). 2 postqvam sensit pour postquam sensisset au subjonctif
(dès lors qu'il se fut aperçu). 3 scriptvram svam sans distinction, quiconque
écrivait quelque chose était appelé scriptor (écrivain) par les
Anciens213.
ab iniquis obseruari et aduersarios
est mal vu par des gens injustes et que
ses adversaires
1 ab iniqvis
inimicis, ut «
fatis Iunonis iniquae
3 ». 2 observari obseruatio et ad honorem refertur, ut
«
praeterea regem non sic Aegyptus et
i.
ingens
L.
Lydia
n.
nec
p.
populi
P.
Parthorum
a.
aut
M.
Medus
H.
Hydaspes
o.
obseruant
4 ». sed nunc obseruari captari significat. 3 observari et honorari et captari et audiri significat, ut Plautus «
obseruatote ut blande palpetur mulieri
5 ». 4 observari et rapere in peiorem
partem6 uarietas per genera uerborum est: utrique
sententiae apte iungimus scripturam
suam.
1 ab iniqvis ses ennemis, comme : « fatis
Iunonis iniquae » (destins imposés par l'hostile Junon). 2 observari obseruatio (observation)214 se
comprend de plusieurs manières : le mot se rapporte à la
déférence, comme dans : « praeterea regem non sic Aegyptus et
ingens Lydia nec populi Parthorum aut Medus Hydaspes obseruant »
(en outre le roi ne jouit pas d'une telle considération, ni en
Egypte ni dans l'immense Lydie, ni chez les peuples parthes, ni
chez le Mède de l'Hydaspe) ; mais ici il se comprend au sens de
captari (être
surveillé). 3 observari signifie
"être perçu" (honorari) ou "être surveillé"
(captari) ou "être
entendu" (audiri),
comme chez Plaute « obseruatote ut blande palpetur mulieri »
(regardez/écoutez comme il va bien s'occuper de la
dame). 4 observari et rapere in peiorem
partem il y a une diversité dans la diathèse verbale ; aux
deux verbes nous pouvons accorder régulièrement scripturam suam215.
rapere in peiorem partem quam acturi
sumus,
présentent sous un mauvais jour la
pièce que nous allons représenter,
rapere in peiorem partem uitio dare,
uituperare.
rapere in peiorem partem tourner en
mauvaise part, blâmer.
indicio de se ipse erit, uos eritis
iudices,
viendra se dénoncer lui-même. C'est
vous qui serez juges
1 indicio de se
mire expressit simplicitatem uera dicturi, cum indicaturum de se dixit, non
narraturum. 2 Et indicio de se ipse erit pro index erit. 3 indicio de se ipse indicat is, qui de se uolens et de
aliis aliquid prodit, confitetur, qui de se tantum et qui
inuitus. 4 vos eritis ivdices bene,
quia apud iudices indicium
profitentur, qui accusatorem adiuuant.
1 indicio de se il exprime remarquablement la
simplicité de celui qui s'apprête à dire la vérité en disant qu'il
va indiquer (indicaturum) à son sujet une
preuve et non pas raconter (narraturum) quelque
chose. 2 Et indicio de se ipse erit
vaut pour index erit
(il sera son propre indicateur). 3 indicio de se ipse on dit qu'indique
(indicat) celui qui,
en voulant apporter quelque chose à son propos apporte aussi
quelque chose sur d'autres sujets, alors qu'avoue (confitetur) celui qui dit
seulement quelque chose à son sujet et le fait à
contrecœur. 4 vos eritis ivdices bien
trouvé, car c'est auprès des juges que ceux qui sont au côté de
l'accusateur avouent une preuve.
laudin an uitio duci id factum
oporteat.
si l'on doit louer ou blâmer ce qu'il a
fait.
lavdin an vitio medium non fecit, ut
appareat, si crimen non sit, laudem esse debere.
lavdin an vitio il n'a pas mis de milieu,
pour qu'il soit clair que, si la faute n'existe pas, il doit y
avoir louange.
Synapothnescontes Diphili comoedia
est:
Les Synapothnescontes est
une comédie de Diphile ;
synapothnescontes diphili comoedia est nec
numeri nec genera respicienda sunt contra sententiam remque
ipsam.
synapothnescontes diphili comoedia est il
ne faut pas faire l'accord en nombre ni en genre contre la phrase
et contre la chose même216.
eam Commorientes Plautus fecit
fabulam.
Plaute en a fait sa pièce des
Commorientes.
eam commorientes plavtvs fecit fabvlam ut
apud Graecos
δρᾶμα
, sic apud Latinos generaliter fabula dicitur, cuius species sunt
tragoedia, comoedia, togata, tabernaria, praetexta, crepidata, Atellana,
μῖμος
, Rintonica.
eam commorientes plavtvs fecit fabvlam de
même que les Grecs utilisent
δρᾶμα
, de même les Latins utilisent comme terme générique
fabula et comme
hyponymes tragoedia,
comoedia, togata, tabernaria, praetexta, crepidata, Atellana,
μῖμος
, Rintonica217.
in Graeca adulescens est, qui lenoni
eripit
Dans la pièce grecque, il y a un jeune
homme qui enlève à un proxénète
1 in graeca
Diphili scilicet. 2 advlescens est
ut si diceret: "est quidam adulescens qui lenoni eripit".
1 in graeca la pièce de Diphile,
implicitement. 2 advlescens est comme
s'il disait : "il y a un certain jeune homme qui enlève à un
proxénète".
meretricem in prima fabula: eum Plautus
locum
une fille au début de la pièce : ce
passage, Plaute
in prima fabvla pro in prima parte, ut dicimus
primis digitis; non enim et
secunda aut tertia fabula.
in prima fabvla pour "dans la première
partie", comme on dit primis
digitis (au bout des doigts). Car il n'y a pas de
deuxième ou de troisième pièce218.
reliquit integrum. eum hic locum
sumpsit sibi
l'a laissé intact, lui s'est pris
ledit passage
1 reliqvit
integrvm cum alia transferret. 2 svmpsit sibi libere tulit, hoc est non
furatus est, ut «
sume pater
6 ».
1 reliqvit integrvm en traduisant le
reste. 2 svmpsit sibi il l'a
pris librement, c'est-à-dire qu'il ne l'a pas volé, comme dans :
« sume pater » (prends, père).
in Adelphos, uerbum de uerbo expressum
extulit.
pour le mettre dans ses
Adelphes et l'a rendu mot pour mot.
1 in adelphos
Latine declinauit. 2 verbvm de verbo
expressvm extvlit hic approbatur uere de Graeco esse
sublatum, non de Plauto, ut dicit aduersarius. 3 extvlit mire non dixit transtulit sed extulit, ut ornasse Graeco uideatur
Latino stilo.
1 in adelphos il le décline en
latin. 2 verbvm de verbo expressvm
extvlit ici, il est prouvé qu'il s'agit d'un authentique
emprunt au grec, non pas à Plaute, comme le prétend son
adversaire. 3 extvlit il est remarquable
qu'il dise extulit
plutôt que transtulit
(il a transféré), pour paraître avoir embelli le grec par le style
latin.
eam nos acturi sumus nouam:
pernoscite
Voici la pièce nouvelle que nous nous
apprêtons à représenter. Examinez
1 eam nos actvri
Adelphos scilicet. 2 novam ueterem
Graecam intellegimus.
1 eam nos actvri il parle des
Adelphes, implicitement. 2 novam nous comprenons que l'ancienne c'est
la pièce grecque.
furtumne factum existimetis an
locum
si vous pensez qu'il y a eu vol, ou si
un passage
1 fvrtvmne
factvm hoc est uitio duci. 2 an locvm reprehensvm hoc est laudi duci.
1 fvrtvmne factvm c'est-à-dire que c'est un
défaut (uitio). 2 an locvm reprehensvm c'est-à-dire que c'est
une qualité (laudi).
reprehensum, qui praeteritus
neglegentia est.
a été repris, qui avait été omis par
négligence.
1 neglegentia
est Plauti scilicet, cuius «
aemulari exoptat neglegentia
7 ». 2 reprehensvm retentum,
resumptum.
1 neglegentia est négligence de Plaute
implicitement, « dont il souhaite dépasser le caractère
négligent ». 2 reprehensvm retenu,
repris.
nam quod isti dicunt maliuoli, homines
nobiles
Quant aux propos de ces méchants qui
prétendent que d'illustres personnages
1 nam qvod isti
dicvntnam
incipiendi uim habet modo, ut «
nam ego hanc machaeram me
c.
consolari
u.
uolo
8 ». 2 homines nobiles Scipionem
Africanum significat et Laelium Sapientem et Furium Philum.
1 nam qvod isti dicvnt nam (en effet) a parfois une
fonction d'inauguration de la phrase, comme dans : « nam ego hanc
machaeram me consolari uolo » (car je veux consoler cette
dague). 2 homines nobiles il
veut dire Scipion l'Africain, Laelius le Sage et Furius
Philus.
eum848 adiutare
adsidueque una scribere:
l'aident et passent leur temps à
écrire avec lui,
1 evm adivtare
et
legitur adiuuare.
Pacuuius in Chryse «
adiutamini
9 ». 2 assidveqve vna scribere non
sic dicit aduersarius, uerum hic oratorie crimen non tangit.
1 evm adivtare on lit aussi adiuuare. Pacuvius dans
Chrysès : « adiutamini » (faites-vous
aider). 2 assidveqve vna
scribere ce n'est pas ce que dit l'adversaire, mais ici,
de façon oratoire, il ne touche pas au chef d'accusation.
quod illi maledictum uehemens esse
existimant,
ce que ces gens-là estiment être une
insulte violente,
eam laudem hic ducit maximam, cum
illis placet,
il juge, lui, que c'est le plus grand
des éloges, puisqu'il plaît à ceux
qui uobis uniuersis et populo
placent,
qui plaisent à vous tous et au
peuple,
qvi vobis vniversis et popvlo uniuersos qui in cauea sunt dicit,
populum qui etiam praeter
theatrum, id est uniuersam urbem.
qvi vobis vniversis et
popvlo il veut dire par uniuersi tous ceux qui sont dans
les travées, et par populus le peuple, y compris
hors du théâtre, c'est-à-dire la ville entière219.
quorum opera in bello, in otio, in
negotio
de l'assistance desquels dans la
guerre, dans les loisirs, dans les affaires,
in bello Scipionis, in otio Furii Phili, in negotio
Laelii Sapientis.
in bello c'est-à-dire
Scipion l'Africain, in otio c'est-à-dire Furius Philus, in
negotio c'est-à-dire Laelius le Sage.
suo quisque tempore usus est sine
superbia.
chacun en son temps a usé sans
orgueil.
dehinc ne exspectetis argumentum
fabulae:
Après cela, n'attendez pas
l'exposition du sujet :
senes qui primi uenient, ei partem
aperient,
ce sont les vieillards qui viendront
en premier qui l'exposeront pour partie,
in agendo partem ostendent. facite
aequanimitas
et dans le cours de l'action vous le
montreront pour partie. Faites que votre bienveillance
1 in agendo partem
ostendent σχῆμα
ὑπεξαίρεσις: hic enim iam non senes accipiendi, sed et ceterae
personae. 2 Aut ipsi senes in
statario charactere partem aperient, in motorio partem ostendent.
nam duo agendi sunt principales modi, motorius et statarius, ex quibus ille tertius
nascitur, qui dicitur mixtus. 3 aeqvanimitas fauor et propitius animus. et
deest uestra.
1 in agendo partem ostendent figure de
sous-entendu (σχῆμα
ὑπεξαίρεσις) : car en l'espèce ce ne sont pas les
vieillards (senes)
qu'il faut comprendre, mais tous les autres personnages. 2 Ou bien ce sont les vieillards eux-mêmes qui
révéleront une partie de l'argument dans le passage statique, une
autre dans le passage agité. Car il y a deux modes d'action
principaux, le mode agité (motorius) et le mode statique
(statarius), desquels
découle le troisième mode, qui s'appelle le mixte (mixtus)220. 3 aeqvanimitas la faveur et l'indulgence. Et
il manque uestra
(votre).
poetae ad scribendum augeat
industriam.
pour le poète augmente son zèle à
écrire !
Actus primus
scaena prima
Micio
26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 | 43 | 44 | 45 | 46 | 47 | 48 | 49 | 50 | 51 | 52 | 53 | 54 | 55 | 56 | 57 | 58 | 59 | 60 | 61 | 62 | 63 | 64 | 65 | 66 | 67 | 68 | 69 | 70 | 71 | 72 | 73 | 74 | 75 | 76 | 77 | 78 | 79 | 80 | 81a
Storax! non rediit hac nocte a cena
Aeschinus
Mi.-Storax ! Eschine n'est pas rentré
cette nuit depuis son souper,
1 storax nomina
personarum, in comoediis dumtaxat, habere debent rationem et
etymologiam. etenim absurdum est comicum, cum7 apte argumenta
confingat, uel nomen personae incongruum dare uel officium, quod
sit a nomine diuersum. hinc seruus fidelis Parmeno, infidelis
Syrus uel Geta, miles Thraso uel Polemo, iuuenis Pamphilus,
matrona Myrrina et puer uel ab odore Storax uel a ludo et
gesticulatione Scirtus et item similia. in quibus summum poetae
uitium est, siquid e contrario repugnans contrarium diuersumque
protulerit, nisi per ἀντίφρασιν ioculariter nomen imposuit, ut
Misargyrides in Plauto dicitur trapezita. et fere apud alios hoc
modo poetas nomina componuntur per ἀντίφρασιν describentia quod
designant. 2 storax primae partes, sicut
in prologo ipse promisit, a senibus aguntur, quorum contentione ad
argumentum relata uita aspera cum leni et pater comis cum
seuerissimo comparantur. 3 storax
Storacem uocauit, non Aeschinum: cur igitur tacente puero hoc
absentem Aeschinum credit? quia seruuli adulescentibus
praestolantur, ut in Andria «
obseruabam mane illorum seruulos uenientis aut
abeuntis
10 ». sed quia fieri poterat, ut domino absente adesset
Storax, commodissime adiecit «
neque seruulorum quisquam qui aduersum ierant
11 ». 4 storax non rediit hac nocte a cena
aeschinvs hoc alii interrogatiue, alii pronuntiatiue
proferunt; sed magis pronuntiatiue dicendum.
1 storax les noms de personnages, au moins
pour ce qui est de la comédie, doivent avoir une justification et
une étymologie. Et de fait, il est absurde, alors même que le
poète invente un argument bien agencé, de donner à un personnage
ou bien un nom comique incongru ou bien une fonction qui soit en
contradiction avec son nom. D'où l'usage de nommer un serviteur
fidèle Parménon, un serviteur infidèle Syrus ou Géta, un soldat
Thrason ou Polémon, un jeune homme Pamphile, une dame Myrrhina et
un jeune esclave soit, à cause de son odeur, Storax, soit, à cause
de son jeu et de ses gesticulations, Scirtus et ainsi de suite.
Sur cette question, la plus grande erreur du poète consiste à
proposer, au contraire, un nom contradictoire, opposé et
contraire221, à moins que ce ne soit par
antiphrase (ἀντίφρασις) et par plaisanterie qu'il a
donné son nom au personnage, comme chez Plaute un banquier
s'appelle Misargyridès. Et chez presque tous les autres poètes
sont forgés des noms de ce genre qui décrivent ce qu'ils désignent
par antiphrase (ἀντίφρασις)222. 2 storax les premiers rôles sont tenus, comme
il l'a promis lui-même dans le Prologue, par les deux vieillards,
dont le débat, en relation avec l'argument, permet la comparaison
entre un mode de vie âpre et un mode de vie doux et entre un père
indulgent et un père très sévère. 3 storax il appelle Storax et non Eschine :
dans ce cas pourquoi, alors que l'esclave reste silencieux, a-t-il
le sentiment qu'Eschine est absent ? Parce que les petits esclaves
attendent l'arrivée des jeunes gens, comme dans
L'Andrienne : « obseruabam mane illorum seruulos
uenientis aut abeuntis »223. Mais comme il
aurait pu se faire que Storax soit présent bien que son maître fût
absent, il ajoute opportunément « neque seruulorum quisquam qui
aduersum ierant ». 4 storax non rediit
hac nocte a cena aeschinvs cette réplique, selon certains,
est une interrogation, selon d'autres une assertion ; mais il est
préférable de le dire de façon assertive224.
neque seruulorum quisquam, qui
aduersum ierant.
ni aucun des petits esclaves qui
étaient allés au-devant de lui.
1 neqve
servvlorvm praeter Storacem, quem abesse non respondendo
intelleximus. 2 qvi adversvm proprie
locutus est, nam aduersitores dicuntur. 3 ierant ierant producte8 pronuntiandum, quod
nos addita V iuerant
dicimus. tale est illud Vergilii «
nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas
12 ».
1 neqve servvlorvm mis à part Storax, dont le
défaut de réponse nous fait comprendre l'absence. 2 qvi adversvm il parle au sens propre, car
ces esclaves s'appellent aduersitores (chargés d'aller à la
rencontre)225. 3 ierant il
faut prononcer īerant
avec un i long, que nous prononçons, nous, en ajoutant un u :
īuerant. Même phénomène
chez Virgile : « nos abiisse rati et uento petiisse Mycenas »
(nous sommes partis en bateau et avons gagné Mycènes avec le
vent)226.
profecto hoc uere dicunt: si absis
uspiam aut
On a bien raison de dire : si tu
t'absentes quelque part ou
1 profecto hoc vere
dicvnt absolute: non addidit qui. 2 si absis vspiam abundat uspiam aut deest profectus aut quid tale. 3 avt ibi uspiam; significat enim, scilicet
uspiam, et in loco et ad
locum. 4 si absis vspiam avt ibi si
cesses si absis ad
parentes propitios,
si cesses ad uxorem iratam refert.
1 profecto hoc vere dicvnt emploi indéfini :
il n'ajoute pas qui (ceux
qui...)227. 2 si absis vspiam
uspiam (quelque part) est
superflu ou alors il manque profectus (parti quelque part), ou
quelque équivalent. 3 avt ibi
quelque part ; car à l'évidence uspiam signifie "dans un lieu" ou
"vers un lieu"228. 4 si absis vspiam avt ibi si cesses
si absis se réfère à
parentes propitii,
si cesses à uxor irata.
ibi 849 si cesses, euenire ea satius
est,
que tu t'y attardes, mieux vaudrait
qu'il t'arrive
quae in te uxor dicit et quae in animo
cogitat
tout ce que dit à ton endroit ton
épouse et ce qu'elle rumine dans sa tête
1 in
te9
desertorem. 2 vxor subaudiendum et hic
irata
uxor
10. 3 et qvae in
animo omne, quod sentimus, aut cogitamus aut dicimus, et utrumque pro oratione est:
sed illa
ἐνδιάθετος
, quae in cogitatione est, haec
προφορικὸς
λόγος
dicitur, quae in uerbis est constituta. Vergilius
«
et mihi iam multi crudele canebant artificis scelus et
taciti uentura uidebant
13 », et ipse alibi «
nunc si quis est, qui hoc dicat aut sic cogitet
14 ».
1 in te toi qui abandonnes ton
foyer. 2 vxor sous-entendre ici
aussi irata uxor (épouse
en colère)229. 3 et qvae in
animo tout ce que nous ressentons, ou nous le "pensons" ou
nous le "disons", et l'un et l'autre tiennent lieu de discours.
Mais le premier, qui est dans la pensée, s'appelle discours
intérieur (ἐνδιάθετος
λόγος), le second, qui consiste en paroles, s'appelle
discours verbalisé (προφορικὸς λόγος). Virgile : « et mihi
iam multi crudele canebant / artificis scelus et taciti uentura
uidebant » (et beaucoup déjà me prédisaient le crime cruel de
l'artisane et sans le dire voyaient l'avenir)230, et Térence lui-même, ailleurs : « nunc si
quis est qui hoc dicat aut sic cogitet ».
irata, quam illa quae parentes
propitii.
de colère, plutôt que ce
qu'appréhendent des parents attentionnés.
qvam illa qvae parentes erudite: non
addidit in quem dicat, quia scit nomina uxoris et parentum τῶν πρός τι esse.
qvam illa qvae parentes savamment dit : il
n'ajoute pas au sujet de qui, parce qu'il sait que les noms
uxor et parentes sont des noms relatifs
(τῶν πρός
τι)231.
uxor, si cesses, aut te amare
cogitat
Une femme, si tu es en retard,
s'imagine ou que tu es amoureux
1 vxor si cesses
quare non si absis? an quia
iustius cessanti quam absenti suscensemus an quia irata uxor si cesses?
211 avt te amare cogitat
ἐφεξήγησις τῇ
ἐξεργασίᾳ. 3 avt te amare cogitat
avt minus peccati est amori proprio cedere quam alieno
amori obsequi nulla re impellente, sine uxore potare aut uelle
delicias. 4 Ergo αὔξησις est, nisi forte
τῷ ἰδιωτισμῷ hoc
putamus dictum. 5 avt te amare cogitat
avt tete amari cum duo proposuerit, alterum sumpsit. nam
cum dixisset «
quae in te uxor dicit et quae in animo cogitat
15 », intulit aut te amare
cogitat et «
ego quia non rediit filius quae cogito
16 ». 6 avt te amare cogitat avt tete
amari quia te amare ἀμφιβόλως
dixerat, cito intulit quod certum est «
aut tete amari
17 »; et quia illud te dixerat, hoc geminauit et
tete dixit tamquam
significantius.
1 vxor si cesses pourquoi pas si absis (si tu t'absentes) ? Est-ce
parce qu'il y a plus de légitimité à se mettre en colère contre
quelqu'un qui se met en retard que contre quelqu'un qui est absent
ou parce que irata uxor si
cesses ? 2 avt te amare
cogitat épexégèse (ἐφεξήγησις) avec emprunt de circonstances
extrinsèques (ἐξεργασίᾳ). 3 avt te amare cogitat avt il y a moins de
faute à céder à l'amour-propre que d'obéir à l'amour pour autrui
sans y être contraint, de boire sans son épouse ou de vouloir des
plaisirs. 4 Donc il y a une
amplification (αὔξησις), à moins que nous ne pensions
que la phrase est dite par particularisme (τῷ
ἰδιωτισμῷ)232. 5 avt te amare
cogitat avt tete amari bien qu'il ait fait deux
hypothèses, il en fait une seule prémisse233. Car alors qu'il avait dit
« quae in te uxor dicit
et quae in animo cogitat », il a repris aut te amare cogitat et « ego quia
non rediit filius quae cogito ». 6 avt te amare cogitat avt tete amari parce
que te amare était
ambigu (ἀμφιβόλως)234, aussitôt il reprend par une
proposition univoque « aut tete amari » ; et comme il avait dit
te la première fois, il
le duplique la deuxième fois et dit tete comme pour que ce soit plus
signifiant.
aut tete amari aut potare atque animo
obsequi
ou qu'on est amoureux de toi ou que tu
bois ou que tu n'en fais qu'à ta tête
atqve animo obseqvi ἐπαναφορά.
atqve animo obseqvi épanaphore (ἐπαναφορά).235
et tibi bene esse, soli cum sibi sit
male.
et que tout va bien pour toi, pendant
que pour elle seule c'est l'horreur.
ego quia non rediit filius quae
cogito,
Moi, parce que mon fils n'est pas
rentré, qu'est-ce que je pense,
1 ego qvia non rediit
filivs plus est quod dixit ego quam si diceret parentes. 2 qvae cogito qvibvs et hoc sic pronuntiandum
est, ut horrere uideatur ipse cogitationem suam. 3 ego qvia non rediit filivs ἀνακόλουθον: non enim
dicit pater.
1 ego qvia non rediit filivs il dit plus en
disant ego qu'en disant
parentes (les
parents). 2 qvae cogito qvibvs et il
faut prononcer ces mots en faisant apparaître qu'il a peur de sa
propre idée. 3 ego qvia non rediit
filivs anacoluthe (ἀνακόλουθον) : il ne dit pas en effet
pater (le père)236.
quibus nunc sollicitor rebus! ne aut
ille alserit
de quels soucis je me mets en peine !
Il aura sûrement pris froid,
1 qvibvs nvnc
sollicitor hoc est: quam malis et non, ut uxor,
bonis. 2 ne avt ille alserit uide
quam teneri sit amoris hic timor, in iuuene praesertim. 3 ne avt ille alserit avt vspiam nimium
tenere amat, qui et haec in iuuene pertimescit, quae circa
infantulos cauere solent.
1 qvibvs nvnc sollicitor c'est-à-dire
"quelles pensées funestes", et non pas, comme pour l'épouse, des
pensées heureuses237. 2 ne avt ille alserit voyez quelle tendresse
il y a dans cette crainte, surtout à l'égard d'un jeune
homme. 3 ne avt ille alserit avt
vspiam il a une tendresse excessive, lui qui craint pour
un jeune homme ce qu'on tâche d'éviter d'ordinaire à l'égard de
jeunes enfants238.
aut uspiam ceciderit ac
praefregerit
ou sera tombé quelque part et se sera
cassé
1 avt vspiam
uspiam et in loco et ad
locum significat. 2 ceciderit ac
praefregerit iungendum, ut non solum ceciderit sed etiam praefregerit aliquid: haec sunt, quae
sibi euenire nemo uelit.
1 avt vspiam uspiam renvoie au lieu où l'on est
et au lieu où l'on va. 2 ceciderit ac
praefregerit il faut les lier, en sorte que non seulement
"il est tombé" mais il s'est aussi "cassé quelque chose" : voilà
ce que personne ne souhaiterait subir.
aliquid. uah, quemquamne hominem in
animo instituere aut
quelque chose ! Ah ! faut-il donc
qu'un homme installe en son cœur ou
qvemqvamne hominem sic dicimus de ea re,
quam miramur fere ab omnibus fieri.
qvemqvamne hominem ainsi disons-nous d'une
situation dans laquelle nous nous étonnons de voir presque tout le
monde se mettre239.
parare quod sit carius quam ipse est
sibi!
se forge une chose qui lui soit plus
chère que lui-même !
qvam ipse est sibi tamquam duo sint sed
licet hoc poetae comico.
qvam ipse est sibi comme s'ils étaient
deux ; mais c'est permis au poète de comédie240.
atque ex me hic natus non est, sed ex
fratre; is adeo
Et encore, ce n'est pas de moi qu'il
est né, mais de mon frère ; lequel est à ce point
1 atqve ex me hic natvs
non est quasi dicat: ex me non est et sic afficior; quid
paterer, si genuissem? 2 Et
non ex me natus
dixit, quasi12 diceret meus natus. 3 sed ex fratre id est: non omnino alienus
est. 4 is adeo transitus ad
argumentum subtilissimus. 5 adeo aut
abundat aut nimium
significat, ut in Eunucho «
adulescentem adeo nobilem
18 ».
1 atqve ex me hic natvs non est c'est comme
s'il disait : "il n'est pas de moi et pourtant je suis très
affecté ; que serait-ce si j'étais son géniteur" ? 2 Et il ne dit pas ex
me natus de la même manière qu'il dirait natus meus (mon fils)241. 3 sed ex
fratre c'est-à-dire : il ne m'est pas complètement
étranger. 4 is adeo passage très
subtil à l'argument de la pièce. 5 adeo ou c'est superflu ou le mot signifie
nimium (trop), comme dans
L'Eunuque : « adulescentem adeo habilem »242.
dissimili studio est iam inde ab
adulescentia.
différent de moi dans ses goûts depuis
l'enfance.
ego hanc clementem uitam urbanam atque
otium
Moi, c'est cette douce vie de la ville
et cette tranquillité
1 ego hanc clementem
vitam vrbanam ὀρθὴ
διήγησις διὰ τὰς πτώσεις. 2 clementem vitam figurate ipsam uitam
dicit13 clementem, quae clementes facit.
clemens autem est qui
colit mentem. 3 atqve otivm deest urbanum.
1 ego hanc clementem vitam vrbanam récit
direct par l'emploi des formes casuelles (ὀρθὴ διήγησις διὰ τὰς
πτώσεις). 2 clementem
vitam de façon figurée il qualifie de clémente la vie même
qui rend les gens cléments. Mais clemens désigne celui qui "cultive
son esprit" (colit
mentem)243. 3 atqve otivm il manque urbanum (de la
ville)244.
secutus sum et, quod fortunatum isti
putant,
que j'ai suivie et, chose qu'on
regarde comme un grand bonheur,
1 secvtvs svm
bene secutus quasi
magistram recte beateque uiuendi. 2 et qvod fortvnatvm isti pvtant Romani
scilicet, qui caelibem
quasi caelitem dicunt, et
item Graeci, apud quos sunt huiusmodi sententiae, ut
« ἁψῖδ᾿ ὃς εἶχε σχοινίων
πωλουμένων »14 et alibi
« γαμεῖ Πάμφιλος· γαμείτω.
καὶ γὰρ ἠδίκησέ με ». 3 fortvnatvm isti pvtant utique uxorem non
ducere. dicit autem Romanus id uideri, quos
peccatores15 habet Menander: ut «
ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ
λαμβάνω
19 »16. 4 fortvnatvm isti pvtant quidam putant sic
pronuntiandum et quod
fortunatum isti putant uxorem, et haec bona et
concinnata locutio est. 5 Et
putant bene dicit is, cui
displicet aliena sententia. isti autem id est: hi qui a me
dissentiunt.
1 secvtvs svm le verbe est bien trouvé, comme
on suit un modèle de vie droite et heureuse245. 2 et qvod fortvnatvm isti pvtant comprendre
"les Romains", qui disent que le célibataire est comme un dieu au
ciel (caelibem
caelitem)246, et les
Grecs aussi, chez qui on trouve le même genre d'énoncés comme
« ἁψῖδ᾿ ὃς εἶχε σχοινίων
πωλουμένων » (lui qui avait tout un filet à force de
s'être fait vendre des cordes)247 et ailleurs « γαμεῖ Πάμφιλος· γαμείτω. καὶ γὰρ ἠδίκησέ
με » (Pamphile se marie ; qu'il se marie ! De fait, il
m'a fait du tort)248. 3 fortvnatvm isti pvtant de toute manière de
ne pas prendre femme. Le personnage romain dit que c'est l'opinion
des gens que Ménandre tient pour fautifs : ainsi : « ὦ μακαρία ἐμή, γυναῖκ᾿ οὐ
λαμβάνω » (O quel bonheur est le mien ! je ne prends pas
femme)249. 4 et qvod fortvnatvm
isti pvtant certains estiment qu'il faut prononcer
et quod fortunatum isti putant
uxorem250, et c'est une expression bonne et
élégante. 5 Et pvtant est bien dit par
qui réprouve une opinion qui lui est étrangère. Isti quant à lui désigne "ceux qui
ne sont pas d'accord avec moi".
uxorem numquam habui. ille contra haec
omnia:
je ne me suis jamais marié. Lui, c'est
tout le contraire :
vxorem nvmqvam habvi si non habeo dixisset, poterat uideri
habuisse.
vxorem nvmqvam habvi s'il avait dit
non habeo (je n'ai pas
d'épouse), on pourrait croire qu'il en avait eu une
autrefois251.
ruri agere uitam, semper parce ac
duriter
et de vivre à la campagne, sans arrêt
à se mener une vie chiche et dure ;
1 rvri agere
vitam «
contra haec omnia
20 »: suffecerat breuitas, sed subiungit fratris
descriptionem, ut uerbis ipsis malam uitae condicionem
ostendat. 2 semper parce ac dvriter
semper licet incertam
distinctionem habeat, tamen recte additum est, quia uel ruri agere uoluptatis est uel
parce ac duriter se habere
uirtutis. 3 Sed semper ad uictum, parce autem ad seruandum, duriter ad laborem referendum
est. 4 rvri agere semper parce ac dvriter
se habere uariauit, ut in Andria.
1 rvri agere vitam la brièveté de « contra
haec omnia » pouvait suffire, mais il ajoute en sous-main le
portrait de son frère pour faire bien voir par ses mots mêmes ses
mauvaises conditions de vie. 2 semper parce ac dvriter semper a beau avoir une ponctuation
ambiguë, c'est tout de même un ajout correct parce que soit
ruri agere a une
connotation de plaisir, soit parce et
duriter a une connotation de vertu252. 3 Mais semper doit se référer au mode de
vie, parce au sens de
l'épargne, duriter au
labeur. 4 rvri agere semper parce ac
dvriter se habere il fait une variation, comme dans
L'Andrienne253.
se habere, uxorem duxit, nati
filii
il a pris femme, lui sont nés des
fils,
1 vxorem dvxit
recte dicit, non ducere:
semel enim hoc fecit Demea. 2 vxorem dvxit
uarie per modos. 3 vxorem dvxit
adiuua pronuntiatione, ne singula uerba17 secuta uideantur; nam sic in fine fabulae ait
Demea: «
duxi uxorem: quam ibi miseriam uidi! nati filii: alia
cura
21 ».
1 vxorem dvxit expression correcte, et non
pas au présent ducere :
de fait Déméa a accompli une seule fois cette action254. 2 vxorem dvxit
variation de modes255. 3 vxorem dvxit aider la compréhension par la
prononciation, pour éviter que les mots256 paraissent se suivre séparément ; car à la fin de
la pièce Déméa s'exprime ainsi : « duxi uxorem : quam ibi miseriam
uidi ! nati filii : alia cura ».
duo: inde ego hunc maiorem adoptaui
mihi:
deux : puis c'est moi qui ai adopté
l'aîné,
1 inde ego hvnc
maiorem mire inde
subiungit, cum personam praetulerit. sic alibi: «
e praedonibus, unde emerat, se audisse abreptam e
Sunio
22 ». 2 inde ego hvnc inde pro ex
quibus. et mihi
abundat. 3 et
bene hunc dixit, quia de
ipso loquebatur.
1 inde ego hvnc maiorem de façon étonnante il
relie par l'adverbe inde
alors qu'il avait indiqué des noms de personnes ; il fait de même
ailleurs : « e praedonibus unde emerat se audisse abreptam e
Sunio »257. 2 inde ego
hvnc inde est mis
pour ex quibus (parmi
lesquels). Et mihi est
pléonastique258. 3 Et il fait bien
de dire hunc, parce que
c'est de lui-même qu'il parle259.
eduxi a paruulo, habui, amaui pro
meo;
je l'ai élevé depuis tout petit, je
l'ai tenu, aimé pour le mien.
1 edvxi a
parvvlo quod nos educare dicimus educere ueteres dixerunt, ut «
educet siluis regem regumque parentem
23 ». 2 habvi amavi pro meo
quaeritur quid sit habui,
et cum multa dicantur, hoc solum uerum est: habui credidi, duxi, existimaui, ut alibi: «
semper eius dicta est haec atque habita est
soror
24 » et Cicero: «
ita habeantur atque dicantur
25 ». 3 Ergo pro meo bis subaudiendum est:
habui pro meo et amaui pro meo.
1 edvxi a parvvlo là où nous disons
educare, les Anciens
disaient educere260, comme dans : « educet siluis
regem regumque parentem » (elle élèvera dans les bois un roi, père
de rois). 2 habvi amavi pro meo la
question est de savoir261 ce qu'est habui ; et parmi les nombreuses
explications, celle-ci seule est vraie : habui signifie credidi (je l'ai cru), duxi (je l'ai considéré comme),
existimaui (je l'ai tenu
pour), comme ailleurs : « semper eius dicta est haec atque habita
est soror », et chez Cicéron : « ita habeantur atque dicantur »
(qu'on les tienne pour tels et les dise tels). 3 Donc pro
meo est à sous-entendre deux fois : habui pro meo et aussi amaui pro meo (je l'ai aimé comme le
mien).
in eo me oblecto: solum id est carum
mihi.
C'est lui qui fait toute ma joie ; il
est l'unique objet de ma tendresse.
1 in eo me oblecto solvm
id est carvm mihi absolute utrumque, et in eo et solum. – 2 in eo quasi in
ea re. – plus autem significat quam si diceret
solus is est carus
mihi. 3 in eo me
oblecto noue in eo me
oblecto pro eo me
oblecto.
1 in eo me oblecto solvm id est carvm mihi
les deux, in eo et
solum, sont construits
sans complément262. – 2 in eo équivaut à
in ea re (en cela). – et
c'est plus signifiant que s'il disait solus is est carus mihi (lui seul
m'est cher). 3 in eo me oblecto
construction inédite in eo me
oblecto au lieu de eo me
oblecto.
ille ut item contra me habeat facio
sedulo:
Pour qu'il ait mêmes sentiments à mon
égard, je m'emploie :
1 facio sedvlo
secus a dolo, id est
sine dolo et
impense. 2 ille vt item
habeat18
item similiter, contra uicissim. Plautus: «
ut illa illum contra: qui est amor cultu
optimus
26 ».
1 facio sedvlo sedulo vient de secus a dolo (autrement que par la
ruse), donc sine dolo
(sans ruse) et avec empressement. 2 ille vt item habeat item veut dire similiter (de la même façon),
contra veut dire
uicissim
(réciproquement). Plaute : « ut illa illum contra : qui est amor
cultu optimus » (et elle l'aimait de son côté, ce qui est le
meilleur amour à cultiver).
do, praetermitto, non necesse habeo
omnia
Je donne, j'autorise, je n'ai pas
besoin de tout
1 do
praetermitto do
sumptum, praetermitto
delicta. 2 non necesse habeo omnia pro meo
ivre agere etsi licet, non necesse est patrem saeuire,
quia pater est. 3 Inter ius et aequitas hoc interest: ius est quod omnia recta et
inflexibilia exigit, aequitas est quae de iure multum
remittit. ergo sensus hic est: "non necesse est, etiamsi licet,
saeuum esse patrem". 4 Et mire ostendit ius summ nisi necessitate
non esse seruandum.
1 do praetermitto do (je donne) de quoi dépenser,
praetermitto (je permets)
des délits. 2 non necesse habeo omnia pro meo
ivre agere même s'il en a le droit, le père n'a pas besoin
d'être sévère parce qu'il est le père. 3 La différence entre ius et aequitas (équité) est la suivante :
ius désigne ce qui exige
que tout soit droit et inflexible, aequitas désigne ce qui fait un
important adoucissement du droit. Le sens est donc : "il n'est pas
nécessaire, même si c'est permis, qu'un père soit
sévère". 4 Et paradoxalement il
montre qu'il ne faut pas user de ses droits sauf nécessité.
pro meo iure agere: postremo, alii
clanculum
régenter au nom de mes droits ; bref,
ce que les autres à l'insu
postremo alii clancvlvm non alii patres sed "alii adulescentes
clanculum patres suos".
postremo alii clancvlvm comprendre non pas
alii patres (d'autres
pères) mais "alii adulescentes clanculum patres suos" (d'autres
adolescents à l'insu de leur père)263.
patres quae faciunt, quae fert
adulescentia,
de leur père font, ce que comporte la
jeunesse,
1 qvae fert
advlescentia statim addidit ueniam, peccata ab
adulescentibus ad aetatem remouendo. 2 Et uide quam breuiter, quam pudice, quam
ignoscenter!
