Aelii Donati in Eunuchum Terenti commentum
Praefatio
1 Haec
masculini generis nomine nuncupata est Eunuchus fabula et est
palliata Menandri uetus, quam ille auctor de facto adulescentis, qui
se pro eunucho deduci ad meretricem passus est, nominauit. 2 Itaque ex magna parte motoria est. 3 Atque in hac comoedia qui personam Parmenonis
actor sustinet primas habet partes, secundae sunt Chaereae, tertiae
ad Phaedriam spectant. 4 Huius
prologus sane est concitatior, nam et obicit crimina aduersantibus
et comminatur in posterum et accusatorie narrat iniuriam Terentio
factam et ad ultimum tumultuose et cum magna inuidia defendit
poetam. haec et πρότασιν et ἐπίτασιν et καταστροφήν ita aequales habet, ut nusquam
dicas longitudine operis Terentium delassatum dormitasse. 5 Actus sane implicatiores sunt in ea et qui non
facile a parum doctis distingui possint, ideo quia tenendi
spectatoris causa uult poeta noster omnes quinque actus uelut unum
fieri, ne respiret quodammodo atque, distincta alicubi continuatione
succedentium rerum, ante aulaea sublata fastidiosus spectator
exsurgat. 6 Acta plane est ludis
Megalensibus
L.
Lucio
Postumio
L.
Lucio
Cornelio aedilibus curulibus, agentibus etiam tunc
personatis
L.
Lucio
Minucio Prothymo
L.
Lucio
Ambiuio Turpione, item modulante Flacco Claudi tibiis
dextra et sinistra ob iocularia multa permixta grauitati.
7
1 et acta est tanto successu, plausu atque
suffragio, ut rursus esset uendita et ageretur iterum pro noua
proque ea pretium, quod nulli ante ipsam fabulae contigit, octo
milibus sestertium, numerarent poetae. 8 Deuerbia in illa crebro pronuntiata et cantica saepe
mutatis modis exhibita sunt. 9 Προτατικὸν
πρόσωπον nusquam habet, sed suis tantum personis
utitur. 10 In hac Terentius delectat
facetiis, prodest exemplis et uitia hominum paulo mordacius quam in
ceteris carpit. exempla autem hic morum trina praecipua proponuntur:
urbani moris, parasitici, militaris. 11 Haec edita tertium est et pronuntiata Terenti
Eunuchus quippe iam adulta commendatione poetae ac meritis ingenii
notioribus populo. 12 Facta autem ex
duabus Graecis una est Latina, nam ex Eunucho et Colace Menandri
fabulis haec Eunuchus Terentiana scripta est, non sine crimine, quod
multa in hanc translata sint ex multis poetis Latinis: quod totum
per prologum purgat atque defendit.
1 Cette
pièce a reçu le titre, au masculin, d'Eunuque ; c'est
une ancienne palliata de Ménandre que cet auteur a intitulée d'après
un fait98 qui
concerne un jeune homme qui a accepté de se faire amener en qualité
d'eunuque auprès d'une courtisane. 2 C'est pourquoi la pièce est pour une grande part du
type mouvementé99. 3 Et, dans cette comédie, l'acteur qui joue
Parménon a le premier rôle, le deuxième rôle est joué par Chéréa, le
troisième concerne Phédria. 4 Le
prologue de cette pièce est vraiment particulièrement animé ; de
fait, d'un côté il fait des reproches à ses adversaires, d'un autre
il les menace pour la suite ; c'est dans le style de l'accusation
qu'il raconte l'injustice faite à Térence et, vers la fin, prend la
défense du poète vivement et avec une grande agressivité. La pièce
montre dans la protase, l'épitase et la catastrophe100 une si grande égalité que l'on pourrait dire que
nulle part Térence, malgré la longueur de l'oeuvre, n'a éprouvé de
fatigue ou s'est endormi101. 5 Les actes y sont
particulièrement imbriqués et difficiles à séparer si l'on n'est pas
tant soit peu spécialiste, parce que, pour tenir en haleine le
spectateur, notre poète veut que les cinq actes n'en fassent pour
ainsi dire qu'un, afin qu'il n'ait pas le temps de respirer et que,
devant un enchaînement d'événements qui se succèdent avec de rares
pauses ici ou là, le spectateur fatigué ne quitte pas le théâtre
avant le lever de rideau102. 6 Elle fut jouée dans son intégralité aux Jeux
Mégalésiens, quand Lucius Postumius et Lucius Cornelius étaient
édiles curules ; les acteurs, encore masqués à l'époque103,
étaient Lucius Minucius Prothymus104 et Lucius
Ambivius Turpion, avec une musique de Flaccus, affranchi de
Claudius, sur une flûte à deux tuyaux droit et gauche, à cause du
mélange fréquent de ton plaisant et de ton grave. 7 Et elle fut jouée avec un tel succès, de tels
applaudissements, de tels suffrages, qu'elle fut revendue et rejouée
une deuxième fois comme une pièce inédite et valut au poète le prix,
qu'aucune pièce n'avait atteint avant elle, de 8 000
sesterces. 8 Des extraits des
dialogues de cette pièce furent fréquemment donnés105 et des cantica furent souvent
réinterprétés et repris. 9 On n'y
trouve nulle part de personnage protatique, mais Térence n'utilise
que ses propres personnages. 9 Térence
nous y délecte de plaisanteries, prodigue d'utiles préceptes, et
croque les vices humains de façon plus mordante que dans les autres
pièces. 10 Y sont proposés
principalement trois types de caractères : le citadin, le parasite,
le soldat. 11 Elle fut donnée la
troisième106 et
annoncée sous la forme “ Térence: L'Eunuque” du fait
d'une plus grande reconnaissance du poète par le public et d'une
meilleure notoriété de son génie107. 12 Mais la pièce unique en latin a été composée à
partir de deux modèles grecs, puisque c'est à partir de
L'Eunuque et du Flatteur de Ménandre que Térence a
écrit L'Eunuque, non sans avoir encouru le reproche
d'avoir emprunté de nombreux autres passages à de nombreux poètes
latins, grief dont pendant tout le prologue il se justifie et se
défend.
Rapta quaedam ex Attica uirgo nobilis
atque aduecta est Rhodum ibique matri Thaidis meretricis ab amico
dono data est et educta uelut soror cum filia est Thaide. sed Thais
relicta matre Rhodo cum amatore quodam Athenas se contulit ab eoque
heres instituta mortuo mox a milite Thrasone diligebatur nimis. qui
cum matrem Athenis profectus Thaidis mortuam Rhodi et supradictam
uirginem ab heredibus mortuae animaduertisset ueno esse propositam,
quamuis ignarus rerum omnium emit tamen et dono amicae suae uexit
Thaidi. uerum postquam adueniens riualem Phaedriam apud amicam
repperit, quem per eius absentiam sibi meretrix conciliauerat,
affirmauit se non ante daturum promissam uirginem, quam Thais foras
aemulum pepulisset. illa igitur etsi amabat Phaedriam, cupiditate
tamen recuperandae uirginis et ciuis Atticae et quam a paruula ut
sororem dilexerat, exclusit Phaedriam. hinc ille primo irascitur,
post accepta facti ratione a Thaide lenitur et in bidui spatium
sponte concedens militi rus proficiscitur statim ac, ne uel
muneribus ab aemulo superaretur milite, ipse quoque eunuchum et
puellam Parmenoni iubet abiens ad amicam deducere. uerum Chaerea
frater Phaedriae tunc ephebus uisa in uia uirgine inflammatus amore
eius ad hoc euasit ardore uehementi, ut pro eunucho ipse deduceretur
ad Thaidem. hac occasione uitiata uirgo et mox ciuis et nobilis
cognita datur uxor Chaereae; Phaedria et miles ex riualibus
concordes per parasitum redditi communi amica sine certamine
potiuntur.
1 Une
jeune fille noble a été enlevée et transportée d'Attique à Rhodes ;
là elle est offerte en cadeau par un ami à la mère de Thaïs la
courtisane ; cette mère l'élève avec sa fille Thaïs comme si elles
étaient sœurs. Mais Thaïs, ayant laissé sa mère à Rhodes, s'est
rendue à Athènes avec un amoureux et, après la mort de cet homme qui
avait fait d'elle son héritière, le soldat Thrason lui faisait une
cour très assidue. Ce dernier, après avoir quitté Athènes, apprit
que la mère de Thaïs était morte à Rhodes et que la jeune fille dont
j'ai parlé au début avait été mise en vente par les héritiers de la
morte ; sans savoir les tenants et les aboutissants, il se porta
néanmoins acquéreur de la jeune fille et la ramena pour en faire
cadeau à son amie Thaïs. Mais là, à son arrivée, trouvant auprès de
son amie un rival, Phédria, dont la courtisane, pendant son absence,
s'était attiré les bonnes grâces, il affirme qu'il ne lui donnera la
jeune fille promise que lorsque Thaïs aura mis à la porte son rival.
Thaïs donc, malgré son amour pour Phédria, mue par son désir de
récupérer la jeune fille, qui plus est citoyenne d'Athènes, et que,
depuis son jeune âge, elle avait aimée comme une sœur, chasse
Phédria. Celui-ci d'abord en conçoit du courroux ; mais ensuite, mis
au courant des raisons, il se laisse fléchir par Thaïs et, laissant
la place de son propre chef au soldat pour deux jours, il part
aussitôt à la campagne et, pour éviter d'être surpassé en cadeaux
par le soldat son rival, il ordonne à Parménon, au moment de partir,
d'amener à son amie un eunuque et une fillette. Mais Chéréa, frère
de Phédria et encore éphèbe, après avoir vu la jeune fille sur la
route et en être tombé éperdument amoureux, en vient, en proie à une
passion violente, à se faire passer pour l'eunuque pour être conduit
auprès de Thaïs. A cette occasion, la jeune fille, après avoir été
déshonorée, est bientôt reconnue citoyenne et noble et est donnée en
mariage à Chéréa ; quant à Phédria et au soldat, de rivaux qu'ils
étaient ils deviennent associés, grâce à l'entremise d'un parasite,
et partagent conjointement leur maîtresse sans se battre.
1 In
primo actu Phaedria exclusus a Thaide et secum primo et mox cum
Parmenone conqueritur fortunas suas et ad postremum coram accusat
Thaidem; permulcetur ab eadem et uoluntate digrediens rus sese
concessurum in spatium bidui esse promittit. 2 Secundus actus profectionem Phaedriae continet
delegantis seruo deductionem eunuchi et puellae ad Thaidem, tum
parasitum loquentem, per quem uirgo a milite dono amicae missa est,
tum interuentum Chaereae amantis uirginem eiusdemque cum Parmenone
consilium de ea potiunda per fallaciam, quia pro eunucho ipse
supponitur Thaidi. 3 Tertius actus
characterem exprimit militis et parasiti per ridiculum colloquium,
tum inuitationem ad cenam Thaidis, tum oblationem uelut eunuchi
Chaereae et puellae ex Aethiopia per Parmenonem factam, tum uerba
Chremetis ad Thaidem uenientis perductique ad militem2, Antiphonis Chaeraeque colloquium de uitiata per
dolum uirgine. 4 In quarto actu Dorias
nuntiat iurgium inter militem et Thaidem; 3 reditum ex
uilla Phaedriae, querelam Pythiae de uitiata uirgine apud Phaedriam
et eiusdem stupentis quod audiebat, errorem ebrii Chremetis, uerba
petulantia Thaidis aduersum militem et militis aduersus Thaidem
parata proelia ridiculeque deposita. 5 Quintus actus haec continet: querelam Thaidis de
uitiata uirgine primo cum Pythia, post cum ipso Chaerea; tum
interuentum Chremetis atque nutricis, tum perturbationem Parmenonis
per dolum Pythiae atque eius indicio per senem, qui rure tunc
aduenerat, confirmatas nuptias et ad ultimum reditum in gratiam
militis cum Phaedria et Chaerea.