1 qvae fert advlescentia aussitôt il ajoute
une excuse en détournant la faute des jeunes gens vers leur
âge. 2 Et voyez cette concision,
cette réserve, cette indulgence.
ea ne me celet consuefeci filium.
j'ai habitué mon fils à ne pas me le
cacher.
ea ne me celet consvefeci filivm tribus
enim rebus uiuitur: natura, consuetudine, ratione.
ea ne me celet consvefeci filivm on vit en
effet selon trois notions : selon la nature, selon l'habitude,
selon la raison264.
nam qui mentiri aut fallere
insueuerit850 patrem
aut
Car qui s'est habitué à mentir ou à
tromper son père ou
nam qvi mentiri avt fallere
insveverit19
separatim subaudiendum πρὸς τὸ mentiri.
nam qvi mentiri avt fallere insveverit il
faut sous-entendre séparément insueuerit à côté de (πρὸς τὸ) mentiri.
audebit, tanto magis audebit
ceteros.
à être insolent, aura d'autant plus
d'insolence à l'égard des autres.
ceteros quia iam excepit patrem.
ceteros parce qu'il a déjà excepté le
père.
pudore et liberalitate liberos
C'est par le sens de l'honneur et la
générosité qu'on
1 pvdore et
liberalitate pudore ad filios rettulit, liberalitate ad parentes. 2 pvdore et liberalitate argumentum a
coniugatis: liberalitate,
inquit, regendi sunt, propter quod liberi dicuntur. liberalitate autem bonitate dicit.
1 pvdore et liberalitate il rapporte
pudore aux fils,
liberalitate aux
parents. 2 pvdore et liberalitate
argument par mots apparentés265 : il faut
régir ses enfants, dit-il, au moyen de la libéralité, en vertu de
quoi ils sont appelés liberi. Mais liberalitas signifie bonitas (bonté).
retinere satius esse puto851 quam metu.
retient mieux les enfants, à mon avis,
que par la crainte.
retinere sativs esse pvto bene retinere a uitiis, quia uitia filios
tenent, quos retinent patres, a uitiis scilicet.
nam retinet, qui aduersum
aliquem tenet.
retinere sativs esse pvto retinere est bien dit pour dire
retinere a uitiis
(retenir quelqu'un de mal agir), parce que les vices tiennent les
fils (tenent) et les
pères retiennent leurs fils (retinent), c'est-à-dire de mal agir.
Car on dit que retient (retinet) celui qui tient (tenet) contre quelqu'un.
haec fratri mecum non conueniunt neque
placent.
Voilà un point de désaccord entre mon
frère et moi, et des principes qui ne lui plaisent pas.
1 haec fratri mecvm non
convenivnt noua locutio. 2 Et non convenivnt pro non congruunt, ac per hoc: "in his
ego et frater dissentimus ac dissimiles sumus".
1 haec fratri mecvm non convenivnt expression
inédite266. 2 Et non
convenivnt est mis pour non
congruunt (ne s'accordent pas) et de ce fait on
comprend : "sur ce point mon frère et moi sommes en désaccord et
nous sommes différents".
uenit ad me saepe clamitans: « quid
agis, Micio?
Il vient à moi souvent, en criant :
« que fiches-tu, Micion ?
1 venit ad me saepe
clamitans et importunitatem ostendit odiosam uenit ad me dicendo et inconditam
assiduitatem addendo saepe. 2 Et congrue, postquam saepe dixit, adiecit aptius uerbum
non dicens clamans sed
clamitans. 3 qvid agis micio reminiscere lectionem et
inuenies huiusmodi interrogationem uel inuectionis principio uel
obiurgationis.
1 venit ad me saepe clamitans il montre d'une
part que son frère est odieusement importun, en disant uenit ad me, d'autre part que son
assiduité est grossière, en ajoutant saepe. 2 Et de façon concordante, après avoir dit
saepe, il ajoute un verbe
particulièrement adapté en disant non pas clamans (en criant) mais clamitans267. 3 qvid agis micio rappelez-vous la leçon et
vous saurez que ce genre d'interrogation convient à un début
d'invective ou à un début de reproche268.
cur perdis adulescentem nobis? cur
amat?
pourquoi nous gâtes-tu le petit ?
pourquoi est-il amoureux ?
1 cvr perdis
advlescentem nobis ἠθικῶς additum nobis, ut alibi nobis «
psaltriam nobis, si dis placet, parauit
27 ». 2 cvr amat cvr potat uide
quemadmodum ut durum obiurgatorem ostendat Demeam, cum ab eo ea
dicantur in crimen uocari, quae aut aetatis sunt, ut cur amat?, aut naturae, ut «
cur potat?
28 », aut pietatis, ut «
cur tu in his rebus sumptum suggeris?
29 » etc. 3 cvr amat cvr potat cur amat ad illud refert, quod ait
supra «
praetermitto
30 » - nam praetermitto
delicta intelleximus ex amore -, cur potat ad illud refert, quod ait:
« do » sumptum.
1 cvr perdis advlescentem nobis il ajoute
nobis en emploi éthique
(ἠθικῶς),
comme ailleurs « psaltriam nobis si dis placet parauit »269. 2 cvr amat cvr potat voyez
comme il montre en Déméa un censeur sévère, puisqu'il dit que sont
répréhensibles les faits qui relèvent de l'âge, comme cur amat ?, de la nature, comme
« cur potat ? » ou de la piété filiale, comme « cur tu in his
rebus sumptum suggeris ? ». 3 cvr amat cvr
potat cur amat
renvoie à ce qu'il a dit plus haut « praetermitto » (car nous
comprenons praetermitto
delicta, les méfaits de l'amour), cur potat nous le renvoyons à ce
qu'il disait : « do (sumptum) ».
cur potat? cur tu his rebus sumptum
suggeris?
pourquoi boit-il ? pourquoi fournis-tu
la dépense pour cela ?
uestitu nimio indulges; nimium ineptus
es ».
Tu le pourris avec trop de
garde-robe ; tu es trop stupide ».
nimivm ineptvs es utrumque dure, et
nimium et ineptus es.
nimivm ineptvs es les deux mots sont dits
de façon dure, tant nimium que ineptus es.
nimium ipse est durus praeter
aequumque et bonum,
C'est lui qui est trop dur comme père,
au-delà de ce qui est raisonnable et juste,
praeter aeqvvmqve et bonvm potuit et non
addi praeter aequumque et
bonum.
praeter aeqvvmqve et bonvm il aurait pu ne
pas ajouter praeter aequumque et
bonum.
et errat longe mea quidem
sententia,
et il se trompe lourdement, à mon
humble avis,
1 et errat
longe melius est longe simpliciter accipere, ut locale
sit, quam ualde. 2 mea qvidem sententia modeste additum
mea quidem sententia, ne
quis hoc pro praecepto dici existimet.
1 et errat longe il vaut mieux comprendre
longe simplement au sens
local, plutôt qu'au sens de ualde (beaucoup). 2 mea qvidem sententia par modestie il ajoute
mea quidem sententia,
pour que cela ne paraisse pas être dit en guise de leçon.
qui imperium credat grauius esse aut
stabilius
celui qui croit que l'empire qu'on a
est plus solide et plus stable
1 qvi imperivm
credat utrum quilibet an Demea? 2 gravivs esse avt
s.
stabilivs
20
grauius ad uim, stabilius ad tempus refertur.
1 qvi imperivm credat n'importe qui ou bien
Déméa ? 2 gravivs esse avt
stabilivs grauius
se rapporte à la force, stabilius au temps.
ui quod fit, quam illud quod amicitia
adiungitur.
quand il repose sur la force que celui
qui s'obtient par la tendresse.
1 vi qvod fit
id est metu ac malo. 2 vi qvod fit qvam illvd qvod amicitia
a.
adivngitvr
21 illud
fit quod ui, hoc adiungitur quod amicitia.
1 vi qvod fit c'est-à-dire metu et malo. 2 vi qvod fit qvam illvd qvod amicitia
adivngitvr l'un s'obtient (fit) parce qu'il y a la force
(ui), l'autre s'ajoute
(adiungitur) parce qu'il
y a de l'amitié (amicitia).
mea sic est ratio et sic animum induco
meum:
Pour moi, voici comment je raisonne,
voici le système que je me suis fait :
1 mea sic est ratio et
sic animvm
i.
indvco
m.
mevm
mea sic est
ratio ad superiora pertinet confirmanda, et sic animum induco meum ad ea
pertinet, quae dicturus est. 2 mea sic est ratio iterum modeste et
ἰδιωτικῶς. 3 et sic animvm indvco mevm senilis μακρολογία.
1 mea sic est ratio et sic animvm indvco mevm
mea sic est ratio est
destiné à confirmer ce qui précède, et sic animum induco meum se
rapporte à ce qu'il s'apprête à dire. 2 mea sic est ratio à nouveau avec modération
et en conformité avec son caractère (ἰδιωτικῶς)270. 3 et sic animvm indvco
mevm bavardage (μακρολογία) de vieillard.
malo coactus qui suum officium
facit,
quand c'est sous la contrainte du
châtiment qu'on fait son devoir,
1 malo coactvs
duo dicit: et malo et
coactus. 2 qvi svvm officivm facit22 ὁ τὸ καθῆκον ποιῶν, id
est qui recte efficit. officium autem dicitur quasi
efficium, ab efficiendo quod unicuique personae
congruat.
1 malo coactvs il dit deux choses : et que
c'est par un châtiment (malo) et que c'est contraint
(coactus). 2 qvi svvm officivm facit celui qui fait son
devoir (ὁ τὸ καθῆκον
ποιῶν), c'est-à-dire celui qui agit droitement.
Officium se dit, pour
ainsi dire, pour efficium, dérivé d'efficere, au sens de "réaliser ce
qui est conforme à chaque personne"271.
dum id852 rescitum iri
credit, tantisper cauet:
tant qu'on croit que la chose se
saura, pendant tout ce temps on fait attention.
1 dvm id rescitvm
iri "quod facit" scilicet. 2 tantisper quasi tantumper et
paulisper quasi paulumper ut parumper dicitur. 3 tantisper cavet peccare subaudiendum, nam totum
ἐλλειπτικῶς et
obscure. 4 Et bene cavet dicit quasi
malo.
1 dvm id rescitvm iri évidemment ce qu'il
fait. 2 tantisper comme si
c'était tantumper et
paulisper comme
paulumper comme on dit
parumper (pour un
instant). 3 tantisper cavet il faut
sous-entendre peccare
(commettre une faute), car l'ensemble est dit de façon elliptique
(ἐλλειπτικῶς)
et obscure. 4 Et cavet est bien dit, comme
si c'était "il se garde de la punition".
si sperat fore clam, rursus ad
ingenium redit.
Mais si l'on escompte que ça passera à
l'as, on revient à son naturel.
1 si sperat fore
clam iterum quod
facit subaudiendum. 2 rvrsvs ad ingenivm redit mire non intulit
cauet sed ad ingenium redit. 3 Et rvrsvm23 est retro
uersum, ut prorsum porro uersum.
1 si sperat fore clam à nouveau il faut
sous-entendre quod facit
(ce qu'il fait). 2 rvrsvs ad ingenivm
redit de façon remarquable il ne dit pas cauet mais ad ingenium redit. 3 Et rvrsvm c'est retro uersum (tourné vers
l'arrière), comme prorsum
c'est porro uersum
(tourné vers l'avant).
ille quem beneficio adiungas ex animo
facit,
Quant à celui qu'on s'attache par des
bienfaits, il agit en son âme et conscience,
1 ille qvem beneficio
adivngas non beneficio
adiunctus, ut supra malo
coactus. 2 ille qvem beneficio
adivngas καλῶς
ἀντέθηκεν, nam ille malo, hic beneficio, ille coactus, hic adiunctus, ille dum id rescitum iri credit, tantisper
cauet, hic praesens
absensque idem erit. 3 Et τὸ praesens et absens non ad locum aliquem sed ad
custodem monitoremque rettulit. 4 ille qvem beneficio contra illud quod ait
malo coactus. 5 ex animo facit officium scilicet.
1 ille qvem beneficio adivngas et non pas
beneficio adiunctus
(attaché par un bienfait), comme plus haut malo coactus272. 2 ille qvem beneficio
adivngas il fait une belle antithèse (καλῶς ἀντέθηκεν), car
pour le premier c'était malo, pour le second beneficio, le premier était
coactus, le second est
adiunctus, le premier
dum id rescitum iri credit, tantisper
cauet, le second praesens
absensque idem erit273. 3 Et les mots (τὸ) praesens et absens ne sont pas employés par
rapport à un lieu précis mais par rapport à un gardien et un
conseiller. 4 ille qvem beneficio c'est
le contraire de ce qu'il disait avec malo coactus. 5 ex animo facit son officium, évidemment.
studet par referre, praesens absensque
idem erit.
travaille à vous rendre la pareille ;
présent, absent, il restera le même.
1 stvdet par
referre id est bene24. 2 praesens absensqve idem erit contra illud
«
si sperat fore clam rursus ad ingenium redit
31 ».
1 stvdet par referre c'est-à-dire "bien"
(bene)274. 2 praesens absensqve idem erit c'est le
contraire de « si sperat fore clam rursus ad ingenium redit ».
hoc patrium est, potius consuefacere
filium
Voilà ce qui est proprement paternel :
apprivoiser son fils
1 hoc patrivm est
potivs superius a re tractum est, hoc iam a persona
ducitur argumentum. 2 consvefacere
non cogere sed consuefacere.
1 hoc patrivm est potivs l'argument antérieur
est tiré de la chose, celui-ci de la personne275. 2 consvefacere non pas cogere (forcer) mais consuefacere276.
sua sponte recte facere quam alieno
metu:
à bien agir de son propre chef plutôt
que par la crainte d'autrui ;
qvam alieno metv uide quemadmodum suam
indulgentiam ad effectum reuocet optimae disciplinae.
qvam alieno metv voyez comment il fait de
son indulgence l'effet d'une excellente éducation.
hoc pater ac dominus interest. hoc qui
nequit,
c'est en quoi un père et un maître
diffèrent. Qui en est incapable
1 hoc pater ac
dominvs a differentia personarum et officiorum. 2 interest differentia est. 3 hoc qvi neqvit longe melius nequit quam si diceret non uult.
1 hoc pater ac dominvs par une
différenciation de la personne et de la fonction. 2 interest c'est une
différenciation. 3 hoc qvi
neqvit nequit est
bien meilleur que s'il disait non
uult (il ne veut pas).
fateatur nescire imperare liberis.
doit avouer qu'il ne sait pas
gouverner ses enfants.
1 fateatvr nescire se
imperare liberis25 hoc est:
indicat se melius consulere et uolentem hoc exercere. 2 nescire se imperare liberis oratorie, quasi
artis sit indulgentissime agere. 3 imperare modo non ad superbiam sed ad
regendum referendum est. 4 nescire imperare
liberis deest se.
1 fateatvr nescire se imperare liberis
c'est-à-dire : "il indique qu'il donne de meilleurs conseils et
qu'il pratique cela de son plein gré". 2 nescire se imperare liberis de façon
oratoire, comme si c'était un art que de se montrer très
indulgent. 3 imperare de temps en
temps le mot se rapporte non pas à une position supérieure mais au
fait de diriger. 4 nescire imperare
liberis il manque se277.
sed estne hic ipse853, de quo agebam? et certe is est.
Mais n'est-ce pas là justement celui
dont je parlais ? Mais oui, c'est bien lui.
1 sed estne hic ipse de
qvo κατ᾽
οἰκονομίαν superuenit de quo sermo est, ut factis dicta
ostendantur. 2 et certe is est bene nunc
confirmat ipsum esse, cum propior est, utpote senili nec in longum
prospiciente conspectu.
1 sed estne hic ipse de qvo par souci
d'agencement (κατ᾽
οἰκονομίαν), survient celui dont on parle, pour que les
faits accréditent les paroles. 2 et certe is est il fait bien maintenant de
confirmer que c'est lui, au moment où il s'approche, comme s'il
avait une myopie de vieillard et non une vue qui porte loin.
nescio quid tristem uideo: credo iam,
ut solet
Il a je ne sais quoi de chagrin, je le
vois bien. A mon avis, comme d'habitude,
1 nescio qvid tristem
video orationis apparatus ex uultu ostenditur, ut «
stetit acri fixa dolore, tunc quassans caput hanc
effundit pectore uocem
32 ». 2 Et nescio qvid deest propter, ut sit: propter nescio quid. 3 credo iam vt solet causa, cur illum
frater aequo animo ferat: ut
solet inquit.
1 nescio qvid tristem video la teneur de son
discours est préparée par son visage, comme dans : « stetit acri
fixa dolore, tunc quassans caput hanc effundit pectore uocem »
(elle s'arrêta clouée par une douleur aiguë ; lors, secouant sa
tête, elle laisse sortir de son cœur cette parole). 2 Et nescio qvid manque propter, pour faire propter nescio quid (à cause de je
ne sais quoi). 3 credo iam vt solet la
raison pour laquelle son frère le supporte avec sang-froid :
ut solet, dit-il.
iurgabit. saluum te aduenire,
Demea,
il va me quereller. Tu arrives en
bonne santé, Déméa,
salvvm te advenire demea gavdemvs ut
asperior ostendatur Demea, etiam salutatur ab eo, quem
obiurgaturus est.
salvvm te advenire demea
gavdemvs pour que Déméa paraisse plus pénible, il reçoit
le salut de celui qu'il s'apprête à quereller.
gaudemus.
Tant mieux !
scaena altera
Micio Demea
81b | 82 | 83 | 84 | 85 | 86 | 87 | 88 | 89 | 90 | 91 | 92 | 93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 100 | 101 | 102 | 103 | 104 | 105 | 106 | 107 | 108 | 109 | 110 | 111 | 112 | 113 | 114 | 115 | 116 | 117 | 118 | 119 | 120 | 121 | 122 | 123 | 124 | 125 | 126 | 127 | 128 | 129 | 130 | 131 | 132 | 133 | 134 | 135 | 136 | 137 | 138 | 139 | 140 | 141 | 142 | 143 | 144 | 145 | 146 | 147 | 148 | 149 | 150 | 151 | 152 | 153 | 154
De.-hem854 opportune: te ipsum quaerito.
Dé.-Ah! te voici fort à propos, c'est
justement toi que je cherchais.
1 hem opportvne te ipsvm qvaerito in hoc
actu, diuersi homines, diuersi patres, diuersa studia proponuntur:
hic lenis hic amarus, hic facetus hic impolitus, hic facilis hic
pertinax et difficilis in delictis. 2 hem opportvne te ipsvm qvaerito melius quam
Menander, quod hic illum ad iurgium promptiorem quam resalutantem
facit.
1 hem opportvne te ipsvm qvaerito dans cette
scène278, des êtres humains différents, des pères
différents, des occupations différentes sont envisagés : l'un
affable, l'autre acariâtre ; l'un amusant, l'autre mal dégrossi ;
l'un traitable, l'autre tenace et intraitable à l'égard des
erreurs. 2 hem opportvne te ipsvm
qvaerito mieux que chez Ménandre, parce qu'ici il le rend
plus prompt à lancer la querelle qu'à retourner le salut279.
Mi.-quid tristis es? De.-rogas me, ubi
nobis Aeschinus
Mi.- Pourquoi cet air chagrin ? Dé.-Tu
me demandes, quand nous avons un Eschine,
1 qvid tristis
es bene interrogat, potuit enim non iratus frater
quaerere. 2 vbi nobis aeschinvs siet
quasi quaedam causa tristitiae sit.
1 qvid tristis es l'interrogation est bonne,
car son frère aurait pu le chercher sans être en colère. 2 vbi nobis aeschinvs siet comme si c'était
une cause de morosité.
siet, quid tristis ego sim? Mi.-dixin
hoc fore?
pourquoi cet air chagrin ?
Mi.-N'avais-je pas dit que cela arriverait ?
dixin hoc fore «
credo iam ut solet iurgabit
33 ».
dixin hoc fore cf. « credo iam ut solet
iurgabit ».
quid is fecit? De.-quid ille fecerit?
quem neque pudet
Qu'a-t-il donc fait ? Dé.-Ce qu'il a
fait ? lui qui n'a honte
1 qvid ille
fecerit animaduertendum, ut interrogatus interroget more
indignantium, quod ideo facit, quod uidet Micionem eo uultu
interrogare, ut uideatur minus reprehendere culpam
Aeschini. 2 qvem neqve pvdet qvicqvam nec
metvit qvemqvam uarie per casus. 3 qvem neqve pvdet qvicqvam contra illud,
quod alibi pater dicit «
erubuit: salua res est
34 ». 4 qvem neqve pvdet qvicqvam
magno ordine accusauit: non, inquit, pudore mouetur patris, non
metu parentum, non timore legum. 5 Ergo gradatim αὔξησις oratoria processit.
1 qvid ille fecerit il faut remarquer comment
en réponse à une question il pose une question, comme font les
gens en colère, et s'il fait cela, c'est parce qu'il voit que
Micion l'interroge avec un air à vouloir minimiser la faute
d'Eschine. 2 qvem neqve pvdet qvicqvam nec
metvit qvemqvam variation par l'emploi des cas280. 3 qvem neqve pvdet
qvicqvam le contraire de la réplique suivante du père :
« erubuit : salua res est ». 4 qvem neqve pvdet qvicqvam il met un grand
ordre dans ses accusations : il n'est pas ébranlé, dit-il, par la
retenue nécessaire devant un père, ni par la peur de ses parents,
ni par la crainte des lois. 5 Donc
par degrés s'est mise en place une gradation (αὔξησις) oratoire.
quicquam nec metuit quemquam neque
legem putat
de rien, qui ne craint personne, qui
croit qu'aucune loi
tenere se ullam. nam illa quae antehac
facta sunt
ne le retient ? Car ce qui a été fait
auparavant,
1 tenere se
vllam bene tenere,
quia legem. et est
ἀμφιβολία
oratoria. 2 nam illa qvae antehac
omnis accusatio duo tempora recipit: praeteritum ab ante gestis et
praesens ab his quae obiciuntur. ergo utrumque mira breuitate
perstrinxit.
1 tenere se vllam tenere est bien choisi parce qu'il
accompagne legem. Et
c'est une ambiguïté (ἀμφιβολία) oratoire281. 2 nam illa qvae antehac toute accusation
comprend deux temps : le passé, pour les faits précédents, et le
présent, pour ce qui est actuellement reproché. Donc il resserre
les deux moments avec une brièveté remarquable.
omitto: modo quid designauit!
Mi.-quidnam id est?
je n'en parle pas. Mais à l'instant,
l'exploit qu'il a fait ! Mi.-De quoi s'agit-il ?
1 modo qvid
designavit designare est rem nouam facere in
utramque partem, et bonam et malam. nam et designatores dicti, qui ludis
funebribus praesunt, credo ob eam causam, quod ipsis ludis multa
fiant noua et spectanda, simul etiam ut urbe retineantur, quae
fiunt aut in spectaculis aut in litibus. 2 modo qvid designavit puto ego designationem contractionem aut
conductionem populi in unum intellegi - hoc enim contingit ei, qui
aliquo flagitio populi in se oculos et ora conuertit et spectaculo
est uulgo -, quod designatores ludis funebribus
multitudinem retinent. 3 designavit
apud ueteres hoc uerbum duas res significabat: etenim praue et
recte facta designata
dicebantur. 4 qvidnam id est et hoc
contentiose interrogat Micio.
1 modo qvid designavit designare c'est faire une chose
nouvelle en bonne comme en mauvaise part. Car on appelle du nom de
designatores ceux qui
président aux jeux funèbres, pour la raison, je suppose, que dans
ces jeux mêmes se produisent beaucoup d'événements nouveaux et
qu'il faut considérer avec attention, pour qu'aussi dans le même
temps soient évités les troubles qui se produisent lors des
spectacles ou des litiges. 2 modo qvid
designavit je pense pour ma part que designatio se comprend comme
l'action de resserrer ou de conduire le public dans un endroit
- c'est ce qui arrive à celui qui par suite d'un scandale attire
sur lui les regards et les visages du public et devient un
spectacle pour la foule -, parce que les designatores dans les jeux funèbres
endiguent la cohue. 3 designavit
chez les Anciens, ce verbe avait deux sens : de fait les choses
mal faites ou les choses bien faites recevaient le nom de
designata. 4 qvidnam id est la question de Micion est
obstinée.
De.-fores effregit atque in aedes
inruit
Dé.-Il a enfoncé une porte et fait
effraction dans une maison
1 fores
effregit haec singula magna uociferatione inferenda sunt;
stomachatur enim aduersus male interrogantem. 2 fores effregit atqve in aedes totum quidem
unum crimen est: rapuit meretricem; sed uide, qua pompa, qua
uociferatione dilatatur accusatio de moribus Demeae nihil non in
maius inferentis.
1 fores effregit il faut prononcer ces mots
un par un avec une voix forte ; car il est en colère contre Micion
qui pose de mauvaises questions. 2 fores effregit atqve in aedes tout, en
vérité, ne forme qu'un seul chef d'accusation : il a enlevé une
courtisane. Mais voyez avec quelle emphase, quels cris est
amplifiée l'accusation de mauvaises mœurs que porte Déméa, qui
grossit tout et force le trait.
alienas: ipsum dominum atque omnem
familiam
étrangère : le propriétaire et toute
la maisonnée,
1 alienas
singula consideranda sunt. 2 Et bene alienas dicit quia lenonis si diceret, parua res
erat. 3 ipsvm dominvm iterum
suppressa est infamis persona. 4 atqve omnem familiam familiam pro seruis lenonis aut
meretricibus dicit.
1 alienas il faut considérer les mots un par
un. 2 Et il fait bien de dire
alienas parce que s'il
disait lenonis (du
proxénète), l'affaire serait mince282. 3 ipsvm
dominvm à nouveau il supprime la mention du personnage
infâme. 4 atqve omnem familiam il
dit familia pour désigner
les esclaves du proxénète ou ses courtisanes.
mulctauit855 usque ad mortem: eripuit mulierem
il le leur a fait payer cher, les
laissant pour morts ; il a enlevé une femme
1 mvlctavit
lacerauit, mutilauit, molliuit atque dissoluit. unde Mulciber quasi Mulctiber, a mulctando. 2 vsqve ad mortem magna inuidia caedis mortis
mentione, quae tamen nulli accidit. 3 eripvit mvlierem qvam amabat omnia magno
colore et accusatorie dicta sunt et hoc maxime, quod lenonem et meretricem non dixit, contentus facti
atrocitate personarumque uilitatem reticens. 4 eripvit mvlierem non abduxit sed eripuit.
1 mvlctavit il a déchiré (lacerauit), mutilé (mutilauit)283, brisé (molliuit) et pulvérisé (dissoluit). De là le nom de
Mulciber, comme si
c'était Mulctiber, dérivé
de mulctare284. 2 vsqve ad
mortem grande manifestation d'hostilité à l'égard du
massacre, par la mention de la mort, alors que rien de tel n'est
arrivé à qui que ce soit. 3 eripvit mvlierem
qvam amabat l'ensemble est dit avec une couleur
grandiloquente et un ton accusateur, et surtout le fait qu'il
n'évoque pas les termes de "proxénète" et de "courtisane", se
contentant d'indiquer l'atrocité du méfait en passant sous silence
le bas niveau social des personnages. 4 eripvit mvlierem il ne l'a pas "enlevée"
(abduxit), mais
"arrachée" (eripuit).
quam amabat. clamant omnes
indignissime
dont il était amoureux. Tous
s'exclament que c'est une honte
clamant a iudicato ex auctoritate
rumoris.
clamant jugement se fondant sur l'autorité
de la rumeur285.
factum esse. hoc aduenienti quod856 mihi, Micio,
d'agir ainsi. J'arrive à peine ici, et
voilà ce que, Micion,
hoc advenienti qvod mihi micio dixere
omnibus displicet, multi et accusant; nec tamen lenonis querelae
fit mentio oratorie. hoc
autem uel articulus uel aduerbium loci.
hoc advenienti qvod mihi micio dixere la
chose déplaît à tous, beaucoup se font même accusateurs ;
pourtant, de façon oratoire, il n'est fait nulle allusion à la
plainte du proxénète. Quant à hoc, c'est soit un article soit un
adverbe de lieu286.
dixere! in ore est omni populo.
denique,
on dit. Il est sur toutes les lèvres
en ville. Enfin,
1 in ore est omni
popvlo Sallustius «
in ore gentibus agens
35 ». 2 popvlo ciuitati.
1 in ore est omni popvlo Salluste : « in ore
gentibus agens » (agissant au vu et au su de tout le monde)287. 2 popvlo la
cité.
si conferendum exemplum est, non
fratrem uidet
s'il est besoin de prendre un exemple,
ne voit-il pas son frère
1 si conferendvm
exemplvm est tamquam non sit conferendum. 2 non fratrem videt rei dare operam satis
comice hoc infertur legentibus argumentum, nam magis in culpa est
ille ipse, quem laudat.
1 si conferendvm exemplvm est est dit comme
s'il ne fallait pas comparer. 2 non fratrem videt rei dare operam réplique
assez comique pour ceux qui ont lu l'argument de la pièce, car le
plus coupable est celui dont il fait l'éloge.
rei dare operam, ruri esse parcum et
sobrium?
s'occuper de ses affaires, vivre à la
campagne, économe et sobre ?
1 rei dare
operam non amori, rvri esse non in urbe, parcvm non prodigum,
sobrivm non insanum. 2 parcvm et sobrivm contra illud «
cur amat? cur potat?
36 ». 3 rei dare operam quam
facete poeta haec omnia falsa ex contrario facit Demeam
credere!
1 rei dare operam et non pas à l'amour,
rvri
esse et non pas en ville, parcvm et non pas
prodigue, sobrivm et non pas insensé. 2 parcvm et sobrivm le contraire de « cur
amat ? cur potat ? ». 3 rei dare
operam comme le poète s'amuse à faire croire à Déméa
toutes ces contre-vérités !
nullum huius simile factum857. haec cum illi, Micio,
Rien chez lui de semblable ! Et quand
je l'accuse, Micion,
1 nvllvm hvivs simile
factvm hac comparatione Micio tangitur, quasi ipsius culpa
sit, non fratris. 2 nvllvm hvivs
simile26 hoc cum admiratione indignantis est
pronuntiandum et ardentibus in Micionem oculis; et subaudiendum
est esse aut inueniri. 3 haec cvm illi micio dico tibi dico
illi pro in illum et tibi pro in te.
1 nvllvm hvivs simile factvm par cette
comparaison Micion est touché, comme si c'était sa faute à lui et
non celle de son frère. 2 nvllvm hvivs
simile il faut dire cela avec l'étonnement d'un homme en
colère et des yeux ardents dardés contre Micion ; et il faut
sous-entendre esse (il
n'y a) ou inueniri (on ne
trouve). 3 haec cvm illi micio dico tibi
dico illi pour
in illum et tibi pour in te.
dico, tibi dico: tu illum corrumpi
sinis.
c'est toi que j'accuse : c'est toi qui
le laisses se gâter.
1 tv illvm corrvmpi
sinis deest nam,
sed feruentius ἀσυνδέτως dicitur. 2 Et hoc tibi et tu pronuntiandum est intento digito
et infestis in Micionem oculis; nam hoc agi stomacho aduersum
dissimulatores solet. 3 tv illvm corrvmpi
sinis mitius modo dixit sinis
corrumpi, mox uehementius dicet «
an laudi putat fore si perdiderit gnatum?
37 ».
1 tv illvm corrvmpi sinis il manque
nam (car) mais il y a
plus d'ardeur avec l'asyndète (ἀσυνδέτως). 2 Et il faut prononcer tibi et tu en tendant le doigt et avec des
yeux méchants pointés vers Micion ; car c'est ainsi qu'on agit
habituellement à l'égard des dissimulateurs. 3 tv illvm corrvmpi sinis il dit sinis corrumpi avec plus de douceur
ici que ce qu'il dira tout à l'heure : « an laudi putat fore si
perdiderit gnatum ? ».
Mi.-homine inperito numquam quicquam
iniustius est,
Mi.-Il n'y a rien jamais de plus
injuste qu'un imbécile,
homine imperito nvmqvam qvicqvam inivstivs
miro stomacho apud ipsum de ipso tamquam de altero loquitur.
homine imperito nvmqvam qvicqvam inivstivs
avec une colère étonnante, il parle de lui en sa présence comme
s'il parlait d'un autre.
qui nisi quod ipse fecit nihil rectum
putat.
qui ne trouve bien que ce qu'il a
fait.
nihil rectvm pvtat proprie putat, nam hoc uerbum imperitorum
est. 2 Ordo est: "qui nihil rectum
putat nisi quod ipse fecit". 3 qvi nisi qvod ipse fecit
n.
nihil
r.
rectvm
p.
pvtat
ἰδιωτολογία: hoc enim proprium rusticorum
atque imperitorum.
nihil rectvm pvtat putat au sens propre, car c'est un
mot caractéristique d'un "imbécile" (imperitus)288. 2 L'ordre est : "qui nihil rectum putat nisi
quod ipse fecit". 3 qvi nisi qvod ipse
fecit nihil rectvm pvtat idiolectal (ἰδιωτολογία) : car
cette idée est le propre des paysans et des imbéciles289.
De.-quorsum istuc? Mi.-quia tu,
Demea, haec male iudicas.
Dé.-A quoi cela mène-t-il ? Mi.-C'est
que tu juges mal, Déméa, sur ce point !
1 qvorsvm istvc "ut
dicis"27. 2 qvia tv demea id est homo
imperitus. 3 qvia tv demea male
ivdicas28 pari uirtute haec leniter dicta
sunt, qua superiora uehementer.
1 qvorsvm istvc "comme tu dis". 2 qvia tv demea c'est-à-dire un homme
inculte. 3 qvia tv demea male
ivdicas ces mots sont dits avec autant de douceur qu'il y
avait de véhémence dans les précédents.
non est flagitium, mihi crede,
adulescentulum
Il n'y a pas de scandale, crois-moi,
à ce qu'un gamin
1 non est flagitivm non peccatum negat esse, sed flagitium non esse contendit, et ideo
subindignanter pronuntiandum est. 2 Vt si dicat: "scortari quidem adulescentulum
delictum est, sed non est
flagitium", ut ueniae
locus non tam in facto quam in persona sit constitutus. 3 non est flagitivm mihi crede advlescentvlvm
scortari mire respondit et oratorie ad haec, quae
inuidiose dicta sunt. nam quod ait ille eripuit mulierem quam amabat, hic
«
scortari
38 » dicit, quod irruit in aedes
alienas quasi ex uino furens, «
potare
39 », quod cum aliis graue propositum est, hoc solum dicendo
leue reddidit, id est «
fores effringere
40 ». 4 mihi crede quasi imperito
dicit mihi crede, non
me intellege. quod
imitatus Cicero sic Caecilium exagitat «
magna sunt enim ea quae dico, mihi crede: noli haec
contemnere
41 »; hic enim et auctoritas dicentis et contemptus
ostenditur audientis.
1 non est flagitivm il ne nie pas qu'il y ait
faute, mais il défend l'idée que ce n'est pas un flagitium, et par là même il faut
dire le mot avec une indignation contenue. 2 Comme s'il disait : "qu'un jeune homme coure les
filles est une faute, mais ce n'est pas un flagitium", ce qui donne une place
toute prête au pardon, non pas tant dans l'acte que dans la
personne qui l'a commis. 3 non est flagitivm
mihi crede advlescentvlvm scortari il répond de façon
paradoxale et oratoire aux méchantes paroles qu'on lui a dites.
Car là où l'autre disait « eripuit mulierem quam amabat », lui dit
« scortari », là où l'autre disait « irruit in aedes alienas »
comme sous l'emprise de la boisson, lui dit « potare », là où avec
d'autres c'est une assertion grave, lui en la disant seulement il
la rend légère, à savoir « fores effringere ». 4 mihi crede comme s'il parlait à un inculte,
il dit mihi crede et non
me intellege
(comprends-moi). C'est en imitant cela que Cicéron asticote
Caecilius : « magna sunt enim ea quae dico, mihi crede : noli haec
contemnere » (ce sont de grandes choses que j'évoque, crois-moi ;
ne les traite pas par le mépris). Car ici on sent à la fois
l'autorité de celui qui parle et son mépris pour son auditeur.
scortari, neque potare: non est:
neque fores
coure la gueuse, ou boive, non, non,
ou enfonce
neqve potare non est neqve fores effringere haec si
neqve ego neqve tv fecimvs quia dixit «
qui nisi quod ipse fecit nihil rectum putat
42 ».
neqve potare non est neqve fores effringere haec si
neqve ego neqve tv fecimvs parce qu'il a dit : « qui nisi
quod ipse fecit nihil rectum putat ».
effringere. haec si neque ego neque
tu fecimus,
des portes. Tout ça, si ni toi ni moi
ne l'avons fait,
non siit egestas facere nos: tu nunc
tibi
c'est que notre pauvreté ne nous l'a
pas permis : et maintenant, toi,
non siit egestas non uoluntas prohibuit sed
necessitas, et ideo nulla laus.
non siit egestas ce n'est pas la volonté
qui a fait obstacle, mais la nécessité ; de là, il n'y aucun éloge
à en tirer.
id laudi ducis, quod tum fecisti
inopia.
tu tires gloire d'un fait que tu ne
dois qu'à la misère.
qvod tvm fecisti inopia nota fecisti in eo quod significat
non fecisti.
qvod tvm fecisti inopia notez fecisti dans la mesure où il
signifie non fecisti (ce
que tu n'as pas fait)290.
iniurium est: nam si esset unde id
fieret,
Ce n'est pas juste : car si nous
avions eu de quoi le faire,
1 inivrivm est quia «
nihil quicquam iniustius homine imperito
43 ». 2 vnde id fieret fieret producta prima syllaba. Ennius
«
memini me fieri pauum
44 ». 3 nam si esset vnde
fieret29 non necessario consequens, sed
probabiliter admittitur apud30 oratores; non enim omnis, qui habet unde
faciat, continuo etiam facit.
1 inivrivm est parce que « nihil quicquam
iniustius homine imperito ». 2 vnde id fieret fieret avec une première syllabe
longue. Ennius : « memini me fieri pauum » (m'est avis que je
deviens un paon)291. 3 nam si esset vnde
fieret ce n'est pas une conséquence nécessaire mais on
l'accepte comme probable, comme chez les orateurs ; car quiconque
a les moyens d'agir n'agit pas pour autant séance tenante.
faceremus. et tu illum tuum, si esses
homo,
nous l'aurions fait. Et toi, à ton
garçon, si tu étais un homme,
et tv illvm tvvm si esses homo multum
progressus est accusans accusantem.
et tv illvm tvvm si esses homo il a fait un
grand pas en accusant son accusateur.
sineres nunc facere, dum per aetatem
licet,
tu le laisserais faire maintenant,
tant que son âge le lui permet,
potius quam, ubi te exspectatum
eiecisset foras,
au lieu que, après t'avoir mis dehors
les pieds devant,
1 exspectatvm odiosum et molestae uitae. nam
filiis parentes aut amabiles aut expectati: amabiles boni, exspectati mali, quorum mors in dies
singulos exspectanda et exoptanda sit. 2 Nam exspectamus ante diem, speramus ad diem; unde auidior
intellegitur ille qui exspectat, quam ille qui sperat. 3 eiecisset foras non dicit amisisset, sed ut quiddam abiciendum
eiecisset. 4 qvam vbi te exspectatvm eo rem perduxit, ut
ipse uideatur magis consulere disciplinae quam Demea.
1 exspectatvm odieux et pénible à vivre. Car
pour les fils, les pères sont ou amabiles ou expectati : amabiles ils sont bons, exspectati ils sont mauvais et il
faut attendre (exspectare) et souhaiter leur mort
jour après jour. 2 Car nous
attendons (exspectamus)
avant l'heure, mais nous espérons jusqu'à l'heure dite ; aussi
comprend-on que soit plus avide celui qui attend que celui qui
espère. 3 eiecisset foras il ne dit
pas amisisset (après
t'avoir perdu), mais eiecisset comme quelque chose dont
il faut se débarrasser. 4 qvam vbi te
exspectatvm il conduit son exposé au point de paraître
plus attaché à l'éducation que Déméa.
alieniore aetate post faceret
tamen.
il le fasse plus tard à un âge qui ne
sera pourtant plus de mise.
1 alieniore aetate post faceret tamen
ἀνακόλουθον:
deest enim quamuis. 2 Et faceret ultimum magnam uim habet: nihil
prodesset, insuper obesset retinere ab istis filium
iuuenem. 3 Et alieniore pro aliena dicens comparatiuum gradum pro
positiuo posuit.
1 alieniore aetate post faceret tamen
anacoluthe (ἀνακόλουθον). Il manque en effet
quamuis (bien
que)292. 2 Et faceret en dernière position a une force
particulière : il ne servirait de rien, il serait même nuisible de
tenir à distance de ces plaisirs son jeune fils. 3 Et alieniore pour aliena (autre) ; il a mis le
comparatif pour le positif.
De.-pro Iuppiter! tu, homo, adigis me
ad insaniam.
Dé.-Par Jupiter ! toi, bonhomme, tu
me rends fou.
1 pro ivppiter quia pro Iuppiter tragica exclamatio est,
bene tamquam ipse se reprehenderet Demea adiecit tu homo rediges me ad
insaniam. 2 Et tv homo dicens negat illi
familiaritatem.
1 pro ivppiter comme pro Iuppiter est une exclamation de
tragédie, il fait bien d'ajouter, comme si Déméa se corrigeait,
tu homo rediges me ad
insaniam293. 2 Et en disant tv homo il lui dénie le statut de membre de
sa famille294.
non est flagitium facere haec
adulescentulum? Mi.-ah,
Il n'y a pas de scandale à ce qu'un
gamin fasse ça ? Mi.-Ah!
non est flagitivm facere haec moraliter
indignatio expressa est isdem uerbis quae frater dixerat.
non est flagitivm facere haec conformément
à son caractère il exprime son indignation en reprenant les mêmes
mots que son frère avait utilisés.
ausculta, ne me obtundas de hac re
saepius.
écoute, cesse de me rebattre les
oreilles avec ça sans arrêt.
ne me obtvndas "ne me saepe et moleste
interpelles". nam obtundere est saepe aliquid odiose
repetere.
ne me obtvndas "cesse de m'interpeller
souvent et de façon agressive". Car obtundere c'est répéter souvent
quelque chose en marquant sa haine.
tuum filium dedisti adoptandum
mihi:
Tu m'as donné ton fils à
adopter :
tvvm filivm dedisti adoptandvm31
argumentatio per ἐπαγωγήν, quae inductio ab oratoribus dicitur, cum
per interrogationem peruenimus ad id quod uolumus
concludendum.
tvvm filivm dedisti adoptandvm
argumentation par induction (ἐπαγωγή), laquelle s'appelle inductio chez les orateurs, lorsque
par le biais de questions nous parvenons à la conclusion que nous
souhaitons295.
is meus est factus: si quid peccat,
Demea,
le voilà devenu mon fils. S'il cause
des soucis, Déméa,
1 is mevs est factvs sic progreditur, quasi
confessionis genus sit aduersarium tacuisse. 2 si qvid peccat demea conclusio dubiae rei a
non dubiis sumpta. 3 si qvid peccat
demea τῷ
ἰδιωτισμῷ interposuit Demea et repetitum peccat.
1 is mevs est factvs il avance, comme si le
silence de son adversaire était une sorte d'aveu. 2 si qvid peccat demea conclusion d'un fait
douteux tirée de faits indubitables. 3 si qvid peccat demea par idiotisme
(τῷ
ἰδιωτισμῷ), il intercale Demea et répète peccat.
mihi peccat: ego illi maximam partem
feram.
les soucis sont pour moi, c'est moi
qui en prendrai la plus grande part.
1 ego illi maximam partem feram errant qui
illi putant esse pronomen,
cum sit aduerbium, ut «
illi mea tristia facta degeneremque Neoptolemum narrare
memento
45 ». illi ergo:
ibi, ubi ille peccat. quare quidam etiam li syllabam discretionis causa, ut
locum significet, corripiunt. 2 Et maximam partem optime dicit: non enim
uniuersam, quia non solus
pater Aeschini est, sed maximam, quia hic magis est, cuius
filius esse coepit per adoptionem. 3 feram sustinebo, tolerabo.
1 ego illi maximam partem feram ils font
erreur ceux qui croient que illi est un pronom, dans la mesure
où c'est un adverbe de lieu, comme dans : « illi mea tristia facta
degeneremque Neoptolemum narrare memento » (n'oublie pas de
raconter là-bas mes sinistres exploits et comment Néoptolème
dégénère)296. Donc illi veut dire "à l'endroit où il
est en faute". C'est la raison pour laquelle, par souci de
différenciation, pour indiquer le lieu, certains abrègent la
quantité de la syllabe li297. 2 Et maximam
partem très bien dit : car il ne dit pas uniuersam (dans son entier), parce
qu'il n'est pas le seul père d'Eschine, mais maximam parce qu'est davantage père
celui dont le fils a été tel d'abord par l'adoption. 3 feram je soutiendrai, je tolèrerai.
obsonat, potat, olet unguenta? de
meo;
Il fait la fête, il boit, il se
parfume ? c'est à mes frais.
1 olet vngventa non dixit unguitur, ne haec exercitationis
palaestricae, non luxuriae dicerentur. 2 obsonat potat olet vngventa a summo ad imum
proposita soluuntur. 3 Et mira uarietas olet vngventa, ne diceret
obsonat potat
unguitur.
1 olet vngventa il ne dit pas unguitur (il ruisselle), pour que
cela ne passe pas pour les suites d'un exercice de gymnastique,
mais bien pour de la luxure. 2 obsonat potat olet vngventa les
propositions sont vidées de leur substance et passent du très
grave au très bénin298. 3 Et olet vngventa il y a une remarquable
variation, pour éviter de dire obsonat potat unguitur.
amat? dabitur a me argentum, dum erit
commodum;
Il est amoureux ? l'argent partira de
mon compte, tant que je le jugerai bon.
1 amat πρὸς τὸ «
cur amat
46 ». 2 dvm erit commodvm
dare scilicet.
1 amat se rapporte à (πρὸς τὸ) cur amat. 2 dvm erit commodvm évidemment de donner.
ubi non erit, fortasse excludetur
foras.
Quand ce ne sera plus le cas, sans
doute le mettra-t-on dehors.
1 vbi non erit non argentum scilicet sed commodum dare subaudiendum
est. 2 fortasse exclvdetvr foras
hoc ita intulit, quasi dicat, nihil sibi deperisse, si forte ad
amicam gratis fuerit admissus. 3 Et totum hoc τῷ ἐξουθενισμῷ legendum est. 4 Mire32 fortasse dicit ut pater indulgens et
credens adulescentem etiam amari ab amica posse; non enim
affirmauit, ut diceret excludetur
foras.
1 vbi non erit il faut sous-entendre non pas
argentum, mais commodum dare. 2 fortasse exclvdetvr foras il infère cela
comme s'il disait qu'il n'a rien perdu si le jeune homme a été
reçu par sa maîtresse. 3 Et il faut
lire tout cela avec un ton désinvolte (τῷ ἐξουθενισμῷ). 4 De façon étonnante il dit fortasse comme un père indulgent et
que le jeune homme peut même être aimé de sa maîtresse ; car il
n'a pas fait une affirmation catégorique, au point de dire
excludetur foras (on le
jettera dehors).
fores effregit? restituentur;
discidit
Il a enfoncé une porte ? on la
réparera ; il a déchiré
fores effregit restitventvr peruenit ad
praesens crimen; illa enim ante acta fuerant.
fores effregit restitventvr le voilà
parvenu au crime actuel : car les autres faits étaient
antérieurs.
uestem? resarcietur. est dis
gratia,
des vêtements ? on les recoudra.
Grâce aux dieux
resarcietvr re abundat.
resarcietvr le préfixe re est pléonastique299.
et unde haec fiant, et adhuc non
molesta sunt.
j'ai de quoi y pourvoir et pour
l'instant cela ne me dérange pas.
1 et vnde haec fiant iterum subaudiendum
est. 2 et adhvc non molesta svnt quia «
non est flagitium adulescentulum scortari
47 ».
1 et vnde haec fiant à nouveau il faut
sous-entendre est. 2 et adhvc non molesta svnt parce que « non
est flagitium adulescentulum scortari ».
postremo aut desine aut cedo quemuis
arbitrum:
Pour finir, arrête ou donne-nous
l'arbitre de ton choix :
te plura in hac re peccare ostendam.
De.-ei mihi!
c'est toi le plus coupable en cette
affaire, je le prouveraii. Dé.-Misère de moi !
pater esse disce ab illis qui uere
sciunt.
apprends donc la paternité de ceux
qui la connaissent réellement.
pater esse disce ab aliis superbum fuerat
a me dicere; melius ergo
ab aliis dictum est.
pater esse disce ab aliis c'eût été
orgueilleux de dire a me
(de ma bouche) ; donc ab
aliis est mieux dit.
Mi.-natura tu illi pater es,
consiliis ego.
Mi.-Toi, c'est la nature qui t'a fait
son père, moi, ce sont les conseils.
1 natvra tv illi pater es urbane Micio: plus
enim ad laudem ualet consilium quam natura. et simul ostendit poeta
uerbis Micionis, qui non natura sed affectu sit
pater33, nullum patrem esse
sapientem, eum uero posse sine perturbatione perfrui his quos
amat, quem patrem esse consilium fecerit, non natura, hoc est qui
filium adoptauerit. 2 Et mire cum naturam singulariter dixerit,
plurariter intulit consilia sua.
1 natvra tv illi pater es c'est
spirituellement dit de la part de Micion ; car la décision
(consilium) mérite plus
d'éloge que la nature (natura). Et en même temps le poète
montre, par cette réplique de Micion, qui n'est pas père par
nature mais par affection, qu'aucun père n'est sage, mais que
celui qui peut sans passion profiter en toute occasion des gens
qu'il aime est celui qu'une décision a rendu père, non pas la
nature, donc celui qui a adopté un fils. 2 Et étonnamment, alors qu'il avait dit natura au singulier, il a mis au
pluriel ses consilia.
Dé.-Toi tu conseilles en quoi que ce
soit ? Mi.-Si tu continues, je vais m'en aller.
1 tv consvlis qvicqvam apertior contumelia,
et ideo sequitur denuntiatio discedendi. 2 tv consvlis qvicqvam quia praedixit «
consiliis ego pater sum
48 », a coniugatis argumentatus respondit tu consulis quicquam quia a
consulendo consilia dicuntur et consultores. 3 si pergis abiero ut «
donec me flumine uiuo abluero
49 ». 4 si pergis abiero ἀρχαϊσμός pro abibo. 5 Et hoc gestu abeuntis uel abituri
pronuntiatur.
1 tv consvlis qvicqvam l'injure est plus
nette et c'est ce qui explique l'annonce qu'il va s'en
aller. 2 tv consvlis qvicqvam
parce qu'il avait dit ci-dessus « consiliis ego pater sum », il
fait une réponse en argumentant par des mots de même famille
tu consulis quicquam,
parce que consilia et
consultores viennent de
consulere300. 3 etsi pergis
abiero comme dans : « donec me flumine uiuo abluero »
(jusqu'à ce que je me sois baigné dans une eau vive)301. 4 etsi pergis
abiero emploi archaïque (ἀρχαϊσμός) du futur antérieur pour le
futur abibo. 5 Et cette réplique est prononcée avec le
geste de celui qui s'en va ou qui s'apprête à s'en aller.
De.-sicine agis? Mi.-an ego totiens
de eadem re audiam?
Dé.-Tu le prends comme ça ? Mi.-Mais
aussi pourquoi devrais-je entendre parler sans arrêt de la même
chose ?
1 sicine agis recte, quia iam abibat: quasi
reuocantis correptio est. 2 an ego
totiens hoc conuersum intellegas dicere. 3 avdiam deest te, sed durum fuit. 4 Et hoc est obtundere.
1 sicine agis bien, parce qu'il partait
déjà : c'est comme le reproche de quelqu'un qui rappelle son
interlocuteur. 2 an ego totiens on doit
comprendre qu'il dit cela en se retournant. 3 avdiam il manque te, mais c'eût été
désagréable. 4 Et cela revient à
obtundere.
De.-curae est mihi. Mi.-et mihi curae
est. uerum, Demea,
Dé.-C'est que ça me soucie. Mi.-Et
moi aussi, ça me soucie. Mais, Déméa,
cvrae est mihi Aeschinus scilicet.
cvrae est mihi implicitement Eschine.
curemus aequam uterque partem: tu
alterum,
partageons équitablement les soucis
toi et moi : toi l'un,
cvremvs aeqvam vterqve proprie uterque et aequam quasi particeps fratris.
cvremvs aeqvam vterqve uterque au sens propre et aequam au sens de "en se partageant
entre frères".
ego item alterum. nam ambos curare
propemodum
moi l'autre, pareil. Car s'occuper
des deux à la fois, c'est à peu près
propemodvm nisi addidisset propemodum, falsa uideretur esse
sententia.
propemodvm s'il n'avait pas ajouté
propemodum, la phrase
semblerait fausse302.
reposcere illum est quem dedisti.
De.-ah, Micio!
comme vouloir récupérer celui que tu
m'as donné. Dé.-Ah! Micion.
ah micio religiose commotus est. ac ueluti
incusatio est perfidiae, et ideo exclamat dolens et transit in
iracundiam concessionemque, quae ἐπιτροπή dicitur.
ah micio ses scrupules l'ébranlent. Et
comme c'est un reproche de perfidie, il pousse une exclamation de
douleur et passe à la colère et à la concession, ce qui s'appelle
une invocation (ἐπιτροπή).
Mi.-mihi sic uidetur. De.-quid istic?
tibi si istuc placet,
Mi.-Je le vois ainsi. Dé.-Que dire ?
Si c'est ta décision,
1 mihi sic videtvr rationabiliter non
sic est dixit, sed
sic uidetur: non uult enim
uerum esse. 2 qvid istic deest
loquor aut resisto, nam proprie significatio est
de sententia sua decedentis.
1 mihi sic videtvr de façon raisonnée, il ne
dit pas sic est (il en
est ainsi), mais sic
uidetur : car il ne veut pas que ce soit la
vérité. 2 qvid istic il manque
loquor (que dire ?) ou
resisto (pourquoi
résister ?), car c'est proprement la marque de celui qui renonce à
son opinion.
profundat, perdat, pereat! nihil ad
me attinet.
qu'il gaspille, qu'il perde, qu'il se
perde ! Ça ne me concerne pas.
1 profvndat perdat ἐπιτροπή figura. Vergilius «
i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas
50 ». 2 profvndat perdat haec sic
pronuntianda sunt, ut ostendatur gestu nolle quod loquitur.
1 profvndat perdat figure de l'invocation
(ἐπιτροπή).
Virgile : « i, sequere Italiam uentis, pete regna per undas » (va,
poursuis vers l'Italie porté par les vents, va te chercher un
royaume de l'autre côté des flots)303. 2 profvndat
perdat il faut prononcer cette tirade avec un geste qui
montre qu'il ne veut pas ce qu'il est en train de dire.
iam si uerbum unum posthac...
Mi.-rursum, Demea,
Si un seul mot à l'avenir...
Mi.-Voilà que tu remets ça, Déméa,
1 si verbvm vnvm posthac ἀποσιώπησις: deest
tibi fecero aut tale
quid. 2 rvrsvm34 quasi:
"cur rursum irasceris?".
1 si verbvm vnvm posthac aposiopèse (ἀποσιώπησις) : il
manque tibi fecero (je te
fais) ou quelque équivalent. 2 rvrsvm comme s'il disait "pourquoi te
remets-tu en colère ?".
irascere? De.-an non credis? repeton
quem dedi?
avec ta colère. Dé.-Et tu ne crois
pas que... Moi, te reprendre celui que je t'ai donné ?
1 an non credis irasci scilicet. 2 repeton qvem dedi minus erat si Aeschinum diceret; plus est
quem dedi. 3 repeton qvem dedi rusticani stomachi est
repetere semper uerba, quae inuitus audierit.
1 an non credis implicitement irasci (se mettre en
colère). 2 repeton qvem dedi c'eût
été moins fort s'il avait dit "Eschine" ; quem dedi est plus fort. 3 repeton qvem dedi c'est la caractéristique
de la colère d'un paysan que de répéter toujours les mots qu'il a
entendus avec déplaisir304.
aegre est; alienus non sum; si
obsto... em desino.
Je regrette, mais je ne suis pas un
étranger pour lui. Si je m'oppose... Bon, j'arrête.
1 aegre est quasi dictum sit: "quid ergo
loqueris?" quod aegre est;
"cur aegre est?" quia alienus non
sum. 235 Quasi timeat iam dicere pater sum. 3 alienvs non svm satis cum stomacho; "si
patrem iam me esse non licet", alienus
non sum.
1 aegre est comme s'il avait dit : "que
dis-tu donc ?" ; quelque chose qui me coûte (aegre est) ; "pourquoi t'en
coûte-t-il ?" ; parce que alienus non
sum. 2 Comme s'il
craignait maintenant de dire "je suis son père". 3 alienvs non svm de façon quelque peu
colérique ; "s'il ne m'est plus permis d'être son père, au moins
alienus non sum".
unum uis curem? curo. et est dis
gratia,
Tu veux que je m'occupe d'un seul ?
Soit. Et c'est une bénédiction
cum ita ut uolo est; iste tuus ipse
sentiet
qu'il soit comme je le souhaite. Le
tien, de lui-même, s'apercevra
1 iste tvvs memoriter iste tuus ad illud quod dixerat
«
meus est factus
51 ». 2 iste tvvs ipse sentiet
quantus sis quantumque eum ames, hoc est decipietur per
indulgentiam tuam. 3 ipse sentiet
sentire multi pro malo
posuerunt, ut ipse alibi «
sit rogas? sensi. nam unam ei cenam atque eius
comitibus dedi
52 ». 4 iste tvvs ipse sentiet posterivs
nolo in illvm36 scilicet quam hoc. 5 nolo in
i.
illvm
37 nec enim Demea satis hoc graue
existimat dictum in eum, qui non prouideat in futurum,
et38 aptius, quia pater est.
1 iste tvvs iste
tuus est un rappel de ce qu'il avait dit : « meus est
factus ». 2 iste tvvs ipse sentiet
compléter "comme tu es important et comme tu l'aimes",
c'est-à-dire qu'il sera trompé par ton indulgence. 3 ipse sentiet beaucoup supposent que
sentire est connoté
négativement, comme on le voit ailleurs chez Térence : « sit
rogas ? sensi. Nam unam ei cenam atque eius comitibus dedi » (Tu
me demandes si elle y est ? J'ai senti ma douleur. Car je lui ai
donné un repas à elle et à ses compagnes). 4 iste tvvs ipse sentiet posterivs nolo in
illvm implicitement quam
hoc (que cela). 5 nolo in
illvm en même temps en effet Déméa ne pense pas avoir
parlé assez sévèrement de lui, parce qu'il ne sait pas envisager
l'avenir, et c'est plus adapté, parce qu'il est père.
posterius... nolo in illum grauius
dicere.
plus tard... Mais je ne veux pas
l'accabler davantage.
Mi.-neque nihil860
neque omnia haec sunt quae dicit tamen;
Mi.-Ce n'est ni tout blanc ni tout
noir, ce qu'il dit tout de même.
1 neqve nihil... non nihil λιτότης figura est
conueniens placidissimo seni, qui in reprehendendo adulescente
moderatur. 2 neqve nihil apparet
Terentium fauere lenissimis patribus, unde subiecit etiam rationem
facti Micioni seni. 3 neqve omnia haec svnt
qvae dicit tamen bene a Micione hoc dicitur, quia
indulgentioris est plura scire et supra dixit «
ea ne me celet consuefeci filium
53 ». 4 Et hic sensus est: nec contemnenda sunt
quae dicit nec omnia dicit tamen, hoc est: non haec sola sunt quae
dicit, sed alia multa sunt. et ordo: neque tamen.
1 neqve nihil... non nihil figure de la
litote (λιτότης), qui convient bien à un
vieillard très serein, qui, quand il fait des reproches à un jeune
homme, se montre modéré. 2 neqve nihil
il semble que Térence se montre favorable aux pères doux, c'est
pourquoi il ajoute aussi une justification de l'attitude adoptée
par le vieillard Micion305. 3 neqve omnia haec
svnt qvae dicit tamen il a bien fait de mettre cela dans
la bouche de Micion, parce que c'est le propre du personnage plus
indulgent que d'en savoir davantage et il a dit plus haut : « ea
ne me celet consuefeci filium ». 4 Et le sens est : il ne faut pas mépriser ce qu'il
dit, et encore il ne dit pas tout, c'est-à-dire : il n'y a pas que
ce qu'il a dit mais il y a beaucoup d'autres faits, et l'ordre est
neque tamen.
non nihil molesta haec sunt mihi; sed
ostendere
Tout cela n'est pas sans me causer
quelque désagrément ; mais lui montrer
1 non nihil molesta placidissime «
neque nihil
54 » dixit et non
nihil maluit repetere quam uehementer iracundiam
demonstrare. est enim altera λιτότης. 2 non nihil molesta haec svnt mihi optime
poeta Micionem commotum fecit, ne si omnino immobilis esset, non
indulgere adoptiuo filio, sed omnino eum non curare uideretur.
ergo sic in eo seruat placidum animum, ut tamen retineat patris
affectum. 3 sed ostendere me aegre
constat ergo «
aegre pati
55 »; nam aliter non erat parens.
1 non nihil molesta il a dit neque nihil de façon très sereine et
il préfère répéter non
nihil plutôt que de laisser paraître vivement sa
colère. Car c'est une seconde litote (λιτότης). 2 non nihil molesta haec svnt mihi de très
bonne façon, le poète fait ressentir à Micion de l'émotion, pour
éviter qu'on croie, s'il était tout à fait insensible, non pas
qu'il a de l'indulgence pour son fils adoptif, mais plutôt qu'il
n'en a absolument pas cure. Donc il lui fait conserver sa sérénité
tout en lui faisant garder son amour paternel. 3 sed ostendere me aegre il est donc clair
que « aegre pati » (il le prend mal) ; de fait, sinon, il ne
serait pas un père.
me aegre pati illi nolui. nam ita est
homo:
que je le prenais mal, ça je n'ai pas
voulu. Car le bonhomme est ainsi fait :
1 illi Demeae scilicet. 2 Aut: illic, ubi Demea litigabat. 3 nam ita est homo moraliter homo dixit; sic enim de his dicimus,
quos parce reprehendimus; ut alibi «
ut homo est, ita morem geras
56 ».
1 illi implicitement "à Déméa". 2 Ou : équivaut à illic (là), à l'endroit où Déméa le
querellait306. 3 nam ita est homo en
conformité avec son caractère, il dit homo ; car c'est ainsi que nous nous
exprimons quand nous faisons un reproche modéré ; ainsi ailleurs :
« ut homo est, ita morem geras ».
cum placo, aduersor sedulo et
deterreo,
quand j'essaie de le calmer, de lui
tenir tête résolument et de le dissuader,
cvm placo id est: "cum uolo placare".
cvm placo c'est-à-dire : "quand je veux
l'apaiser".
tamen uix humane patitur; uerum si
augeam
il a du mal à le supporter en homme ;
mais si je renchérissais
vervm si avgeam argumentum a contrario, nam
placare contrarium est
irritantibus augentibusque iracundiam.
vervm si avgeam argument par le contraire,
car placare est le
contraire de vouloir irriter et attiser la colère.
aut etiam si adiutor eius sim
iracundiae,
ou même me faisais l'auxiliaire de sa
colère,
avt etiam si39 adivtor
eivs sim iracvndiae σύλλημψις, nam a genetiuo casu
accusatiuus assumptus est.
avt etiam si adivtor eivs sim iracvndiae il
y a une syllepse (σύλλημψις), car l'accusatif a été
remplacé par le génitif307.
insaniam profecto cum illo. etsi
Aeschinus
sûr que je deviendrais fou avec lui !
Toutefois, Eschine
etsi aeschinvs nonnvllam in hac re rursus
λιτότης, ut sit
mitis reprehensio et hoc ipso grauis. nam etsi et nonnullam magis temperamento sunt
posita.
etsi aeschinvs nonnvllam in hac re encore
une litote (λιτότης), pour que le reproche soit
adouci et par là même digne. Car etsi et nonnullam sont mis là pour que le
propos soit plus tempéré308.
nonnullam in hac re nobis facit
iniuriam.
nous a bien causé du tort dans cette
affaire.
quam hic non amauit meretricem? aut
cui non dedit
Y a-t-il une courtisane d'ici dont il
n'ait été amoureux ? à qui il n'ait pas donné
1 qvam hic non amavit meretricem avt cvi non
dedit
ἠθικῶς
ὑπερβολή
40 quam non et cui non; ea tamen haec sunt, ut non
graui sono accusationis proferantur, sed solam reprehensionem
contineant; aliquid uero admirandum est, quod addidit
meretricem ut os
ostendatur41 Micionis hoc solum
adhuc scientis et nihil de uitiata uirgine. 2 qvam hic non amavit meretricem et hoc cum
uenia et defensione, nam colere meretricem flagitium42 est.
simul etiam uitiatae uirginis adhuc ignarus ostenditur
Micio. 3 non dedit aliqvid
aliquid dicendo
praetermisit uel mercedem uel numerum.
1 qvam hic non amavit meretricem avt cvi non
dedit conformément à son caractère, hyperbole (ἠθικῶς ὑπερβολή) : il
dit quam non et
cui non309 ; pour autant, il ne faut pas
prononcer cela avec le ton grave de l'accusateur, mais en marquant
seulement du reproche ; il y a quelque chose en revanche
d'étonnant : c'est qu'il ajoute meretricem, pour montrer la tête de
Micion, au courant pour l'instant de cet épisode seulement mais
ignorant du viol de la jeune fille. 2 qvam hic non amavit meretricem et cela est
dit avec indulgence et en le défendant, car entretenir une
courtisane est un scandale310. En même temps, il est prouvé que Micion est
encore ignorant du viol de la jeune fille. 3 non dedit aliqvid en disant aliquid il passe sous silence le
prix et la fréquence.
aliquid? postremo nuper (credo iam
omnium
quelque chose ? Enfin, dernièrement
(à mon avis, toutes les autres
credo iam omnivm taedebat παρένθεσις πρώτη: etenim
addimus ad ea, quae apud nos parum certa sunt, aut credo aut puto.
credo iam omnivm taedebat parenthèse de la
première catégorie (παρένθεσις πρώτη) : de fait nous ajoutons
à côté de ce dont nous ne sommes pas trop sûrs credo ou puto (je crois)311.
taedebat) dixit uelle uxorem
ducere.
l'ennuyaient), il a dit vouloir
prendre épouse.
dixit velle vxorem mirum est apud
Terentium, cur etiam per nescias personas indicet argumenta. nam
cum Micio nesciat amari ab Aeschino ciuem uirginem, tamen dicit
«
credo iam omnium taedebat et dixit uelle uxorem
ducere
57 ». sic ex parte magna ostendit nescius argumentum ideo,
quia ueri simile est amantissimum Aeschini Micionem omnes scire
affectus adulescentis et consuetudines. et apparet praeterea
conatum ex parte fateri uitiatum amore Aeschinum et pudore
impeditum tantum hoc dixisse quod honeste potuit, uelle se uxorem ducere, quam uellet,
tacuisse confusum.
dixit velle vxorem il est étrange chez
Térence qu'il indique l'argument de la pièce y compris par
l'intermédiaire de personnages qui ne sont pas au courant. Car
alors que Micion n'est pas au courant qu'Eschine est amoureux
d'une jeune fille citoyenne, il dit tout de même « credo iam
omnium taedebat et dixit uelle uxorem ducere ». Ainsi pour une
bonne part il dévoile sans le savoir l'argument de la pièce parce
qu'il est vraisemblable que, par l'affection qu'il a pour Eschine,
Micion connaisse toutes les passions du jeune homme et ses
habitudes. Et il est clair en outre que, contraint d'avouer en
partie qu'Eschine a été dépravé par l'amour, mais empêché de le
reconnaître par sa retenue, il dit seulement ce qu'il peut dire
honnêtement, à savoir qu'il veut prendre femme, mais il tait, dans
sa confusion, qui est celle qu'il désire312.
sperabam iam deferbuisse861
adulescentiam:
J'espérais que c'en était fait de
l'effervescence de la jeunesse.
1 sperabam iam defervisse advlescentiam recte
sperabam et gaudebam: sic enim dicimus, cum
errasse nos cernimus. 2 Et mire non dixit sperabam illum iam correctum, sed
mitis senex totum aetati attribuit, nihil filio. 3 defervisse advlescentiam seruat propositum
circa aetatis ueniam. 4 deferbvisse quasi "deorsum a feruore
tenuisse". 5 legitur et deseruisse43.
1 sperabam iam defervisse advlescentiam
emploi correct de sperabam et de gaudebam : ainsi nous exprimons-nous
quand nous voyons que nous nous sommes trompés313. 2 Et de façon
étonnante, il ne dit pas sperabam
illum iam correctum (j'espérais qu'il s'était
désormais corrigé), mais le vieillard indulgent met tout sur le
compte de l'âge et rien sur celui de son fils. 3 defervisse advlescentiam il conserve la
proposition sur l'indulgence à l'égard de l'âge. 4 deferbvisse équivaut à "retenir en deçà de
la ferveur"314. 5 On lit aussi deseruisse (abandonner).
gaudebam. ecce autem de integro! nisi
quidquid est
J'étais content. Et nous revoilà à la
case départ ! Mais, quoi qu'il en soit,
1 ecce avtem de integro nisi qvicqvid est
ἀποσιώπησις
prima, quia non uult credere. 2 nisi qvicqvid est deest quia, ut sit nisi quia. est etenim sensus: "nisi
quia non temere credo et uolo scire quicquid est".
1 ecce avtem de integro nisi qvicqvid est
aposiopèse de première catégorie (ἀποσιώπησις), parce qu'il ne veut pas le
croire. 2 nisi qvicqvid est il
manque quia, pour faire
nisi quia. Et de fait le
sens est : "sauf que je ne crois pas à la légère et que je veux
savoir ce qu'il en est".
uolo scire atque hominem conuenire,
si apud forum est.
je veux en avoir le cœur net et aller
trouver mon homme, s'il est au forum.
Actus alter
scaena prima
Sannio Aeschinus Bacchis Parmeno
155 | 156 | 157 | 158 | 159 | 160 | 161 | 162 | 163 | 164 | 165 | 166 | 167 | 168 | 169 | 170 | 171 | 172 | 173 | 174 | 175 | 176 | 177 | 178 | 179 | 180 | 181 | 182 | 183 | 184 | 185 | 186 | 187 | 188 | 189 | 190 | 191 | 192 | 193 | 194 | 195 | 196 | 197 | 198 | 199 | 200 | 201 | 202 | 203 | 204 | 205 | 206 | 207 | 208
Sa.-obsecro, populares, ferte misero
atque innocenti auxilium!
Sa.-Je vous en supplie, concitoyens,
apportez à un malheureux et à un innocent votre secours !
1 obsecro popvlares popularitas in omnis rei consortium
sumitur; nunc autem populares ciues dicit. et hoc est quod ueteres
quiritari dicebant:
"quirites conclamare". 2 obsecro popvlares
ferte misero atqve innocenti avxilivm hic exemplum est
contumeliosi per potentiam diuitis et in perniciem suam pauperis
contumacis. 3 misero atqve innocenti avxilivm
svbvenite
i.
inopi
44 tria sunt: miser, innocens, inops.
1 obsecro popvlares popularitas s'emploie pour toute
sorte de groupement d'hommes ; ici, par populares il veut dire ciues (citoyens). Et c'est ce que
les Anciens voulaient dire par quiritari (crier) : "appeler au
secours les quirites"315. 2 obsecro popvlares
ferte misero atqve innocenti avxilivm on voit ici
l'exemple d'un homme riche que sa puissance rend agressif et d'un
pauvre qui se bat pour sa propre perte. 3 misero atqve innocenti avxilivm svbvenite
inopi il ya trois aspects : il est pauvre (miser), innocent (innocens), sans assistance
(inops).
subuenite inopi! Ae.-otiose nunc iam
ilico hic consiste.
Venez à l'aide d'un homme sans
ressource ! Es.-Et maintenant, arrête-toi ici tranquillement.
1 svbvenite inopi uide quam posteriora
uehementiora sunt ad incendendum populum: primo «
miserum
58 », post «
innocentem
59 », ad ultimum inopem posuit, et primo «
ferte auxilium
60 », post subuenite. 2 Et totum hoc principium a beniuolentia
sumitur, quae comparatur ex inuidia potentiae Aeschini; nam
contraria uult intellegi esse in Aeschino. 3 otiose nvnciam otiose secure, nam nisi qui securus
est non est otiosus. 4 ilico modo
locum, non tempus significat. 5 otiose nvnc iam ilico hic consiste simul
imperauit modum, tempus, locum, factum: modum otiose, tempus nunc, locum hic, factum consiste; nam iam et ilico alterum tempori adiungitur,
alterum loco. 6 Et consistere est audacter et constanter
stare, ut «
constitit in digitos extemplo arrectus uterque
61 ».
1 svbvenite inopi voyez comme la suite
devient plus virulente, pour provoquer la révolte du public : il
dit d'abord « miserum », puis « innocentem », enfin inops, et d'abord « ferte
auxilium », puis subuenite316. 2 Et tout ce début
est une recherche de bienveillance, qui est mise en comparaison
avec l'attitude orgueilleuse de la puissance d'Eschine; car il
veut faire comprendre que pour Eschine c'est le
contraire. 3 otiose nvnciam otiose signifie "en sécurité", car
si on n'est pas en sécurité, on n'est pas de "loisir"317. 4 ilico est parfois un complément de lieu, et
non de temps. 5 otiose nvnc iam ilico hic
consiste il donne un ordre qui porte en même temps sur la
manière, le temps, le lieu et le fait : la manière avec otiose, le temps avec nunc, le lieu avec hic, le fait avec consiste ; car iam et ilico sont associés pour l'un au
temps, pour l'autre au lieu318. 6 Et consistere c'est se tenir debout
avec audace et en tenant bon, comme dans : « constitit in digitos
extemplo arrectus uterque » (l'un et l'autre, soudain dressés sur
la pointe de leurs orteils, tinrent bon).
quid respectas? nil pericli est:
numquam, dum ego adero, hic te tanget.
Que regardes-tu derrière ? Il n'y a
pas de danger : jamais, tant que je serai là, ce type ne te
touchera.
nvnqvam pro non. Vergilius «
numquam omnes hodie moriemur inulti
62 ».
nvnqvam mis pour non. Virgile : « numquam omnes hodie
moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous aujourd'hui sans être
vengés).
Sa.-ego istam inuitis omnibus...!
Sa.-Moi, celle-ci, que vous le
vouliez ou non vous tous... !
1 istam invitis omnibvs deest abducam. 2 ego istam invitis omnibvs bona ἔλλειψις: nemo enim
plane loquitur, qui luctatur.
1 istam invitis omnibvs il manque abducam (je l'enlèverai). 2 ego istam invitis omnibvs bonne ellipse
(ἔλλειψις) :
car personne ne fait des phrases complètes dans un
affrontement319.
Ae.-quamquam862
scelestus, non committet hodie umquam iterum ut uapulet.
Es.-Il a beau être un scélérat, il ne
fera rien de grave aujourd'hui sans morfler une deuxième fois.
1 qvamqvam scelestvs non committet ἀνακόλουθον primum, nam
cum praeposuisset quamquam, non subiecit tamen. 2 itervm vt vapvlet uiuaciter poeta priorem
litem sustulit dicendo iterum, ut non eadem lis esset, de
qua supra questus est Demea, sed instaurata noscatur. 3 committet perficiet; sed hoc proprie de
illicitis et puniendis facinoribus dicimus. simul hic ostendit
comicus adulescens caedem se lenoni inuitum intulisse et id
fecisse et facere lenonis culpa, non sua.
1 qvamqvam scelestvs non committet anacoluthe
(ἀνακόλουθον)
de première catégorie, car après avoir écrit quamquam, il n'a pas continué avec
tamen320. 2 itervm vt
vapvlet par souci de vivacité, le poète a supprimé la
première rixe en disant iterum, pour que l'on comprenne
qu'il ne s'agit pas de la même rixe que celle dont se plaignait
Déméa, mais qu'on la reconnaisse comme une rixe qui
recommence. 3 committet il accomplira
(perficiet) ; mais au
sens propre c'est pour des actes illicites et qu'il faut punir
qu'on l'emploie. Et en même temps, le jeune homme de comédie
montre ici que c'est malgré lui qu'il a massacré le proxénète et
que s'il l'a fait et continue à le faire, c'est de la faute du
proxénète et non de la sienne.
Sa.-Aeschine, audi, ne te ignarum
fuisse dicas meorum morum,
Sa.-Eschine, écoute, pour que tu ne
puisses pas dire que tu ignorais mon mode de vie,
leno ego sum... Ae.-scio. Sa.-...at
ita, ut usquam fuit fide quisquam optima.
je suis un proxénète, moi... Es.-Je
sais. Sa.-...mais de toute confiance, s'il en fut jamais.
1 leno svm leno terribiliter pronuntiandum,
quasi dicat cui supplex
eris; sed ex argumento est, quod contemnit Aeschinus
lenonis minas, utpote qui iam uxorem decreuerit ducere. 2 scio hic sic respondit, quasi in lenone
minutio capitis tantum consisteret. 3 fide qvisqvam optima fides in concipiendis comminationibus
denuntiatio comminantis est.