1 Dans
l'Acte I, Phédria, chassé par Thaïs, s'apitoie d'abord sur lui-même,
après se plaint à Parménon de son sort et enfin accuse ouvertement
Thaïs ; il se fait amadouer par ladite Thaïs et, partant
volontairement à la campagne, il promet de laisser la place pour
deux jours. 2 L'Acte II contient le
départ de Phédria qui confie à son esclave le soin d'amener à Thaïs
un eunuque et une fille, puis le discours du parasite par qui la
jeune sœur est envoyée en cadeau de la part du soldat, puis
l'intervention de Chéréa, qui est amoureux de la jeune fille, et le
plan du même parasite, aidé de Parménon, pour la posséder par ruse,
puisque c'est Chéréa lui-même qu'on amène à Thaïs à la place de l'
eunuque. 3 L'Acte III révèle les
caractères du soldat et du parasite à travers une conversation
comique, puis l'invitation à dîner de Thaïs, puis le cadeau du faux
eunuque et de la petite Ethiopienne par Parménon, puis les paroles
de Chrémès qui venait voir Thaïs et qui est amené au soldat, puis la
conversation entre Antiphon et Chéréa au sujet de la jeune fille
qu'un stratagème a permis de déshonorer. 4 Dans l'Acte IV, Dorias fait le récit de la dispute
entre le soldat et Thaïs,... le retour de la campagne de Phédria, la
plainte de Pythias auprès de Phédria au sujet de la jeune fille qui
a été déshonorée puis celle de ce dernier stupéfait de cette
nouvelle, puis l'erreur de Chrémès ivre, les paroles injurieuses de
Thaïs à l'endroit du soldat et du soldat à l'endroit de Thaïs, dans
un affrontement qui manque de tourner au pugilat mais qui tourne
court par un procédé comique. 5 L'Acte
V contient les événements suivants : plainte de Thaïs sur le viol de
la jeune fille, d'abord à Pythias puis à Chéréa lui-même, puis
intervention de Chrémès et de la nourrice, puis trouble de Parménon,
suite au stratagème de Pythias, puis, après l'aveu de Parménon,
confirmation par le vieux père, qui venait de rentrer de la
campagne, du mariage et enfin réconciliation du soldat avec Phédria
et Chéréa.
Prologus
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 | 43 | 44 | 45
Si quisquam est qui placere studeat
bonis
S'il est quelqu'un qui s'efforce de
plaire aux honnêtes gens
1 si qvisqvam est
qvi placere stvdeat bonis attendenda poetae copia, quod in
tot prologis de eadem causa isdem fere sententiis uariis uerbis
utitur. 2 bonis qvam plvrimis et minime mvltos laedere
ἀντίθετον
πρῶτον.
1 si qvisquam est
qvi placere stvdeat bonis108 il faut remarquer l'abondance du poète
parce que, dans de si nombreux prologues qui évoquent le même
sujet avec pratiquement les mêmes opinions, il arrive à varier le
choix des mots109. 2 bonis qvam plvrimis et minime mvltos
laedere première antithèse (ἀντίθετον πρῶτον).
quam plurimis et minime multos
laedere,
en plus grand nombre possible, et d'en
choquer le moins possible,
in is poeta hic nomen profitetur
suum.
c'est dans ce nombre que le poète
inscrit son nom.
in
his poeta hic nomen profitetvr svvm cum dixisset
quisquam,
intulit in
his. et alibi «
cuius mos maxime est consimilis uestrum,
hi se ad uos applicant
1 ».
in
his poeta hic nomen profitetvr svvm après avoir écrit un
singulier quisquam (quelqu'un), il met un pluriel
in his
(parmi eux) ; il le fait ailleurs aussi : « cuius mos maxime est
consimilis uestrum, hi se ad uos applicant ».
tum si quis est qui dictum in se
inclementius
Maintenant s'il y a un homme qui pense
qu'en termes un peu rudes
1 tvm si qvis
est bene si
quis, cum Luscium Lanuuinum significet, ne uel ipsum a
se laesum esse fateretur. 2 Et tvm praeterea, ut «
tum canit Hesperidum
2 ». 3 inclementivs pro inclementer, ut
«
iam senior, sed cruda deo uiridisque
senectus
3 ».
1 tvm si qvis
est il fait bien de dire si quis, alors qu'il désigne Luscius
Lanuvinus, pour éviter d'avouer que c'est lui personnellement
qu'il a offensé. 2 Et tvm signifie praeterea (en outre),
comme chez Virgile : « Tum canit Hesperidum… » (puis il chante la
jeune fille admirant les pommes des Hespérides). 3 inclementivs comparatif pour le positif
inclementer, comme chez Virgile : « iam
senior, sed cruda deo uiridisque senectus » (il est vieux mais
comme il sied à un dieu d'une vieillesse pleine de sang et de
verdeur).
existimauit esse, sic existumet
on a parlé de lui, qu'il se dise
bien
existimavit pro existimarit 4.
existimavit mis pour le subjonctif parfait
existimarit.
responsum, non dictum esse, quia
laesit prior.
que c'est une riposte, non une
attaque, puisqu'il a blessé le premier.
1 responsvm non
dictvm esse deest ei, ut in Phormione «
si quis quid reddit, magna habenda est
gratia
4 ». 2 non dictvm esse superius «
dictum
5 » participium est5, inferius nomen, a quo etiam dicaces
dicuntur, qui malignis iocosis salibus maledicunt. 3 responsvm non
dictvm esse figura πλοκή, nam dictum bis numero positum supra nomen
significat, infra participium, ut in Heautontimorumeno «
in quem quiduis harum rerum conuenit,
quae sunt dicta in stultum
6 ».
1responsvm non dictvm esse il manque
ei (pour
lui), comme dans le Phormion : « siquis quid reddit
magna habendast gratia ». 2 non dictvm esse plus haut
« dictum » est un participe, plus bas c'est un nom, d'où dérive
l'adjectif dicax (mordant) qui désigne ceux qui
disent du mal des méchants dans des plaisanteries pleines de
piquant. 3 responsvm non dictvm esse c'est la figure
dite πλοκή
(répétition) car dictum utilisé deux fois désigne un nom
la première fois, un participe la seconde, comme dans
L'Héautontimorouménos: in quem quiduis harum rerum
conuenit quae sunt dicta in stultum110 (à moi convient tout ce qui dans ce domaine se
dit à l'égard d'un sot111).
qui bene uertendo et easdem scribendo
male
C'est lui qui, par une traduction
exacte, mais mal écrite,
1 qvi bene
vertendo bene pro ualde. 2 Et vertendo in Latinam linguam transferendo, ut
«
Plautus uertit barbare
7 ». 3 Aut vertendo corrumpendo.
1 qvi bene
vertendo bene est mis pour valde
(vigoureusement). 2 Et vertendo veut dire ici en
traduisant en latin, comme dans Plaute « Plautus uortit barbare »
(Plaute a traduit en latin). 3 Ou
alors vertendo veut dire
ici corrumpendo (en abîmant)112.
ex Graecis bonis Latinas fecit non
bonas,
a fait, à partir de bonnes pièces
grecques, de mauvaises pièces latines.
idem Menandri Phasma nunc nuper
dedit,
Il vient aussi de donner le Fantôme de
Ménandre,
1 idem menandri
ΦΑΣΜΑ
6 nvnc
nvper dedit τὸ
αὐτὸ7 apparet
pronuntiatum, quasi hoc ipso admonuerit spectatorem, quam turpiter
et imperite haec fabula scripta sit. 2 Et bene nvnc nvper , ut ex uicinitate facti ostendat
nihil esse dicendum, quam displicuerit haec comoedia Luscii
Lanuuini, propterea quod res recens sit et omnes
meminerint. 3 phasma autem nomen fabulae Menandri est, in qua
nouerca superducta adulescenti uirginem, quam ex uicino quodam
conceperat, furtim eductam, cum haberet in latebris apud uicinum
proximum, hoc modo secum habebat assidue nullo conscio: parietem,
qui medius inter domum mariti ac uicini fuerat, ita perfodit, ut
ipso transitu sacrum locum esse simularet eumque transitum
intenderet sertis ac fronde felici rem diuinam saepe faciens et
uocaret ad se uirginem. quod cum animaduertisset adulescens, primo
aspectu pulchrae uirginis uelut numinis uisu perculsus exhorruit,
unde fabulae
Phasma nomen est; deinde paulatim re cognita exarsit in
amorem puellae ita, ut remedium tantae cupiditatis nisi ex nuptiis
non reperiretur. itaque ex commodo matris ac uirginis et ex uoto
amatoris consensuque patris nuptiarum celebritate finem accipit
fabula. 4 Vtrum ergo hoc dicat, quod
totam fabulam transferendo laeserit Luscius Lanuuinus, an non hoc,
de quo tantum reprehendat, sed his signis uelit ostendere, quem
dicat uitiose Thesaurum composuisse, ut in Thesauro sit culpa, non
in Phasmate? 5 nvnc nvper nuper ex illis uerbis est, quae ueteres
propter ambiguitatem cum adiectione proferebant; nam nisi adderet
nunc, hoc
nuper
olim,
pridem
etiam significasset. 6 idem menandri phasma nvnc nvper
dedit hanc fabulam totam damnat, ut apparet, silentio;
Thesaurum uero non totum, sed ex uno loco.
1 idem menandri
ΦΑΣΜΑ nvnc nvper
dedit il est clair que le mot Phasma (τὸ αὐτό)113 est
prononcé de manière à faire comprendre au spectateur combien le
style de cette pièce est mauvais et fautif. 2 Et nvnc
nvper est bon pour montrer qu'en raison de la proximité de
l'événement il n'y a rien à ajouter pour dire combien la comédie
de Luscius Lanuvinus a déplu, puisque la chose est récente et que
tout le monde s'en souvient. 3 Le
Fantôme (Phasma ) est le
nom de la pièce de Ménandre dans laquelle une marâtre, entrée dans
la famille d'un jeune homme, avait une fille qu'elle avait conçue
d'un voisin et éduquée en cachette, et qu'elle côtoyait souvent de
cette façon sans que personne le sache : elle avait fait percer le
mur qui séparait la maison de son mari de celle du voisin, en
faisant croire que le passage menait à un lieu sacré et elle
ornait le passage de guirlandes et d'un épais feuillage en faisant
de fréquents sacrifices et elle faisait venir à elle la jeune
fille. Comme le jeune homme avait remarqué ce manège, la première
fois qu'il vit la jolie jeune fille, il fut frappé comme à la vue
d'une déesse et fut terrifié, d'où le nom de Fantôme qu'a pris la
pièce ; puis, ayant petit à petit appris la vérité, il s'enflamma
d'amour pour la jeune fille sans trouver d'autre solution à une
telle passion que le mariage. Et c'est donc avec l'arrangement de
la marâtre et de la jeune fille, avec la volonté expresse du jeune
amoureux et avec l'assentiment paternel que la pièce se termine
par la célébration du mariage114. 4 Veut-il donc dire que c'est en traduisant
l'intégralité de la pièce que Luscius Lanuvinus lui a causé du
tort ? N'est-ce pas plutôt ceci seulement qu'il lui reproche, tout
en voulant faire comprendre par ces signes qui il désigne comme le
mauvais auteur du Trésor, à savoir que c'est dans
Le Trésor qu'il y a une faute, non dans Le
Fantôme ? 5 nvnc nvper dedit nuper (récemment) fait
partie de ces mots que les Anciens, pour éviter l'ambiguïté,
accompagnaient d'un autre mot; car s'il n' ajoutait pas nunc (maintenant),
nuper
pourrait tout aussi bien signifier olim (un jour) ou pridem
(autrefois). 6 idem menandri phasma nvnc nvper dedit il
condamne la pièce en bloc, à ce qu'il semble, par son silence; Le
Trésor en revanche, il la condamne non en bloc mais pour un
passage précis115 .
atque in Thesauro scripsit causam
dicere
et dans Le Trésor, il a écrit que
celui qui plaide
1 atqve in
thesavro scripsit cavsam dicere thesaurum Latini
ueteres secundum Graecos sine N littera proferebant. 2 atqve in
thesavro scripsit cavsam dicere arguit Terentius, quod
Luscius Lanuuinus contra consuetudinem litigantium defensionem
ante accusationem induxerit. huiusmodi enim est Luscii argumentum:
adulescens, qui rem familiarem ad nequitiam prodegerat, seruulum
mittit ad patris monumentum, quod senex sibi uiuus magnis opibus
apparauerat, ut id aperiret illaturus epulas, quas pater post
annum decimum cauerat inferri sibi. sed eum agrum, in quo
monumentum erat, senex quidam auarus ab adulescente emerat. seruus
ad aperiendum monumentum auxilio usus senis, thesaurum cum
epistula ibidem repperit. senex thesaurum tamquam a se per
tumultum hostilem illic defossum retinet et sibi uindicat.
adulescens iudicem capit, apud quem prior senex, qui aurum
retinet, causam suam sic agit «
Atheniense bellum, cum Rhodiensibus |
quod fuerit, quid ego hic praedicem, quod tu scias?
8 » etc. quae contra naturam iurisque consuetudinem posita
argumenta notat Terentius, quod ille ordo potior erat, ut
adulescens prior proponeret causam, qui petitor inducitur.