1 leno svm il faut dire leno avec un ton effrayant, comme
s'il disait "un proxénète que tu supplieras bientôt" ; mais c'est
du fait de l'intrigue qu'Eschine méprise les menaces du proxénète,
dans la mesure où il a déjà décidé de prendre femme. 2 scio il fait cette réponse comme si la
déchéance portait seulement sur le proxénète. 3 fide qvisqvam optima la loyauté (fides) à concevoir des menaces est
une dénonciation de celui qui fait les menaces.
tu quod te posterius purges, hanc
iniuriam mihi nolle
Mais toi, pour ce qui est de tes
excuses après coup, que tu n'aurais pas voulu que cet affront
me
factam esse, huius non faciam. crede
hoc, ego meum ius persequar:
soit fait, je m'en soucie autant que
de ça. Sois-en sûr, moi j'irai au bout de mes droits.
1 hvivs non faciam figurate quod te purges, huius non
faciam. 2 Ergo
quod te purges id est:
purgationem tuam. huius autem δεικτικόν: aut enim stipulam aut floccum
mouerat aut summum digitum. 3 ego mevm ivs
perseqvar hoc est lenonum. 4 mevm ivs "meam libertatem". 5 mevm ivs "meam uindictam", nam ut illa
«
iniuria
63 » est, quae fit innoxio, ita ius uindicta illa, quae redditur
reo. 6 perseqvar ulciscar. Cicero «
tu, dum tuas iniurias per te - id quod non potes -
persequi conaris
64 ». 7 hvivs non faciam Cicero
«
ne tantulum quidem commotus est
65 ».
1 hvivs non faciam au sens figuré quod te purges, huius non
faciam. 2 Donc
quod te purges c'est :
"tes excuses" (purgationem
tuam). Quant à huius, c'est un déictique (δεικτικόν) : car il
bougeait un brin de paille, un flocon ou le bout de son
ongle321. 3 ego mevm ivs
perseqvar c'est-à-dire le droit des proxénètes. 4 mevm ivs "ma liberté". 5 mevm ivs "la chose que je revendique", car
de même que l'injustice (iniuria) est celle qui est faite à
un innocent, de même la justice (ius) est la chose revendiquée qui
est rapportée à l'accusé322. 6 perseqvar
"je tirerai vengeance". Cicéron : « tu, dum tuas iniurias per te
- id quod non potes - persequi conaris » (toi, pendant que tu
essaies de poursuivre les injustices dont tu es victime - ce que
tu ne peux faire). 7 hvivs non
faciam Cicéron : « ne tantulum quidem commotus est » (il
n'a pas été ébranlé ne fût-ce qu'un petit peu)323.
neque tu uerbis solues umquam, quod
mihi re male feceris.
Et ce n'est pas de paroles que tu me
paieras jamais le méchant tour que tu m'as joué.
1 neqve tv verbis solves vmqvam qvod mihi re male
feceris γνωμικῶς. 2 Et solves "lues", "persolues", id est
"satisfacies ac te purgabis". 3 re male feceris acuendum est re et significanter proferendum:
ibi enim sententia est. 4 Et plus dixit male feceris quam iniuriam feceris.
1 neqve tv verbis solves vmqvam qvod mihi re male
feceris sentencieusement (γνωμικῶς). 2 Et solves "tu acquitteras", "tu paieras",
c'est-à-dire "tu donneras satisfaction et t'amenderas". 3 re male feceris il faut accentuer d'un aigu
re et le prononcer comme
si le mot était pris dans son sens fort : car c'est là qu'est le
sens324. 4 Et il dit plus en
disant male feceris
qu'iniuriam feceris (tu
as commis une injustice).
noui ego uestra haec « nollem
factum »: ius iurandum dabitur te esse
Je connais vos « je regrette ce que
j'ai fait ». Il y aura un serment pour me jurer : « tu
1 novi ego vestra haec ἔλλειψις; deest enim
uerba. 2 ivs ivrandvm dabitvr hoc est: "iurabimus te
indignum esse, cui iniuria fiat huiusmodi". 3 Aut separatim iusiurandum dabitur et separatim
te esse indignum iniuria
hac. 4 Et sic melius: uerba enim satisfacient, cum
res colligitur in generalibus causis. nam saepe irae ac lites sunt
iureiurando terminatae.
1 novi ego vestra haec ellipse (ἔλλειψις) ; il manque
en effet uerba (des
mots). 2 ivs ivrandvm dabitvr
c'est-à-dire "nous jurerons que tu es indigne qu'on te fasse une
injustice de ce genre". 3 Ou alors
il faut séparer iusiurandum
dabitur et te esse
indignum iniuria hac325. 4 Et c'est mieux ainsi : car les mots donneront
satisfaction quand l'affaire concerne des causes générales. Car
souvent les disputes et les rixes se terminent par un serment.
indignum iniuria hac, indignis cum
egomet sim acceptus modis.
ne mérites pas cet affront », alors
que ce qui n'est pas mérité, c'est la manière dont j'ai été
reçu.
indignvm inivria hac comice indignum...indignis.
indignvm inivria hac procédé comique avec
indignum...indignis326.
Ae.-abi prae strenue ac fores aperi.
Sa.-ceterum hoc nihil863 facis?
Es.-Passe devant, en force, et ouvre
la porte. Sa.-Par ailleurs, tu comptes mes paroles pour rien ?
1 abi prae strenve aut abi prae "prior abi", "praei", ut
«
i prae, sequor
66 », aut praestrenue ut «
praediuitis urbe Latini
67 ». 2 abi prae strenve magna
contemptio minarum lenonis, non respondisse Aeschinum ad ea quae
dixit. 3 cetervm hoc nihil facis
nihil pro non. 4 Legitur et nihili.
1 abi prae strenve soit abi prae (pars le premier, passe
devant), comme dans : « i prae, sequor », soit praestrenue (très vigoureusement),
comme dans : « praediuitis urbe Latini » (Latinus, très riche de
sa cité)327. 2 abi prae strenve c'est une marque de grand
mépris pour les menaces du proxénète de la part d'Eschine que de
ne pas répondre à ses paroles. 3 cetervm hoc nihil facis nihil mis pour non. 4 On lit aussi nihili328.
Ae.-i intro nunc iam tu. Sa.-at
enim864 non sinam. Ae.-accede illuc,
Parmeno:
Es.-Et toi, maintenant, entre.
Sa.-Mais enfin, je ne vais pas laisser faire. Es.-Avance là-bas,
Parménon :
At enim non sinam enim inceptiua particula apud ueteres
fuit, sed et conuenit perturbato45.
at enim non sinam enim était une particule de début de
phrase chez les Anciens, mais elle convient aussi au style d'un
homme sous le coup d'une émotion.
nimium istuc abisti: hic propter hunc
adsiste: em sic uolo!
non, là tu es allé trop loin ; ici,
mets-toi près de lui. Voilà, parfait !
1 nimivm istvc abisti quasi ex contumacia
lenonis appareat, quam multum abierit. 2 propter hvnc "iuxta hunc", ut Vergilius
«
templum de marmore ponam propter aquam
68 ». 3 em sic volo mire comicus
ex alterius uerbis quid faciat alter ostendit.
1 nimivm istvc abisti comme si c'était à la
pugnacité du proxénète qu'on estime de quelle distance il est trop
éloigné. 2 propter hvnc "à côté de
lui", comme dans Virgile : « templum de marmore ponam propter
aquam » (je placerai un temple de marbre près de l'eau). 3 em sic volo de façon remarquable, le poète
comique fait comprendre ce que fait l'un grâce aux mots de
l'autre.
caue nunc iam oculos a meis oculis
quoquam demoueas tuos,
Et maintenant ne bouge plus tes yeux
de mes yeux,
ne mora sit, si innuerim, quin pugnus
continuo in mala haereat.
pour ne pas manquer, au moindre signe
de ma part, de lui coller tout de suite ton poing sur la
mâchoire.
1 qvin pvgnvs continvo pugnus a pugna dicitur. 2 An ab illo pugna? 3 pvgnvs continvo id est uestigium
litigantis.
1 qvin pvgnvs continvo pugnus vient de pugna (lutte). 2 A moins que ce ne soit pugna qui vient de pugnus329 ? 3 pvgnvs continvo c'est-à-dire une trace
laissée par un combattant.
Sa.-istuc uolo ergo ipsum
experiri865. Ae.-em
serua: omitte mulierem!
Sa.-Je voudrais bien voir ça !
Es.-Hep ! attention : oublie cette femme !
1 istvc volo experiri expresse ostendit
pauperioris loquacem contumaciam usque ad periculum
caedis. 2 istvc volo experiri hoc
illo dicente seruus lenonem uerberat. 3 em serva nescias cui hoc dicat Aeschinus,
utrum lenoni an seruo; sed seruo magis.
1 istvc volo experiri de façon expressive il
montre la pugnacité hâbleuse du pauvre qui le mène jusqu'au risque
de se faire battre. 2 istvc volo
experiri pendant qu'il dit cela, l'esclave frappe le
proxénète. 3 em serva on ne sait trop
à qui Eschine dit cela, au proxénète ou à l'esclave ; mais à
l'esclave c'est préférable.
Sa.-o indignum facinus!
Ae.-geminabit, nisi caues. Sa.-ei misero mihi!
Sa.-O l'indigne attentat ! Es.-Il va
doubler la mise si tu ne fais pas attention. Sa.-Aïe, pauvre de
moi !
1 geminabit nisi caves hoc comminantis est,
non iubentis ferire; sed quia longe stat Parmeno, gemina putauit dictum. 2 Et geminabit
plagam. 3 geminabit nisi caves non
singularem pugnum et unum dabit, sed geminatos duplicatosque
numero inferet. 4 ei misero
mihi leno depulsatur.
1 geminabit nisi caves c'est le propos d'un
homme qui menace, non qui ordonne de frapper ; mais comme Parménon
se tient un peu loin, il a cru qu'on disait gemina (remets ça)330. 2 Et geminabit un coup. 3 geminabit nisi caves il ne donnera pas un
seul coup de poing au singulier, mais il en mettra des jumeaux,
des doubles en nombre. 4 ei misero
mihi le proxénète est repoussé.
Ae.-non innueram; uerum in istam
partem potius peccato tamen.
Es.-Mais je n'avais pas fait signe ;
enfin, trompe-toi plutôt dans ce sens-là.
1 non innveram conuenienter poeta auidiorem
maleficiendi inducit seruum, cum supra dominum inuitum ostenderit
cogi ad inferendam iniuriam. 2 in istam partem potivs peccato "ut uerberes
non iussus quam iussus non uerberes".
1 non innveram comme il faut, le poète met en
scène un esclave qui a bien envie de faire mal, alors que
ci-dessus il montrait que le maître était forcé malgré lui de
faire du tort à l'autre. 2 in istam partem
potivs peccato "de frapper sans en avoir reçu l'ordre
plutôt que de ne pas frapper en en ayant reçu l'ordre".
i nunc iam. Sa.-quid hoc rei est?
regnumne, Aeschine, hic tu possides?866
Vas-y maintenant. Sa.-Qu'est-ce que
c'est que cette histoire ? C'est un royaume, Eschine, que tu
possèdes ici ?
1 nvnc iam duae partes istae sunt. 2 nvnc iam46 bene iam, quia sero et post
plagas. 3 Et utrum hoc lenoni, ut abeat, an puellae,
ut introeat, dicitur? sed facetius, si lenoni intellegas dici,
quasi hoc factum sit quod uoluerit et quasi uenerit, ut
uapularet. 4 Et iam tarditatis incusatio est, ut Vergilius
«
iam melior, iam diua parens
69 ». 5 regnvmne aeschine
inuidiosa moraliter exclamatio et ardentior ob plagas. 6 regnvmne aeschine hic tv possides bene
hic, id est Athenis, ubi
grauius crimen est dominari uelle. nam tyranni semper ibi oppressi
sunt et maxime proxime.
1 nvnc iam il y a là deux mots. 2 nvnc iam iam est bien trouvé, parce que c'est
tardivement et après les coups. 3 Et
dit-il cela au proxénète, pour qu'il s'en aille, ou à la jeune
fille, pour qu'elle entre ? Mais c'est plus drôle si on comprend
que ça s'adresse au proxénète, comme s'il était arrivé quelque
chose qu'il souhaitait et qu'il fût venu dans le but de se faire
battre. 4 Et iam c'est un reproche de
lenteur, comme dans Virgile : « iam melior, iam diua parens » (et
toi, déesse mère, enfin, enfin un peu indulgente)331. 5 regnvmne
aeschine exclamation jalouse conforme à son caractère, et
rendue plus ardente à cause des coups. 6 regnvmne aeschine hic tv possides c'est
bien de dire hic,
c'est-à-dire à Athènes, où c'est un crime particulièrement grave
de vouloir dominer. Car les tyrans toujours y ont été réprimés, et
de façon absolument immédiate332.
Ae.-si possiderem, ornatus esses ex
tuis uirtutibus.
Es.-Si j'en possédais un, tu serais
décoré selon tes mérites.
1 si possiderem ἠθικὴ εἰρωνεία contemnentis
inuidiam. 2 ornatvs esses ex tvis
virtvtibvs cito ostendit, quantum a se longe sit regnum,
qui dixit ornari potuisse hunc lenonem ex uirtutibus suis.
347 Sic ueteres per ironiam uirtutes pro flagitiis dicebant.
Lucilius «
animo ac uirtutibus
70 ».
1 si possiderem ironie caractéristique
(ἠθικὴ
εἰρωνεία) de celui qui méprise la jalousie
d'autrui. 2 ornatvs esses ex tvis
virtvtibvs il montre aussitôt combien il est loin d'être
un roi, en disant que ce proxénète aurait pu être décoré de ses
vertus. 3 Ainsi les Anciens disaient
uirtutes ironiquement
pour désigner des défauts honteux. Lucilius : « animo ac
uirtutibus » (son âme et ses qualités).
Sa.-quid tibi rei mecum est? Ae.-nil.
Sa.-quid? nostin qui siem867? Ae.-non desidero.
Sa.-Pourquoi t'en prends-tu à moi ?
Es.-Pour rien. Sa.-Quoi ? Tu ne sais pas qui je suis ? Es.-Je n'en
ai pas besoin.
1 qvid tibi rei mecvm est hoc quia uerberatus
est dicit, ut quid tibi
debeo?, non quia sibi nihil debeatur. 2 nihil facete, quia et ipse abstulit et
nihil uult a se repeti. 3 qvid nostin qvi
siem proprie: sic enim dicit, qui nihil quicquam debet:
non me nouit, non quod
ignoretur, sed quod in iure non cernatur.
1 qvid tibi rei mecvm est il dit cela parce
qu'il a été roué de coups, comme quid
tibi debeo ? (quelle est ma dette à ton égard ?), non
parce qu'on ne lui doit rien à lui333. 2 nihil amusant, parce que
c'est lui l'auteur de l'enlèvement et qu'il ne veut rien se faire
reprendre. 3 qvid nostin qvi siem
proprement : car parle ainsi celui qui n'a absolument aucune
dette : non me nouit, non
au sens d'une chose ignorée, mais à celui d'une chose qui dans un
procès n'est pas instruite.
Sa.-tetigin tui quicquam? Ae.-si
attigisses, ferres infortunium.
Sa.-Ai-je touché à un de tes biens ?
Es.-Si tu y avais touché, tu sentirais bien ton malheur.
si attigisses ferres infortvnivm plus dixit
attigisses quam tetigisses; est enim multo minus quam
tangere.
si attigisses ferres infortvnivm il dit
plus avec attigisses
qu'avec tetigisses (tu
avais touché) ; car le verbe est très atténué par rapport à
tangere334.
Sa.-qui tibi magis licet meam habere,
pro qua ego argentum dedi?
Sa.-D'où alors t'autorises-tu à me
prendre cette femme, que j'ai échangée contre de l'argent ?
1 qvi tibi magis licet haec non tam
ratiocinatio est quam exclamatio per dolorem. 2 meam habere pro qva ego argentvm dedi
meam suffecerat, sed magna
moralitate additum est ad uociferationem pro qua ego argentum dedi. simul
etiam ostendit leno quid repetat. 3 qvi tibi magis licet si mihi, inquit, non
licet attingere tuam, cur
tibi licet meam non tangere, sed habere? 4 Et habere utrum domi in consuetudine an corrumpere
aut48 stuprare
intelligemus?
1 qvi tibi magis licet ce n'est pas tant un
raisonnement qu'une exclamation de douleur. 2 meam habere pro qva ego argentvm dedi
meam aurait suffi, mais,
avec un grand sens du caractère, il ajoute, jusqu'à crier,
pro qua ego argentum
dedi. En même temps aussi le proxénète révèle ce qu'il
réclame. 3 qvi tibi magis licet si
moi, dit-il, je n'ai pas le droit de l'effleurer (attingere), pourquoi toi as-tu le
droit non pas de la toucher (tangere), mais de la prendre
(habere) ? 4 Et habere est-ce la garder à la maison dans
une relation suivie, ou bien la corrompre ou la déshonorer, que
nous devrons comprendre ?
responde. Ae.-ante aedes non fecisse
erit melius hic conuicium:
Réponds. Es.-Tu feras mieux de ne pas
faire ce charivari devant la porte.
ante aedes non fecisse non erat, quod ad
haec iuste responderet, et ideo sic respondet, ut conuicium dicat, quod diuersum
est.
ante aedes non fecisse il n'y avait rien
d'autre de juste à répondre à cela, et il répond de façon à dire
conuicium, qui est une
façon de détourner l'accusation335.
nam si molestus pergis esse, iam
intro abripiere atque ibi
Car si tu continues à m'agacer, tu
vas te faire traîner dedans et là,
usque ad necem operiere loris.
Sa.-loris liber? Ae.-sic erit.
jusqu'à ce que mort s'ensuive, tu vas
te faire fouetter. Sa.-Fouetter ? Un homme libre ? Es.-Ce sera le
cas.
1 loris liber lora apud ueteres laura dicebantur a lauro triumphorum,
sub qua necesse erat captiuos uinciri ducique per pompam. ideo, ut
condicionis reminiscantur, loris caeduntur mancipia. 2 Nam mancipia dicuntur, quod manu capta sunt, serui quod seruati sunt, cum eos occidi
oporteret iure belli. unde Vergilius sic inducit captiuum rogantem
«
per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor,
hanc animam serues natoque patrique
71 ».
1 loris liber lora chez les Anciens se disait
laura, d'après les
lauriers du triomphe sous lesquels il fallait que les captifs
soient attachés et conduits dans le cortège. C'est pour qu'ils se
souviennent de leur condition que les esclaves sont frappés de
verges (loris). 2 Car si les esclaves sont appelés mancipia, c'est parce qu'ils sont
maintenus sous la mains (manu
capta), et s'ils sont appelés serui, c'est parce qu'ils ont été
préservés (seruati),
alors qu'on aurait dû les tuer en vertu du droit de la guerre. Du
coup, Virgile met en scène un captif qui supplie de cette
manière : « per patrios manes et spes surgentis Iuli, te precor,
hanc animam serues natoque patrique » (par les mânes de ton père
et les espérances que fait naître ton Iule qui grandit, préserve
mon âme pour mon fils et pour mon père)336.
Sa.-o hominem inpurum! hicine
libertatem aiunt esse aequam omnibus?
Sa.-Oh le sale bonhomme ! Et on dit
qu'on est au pays de la liberté et de l'égalité pour tous ?
1 hicine libertatem Athenis
scilicet. 2 o hominem impvrvm sic
ueteres impurum
generaliter pro improbo ponebant, ut in eadem hac
fabula «
persuasit ille impurus, sat scio
72 ». 3 aeqvam omnibvs quasi
dicat: "ubi non est quomodo Aeschinus loquitur". 4 Et bene omnibus, ne49 lenones quidem uideantur excepti.
1 hicine libertatem Athènes
implicitement. 2 o hominem impvrvm c'est
ainsi que les Anciens disaient impurus de façon générique pour
improbus (malhonnête),
comme dans cette même pièce : « persuasit ille impurus, sat
scio ». 3 aeqvam omnibvs comme s'il
disait : "là où ce n'est pas comme Eschine le dit". 4 Et c'est bien de dire omnibus, en sorte que même les
proxénètes ne se sentent pas exclus.
Ae.-si satis iam debacchatus, leno,
es, audi si uis nunciam.
Es.-Si tu penses avoir fini ton
carnaval, maquereau, écoute un peu maintenant, s'il te plaît.
Sa.-egon debacchatus sum autem an tu
in me? Ae.-mitte ista atque ad rem redi.
Sa.-C'est moi qui fais le carnaval ou
bien toi, à mes dépens ? Es.-Laisse tomber et reviens au fait.
mitte ista atqve ad rem redi superbe
adulescens non putat lenoni se esse purgandum. ad rem autem ad negotium, de quo agitur, dicit.
mitte ista atqve ad rem redi avec morgue,
le jeune homme ne juge pas indispensable de présenter ses excuses
au proxénète. Par ad
rem, il désigne l'affaire dont il s'agit.
Sa.-quam rem? quo redeam? Ae.-iamne
me uis dicere id quod ad te attinet?
Sa.-Quel fait ? Où dois-je revenir ?
Es.-Veux-tu que je te dise quelque chose qui te concerne ?
1 qvam rem "quam abduxisti?". res enim intellegitur pecunia uel id,
pro quo pecunia danda est. 2 qvo redeam
"ad quam euertisti domum?". quia «
fores effregit atque in aedes irruit alienas
73 ». 3 id qvod ad te attinet
"quod tibi prodest et commodum est".
1 qvam rem "celle que tu as enlevée ?". Car
res se comprend au sens
d'argent ou de ce qu'il faut échanger contre de
l'argent. 2 qvo redeam "dans la
maison que tu as mise sens dessus dessous ?", parce que : « fores
effregit atque in aedes irruit alienas »337. 3 id qvod ad te
attinet "quelque chose qui t'est utile et favorable".
Sa.-cupio; aequi modo aliquid!
Ae.-uah, leno iniqua me non uult loqui!
Sa.-Je le souhaite, pourvu que ce
soit quelque chose de juste ! Es.-Ah ça ! un maquereau qui ne veut
pas que je dise des paroles injustes !
1 cvpio ille «
uis
74 » dixit, hic cupio. 2 aeqvi modo aliqvid dicas subauditur. 3 vah leno nomen sacrilegum, nomen iniustum:
iniquitatem agitat, iustitiae patrocinatur! totum hoc εἰρωνικῶς pronuntiandum
est.
1 cvpio l'autre dit « uis », celui-ci
cupio. 2 aeqvi modo aliqvid dicas (puisses-tu dire !) est
sous-entendu. 3 vah leno nom sacrilège,
nom de l'injustice : il a une activité inique et il prône la
justice ! il faut dire tout cela avec un ton ironique (εἰρωνικῶς).
Sa.-leno sum, fateor, pernicies
communis adulescentium,
Sa.-Oui je suis maquereau, j'avoue,
le fléau général de la jeunesse,
leno svm figura συγχώρησις.
leno svm figure de l'aveu (συγχώρησις).
periurus, pestis; tamen tibi a me
nulla orta est iniuria.
un parjure, une vérole ; mais à toi
pourtant, je n'ai rien fait de mal.
orta inivria orta coepta.
orta inivria orta signifie coepta (commencé).
Ae.-nam hercle etiam hoc restat!
Sa.-illuc quaeso redi, quo coepisti, Aeschine.
Es.-Ma foi, il ne manquerait plus que
ça ! Sa.-Reviens à ton début, s'il te plaît, Eschine.
1 illvc qvaeso redi qvo coepisti figurate,
rectum enim erat, unde
coepisti, nisi forte pronomen est modo accipiendum
quo, ut sit a quo. 2 Et bene memor est dixisse Aeschinum «
mitte ista atque ad rem redi
75 ».
1 illvc qvaeso redi qvo coepisti de façon
figurée ; il aurait été en effet correct de dire unde coepisti (d'où tu es parti), à
moins peut-être qu'il ne faille seulement comprendre quo comme un pronom, valant
a quo338. 2 Et il se souvient bien des paroles d'Eschine :
« mitte ista atque ad rem redi ».
Ae.-minis uiginti tu illam emisti
(quae res tibi uertat male!):
Es.-C'est pour vingt mines que tu as
acheté cette fille (que cela te porte malheur !) :
1 qvae res tibi vertat male adicit
contumeliam, quasi et hoc multum sit et inimicum. 2 Vertumnus
dicitur deus, qui rebus ad opinata se uertentibus praeest. saepe
autem male cedit, quod bonum putatur, et hoc est male uertisse; ut ille gladius, qui
muneri datus adminiculum fuit pereuntis, de quo Vergilius «
ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in
usus
76 ».
1 qvae res tibi vertat male il ajoute une
insulte, comme si cela aussi était beaucoup, et un acte
hostile339. 2 Le dieu Vertumne
tire son nom du fait qu'il préside aux situations qui se changent
(uertentibus) en ce à
quoi on s'attend340. Or souvent tourne mal ce qu'on croit bon, et
c'est cela male uertisse
(tourner mal) ; ainsi de ce glaive offert en cadeau et qui est
devenu l'instrument de celle qui agonise, au sujet duquel Virgile
dit : « ensemque recludit Dardanium, non hos quaesitum munus in
usus » (elle tire l'épée troyenne, cadeau non prévu pour cet
usage).
argenti tantum dabitur. Sa.-quid si
tibi ego868 illam nolo uendere?
on t'en donnera autant. Sa.-Et si je
ne veux pas te la vendre, moi ?
1 qvid si tibi ego illam nolo vendere haec
maioris sunt stomachi et ideo stultiora; nam quod iam amisit,
uenditurum se negat. 2 Et quid si
nolo noue dictum. 3 Et τῷ ἰδιωτισμῷ quid si nolo cogis me? potest autem
dici: "quid enim, si nolo? cogis me?".
1 qvid si tibi ego illam nolo vendere cela
procède d'une colère plus grande et est particulièrement sot ; car
ce qu'il a désormais perdu, il refuse de le vendre. 2 Et quid si
nolo est une expression inédite341. 3 Et il
dit quid si nolo cogis
me ? avec un idiotisme (τῷ ἰδιωτισμῷ). On aurait pu dire :
quid enim, si nolo ? cogis
me ? (car quoi, si je ne veux pas ? tu
m'obliges ?)342.
cogis me? Ae.-minime. Sa.-namque id
metui. Ae.-neque uendendam censeo,
Tu m'y forces ? Es.-Pas du tout.
Sa.-Ah, c'est ce que je craignais. Es.-C'est qu'elle n'est pas
vendable, à mon avis,
1 minime εἰρωνεία. 2 namqve id metvi εἰρωνεία contumacis et ridicula in eo,
qui iam amisit id, de quo dicit se cogi non posse.
1 minime ironie (εἰρωνεία). 2 namqve id metvi ironie (εἰρωνεία) d'un
personnage obstiné et ironie qui prête à rire de la part de
quelqu'un qui a déjà perdu ce à propos de quoi il dit qu'on ne
peut pas le forcer.
quae libera est: nam ego liberali
illam adsero causa manu.
vu qu'elle est libre : car moi je lui
impose la main pour la libérer.
nam ego liberali illam ordo est: "liberali
causa manu adsero". et sunt iuris uerba, a quibus etiam adsertores dicuntur uindices alienae
libertatis, ut et causa ipsa liberalis dicitur, quae actionem in
se continet libertatis.
nam ego liberali illam l'ordre est :
"liberali causa manu adsero" (je l'attire par la main dans
l'objectif de la libérer). Et c'est une formule juridique d'où
vient qu'on appelle adsertores les responsables de la
liberté d'autrui, de même que la cause même est appelée liberalis, parce qu'elle contient en
elle-même l'acte de libération.
nunc uide, utrum uis? argentum
accipere an causam meditari tuam?
Donc vois ce que tu veux : prendre
l'argent ou préparer ta défense ?
delibera hoc, dum ego redeo, leno.
Sa.-pro supreme Iuppiter!
Réfléchis-y, le temps que je
revienne, maquereau. Sa.-Par le grand Jupiter !
1 pro svpreme ivppiter haec allocutio ad hoc
inducta est, ut ex uerbis lenonis appareat, quam facile mitis
fieri possit et quiduis libenter accipere. 2 pro svpreme ivppiter supremum summum nunc dicit - ab eo
quod est superum et
superius fit supremum -, ut Vergilius «
rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos
ad limina misit
77 ». etsi non abhorret a persona et plebei et lenonis et
uim passi Iouem ipsum conuicio prosequi, ut cotidie uidemus ab
hominibus eius loci et ordinis fieri.
1 pro svpreme ivppiter cette adresse est mise
là dans le but de montrer, par les paroles du proxénète, combien
il peut s'adoucir et accepter de bon gré n'importe quoi. 2 pro svpreme ivppiter supremus veut dire ici summus (supérieur) - c'est de
superus et de superius qu'on fait supremus -, comme chez Virgile :
« rex ipse Iouis de gente suprema, Troius Aeneas tua nos ad limina
misit » (c'est notre roi lui-même, de la descendance suprême de
Jupiter, le Troyen Enée, qui nous a envoyés sur tes bords).
D'ailleurs un personnage de plébéien, de proxénète, de victime de
violence, ne répugne pas à poursuivre jusqu'à Jupiter dans son
invective, comme on le voit faire tous les jours d'hommes de cette
condition et de ce rang.
minime miror qui insanire occipiunt
ex iniuria.
Je ne suis pas surpris qu'il y ait
des gens qui deviennent fous après une injustice.
1 minime miror qvi insanire occipivnt ex
inivria sensus hic est: "insanos fieri per iniuriam
plerosque mirabar, sed iam non miror, postquam ego ipse per
iniuriam, quam sum passus, insanire compellor adeo, ut exclamem
pro Iuppiter!". 2 Et simul animaduerte
uigilantem poetam, ubicumque in comoedia uocem tragicam extulerit,
statim personam insanam
dicere. sic et supra «
pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam!
78 ».
1 minime miror qvi insanire occipivnt ex
inivria voici le sens : "je m'étonnais que beaucoup
deviennent fous à cause d'une injustice, mais aujourd'hui je n'en
suis plus étonné après avoir moi-même, à cause d'une injustice que
j'ai subie, été poussé à la folie au point de m'exclamer
pro
Iuppiter !". 2 Et
remarquez en même temps la vigilance du poète qui, à chaque fois
que dans une comédie il produit une parole tragique, dit aussitôt
du personnage qu'il est fou (insanam). Ainsi ci-dessus
également : « pro Iuppiter, tu homo adigis ad insaniam ! »343.
domo me eripuit, uerberauit; me
inuito abduxit meam.
Il m'a sorti de chez moi, m'a roué de
coups ; contre mon gré il m'a dérobé ma petite.
1 me invito abdvxit meam honestiori personae
haec querela sufficeret abduxit
meam, at leno bene addidit me inuito: nam abducuntur meretrices
et cum uoluntate lenonum. 2 Et decora locutio per ἔλλειψιν me inuito abduxit meam50: non enim addidit puellam aut quid tale.
1 me invito abdvxit meam pour un personnage
plus honorable, cette seule plainte aurait suffi : abduxit meam, mais le proxénète fait
bien d'ajouter me
inuito : car les courtisanes se font enlever y compris
avec l'assentiment des proxénètes. 2 Et l'expression est jolie grâce à l'ellipse
(per ἔλλειψιν) : me inuito abduxit meam : car il
n'ajoute pas puellam (ma
poule) ou quelque chose de ce genre.
homini misero plus quingentos
colaphos infregit mihi!
Pour mon malheur, il m'a flanqué plus
de cinq cents coups !
1 homini misero secundum illud Menandri
« †αιγοστηποιωντοιγο† ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην
λαβών51 ». 2 homini misero plvs qvingentos colaphos
contumeliosa caedes colaphos et indigna lenoni, qui et
infregit, ut illudens hoc
fecisse Aeschinus uideatur, cum sonitu se delectat. infregit autem inlisit, inflixit. 3 homini misero plvs qvingentos colaphos
flebiliter pronuntiandum: hoc enim exprimitur incusare eum in
alieno facto fortunam suam. 4 Et uide, quantum distet hoc ab illo, quod
supra dicebat «
ipsum istuc uolo experiri
79 »: hoc quia solus est, illud quia cum aduersario.
1 homini misero selon le mot de Ménandre
« †αιγοστηποιωντοιγο†
ἑπτακοσίων γρόνθων τὸν οἰκέτην λαβών » (...de sept cent
gnons, et il avait pris son domestique)344. 2 homini misero plvs
qvingentos colaphos colaphos caractérise une volée de
coups insultante et que le proxénète ne mérite pas, lui qui dit
aussi infregit, pour
qu'on ait l'impression qu'Eschine a fait cela par raillerie, en se
délectant du bruit des claques. Quant à infregit, il veut dire "il m'a
blessé" (inlisit),
"infligé" (inflixit)345. 3 homini misero plvs
qvingentos colaphos il faut le dire sur un ton
pleurnichard : car ce qui est dit là, c'est qu'il incrimine son
infortune à l'occasion de l'acte d'autrui. 4 Et voyez la différence de cette réplique à la
précédente ci-dessus : « ipsum istuc uolo experiri » : celle-ci
parce qu'il est seul, la précédente parce qu'il était avec un
adversaire.
ob malefacta haec tantidem emptam
postulat sibi tradier!869
Et en face de ces forfaits, il
réclame que la fille lui soit transférée au même prix !
tantidem emptam
postvlat legitur tantidem
emptam postulat sibi darier52.
tantidem emptam
postvlat on lit aussi tantidem emptam postulat sibi
darier (il réclame qu'on la lui donne au même
prix)346.
uerum enim quando bene promeruit,
fiat! suum ius postulat.
Mais enfin, puisqu'il a fait une
offre correcte, soit ! Il réclame son droit.
bene promervit bene multum; promeruit "adiuuit", "profuit", cui
contrarium est commeruit;
nam mereri et promereri est praestare beneficium.
Vergilius «
quique sui memores alios fecere merendo
80 » et «
numquam, regina, negabo promeritam
81 ».
bene promervit bene signifie multum (beaucoup) ; promeruit signifie "il a été aidant"
(adiuuit), "utile"
(profuit), et le
contraire est commeruit
(il s'est rendu coupable) ; car mereri et promereri c'est offrir un bienfait.
Virgile : « quique sui memores alios fecere merendo » (ceux qui
par leurs bienfaits ont fait se conserver leur souvenir dans la
mémoire des autres) et : « numquam, regina, negabo promeritam »
(jamais, reine, je ne nierai ma dette à ton égard).
age iam cupio, si modo argentum
reddat. sed ego hoc hariolor:
Allons, j'y consens, pour peu qu'il
donne l'argent. Mais j'ai un pressentiment :
ubi me dixero dare tanti, testis
faciet ilico,
dès que j'aurai dit que je la donne à
tant, il inventera aussitôt des témoins
vbi me dixero dare tanti recte dixit; ubi
enim pactio intercesserit pretii, iam ereptionis actio sublata
erit et pretium debebitur.
vbi me dixero dare tanti il dit juste ; car
quand un prix aura été fixé de gré à gré, alors l'acte
d'enlèvement sera aboli et le prix sera dû.
uendidisse me; de argento somnium;
mox: « cras redi ».
pour dire que j'ai déjà réalisé la
vente ; et l'argent, dans mes rêves ! ; ensuite : « reviens
demain ».
mox cras redi mire transiit ad μιμητικόν.
mox cras redi il passe de façon remarquable
au style direct (μιμητικόν).
id quoque possum pati870, si
modo reddat, quamquam iniurium est;
Je peux tolérer ça aussi, s'il paye,
malgré l'injustice ;
1 id qvoqve possvm pati ipsum «
mox, cras redi
82 », id est moram. 2 qvamqvam inivrivm
est uendere, quod nolis scilicet.
1 id qvoqve possvm pati la formule même
« mox, cras redi », c'est-à-dire un retard dans le
paiement. 2 qvamqvam inivrivm est de
vendre ce qu'on ne veut pas, implicitement.
uerum cogito id quod res est: quando
eum quaestum inceperis871,
mais je réfléchis à la réalité :
quand on entreprend de faire ce métier,
1 id qvod res est pro: "id quod uerum est".
noua locutio. 2 qvando evm qvaestvm
inceperis ut in Andria «
dein quaestum occipit
83 ».
1 id qvod res est mis pour : "ce qui est
réel". Expression inédite. 2 qvando evm qvaestvm
inceperis comme dans L'Andrienne : « dein
quaestum occipit ».
accipienda et mussitanda iniuria
adulescentulum est.
il faut accepter et garder pour soi
les mauvaises manières de ces gamins.
mvssitanda "patienda, consideranda cum
silentio et ut in amatore putanda ac per hoc perferenda".
mussitare enim proprie
"dissimulandi causa tacere" est, uel a muto uel ab M, quae est littera
nimium pressae uocis ac paene nullius adeo, ut sola omnium, cum
inter uocales inciderit, atteratur atque subsidat. hinc Vergilius
«
mussat rex ipse Latinus
84 ».
mvssitanda "qu'il faut endurer, regarder en
silence et juger à l'aune d'un amoureux", et par là même
"supporter". Car mussitare c'est au sens propre "se
taire pour cacher quelque chose", et l'origine est soit mutus (muet), soit la lettre
M347, qui est un son
excessivement étouffé et presque nul au point que, seule entre
toutes, quand elle se trouve entre deux voyelles, elle s'affaiblit
et s'amuït. D'où chez Virgile : « mussat rex ipse Latinus » (le
roi Latinus lui-même reste silencieux).
sed nemo dabit; frustra egomet mecum
has rationes puto.
Mais personne ne paiera ; c'est en
vain que je me fais tous ces calculs.
frvstra egomet mecvm praeparationis genus
ad accipiendas uiginti minas totius summa est disputationis.
frvstra egomet mecvm ce genre de
préparation pour accepter les vingt mines est le résumé de toute
la dispute.
scaena altera
Sannio Syrus
209 | 210 | 211 | 212 | 213 | 214 | 215 | 216 | 217 | 218 | 219 | 220 | 221 | 222 | 223 | 224 | 225 | 226 | 227 | 228 | 229 | 230 | 231 | 232 | 233 | 234 | 235 | 236 | 237 | 238 | 239 | 240 | 241 | 242 | 243 | 244 | 245 | 246 | 247 | 248 | 249 | 250 | 251 | 252 | 253
Sy.-tace, egomet conueniam iam ipsum;
cupide accipiat faxo atque etiam
Sy.-Sois tranquille, c'est moi qui
vais aller le trouver en personne ; je vais le faire accepter avec
gourmandise et même
1 tace egomet conveniam iam ipsvm in hac
scaena actus est exemplum continens uitae auarorum, qui saepe in
damnum ipsius auaritiae rationibus ruunt; simul etiam duorum inter
se nequam hominum spectanda quaedam uicissim et dolosa captio
est. 2 tace egomet conveniam iam
ipsvm tace si pro
aduerbio est positum, omnibus dicitur, si pro uerbo, Ctesiphoni
dicitur maxime sollicito et supplicanti omnibus ob metum patris.
iam autem nunc non
tardationis sed properationis est significatio.
1 tace egomet conveniam iam ipsvm dans cette
scène, l'action est un exemple touchant au mode de vie des gens
cupides, qui, souvent, courent à la banqueroute en suivant les
plans mêmes que leur souffle leur cupidité ; en même temps aussi,
il faut observer comment deux vauriens se jouent alternativement
des tours pendables. 2 tace egomet
conveniam iam ipsvm si tace fonctionne comme un adverbe,
il est dit à la cantonnade, s'il fonctionne comme verbe, il
s'adresse à Ctésiphon348, qui est le plus inquiet
et qui supplie tout le monde à cause de la crainte qu'il a de son
père. Quant à iam, il n'a
pas ici un sens de retardement mais d'accélération.
bene dicat secum esse actum. quid
istuc, Sannio, est quod te audio
le faire dire qu'on l'a bien traité.
Qu'est-ce c'est, Sannion, que j'entends là, que tu
1 bene dicat secvm esse actvm recte additum,
nam multa cupide accipimus, ita tamen, ut male nobiscum actum esse
dicamus. 2 qvid istvc sannio est
illud supra post scaenam, hoc iam in proscaenio dicitur. 3 Et uide quam ingeniose
Terentius, qui supra ab Aeschino lenonis nomine facit Sannionem
uocari, utpote ab homine arroganti et feroci ob aetatem ac
negotium, at hunc blande circumuenientem honorificentius inducit
cum lenone loqui et eum Sannionem uocare. fere qui in sordidis
professionibus agunt, honorifice proprio nomine appellas, at
splendidis artibus53
constituti gaudent artis nomine nuncupari, ut imperator orator
philosophus. sic et in Eunucho «
audire uocem uisa sum militis
8554 » apud se loquens meretrix,
et postquam illum comminus uidet «
salue mi Thraso
86 » inquit, non salue
miles, quod erat durissimum, et mox irata personat
«
miles, nunc adeo edico tibi
87 ».
1 bene dicat secvm esse actvm ajout correct.
Car il y a beaucoup de choses que nous recevons avec cupidité au
point de dire, pourtant, qu'"on nous a mal traités". 2 qvid istvc sannio est le début ci-dessus se
dit en coulisse, ce passage-ci sur l'avant-scène349. 3 Et voyez le talent de Térence, qui ci-dessus fait
interpeller Sannion par Eschine du nom de proxénète, dans la
mesure où Eschine est un être arrogant et sans pitié en raison de
son âge et de ses occupations, alors qu'il met en scène ici un
Syrus qui tente de circonvenir Sannion de façon agréable et qui
s'adresse à lui plus cérémonieusement et l'appelle de son nom.
Généralement, quand on a affaire à des gens qui exercent des
métiers sans prestige, on leur fait honneur en les appellant par
leur nom propre, alors que ceux qui se trouvent dans des
catégories professionnelles supérieures apprécient de se faire
appeler du nom de leur profession, par exemple un général, un
orateur, un philosophe. Ainsi dans L'Eunuque, la
courtisane dit dans un monologue : « audire uocem uisa sum
militis » ; et dès qu'elle le voit de près, elle dit : « salue mi
Thraso » et non pas "salue miles" (salut, soldat), propos qui eût
été très insultant ; puis, sous le coup de la colère, elle crie :
« miles, nunc adeo edico tibi »350.
nescio quid concertasse cum ero?
Sa.-numquam uidi iniquius
t'es disputé sur je ne sais quoi avec
mon patron ? Sa.-Jamais je n'ai vu de chose plus inégale
1 nescio qvid concertasse cvm ero argute
positum nescio quid: uult
enim ex illo audire, ut nanciscatur initium persuadendi, quod
cupit. 2 concertasse οἰκονομία: honorifice
lenonem tractat, ut et placidum sibi reddat et ut faciat eum ad
contemnendam pecuniam liberalem; nam honestas adimit auaritiam.
concertasse non
caesum
esse55.
1 nescio qvid concertasse cvm ero nescio quid est adroitement mis :
car Syrus veut apprendre l'histoire de la bouche de Sannion pour
trouver un début d'argumentaire pour le convaincre de ce qu'il
veut. 2 concertasse effet de
préparation (οἰκονομία) : il traite le proxénète
cérémonieusement, pour d'une part se l'amadouer et d'autre part le
rendre généreux jusqu'à mépriser son argent ; car la politesse a
raison de la cupidité. Concertasse et non caesum esse (tu t'es fait
massacrer)351.
certationem comparatam, quam quae
hodie inter nos fuit;
que cette dispute qui s'est faite
aujourd'hui entre nous deux ;
1 certationem comparatam ἓν διὰ δυοῖν quia
ille «
concertasse
88 » dixit56. 2 comparatam proprie, alias
constitutam. 3 Et comparatam ad Syri dictum refert, qui
ait concertationem fuisse
pares faciens Aeschinum et lenonem. nam Sannio uult sibi deberi et
pro eo quod uapulauit, quod illi abstulit Syrus dicendo eum non
uerberatum esse sed potius certauisse. 4 Et proprie dixit certationem ipsum actum; nam
certamen est ipsa res, de
qua certatur, uter columbam sagitta feriat, uter prior decurrat ad
metas -nam sic Vergilius in Bucolicis «
uelocis iaculi
c.
certamina
p.
ponit
i.
in
u.
ulmo
89 » -; at uero certatio ipse actus contentioque
certantium est.
certationem comparatam hendiadys (ἓν διὰ δυοῖν), parce
que lui disait « concertasse »352. 2 comparatam au sens
propre ; ailleurs353 cela signifie
constitutam
(décidé). 3 Et comparatam renvoie au mot de Syrus,
qui a dit qu'il y avait eu un conflit (concertatio), mettant ainsi à
égalité Eschine et le proxénète. Car Sannion veut rester débiteur
y compris des coups qu'il a reçus, ce dont Syrus le prive en
disant qu'il n'a pas été roué de coups mais plutôt qu'il s'est
battu354. 4 Et au sens
propre certatio désigne
l'acte lui-même ; car si certamen désigne la chose même qui
est l'objet de la lutte355, comme de savoir
lequel des deux tuera la colombe de sa flèche, lequel des deux
franchira la ligne d'arrivée en tête - ainsi Virgile dans les
Bucoliques356 : « uelocis iaculi certamina ponit in
ulmo » (il instaure un concours de lancer de javelot en plaçant la
cible sur un orme) -, certatio en revanche désigne
l'action et l'acte de débattre entre adversaires357.
ego uapulando, ille uerberando, usque
ambo defessi sumus.
moi à force d'encaisser, lui à force
de frapper, nous sommes tous les deux épuisés.
ille verberando vsqve incerta distinctio
est: uel uerberando usque
uel usque defessi. et est
usque aduerbium:
significat enim aut diu
aut multum.
ille verberando vsqve ponctuation
indécise : on segmente ou bien uerberando usque (jusqu'à me rosser)
ou bien usque defessi
(jusqu'à l'épuisement). Et usque est un adverbe : car il a le
sens de diu (longtemps)
ou de multum
(beaucoup)358.
Sy.-tua culpa. Sa.-quid facerem?
Sy.-adulescenti morem gestum oportuit.
Sy.-C'est de ta faute. Sa.-Qu'y
pouvais-je ? Sy.-Tu aurais dû te montrer complaisant avec ce jeune
homme.
1 tva cvlpa potest et nominatiuus et septimus
casus esse. si nominatiuus, deest est, si septimus, deest factum est. 2 advlescenti morem gestvm oportvit ab aetate
adiuuatur sententia, ideo adulescenti dixit, non Aeschino. 3 Et morem
gerere proprie lenonis est et meretricis, unde et ipse
sic respondet, ut non fugiens κακέμφατον dicat «
usque os praebui
90 ». 4 advlescenti morem gestvm
cum emphasi adulescenti
pronuntiandum, scilicet qui facile assensione caperetur.
1 tva cvlpa ce peut être un nominatif ou un
septième cas359. Si c'est
un nominatif, il manque est, si c'est l'ablatif, il manque
factum est (c'est
arrivé)360. 2 advlescenti morem
gestvm oportvit l'énoncé est appuyé par l'âge de Syrus, et
il peut dire "le gamin" au lieu de dire "Eschine". 3 Et morem
gerere (se montrer complaisant) c'est le propre d'un
proxénète et d'une courtisane ; c'est pourquoi lui-même répond,
sans échapper à l'allusion grivoise (κακέμφατον) : « usque os praebui »361. 4 advlescenti morem
gestvm il faut prononcer adulescenti avec emphase,
implicitement pour expliquer qu'un jeune homme se laisse
facilement prendre aux flatteries.
Sa.-qui potui melius, qui hodie usque
os praebui? Sy.-age, scis quid loquar?
Sa.-Comment pouvais-je faire mieux,
moi qui aujourd'hui ai été jusqu'à m'offrir docilement à ses coups
de boutoir ? Sy.-Allons, tu sais ce que je veux te dire ?
1 qvi potvi melivs subauditur morem gerere. et hoc subtiliter leno,
cum morem gerendum fuisse in meretricis pretio dixerit
Syrus. 2 hodie hodie non tempus significat, sed
iracundam eloquentiam ac stomachum, ut Vergilius «
numquam omnes hodie moriemur inulti
91 ». 3 age modo corripientis
aduerbium est. 4 scis qvid loqvar argute,
quia simulauerat leno non intellexisse quod dixerat
seruus. 5 scis qvid loqvar legitur
et si quid loquar.
1 qvi potvi melivs on sous-entend morem gerere (être complaisant). Et
le proxénète se montre ici subtil, puisque Syrus a dit qu'il
fallait se montrer complaisant dans le prix de revente de la
courtisane. 2 hodie hodie ne marque pas ici le temps
mais l'éloquence de la colère et le courroux, comme dans Virgile :
« numquam omnes hodie moriemur inulti » (nous ne mourrons pas tous
aujourd'hui sans être vengés)362. 3 age c'est parfois un adverbe de
reproche. 4 scis qvid loqvar subtil,
car le proxénète faisait semblant de ne pas avoir compris ce que
disait l'esclave. 5 scis qvid
loqvar on lit aussi si quid
loquar.
pecuniam in loco neglegere maximum
interdum est lucrum. Sa.-hui!
perdre de l'argent à propos est
parfois une très bonne affaire. Sa.-Ah oui ?
maximvm interdvm est lvcrvm bene additum et
in loco
et57 interdum: non enim semper.
maximvm interdvm est lvcrvm il fait bien
d'ajouter in loco et
interdum : car ce n'est
pas "toujours".
Sy.-metuisti, si nunc de tuo iure
concessisses paululum, atque
Sy.-Tu craignais, en renonçant un
tout petit peu à tes droits et
1 si nvnc de tvo ivre concessisses ne
diceret: "non erat res mea, quam uenalem habui". 2 An de tuo
iure de lenonia duritia, ut alibi «
meo iure utar, ut potior sit, qui prior ad dandum
est
92 »?
1 si nvnc de tvo ivre concessisses de ne pas
dire : "ce n'était pas mon bien, que j'ai acheté pour de
l'argent". 2 A moins que de tuo iure soit une allusion à la
dureté des proxénètes, comme ailleurs : « meo iure utar, ut potior
sit, qui prior ad dandum est » ?
adulescenti esses morigeratus,
hominum homo stultissime,
en te montrant complaisant avec le
jeune homme, espèce d'imbécile sans égal,
ne non tibi istuc faeneraret? Sa.-ego
spem pretio non emo.
que cela ne te rapporte pas
d'intérêts ? Sa.-Moi je n'achète pas l'espoir à prix d'argent.
1 ne non tibi istvc faeneraret faeneratum est "cum lucro redditum et
multiplicatum". faeneraret
ergo non Aeschinus sed ipsa res, in qua faeneratio. 2 ego spem pretio non emo ἀντινομία contra «
pecuniam in loco neglegere maximum interdum est
lucrum
93 ».
1 ne non tibi istvc faeneraret faeneratus veut dire "rendu avec
bénéfice et coefficienté". Donc faeneraretn'a pas pour sujet
Eschine, mais le bien lui-même, dans lequel il y a de
l'intérêt. 2 ego spem pretio non emo
c'est l'antinomie (ἀντινομία) contraire de : « pecuniam in
loco neglegere maximum interdum est lucrum ».
Sy.-numquam rem facies; abi, nescis
inescare homines, Sannio.
Sy.-Alors tu ne feras jamais
d'affaires ; file, tu ne sais pas appâter les gens, Sannion.
1 nvmqvam rem facies leno quidquid agit
ad lucrum refert. et sic lucri genus dicit esse rem Syrus ad lenonem, qua admodum
ipse persuadeat58. 2 Et nota rem et litem et negotium meretricis
et patrimonium et omnem pecuniam nominari. 3 nvmqvam rem facies secundum personam suam
et lenonis Syrus adhortatus est hominem ad lucrum, non ad
honestatem. 4 nescis inescare homines
sannio μεταφορά ab aucupibus, qui auibus
capiendis offundunt cibum.
1 nvmqvam rem facies tout ce que fait le
proxénète, il le rapporte au bénéfice possible ; et c'est ce qui
fait que Syrus nomme le genre de bénéfice qu'il va faire
rem afin d'être
lui-même tout à fait persuasif. 2 Et
notez que res désigne le
litige, l'affaire avec la courtisane, le patrimoine et toute
opération financière. 3 nvmqvam rem
facies en suivant la nature de son personnage et de celui
du proxénète, Syrus exhorte le bonhomme à prendre un bénéfice,
plutôt qu'à se montrer honnête. 4 nescis inescare homines sannio métaphore
(μεταφορά) de
la langue des oiseleurs, qui pour attraper les oiseaux répandent
de la nourriture.
Sa.-credo istuc melius esse: uerum
ego numquam adeo astutus fui,
Sa.-Je crois que ta méthode est
meilleure ; mais moi je n'ai jamais été assez malin
credo istvc melivs esse uide comicum
errorem utriusque personae, et callidi lenonis et captiosissimi
famuli.
credo istvc melivs esse voyez la méprise
comique des deux personnages, aussi bien le proxénète félon que le
domestique très rusé.
quin quidquid possem mallem auferre
potius in praesentia.
pour ne pas préférer prendre tout ce
que je pouvais en direct.
Sy.-age, noui tuum animum: quasi iam
usquam tibi sint uiginti minae
Sy.-Allons, je connais ton âme :
comme si tu en étais à vingt mines près
1 age nunc uerbum est significans dic, quod iam prope est, ut
consentiat persuadenti. 2 tvvm animvm
id est liberalem. 3 qvasi iam vsqvam tibi sensus est: "quasi
in59 numero aliquo ducas et in aliqua
aestimatione constituas et non, si uelis, penitus contemnas
uiginti minas, dum modo huic obsequaris". 4 qvasi iam vsqvam tibi sint et
eum60 non profecturum dixit sed etiam «
proficisci
94 », et ne neget, non ab uno id audiri, sed «
aiunt
95 »aiunt
inquit61.
1 age ici c'est un verbe au sens de
dic (dis), parce que là
il est tout près de se trouver d'accord avec celui qui tente de le
persuader. 2 tvvm animvm c'est-à-dire
liberalem (d'homme libre
et généreux). 3 qvasi iam vsqvam tibi le
sens est : "comme si tu donnais quelque importance et attribuais
de la valeur à ces vingt mines au lieu de les mépriser
complètement, si tu le voulais, pourvu que cela fasse plaisir à
Eschine". 4 qvasi iam vsqvam tibi
sint il ne dit pas profecturum au futur (que tu
partiras), mais déjà un présent « proficisci », et pour éviter que
Sannion ne nie, il ne dit pas que la chose a été entendue par un
seul témoin, mais il dit aiunt (les gens disent)363.
dum huic obsequare. praeterea autem
te aiunt proficisci Cyprum... Sa.-hem!
pourvu que tu lui obéisses ! En outre
d'ailleurs, on raconte que tu pars pour Chypre... Sa.-Hein !
praeterea avtem ἀρχαϊσμός figura, nam ueteres libenter
coniunctiones multiplicabant.
praeterea avtem figure d'archaïsme
(ἀρχαϊσμός),
car les Anciens aimaient à multiplier les mots de liaison364.
Sy.-coemisse hinc quae illuc ueheres
multa, nauem conductam; hoc, scio,
Sy.-Que tu as acheté ici de quoi en
rapporter là-bas en quantité, que le navire est loué ; c'est ça,
je le sais,
1 coemisse hinc qvae illvc nusquam hoc
ostendit alias Terentius, sed ex confessione lenonis apparet uera
esse omnia. 2 Et mira uarietas; proficisci, coemere, conducere. 3 Nauem
conductam62 esse addidit, ut
dilationem res habere non possit. 4 hoc scio animvs tibi pendet hoc et correpte legi potest, ut
articulus demonstratiuus sit, et producte, ut significet aut "hanc
rem"63 aut "ad hunc locum", id est
Cyprum.
1 coemisse hinc qvae illvc Térence n'indique
nulle part ailleurs ce renseignement, mais de l'aveu du proxénète,
il appert que tout est vrai365. 2 Et il y a une remarquable variété dans le choix
des verbes ; proficisci,
coemere, conducere. 3 Et il ajoute nauem
conductam (que le navire a été loué), pour que
l'affaire ne puisse pas être différée. 4 hoc scio animvs tibi pendet hoc peut se lire avec une voyelle
brève, pour être le déterminant démonstratif, ou avec une longue,
pour signifier soit "vers cela" soit "vers ce lieu", à savoir
Chypre366.
animus tibi pendet. ubi illinc spero
redieris, tamen hoc ages.
qui te tient l'esprit en haleine.
Quand tu seras revenu de là-bas, j'espère, tu le feras tout de
même.
1 vbi illinc spero redieris ex spe sua uult
Syrus ostendere, quid leno debeat sperare, id est non se
accepturum modo. 2 tamen hoc
ages exiges debitum; nam hoc
agere dicimus eum, qui instat negotio suo.
1 vbi illinc spero redieris c'est à partir de
son espérance propre que Syrus montre ce que le proxénète devrait
espérer, à savoir de ne rien toucher367. 2 tamen hoc
ages tu exigeras ta dette ; car nous disons hoc agere pour celui qui persiste à
mener son affaire.
Sa.-nusquam pedem! perii hercle! hac
illi spe hoc inceperunt. Sy.-timet;
Sa.-Je n'y mettrai pas le pied ! Ma
foi, je suis mort ! Voilà l'espoir qu'ils avaient en se mettant à
cette entreprise ! Sy.-Il a peur ;
nvsqvam pedem quia exclamatio est, per
aposiopesim non completur.
nvsqvam pedem comme c'est une exclamation,
elle reste incomplète par aposiopèse.
inieci scrupulum homini. Sa.-o
scelera! illuc uide,
j'ai mis un grain de sable dans les
rouages du bonhomme. Sa.-Ah les traîtres ! Regardez-moi ça,
1 inieci scrvpvlvm homini hoc leno non audit:
simul enim dicitur, cum ille clamat, et ideo simul legi non
potest. 2 Et hic ostendit Syrus, quo consilio haec
locutus sit. 3 illvd vide uide τῷ ἰδιωτισμῷ dixit.
1 inieci scrvpvlvm homini cette phrase n'est
pas entendue du proxénète : en effet, Syrus la dit pendant que
l'autre crie, et on ne peut pas la lire en même temps368. 2 Et
Syrus montre ici avec quelle idée en tête il a parlé. 3 illvd vide uide est dit par particularisme
(τῷ
ἰδιωτισμῷ)369.
ut in ipso articulo oppressit! emptae
mulieres
comme il me bloque les engrenages !
J'ai acheté des femmes,
1 vt in ipso articvlo oppressit μεταφορά perseuerans a
scrupulo, id est lapillo, qui nos in calceo latens plerumque
laedit. 2 Et oppressit uel Aeschinus uel res ipsa, quam
subicit, id est quod ait emptae
mulieres complures et item hinc alia
364 In lenonis mercibus ἐξοχή mulieres. et est σύλλημψις: emptae et empta.
1 vt in ipso articvlo oppressit métaphore
(μεταφορά)
filée à partir du mot scrupulus, c'est-à-dire du petit
caillou que l'on a dans la chaussure à son insu et qui fait
souvent mal370. 2 Et oppressit le sujet est soit Eschine soit
l'affaire même qui est sous-jacente, à savoir emptae mulieres complures et item hinc
alia. 3 Parmi les
marchandises du proxénète, les femmes représentent le principal
(ἐξοχή). Et
c'est une syllepse (σύλλημψις) : emptae et empta371.
complures et item hinc alia quae
porto Cyprum.
plusieurs, et aussi d'autres
marchandises d'ici que je transporte à Chypre.
qvae porto cyprvm hanc insulam
dictam65 uel quod Veneri sacrata sit, ut Horatius
«
sic te diua potens Cypri
96 », uel quod mercatus in ea sit, ut idem «
numquam dimoueas, ut trabe Cypria Myrtoum pauidus nauta
secet mare
97 ».
qvae porto cyprvm cette île ainsi nommée,
parce que soit elle est consacrée à Vénus372,
comme on voit chez Horace : « sic te diua potens Cypri » (ainsi
toi, déesse qui possèdes Chypre...), soit il s'y trouve un marché,
comme on voit chez le même Horace : « numquam dimoueas, ut trabe
Cypria Myrtoum pauidus nauta secet mare » (jamais on ne le
détournerait jusqu'à ce que, marin craintif, il fende la mer de
Myrtos avec une étrave de Chypre)373.
nisi eo ad mercatum uenio, damnum
maximum est.
Si je n'y arrive pas pour la foire,
ma perte est énorme.
1 nisi eo ad mercatvm eo aduerbium est loci, id est Cyprum.
mercatus autem locum
tempusque significat. 2 damnvm maximvm
est quia adhuc damnum in pretio mulieris est.
1 nisi eo ad mercatvm eo est un adverbe de lieu, qui
renvoie à Chypre374. Quant à mercatus, il désigne à la fois le
lieu et le temps375. 2 damnvm maximvm est parce qu'il y a encore
de la perte sur le prix de la jeune femme376.
nunc si hoc omitto, actum872 agam
ubi illinc rediero,
Mais si je laisse tomber ce
dossier-ci, l'affaire sera faite quand je serai de retour de
là-bas,
1 nvnc si hoc omitto quod damnum est, sed
leuiter. hoc autem dicit
negotium cum Aeschino. 2 actvm agam
prouerbium, id est: "nihil agam". quod enim in iure semel
iudicatum fuerit, rescindi et iterum agi non potest. sic in
Phormione «
actum aiunt ne agas
98 ».
1 nvnc si hoc omitto cette chose qui est un
dommage, mais légèrement. Quant à hoc, il désigne l'affaire en cours
avec Eschine. 2 actvm agam proverbial, à
savoir : "je ne ferai rien". Car ce qui, en droit, a été jugé une
fois ne peut être défait et rejugé. De même dans le
Phormion : « actum aiunt ne agas »377.
nihil est, refrixerit res: « nunc
demum uenis?
plus rien, ce sera tout refroidi :
« C'est maintenant que tu arrives ?
1 nihil est noue nihil est pro: nulla spes est. 2 refrixerit pro refrigescet.
1 nihil est il utilise de façon inédite
nihil est pour nulla spes est (il n'y a nul
espoir). 2 refrixerit futur
antérieur pour le futur refrigescet.
cur passus es? ubi eras? » ut sit
satius perdere
Pourquoi t'es-tu laissé faire ? Où
étais-tu ? », au point qu'il vaut mieux perdre l'argent
vt sit sativs perdere per ὑπερβολήν hoc accipe,
nam non conuenit personae lenoniae damna contemnere.
vt sit sativs perdere c'est par hyperbole
(ὑπερβολή)
qu'il faut prendre cette réplique, car il ne convient pas à un
personnage de proxénète de n'avoir cure d'un dommage matériel.
quam aut nunc manere tam diu aut tum
persequi.
que de s'attarder maintenant trop
longtemps ou poursuivre après coup.
1 nvnc manere "dum non nauigo". 2 tvm perseqvi "cum rediero".
1 nvnc manere "sans transporter mon
fret". 2 tvm perseqvi "à mon
retour".
Sy.-iamne enumerasti id quod ad te
rediturum putes?
Sy.-As-tu fini le compte de ce qui
doit te revenir à ton avis ?
1 iamne envmerasti fingit Syrus se non
intellegere, quid apud se ipsum leno locutus sit. adeo illi aliud
ait, atque ille secum disputauerat. 2 id qvod ad te reditvrvm pvtes hoc dicto
significat tantum illum accepturum, quantum ille dederat in
puella. nam hoc ad nos redit, quod a nobis
abierit. 3 Et dicendo rediturum ostendit super uiginti
minas nihil illum sperare oportere. sic enim supra «
minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat
male
99 »66.
1 iamne envmerasti Syrus fait semblant de ne
pas comprendre ce que le proxénète se dit à lui-même. Aussi lui
dit-il autre chose que ce que l'autre débattait en
lui-même. 2 id qvod ad te reditvrvm
pvtes il montre en disant cela qu'il est prêt à accepter
autant qu'il a donné pour l'achat de la fille. Car nous revient
(redit) ce qui est parti
de nous. 3 Et en disant rediturum, il montre qu'il ne lui
faut plus espérer plus que les vingt mines de départ. Car Eschine
a dit ci-dessus : « minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi
uertat male ».
Sa.-hocine illo dignum est? hocine
incipere Aeschinum,
Sa.-Est-ce que ce procédé est digne
de lui ? Eschine, entreprendre ça,
1 hocine illo dignvm est huiusmodi
comploratio summam desperationem lenonis ostendit. 2 hocine incipere67 incipere quasi de magno facinore
dixit, ut in Heautontimorumeno «
uide, quod inceptet facinus
100 ». Aeschinum
autem cum laudatione dixit, quasi quem non deceat male
facere. 3 Et uide, quam omnia experiatur impotens ac
miser ob recuperandam rem suam.
1 hocine illo dignvm est ce genre de
déploration révèle le degré de désespoir du proxénète. 2 hocine incipere il dit incipere comme on le dit d'un grand
forfait, comme dans L'Héautontimorouménos : « uide,
quod inceptet facinus » (vois un peu quel acte il
entreprend !)378. Quant
à Aeschinum, il le dit
avec une certaine estime, comme s'il nommait un homme qu'on ne
devrait pas voir faire le mal. 3 Et
voyez comme il est prêt à tout essayer dans son impuissance et son
malheur pour récupérer son bien.
per oppressionem ut hanc mihi eripere
postulet?
prétendre m'enlever de force cette
fille !
1 vt hanc mihi eripere postvlet non dicit
quam, quia de illa sermo est. 2 postvlet "uelit" aut "speret". Cicero
«
ut temporibus rei publicae cedat, non est
postulandum
101 », hoc est "cupiendum" aut "exspectandum". 3 Ἐν
ἤθει eripere
postulet dixit, non eripuerit, tamquam adhuc non fecerit.
et sic loquuntur, qui nolunt circa se perseuerare iniuriam.
1 vt hanc mihi eripere postvlet il ne dit pas
qui, puisque c'est d'elle qu'on parle. 2 postvlet uelit (veuille) ou speret (espère). Cicéron : « ut
temporibus rei publicae cedat, non est postulandum » (que tu cèdes
aux circonstances de la république, il ne faut pas y compter),
c'est-à-dire "le souhaiter" ou "l'espérer". 3 Il est dans son caractère (ἐν ἤθει) quand il dit
eripere postulet et non
pas eripuerit (il me l'a
enlevée), comme si la chose n'était pas déjà faite. Et c'est ainsi
que s'expriment ceux qui ne veulent pas que perdure l'injustice
qui leur est faite.
Sy.-labascit. unum hoc habeo; uide si
satis placet:
Sy.-Il flanche. J'ai une seule
proposition ; vois si elle t'agrée :
1 labascit hoc presse dicitur. 2 Et proprie dixit labascit, ut et suam instantiam et
cunctationem tarde incipientis consentire monstraret. nam
inchoatiuum uerbum est, μεταφορᾷ ab arbore siccante68
facta, quae multis succisa ictibus ferri tandem incipit in casum
pendere ruinamque minari. 3 vnvm hoc
habeo hoc clare. 4 Et subaudiendum quod dicam uel dicere. 5 vide si satis placet non placet dixit, sed satis placet ueluti magnum consilium
praebiturus.
1 labascit ce passage se dit à voix
basse. 2 Et il dit labascit au sens propre, à la fois
pour montrer son propre travail de sape et les atermoiements de
Sannion qui commence lentement à consentir. Car c'est un verbe
inchoatif, à partir d'une métaphore (μεταφορᾷ) de l'arbre desséché qui, après
avoir reçu de nombreux coups de hache commence enfin à pencher
vers la chute et à menacer ruine379. 3 vnvm hoc habeo ceci à voix haute. 4 Et il faut sous-entendre quod dicam (à dire) ou dicere (à dire). 5 vide si satis placet il ne dit pas
placet, mais satis placet en homme qui s'apprête
à faire une proposition importante.
potius quam uenias in periculum873, Sannio,
plutôt que de faire quitte ou double,
Sannion,
potivs qvam venias in pericvlvm oratoria
comparatione peiorum dicit hoc esse, quod suggerit, eligendum.
potivs qvam venias in pericvlvm en
comparant de façon oratoire avec une situation pire, il dit que
c'est sa suggestion qu'il faut choisir.
seruesne an perdas totum, diuiduum
face.
à tout garder ou à tout perdre, fais
moitié moitié.
1 dividvvm face hoc est diuide: figura μακρολογία. 2 dividvvm a diuisione, dimidium a dimensione dicimus.
1 dividvvm face c'est-à-dire diuide (divise) : figure de
prolixité (μακρολογία)380. 2 dividvvm nous disons diuiduus d'après l'idée de
division, dimidius
d'après celle de dimension381.
minas decem corradet alicunde. Sa.-ei
mihi,
Eschine grattera bien dix mines
quelque part. Sa.-Aïe,
1 minas decem scit illum uiginti posse
accipere, sed idcirco sic agit, ut optet leno, quod paulo ante
nolebat. 2 Et alicvnde dictum est non habentis. 3 corradet alicvnde nam nec ipsae in promptu
sint. 4 ei mihi etiam de sorte nvnc venio
in dvbivm miser sors est summa, cui extrinsecus
acquiritur faenus. ergo sortem dicit pretium, quo empta est,
id est uiginti minas. 5 Et uide illum damno exclamare quam
iniuria.
1 minas decem il sait que l'autre peut
accepter vingt mines, mais il fait en sorte que le proxénète
finisse par souhaiter ce que tout à l'heure il refusait. 2 Et alicvnde c'est le mot de quelqu'un qui ne
les a pas. 3 corradet alicvnde car
même ces dix mines ne sont pas disponibles. 4 ei mihi etiam de sorte nvnc venio in dvbivm
miser le mot sors
désigne la somme à partir de laquelle on acquiert du dehors des
intérêts. Donc en disant sortem il veut dire le montant
auquel il l'avait achetée, à savoir vingt mines. 5 Et voyez que l'autre pousse une exclamation
davantage à cause de la perte que du mauvais traitement qui lui a
été fait.
etiam de sorte nunc uenio in dubium
miser?
voilà que maintenant je ne suis pas
sûr de sauver mon capital, pauvre de moi !
nvnc venio in dvbivm in periculum.
Vergilius «
nec tibi de sorte in
d.
d???
c.
c???
102 ».
nvnc venio in dvbivm en danger. Virgile :
« nec tibi de sorte in d. c. »382.
pudet nihil? omnes dentes labefecit
mihi,
Il n'a pas honte ? Il m'a ébranlé
toutes les dents,
1 omnes dentes labefecit iniuria lenoni tunc
dolet, cum adiuncta damno est, «
accipienda et mussitanda
103 », cum in quaestu uidetur. idcirco enumeratis contumeliis
adicit «
etiam insuper defraudat?
104 ». 2 Et uide, ut eadem quae supra, sed ardentius
et cum auxesi repetat. sic et
Vergilius in maius repetit, quod non semel dicit.
1 omnes dentes labefecit le mauvais
traitement subi fait mal au proxénète au moment où s'y ajoute le
risque d'une perte financière, alors qu'il pouvait "l'accepter et
le passer sous silence" (« accipienda et mussitanda ») quand il
prévoyait un bénéfice. Aussi, après avoir fait le décompte de ses
déboires, il ajoute : « etiam insuper defraudat ? ». 2 Et voyez comme il répète ses propos
antérieurs, mais avec plus d'ardeur et en les amplifiant. Ainsi
fait aussi Virgile quand il majore en le répétant un énoncé qu'il
ne se contente pas de dire une fois383.
praeterea colaphis tuber est totum
caput:
et, à force de gifles, ma tête n'est
plus qu'une grosse bosse :
colaphis tvber est totvm capvt tuber cibi genus est collectum ex
tumentibus et quasi praegnantibus harenis. plus autem hic quam
supra dixit «
plus quingentos colaphos infregit mihi
105 ».
colaphis tvber est totvm capvt le mot
tuber (tubercule) désigne
une sorte de nourriture qu'on ramasse dans des tertres sablonneux
et ressemblant à des ventres de femmes enceintes384. Il en dit plus ici que
ci-dessus : « plus quingentos colaphos infregit mihi ».
etiam insuper defraudet874? nusquam abeo. Sy.-ut libet.
et en plus il m'escroquerait ? Je ne
vais nulle part. Sy.-A ta guise.
1 etiam insvper defravdat αὔξησις apta lenoni
auaro, nam honestior persona non hunc ordinem faceret. 2 defravdet "fraude decipiat". 3 nvsqvam abeo hoc dictum uim habet
comminationis, nisi illud cum contemptu susceperit
Syrus. 4 vt libet neglegenter
seruus respondet, ut rogetur a lenone.
1 etiam insvper defravdat amplification
(αὔξησις)
propre à un proxénète cupide, car un personnage plus honorable
n'aurait pas mis les arguments dans cet ordre. 2 defravdet "il me tromperait par une
ruse". 3 nvsqvam abeo cet énoncé a
la force d'une menace, sauf que Syrus le traite par le
mépris. 4 vt libet l'esclave répond
négligemment, pour que le proxénète lui fasse sa requête.
numquid uis quin abeam? Sa.-immo
hercle hoc quaeso, Syre,
Veux-tu autre chose ou puis-je me
retirer ? Sa.-Oui, ma foi, je veux quelque chose, Syrus :
1 nvmqvid vis qvin abeam haec est plena
oratio, nam numquid uis
desiderat supplementum. et hoc uti dicto discedentes
solent. 2 qvin quare non significat. 3 immo hercle hoc qvaeso syre vtvt haec svnt
ipse sibi satisfacit - utut enim quoquo modo significat -,
diuerticulum ad preces faciens.
1 nvmqvid vis qvin abeam l'énoncé est
complet, car numquid uis
a besoin d'un complément385. Et c'est la
formule qu'on utilise habituellement en s'en allant. 2 qvin signifie quare non (pourquoi ne
pas...). 3 immo hercle hoc qvaeso syre vtvt
haec svnt il se donne satisfaction - utut en effet signifie quoquo modo (de quelque manière
que) -, en faisant une digression vers la prière.
utut haec sunt facta, potius quam
lites sequar,
au point où en sont arrivées les
choses, plutôt que d'attaquer en justice,
potivs qvam lites seqvar quia dixerat
Aeschinus «
nunc uide utrum uis: argentum accipere an causam
meditari tuam
106 ».
potivs qvam lites seqvar parce qu'Eschine
avait dit : « nunc uide utrum uis : argentum accipere an causam
meditari tuam ».
meum mihi reddat875, saltem quanti empta est, Syre.
je veux qu'il me rende mon dû au
moins le prix que je l'ai payée, Syrus.
1 mevm mihi reddat sortem, de qua supra sola
recusabat. 2 Et oratorie: non enim quanto emi, sed inuidiose meum mihi reddat. 3 saltem τὸ ἔσχατον. natum est autem saltem a captiuis, qui nihil aliud
praeter salutem a uictore
petant.
1 mevm mihi reddat son capital, la seule
chose sur laquelle, ci-dessus, il refusait de négocier. 2 Et de façon oratoire : car il ne dit pas
quanto emi (au prix où je
l'ai achetée), mais avec agressivité meum mihi reddat. 3 saltem c'est l'argument ultime (τὸ ἔσχατον). Car le mot
saltem est issu de la
langue des prisonniers, qui n'ont rien d'autre à réclamer à leur
vainqueur que le salut (salutem)386.
scio te non usum antehac amicitia
mea;
Je sais que tu n'as pas jusqu'ici
exploité mon amitié ;
scio te non vsvm antehac amicitia mea
figura ἀξιοπιστία, per quam ostendit fideliter
se promittere, quod promittit. Vergilius «
scio me
D.
Danais
e
c.
classibus
u.
unum
107 ».
scio te non vsvm antehac amicitia mea
figure de recherche de confiance (ἀξιοπιστία), par laquelle il montre qu'il
promet ce qu'il promet d'une façon digne de foi. Virgile : « scio
me Danais e classibus unum » (je sais et j'avoue être l'un de ceux
qui, débarqués des navires grecs...)387.
memorem me dices esse et gratum.
Sy.-sedulo
mais tu pourras dire de moi que je
sais me souvenir et que j'ai de la reconnaissance. Sy.-C'est de
mon mieux que
1 memorem me dices figurate inducta promissio
praemiorum. 2 Et bene utrumque, nam non continuo qui
memor etiam gratus est. 3 Memor est, qui apud se meminit,
gratus qui meruit hoc
uocari, dum uicem reddit; nam multi memores, ingrati
tamen. 4 sedvlo faciam sic
promittit, ut nihil interesse sua credatur. 5 sedvlo de industria, sine dolo.
1 memorem me dices de façon figurée est
induite une promesse de récompense. 2 Et il fait bien d'utiliser les deux adjectifs, car
celui qui est memor (qui
se rappelle) n'est pas toujours aussi gratus (reconnaissant). 3 Est dit memor celui qui se souvient en son
for intérieur, est dit gratus celui qui mérite ce nom au
moment où il rend la pareille ; car il y en a beaucoup qui ont de
la mémoire et qui sont néanmoins ingrats. 4 sedvlo faciam il promet sans qu'on ait
l'impression que rien le concerne. 5 sedvlo avez zèle, sans ruse (sine dolo)388.
faciam. sed Ctesiphonem uideo. laetus
est
je ferai. Mais je vois Ctésiphon. Il
est tout content
1 sed ctesiphonem video laetvs est de amica
aduentus in proscaenio personarum cum consulto consilio fingantur
a poeta, tamquam superueniunt aliis rebus in medio positis, quae
ipsarum interuentu finiantur. mire tamen, quod quasi ex argumento
futuri actus sui, antequam loqui incipiant,
describuntur. 2 laetvs est de amica hoc
lentius et submisse.
1 sed ctesiphonem video laetvs est de amica
les entrées en scène de personnages, tout en étant imaginées en
toute conscience par le poète, surviennent pour ainsi dire au
milieu d'événements auxquels l'intervention des personnages met
fin. Il est néanmoins remarquable que, en préparation de ce qu'ils
vont faire, on les décrive avant qu'ils ne commencent à
parler. 2 laetvs est de amica ces
mots sont dits plus lentement et à mi-voix.
de amica. Sa.-quid quod te oro?