1 atqve in
thesavro scripsit cavsam dicere les Anciens, suivant en
cela les Grecs, prononçaient thesaurus sans N116. 2 atqve in
thesavro scripsit cavsam dicere Térence fait grief à
Luscius Lanuvinus de ce que, contre l'usage judiciaire, il a mis
la plaidoirie avant le réquisitoire. Car voici l'argument de la
pièce de Luscius Lanuvinus : un jeune homme, qui avait gaspillé le
patrimoine familial en débauches diverses, envoie un jeune esclave
au caveau de son père, caveau que le vieillard s'était fait
construire de son vivant à grands frais, pour qu'il l'ouvre et
apporte le festin que le père avait veillé à ce qu'on lui apportât
dix ans après 117. Mais le champ où se trouvait le caveau avait
été acheté au jeune homme par un vieillard cupide. L'esclave
demande de l'aide au vieillard pour ouvrir le caveau et là, trouve
un trésor avec une lettre. Le vieillard garde le trésor au motif
qu'il l'a enterré lui-même là-bas à la faveur d'une situation de
guerre118 et le revendique pour sien. Le jeune homme va voir
un juge auprès duquel le vieillard, qui garde l'or, plaide le
premier sa cause de cette façon : « la guerre qui a opposé Athènes
à Rhodes, pourquoi devrais-je en faire étalage ici, puisque tu la
connais ? » etc. C'est contre la nature et l'usage juridique que
les arguments sont mis, comme le note Térence, parce que l'ordre
préférentiel était de faire plaider d'abord le jeune homme, qui se
présente comme demandeur119.
prius unde petitur aurum qua re sit
suum,
en premier est celui à qui on réclame
l'or, pour dire pourquoi c'est le sien,
1 privs vnde
petitvr avrvm unde a quo, ut Vergilius «
genus unde Latinum
9 ». 2 Nam possessorem fecit
priorem agere quam petitorem, quod abhorret a consuetudine et
iuris et litium.
1 privs vnde
petitvr avrvm unde est mis pour a quo (de qui), comme
chez Virgile : « genus unde Latinum » (de qui vient la race
latine). 2 Car il a fait plaider le
propriétaire avant le demandeur, ce qui va à l'encontre des usages
et juridiques et judiciaires.
quam310
qui petit, unde is sit thensaurus sibi
avant celui qui le réclame pour
expliquer comment le trésor est à lui
1 qvam
ille deest dicat. 2 qvi
petit ἀντὶ
τοῦ petitor. 3 qvam ille qvi
petit esset recta locutio, si diceret
quam petitor
em
aut quam
illum qui petit, sed quam ille maluit, ut subaudiamus
causam
dicat per ζεῦγμα a superiore figuratum.
1 qvam
ille 120 il manque
dicat. 2 qvi
petit à la place de petitor (le demandeur). 3 qvam ille qvi
petit l'expression serait correcte s'il disait quam petitorem ou quam illum qui petit à
l'accusatif, mais il a préféré quam ille qui petit en sous-entendant
causam
dicat, par un zeugme modelé sur ce qui précède.
aut unde in patrium monumentum
peruenerit.
et comment il s'est retrouvé dans le
tombeau de son père.
dehinc ne frustretur ipse se aut sic
cogitet
Et maintenant qu'il ne s'abuse pas et
n'aille pas se dire :
1 dehinc
si loquatur. 2 ne frvstretvr ipse se παρὰ προσδοκίαν dicitur,
sed ἠθικῶς
addidit. 3 avt sic cogitet si taceat.
1 dehinc
au cas où il parle. 2 ne frvstretvr ipse se
expression qui vient contre toute attente (παρὰ προσδοκίαν) mais
qu'il ajoute pour accentuer le trait de caractère (ἠθικῶς). 3 avt sic
cogitet au cas où il se taise.
« defunctus iam sum nihil311 est quod dicat mihi »:
« Désormais me voilà quitte, il n'a
plus rien à me reprocher ».
1 defvnctvs iam
svm id est: omni labore liberatus sum, auctoritate iam
confirmata et inuiolabili. 2 defvnctvs iam svm id est: iam
egi fabulas meas, aut: iam destiti periclitari in edendis
comoediis, aut certe: iam edidi quam tu reprehendis
fabulam. 3 defvnctvs iam svm σχῆμα διανοίας ∙ ἠθοποιΐα. 4 nihil est qvod
dicat mihi non sit, inquit, de suis uitiis securus propter
uetustatem: nihilominus a me reprehendetur.
1 defvnctvs iam
svm c'est-à-dire "je suis libéré de tout souci", "mon
autorité est renforcée et inviolable". 2 defvnctvs iam
svm c'est-à-dire "j'ai désormais fini mes pièces" ou bien
"j'ai désormais cessé de prendre des risques en faisant paraître
des comédies" ou sûrement "j'ai déjà fait paraître la comédie que
tu blâmes". 3 defvnctvs iam svm figure de pensée (σχῆμα διανοίας) : éthopée
(ἠθοποιΐα). 4 nihil est qvod
dicat mihi il ne devrait pas, veut dire Térence, avoir un
sentiment d'impunité de ses fautes en raison de son grand âge : il
n'en sera pas moins l'objet de reproches de ma part.
is ne erret moneo, et desinat
lacessere.
Qu'il ne s'y trompe pas, je l'en
avertis, et qu'il cesse son harcèlement.
is
ne erret moneo σχῆμα ἐπιεικείας.
is
ne erret moneo figure de modération121
(σχῆμα
ἐπιεικείας).
habeo alia multa quae nunc
condonabitur,
J'en ai bien d'autres, dont je lui
ferai grâce pour l'instant,
habeo alia mvlta qvae nvnc condonabitvr sic
in Phormione «
argentum quod habes condonamus te
10 ». nam dono ablatiuo casui iungebant ueteres,
condono
accusatiuo.
habeo alia mvlta qvae nvnc condonabitvr il
dit de même dans le Phormion : « argentum quod habes
condonamus te »122. De fait les Anciens construisaient dono avec l'ablatif et
condono
avec l'accusatif.
quae proferentur post si perget
laedere
mais qui sortiront plus tard, s'il
continue à me blesser
ita ut facere instituit. quam nunc
acturi sumus
comme il a décidé de le faire. La
pièce que nous allons jouer,
ita vt facere
institvit
8.
ita
vt facere institvit .
Menandri Eunuchum, postquam aediles
emerunt,
L'Eunuque de Ménandre,
ayant été achetée par les édiles,
postqvam aediles emervnt mire, cum ordo
melior uideretur, si sic diceret postquam aediles emerunt quam nunc acturi sumus,
perfecit ut inspiciundi esset copia. emerunt autem mediam
corripe, ut «
matri longa decem tulerunt fastidia
menses
11 ».
postqvam aediles emervnt étonnant, puisque
l'ordre meilleur semble être postquam aediles emerunt quam nunc acturi sumus,
perfecit ut inspiciundi esset copia (après que les
édiles eurent acheté la pièce que nous allons jouer, il réussit à
avoir la possibilité de la voir). emerunt il faut abréger la syllabe
centrale, comme chez Virgile « matri longa decem tulerunt fastidia
menses » (dix mois apportèrent à ta mère de longs ennuis123).
perfecit sibi ut inspiciundi esset
copia.
il a si bien fait qu'il a obtenu la
faveur de l'examiner.
perfecit mire, quasi difficile et
illicitum.
perfecit remarquable, comme si cela avait
été difficile et illicite.
magistratus quom ibi adesset occepta
est agi.
Comme le magistrat était arrivé, on a
commencé à jouer.
exclamat furem, non poetam
fabulam
Il s'écrie au voleur, que ce n'est
pas un poète qui donne
1 exclamat fvrem
non poetam obliqua narratio facta est secundum casum
accusatiuum9. 2 exclamat fvrem non poetam mire
reprehendit ante uitium, quam de causa maledicti dicat. 3 exclamat
fvrem non poetam adhuc nulla reprehensio, siquidem licet
transferre de Graeco in Latinum.
1 exclamat fvrem
non poetam discours indirect en raison de l'accusatif124. 2 exclamat fvrem non poetam
étonnamment, il blâme le défaut avant de dire la raison de
l'insulte. 3 exclamat fvrem non poetam il n'y a encore
nul blâme, dès lors qu'on a le droit de traduire du grec en
latin.
une pièce, mais il n'a pas donné le
change.
1 et nihil dedisse
verborvm tamen aut neminem fefellisse aut nihil apposuisse
de suo. 2 et nihil dedisse verborvm tamen dare uerba decipere
est eum, qui cum rem exspectet, nihil inueniet praeter uerba. et
alibi «
uerba istaec sunt
12 » et de contrario «
rem10 cum uideas, censeas
13 ». 3 An aliter: nihil
addidisse de stilo suo Terentium?
1 et nihil dedisse
verborvm tamen ou cela signifie qu'il n'a trompé personne
ou qu'il n'a rien écrit de son fonds. 2 et nihil dedisse
verborvm tamen dare uerba (payer de paroles) signifie
tromper celui qui, alors qu'il s'attend à quelque chose de réel,
ne trouvera que des paroles. De même ailleurs, « uerba istaec
sunt » et pour le contraire « rem cum uideas censeas » (à voir la
chose pour de vrai, on se rend compte125). 3 Ou est-ce cette autre interprétation : Térence n'a
rien ajouté de sa propre main ?
Colacem esse Naeui, et Plauti ueterem
fabulam;
Il existe, dit-il, un
Flatteur de Naevius et de Plaute, une vieille
pièce ;
parasiti personam inde ablatam et
militis.
c'est là qu'il a pris le personnage
du parasite et celui du soldat.
parasiti personam inde ablatam et hoc mire
non uersus obicit sed personam esse translatam. quid stultius aut
calumniosius dici potest?
parasiti personam inde ablatam là encore
c'est étonnant : le reproche porte non sur les vers, mais sur la
transposition d'un rôle. Que peut-on dire de plus sot ou de plus
calomnieux ?
si id est peccatum, peccatum
imprudentia est
S'il y a péché en cela, c'est péché
par ignorance
1 peccatvm
imprvdentia id est ignorantia, ut «
imprudens harum rerum
14 »; non enim stultitia. 2 si id est
peccatvm peccatvm imprvdentia est poetae primo negat
peccatum,
dehinc concedit et purgat. 3 imprvdentia
e.
est
ignorantiam, non imperitiam
<significat>. 4 si id est peccatvm peccatvm
πλοκή, nam
superius peccatum nomen est, sequens
participium. 5 Et primo negat
peccatum, deinde si peccatum est, purgat id ipsum ueniali
qualitate ab imprudentiae partibus.
1 peccatvm
imprvdentia c'est-à-dire par ignorance, comme plus bas
« imprudens harum rerum » ; car il ne s'agit pas de
sottise. 2 si id est peccatvm peccatvm imprvdentia est
poetae d'abord il nie la faute, ensuite il la concède et
la justifie. 3 imprvdentia est signifie de l'ignorance, non
de l'incompétence. 4 si id est peccatvm peccatvm
figure dite πλοκή (répétition) car la première fois
peccatum
est un nom, la seconde un participe. 5 Et il commence par nier la faute, puis, si faute
il y a, il la justifie en elle-même par son statut de faute
vénielle sous couleur d'inconscience.
poetae, non quo furtum facere
studuerit.
de la part du poète ; il n'a pas eu
l'intention de commettre un vol :
id ita esse uos iam iudicare
poteritis.
qu'il en est ainsi, vous pourrez tout
à l'heure en juger par vous-mêmes.
Colax Menandri est: in ea est
parasitus Colax
Le Flatteur est de Ménandre : il y a
dans cette pièce, un parasite, le Flatteur,
et miles gloriosus: eas se non
negat
et un soldat fanfaron. Ces
personnages, il ne nie pas
personas transtulisse in Eunuchum
suam
qu'il les a transportés dans son
Eunuque
in
evnvchvm svam ad fabulam, non ad hominem rettulit, ut
«
Centauro inuehitur magna
15 ».
in
evnvchvm svam se rapporte au titre de la pièce, non au
personnage, comme chez Virgile « Centauro inuehitur magna » (il se
porte sur le grand Centaure126 …).
ex Graeca; sed eas fabulas factas
prius
depuis la pièce grecque ; mais que
ces pièces aient déjà auparavant
Latinas scisse sese id uero
pernegat.
été traduites en latin, il nie
formellement l'avoir su.
quod si personis isdem huic uti non
licet:
Et si se servir des mêmes personnages
ne lui est pas permis,
qui mage licet currentem seruum
scribere,
qui aura davantage la permission de
mettre en scène un esclave qui court,
bonas matronas facere, meretrices
malas,
de représenter de gentilles matrones,
des courtisanes méchantes,
1 bonas
matronas ut Nausistratam. 2 meretrices
malas ut Thaidem atque Bacchidem. 3 bonas matronas
facere meretrices malas sic est in Heautontimorumeno
«
scortari crebro nolunt, nolunt crebro
conuiuarier
16 ». 4 Et artificiose
ostendit omnem materiam comicorum.