Sy.-paulisper mane.
pour sa jeune amie. Sa.-Et ma
demande ? Sy.-Attends un peu.
1 qvid qvod te oro deest agis et ego. 2 qvod te oro aut si quid aut propter quod intellegamus, ut sit:
"quid mihi respondes de eo propter quod te oro?" aut: "si quid te
oro?". 3 Et quam bene fastidiosum lenonem facit
Syrus, ut optans ille desperando accipiat uiginti minas! nam et
supra non intendenti dicit totiens in uno sensu «
Syre
108 ». 4 de amica potest hoc et
interrogatiue pronuntiari.
1 qvid qvod te oro il manque agis (tu fais) et ego (moi). 2 qvod te oro comprenons ou bien si quid ou bien propter quod, pour faire : "quid
mihi respondes de eo propter quod te oro ?" (que me réponds-tu sur
le sujet à propos duquel je te sollicite ?) ou bien : "si quid te
oro ?" (que me réponds-tu pour ce que je te demande ?). 3 Et comme Syrus réussit à épuiser le
proxénète, au point que par désespoir il accepte, en les
souhaitant, les vingt mines ! Car ci-dessus, pour qui fait
attention, ce n'est pas dans la même intention qu'il dit plusieurs
fois « Syre ». 4 de amica on peut aussi
dire cela sur un ton interrogatif389.
scaena tertia
Sannio Syrus Ctesipho
Ct.-abs quiuis homine, cum est opus,
beneficium accipere gaudeas;
Ct.-D'où qu'il vienne, quand on en a
besoin, on est content de recevoir un service ;
1 abs qvivis homine cvm est opvs beneficivm accipere
gavdeas in hac scaena gratiarum actio est ex persona et
eius qui praestitit et eius cui praestitum est et ex ipsius
praestiti quantitate. nam omne quod geritur, aut in rebus est aut
in personis aut in attributis eorum. 2 abs qvivis homine bene sic coepit dicturus
«
o frater frater
109 ». 3 Et qui secundum regulam dixit, quia
dicimus quibus. ceterum
a quo quis facit et non quibus. 4 Et incerta distinctio est: uel cum opus est beneficium accipere uel
cum opus est
beneficium69, hoc uetuste,
illud communiter.
1 abs qvivis homine cvm est opvs beneficivm accipere
gavdeas dans cette scène, l'acte de remercier porte à la
fois sur la personne qui a rendu service, sur celle à qui le
service a été rendu et sur l'importance du service lui-même. Car
tout se qui se fait est soit dans les choses, soit dans les
personnes, soit dans leurs attributs. 2 abs qvivis homine c'est un bon début pour
celui qui va bientôt dire : « o frater frater ». 3 Et qui
est accordé selon la règle, puisque nous disons quibus. Par ailleurs a quo fait quis au pluriel et non pas
quibus390. 4 Et la
ponctuation n'est pas sûre : ou l'on segmente cum opus est beneficium accipere
(quand on a besoin de recevoir un bienfait) ou cum opus est beneficium (quand un
bienfait est nécessaire) ; cette dernière expression est vieillie,
la première est commune391.
uerum enim uero id demum iuuat, si
quem aequum est facere is bene facit.
mais c'est vraiment le bonheur quand
c'est celui qui doit faire le bien qui le fait.
1 id demvm ivvat ostendit plus esse quod
iuuat quam gaudium. 2 is bene facit
bene subaudiendum est bis
numero.
1 id demvm ivvat il montre que ce qui réjouit
(iuuat) est plus fort que
la joie (gaudium). 2 is bene facit il faut sous-entendre une
deuxième fois bene392.
o frater frater! quid ego nunc te
laudem? satis certo scio:
O mon frère, mon frère ! Comment
aujourd'hui ferais-je ton éloge ? je ne le sais que trop :
1 o frater frater Vergilius «
et fratrem ne desere, frater
110 ». unum relatum ad appellationem, alterum ad
laudem. et subdistinguendum, ut uideatur quaesisse quid ultra
diceret et plus inuenire non potuisse quam frater. 2 qvid ego nvnc quid propter quid. et nunc τῷ ἰδιωτισμῷ additum de superfluo, ut
«
tu nunc
C.
Carthaginis
a.
altae
f.
fundamenta
l.
locas
111 ». 3 qvid ego nvnc te lavdem
distinguendum. quid autem
propter quid.
1 o frater frater Virgile : « et fratrem ne
desere, frater » (et n'abandonne, pas, frère, un frère). La
première occurrence renvoie à l'appellation, la seconde à l'éloge.
Et il faut mettre une pause courte, pour qu'il donne l'impression
d'avoir cherché un autre terme sans avoir trouvé rien de mieux que
frater393. 2 qvid ego nvnc quid vaut propter quid. Et nunc, par particularisme (τῷ ἰδιωτισμῷ), est un
ajout superflu, comme dans : « tu nunc Carthaginis altae
fundamenta locas » (toi, maintenant, tu places les fondements de
l'altière Carthage)394. 3 qvid ego nvnc te lavdem il faut poser une
ponctuation. Quant à quid, il vaut propter quid395.
numquam ita magnifice quicquam dicam,
id uirtus quin superet tua.
je ne dirai jamais rien de si
généreux que ton mérite ne le surpasse.
1 nvmqvam deest quod, ut sit quod numquam. 2 ita magnifice qvicqvam dicam70 duplex causa est omittendae laudis: si res
aut nimium mala est aut nimium bona. 3 id virtvs qvin svperet tva bona περίφρασις: uirtus tua potius quam tu.
1 nvmqvam il manque quod, pour faire quod numquam396. 2 ita magnifice
qvicqvam dicam il y a deux raisons de renoncer à l'éloge :
si la chose est trop mauvaise ou si elle est trop bonne. 3 id virtvs qvin svperet tva bonne périphrase
(περίφρασις) :
uirtus tua plutôt que
tu (toi).
itaque unam hanc rem me habere
praeter alios praecipuam arbitror
Aussi je pense avoir un unique
avantage sur les autres,
itaqve vnam hanc rem me habere itaque et subiunctiuum potest esse
correpta media syllaba et praepositiuum producta eadem syllaba, ut
sit itáque.
itaqve vnam hanc rem me habere itaque peut à la fois être postposé,
s'il a sa syllabe centrale brève, soit antéposé, si cette même
syllabe est longue, pour faire itáque397.
fratrem hominem neminem876 esse primarum artium magis principem.
c'est qu'il n'existe aucun autre
frère plus remarquable en qualités primordiales.
1 fratrem noue dixit unam rem fratrem. 2 sed ego puto fratrem non subdistinguendum sed
legendum contexte usque ad principem. nam si distinxeris
fratrem, bis erit
arbitror subaudiendum, et
supra et infra. quod si fratrem inferioribus iunxeris, et cum
admiratione pronuntiabitur et subaudietur quam mihi. hanc sane
locutionem scire debemus propter personam elaboratam. nam et
nimium gaudet et rusticus adulescens est, qui conatur laudare
Aeschinum titubans ac paene balbutiens. 3 hominem neminem noue auribus nostris, sed
ueterum consuetudine locutus est. nam cum neminem71
hominem significet, quid opus fuit dicere hominem neminem? 4 Sed, ut diximus, figura est ἀρχαϊσμός.
1 fratrem développement inédit de unam rem par fratrem398. 2 Mais moi399
je pense qu'il ne faut pas ponctuer après fratrem mais lire d'un seul tenant
jusqu'à principem. Car si
l'on sépare fratrem, il
faudra sous-entendre arbitror une deuxième fois,
au-dessus et en dessous. Alors que si l'on rattache fratrem aux mots qui suivent, d'une
part il se prononcera avec un ton admiratif, d'autre part on
sous-entendra quam
mihi400.
Nous devons bien savoir que cette manière de parler est élaborée
en fonction du personnage. Car d'une part il est trop content,
d'autre part c'est un jeune homme de la campagne qui entreprend de
faire l'éloge d'Eschine avec des hésitations et des sortes de
balbutiements. 3 hominem neminem étrange à
nos oreilles, mais il parle selon l'usage des Anciens401. De fait, puisque neminem implique hominem, quel besoin y avait-il de
dire hominem
neminem ?402 4 Mais, comme nous l'avons dit, c'est une figure
d'archaïsme (ἀρχαϊσμός).
Sy.-o Ctesipho. Ct.-o Syre, Aeschinus
ubi est? Sy.-ellum, te exspectat domi. Ct.-hem.
Sy.-O Ctésiphon ! Ct.-O Syrus !
Eschine, où est-il ? Sy.-Le voilà qui t'attend à la maison.
Ct.-Hein !
1 o ctesipho mire coepit gaudium
significans. 2 o
ctesipho o syre72 ille
ut gaudens, hic ut qui non praeuiderit o dicit. 3 syre aeschinvs vbi est bene de illo statim,
cui agebat gratias. 4 ellvm
ecce illum. 573 Vel pronomen est uel aduerbium
demonstrantis. aliqui74 ellum interrogatiue legunt, ut sit:
ellum dicis? te expectat
domi; ut sit ellum pronomen, id est illum. nam et illum et ellum et ollum ueteres dixerunt. 6 domi aduerbium est in loco. 7 hem interiectio est laetantis.
1 o ctesipho remarquablement, l'énoncé
inaugural manifeste sa joie. 2 o ctesipho o syre le premier dit o en persone qui se réjouit, le
second en personne qui n'avait d'abord pas vu l'autre. 3 syre aeschinvs vbi est de belle manière, il
interroge aussitôt sur celui à qui il faisait ses
remerciements. 4 ellvm vaut ecce illum. 5 C'est soit un pronom, soit un adverbe
démonstratif403. Certains lisent ellum sous la forme interrogative,
pour faire ellum dicis ? te expectat
domi (lui, tu veux dire ? il t'attend à la maison) ;
en sorte que ellum est un
pronom, équivalant à illum (celui-ci). Car les Anciens
disaient aussi bien illum
qu'ellum et ollum. 6 domi adverbe du lieu où l'on est. 7 hem interjection de joie.
Sy.-quid est? Ct.-quid sit? illius
opera, Syre, nunc uiuo: festiuum caput,
Sy.-Qu'y a-t-il ? Ct.-Ce qu'il y a ?
C'est grâce à lui, Syrus, que je suis vivant à cette heure :
quelle gentille personne !
1 festivvm capvt huic contrarius sensus est
«
ridiculum caput
112 ». alii putant festiuum
caput non Aeschini intellegendum, sed orationis, quam
habet Ctesipho agens gratias fratri. ita in Eunucho «
quam uenuste quod dedit principium adueniens!
113 ». quod si est, et «
nihil potest supra
114 »75 "hanc laudationem", non "supra hoc factum" erit
accipiendum. 2 Sed male; nam
caput Aeschini dicit, hoc
est ipsum Aeschinum, ut in toto pars sit per συνεκδοχήν, in qua
figura ea pars pro toto ponenda est, quae aut eminet ex toto aut
maioris pretii est ad id quod agitur. ceterum quod ipsum seruatum
auctoribus bonis sit, si exempla συνεκδοχῆς penitus consideraris,
inuenies. 3 illivs opera dicendo
opera et corporeum laborem
Aeschini ostendit et religionem: corporeum laborem, ut «
hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc
operam
115 », religionem, ut «
annua magnae sacra refer Cereri laetis operatus in
herbis
116 ». 4 qvid sit deest quaeris; sed admirantis magis quam
interrogantis aduerbium est. 5 illivs opera nvnc vivo o miram
amplificationem beneficii! non dixit illius opera amicam habeo, sed, quod
satis graue et satis amatorium, illius
opera inquit nunc
uiuo.
1 festivvm capvt on trouve le sens contraire
avec : « ridiculum caput ». D'autres pensent que festiuum caput ne doit pas être
compris comme signifiant la tête d'Eschine, mais celle du discours
que Ctésiphon tient en remerciant son frère. Ainsi dans
L'Eunuque : « quam uenuste quod dedit principium
adueniens ! ». Mais s'il en est ainsi, il faudra aussi comprendre
nihil potest supra comme
signifiant "au-dessus de cet éloge" et non pas "au-dessus de ce
fait"404. 2 Mais c'est une
mauvaise interprétation ; car il évoque la tête (caput) d'Eschine, c'est-à-dire sa
personne entière, en sorte qu'il s'agit de la partie dans le tout
par synecdoque (συνεκδοχή), figure par laquelle on met
pour le tout une partie qui soit dépasse du tout, soit est d'une
valeur particulièrement forte pour désigner ce dont il s'agit405. Du reste,
si l'on examine à fond les exemples de synecdoque (συνεκδοχή), on trouvera
que les bons auteurs conservent cette figure. 3 illivs opera en parlant d'opera, il évoque autant l'effort
physique d'Eschine que sa sollicitude : l'effort physique, comme
dans : « hunc mihi da proprium, uirgo sata Nocte, laborem, hanc
operam » (accorde-moi, vierge née de la Nuit, le propre fruit de
ton travail, de ton œuvre), la sollicitude, comme dans : « annua
magnae sacra refer Cereri laetis operatus in herbis » (chaque
année renouvelle ton sacrifice à la grande Cérès en procédant sur
l'herbe grasse)406. 4 qvid sit il manque
quaeris (tu demandes) ;
mais il s'agit davantage d'un adverbe d'étonnement que
d'interrogation407. 5 illivs opera nvnc
vivo quelle remarquable amplification du bienfait reçu !
car il ne dit pas illius opera amicam
habeo (c'est grâce à son action que j'ai une
maîtresse), mais, ce qui est plutôt sérieux et digne d'un
amoureux, il dit illius opera nunc
uiuo.
quin omnia sibi post putarit esse
prae meo commodo,
Certes, il aura pensé que tout pour
lui passe après mon intérêt,
1 qvin omnia admiratiue additum quin et sic pronuntiandum. 2 qvin τὸ πλῆρες quine. 3 prae meo commodo id est: mei commodi comparatione. et in
Eunucho «
hic ego illum contempsi prae me
117 », id est mei
comparatione.
1 qvin omnia quin est un ajout admiratif et il
faut le prononcer comme tel. 2 qvin la forme complète (τὸ πλῆρες) est
quine. 3 prae meo commodo c'est-à-dire : mei commodi comparatione (en
comparaison de mes mérites). De même dans L'Eunuque :
« hic ego illum contempsi prae me », c'est-à-dire mei comparatione (en comparaison
avec moi)408.
maledicta, famam! meum laborem et
peccatum in se transtulit;
les insultes, le scandale ! ma peine
et la faute, il les a prises sur lui ;
1 maledicta famam aut Sannionis aut Demeae
maledicta, famam populi. nam si aliter
acceperis, idem uidebitur maledicta et malam famam. 2 mevm laborem et peccatvm de rapienda
meretrice et de amanda. 3 maledictvm
famam cum dixisset omnia, intulit duo tantum maledictum et famam, ut
«
omnia Mercurio similis uocemque
c.
coloremque
118 », ut sit defectus quidam intellegendus ex affectu
gratias agentis. 4 in se
transtvlit pulchra παρασκευή, qua erratura est Sostrata
circa Aeschinum, quemadmodum iam errauit Demea, quod credit ab
illo amari meretricem.
1 maledicta famam il s'agit des insultes de
Sannion ou de Déméa, de l'opinion du peuple. Car si on comprend
autrement, maledicta et
famam paraîtront être la
même chose. 2 mevm laborem et peccatvm
pour l'enlèvement de la courtisane dans le premier cas, le fait
d'en être amoureux dans l'autre. 3 maledictvm famam après avoir dit omnia (tout), il n'indique que deux
éléments, maledictum et
famam, comme dans :
« omnia Mercurio similis uocemque coloremque » (semblable en tout
à Mercure, et par la voix et par le teint)409, comme s'il fallait
comprendre que les mots lui manquent en raison de l'affectivité
qu'il met dans ses remerciements. 4 in se transtvlit bel effet de préparation
(παρασκευή),
qui trompera Sostrata au sujet d'Eschine, comme elle a déjà trompé
Déméa, parce qu'il croit que c'est Eschine qui est amoureux de la
courtisane.
nihil pote supra. quidnam fores
crepuit? Sy.-mane, mane; ipse exit foras.
il n'y a rien de mieux. Mais pourquoi
la porte grince-t-elle ? Sy.-Attends, attends, c'est lui justement
qui sort de la maison.
1 nihil pote svpra ἔλλειψις per admirationem: subauditur
esse uel dici. 2 Et pote pro potis, ut mage pro magis τῷ ἀρχαϊσμῷ. 3 qvidnam fores crepvit crepuit "acre sonuit", unde
decrepiti dicti sunt
clamosi senes. fores
singularis numeri casus nominatiuus. 4 mane mane gaudentis hoc dictum est, non
opperiri iubentis.
1 nihil pote svpra ellipse (ἔλλειψις) admirative :
on sous-entend esse
(être) ou dici (être
dit). 2 Et pote mis pour potis, comme mage (davantage) mis pour magis (même sens) par archaïsme
(τῷ
ἀρχαϊσμῷ). 3 qvidnam fores
crepvit crepuit
veut dire "a rendu un son aigu", d'où l'on appelle decrepiti (décrépits) les vieillards
criards410. Fores est un nominatif
singulier411. 4 mane mane c'est davantage un mot de joie
que l'ordre d'attendre.
scaena quarta
Sannio Syrus Ctesipho Aeschinus
265 | 266 | 267 | 268 | 269 | 270 | 271 | 272 | 273 | 274 | 275 | 276 | 277 | 278 | 279 | 280 | 281 | 282 | 283 | 284 | 285 | 286 | 287
Ae.-ubi est ille sacrilegus? Sa.-men
quaerit? num quidnam effert? occidi!
Es.-Où est ce bandit ? Sa.-C'est moi
qu'il cherche ? Est-ce qu'il a quelque chose à la main ? Mort de
moi !
1 vbi est ille sacrilegvs mire Aeschinus
seruat aduersus lenonem superbiam, qua ostenditur tanto esse
alienior animo ab amoribus meretriciis76, quanto audacior in
lenonem. 2 men qvaerit nvm qvidnam
effert sperat leno aliquid se accepturum praeter
conuicium, ut alibi «
minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat
male: argenti tantum dabitur
119 ». 3 Et uide quanti faciat leno prae lucro
iniuriam: sacrilegi nomine se significari non solum non dolet, sed
etiam cupit. oportet autem men
quaerit cum quadam gesticulatione et subsaltatione
pronuntiari sperantis lenonis ad hoc se quaeri, ut
accipiat. 4 occidi nihil video
occidi non quia sacrilegus dictus, sed quia nihil
accipit. et simul gestum considera loquentis ex uerbis. 5 occidi nihil video mire hoc uerbo apparet
in uultu lenonis et spem mortuam et restinctum gaudium. iam et
apta ἔλλειψις
haec dicentis est occidi, nihil
uideo: neque enim addidit proferri aut quid tale.
1 vbi est ille sacrilegvs il est remarquable
qu'Eschine conserve à l'endroit du proxénète sa morgue, qui montre
qu'il est aussi peu intéressé par les amours tarifées qu'il a de
l'audace contre le proxénète. 2 men qvaerit nvm qvidnam effert le proxénète
espère recevoir autre chose que des insultes, comme dans : « alibi
minis uiginti tu illam emisti, quae res tibi uertat male : argenti
tantum dabitur ». 3 Et voyez quelle
importance il donne à l'insulte en comparaison du gain qu'il
convoite : non seulement il ne lui est pas insupportable d'être
désigné du nom de sacrilegus, mais même il le
revendique. Il faut alors prononcer men quaerit avec les gestes et les
sursauts de celui qui espère qu'on le cherche pour lui donner
quelque chose. 4 occidi nihil video il dit
occidi non parce qu'il a
été traité de sacrilegus,
mais parce qu'il n'y a rien pour lui. Et en même temps,
représentez-vous les gestes du locuteur à partir de ses
paroles412. 5 occidi nihil
video de façon remarquable, avec ce mot apparaît sur le
visage du proxénète la fin de ses espérances et la disparition de
sa gaieté. Et c'est une ellipse (ἔλλειψις) qui convient bien à celui qui
dit : occidi, nihil
uideo : car il n'ajoute pas proferri (être apporté) ou quelque
chose de cet acabit.
Je ne vois rien. Es.-Hé toi, tu
tombes bien ! C'est justement toi que je cherche. Comment va,
Ctésiphon ?
hem interiectio repentinae rei. 2 opportvne te ipsvm qvaerito ἀσύνδετον: deest
uenisse. non enim
sequenti adnectitur. 3 qvid fit
ctesipho quid fit
blandum initium est: non enim nunc interrogat, cum ipse dicat
«
in tuto est omnis res
120 ». sic ipse mox in subditis «
iam nunc haec tria addidi praeter naturam: o noster,
quid fit, quid agitur?
121 ».
hem interjection signalant une chose
soudaine. 2 opportvne te ipsvm
qvaerito asyndète (ἀσύνδετον) : il manque uenisse (être venu). Car il ne fait
pas de liaison avec ce qui suit413. 3 qvid fit ctesipho quid fit est une entrée en matière
agréable : car il n'est pas en train de poser une question,
puisqu'il vient de dire : « in tuto est omnis res ». De même, il
dira bientôt en personne : « iam nunc haec tria addidi praeter
naturam : o noster, quid fit, quid agitur ? ».
in tuto est omnis res: omitte uero
tristitiam879 tuam.
L'affaire est dans le sac ; laisse
tomber ton chagrin.
1 in tvto est omnis res quasi amatori
omnem rem dixit negotium
de amica. 2 An omnis res et lenonis iurgium et
suspicio patris Demeae? 3 omitte vero
uero abundat aut
correptiuum est iamdudum non omittentis. 4 tristitiam tvam sic dixit quasi nimiam.
1 in tvto est omnis res comme il s'adresse à
un amoureux, omnem rem
signifie "l'affaire au sujet de ta maîtresse". 2 Ou bien omnis
res renvoie-t-il à la dispute avec le proxénète et aux
soupçons de Déméa ? 3 omitte vero
uero est superflu, ou
alors c'est une marque de reproche envers quelqu'un qui met du
temps à laisser tomber. 4 tristitiam
tvam il le dit comme s'il disait "excessive".
Ct.-ego illam hercle uero omitto, qui
quidem te habeam fratrem. o mi Aeschine,
Ct.-Oui ma foi, je le laisse tomber,
puisque c'est toi que j'ai comme frère. O mon cher Eschine,
1 ego illam hercle vero omitto apparet nunc
non primum dici Ctesiphoni ab Aeschino omitte tristitiam nec nunc primum
responsum omitto, sed ideo
additum hercle uero, quia
nunc demum data est plena securitas. 2 qvi qvidem te habeam fratrem acuendum est
te.
1 ego illam hercle vero omitto il appert donc
que ce n'est pas la première fois que Ctésiphon dit à Eschine
omitte tristitiam ni
qu'il lui est répondu omitto, mais s'il ajoute hercle uero, c'est parce que cette
fois-ci la situation est pleinement sécurisée. 2 qvi qvidem te habeam fratrem il faut
accentuer d'un aigu le pronom te.
o mi germane! ah uereor coram in os
te laudare amplius,
ô mon frère de sang ! Ah ! j'ai peur
de te louer davantage en face à face,
1 o mi germane mi meus, sed uocatiuo casu
dixit. 2 coram in os coram ad ipsum pertinet qui laudat et
ad eos qui audiunt; in os
ad ipsum qui laudatur. 3 Nam
coram laudat, qui non
tacet apud alios et hoc agit non per epistulam sed ipse praesens;
in os, qui apud ipsum
loquitur quem collaudat. 4 lavdare
amplivs quia iam77 laudauit.
1 o mi germane mi de meus, mais il emploie le
vocatif. 2 coram in os coram renvoie à l'auteur de l'éloge
et aux auditeurs ; in os
au destinataire de l'éloge. 3 Car on
fait un éloge coram
(ouvertement), quand on ne reste pas silencieux devant les autres
et qu'on le fait non par écrit mais en étant présent ; et
in os (en face), quand on
parle en présence de celui même dont on fait l'éloge. 4 lavdare amplivs parce qu'il a déjà fait son
éloge.
ne id adsentandi magis quam quod880
habeam gratum facere existimes.
de peur que tu n'ailles croire que je
fais ça pour te flatter plus que par reconnaissance.
1 ne id assentandi antiqua ἔλλειψις: deest enim
causa. 2 assentandi "adulandi". et utrum deest
causa an absolute sic
dicitur? 3 ne id assentandi specta,
si non rusticus adulescens est et purissimae simplicitatis, adeo
ut etiam uelle laudare fratrem nimio pudore non possit hoc solo,
quia praesens est, cum illum nimium laudarit absentem. 4 qvam qvod habeam gratvm uarie: non enim
intulit, quas gratias agenti. 5 qvo quia.
1 ne id assentandi ellipse (ἔλλειψις) archaïque :
car il manque causa. 2 assentandi "de flatter". Et manque-t-il
causa ou la construction
est-elle absolue414 ? 3 ne id
assentandi observez si ce n'est pas un jeune paysan d'une
simplicité si authentique qu'il va jusqu'à se refuser, par un
excès de retenue, à faire l'éloge de son frère au seul motif qu'il
est présent, alors qu'il l'a abondamment loué en son absence415. 4 qvam qvod habeam
gratvm variation : en effet il ne précise pas quels
remerciements. 5 qvo pour quia416.
Ae.-age inepte, quasi nunc non
norimus nos inter nos, Ctesipho.
Es.-Allons, idiot ! comme si nous ne
nous connaissions pas l'un l'autre, Ctésiphon !
age inepte non est iniuria, quia et maior
frater est et blanda dicturus.
age inepte ce n'est pas une insulte, parce
qu'il est l'aîné et qu'il va dire ensuite de gentilles choses.
hoc mihi dolet, nos paene sero
rescisse et paene in eum locum
Ce qui me soucie, c'est que nous
ayons su presque trop tard et qu'on en était presque arrivé
1 hoc mihi dolet τῷ ἀττικισμῷ mihi dolet pro doleo. 2 Et dolet bis subaudiendum est. 3 et paene in locvm insinuatio beneficii ex
periculo, difficultatis78 ob tempus.
1 hoc mihi dolet par atticisme (τῷ ἀττικισμῷ) il dit
mihi dolet pour
doleo (je souffre)417. 2 Et
dolet doit être
sous-entendu une deuxième fois418. 3 et paene in locvm il insinue que le
bienfait a été obtenu au fort du danger et que les difficultés
étaient dues au retard.
redisse, ut, si omnes cuperent, tibi
nil possent auxiliarier.
au point où, même en voulant t'aider,
tous y auraient échoué.
vt si omnes cvperent non "si ego
tantum, multis79
aduersantibus".
vt si omnes cvperent et non pas "si j'avais
été moi tout seul contre beaucoup d'autres".
Ct.-pudebat. Ae.-ah, stultitia est
istaec, non pudor: tam ob paruulam
Ct.-J'avais honte. Es.-Eh bien c'est
de la bêtise que tu avais là, non de la honte : pour une si
petite
1 pvdebat deest fateri. 2 stvltitia est istaec non80 fateri ei, qui ipse patri numquam quicquam
celauerit. 3 tam ob parvvlam ergo et
diminutiuis adiungitur tam
particula. 4 Et
deest perire, sed
τῷ εὐφημισμῷ
tacetur. 5 tam ob parvvlam id est
meretricem. et bene haec Aeschinus, quia maiora expertus sit, id
est uitium uirginis.
1 pvdebat il manque fateri (d'avouer). 2 stvltitia est istaec de ne pas se confier à
celui qui, lui-même, n'a jamais rien caché à son père. 3 tam ob parvvlam donc la particule
tam s'adjoint aussi à des
diminutifs419. 4 Et il manque perire (périr), mais on le passe
sous silence par euphémisme (τῷ εὐφημισμῷ). 5 tam ob parvvlam à savoir la courtisane. Et
c'est bien dit d'Eschine parce qu'il a, lui, expérimenté des
choses plus graves, à savoir la défloration d'une fille
vierge.
rem paene ex patria! turpe dictu.
di881 quaeso ut istaec prohibeant.
chose, quasiment s'expatrier ! C'est
grotesque à dire. Je prie les dieux de nous éviter ça.
1 paene ex patria deest fugere, quia amatores comici cito
comminantur patriam se deserturos, ut amicam
consequantur. 2 paene ex patria ἀποσιώπησις εὐφημισμοῦ
χάριν. Menander mori illum uoluisse fingit, Terentius
profugere. 3 tvrpe dictv hoc est:
"turpe dictu te fugere". et deest est. 4 di istaec prohibeant id est exilium
fugamque patriae.
1 paene ex patria il manque fugere (s'enfuir), parce que les
amoureux de comédie ont tôt fait de menacer de s'exiler pour
obtenir leur maîtresse. 2 paene ex
patria aposiopèse par euphémisme (ἀποσιώπησις εὐφημισμοῦ
χάριν). Ménandre imagine qu'il a voulu se tuer, Térence
qu'il a voulu s'exiler. 3 tvrpe dictv
c'est-à-dire : "il est honteux de dire que tu t'exiles". Et il
manque est. 4 di istaec prohibeant à savoir l'exil et la
fuite loin de sa patrie.
Ct.-peccaui. Ae.-quid ait tandem
nobis Sannio? Sy.-iam mitis est.
Ct.-J'ai commis une faute. Es.-Et que
nous dit Sannion ? Sy.-Il s'est radouci.
1 peccavi approbauit ex periculo magnitudinem
beneficii. 2 qvid ait tandem nobis
sannio nobis
τῷ ἰδιωτισμῷ
additum; non enim nobis
ait intellegendum est. 3 iam mitis est quia supra «
iam debacchatus es, leno
122 » dixit.
1 peccavi il entérine la grandeur du bienfait
par rapport au danger. 2 qvid ait tandem
nobis sannio nobis est un ajout par idiotisme
(τῷ
ἰδιωτισμῷ)420 ; car il ne faut pas
comprendre nobis ait (il
nous dit). 3 iam mitis est parce que
ci-dessus il disait : « iam debacchatus es, leno ».
Ae.-ego ad forum ibo, ut hunc
absoluam; tu intro ad illam, Ctesipho.
Es.-Je vais aller au forum pour le
payer ; toi, Ctésiphon, entre et va la voir.
1 ego ad forvm ibo tunc enim in foro et de
mensae scriptura magis quam ex arca domoque uel cista pecunia
numerabatur. 2 vt hvnc absolvam id est:
"ut hunc reddito illi pretio dimittam"; nam uelut ligati sunt,
quibus debetur aliquid. dicuntur autem et illi solui, qui cum
debitores pretiorum fuerint, pecuniam reddunt debitam. 3 Est ergo absoluam a me soluam. 4 An iocatur in tristitia lenonis, qui illum cum
barba lenonia et maesto uultu sequitur uelut reus? 5 tv intro ad illam ctesipho bona ἔλλειψις, significans
licentiam potiendae meretricis.
1 ego ad forvm ibo car à cette époque on
allait chercher de l'argent au forum et dans un compte en banque
plutôt que dans un coffre-fort et chez soi ou dans une
cassette421. 2 vt hvnc absolvam c'est-à-dire : "pour me
débarrasser de lui après lui avoir payé son dû" ; car ils sont
comme liés, ceux à qui on doit quelque chose. On dit aussi que se
libèrent (solui) ceux
qui, après avoir été débiteurs de quelque argent, rendent la somme
due. 3 Donc absoluam se comprend comme
a me soluam (pour le
détacher de moi). 4 A moins qu'il ne
plaisante sur la morosité du proxénète, qui le suit avec sa barbe
de proxénète et son visage affligé, comme un accusé422 ? 5 tv intro ad illam ctesipho bonne ellipse
(ἔλλειψις),
qui signifie la permission de posséder sa maîtresse.
Sa.-Syre, insta. Sy.-eamus: namque
hic properat in Cyprum. Sa.-ne tam quidem!
Sa.-Syrus, insiste. Sy.-Allons-y :
car l'autre est pressé d'aller à Chypre. Sa.-Pas tant que ça.
1 syre insta iam Syrus non ut adiuuet, sed ut
instanter adiuuet rogatur. 2 eamvs namqve hic
properat hoc clamat Syrus, ut beneficium ostentet, sane ut
et rursum lenonem de profectione conterreat. 3 ne tam qvidem hoc a lenone inconstanter
dicitur, ut perturbatio metuentis magnum damnum possit
ostendi. 4 ne tam qvidem tam pro tantum. 5 An tam pro
tamen?
1 syre insta désormais on demande à Syrus non
pas d'aider, mais d'aider instamment. 2 eamvs namqve hic properat Syrus hurle cela
pour bien montrer sa bonne action, et aussi sûrement pour
épouvanter une nouvelle fois le proxénète à propos de son
départ. 3 ne tam qvidem la chose
est dite par le proxénète sans beaucoup d'assurance, pour qu'on
puisse comprendre le trouble de celui qui redoute une grande
perte. 4 ne tam qvidem tam mis pour tantum. 5 Ou tam
pour tamen ?
quamuis etiam maneo otiosus hic.
Sy.-reddetur: ne time.
Et même, je reste ici à attendre.
Sy.-On te remboursera, n'aie crainte.
1 etiam deest dicas me properare aut propero, ut sit etiam aduerbium hortantis uel
consentientis. 2 qvamvis etiam pro
quantum uis. etiam particula utrum consentientis
aduerbium est an coniunctio, qua significat et properare se et non
in tantum, ut neglegat quod sibi debetur? 3 maneo otiosvs hic hoc separatim inferendum
est quasi pertinaciter asseuerante lenone instaturum se. 4 Exclamatione agendum maneo otiosus hic. dixit enim
propero et rursum
consenserat in Syri uerba properasse se dicens. 5 reddetvr ne time quod desperauerat leno,
Syri ostendit sermo.
1 etiam il manque dicas me properare (bien que tu
dises que je me hâte) ou propero (bien que je me hâte), en
sorte que etiam est un
adverbe d'encouragement ou de consentement423. 2 qvamvis etiam mis pour
quantum uis (autant que
tu veux). La particule etiam est-elle un adverbe de
consentement ou une conjonction qui marque qu'il se hâte mais pas
au point de négliger ce qu'on lui doit ? 3 maneo otiosvs hic il faut prononcer cela en
le séparant bien, comme si le proxénète était en train d'affirmer
avec obstination qu'il va continuer. 4 Il faut jouer sur le mode exclamatif maneo otiosus hic. Il a dit en effet
propero et il avait l'air
de nouveau d'accord avec les paroles de Syrus qui disait qu'il se
hâtait. 5 reddetvr ne time la
réplique de Syrus révèle ce qui avait fait perdre espoir au
proxénète.
Sa.-at ut omne reddat! Sy.-omne
reddet. tace modo ac sequere hac. Sa.-sequor.
Sa.-Mais qu'il rende l'intégralité !
Sy.-Il rendra l'intégralité. Tais-toi seulement et viens par là.
Sa.-Je viens.
1 at vt omne reddat propter illud, quod
dixerat Syrus «
diuiduum face
123 ». et probatum est completumque, quod ait «
cupide accipiat faxo
124 ». et hoc ipsum cum trepida et uultuosa supplicatione
pronuntiandum est. 2 tace modo ac seqvere
hac sic ait Syrus, quasi nunc lenonem doceat, quae sit ars
non perdendi. et totum cum supercilio praestantis magnum
beneficium dicit. 3 seqvor hoc
responso leno satis commitigatus ostenditur.
1 at vt omne reddat répond à la réplique de
Syrus : « diuiduum face ». Et la mission que Syrus s'était
assignée se trouve avérée et remplie : « cupide accipiat faxo ».
Et il faut dire cette réplique avec une physionomie tremblante et
suppliante. 2 tace modo ac seqvere hac
Syrus parle désormais comme s'il faisait la leçon au proxénète sur
la méthode pour ne pas perdre d'argent. Et il dit tout cela avec
l'air de quelqu'un qui fait une bonne action importante. 3 seqvor par cette réponse, le proxénète se
montre suffisamment adouci.
Ct.-heus heus, Syre! Sy.-em, quid
est? Ct.-obsecro te hercle, hominem istum impurissimum
Ct.-Hé ! Hé, Syrus ! Sy.-Oui, qu'y
a-t-il ? Ct.-S'il te plaît, par ma foi, ce sale bonhomme,
1 hevs hevs syre ex argumento est ostendere,
quantum timeat Ctesipho saeuum patrem. 2 hevs hevs uox est de longinquo
reuocantis. 3 obsecro te hercle satis
mansuete, quasi lenonem
aut non possit rusticus aut non audeat dicere, hominem dixit. 4 istvm impvrissimvm auarissimum. et totum
cum exsecratione lenonis.
1 hevs hevs syre c'est de l'argument de la
pièce qu'on voit à quel point Ctésiphon a peur de son père
sévère. 2 hevs hevs c'est la voix
de quelqu'un qui appelle de loin. 3 obsecro te hercle de façon assez
doucereuse, comme si, en paysan, il n'arrivait pas ou n'osait pas
dire le mot leno, il dit
homo. 4 istvm impvrissimvm très cupide. Et
l'ensemble sur un ton de haine envers le proxénète.
quam primum absoluitote, ne, si magis
irritatus siet,
payez-le au plus vite, pour éviter
que, si son courroux augmente,
1 qvam primvm absolvitote ne si magis irritatvs
siet uelut clamet scilicet. 2 Et proprie de lenone, quem irritari dicit ut canem; nam
irritari proprie canes
dicuntur. Lucilius de littera R «
irritata canis quam homo quam planius dictat
125 ». lenonem autem timet Ctesipho ut rusticus, ut sub patre
duro, ut amator.
1 qvam primvmv absolvitote ne si magis irritatvs
siet et, par exemple, aille crier,
implicitement. 2 Et au sens propre
en parlant du proxénète, qui, dit-il, est excité (irritari) comme un chien ; car ce
sont les chiens qui, au sens propre, sont excités (irritari). Lucilius, parlant de la
lettre R : « irritata canis quam homo quam planius dictat »
(<lettre> qu'une chienne irritée prononce plus clairement
qu'un humain)424. Or Ctésiphon a peur du proxénète, en
tant que paysan, en tant que fils élevé à la dure, en tant
qu'amoureux.
aliqua ad patrem hoc permanet atque
ego tunc perpetuo perierim.
d'une manière ou d'une autre
l'affaire ne vienne aux oreilles de mon père et que je n'aie plus
qu'à mourir pour toujours.
1 aliqva ad patrem hoc permanet non dicit
quid, sed intellegimus raptum puellae significari. 2 aliqva ad patrem proprie secretum latens
latici comparatur intra uas clausum exsistenti, quod cum
effunditur manat. sic et
alibi de committendis secretis loquens, «
plenus, inquit, rimarum sum, hac atque illac
perfluo
126 ». 3 atqve ego tvnc perpetvo
perierim quasi et nunc se perisse sentiat sed non
perpetuo.