1 bonas
matronas comme Nausistrata. 2 meretrices
malas comme Thaïs et Bacchis. 3 bonas matronas
facere meretrices malas il en va ainsi dans
L'Héautontimorouménos : « scortari crebro nolunt,
nolunt crebro conuiuarier » (ils ne veulent pas qu'on soit sans
arrêt à courir la gueuse, sans arrêt à faire la
bringue). 4 Et avec beaucoup d'art
il montre tout l'attirail des auteurs comiques.
parasitum edacem, gloriosum
militem,
un parasite glouton, un soldat
fanfaron,
1 parasitvm ut Gnathonem. 2 gloriosvm
militem ut Thrasonem. 3 gloriosvm
militem facere subauditur.
1 parasitvm comme Gnathon. 2 gloriosvm
militem comme Thrason. 3 gloriosvm
militem facere (faire) est sous-entendu.
puerum supponi, falli per seruum
senem,
un enfant qu'on échange, un vieillard
qui se fait duper par un esclave,
falli per servvm senem ut Demeam et
Simonem.
falli per servvm senem comme Deméa et
Simon.
amare odisse suspicari? denique
l'amour, la haine, le soupçon ? Pour
finir,
1 amare odisse
svspicari mire a personis ad gesta cum uarietate transitum
fecit; omne enim, quod in orationem uenit, uel persona uel factum
est. 2 amare odisse quia odere non est
Latinum11 infinitiuo modo.
1 amare odisse
svspicari il passe remarquablement des personnages aux
actions avec variation ; car tout ce qui vient dans le discours
c'est un personnage ou un fait. 2 amare
odisse de fait odere n'est pas latin à l'infinitif127
.
nullum est iam dictum quod non dictum
sit prius.
rien ne se dit qui n'ait déjà été dit
auparavant.
nvllvm est iam dictvm qvod non dictvm sit
privs σχῆμα λόγου
πλοκή, nam dictum bis positum, ut superius «
peccatum
17 », diuersa significat.
nvllvm est iam dictvm quod non sit dictvm
privs128
figure de mots (σχῆμα
λόγου) dite πλοκή (répétition) car dictum est mis deux
fois, comme plus haut « peccatum », dans deux sens différents.
qua re aequum est uos cognoscere
atque ignoscere
Donc l'équité veut que vous
instruisiez l'affaire et que vous excusiez
aeqvvm est vos cognoscere atqve ignoscere
σχῆμα λόγου
παρόμοιον.
aeqvvm est vos cognoscere atqve ignoscere
figure de mots (σχῆμα
λόγου) dite paronomase (παρόμοιον).
quae ueteres factitarunt si faciunt
noui.
que, ce que les Anciens ont toujours
fait, les Modernes le fassent aussi.
qvae veteres factitarvnt si facivnt novi et
uarie dixit factitarunt et faciunt et cum magna
defensione Terentii semel facientis id, quod saepe ueteres.
qvae veteres factitarvnt si facivnt novi
variation de temps entre factitarunt et faciunt, et avec
beaucoup d'efficacité dans la défense de Térence, qui fait une
fois ce que les Anciens ont fait souvent.
date operam, cum silentio
animaduertite314,
Donnez-nous votre soutien, en silence
soyez bien attentifs
animadvertite nos ἐλλειπτικῶς dicimus12 attendite, ueteres plene animum aduertite.
animadvertite nous, nous disons
elliptiquement (ἐλλειπτικῶς) comme attendite (soyez
attentifs), mais les Anciens utilisaient l'expression complète
animum
aduertite (ayez l'esprit attentif).
ut pernoscatis quid sibi Eunuchus
uelit.
afin de bien saisir de quoi il s'agit
dans L'Eunuque.
qvid sibi evnvchvs velit τῷ ἀττικισμῷ sibi, ut alibi «
nam pro deum atque hominum fidem, quid
uis tibi aut quid quaeris
18 »?
qvid sibi evnvchvs velit sibi est un atticisme
(τῷ ἀττικισμῷ),
comme ailleurs : « nam pro deum atque hominum fidem, quid uis tibi
aut quid quaeris ? » (car par les dieux et par les hommes, que
veux-tu et que cherches-tu129 ?).
Actus primus
scaena prima
Phaedria Parmeno
46 | 47 | 48 | 49 | 50 | 51 | 52 | 53 | 54 | 55 | 56 | 57 | 58 | 59 | 60 | 61 | 62 | 63 | 64 | 65 | 66 | 67 | 68 | 69 | 70 | 71 | 72 | 73 | 74 | 75 | 76 | 77 | 78 | 79 | 80
Ph.-Quid igitur faciam? non eam ne
nunc quidem
Ph.-Que faire donc ? ne pas y aller,
même à présent
1 qvid igitvr
faciam in hac προτάσει exemplum proponitur, quam non
suae potestatis sit qui amat, quam sapiat qui non amat neque
aliter affectus est. 2 qvid igitvr faciam σχῆμα διανοίας ∙
διαλογισμός. et apparet multa tacitum cogitasse
adulescentem et tandem in haec uerba erupisse. 3 igitvr
pro deinde,
ut Plautus in Amphitruone «
si aliter fuerint animati neque dent quae
petat, sese igitur summa ui uirisque oppidum
oppugnassere
19 ». 4 qvid igitvr faciam Menander ἀλλὰ τί ποιήσω; hinc
Vergilius «
hem quid agam
20 ». 5 Et est διαλογισμός perditae
mentis post multam frustra cogitationem. 6 qvid igitvr
faciam non eam ne nvnc qvidem hoc uidetur non esse
contrarium, sed est; nam dubitat, utrum meretricis satisfactionem
exspectet an illam omnino non quaerat. 7 non eam ne nvnc
qvidem non
eam Probus distinguit; iungunt qui secundum Menandri
exemplum legunt.
1 qvid igitvr
faciam dans cette protase (πρότασις) est proposé un exemple qui
montre à quel point l'amoureux n'est pas maître de lui, à quel
point sage est celui qui n'est pas amoureux ni en proie à une
autre passion. 2 qvid igitvr faciam figure de pensée
(σχῆμα
διανοίας) : dialogisme (διαλογισμός). Et il est clair que le jeune
homme a beaucoup ressassé en silence et qu'enfin il explose dans
cette réplique. 3 igitvr mis pour deinde (enfin) comme
chez Plaute dans l'Amphitryon : « si aliter fuerint
animati neque dent quae petat, sese igitur summa ui uirisque
oppidum oppugnassere130 » (si au contraire ils ont un autre état d'esprit
et lui refusent ce qu'il réclame, alors il attaquera leur ville
avec toutes ses forces et tous ses hommes). 4 qvid igitvr
faciam Ménandre dit de même :« ἀλλὰ τί ποιήσω ; » d'où Virgile « hem
quid agam » (hé! que faire ?). 5 Et
c'est le dialogisme (διαλογισμός) d'un esprit éperdu après une
longue et vaine réflexion. 6 qvid igitvr faciam non eam ne nvnc
qvidem on a l'impression qu'il n'y a pas de contradiction,
mais il y en a une ; car il hésite entre attendre une réparation
de la part de la courtisane et ne pas du tout la réclamer131. 7 non eam ne nvnc qvidem Probus met une
ponctuation après non
eam ; ceux qui lisent l'exemple en suivant Ménandre ne
ponctuent pas.
cum accersor ultro? an potius ita me
comparem
que je suis convoqué de son fait ? Ne
vaudrait-il pas mieux me préparer
comparem constituam, ut «
quam inique comparatum est
21 ».
comparem synonyme de constituam (je place),
comme dans le Phormion : « quam inique comparatum
est ».
non perpeti meretricum
contumelias?
à ne plus supporter les affronts des
courtisanes ?
non
perpeti meretricvm contvmelias ἐν ἤθει. sic in Andria «
prius quam harum scelera et lacrimae
confictae dolis
22 ». cum uni sit iratus, de omnibus queritur.
non
perpeti meretricvm contvmelias c'est conforme au type du
personnage (ἐν
ἤθει). De même dans L'Andrienne : « prius
quam harum scelera et lacrimae confictae dolis » : alors qu'il en
veut à une seule, il se plaint de toutes132.
exclusit; reuocat: redeam? non si me
obsecret.
Elle m'a flanqué dehors, elle me
rappelle, j'y retournerais ? Non, dût-elle m'en supplier.
1 exclvsit
revocat utrumque iniuriam fecit ex uerbo, dicendo et
exclusit
potius quam non
admisit et reuocat potius quam petit ut redeam, quod
erat moderatius. 2 redeam non si me obsecret uides
ergo superiorem partem dubitationis in eo fuisse, ut rogatus
rediret, inferiorem ut ne rogatus quidem. 3 non si me
obsecret bene de ea, quae totum proterue agens exclusit et reuocat, non
petat nec
roget nec
oret. sed
obsecret
inquit, quod horum omnium in maiorem partem est ultimum.
1 exclvsit
revocat les deux verbes constituent une injure en parole,
en préférant dire exclusit plutôt que non admisit (elle ne
m'a pas reçu), et reuocat (elle me rappelle) plutôt que
petit ut
redeam (elle me prie de revenir), expressions plus
modérées. 2 redeam non si me obsecret on voit donc que
la première partie de son dilemme réside dans l'hésitation à
revenir quand il y est invité, et la deuxième partie à revenir
même s'il n'y est pas invité. 3 non si me
obsecret c'est à juste titre que, à propos de celle qui,
faisant tout avec brutalité, l'a laissé dehors et convoqué, il dit
non pas petat, roget ou oret (enjoignait, demandait, priait),
mais obsecret (suppliait), verbe qui, de
toute la série, représente le point culminant.
Pa.-Si quidem hercle possis nihil
prius neque fortius.
Pa.-Ma foi, si tu le peux rien de
mieux ni de plus courageux.
1 si qvidem hercle
possis διαλογισμός quasi ad alterum, ut «
nescis heu, perdita,
nd.
necdum
L.
Laomedonteae
s.
sentis
p.
periuria
g.
gentis
!
23 ». 2 nihil privs neqve fortivs deest est, ut «
multum ille et terris iactatus et
alto
24 ». 3 Et prius modo ad laudem,
non ad ordinem pertinet, ut Sallustius «
quae prima mortales ducunt
25 » et ipse in Heautontimorumeno «
et suauia quae essent prima
habere
26 »13 ».
1 si qvidem hercle
possis dialogisme133
(διαλογισμός),
comme adressé à un interlocuteur, comme chez Virgile « nescis heu
perdita necdum Laomedonteae sentis periuria gentis ? » (tu
ignores, hélas !, pauvre folle, et tu ne sens pas encore les
parjures de la race née de Laomédon ?). 2 nihil privs
neqve fortivs il manque est (il y a) comme chez Virgile « multum
ille et terris iactatus et alto » (longtemps ballotté et sur terre
et sur mer). 3 et prius réfère seulement
à l'éloge, non à la chronologie, comme chez Salluste « quae prima
mortales ducunt » (que les hommes tiennent pour les plus
importants) et Térence même dans
L'Héautontimorouménos : « et suauia quae essent prima
habere134 » (donner la
première place aux plaisirs de l'instant).
uerum si incipies neque pertendes
nauiter
Mais si tu commences et ne vas pas
jusqu'au bout bravement,
naviter a naui ductum, a qua in alto nullum
diuersorium est.
naviter vient de nauis (navire), parce
que sur un bateau en haute mer il n'y a aucun gîte d'escale135.
atque, ubi pati non poteris, cum nemo
expetet,
et si, quand tu n'en pourras plus,
sans que personne te demande rien,
infecta pace ultro ad eam uenies
indicans
sans avoir fait la paix, de ton
propre chef tu viens la trouver, lui montrant
1 infecta
pace ἔμφασις per μεταφοράν. 2 indicans te
amare non uerbis sed factis indicans, ut alibi «
ibi tum exanimatus Pamphilus bene
dissimulatum amorem et celatum indicat
27 ».
1 infecta
pace emphase (ἔμφασις), par métaphore (μεταφορά). 2 indicans
te amare en l'indiquant par des mots, non par des faits,
comme ailleurs : « ibi tum exanimatus Pamphilus bene dissimulatum
amorem et celatum indicat » (Alors là Pamphile éperdu révèle son
amour, qu'il avait bien réussi à dissimuler et à cacher).
te amare et ferre non posse: actum
est ilicet,
que tu es amoureux et que tu n'en
peux plus, l'affaire est close, circulez,
1 actvm
est de iure translatum, ilicet de iudicio, peristi de
supplicio. 2 actvm est ad ultro ad eam uenies relatum est, ilicet ad indicans te amare,
peristi ad ferre non
posse. 3 ilicet semper in fine rei
transactae ponitur.
1 actvm
est se réfère au vocabulaire du droit, ilicet (qu'on se
retire) à celui du tribunal, peristi (tu es mort) à
l'exécution. 2 actvm est se rapporte à ultro ad eam uenies,
ilicet
(qu'on se retire) se rapporte à indicans te amare, peristi (tu es mort)
se rapporte à ferre non
posse. 3 ilicet formule habituelle qui
marque la fin d'une transaction.
peristi; eludet ubi te uictum
senserit.
tu es mort ; elle esquivera quand
elle te verra vaincu.
1 peristi
ὑπερβολή. 2 elvdet vbi te
victvm senserit eludere proprie gladiatorum est, cum
uicerint. Cicero «
quam diu etiam furor iste tuus
eludet?
28 ». 3 eludere est finem ludo
imponere.
1 peristi
hyperbole (ὑπερβολή). 2 elvdet vbi te
victvm senserit eludere (esquiver) est proprement un
terme de gladiateurs, quand ils ont vaincu. Ainsi chez Cicéron
« quam diu etiam iste tuus furor eludet » (combien de temps encore
ta folie va-t-elle esquiver ?). 3 eludere c'est (étymologiquement) mettre
fin à un jeu.
proin tu, dum est tempus, etiam atque
etiam cogita,
Alors toi, tant qu'il en est temps,
réfléchis encore et encore,
proin tv ut exin et exinde, sic proin et proinde dicebant.
proin tv comme on disait exin et exinde (ensuite) on
disait proin et proinde (ainsi donc).
ere : quae res in se neque consilium
neque modum
maître. Une chose qui n'a en soi ni
raison ni mesure,
ere
qvae res in se neqve consilivm neqve modvm habet vllvm
concessum est in palliata poetis comicis seruos dominis
sapientiores fingere, quod idem in togata non fere licet.
ere
qvae res in se neqve consilivm neqve modvm habet vllvm il
est autorisé aux poètes comiques, dans la palliata, de représenter
des esclaves plus sages que leur maître, ce qui n'est pas permis
ou presque dans la togata.
habet ullum eam consilio regere non
potes.
tu ne peux la gouverner par
raison.
eam
consilio regere non potes nunc domino seruus est
sapientior, sed amatore non amans, ut idem in Andria « «
facile omnes, cum ualemus, recta consilia
aegrotis damus
29 ».
eam
consilio regere non potes là l'esclave est plus sage que
son maître, mais c'est un homme qui n'est pas amoureux par rapport
à un amoureux, comme dans L'Andrienne : « facile
omnes cum ualemus recta consilia aegrotis damus ».
in amore haec omnia insunt uitia:
iniuriae,
Dans l'amour, il y a tous les vices :
insultes,
in
amore haec omnia insvnt duae14 praepositiones
in amore
insunt.
in
amore haec omnia insvnt remarquez la présence double de la
préposition dans in
amore insunt (en amour tout cela est enfermé136).
suspiciones, inimicitiae,
indutiae,
soupçons, brouilles, trêve,
indvtiae indutiae sunt pax in paucos dies, uel
quod in diem dentur uel quod in dies otium praebeant.
indvtiae indutiae paix pour quelques jours, ou
parce qu'on la fixe pour un jour précis (in diem), ou parce
qu'elle offre de la tranquillité pour quelques jours (in dies
otium137
).
bellum, pax rursum: incerta haec si
tu postules
guerre et paix à nouveau ; ces choses
incertaines, si tu prétends
1 pax
rvrsvm bene, ut consolaretur, ultimam pacem
posuit. 2 haec si tv postvles quasi dicat uelis uel coneris.
1 pax
rvrsvm à juste titre, pour le rassurer, il a mis
pax en
dernier. 2 haec si tv postvles équivaut à uelis (si tu voulais)
ou à coneris (si tu essayais).
ratione certa facere, nihilo plus
agas
les fixer par la raison, tu ne feras
pas plus
nihilo plvs agas id est: nihil agas.
nihilo plvs agas c'est-à-dire tu ne ferais
rien.
quam si des operam ut cum ratione
insanias.
que si tu t'efforçais de déraisonner
raisonnablement.
et quod nunc tute tecum iratus
cogitas
Et tout ce que maintenant tu penses
en toi-même dans ta colère :
et
qvod nvnc tvte tecvm iratvs cogitas pro quae, ut sit
consequens «
haec
uerba
30 ». sic et in Andria «
quod plerique omnes faciunt
adulescentuli, horum ille nihil
31 ».
et
qvod nvnc tvte tecvm iratvs cogitas il met quod au lieu du
pluriel quae attendu pour l'accord avec
« haec
uerba ». Même phénomène dans
L'Andrienne : « quod plerique omnes faciunt
adulescentuli, horum ille nihil ».
« egone illam, quae illum, quae me,
quae non...! sine modo,
« Moi, chez elle, qui le... qui me...
qui ne... ! Laisse tomber.
1 egone illam qvae
illvm familiaris ἔλλειψις irascentibus; nam singula sic
explentur: egone illam
non ulciscar, quae illum recepit, quae me exclusit, quae non
admisit. etenim nec15 necesse habet nec
potest complere orationem, qui et secum loquitur et dolore
uexatur. 2 Nam amat ἀποσιωπήσεις nimia
indignatio, ut Vergilius «
quos ego...! sed motos praestat componere
fluctus
32 ».
1 egone illam qvae
illvm ellipse (ἔλλειψις) familière aux personnages en
colère; car chaque segment se complète ainsi : egone illam non
ulciscar ! (moi, ne pas me venger d'elle !) ; quae illum recepit
(elle qui a reçu l'autre !), quae me exclusit (elle qui m'a
éconduit !), quae
non admisit (qui ne m'a pas laissé entrer !). Et de
fait il n'a ni le besoin ni la faculté de compléter sa phrase
celui qui monologue et souffre. 2 Car l'excès d'indignation raffole des aposiopèses
(ἀποσιώπησις),
comme chez Virgile « quos ego ! —sed motos praestat componere
fluctus » (je vous… —Mais mieux vaut apaiser les flots
tempêtueux).
mori me malim: sentiet qui uir
siem »:
J'aimerais mieux mourir... Elle verra
quel vrai homme je suis »,
haec uerba una mehercle falsa
lacrimula
ces paroles ma foi, une seule
larmette menteuse,
1 haec
verba ἐμφατικῶς uerba dixit, quae scilicet nihil
effectura sunt. 2 vna me hercle falsa lacrimvla
expressio ad αὔξησιν ducens: et non uera sed falsa et non
lacrima sed
lacrimula
et non ultro
flens sed oculos terendo et non facile sed ui et non exstillauerit sed
expresserit. hinc Vergilius «
captique dolis
l.
lacrimisque
c.
coactis
33 ».
1 haec
verba il dit uerba de manière emphatique (ἐμφατικῶς) car à
l'évidence ces mots ne seront pas suivis d'effets. 2 vna me hercle
falsa lacrimvla l'expression amène à l'amplification
(αὔξησις) : non
pas uera
(vraie) mais falsa (fausse); non pas lacrima (larme) mais
lacrimula
(larmette), non pas ultro flens (en pleurant spontanément)
mais oculos
terendo (en frottant ses yeux), non pas facile (facilement)
mais ui (en
se forçant), non pas exstillauerit (fondre en larmes) mais
expresserit
(arracher une larme)138. D'où chez Virgile « captique dolis lacrimisque
coactis »(pris au piège de ruses et de larmes feintes).
quam oculos terendo misere uix ui
expresserit,
qu'en se frottant les yeux, elle aura
eu du mal à s'arracher,
qvam ocvlos terendo misere vix vi
expresserit totum sensum uerbis significantibus protulit,
ut «
stridenti miserum stipula disperdere
carmen
34 » et «
una dolo diuum si femina uicta duorum
est
35 ».
qvam ocvlos terendo misere vix vi
expresserit il fait ressortir tout le sens avec des mots
expressifs, comme Virgile « stridenti miserum stipula disperdere
carmen » (exécuter un malheureux chant sur un pipeau strident) et
« una dolo diuum si femina uicta duorum est » (si une femme seule
a été vaincu par la ruse de deux divinités).
restinguet, et te ultro accusabit, et
dabis
les éteindra. Et elle sera la
première à t'accuser, et toi
ultro supplicium. Ph.-o indignum
facinus! nunc ego
le premier à te faire punir. Ph.-O
l'abominable forfait ! A présent, moi,
nvnc ego et illam scelestam nunc id est sero, ut
Vergilius «
nunc scio, quid sit amor
36 » et «
nunc augur Apollo, nunc Lyciae
sortes
37 ».
nvnc ego et illam scelestam nunc, c'est-à-dire
tardivement, comme chez Virgile « nunc scio quid sit amor » (c'est
à mon âge que j'apprends ce qu'est l'amour) et « nunc augur
Apollo, nunc Lyciae sortes » (c'est seulement maintenant que
l'augure Apollon, que les oracles lyciens <(…) lui apportent
des ordres effrayants>).
et illam scelestam esse et me miserum
sentio:
je sens bien que c'est une garce et
que je suis malheureux.
et taedet et amore ardeo, et prudens
sciens,
Ça me dégoûte et je brûle d'amour.
Conscient, en toute connaissance de cause,
1 et
prvdens prudens est qui intellegentia sua
aliquid sentit, sciens qui alicuius indicio rem
cognoscit. 2 Ergo prudens per se,
sciens per
alios.
1 et prvdens
sciens est prudens celui qui pressent quelque chose
grâce à sa propre intelligence, sciens (averti) celui qui apprend
quelque chose grâce à une indication extérieure. 2 on est donc prudens (avisé) de soi-même, sciens (averti) par
les autres.
uiuus uidensque pereo, nec quid agam
scio.
vivant et clairvoyant, je meurs et ne
sais que faire.
1 vivvs vidensqve
pereo mire et noue uiuus pereo: et pereo sic dixit, ut
intellegamus occidor, et uiuus quasi sapiens et sentiens. 2 vivvs vidensqve
pereo bene addidit uidens, nam uiuus perit etiam qui dormiens
opprimitur, uidens autem qui uigilans uim patitur,
ut pereat. 3 Nam uidere pro uigilare
posuit, ut etiam Vergilius, cum de Sileno dicit «
iamque uidenti sanguineis frontem moris
et tempora pingit
38 ». 4 Ergo uiuus non mortuus,
uidens non
dormiens.
1 vivvs vidensqve
pereo expression paradoxale et inédite uiuus pereo (je meurs
vivant); et quand il dit pereo, nous devons comprendre occidor (je suis mis à
mort), et, avec uiuus, nous devons comprendre sapiens (en
connaissance de cause) et sentiens (en conscience). 2 vivvs
vidensqve pereo bon ajout de uidens car meurt vivant même celui qui
est frappé alors qu'il dort, mais meurt vigilant celui qui subit
une violence en état de veille, jusqu'à périr. 3 Car uidere (voir) est mis pour uigilare (veiller),
comme chez Virgile disant de Silène « iamque uidenti sanguineis
frontem moris et tempora pingit » (alors qu'il s'éveille, elle lui
barbouille le front et les tempes de mûres sanglantes). 4 Donc uiuus signifie qui n'est pas mort et
uidens
signifie qui n'est pas endormi.
Pa.-quid agas? nisi ut te redimas
captum quam queas
Pa.-Que faire ? Rien d'autre pour un
prisonnier comme toi que te racheter
1 captvm
Sallustius «
sin captus prauis cupidinibus
39 ». 2 qvam qveas perseuerauit in translatione,
quam iamdudum sumpsit a bello.
1 captvm
Salluste « sin captus prauis cupidinibus » (mais si prisonnier de
passions vicieuses…). 2 qvam qveas minimo il file la
métaphore guerrière exprimée déjà ci-dessus .
minimo; si nequeas paullulo, at
quanti queas;
à moindre coût ; et, si tu ne peux
pas à bon marché, du moins au prix que tu pourras ;
et ne te adflictes. Ph.-itane suades?
Pa.si sapis,
et ne pas te laisser abattre.