1 aliqva ad patrem hoc permanet il ne dit pas
quoi, mais nous comprenons qu'il veut dire l'enlèvement de la
jeune femme. 2 aliqva ad patrem
proprement, le secret caché est comparé à un liquide contenu dans
un récipient fermé qui, quand du liquide s'échappe, fuit
(manat). De même
ailleurs, à propos de secrets qu'on doit lui confier, un
personnage dit : « plenus rimarum sum, hac atque illac
perfluo ». 3 atqve ego tvnc perpetvo
perierim comme s'il avait le sentiment d'être mort, mais
pas pour l'éternité.
Sy.-non fiet, bono animo esto882: tu
cum illa te intus oblecta interim
Sy.-Cela n'arrivera pas,
tranquillise-toi : prends là-dedans avec elle du plaisir en
attendant
1 non fiet bono animo esto ut illi liberalis
timor sit, ita in Syro seruilis confidentia. 2 tv cvm illa te intvs oblecta moraliter
illa dictum est, ut «
daturne illa Pamphilo
127 » et «
illa quidem nostra erit
128 ». 3 tv cvm illa te intvs
oblecta honeste explicauit turpe dictu.
1 non fiet bono animo esto de même qu'il y a
en Ctésiphon une crainte de fils de bonne famille, de même il y a
en Syrus la confiance caractéristique de l'esclave. 2 tv cvm illa te intvs oblecta conformément à
son caractère, il dit illa, comme dans : « daturne illa
Pamphilo » et : « illa quidem nostra erit »425. 3 tv cvm illa te intvs oblecta il explique de
façon polie une situation honteuse à dire426.
et lectulos iube sterni nobis et
parari cetera.
et fais-nous installer les banquettes
et tout préparer.
et lectvlos ivbe sterni nobis nobis "seruis": nihil tam comicum. et
cum uultu, ut totum superbe ac magnifice loquatur.
et lectvlos ivbe sterni nobis "nous les
esclaves" : il n'y a rien d'aussi comique. Et avec une grimace,
pour dire l'ensemble sur un ton orgueilleux et grandiloquent.
ego iam transacta re conuertam me
domum cum opsonio.
Moi, quand tout sera conclu, je
reviendrai à la maison avec les provisions.
convertam me domvm conuertam magnifice dictum; uerbum
enim est magni moliminis et grauaminis ingentis. nam conuertere se dicitur, quem pompa
praecedit; et imperator proprie conuertit exercitum. ex hoc
spectatur, ut moribus arrogantes serui sint, cum laetantur.
convertam me domvm conuertam est dit sur un ton
grandiloquent ; car c'est un mot qui a beaucoup de volume et de
poids. Car celui dont on dit qu'il s'en retourne (conuertere se), c'est celui qui est
précédé d'un cortège ; et c'est le général qui, au sens propre,
met une armée en fuite (conuertit). On voit donc à quel
point les esclaves ont une nature arrogante quand ils sont
joyeux.
Ct.-ita, quaeso: quando bene
successit883, hilarem hunc sumamus
diem.
Ct.-Oui, s'il te plaît : puisque tout
a réussi, prenons ce jour comme un jour de fête.
ita qvaeso qvando bene svccessit uolunt
quidam et hunc uersum Syri personae adiungendum, sed Ctesiphonis
uerba esse ex subditis planum est, cum dicit «
nam hunc diem misere nimis cupio, ut coepi, perpetuum
in laetitia degere
129 ».
ita qvaeso qvando bene svccessit certains
sont d'avis que ce vers aussi doit être mis au compte du
personnage de Syrus ; mais ce sont des paroles de Ctésiphon, la
suite le démontre, lorsqu'il dit plus bas : « nam hunc diem misere
nimis cupio, ut coepi, perpetuum in laetitia degere ».
Actus tertius
scaena prima
Sostrata Canthara
So.-obsecro, mea nutrix, quid nunc
fiet? Ca.-quid fiat roges?
So.-De grâce, ma chère nourrice,
comment cela va-t-il se passer maintenant ? Ca.-Comment cela va se
passer, tu me le demandes ?
1 obsecro mea nvtrix haec scaena tragoediae
ordinem seruat, nam tragoedia in tria diuiditur: exspectationem,
gesta, exitum. hic quoque exspectatio est81, in Getae nuntio gesta, in planctu Sostratae
exitus. 2 obsecro mea nvtrix hinc
demonstratur, qui sit maternus affectus, quam grata in dominos
seruorum fides sit, eundemque laborem et dolorem esse ex falsis
quam ex ueris malis. 3 obsecro mea
nvtrix personae aut ex suis uerbis aut ex alienis
insinuantur: ex suis, ut nunc persona Sostratae, ex alienis, ut
initio Aeschini persona ex Micionis oratione ac Demeae. 4 obsecro mea nvtrix qvid nvnc fiet
mea nunc pro blandimento
ponitur, et quid nunc fiet
imploratio magis est trepidantis quam ignorantis interrogatio.
namque illius nutrix est, quippe anicula est, neque sapientior
nutrix est quam domina sua. ipsum etiam quod dicit nutrix honorificum est, ut «
Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem
130 »; sunt enim nomina ad aliquid, quibus nos tamen uelimus
ab omnibus appellari, ut magister, medicus, orator.
1 obsecro mea nvtrix cette scène suit le plan
d'une tragédie ; en effet, dans la tragédie il y a trois parties :
attente, action, issue. Ici aussi : il y a une attente, dans
l'annonce de Géta une action, dans les lamentations de Sostrata
une issue427. 2 obsecro mea
nvtrix on y montre ce qu'est l'affection maternelle,
quelle faveur obtient auprès des maîtres la loyauté des
serviteurs, et qu'il y a même souffrance et même douleur à partir
de fausses nouvelles que de vraies nouvelles de malheur. 3 obsecro mea nvtrix les personnages sont
introduits soit avec leurs propres mots soit à partir du discours
d'autrui : avec leurs mots propres, comme ici le personnage de
Sostrata, avec ceux d'autrui comme le personnage d'Eschine au
début au travers du discours de Micion et de Déméa428. 4 obsecro mea nvtrix qvid nvnc fiet
mea est mis ici pour
enjôler et quid nunc fiet
est davantage une question qui témoigne de l'affolement que de
l'ignorance. De fait, il s'agit de sa nourrice, c'est bien sûr une
petite vieille, et une nourrice n'est pas plus sage que sa
maîtresse. Ce mot même de nutrix est honorifique, comme dans :
« Annam, cara mihi nutrix, huc siste sororem » (nourrice chère à
mon cœur, va chercher ma sœur Anna) ; car il y a des noms relatifs
par lesquels nous voudrions cependant être appelés de tout le
monde, comme maître,
médecin, orateur429.
recte edepol spero: modo dolores, mea
tu, occipiunt primulum;
Bien, nom d'un chien, j'espère : les
douleurs n'en sont, ma chère maîtresse, qu'au tout début ;
1 modo dolores mea tv occipivnt primvlvm
euidenter hic modo
temporis praesentis aduerbium est. et rursum mea tu blandimentum est, sine quo non
progreditur colloquium feminarum et maxime trepidantium. 2 primvlvm initium et ipsa origo dolorum
diminutiue demonstrata est; non enim primum sed primulum dicit.
1 modo dolores mea tv occipivnt primvlvm
évidemment ici modo est
un adverbe de temps présent. Et à nouveau mea tu est une cajolerie sans
laquelle la conversation des deux femmes n'avance pas, surtout
qu'elles sont affolées. 2 primvlvm le
début et l'origine mêmes des douleurs sont marqués par l'emploi du
diminutif ; elle ne dit pas en effet primum mais primulum.
iam nunc times, quasi numquam
adfueris, numquam tute pepereris?
et déjà tu as peur, comme si tu
n'avais jamais assisté à ça ni accouché toi-même !
1 nvmqvam tvte pepereris uide praeparationem
doloris: nihil mali adhuc secutum est et iam sic perturbatur
Sostrata. 2 iam nvnc times qvasi nvmqvam
adfveris nvmqvam tvte pepereris docte duo proposuit,
quibus experientes scientesque rerum sumus: uidere et pati. sic
Vergilius «
quaeque
i.
ipse
m.
miserrima
u.
uidi
et
q.
quorum
p.
pars
m.
magna
131 »82. tute autem pro tu παρέλκον est, quod si reiteratur, facit
tute et tutemet et tutemet ipse.
1 nvmqvam tvte pepereris voyez la préparation
de la douleur : rien de fâcheux n'est encore survenu que déjà
Sostrata se trouble430. 2 iam nvnc times qvasi
nvmqvam adfveris nvmqvam tvte pepereris habilement, elle
propose les deux choses grâce auxquelles nous avons l'expérience
et la connaissance des choses : voir et souffrir. Ainsi Virgile :
« quaeque ipse miserrima uidi et quorum pars magna » (tous les
pires malheurs que j'ai vus de mes yeux et auquel j'ai pris une
grande part). Quant à tute mis pour tu, c'est un pléonasme (παρέλκον) qui, si on le
réitère, fait tute et
tutemet (toi-même) et
tutemet ipse (toi-même en
personne).
So.-miseram me! neminem habeo (solae
sumus, Geta autem hic non adest)
So.-Pauvre de moi ! Je n'ai personne
(nous sommes seules, quant à Géta il n'est pas là)
1 solae svmvs cum hoc nomen singularitatis
sit, mire solae pluraliter
dixit. 2 neminem habeo solae svmvs geta
avtem hoc non adest muliebriter queritur et ex
perturbatione sua aestimans metu multa facit ea, quae pauca
sunt. 3 geta avtem hoc non adest
hic apparatio est, ut ostendatur absens, qui superuenturus
est. 4 miseram me proprium est
mulierum, cum loquuntur, aut aliis blandiri, ut «
Annam, cara
m.
mihi
n.
nutrix
,
h.
huc
s.
siste
s.
sororem
132 », aut se commiserari, ut «
miserae hoc tamen unum exsequere, Anna, mihi
133 ». nam haec omnia muliebria sunt, quibus pro malis
ingentibus quasi in aceruum rediguntur et enumerantur nullius
momenti querelae. 5 neminem habeo
"quid enim opus est aut cur nunc quereris?". 6 solae svmvs numquam pluraliter solae. 7 geta avtem hic non adest ueniet.
1 solae svmvs quoique cet adjectif
caractérise l'unicité, paradoxalement il utilise solae au pluriel431. 2 neminem habeo solae
svmvs geta avtem hoc non adest elle se plaint comme une
femme et jugeant à l'aune de son trouble, par peur elle multiplie
des faits qui sont peu nombreux. 3 geta avtem hic non adest c'est une
préparation, pour que soit envisagé en son absence celui qui
s'apprête à survenir. 4 miseram me
c'est le propre des femmes, quand elles parlent, ou bien d'enjôler
les autres, comme dans « Annam, cara mihi nutrix, huc siste
sororem » (nourrice chère à mon cœur, va chercher ma sœur
Anna)432, ou bien de
se lamenter sur elles-mêmes, comme : « miserae hoc tamen unum
exsequere, Anna, mihi » (obéis-moi, malheureuse que je suis, en
cela seulement, Anna). Car tout cela constitue des manières de
femme, par lesquelles, en guise de grands malheurs, des plaintes
sans aucune portée sont ramassées comme en tas et
énumérées. 5 neminem habeo car "de
quoi a-t-on besoin ou pourquoi maintenant te plains-tu ?"433. 6 solae svmvs
solae n'est jamais au
pluriel434. 7 geta avtem hic non
adest il viendra.
nec quem ad obstetricem mittam nec
qui accersat Aeschinum.
pour envoyer quérir la sage-femme ni
pour aller chercher Eschine.
1 nec qvem ad obstetricem mittam deest
habeo, sed in consuetudine
est sic loqui, cum utrumque nobis, non alterutrum deesse
conquerimur. 2 nec qvem ad obstetricem mittam nec
qvi accersat aeschinvm habeo subauditur. et magis a
trepidante quam rationabiliter dicitur; nam refellit hoc totum
nutrix Canthara.
1 nec qvem ad obstetricem mittam il manque
habeo, mais c'est l'usage
de parler ainsi quand nous nous plaignons que l'un et l'autre nous
font défaut et non l'un ou l'autre. 2 nec qvem ad obstetricem mittam nec qvi accersat
aeschinvm habeo
est sous-entendu. Et c'est dit davantage par un personnage affolé
que de façon raisonnable ; car la nourrice Canthara réfute
l'ensemble.
Ca.-pol is quidem iam hic aderit; nam
numquam unum intermittit diem
Ca.-Nom d'un chien, il sera là dans
un instant ; car jamais il ne laisse passer un seul jour
nvmqvam pro non.
nvmqvam mis pour non435.
quin semper ueniat. So.-solus mearum
miseriarum est remedium.
sans venir à chaque fois. So.-Lui
seul de mes malheurs est le remède.
1 Et semper non ad omne tempus rettulit - nam
qui potest? - sed omnes dies83, secundum quod ait «
nam numquam unum intermittit diem
134 ». 2 solvs mearvm
miseriarvm84 bona locutio.
1 Et
semper ne se réfère pas à toute époque
- car comment serait-ce possible ? - mais signifie "tous les
jours", en vertu de ce qu'elle a dit « nam numquam unum
intermittit diem ». 2 solvs mearvm
miseriarvm bonne expression436.
Ca.-e re nata melius fieri haud
potuit quam factum est, era.
De cette situation, il ne pouvait
rien arriver de mieux que ce qui est arrivé, maîtresse,
1 e re nata sic proprie dicimus de his, quae
contra uoluntatem nostram acciderunt, ut nunc uitium uirginis.
- ergo e re
nata ex uitio
uirginis . - sic Lucilius «
puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust
135 »85. 2 Et sic maluit dicere, quae non Aeschino
culpam sed potius casui attributam uellet. est autem ordo: "nihil
melius potuit e re nata fieri quam id quod factum est, era", ut
quandoquidem uitianda erat uirgo, ab eo uitiaretur, qui erat
expetendus ad matrimonium. sensus enim hic est: malum quidem est
uim fieri uirgini, sed ex condicione eius, quae uitiata sit, nihil
potuit melius euenire quam86 contigit, ut ab eo uitiaretur, cuius non
paeniteret. intellegere autem debemus fieri et factum est pro euenire et contigit dici. 3 melivs fieri havd potvit si fieri pro euenire acceperis, erit consecutio
locutionis, sin minus, deerit quantum
intellego.
1 e re nata ainsi disons-nous proprement des
événements qui se sont produits contre notre volonté, comme ici le
viol de la jeune fille. - donc e re
nata veut dire ex uitio
uirginis (du viol de la jeune fille) -. Ainsi
Lucilius : « puer hic e re nata, sic eis dedit, haud malust » (en
la circonstance, notre jeune esclave leur répondit en ces termes :
il n'était pas sans finesse)437. 2 Et ainsi préfère
s'exprimer celle qui voudrait que la faute incombât non à Eschine
mais plutôt au hasard. L'ordre est : "nihil melius potuit e re
nata fieri quam id quod factum est, era", de sorte que puisqu'il
devait y avoir viol de la jeune fille, elle se trouve déshonorée
par celui qui était prévu pour l'épouser. Car le sens est : "c'est
certes un malheur qu'une violence soit commise à l'égard d'une
jeune fille, mais étant donné la condition de celle qui a été
déshonorée, rien ne pouvait arriver mieux que comme cela s'est
produit, à savoir qu'elle se trouve déshonorée par un garçon qui
ne laisse pas de regret". Nous devons donc comprendre que
fieri et factum est équivalent à euenire (se produire) et contigit (il est arrivé). 3 melivs fieri havd potvit si on prend
fieri au sens
d'euenire, il y aura une
cohérence de l'énoncé438, sinon il manquera
quantum intellego (pour
autant que je comprends).
quando uitium oblatum est, quod ad
illum attinet potissimum,
que, puisqu'un viol a été commis,
pour ce qui le concerne,
1 qvando vitivm oblatvm est hoc est
e re nata. 2 oblatvm dicitur, quod offertur
inuito. 3 vitivm oblatvm est qvod ad illvm
attinet potissimvm quasi uitium oblatum sit potissimum, hoc est bonum; sed ex
persona eius qui obtulit uitium factum est bonum, quod per se
ipsum malum est. 4 Et hoc est «
quod melius haud fieri potuit quam factum est
136 ». illum autem
dicit Aeschinum. 5 potissimvm
autem superlatiuum est ab eo quod est potis et potius. sic enim facit potis potius potissimum. 6 Et qvod modo exceptionem significat, ut sit:
quantum ad illum attinet,
id est Aeschinum.
1 qvando vitivm oblatvm est c'est-à-dire
e re nata. 2 oblatvm se dit de ce qui est proposé à
quelqu'un malgré lui. 3 vitivm oblatvm est
qvod ad illvm attinet potissimvm comme si le viol proposé
était potissimum,
c'est-à-dire bon, mais c'est du fait du personnage qui a commis le
viol qu'une chose mauvaise en soi est devenue une bonne
chose. 4 Et c'est ce que signifie
« melius haud fieri potuit quam factum est ». Illum, quant à lui, désigne
Eschine. 5 potissimvm est le
superlatif de potis et de
potius ; en effet, cela
fait potis, potius, potissimum. 6 Et qvod de temps en temps signale une
restriction, pour faire quantum ad
illum attinet (pour autant que cela le concerne),
c'est-à-dire Eschine.
talem, tali genere atque animo, natum
ex tanta familia.
il soit ce qu'il est, d'une si bonne
condition, d'un si bon caractère, issu d'une si grande
famille.
1 tali genere laus ante illum, talem et tali animo in illo. 2 Et genus iam ad uiuos pertinet,
familia etiam ad
defunctos. alii genus ad
nobilitatem referunt, familiam ad copias, unde et
pater familias
dicitur, ut sit ex tanta
familia ex tam diuite
domo. 3 Haec omnis
περίστασις
tragica est: gaudiorum introductio ante funestissimum
nuntium. 4 talem a corpore, id est a
forma, a pulchritudine; tali genere ab his quae extrinsecus sunt,
id est ab honestate generis; atqve animo ab animo, id est a sapientia,
modestia87: hoc modo igitur nihil praetermisit in laude.
1 tali genere c'est un éloge qui porte sur
une période antérieure à lui, alors que talem et tali animo portent sur
lui. 2 Et genus concerne les vivants,
familia concerne aussi
les morts. D'autres rapportent genus à la noblesse, familiam au patrimoine, d'où on dit
aussi pater familias
(père de famille)439, en
sorte que ex tanta
familia signifie ex tam
diuite domo (d'une maison si riche). 3 Toute cette circonstance (περίστασις) est
tragique : introduction d'éléments heureux avant une annonce très
funeste. 4 talem se dit du physique,
c'est-à-dire de la beauté ; tali genere se dit de ce qui lui est
extérieur, c'est-à-dire l'honorabilité de sa famille ; atqve animo
de son caractère, c'est-à-dire sa sagesse, sa modération : donc,
ce faisant, rien n'a été oublié dans l'éloge.
So.-ita pol est ut dicis; saluus
nobis deos quaeso ut siet.
So.-Oui nom d'un chien, tu as
raison ; je prie les dieux qu'ils nous le préservent en bonne
santé.
salvvs nobis deos qvaeso vt siet quam bonus
est, cui nihil ad uota praeter salutem!
salvvs nobis deos qvaeso vt siet quel homme
de bien que celui à qui on ne peut souhaiter que d'être sain et
sauf !
scaena altera
Sostrata Canthara Geta
299 | 300 | 301 | 302 | 303 | 304 | 305 | 306 | 307 | 308 | 309 | 310 | 311 | 312 | 313 | 314 | 315 | 316 | 317 | 318 | 319 | 320 | 321 | 322 | 323 | 324 | 325 | 326 | 327 | 328 | 329 | 330 | 331 | 332 | 333 | 334 | 335 | 336 | 337 | 338 | 339 | 340 | 341 | 342 | 343 | 344 | 345 | 346 | 347 | 348 | 349 | 350 | 351 | 352 | 353 | 354
Gé.-Nous voilà arrivés à un point où,
même si tous les hommes mettaient en commun tous leurs avis
1 nvnc illvd est qvom si omnes omnia88 hic locus secundum artem comicam seruum currentem
exprimit et nuntiantem mala. maxima itaque pars scaenae motoria
est. significat autem: nunc tale negotium est, nunc tale periculum
est. 2 Aut uero cum significationem temporis habet,
ut si diceret quando aut
quo tempore. 3 nvnc illvd est utrum periculum an tempus?
est enim ἔλλειψις. 4 qvom si omnes omnia sva consilia ὑπερβολή cum παρονομασίᾳ omnes omnia. hinc Cicero «
omnes in hoc iudicio conentur omnia
137 ».
1 nvnc illvd est qvom si omnes omnia cette
scène, selon la technique de la comédie, met en scène un esclave
qui court et qui annonce de mauvaises nouvelles. C'est pourquoi le
gros de la scène est du type agité440. 2 Ou alors cum a un sens temporel, comme s'il
disait quando (quand) ou
quo tempore (au moment
où). 3 nvnc illvd est veut-il
dire le danger ou le moment ? Car il y a une ellipse (ἔλλειψις)441. 4 qvom si omnes omnia
sva consilia hyperbole (ὑπερβολή) avec paronomase (παρονομασίᾳ) dans
omnes omnia. De là
Cicéron : « omnes in hoc iudicio conentur omnia » (que tous, dans
ce procès, tentent tout)442.
atque huic malo salutem quaerant,
auxili nihil afferant,
et cherchaient un remède à notre
malheur, ils ne seraient d'aucun secours
1 salvtem qvaerant non remedium ut aegro, sed ut pereunti
salutem. 2 Et noue dixit malo salutem pro contra malum. 3 avxili nihil afferant mire de proximo
repetitum est παρόμοιον, id est conferant et afferant. hoc conuenit praesertim
stomacho uerba minus curantis, sicut supra omnes omnia.
1 salvtem qvaerant il ne dit pas remedium (remède) comme pour un
malade, mais comme pour un agonisant salutem. 2 Et le tour malo
salutem est inédit pour contra malum (contre le
malheur)443. 3 avxili nihil afferant
étonnamment il répète dans un contexte très court un mot
ressemblant (παρόμοιον), à savoir conferant et afferant. Cela convient
particulièrement à la colère d'un homme qui fait moins attention à
ses mots, comme ci-dessus omnes
omnia444.
quod mihique eraeque filiaeque erili
est. uae misero mihi!
à ce qui nous touche, moi, ma
patronne et la fille de la patronne. Aïe, pauvre de moi !
1 qvod mihiqve eraeqve filiaeqve erili mira
in seruo fides: primum se ponit in erili malo et post se matrem,
in ultimo puellam. 2 mihiqve eraeqve
filiaeqve erili est πολυσύνδετον secundum, ut «
omnia secum
a.
armentarius
A.
Afer
a.
agit
tq.
tectumque
lq.
laremque
aq.
armaque
Aq.
Amyclaeumque
c.
canem
Cq.
Cressamque
p.
pharetram
13889 ». 3 vae misero mihi ἐμπαθῶς σχετλιάζει.
1 qvod mihiqve eraeqve filiaeqve erili
étonnante loyauté chez un esclave : il se place en premier dans le
malheur de sa maîtresse, devant la mère et, en dernier, la
fille. 2 mihiqve eraeqve filiaeqve erili
est polysyndète (πολυσύνδετον) de deuxième catégorie,
comme dans « omnia secum armentarius Afer agit, tectumque laremque
armaque Amyclaeumque canem Cressamque pharetram » (le vacher
africain emporte tout avec lui, et son toit et son dieu lare et
ses armes et son chien d'Amyclées et son carquois crétois)445. 3 vae misero mihi il se lamente de façon
empathique (ἐμπαθῶς
σχετλιάζει)446.
tot res repente circumuallant se886,
unde emergi non potest:
Tant de soucis se dressent d'un coup
tout autour, dont on ne peut se sortir,
1 tot res repente circvmvallant90 se
circa nos et stipant se inuicem; nam circumuallamus et nos et alios. tamen
rara locutio est. 2 Et circumuallant dixit uelut inimica
acies contra nos, et ideo addidit unde
emergi non potest. nam impressio dicitur hostium, ut
Sallustius «
pressi undique multitudine
139 » et Cicero «
qui semper premuntur et numquam emergunt
140 ». 3 Et emergi noue, nam emergo dicitur, non emergor. sed ideo usus est, quia sine
compositione et mergo et
mergor facit. 4 vnde emergi non potest unde absolute. 5 An deest illud? an unde pro ex quibus?
1 tot res repente circvmvallant ils se
pressent (circumuallant)
contre nous et se serrent l'un contre l'autre ; car nous pressons
(circumuallamus)
nous-mêmes et autrui. Toutefois l'expression est rare447. 2 Et il
dit circumuallant comme
d'une armée ennemie qui vient contre nous, et dans cette idée il
ajoute unde emergi non
potest. Car les ennemis font ce qu'on appelle une
impressio (assaut), comme
chez Salluste : « pressi undique multitudine » (pressés de toutes
parts par la foule) et Cicéron : « qui semper premuntur et numquam
emergunt » (qui toujours se font presser sans jamais s'en
sortir)448. 3 Et emergi est dans un emploi inédit,
car on dit emergo, et non
pas emergor. Mais il l'a
utilisé sous cette forme parce que le verbe non composé fait aussi
bien mergo que mergor449. 4 vnde emergi non
potest unde est
sans antécédent. 5 Ou bien
manque-t-il illud ? ou
unde est-il mis pour
ex quibus
(desquels) ?
uis, egestas, iniustitia, solitudo,
infamia.
violence, misère, injustice,
solitude, déshonneur !
vis egestas inivstitia solitvdo infamia hae
res sunt quae circumuallant: uis illata, egestas ipsius puellae, iniustitia iudicum, solitudo a defensoribus, infamia ab his, qui credunt pretio
uitiatam; nam et in subditis sic habes «
quando ego conscia sum mihi, a me culpam esse hanc
procul, neque pretium neque rem ullam intercessisse
141 ».
vis egestas inivstitia solitvdo infamia
telles sont les choses (res) qui pressent (circumuallant) : la violence commise
(uis), la pauvreté de la
jeune fille même (egestas), l'injustice des juges
(iniustitia), la solitude
sans défenseur (solitudo), le déshonneur (infamia) qui vient du discours de
ceux qui croient qu'elle a été violée pour de l'argent ; en effet,
on trouve aussi ci-dessous « quando ego conscia sum mihi, a me
culpam esse hanc procul, neque pretium neque rem ullam
intercessisse ».
hocine saeculum887! o scelera, o genera sacrilega, o hominem
inpium...
Quelle époque ! O crimes, ô
générations sacrilèges, ô maudit bonhomme...
1 hocine saecvlvm ἐν ἤθει questurus de homine saeculum
accusat prius, ut «
o tempora, o mores!
142 » et e contrario saecula in omnibus rebus laudantur, ut
«
quae te tam laeta tulerunt saecula?
143 ». 2 hocine saecvlvm o scelera o genera
sacrilega o hominem impivm moris est nimis dolentibus
incusare alia ex aliis. Vergilius «
cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos
atque astra uocat crudelia mater
144 » et «
quem non incusaui amens hominumque deorumque
145 ». 3 o hominem impivm Aeschinum
scilicet. et hoc ἠθικῶς; nam semper ultimum ponimus eum,
cui maxime irascimur, ut in Andria post accusatum socerum et
uituperatam sponsam «
nam quid ego dicam de patre
146 » et in Phormione «
itane tandem uxorem duxit Antipho
147 » et post multa «
o facinus audax! o Geta monitor!
148 », unde ille «
uix tandem
149 » inquit.
1 hocine saecvlvm conforme à son caractère
(ἐν ἤθει), au
moment de se plaindre d'un individu, il incrimine d'abord le
siècle, comme « o tempora, o mores ! » (ô temps, ô mœurs !) et a
contrario le siècle est l'objet d'éloges en toute occasion,
comme : « quae te tam laeta tulerunt saecula ? » (quelle est
l'époque bénie qui t'a porté ?)450. 2 hocine saecvlvm o scelera o
genera sacrilega o hominem impivm c'est une
caractéristique de ceux qui souffrent trop que d'incriminer les
choses les unes après les autres. Ainsi Virgile : « cum complexa
sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia
mater » (tandis que tenant embrassé le corps pitoyable de son
enfant la mère invoque et les dieux et les cieux cruels) et « quem
non incusaui amens hominumque deorumque » (qui n'ai-je pas accusé
et parmi les hommes et parmi les dieux ?)451. 3 o hominem
impivm Eschine, implicitement. Et conformément à son
caractère (ἠθικῶς) ; car nous mettons toujours en
dernier celui qui est la principale cause de notre colère, comme
dans L'Andrienne après l'accusation contre le
beau-père et le dénigrement de la promise : « nam quid ego dicam
de patre » et dans Phormion : « itane tandem uxorem
duxit Antipho » et après plusieurs mots : « o facinus audax ! o
Geta monitor ! » d'où il enchaîne « uix tandem ».
So.-me miseram, quidnam est quod sic
uideo timidum et properantem Getam?
So.-Malheur de moi, que se passe-t-il
donc pour que je voie Géta ainsi affolé et agité ?
video timidvm et properantem getam
timidum perturbatum, non
enim timet sed dolet. sic Plautus in Bacchidibus «
nam ut ex mari timida es
150 ».
video timidvm et properantem getam
timidus signifie
"troublé", car il n'a pas peur mais il a mal. De même Plaute dans
Les Sœurs Bacchis : « nam ut ex mari timida es » (car
tu es tout indisposée de ton voyage en mer).
Ge.-...quem neque fides neque
iusiurandum neque illum misericordia
Gé.-...lui que ni la foi jurée, ni
les serments, ni la pitié
1 qvem neqve fides ordo est: "hominem impium
quem neque fides". 2 Et saepe repetitum neque exaggerat crimen
admissum. 3 qvem neqve fides quia
promisit; neqve ivsivrandvm quia iurauit; neqve illvm
misericordia quia uim intulit. 4 neqve illvm secundum παρέλκον, nam abundat
illum; ut «
nunc dextra ingeminans, nunc ille sinistra
151 ». 6 neqve illvm misericordia
repressit ne auderet.
1 qvem neqve fides l'ordre est : "hominem
impium quem neque fides"... 2 Et la
répétition fréquente de neque amplifie le crime
commis. 3 qvem neqve fides parce
qu'il a promis ; neqve ivsivrandvm parce qu'il a juré ;
neqve illvm
misericordia parce qu'il a fait violence. 4 neqve illvm pléonasme de deuxième catégorie
(παρέλκον),
car illum est superflu ;
de même dans : « nunc dextra ingeminans ictum, nunc ille
sinistra » (redoublant de coups tantôt de la main droite, tantôt,
lui, de la main gauche)452. 6 neqve illvm
misericordia repressit ne l'a retenu d'être audacieux.
repressit neque reflexit neque quod
partus instabat prope
n'ont retenu ni fléchi, ni non plus
le fait que l'accouchement était imminent
1 neqve reflexit ne faceret. et sic hoc
dictum est, ut a Vergilio «
num fletu ingemuit nostro? num lumina flexit? num
lacrimas uictus dedit aut miseratus amantem est?
152 » etc. 2 Et si non potuit reprimi ne faceret, saltim
ut in peccando esset mitior, debuit commoueri. sed melius quod
supra. 3 neqve qvod partvs instabat
prope αὐξητικῶς; non enim addidit mariti
sed patris scelus91.
1 neqve reflexit ne l'a détourné d'agir. Et
cela se dit ainsi, comme chez Virgile : « num fletu ingemuit
nostro ? num lumina flexit ? num lacrimas uictus dedit aut
miseratus amantem est ? » etc. (a-t-il gémi de mes pleurs ? a-t-il
détourné les yeux ? a-t-il, vaincu, versé des larmes ou s'est-il
apitoyé sur une amante ?)453. 2 Et s'il n'a pu s'empêcher d'agir, au moins,
pour que sa faute en soit atténuée, aurait-il dû en être ébranlé.
Mais la meilleure solution est la première454. 3 neqve qvod partvs
instabat prope par amplification (αὐξητικῶς) ; car il
n'ajoute pas un grief qui le concerne en tant que mari mais qui le
concerne en tant que père.
cui miserae indigne per uim uitium
obtulerat. So.-non intellego
pour cette malheureuse qu'il avait
indignement violée et déshonorée ! So.-Je ne comprends pas
1 cvi miserae deest ei. 2 indigne impie, crudeliter, ut Vergilius
«
quae causa indigna serenos foedauit uultus?
153 ». 3 non intellego ad hoc
Sostrata ignorans inducitur, ut malo nuntio repente feriatur. et
quia oportuit ipsam priorem loqui, praesens loquitur. quia autem
non est perdenda tam suauis ἠθοποιΐα dolentis ad irascentem, idcirco
non audit Geta, conuersus ne ob illam loqui desinat.
1 cvi miserae il manque ei455. 2 indigne de façon impie, cruelle, comme chez
Virgile : « quae causa indigna serenos foedauit uoltus ? » (quel
indigne traitement a souillé ton visage serein ?). 3 non intellego si c'est une Sostrata
ignorante qui est mise en scène, c'est pour qu'elle soit frappée
par surprise de la mauvaise nouvelle. Et parce qu'il fallait
qu'elle parle la première, elle parle en étant présente. Mais
comme il ne faut pas perdre l'occasion d'une si agréable éthopée
(ἠθοποιΐα)
d'un homme qui passe de la souffrance à la colère, pour cette
raison Géta ne l'entend pas et lui tourne le dos pour ne pas
s'interrompre devant elle.
satis quae loquatur888. Ca.-propius obsecro accedamus, Sostrata.
Ge.-ah
suffisamment ce qu'il dit.
Ca.-Approchons, s'il te plaît, Sostrata. Gé.-Ah !
satis qvae loqvatvr adhuc non audiente Geta
loquitur. idcirco nec audit eam seruus nec uidetur ab eo
Sostrata.
satis qvae loqvatvr elle parle sans se
faire encore entendre de Géta. Aussi l'esclave ne l'entend-il pas
et Sostrata n'est pas vue de lui.
me miserum! uix sum compos animi, ita
ardeo iracundia.
pauvre de moi ! j'ai peine à me
maîtriser tant je brûle de colère !
1 vix svm compos animi aut uix tandem aut non, ut Lucilius «
carcer, uix carcere dignus
154 ». 2 Et compos animi id est competentis animi uel sani animi, cui contrarium est
impos animi. Sallustius
«
neque animo neque auribus aut lingua satis
competere
155 », cum de amente Septimio loqueretur. alii compotem animi compositum animi intellegunt.
1 vix svm compos animi soit uix signifie uix tandem (avec peine, mais enfin)
ou non (négation), ainsi
chez Lucilius : « carcer, uix carcere dignus » (prisonnier à peine
digne de ta prison)456 2 Et compos animi équivaut à competentis animi (à l'esprit
capable) ou sani animi (à
l'esprit sain) ; son contraire est impos animi (incapable de se
maîtriser). Salluste : « neque animo neque auribus aut lingua
satis competere » (n'avoir pas de capacité suffisante au plan de
l'intellect, de l'ouïe ou du langage), alors qu'il parlait de la
folie de Septimius. D'autres comprennent compos animi au sens de compositus animi (qui s'est composé
un esprit)457.
nihil est quod malim quam illam totam
familiam dari mi obuiam
Il n'est rien que je ne souhaiterais
davantage que de me trouver face à face avec cette famille tout
entière,
qvam illam totam familiam hic non tam culpa
familiae quam scelus Aeschini ostenditur, propter quam omnes
cruciandi sunt.
qvam illam totam familiam ici ce n'est pas
tant la faute de la famille qui est montrée que le crime
d'Eschine, à cause de qui tous doivent être massacrés.
ut ego iram hanc in eos euomam omnem,
dum aegritudo haec est recens.
pour épancher sur eux toute ma
colère, tandis que mon aigreur est toute récente.
iram hanc hanc interdum pro qualitate, interdum
pro quantitate accipimus, interdum pro utroque. ut «
tuaque animam hanc effundere dextra
156 » et «
hunc ego te, Euryale, aspicio?
157 » sed nunc pro utroque hanc dixit, ut Sallustius de scripto
Celtiberi ait «
hanc igitur redarguit Tarquitius
158 ».
iram hanc nous interprétons hic tantôt comme ayant une valeur
qualitative, tantôt quantitative, tantôt les deux à la fois.
Ainsi : « tuaque animam hanc effundere dextra » (rendre cette
mienne âme sous les coups de ta main) et « hunc ego te, Euryale,
aspicio ? » (est-ce tel, Euryale, que je te revois ?), mais là il
l'utilise dans les deux sens à la fois, comme Salluste à propos du
texte du Celtibère : « hanc igitur redarguit Tarquitius »
(Tarquitius la réfuta donc)458.
satis id mihi889
habeam supplici, dum illos ulciscar modo.
Je me satisferais de mon châtiment
pour peu seulement que je me venge d'eux.
1 satis id mihi habeam svpplici moraliter
loquitur. nam fere cum quisquis irascitur, sibi uidetur
fortis92 tamquam plus
audet. 2 dvm illos vlciscar modo
uerum est hanc esse uindictam, quae ex recentissimis flagitiis
properata sit. Vergilius «
te Turne superbum caede noua quaerens
159 ».
1 satis id mihi habeam svpplici il parle
conformément à son caractère. Car généralement, quand on se met en
colère, on se croit fort en tant qu'on a plus d'audace. 2 dvm illos vlciscar modo c'est vrai que
c'est la vengeance qui se met en branle à partir des outrages les
plus récents. Virgile : « te Turne superbum caede noua quaerens »
(c'est toi, Turnus, qu'il cherche, avec l'orgueil que te donne ton
récent massacre).
seni animam primum exstinguerem ipsi,
qui illud produxit scelus;
Au vieux d'abord je ferais rendre
l'âme, lui qui a donné le jour à ce scélérat ;
1 seni animam primvm exstingverem bene
exstinguerem, quia ignis
est93. Vergilius «
igneus est ollis uigor et caelestis origo
seminibus
160 ». 2 Et primum addidit, quod ordinem
significat; tunc enim adicitur, cum multa subsecutura monstrantur,
ut «
cui fracta prius crura bracchiaque
161 » etc. 3 Vindicta in
Aeschinum tota prominens ostenditur etiam per aliena
supplicia.
1 seni animam primvm exstingverem exstinguerem est bon parce que l'âme
c'est du feu. Virgile : « igneus est ollis uigor et caelestis
origo seminibus » (ces germes de vie ont une vigueur ignée et une
origine céleste). 2 Et il ajoute
primum qui indique une
chronologie ; car on l'ajoute quand beaucoup d'événements
subséquents sont indiqués, comme dans : « cui fracta prius crura
bracchiaque » etc. (on lui brise d'abord les jambes et les
bras...)459. 3 La vengeance contre Eschine, qui déborde tout
entière, se voit aussi dans les tourments réservés aux autres.
tum autem Syrum inpulsorem, uah,
quibus illum lacerarem modis!
et puis Syrus, l'instigateur, oh ! de
quelle manière je le taillerais en pièces !
1 impvlsorem causa poenae. 2 vah qvibvs illvm lacerarem modis hic
uoluntas immodica ostenditur poenam pro merito
reposcentis. 3 Et nota, cum Syrum dixerit, addidisse de
supercilio rursus illum.