Ph.-Est-ce là ce que tu me conseilles ? Pa.-Oui, si tu es
sage.
si
sapis id est si sapias; ad inferiora iungendum est, nam
aliter non intellegitur.
si
sapis c'est-à-dire si sapias (si tu étais sage) au
subjonctif; il faut le subordonner à la suite, sinon cela n'a
aucun sens.
neque praeter quam quas ipse amor
molestias
Et aux peines que l'amour
lui-même
habet addas, et illas quas habet
recte feras.
comporte, n'ajoute rien ; et celles
qu'il comporte, supporte-les droit dans tes bottes.
sed eccam ipsa egreditur, nostri
fundi calamitas;
Mais la voici elle-même qui sort,
cette grêle qui hache notre patrimoine :
nostri fvndi calamitas proprie. calamitatem rustici
grandinem dicunt, quod comminuat calamum, id est culmum ac segetem.
nostri fvndi calamitas à prendre au sens
propre : calamitas est le nom de la grêle chez
les paysans, du fait qu'elle abîme le chaume (calamus),
c'est-à-dire la paille, la moisson.
nam quod nos capere oportet haec
intercipit.
ce que nous devrions récolter, c'est
elle qui l'intercepte.
intercipit proprie intercipit quasi totum
capit. Plautus in Aulularia «
quae sola interbibere, si uino scatat,
Corinthiensem fontem Pirenem potest
40 ».
intercipit à prendre au sens propre:
intercipit
c'est comme totum
capit (elle rafle tout). Voir Plaute dans
L'Aululaire, « quae sola interbibere si uino scatat
Corinthensem fontem Pirenem potest » (capable d'écluser toute
seule, s'il en coulait du vin, la fontaine de Pirène à
Corinthe139).
scaena altera
Phaedria Parmeno Thais
81 | 82 | 83 | 84 | 85 | 86 | 87 | 88 | 89 | 90 | 91 | 92 | 93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 100 | 101 | 102 | 103 | 104 | 105 | 106 | 107 | 108 | 109 | 110 | 111 | 112 | 113 | 114 | 115 | 116 | 117 | 118 | 119 | 120 | 121 | 122 | 123 | 124 | 125 | 126 | 127 | 128 | 129 | 130 | 131 | 132 | 133 | 134 | 135 | 136 | 137 | 138 | 139 | 140 | 141 | 142 | 143 | 144 | 145 | 146 | 147 | 148 | 149 | 150 | 151 | 152 | 153 | 154 | 155 | 156 | 157 | 158 | 159 | 160 | 161 | 162 | 163 | 164 | 165 | 166 | 167 | 168 | 169 | 170 | 171 | 172 | 173 | 174 | 175 | 176 | 177 | 178 | 179 | 180 | 181 | 182 | 183 | 184 | 185 | 186 | 187 | 188 | 189 | 190 | 191 | 192 | 193 | 194 | 195 | 196 | 197 | 198 | 199 | 200 | 201 | 202 | 203 | 204 | 205 | 206
Th.-Miseram me, uereor ne illud
grauius Phaedria
Th.-Que je suis malheureuse ! J'ai
peur que Phédria n'ait eu du mal
tulerit neue aliorsum atque ego feci
acceperit,
à supporter et qu'il n'ait interprété
à l'envers de ce que j'ai voulu,
neve aliorsvm < aliorsum > in
aliam partem, ut seorsum et retrorsum dicitur.
neve aliorsvm aliorsum, en autre part, comme on dit
seorsum (à
part) et retrorsum (en arrière).
quod heri intromissus non est.
Ph.-totus, Parmeno,
le fait qu'hier on ne l'ait pas
laisser entrer. Ph.-Tout entier, Parménon,
qvod heri intromissvs non est haec lenius ut
de facto suo loquens, <at ille dolens> «
exclusit, reuocat inquit, redeam? non, si
me obsecret
41 ».
qvod heri intromissvs non est c'est la
version atténuée, comme le fait quelqu'un qui parle de ses propres
actes, des paroles de Phédria « exclusit reuocat redeam non si me
obsecret ».
tremo horreoque, postquam aspexi
hanc. Pa.-bono animo es:
je tremble, je frissonne depuis que
je l'ai vue. Pa.-Remets-toi.
1 tremo
horreoqve ex amore nimio. nimius ignis effectum frigoris
reddit, ut ex frigore nimio effectus ignis exsistit, secundum
illud quod physici aiunt ἀκρότητες ἰσότητες, hinc et Vergilius
«
aut Boreae
p.
penetrabile
f.
frigus
adu.
adurat
42 » inquit. 2 tremo horreoqve postqvam aspexi
hanc natura magni caloris etiam horrorem incutit, ut
nimiae febres.
1 tremo
horreoqve marques d'un excès d'amour. Un feu excessif fait
sentir le froid comme un froid excessif fait éprouver l'effet du
feu, selon la propriété que les physiciens décrivent par la
formule ἀκρότητες ἰσότητες (les
extrêmes s'équivalent). C'est pourquoi Virgile écrit « aut Boreae
penetrabile frigus adurat » inquit. (<pour éviter> que le
froid pénétrant de Borée ne le brûle). 2 tremo horreoqve
postqvam aspexi hanc une grande chaleur aussi fait
naturellement se dresser les poils, comme une grosse fièvre.
accede ad ignem hunc, iam calesces
plus satis.
Approche-toi de ce feu, bientôt tu
grilleras plus qu'il ne faut.
1 accede ad ignem
hvnc aptius ignem meretricem accipiemus quam aram
Apollinis Agyiei, uel quia amator uritur, ut «
at mihi sese offert ultro meus ignis
Amyntas
43 », uel quia auida et auara est, ut ignis,
alimentorum. 2 iam calesces plvs satis noue, id est aequo.
et alibi «
quam ne quid in illum iratus plus satis
faxit, pater
44 ». 3 iam calesces plvs satis noue, sed
intellegitur plus
satis quam horrueras. 4 Hoc quidam putant, at mihi uidetur de his esse,
quae a ueteribus geminabantur ut «
plerique omnes
45 » id est omnes et «
pleraque omnia
46 » id est omnia. sic etiam plus satis pro satis.
1 accede ad ignem
hvnc le feu dont il s'agit s'interprétera comme
représentant la courtisane plus facilement140 que l'autel
d'Apollon Agyée, soit parce que l'amoureux brûle, comme chez
Virgile « at mihi sese offert ultro meus ignis Amyntas » (mais
Amyntas l'objet de ma flamme s'offre de lui-même à moi), soit
parce que Thaïs est avide et cupide, comme l'est le feu, de ses
aliments. 2 iam calesces plvs satis formule inédite, qui
s'interprète plus
aequo (plus que de juste). De même ailleurs « quam ne
quid in illum iratus plus satis faxit, pater » (que de voir mon
père dans sa colère s'emporter contre lui plus que de
raison). 3 iam calesces plvs satis formule inédite,
mais qui s'interprète plus satis quam horrueras (tu auras plus
chaud que tu n'avais frissonné). 4 c'est l'opinion de certains, mais je suis d'avis
qu'il s'agit d'un de ces mots que les anciens utilisaient par
couples, comme « plerique omnes » (trestous) c'est-à-dire omnes
(tous) ou « pleraque
omnia » (trestout) c'est-à-dire omnia (tout). De même
plus satis
(plus qu'assez) pour satis (141).
Th.-quis hic loquitur? ehem tun hic
eras, mi Phaedria?
Th.-Qui parle ici ? Comment ? C'est
toi qui étais là, mon Phédria ?
qvis hic loqvitvr non imperite intellegunt,
qui existimant meretricem etiam hoc simulare, quod non praeuiderit
Phaedriam. nam et personae et dictis eius ceteris hoc conuenit et
tunc erunt gratiosa omnia, quae supra dixit.
qvis hic loqvitvr ce n'est pas sans
pertinence que certains interprètes estiment que la courtisane
fait ici semblant de ne pas avoir vu d'emblée Phédria. Car cela
concorde avec son personnage et avec toutes ses paroles, et ses
propos antérieurs seront mieux reçus.
quid hic stabas? cur non recta
introibas? Pa.-ceterum
Pourquoi rester là ? Pourquoi ne pas
entrer tout droit ? Pa.-C'est ça,
cvr
non recta introibas quasi parum fuerit introibas, satis mire
additum recta.
cvr
non recta introibas comme si introibas ne suffisait pas, elle a fort
remarquablement ajouté recta.
de exclusione uerbum nullum. Th.-quid
taces?
de la mise à la porte, pas un mot.
Th.-Pourquoi restes-tu silencieux ?
1 de exclvsione
verbvm nvllvm plenus admirationis est nec accusationi nec
satisfactioni locum reliquisse meretricem callide dissimulata
iniuria. 2 qvid taces et hoc callide, quasi innocens ne
suspicetur quidem, quid succenseat adulescens.
1 de exclvsione
verbvm nvllvm il est tout étonné que la courtisane ne
laisse place ni à l'accusation ni à la réparation142 en dissimulant finement143 son injure. 2 qvid
taces là aussi elle joue finement, comme si dans son
innocence elle ne pouvait même deviner pourquoi le jeune homme est
furieux.
Ph.-sane quia uero hae315 mihi patent semper fores
Ph.-Peut-être parce que ta porte
m'est toujours ouverte,
1 sane qvia vero
hae mihi patent semper fores tolle sane et uero et pronuntiandi
adiumenta uultumque dicentis et in uerbis non negatio sed
confessio esse credetur. 2 Nam
uero
ironiae conuenit, ut «
egregiam uero laudem et
s.
spolia
a.
ampla
r.
refertis
47 ».
1 sane qvia vero
hae mihi patent semper fores enlevez sane (vraiment) et
uero
(n'est-ce pas) ainsi que les marques auxiliaires de prononciation
et la physionomie du locuteur, et on croira que cette réplique
porte non un effet négatif mais une affirmation. 2 Car uero convient à l'ironie, comme chez
Virgile « egregiam uero laudem et spolia ampla refertis » (beau
succès vraiment, amples dépouilles que vous rapportez là !).
aut quia sum apud te primus.
Th.-missa istaec face.
ou que je suis le premier dans ton
cœur. Th.-Laisse tomber.
1 avt qvia svm
apvd te primvs duo dixit, quae dolet: quia clausae fores
et quia posterior habetur praelato milite. 2 avt qvia svm
apvd te primvs subauditur ideo non recta introii. 3 missa istaec
face alia dissimulatio et durior post
admonitionem. 4 Sed bene intellegit,
qui hoc a meretrice ridente molliter et osculum porrigente dici
accipit.
1 avt qvia svm
apvd te primvs il fait deux griefs : d'une part la porte
lui est restée fermée, d'autre part il passe au second rang
puisqu'on lui préfère le soldat. 2 avt qvia svm
apvd te primvs sous-entendu : ideo non recta
introii (voilà pourquoi je ne suis pas entré de ce
pas). 3 missa istaec face encore une
dissimulation144, et plus désagréable
encore après un encouragement. 4 Mais on comprend bien, en interprétant cette
parole comme dite par une courtisane qui sourit lascivement et
envoie un baiser.
Ph.-quid « missa »? o Thais, Thais,
utinam mihi esset316
Ph.-Quoi « Laisse tomber » ? O
Thaïs, Thaïs, si seulement pour moi tu avais
1 qvid
missa magna uirtus poetae est non sententias solum de
consuetudine ac de medio tollere et ponere in comoedia, uerum
etiam uerba quaedam ex communi sermone, <unde> est quod ait
nunc quid
missa? 2 o thais thais vtinam mihi esset pars
aeqva amoris tecvm uel amandi uel non amandi scilicet.
1 qvid
missa la grande qualité du poète est de prendre non
seulement ses idées dans l'usage ou dans le style moyen pour les
mettre dans sa comédie, mais aussi des tournures tirés de la
langue populaire145, d'où cette expression quid
missa ? 2 o thais thais vtinam mihi esset pars
aeqva amoris tecvm une part égale d'amour ou de désamour,
évidemment.
pars aequa amoris tecum ac pariter
fieret,
autant d'amour que j'en ai pour toi
et que ce soit à égalité,
ac
pariter fieret pariter similiter. Sallustius «
cui nisi pariter obuiam iretur
48 ».
ac
pariter fieret pariter vaut pour similiter
(semblablement). De même chez Salluste : « cui nisi pariter obuiam
iretur » (si on n'allait pas pareillement à son encontre).
ut aut hoc tibi doleret itidem ut
mihi dolet
au point que cela te fît souffrir
comme cela me fait souffrir,
vt
avt hoc tibi doleret itidem vt mihi dolet si ambo
amaremus.
vt
avt hoc tibi doleret itidem vt mihi dolet c'est-à-dire si
nous étions tous deux amoureux.
aut ego istuc abs te factum nihili
penderem!
ou que moi, ce que tu as fait, je
n'en aie rien à faire !
Th.-ne crucia te obsecro, anime mi,
mi317 Phaedria.
Th.-Ne te torture pas, je t'en prie,
mon cœur, mon Phédria.
1 anime mi
<mi>16 phaedria mi uocatiuus est ab eo quod est
meus. 2 Vide quam familiariter hoc idem repetat
blandimentum; uult enim Terentius uelut peculiare uerbum hoc esse
Thaidis: adeo totiens dictum est «
tune hic eras, mi Phaedria?
49 », ne crucia
te obsecro, anime mi, <mi> Phaedria, «
quaesiui: nunc ego eam, mi Phaedria,
multae sunt causae
50 », «
mi Phaedria, et tu
51 ». 3 ne crvcia te obsecro anime mi <mi>
phaedria haec rursum nisi amplectens adulescentem mulier
dixerit, uidebitur ne
crucia te sine affectu dicere. sed sic dicit
ne crucia
te et eo gestu, quasi in eo et ipsa crucietur; nam
ideo subicit anime
mi hoc est animus meus.
1 anime mi
mi mi est le vocatif de meus. 2 Notez la familiarité de la répétition de ce
mot caressant146 ; car Térence veut que ce mot soit comme un
idiotisme de Thaïs ; elle le dit d'ailleurs très souvent : « tune
hic eras, mi Phaedria ? » ; ne crucia te obsecro, anime mi, mi
Phaedria ; « quaesiui : nunc ego eam, mi Phaedria,
multae sunt causae » ; « mi Phaedria, et tu ». 3 ne crvcia te
obsecro anime mi mi phaedria ici encore, à moins de dire
ces mots en embrassant le jeune homme, la courtisane paraîtra dire
ne crucia te sans affectivité particulière. Mais en fait elle le
dit d'une façon telle et avec un geste tel qu'elle fait croire
qu'elle-même est à la torture dans le cas présent ; car c'est dans
cette intention qu'elle ajoute anime mi, c'est-à-dire animus meus (mon
cœur).
non pol quo quemquam plus amem aut
plus diligam
Non, nom d'un chien, ce n'est pas
qu'il y ait quelqu'un que j'aime plus ou chérisse plus,
non pol qvo qvemqvam plvs amem hoc totum
nimis blande et cum contractatione adulescentis dicit
meretrix.
non pol qvo qvemqvam plvs amem toute cette
réplique est dite par la courtisane de manière bien caressante et
en serrant le jeune homme.
eo feci; sed ita erat res, faciundum
fuit.
si j'ai agi comme je l'ai fait :
mais c'était comme ça, je devais le faire.
facivndvm fvit legendum faciundum
scribendum: totum hoc semper necessitati
adiungitur, ut Vergilius «
aut pacem Troiano ab
r.
rege
p.
petendum
52 » et alibi «
arma
a.
acri
f.
faciendum
u.
uiro
53 ».
facivndvm fvit faciundum
scribendum : toutes ces formes se
rattachent à l'obligation, comme chez Virgile « aut pacem Troiano
ab rege petendum » (ou il faut demander la paix au roi Troyen) ou
« arma acri faciendum uiro » (il faut faire des armes pour un fier
guerrier).
Pa.-credo, ut fit, misera prae amore
exclusti hunc foras.
Pa.-Je le crois ; c'est ainsi : ma
pauvre, c'est par amour que tu l'as flanqué à la porte.
1 credo vt fit
misera prae amore exclvsti hvnc foras oratorie ac facete
additum misera. 2 Et cum illa a deriuatione causae argumentaretur,
mire a Parmenone correpta est, uerisimile non esse, ut, quem quis
amat, eundem possit excludere. 3 exclvsti hvnc
foras παρὰ προσδοκίαν intulit intuens puellam et ei
ostendens Phaedriam, ut ostendat, quam falsa ac repugnantia
loquatur meretrix.
1 credo vt fit
misera prae amore exclvsti hvnc foras c'est par effet
oratoire et par plaisanterie qu'il ajoute misera
(malheureuse). 2 Et alors que Thaïs
argumente en détournant la cause147, elle se fait remarquablement reprendre par
Parménon sur le fait qu'il n'est pas vraisemblable que, quand on
aime quelqu'un, on puisse l'éconduire. 3 exclvsti hvnc
foras il intervient contre toute attente (παρὰ προσδοκίαν) en regardant la jeune
femme et en lui montrant Phédria, pour montrer à quel point la
courtisane dit des choses fausses et contradictoires.
Th.-sicin agis, Parmeno? age; sed
huc qua gratia
Th.-Tu le prends comme ça,
Parménon ? Va. Mais pourquoi ici
age sed hvc qva gratia te accersi ivssi
avscvlta corripientis est modo age, non hortantis
aduerbium.
age sed hvc qva gratia te accersi ivssi
avscvlta age est parfois un adverbe de blâme, non
d'exhortation.
te accersi iussi, ausculta.
Ph.-fiat. Th.-dic mihi
je t'ai fait venir, écoute.
Ph.-Soit. Th.-Dis-moi
1 te accersi ivssi
avscvlta hoc est quod supra ait «
non eam ne nunc quidem, cum accersor
ultro
54 »? 2 dic mihi meretricia calliditate commendat
quae dictura est.
1 te accersi ivssi
avscvlta c'est ce qu'il a dit ci-dessus « non eam ne nunc
quidem, cum accersor ultro ». 2 dic mihi
elle fait valoir avec son adresse de courtisane ce qu'elle
s'apprête à dire.
hoc primum, potin est hic tacere?
Pa.-egone? optime.
d'abord ça : est-il capable de se
taire, celui-ci ? Pa.-Moi ! parfaitement ;
egone optime bene non exspectauit seruus, ut
pro se dominus responderet Thaidi.
egone optime l'esclave a bien fait de ne pas
attendre que son maître réponde à Thaïs à sa place.
uerum heus tu, hac lege tibi meam
astringo fidem:
mais fais gaffe, toi. C'est à cette
condition que je m'engage envers toi :
1 vervm hevs tv
hac lege tibi astute seruus reponit Thaidi uicem, nam illa
ut magnum uoluit exspectari quod dictura est, iste ut falsum
contemnit. 2 meam astringo fidem fidem astringo
promitto, quia uincula fidei dicuntur.
1 vervm hevs tv
hac lege tibi astucieusement l'esclave rend la pareille à
Thaïs, car celle-ci a voulu que ce qu'elle s'apprête à dire soit
attendu comme une grande chose, mais lui, en le réputant faux, le
rend négligeable. 2 meam astringo fidem fidem astringo 148 vaut pour promitto (je
promets), car on parle des liens de la bonne foi.
quae uera audiui, taceo et contineo
optime;
ce que j'entends de vrai, je le
tais et le garde parfaitement ;
1 qvae vera
avdivi mire uicem Parmeno reddidit meretrici, nam ut
seruum difficile est tacere commissa, ita meretricem rarum est
uera dicere. 2 qvae vera avdivi figura παρασκευή. 3 contineo
optime proprie a metaphora uasis transtulit uerba.
1 qvae vera
avdivi Parménon rend remarquablement la pareille à la
courtisane, car autant il est difficile pour un esclave de celer
les secrets qu'on lui a confiés, autant il est rare pour une
courtisane de dire la vérité. 2 qvae vera
avdivi figure de préparation (παρασκευή). 3 contineo
optime à prendre au sens propre ; il a mis un sens figuré
emprunté à la métaphore du récipient.
si318 falsum
aut uanum aut fictum est, continuo palam est:
mais si c'est faux, vain ou
inventé, c'est tout de suite dehors.
1 si falsvm avt
vanvm avt fictvm est continvo palam est falsum est quo
tegitur id quod factum est, uanum est quod fieri non potest,
fictum
quod factum non est et fieri potuit. 2 Vel falsum est fictum mendacium simile
ueritati, uanum nec possibile nec uerisimile,
fictum
totum sine uero sed uerisimile. 3 Falsum loqui mendacis est, fictum callidi,
uanum
stulti. 4 Falsum loqui culpae
est, fictum uersutiae, uanum
uecordiae. 5 Falsis decipimur,
fictis delectamur, uana contemnimus. 6 palam est plenvs
rimarvm svm hac atqve illac perflvo uilis et abiecta
translatio est, apta apud meretricem loquenti. 7 Translata autem est quasi ab aquario uase
fictili.
1 si falsvm avt
vanvm avt fictvm est continvo palam est falsus (faux) se dit
de ce par quoi on dissimule un fait, uanus (vain) de ce qui ne peut se faire,
fictus
(feint) de ce qui ne s'est pas fait mais aurait pu se
faire. 2 ou bien falsus (faux) se dit
d'un mensonge qui, bien qu'inventé, ressemble à la vérité,
uanus
(vain) de ce qui n'est ni possible ni vraisemblable, fictus
(feint) de ce qui est entièrement dépourvu de vérité mais est
vraisemblable. 3 dire un falsum (chose fausse)
est le propre d'un menteur, dire un fictum (chose inventée) est le propre
d'un rusé, dire un uanum (chose vaine) est le propre d'un
sot. 4 dire un falsum (chose fausse)
relève d'une faute, dire un fictum (chose inventée) d'une fourberie,
dire un uanum (chose vaine) d'une
extravagance. 5 avec des falsa
(choses fausses) nous sommes trompés, avec des ficta (choses
inventées) nous sommes charmés, les uana (choses vaines) nous les
méprisons. 6 palam est plenvs rimarvm svm hac atqve illac
perflvo métaphore de style bas et vulgaire, qui convient
bien à qui s'adresse à une courtisane. 7 de plus métaphore tirée d'un pot à eau en
terre.
plenus rimarum sum, hac atque illac
perfluo.
Je suis tout fissuré et je fuis de
ci, de là.
hac atqve illac perflvo contra «
contineo
55 ».
hac atqve illac perflvo c'est le contraire
de « contineo149 »(je le garde).
proin tu, taceri si uis, uera
dicito.
Donc toi, si tu veux qu'on se
taise, dis la vérité.
proin tv taceri si vis vera dicito utrum
te
taceri aut tuum dictum an impersonaliter infinitiuo
modo?
proin tv taceri si vis vera dicito faut-il
comprendre te
taceri (si tu veux qu'on ne parle pas de toi), ou
tuum
dictum (si tu veux que tes paroles soient tues) ou un
infinitif impersonnel (si tu veux qu'on se taise) ?
Th.-Samia mihi mater fuit: ea
habitabat Rhodi.
Th.-Ma mère était de Samos ; elle
habitait Rhodes.
samia mihi mater fvit puduit dicere Thaidem
meretrix mihi mater
fuit, quod tamen significauit dicendo aliunde ciuem
alibi habitasse. nam ideo meretrices peregrinae dictae sunt in
comoediis, ut in Andria «
adeon est demens? ex peregrina?
56 »
samia mihi mater fvit Thaïs a honte de dire
ma mère était une courtisane, ce que pourtant elle fait150 en
disant qu'une citoyenne d'une cité en a habité une autre. C'est
pour cette raison que les courtisanes sont dites étrangères dans
les comédies, comme dans L'Andrienne151 : « adeon est demens ? ex
peregrina ? ».
Pa.-potest taceri hoc; Th.-ibi tum
matri paruulam
Pa.-Ça, on peut le taire. Th.-Là,
alors, à ma mère, d'une fille
1 potest taceri
hoc id est uerisimile est. nec hoc ad laudem proficit sed
ad dedecus meretricis. 2 potest taceri hoc peregrinam
nasci meretricem, et ideo potest uerum uideri.
1 potest taceri
hoc c'est-à-dire que c'est vraisemblable. Et cela ne
contribue pas à la gloire de la courtisane, mais à son
déshonneur. 2 potest taceri hoc c'est-à-dire le fait que
la courtisane est née étrangère, et que, pour cette raison, cela
peut sembler vrai.
puellam dono quidam mercator
dedit
toute petite un marchand fit
présent,
1 <parvvlam>
pvellam dono qvidam aetas et sexus causa amoris sunt, cur
hanc Thais puellam diligat. 2 pvellam dono qvidam mercator
dedit propter hoc ostendit meretricem fuisse matrem, ut
dono accipere puellam potuisset.
1 parvvlam pvellam
dono qvidam l'âge et le sexe sont des raisons qu'a Thaïs
d'aimer cette petite. 2 pvellam dono qvidam mercator
dedit la preuve que sa mère était une courtisane, c'est
qu'elle a pu recevoir en cadeau la petite.
ex Attica hinc abreptam.
Ph.-ciuemne? Th.-arbitror;
enlevée d'ici, de l'Attique.
Ph.-Citoyenne ? Th.-Je crois,
1 ex attica hinc
abreptam quia Athenis scaena est constituta. 2 arbitror bene arbitror et nihil certi: quomodo enim
ausurus esset Parmeno adornare Chaeream ad uitiandam uirginem, si
praescisset ciuem esse?