1 impvlsorem la cause du châtiment. 2 vah qvibvs illvm lacerarem modis ici on
voit la volonté implacable de celui qui réclame un châtiment
proportionné à l'acte. 3 Et notez
qu'après avoir dit Syrus
il ajoute à nouveau illum
avec morgue.
sublimen890 medium
primum arriperem et capite in terra statuerem,
Je le soulèverais d'abord en
l'attrapant par la ceinture et le ficherais en terre par la
tête
1 svblimen ista poena est. 2 statverem vt cerebro dispergat viam et
cerebrum et uia dispergi potest; ideo uidetur ambiguum, ut apud
Vergilium «
ensemque cruore spumantem sparsasque manus
162 ». aliter enim dicitur «
spargite humum foliis
163 », aliter «
sparserat et latices simulatos
f.
fontes
A.
Auerni
164 ».
1 svblimen c'est le châtiment. 2 statverem vt cerebro dispergat viam on peut
trouver comme sujet de dispergi aussi bien un mot comme
cerebrum que comme
uia ; d'où il résulte de
l'ambiguïté, comme chez Virgile : « ensemque cruore spumantem
sparsasque manus » (son épée écumante de sang et ses mains
souillées). Car on dit dans un sens : « spargite humum foliis »
(jonchez le sol de feuilles), dans un autre : « sparserat et
latices simulatos fontes Auerni » (elle avait répandu un liquide
qui simulait les eaux de l'Averne)460.
ut cerebro dispergat uiam;
pour qu'il arrose la rue de sa
cervelle ;
adulescenti ipsi eriperem oculos,
posthac praecipitem darem;
au jeune homme lui-même,
j'arracherais les yeux, après quoi je le jetterais tête la
première ;
1 advlescenti ipsi eriperem ocvlos bene
oculos, amoris inlices
adiutoresque flagitii. 2 posthac praecipitem
darem grauior poena caecitatis, non prouidere quo
cadas.
1 advlescenti ipsi eriperem ocvlos oculos est bon, car les yeux sont
des pièges d'amour et les auxiliaires de l'outrage. 2 posthac praecipitem darem le pire châtiment
de la cécité c'est de ne pas se prémunir de la chute.
ceteros ruerem, agerem, raperem,
tunderem et prosternerem!
tous les autres, je voudrais les
renverser, pousser, secouer, assommer, coucher par terre !
1 ceteros rverem ruerem actiuam uim habet: Sallustius
in secundo «
ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur
165 ». ruere autem
est toto corpore niti ad impellendum, quod faciunt qui ipsi
praecipites alios prosternunt. inde sues ruere dicuntur: Vergilius «
ipse ruit dentesque Sabellicus
e.
exacuit
s.
sus
166 » et Horatius «
hac rabiosa fugit canis, hac lutulenta ruit sus
167 ». 2 tvnderem et prosternerem
uide quam fortis sibi uidetur, qui dolet et irascitur. 3 agerem "prosequerer", "premerem", ut
Vergilius «
cursu palantis
T.
Troas
ag.
agebat
168 » et «
agit uentos
169 » id est nimia celeritate prosequitur et paene occupat
praeuenitque.
1 ceteros rverem ruerem a un sens actif : Salluste au
livre II : « ictu eorum, qui in flumen ruebant, necabantur » (sous
l'impulsion de ceux qui se ruaient dans le fleuve). Ruere c'est mettre toutes ses forces
physiques à attaquer, ce que font ceux qui, en se jetant tête la
première, abattent les autres. De là on dit que les
cochons461 chargent (ruere) ; Virgile : « ipse ruit
dentesque Sabellicus exacuit sus » (le sanglier sabellien charge
et aiguise ses défenses) et Horace : « hac rabiosa fugit canis,
hac lutulenta ruit sus » (par là passe en courant un chien enragé,
par là se précipite un porc plein de fange)462. 2 tvnderem et prosternerem
voyez comme il se croit fort celui qui ressent douleur et
colère. 3 agerem "je le
poursuivrais", "je le presserais" ; de même Virgile : « cursu
palantis Troas agebat » (il serrait de sa course des Troyens
dispersés) et « agit uentos » (il pousse les vents), c'est-à-dire
il pourchasse avec une vitesse excessive et en vient presque à
rattraper et à dépasser.
sed cesso eram hoc malo inpertire
propere? So.-reuocemus. Geta! Ge.-hem,
Mais ne vais-je pas me dépêcher de
faire part de ce malheur à ma maîtresse ? So.-Rappelons-le. Géta !
Gé.-Hein ?
quisquis es, sine me. So.-ego sum
Sostrata. Ge.-ubi ea est? te ipsam quaerito,
Qui que tu sois, laisse-moi. So.-Mais
c'est moi, Sostrata. Gé.-Où çà ? c'est justement toi que je
cherche,
1 ego svm sostrata haec ideo inducuntur, ut
ueri simile sit supra non uisam Sostratam, quando etiam nunc uix
agnoscitur ab irato. 2 te ipsam exspecto
oppido opportvne94 incerta distinctio,
utrum te exspecto oppido
an oppido95
opportune sit
dicendum. 3 An exspectare impatienter cupere et sine
praescriptione temporis, sperare iuxta certum tempus? unde
apparet ad te exspecto,
quia per se nimium est, non esse iungendum oppido.
1 ego svm sostrata la réplique vise à rendre
vraisemblable que Sostrata n'a pas été aperçue plus tôt, puisque
encore maintenant c'est tout juste si l'esclave en colère la
reconnaît. 2 te ipsam exspecto oppido
opportvne on ne sait comment ponctuer : faut-il dire
te exspecto oppido (c'est
tout à fait toi que je cherchais) ou oppido opportune (tout à fait
opportunément) ? 3 A moins que
exspectare ne signifie
"désirer avec impatience" et sans limitation de durée, alors que
sperare implique un temps
limité ? Dans ce cas, il appert que te exspecto, parce que le mot dénote
en soi l'excès, ne doit pas être complété par oppido463.
te expecto; oppido opportune te
obtulisti mihi obuiam.
toi après qui j'en ai ; ça tombe
vraiment bien que tu te sois trouvée sur mon chemin.
era... So.-quid est? quid trepidas?
Ge.-ei mihi. Ca.-quid festinas, mi Geta?
Maîtresse... So.-Quoi ? Pourquoi
trembles-tu ? Gé.-Hélas pauvre de moi ! Ca.-Qu'as-tu à te hâter
ainsi, mon Géta ?
qvid festinas mi geta Probus personae
assignat hoc Sostratae, Asper non uult ad omnia seruum respondere,
sed nutricem putat hoc loqui. festinas autem "perturbaris" et
"commotus est".
qvid festinas mi geta Probus attribue la
réplique à Sostrata, Asper n'est pas d'avis que l'esclave répond à
tout mais pense que c'est la nourrice qui dit cela. Quant à
festinas il veut dire
perturbaris (tu es
troublé) et commotus es
(tu es remué).
animam recipe. Ge.-prorsus...
So.-quid istuc prorsus ergo est? Ge.-...perimus891!
Reprends ton souffle. Gé.-Nous sommes
complètement... So.-Eh bien quoi, « complètement » ?
Gé.-...perdus !
1 prorsvs apta κόμματα fesso et anhelanti ob
perturbationem et contentum cursum. 2 animam recipe quod in lectione gestu
ostendi minime potuit, id ex uerbis Sostratae ostenditur in Geta.
nam ideo dicitur animam
recipe, quod ille prae anhelitu crebriora uerba
continuare non possit. 3 perimvs actvm
est iam bina uerba iunguntur. 4 perimvs actvm est uerba sunt desperationis,
nam actum est dicitur in
ea re, de qua iam sit lata sententia.
1 prorsvs segments de phrase (κόμματα) qui
conviennent à un personnage épuisé et à bout de souffle à cause de
son trouble et de la course qu'il vient de faire. 2 animam recipe ce qui à la lecture ne
pouvait guère être montré par un geste est montré, par les mots de
Sostrata, à propos de Géta. Car si elle dit animam recipe, c'est parce que Géta,
du fait de son essoufflement, ne peut pas tenir une conversation
serrée. 3 perimvs actvm est cette
fois ce sont deux verbes qui sont associés464. 4 perimvs actvm
est ce sont des verbes de désespoir, car actum est se dit d'une affaire qui a
déjà connu son verdict.
actum est. So.-eloquere ergo, obsecro
te, quid sit? Ge.-iam... So.-quid iam, Geta?
C'en est fait. So.-Eh bien parle, je
t'en conjure, de quoi s'agit-il ? Gé.-Désormais... So.-Eh bien
quoi, « désormais », Géta ?
1 eloqvere obsecro te bene eloquere, nam conatur tantum, quod
nec explicatur nec intellegitur; cui uitio contraria uirtus est
eloquentia. 2 Iam hic plus gestu quam dictu agitur, quia,
ut supra diximus, et lassus est qui nuntiat et integratur dolor
nuntii, cum apud illam loquitur, ad quam maxime calamitas
pertinet: quo dolore uox plerumque subtrahitur atque
singultit. 3 Et simul dat iam signum perditarum
rerum.
1 eloqvere obsecro te eloquere est bon car il ne fait
qu'entreprendre un propos qui reste inexpliqué et
incompréhensible ; or la qualité contraire de ce défaut est
l'éloquence (eloquentia). 2 Ici il est question davantage de gestes que de
paroles parce que, comme nous l'avons dit ci-dessus, d'une part le
messager est épuisé et d'autre part est restituée intacte la
douleur que cause le message, lorsque l'on parle devant la
personne qui est le plus concernée par le malheur : cette douleur
très souvent fait défaillir la voix et la fait hoqueter. 3 Et en même temps il signale l'état désespéré
de la situation.
Ge.-...Aeschinus... So.-quid is ergo?
Ge.-...alienus est ab nostra familia. So.-hem!
Gé.-...Eschine... So.-Eh bien
qu'est-ce qu'il a ? Gé.-...est étranger à notre famille.
So.-Hein ?
alienvs est a nostra familia bene
alienus: Getae enim ipsi
iam dominus, Sostratae gener, Pamphilae maritus uocabatur.
alienvs est a nostra familia alienus est bon : car pour Géta
lui-même c'est un maître, pour Sostrata un gendre, pour Pamphila
un mari qu'Eschine avait vocation à devenir.
perii. qua re? Ge.-amare occepit
aliam. So.-uae miserae mihi!
Je suis perdue. Pourquoi ? Gé.-Il
s'est mis à en aimer une autre. So.-Aïe pauvre de moi !
1 vae miserae mihi interponitur mulieris
affectus nouo nuntio. 2 amare occepit
aliam peius est amare
occepit quam amat; nam in eo quod dixit occepit augmenta mali metuenda sunt,
ut in principiis quae auctum recipiunt non statim imminutionem
spectant. 3 Et occepit magnum facinus dixit.
1 vae miserae mihi vient s'interposer au
milieu de l'annonce de la nouvelle une marque féminine
d'affect. 2 amare coepit aliam c'est
pire de dire amare coepit
que de dire amat (il
aime) ; car dans le mot occepit on doit craindre une
aggravation du malheur, de même que dans les commencements, ce qui
est en cours d'accroissement ne vise pas immédiatement la
diminution465. 3 Et
occepit signale un grand forfait.
Ge.-neque id occulte fert, ab lenone
ipsus eripuit palam.
Gé.-Et il ne s'en cache pas, il l'a
enlevée lui-même à un proxénète, ouvertement.
1 ab lenone ipsvs eripvit sic nuntiat, ut
ultima peiora sint. 2 Et his argumentis uult probare, quod
immodice amauit Aeschinus et paene plus quam amauit uirginem; nam
pudori qui non consulit, amat. quis autem magis potuit impudens
esse, quam qui post honestum amorem ab
lenone amet? hoc enim significat meretricem. 3 Ergo non honestam sed ab lenone, non per alium, sed ipsus, nec emit aut abduxit, sed ob impatientiam ualde
amantis eripuit, neque id
occulte, ut qui celaret
factum, tamquam satisfacturus uxori uideretur, sed palam. [ 4 ab lenone ipsvs eripvit sic nuntiat, ut
ultima peiora sint.]
1 ab lenone ipsvs eripvit il fait son annonce
de manière à ce que le pire soit à la fin. 2 Et en argumentant ainsi, il veut prouver
qu'Eschine aime sans mesure et presque davantage qu'il n'a aimé la
jeune fille ; car qui ne se soucie pas de l'honneur est amoureux.
Or qui pourrait davantage manquer à l'honneur que celui qui, après
un amour décent, va aimer "chez le proxénète" (ab lenone) ? Car cela implique qu'il
s'agit d'une courtisane. 3 Donc il
ne dit pas honnête mais
chez le proxénète
(ab lenone), non
par l'intermédiaire d'un
autre, mais lui-même (ipsus), et il ne l'a pas achetée ni enlevée, mais à cause de son
impatience d'amoureux fou, arrachée (eripuit), et il ne l'a pas fait
en cachette (occulte), comme quelqu'un qui
dissimulerait le fait pour paraître avoir des égards pour son
épouse, mais ouvertement
(palam)466. 4 ab lenone ipsvs
eripvit il fait son annonce de manière à ce que le pire
soit à la fin467.
So.-satin hoc certum est? Ge.-certe
hisce oculis egomet uidi, Sostrata. So.-ah
So.-La chose est-elle prouvée ?
Gé.-La preuve, c'est que je l'ai vu faire moi-même de mes yeux,
Sostrata. So.-Ah !
1 satin hoc certvm est magnis malis non
statim creditur. hoc ergo ex dolore dixit, quod stupet audiens,
non quia non habet fidem. 2 hisce ocvlis
ἰδιωτισμός
asseuerantis. 3 ah interiectio est
flentis.
1 satin hoc certvm est on ne croit pas
immédiatement aux grands malheurs. Donc elle dit cela de douleur,
parce qu'elle est stupéfaite de ce qu'elle entend, et non pas
parce qu'elle n'y accorde pas foi. 2 hisce ocvlis particularisme (ἰδιωτισμός) de celui
qui fait une assertion. 3 ah
interjection de quelqu'un qui pleure.
me miseram! quid iam credas? aut cui
credas? nostrumne Aeschinum,
que je suis malheureuse ! Que croire
désormais ? ou qui croire ? notre cher Eschine,
1 me miseram qvid iam credas mira affectio,
nam lacrimae non sinunt finiri sensum. 2 qvid credas avt cvi credas fides aut
personae qualitate seruatur, si grauis persona est cui creditur,
aut ipsius rei qualitate, si ea res creditur, in qua fallere cui
creditur aut non debet aut non potest. hic ergo mire in utroque
dixit iam fidem nullam esse: et in persona et in re. quod etiam
Vergilius transtulit breuiusque dixit «
nusquam tuta fides
170 », hoc est nec in re nec in persona; et hic ipse in
Heautontimorumeno «
pro Iuppiter, ubinam est fides?
171 ». 3 nostrvmne aeschinvm nostram vitam
omnivm ἐλλειπτικῶς omnia, quia fletus impedit
uerba. deest autem hoc
fecisse uel tale quid.
1 me miseram qvid iam credas étonnante
affection, car les larmes ne laissent pas la phrase se
finir. 2 qvid credas avt cvi
credas le crédit est garanti soit par la qualité de la
personne, si c'est une personne sérieuse que l'on croit, soit par
la qualité de la chose même, si ce qu'on croit est une chose dans
laquelle celui qu'on croit ne doit ni ne peut tromper. Donc ici,
étonnamment, c'est sur les deux aspects qu'elle dit qu'il n'y a
plus de crédit : ni dans la personne, ni dans la chose. C'est ce
que Virgile a aussi transcrit et dit de façon plus ramassée :
« nusquam tuta fides » (la confiance n'est plus en sûreté nulle
part), c'est-à-dire ni dans une chose ni dans une personne ; et
Térence lui-même dans L'Héautontimorouménos : « pro
Iuppiter, ubinam est fides ? » (par Jupiter, où est donc passée la
confiance ?)468. 3 nostrvmne aeschinvm
nostram vitam omnivm le tout de façon elliptique (ἐλλειπτικῶς), parce que
les pleurs empêchent les mots. Or il manque hoc fecisse (qu'il ait fait cela !)
ou quelque chose de ce genre.
nostram uitam omnium892, in quo nostrae spes opesque omnes
sitae
notre vie à tous, sur qui reposaient
tous nos espoirs et toutes nos ressources,
sitae erant sitae positae; nam situm est quicquid in loco suo
positum non euertitur.
sitae erant sitae veut dire "placées" ; car on
dit qu'est situm tout ce
qui, mis à sa place, ne se fait pas renverser.
erant, qui sine hac iurabat se unum
numquam uicturum diem,
qui jurait que sans elle il ne
pourrait vivre un seul jour,
qui se in sui gremio positurum puerum
dicebat patris,
qui disait qu'il irait déposer son
bébé dans le giron de son père,
1 qvi se in svi gremio positvrvm pvervm
puerum dixit si puer
nasceretur, non quia diuinabat. ad uotum ergo cupientis rettulit
puerum, non quia necesse
erat marem nasci. 2 Et haec omnia magno stupore dicuntur ad
exaggerandam perfidiam illius cui creditur et dolorem eorum qui
crediderunt.
1 qvi se in svi gremio positvrvm pvervm il
disait puer pour le cas
où lui naîtrait un enfant, non pas parce qu'il en devinait le
sexe. Donc il rapporte le mot puer au souhait du père qui désire
un fils, non parce qu'il était nécessaire que ce fût un
garçon469. 2 Et toute la réplique se dit dans un état de
grande stupeur pour exagérer la perfidie de celui en qui l'on
avait confiance et la douleur de ceux qui avaient eu
confiance.
ita obsecraturum ut liceret hanc sibi
uxorem ducere!
qu'il le supplierait tant qu'on le
laisserait l'épouser !
Ge.-era, lacrimas mitte ac potius
quod ad hanc rem opus est porro prospice;
Gé.-Maîtresse, oublie tes larmes et
regarde plutôt vers l'avant ce qu'il convient de faire ;
1 era lacrimas mitte ac potivs qvod ad hanc rem opvs
est hinc Vergilius «
non lacrimis
h.
hoc
t.
tempus
a.
ait
S.
Saturnia
I.
Iuno
172 »; sentit autem non lacrimis agendum ubi consilio est
opus. 2 porro prospice porro in reliquum, deinde uel in
futurum. porro enim
ordinis et temporis aduerbium est, non coniunctio.
1 era lacrimas mitte ac potivs qvod ad hanc rem opvs
est d'où Virgile : « non lacrimis hoc tempus ait Saturnia
Iuno » (ce n'est pas le temps des larmes, dit Junon fille de
Saturne) ; il sent qu'il n'y a que faire des larmes quand il est
besoin de réflexion. 2 porro
prospice porro
c'est pour ce qui reste, ensuite même dans le futur. Car
porro est un adverbe
logique et un adverbe de temps, non une conjonction470.
patiamurne an narremus cuipiam?
Ca.-au au, mi homo, sanusne es?
faut-il souffrir en silence ou bien
le divulguer ? Ca.-Holà, mon gaillard, as-tu toute ta tête ?
1 av mi homo sanvsne es hoc ex persona
nutricis legendum est: illa enim dissimulandam rem
putat. 2 mi pro meus.
1 av mi homo sanvsne es il faut faire dire
cela au personnage de la nourrice : car c'est elle qui est d'avis
qu'il faut dissimuler l'affaire. 2 mi pour meus471.
an hoc proferendum tibi uidetur
usquam? Ge.-mihi quidem non placet.
Crois-tu vraiment qu'il faille
publier n'importe où cette histoire ? Gé.-Non, ça ne me dit rien
qui vaille.
an hoc
proferendvm tibi videtvr
an hoc
proferendvm tibi videtvr
472
iam primum illum alieno animo a nobis
esse res ipsa indicat.
D'abord, que son cœur se soit éloigné
de nous, l'événement même le montre.
nunc si hoc palam proferimus, ille
infitias ibit, sat scio;
Du coup, si nous publions la chose au
grand jour, lui fera du déni, je le sais bien ;
tua fama et gnatae uita in dubium
ueniet. tum si maxime
c'est ta réputation et la vie de ta
fille qui seront en cause. Et puis quand bien même
1 tva fama et gnatae vita tibi enim crimini
erit uitiatam esse filiam, illi uero etiam oberit. 2 Et utrum uitam salutem dicit? 3 in dvbivm in periculum.
1 tva fama et gnatae vita car on te
reprochera que ta fille ait été déshonorée, mais à elle aussi cela
fera tort. 2 Et est-ce que par
uitam il veut dire
salutem (le
bien-être) ? 3 in dvbivm en danger.
fateatur, cum amet aliam, non est
utile hanc illi dari.
il avouerait, dès lors qu'il en aime
une autre, il n'est pas utile que ce soit notre jeune maîtresse
qui lui soit donnée en mariage.
fateatvr "uitiasse filiam". et complexio
est
dipleuros
96 oratoria,
in qua utrum concesseris, contrarium tollis cogiturque quod ex
altera parte sit, hoc est tacere.
fateatvr "qu'il a déshonoré ta fille". Et
c'est un dilemme oratoire (complexio dipleuros)473 dans lequel, quoi qu'on ait concédé, on prend le
contraire et force l'autre option, qui consiste à se taire.
quapropter quoquo pacto tacito est
opus. So.-ah minime gentium!
Aussi, quoi qu'il en soit, il faut se
taire. So.-Ah non ! Pas le moins du monde !
qvapropter qvoqvo pacto tacito est
opvs ah minime gentivm97 congrue
et pro persona et pro muliere et in malis constantem esse
demonstrat.
qvapropter qvoqvo pacto tacito est opvs ah minime
gentivm bien dans le ton et du personnage et d'une femme,
elle montre que même dans le malheur il faut être constant.
non faciam. Ge.-quid ages?
So.-proferam. Ca.-hem! mea Sostrata, uide quam rem agis.
Je n'en ferai rien. Gé.-Que
feras-tu ? So.-Je vais divulguer la chose. Ca.-Hein ? Ma Sostrata,
songe à ce que tu fais.
non faciam non
faciam dixit pro non
tacebo, quasi tacere actionem aliquam habeat. sed
moralis significatio est et communis omnibus, sicut aduocatum
dicimus male fecisse, quia
tacuerit.
non faciam elle dit non faciam au lieu de non tacebo (je ne me tairai pas),
comme si se taire recelait quelque action que ce soit. Mais c'est
un sens moral et commun à tous, comme quand nous disons d'un
avocat qu'il a "mal agi" parce qu'il s'est tu474.
So.-peiore res loco non potest893 esse quam in quo nunc sita est:
So.-La situation ne peut pas être en
plus mauvaise posture qu'elle ne l'est actuellement :
1 peiore res loco non potest esse satis
argute poeta facit inter Getam et Sostratam sententias ex
perturbatione nutare. 2 qvam in qvo nvnc sita
est causa nihil timendi.
1 peiore res loco non potest esse de façon
assez subtile, le poète fait changer Géta et Sostrata d'avis sous
l'effet du trouble. 2 qvam in qvo nvnc
sita est raison pour n'avoir peur de rien.
primum indotata est; tum praeterea,
quae secunda ei dos erat,
d'abord, elle est sans dot ; et puis
en plus, ce qui était pour elle comme une seconde dot,
1 primvm indotata est ratio subiecta est
causae. 2 Et indotatam modo pauperem
dicit. 3 tvm qvae secvnda ei dos
erat uidelicet «
pro uirgine dari nuptum
173 ». 4 Et incerta distinctio est; etenim
erat si98
distinguimus, bis audiendum pro
uirgine dari nuptum.
1 primvm indotata est la raison est mise sous
la cause. 2 Et indotata veut parfois dire
"pauvre". 3 tvm qvae secvnda ei dos
erat évidemment « pro uirgine dari nuptum ». 4 Et la ponctuation n'est pas sûre ; de fait,
si nous ponctuons après erat, il faut entendre deux fois
pro uirgine dari
nuptum.
periit; pro uirgine dari nuptum non
potest. hoc reliquum est:
est perdu : on ne peut plus la donner
à marier pour vierge. Mais il reste ceci :
1 non potest iungemus dari nuptum non potest. 2 pro virgine dari nvptvm id est uirgo, ut
«
nunc plane est pro noua
174 » id est noua99. 3 An100 nec uirgo nec pro uirgine potest nubere? nec
uirgo quia uitiata est, nec pro
uirgine quia diffamata est res.
1 non potest nous accrocherons dari nuptum non potest. 2 pro virgine dari nvptvm c'est-à-dire
vierge, comme dans : « nunc plane est pro noua » (on la donne
aujourd'hui pour neuve), c'est-à-dire neuve475. 3 Ou bien
est-elle empêchée d'épouser parce qu'elle n'est pas vierge ni ne
peut passer pour vierge ? Elle n'est pas vierge puisqu'elle a été
déshonorée, elle ne peut pas passer pour vierge parce que
l'affaire a été ébruitée476.
si infitias ibit, testis est
mecum894 anulus quem amiserat.
s'il fait du déni, j'ai pour témoin
l'anneau qu'il avait perdu.
1 si infitias ibit si negabit. 2 testis est mecvm anvlvs locutio haec
sic capienda est, hoc est "anulus pro me testis est" uel sic
"anulus mecum101 testes sumus"
sed melius quod supra.
1 si infitias ibit s'il vient à
nier. 2 testis est mecvm anvlvs
il faut ainsi comprendre cette expresion, à savoir : "anulus pro
me testis est" (l'anneau est un témoin en ma faveur", ou ainsi
"anulus mecum testes sumus" (l'anneau et moi en sommes témoins).
Mais la première solution est meilleure477.
postremo quando ego conscia sum
mihi895, a me culpam esse hanc procul,
Enfin, du moment que j'ai ma
conscience pour moi sachant que je ne suis pas en faute dans cette
affaire,
postremo qvando ego conscia svm mihi
quando pro quoniam uel quandoquidem.
postremo qvando ego conscia svm mihi
quando vaut quoniam (puisque) ou quandoquidem (dès lors que).
neque pretium neque rem ullam
intercessisse illa aut me indignam, Geta,
qu'aucun avantage n'est intervenu ni
rien qui puisse faire honte à elle ou à moi, Géta,
1 neqve rem vllam hoc est internuntium,
pactum, donum aut promissum. 2 Et bene totum exsecratiue dixit, ut alii
facinore102 abhorreant. 3 illa filia scilicet.
1 neqve rem vllam à savoir un négociateur, un
contrat, un cadeau, une promesse. 2 Et elle fait bien de dire le tout sur un ton de
malédiction, pour détourner autrui de mal agir. 3 illa sa fille implicitement.
j'esterai. Gé.-Que dire à cela ? Je
cède à tes bons arguments. So.-Et toi fais ton possible,
1 experiar "apud iudices agam". 2 qvid istic uerbum est aegre consentientis,
quasi qui dicat: "quid istic resistam?". 3 accedo vt melivs dicas hoc est: "ut
consentiam, ueluti melius potens sis dicere". 4 qvantvm potes deest cito, ut sit "quantum potes cito
abi".
1 experiar "je plaiderai devant les
juges". 2 qvid istic c'est le mot
de quelqu'un qui consent du bout des lèvres, comme quelqu'un qui
dirait : "quid istic resistam ?" (que rétorquer à ça ?). 3 accedo vt melivs dicas c'est-à-dire : "j'en
viens à m'accorder avec toi de la même façon que tu es capable de
t'exprimer au mieux". 4 qvantvm
potes il manque cito (vite), pour faire "quantum
potes cito abi" (va-t'en au plus vite).
abi atque Hegioni cognato huius rem
enarrato omnem ordine;
va chez Hégion le parent de ma fille
et raconte-lui l'affaire comme elle s'est passée ;
1 atqve hegioni apud Menandrum Sostratae
frater inducitur. 2 hvivs filiae
suae scilicet.
1 atqve hegioni chez Ménandre, c'est le frère
de Sostrata qui est mis sur scène. 2 hvivs de sa fille, implicitement.
nam is nostro Simulo fuit summus et
nos coluit maxime.
car il était intime de notre cher
Simulus et il nous a beaucoup choyées.
1 simvlo nomen patris puellae est,
diminutiuum a Simo uel a Simone. et nota nomen in palliata fabula
Latine diminutum. 2 simvlo fvit
svmmvs summus an
ad cognatum an ad amicum refertur? an absolute, ut in Eunucho
«
plurima salute Parmenonem summum suum impertit
Gnatho
175 »? 3 et nos colvit maxime
miserabilius coluit quam
si diceret colit.
Vergilius «
per caput
h.
hoc
i.
iuro
p.
per
q.
quod
p.
pater
a.
ante
s.
solebat
176 ». colere autem
et maioribus et minoribus conuenit, ut
posthabita coluisse Samo
177.
1 simvlo c'est le nom du père de la jeune
fille, diminutif de Simus ou de Simon. Et remarquez que le nom,
dans une palliata, a un diminutif latin478. 2 simvlo fvit svmmvs summus se rapporte-t-il au degré de
parenté ou au degré d'amitié ? ou est-il utilisé tout seul, comme
dans L'Eunuque : « plurima salute Parmenonem summum
suum impertit Gnatho » ? 3 et nos colvit
maxime cela fait plus pitié de mettre coluit au passé que de dire
colit au présent. Ainsi
Virgile : « per caput hoc iuro per quod pater ante solebat » (je
jure par cette tête par laquelle mon père jurait autrefois). Quant
à colere, il convient
autant aux grandes qu'aux petites choses, comme dans « posthabita
coluisse Samo » (elle l'a honorée en la préférant à Samos).
Ge.-nam hercle alius nemo respicit
nos. So.-propera tu, mea Canthara,
Gé.-Oui, ma foi, personne d'autre ne
nous respecte ainsi. So.-Et toi, dépêche-toi, ma chère
Canthara,
1 nos monosyllabo finit exprimens uultuosam
pronuntiationem. 2 tv mea
canthara tristis ac seriae feminae blandimentum est
mea magis quam pronomen
possessiuum. deest enim cara uel quid tale, quod additum
pronomen faceret mea.
1 nos il finit sur un monosyllabe, en usant
d'une prononciation avec des grimaces. 2 tv mea canthara c'est le mot caressant
d'une femme triste et sérieuse que ce mea, plus que ne le serait le pronom
possessif. Car il manque cara (chère) ou quelque chose de ce
genre qui, si on l'ajoutait, ferait de mea un pronom.
curre, obstetricem accerse, ut cum
opus sit ne in mora nobis siet.
cours, va chercher la sage-femme pour
que, quand il le faudra, elle ne nous fasse pas attendre.
1 cvrre mire dictum aniculae curre. 2 vt cvm opvs sit hoc est: "cum adesse
coeperit partus". 3 ne in mora nobis
siet locutio103 qualis supra104.
1 cvrre c'est étrange de dire à une petite
vieille curre. 2 vt cvm opvs sit c'est-à-dire : "quand le
travail d'accouchement aura commencé". 3 ne in mora nobis siet expression du même
genre que plus haut479.
scaena tertia
Demea Syrus
355 | 356 | 357 | 358 | 359 | 360 | 361 | 362 | 363 | 364 | 365 | 366 | 367 | 368 | 369 | 370 | 371 | 372 | 373 | 374 | 375 | 376 | 377 | 378 | 379 | 380 | 381 | 382 | 383 | 384 | 385 | 386 | 387 | 388 | 389 | 390 | 391 | 392 | 393 | 394 | 395 | 396 | 397 | 398 | 399 | 400 | 401 | 402 | 403 | 404 | 405 | 406 | 407 | 408 | 409 | 410 | 411 | 412 | 413 | 414 | 415 | 416 | 417 | 418 | 419 | 420 | 421 | 422 | 423 | 424 | 425 | 426 | 427 | 428 | 429 | 430 | 431 | 432 | 433 | 434 | 435 | 436 | 437 | 438 | 439 | 440 | 441 | 442 | 443 | 444 | 445 | 446
De.-disperii: Ctesiphonem audiui
filium
Dé.-Je suis fichu : je viens
d'apprendre que mon fils Ctésiphon
disperii ctesiphonem avdivi filivm hic
ostenditur, quod seueri homines ac recti et honesti tenaces uel
ridiculi sint uel odio habeantur, quoquo accesserint. magno autem
affectu et quasi exclamans addidit filium, quasi causam redderet, cur
dixerit disperii.
disperii ctesiphonem avdivi filivm la scène
montre que les hommes austères, droits et honorables sont obstinés
ou ridicules ou se font détester, à quelque décision qu'ils soient
arrivés. Et c'est avec beaucoup de passion et presque en poussant
une exclamation qu'il ajoute filium, comme s'il donnait la raison
du fait qu'il ait dit disperii.
una fuisse898 in
raptione cum Aeschino.
a participé au rapt avec Eschine.
vna fvisse in raptione cvm aeschino
οἰκονομία, in
qua ostenditur, quantum commouebitur Demea ipsa re comperta, cum
ex parua rei suspicione tantum se afficiat. raptio autem ad personam refertur,
rapina ad rem, raptus ad stuprum, si proprie uolumus
loqui.
vna fvisse in raptione cvm aeschino
préparation (οἰκονομία) par laquelle on montre quelle
pourra être l'émotion de Déméa quand il aura une connaissance
pleine et entière de l'affaire, dans la mesure où à partir d'un
mince soupçon il en vient à être à ce point affecté. Raptio (rapt) se rapporte à une
personne, rapina (larcin)
à une chose, raptus
(viol) à l'acte de déshonorer, si nous voulons nous exprimer
proprement480.
id misero restat mihi mali, si illum
potest,
il ne manque plus à mon malheur que,
s'il le peut, celui
1 id misero restat bene restat, tamquam iam summum mali sit
Aeschinum esse corruptum. 2 Et misero
mihi quasi qui nihil nesciat nihil curante
Micione. 3 si illvm potest non
dubitat uelle et ideo potest dicit.
1 id misero restat restat est bon, comme si encore le
malheur suprême était qu'Eschine est corrompu. 2 Et il dit misero
mihi en homme qui n'ignore rien, alors que Micion ne
s'occupe de rien. 3 si illvm
potest il ne doute pas de sa volonté, c'est pourquoi il
dit potest.
qui alicui rei est etiam, eum ad
nequitiam899 adducere.
qui valait encore quelque chose,
l'autre ne le pousse à être un vaurien.
1 qvi alicvi rei est recte, de hoc enim supra
dixit «
non fratrem uidet rei dare operam, ruri esse parcum ac
sobrium?
178 ». 2 etiam evm ad neqvitiam
addvcere quasi inuitum dixit non uocare sed adducere. ducimus enim etiam orantes,
adducimus inuitos.
nequitia autem proprie
libidinosa inertia dicta est, quod nihil queat nullique rei apta sit.
unde et nugae quod nihil agant uel a non agendo.
1 qvi alicvi rei est c'est exact, car il a
dit de Ctésiphon ci-dessus « non fratrem uidet rei dare operam,
ruri esse parcum et sobrium ? ». 2 etiam evm ad neqvitiam addvcere comme si
c'était malgré lui, il dit non pas uocare (il l'invite), mais
adducere. De fait, nous
amenons (ducimus)
même des gens qui nous en prient, mais nous poussons (adducimus) les gens malgré eux.
Quant au mot nequitia, au
sens propre d'inertie libidineuse, il s'applique étymologiquement
à un état qui nihil queat
(ne peut rien faire) et n'est apte à rien. De la même façon aussi
on dit nugae
(balivernes), parce que l'on ne fait rien (nihil agant) ou par dérivation de
non agere (ne rien faire)
481.
ubi ego illum quaeram? credo abductum
in ganeum
Où dois-je le chercher ? je suppose
qu'on l'aura emmené dans un bouge
1 vbi ego illvm qvaeram credo abdvctvm non
isse eum dicit sed
abductum esse, ut adhuc
culpa non sit illius. 2 in ganevm
ganeum ueteres tabernam
meretricum dixerunt ἀπὸ
τῆς γαίας, τουτέστι
γῆς, eo
quidem quod ipsa sit in terra, non in cenacula superius. unde et
taberna quasi trabena a ualidioribus dicta
trabibus, quibus superiora
suspensa sunt.
1 vbi ego illvm qvaeram credo abdvctvm il ne
dit pas qu'il y est "allé" (isse) mais qu'il y a été "emmené"
(abductum), de sorte que
ce n'est toujours pas de sa faute. 2 in ganevm ganeum, pour les Anciens, est le nom
d'une taverne à filles qui vient de γαῖα, c'est-à-dire γῆ (terre) (ἀπὸ τῆς γαίας, τουτέστι
γῆς), du fait que cette salle se trouve dans la terre et
non pas dans l'étage du dessus. De là également le mot taberna, pour ainsi dire trabena, tire son nom des poutres
(trabes) solides sur
lesquelles les étages supérieurs sont suspendus482.
aliquo: persuasit ille impurus, sat
scio.
quelque part : l'autre débauché
l'aura persuadé, pour sûr.
1 persvasit ille impvrvs suademus facilia, persuademus difficilia. 2 Et suadere facientis est, persuadere perficientis. 3 impvrvs pro improbo ponitur apud
Terentium. 4 Et hic quoque excusata uoluntas est
Ctesiphonis, cui a maiore fratre et improbo ingesta sit
persuasione nequitia.
1 persvasit ille impvrvs nous conseillons
(suademus) de faire des
choses faciles, mais nous persuadons (persuademus) d'en faire des
difficiles. 2 Et suadere (conseiller) est le propre
de quelqu'un qui fait quelque chose, persuadere le propre de quelqu'un
qui achève quelque chose483. 3 impvrvs
équivaut à improbus
(malhonnête) chez Térence. 4 Et ici
encore est mise hors de cause l'intention de Ctésiphon, chez qui
la mauvaise conduite a été insufflée de façon persuasive par son
malhonnête de frère aîné.
sed eccum Syrum ire uideo: iam hinc
scibo ubi siet.
Mais voilà Syrus que je vois
arriver ; j'en apprendrai bien où se trouve mon fils.
1 sed eccvm syrvm ire video ire et abire et uenire significat. 2 ire video ire pro uenire, ut «
nec uero Aeacidem me sum
l.
laetatus
e.
euntem
a.
accepisse
179 »105.
1 sed eccvm syrvm ire video ire signifie à la fois "s'en aller"
(abire) et "venir"
(uenire). 2 ire video ire est mis pour uenire (venir), comme dans « nec
uero Aeacidem me sum laetatus euntem accepisse » (je ne me suis
pas réjoui d'avoir accueilli le fils d'Eaque484).
atque hercle hic de grege illo est:
si me senserit
Mais ma foi, il est de leur bande ;
si jamais il sent que je
1 atqve hercle hic de grege illo est ἐπανάλημψις
figura. 2 de grege illo est
ordo uel bonorum uel
malorum dicitur et grauium, ut equester ordo, senatorius ordo; grex uel bonorum uel malorum et
leuium est, ut Cicero «
in his bonis gregibus omnes aleatores, omnes impuri
impudicique uersantur
180 ».