1 ex
attica hinc abreptam d'ici, puisque la
scène est à Athènes. 2 arbitror arbitror est bien dit
et il n'y a rien de sûr : car comment Parménon aurait-il osé
déguiser Chéréa pour qu'il puisse déshonorer la jeune fille s'il
avait su d'avance qu'elle était citoyenne ?
certum non scimus: matris nomen et
patris
sans en être sûre. Le nom de son
père et de sa mère,
matris nomen et patris dicebat ipsa quae
infantis memoriae proxima sunt; nam quid prius aetas illa quam
patrem matremque cognoscit?
matris nomen et patris dicebat ipsa les
souvenirs d'enfance les plus immédiats ; car à cet âge-là
qu'apprend-on à reconnaître plus tôt que son père et sa mère ?
dicebat ipsa; patriam et signa
cetera
elle-même les disait ; quant à sa
patrie et aux autres renseignements,
et signa cetera id est domum patriam
regionemque eius.
et signa cetera c'est-à-dire sa maison, sa
patrie, sa région.
neque scibat neque per aetatem
etiam poterat319.
elle ne savait rien et, à cause de
son âge, ne pouvait rien savoir.
neqve per aetatem etiam poterat hoc ideo
addidit, ne esset minus elegans, quae nesciret.
neqve per aetatem etiam poterat il ajoute
cela pour que son ignorance n'enlève pas à sa distinction.
mercator hoc addebat: e
praedonibus,
Voici ce que le marchand ajoutait :
aux pirates
mercator hoc addebat ad matris scilicet
nomen et patris, quod puella dicebat.
mercator hoc addebat se rapporte assurément
au nom du père et de la mère, que la petite152.
unde emerat se audisse abreptam e
Sunio.
auxquels il l'avait achetée il
avait entendu dire qu'elle avait été enlevée à Sunium.
1 vnde
emerat a
quibus, ut «
genus unde Latinum
57 » et «
qui
<scis>?— modo e Dauo audiui
58 »17 et «
causam dicere prius unde petitur
aurum
59 ». 2 e svnio Sunium promontorium est Atheniensium
et in eo [forum uenalium rerum] emporium.
1 vnde
emerat mis pour a quibus (de qui), comme chez Virgile:
« genus unde Latinum » (de qui vient la race latine)153 et
« qui scis ?— modo e Dauo audiui et « causam dicere prius unde
petitur aurum ». 2 e svnio Sounion est un cap
d'Attique où se trouvait un marché.
mater, ubi accepit, coepit studiose
omnia
Ma mère, quand elle l'eut reçue,
commença avec sérieux à tout
1 mater vbi
accepit haec figura in narrationibus basis dicitur, cum
omnia pedetemptim dicuntur insinuandi gratia, ut nunc «
matri mercator dono dedit
60 », mater ubi
accepit. 2 Et simul
conuenit mulieri l?quenti huiuscemodi mora. 3 coepit stvdiose
omnia docere mire non docuit sed coepit docere
τῷ
μελλησμῷ. 4 Et uide quam
satis muliebriter. 5 mater vbi accepit accepit simpliciter
an audiuit
ingenuam, ut «
accipe
n.
nunc
D.
Danaum
i.
insidias
et
c.
crimine
a.
ab
<
u.
uno
>
d.
disce
o.
omnes
61 »? sed melius prius.
1 mater vbi
accepit cette figure, dans les narrations, s'appelle
basis, quand tout se dit pas à pas, par insinuations, comme ici
« matri mercator dono dedit », mater ubi accepit. 2 Et en même temps ce retard convient bien à la
parole d'une femme. 3 coepit stvdiose omnia docere il
dit excellemment non pas docuit (elle lui apprit tout), mais
coepit docere, par un effet d'attente (τῷ
μελλησμῷ). 4 Et notez à
quel point c'est féminin. 5 mater vbi accepit accepit au sens
propre ou équivalant à audiuit ingenuam (elle apprit qu'elle était
de naissance libre), comme chez Virgile « accipe nunc Danaum
insidias et crimine ab uno disce omnes » (Écoute désormais les
pièges des Grecs et par le crime d'un seul, apprends-les tous) ?
Mais la première solution est meilleure.
docere, educere ita ut320 esset filia.
lui apprendre et à l'éduquer comme
si elle était sa fille.
1 ita vt esset
filia ergo uelut soror habenda est Thaidi, et ideo
sequitur «
sororem plerique esse credebant
meam
62 ». 2 Et oratorie
cumulat dignitatem et amorem puellae, ut eius comparatione
leniatur iniuria facta Phaedriae.
1 ita vt esset
filia donc elle doit être tenue pour une sœur par
Thaïs154, d'où la suite « sororem plerique esse credebant
meam ». 2 Et elle signale par une
accumulation oratoire le statut de la jeune fille et l'affection
qu'elle lui porte, pour qu'en comparaison l'affront fait à Phédria
soit amoindri.
sororem plerique esse credebant
meam.
La plupart des gens croyaient que
c'était ma sœur.
ego cum illo, quocum uno tum321 rem habebam hospite,
Moi, avec cet étranger qui était
alors ma seule liaison,
1 ego cvm illo
qvocvm vno tvm rem habebam hospite honeste totum dixit et
quod hospite et quod rem
habebam. 2 Et bene
tunc 18 et non nunc; nam nunc cum duobus. 3 qvocvm vno
rem consuetudinem, amorem. 4 hospite id est Attico.
1 ego cvm illo
qvocvm vno tvm rem habebam hospite elle avoue tout avec
honnêteté, et le fait qu'il ait été étranger, et qu'elle ait eu
une liaison avec lui. 2 Et il fait
bien de dire tunc (alors) et non nunc (maintenant) ; car
maintenant, elle est avec deux hommes en même temps. 3 qvocvm vno
rem res équivaut à consuetudo (relation), amor (affaire de
cœur). 4 hospite c'est-à-dire avec un Athénien.
abii huc qui mihi reliquit haec
quae habeo omnia.
je vins ici, c'est lui qui m'a
laissé tout ce que je possède.
1 abii hvc
Rhodo Athenas scilicet. 2 qvi mihi reliqvit haec qvae habeo
omnia hoc ideo, ne tantundem obsequii exigat Phaedria. at
econtra Parmeno «
utrumque hoc falsum est: effluet
63 ». 3 Ipse exponit hoc
utrumque
quid dicat. et contra dicendum est, quia praesens amator grauatur
hoc dicto.
1 abii hvc
c'est-à-dire de Rhodes à Athènes. 2 qvi mihi
reliqvit haec qvae habeo omnia elle dit cela pour que
Phédria n'exige pas d'elle tant d'obéissance. Mais Parménon dira
le contraire « utrumque hoc falsum est : effluet ». 3 Il expose lui-même quelles sont les deux
choses dont il parle ; et il faut la contredire, parce que
l'amoureux, du fait qu'il est présent, est ébranlé par cette
parole.
Pa.-utrumque hoc falsum est:
effluet. Th.-qui istuc? Pa.-quia
Pa.-Voilà deux mensonges, ça va
fuir. Th.-Comment ça ? Pa.-Parce que
neque tu uno contenta eras322 neque solus dedit;
tu ne te contentais pas d'un seul
et qu'il n'a pas été le seul à donner.
1 neqve tv vno
contenta eras quippe quae admiseris militem. 2 neqve
solvs dedit quippe quia non omnia tua illius fuere
mortui.
1 neqve tv vno
contenta eras puisque tu as fait bon accueil au
soldat. 2 neqve solvs dedit puisque tout ce que tu
possèdes ne te vient pas de ton premier amant défunt.
nam hic quoque bonam magnamque
partem ad te attulit.
Car celui-là aussi, c'est une bonne
grosse part qu'il t'a apportée.
1 nam hic
qvoqve ἀστείως, nec Phaedria sed hic dixit tangens
illum et quasi inuito illo haec exprobrat. 2 bonam magnamqve
partem ad te attvlit haec dicuntur ἰσοδυναμοῦντα, ut «
abs te petere et poscere
64 ». 3 An potius bonam specie,
magnam
quantitate? 4 Et nunc discretiue
dictum est, nam alias bona pro magna accipimus
et multa .
1 nam hic
qvoqve avec esprit (ἀστείως), il ne dit pas Phaedria (Phédria)
mais hic, en le touchant, et il fait ce
reproche presque sans l'accord de son maître. 2 bonam magnamqve
partem ad te attvlit les deux adjectifs sont équipollents
(ἰσοδυναμοῦντα), comme le sont
les deux verbes dans « abs te petere et poscere ». 3 A moins que bona ne se rapporte à l'155, magna à
la quantité ? 4 Et ici les deux
épithètes sont disjointes, alors qu'ailleurs bona est mis pour
magna
et multa.
Th.-ita est; sed sine me peruenire
quo uolo.
Th.-C'est vrai ; mais laisse-moi en
venir où je veux.
ita est ; non erat negandum, quod dixit
Parmeno, meretrici satisfacere cupienti et non tacenti culpam in
conscientia esse.
ita est il ne fallait pas que les paroles de
Parménon soient niées par la courtisane qui désire faire
réparation et ne dissimule pas qu'elle a conscience de sa
faute.
interea miles qui me amare
occeperat
Entre temps, le soldat qui avait
commencé à être amoureux de moi
in Cariam est profectus; te interea
loci
partit pour la Carie ; c'est à ce
moment-là
1 te interea loci
cognovi oratorie priorem amatorem facit militem quam
Phaedriam; nam posterius dicit hunc cognitum per absentiam
militis. ergo cum militi Phaedria riualis superductus sit,
consequens est, ut miles queri debuerit, non Phaedria, et
propterea nihil mirum, si ordine seruato miles antepositus fuerit
amatori postmodum cognito; et hoc, sine puellae et munerum causa,
multum pro milite contra Phaedriam ualet. 2 Sed uide meretricem, quia rem dixit percutientem,
quot et qualia blandimenta subiecerit dicendo «
tute scis postilla quam intimum habeam
te
65 » etc.
1 te interea loci
cognovi conformément à la technique oratoire elle désigne
comme premier amant le soldat plutôt que Phédria ;de fait elle dit
qu'elle a connu celui-ci ensuite à la faveur de l'absence du
soldat. Donc, puisque Phédria son rival a eu la préséance sur le
soldat, il en résulte que c'est le soldat qui devrait se plaindre,
et non Phédria, et, du coup, il n'y a rien d'étrange à ce que,
conformément à l'ordre chronologique, le soldat ait précédé
l'amoureux, connu ultérieurement ; et cela, n'était le prétexte de
la jeune fille et des cadeaux, vaut beaucoup en faveur du soldat
contre Phédria. 2 Mais voyez comment
la courtisane, parce qu'elle dit quelque chose qui fait mal,
ajoute force cajoleries156 expertes, en
disant « tute scis postilla quam intimum habeam te » etc.
cognoui. tute scis postilla quam
intimum
que je t'ai connu. Tu sais, depuis
ce moment, avec quelle intimité
1 cognovi
proprie cognoui. 2 tvte scis
postilla qvam intimvm σχῆμα ἐπιμονή, nam hoc ad narrationem non
pertinet.
1 cognovi
cognoui, au sens propre157. 2 tvte scis
postilla qvam intimvm figure de dilatation (σχῆμα ἐπιμονή), car cela n'a pas de
rapport avec la narration.
habeam te et mea consilia tibi323 credam omnia.
je te traite, et je te confie
toutes mes pensées.
1 et mea consilia
tibi credam omnia ex praesenti actu sumpsit argumentum,
quod nunc eum tanquam consultorem adhibuerit. 2 Et bene credam secundum illud «
potin est hic tacere?
66 »
1 et mea consilia
tibi credam omnia elle tire argument de l'acte présent,
puisque désormais elle l'utilise comme conseiller. 2 Et elle dit bien credam, pour faire suite à « potin est
hic tacere ? »?
Ph.-ne hoc quidem tacebit Parmeno.
Pa.-oh, dubiumne id est?
Ph.-Cela non plus, Parménon ne va
pas le taire. Pa.-Oh non, pas de doute là-dessus.
1 ne hoc
qvidem id est: hoc quoque falsum est. 2 dvbivmne id
est me non taciturum scilicet.
1 ne hoc
qvidem c'est-à-dire que cela aussi est faux. 2 dvbivmne
id est c'est-à-dire que je ne vais pas me taire.
Th.-hoc agite, amabo. mater mea
illic mortua est
Th.-Allez écoutez, je vous en prie.
Ma mère est morte là-bas
1 hoc agite
amabo hoc
agite pro aduerbio corripientis est positum aut certe
pro adhortatione audientiae praebendae. sic Plautus «
hoc agite si uultis, spectatores
67 ». 2 Et conuenit
ueluti nutu audientiam significantis et gestu hoc ipsum
adiuuari. 3 hoc agite id est: illud desinite et hoc
attendite.
1 hoc agite
amabo hoc agite, fonctionne comme un adverbe de reproche
ou du moins comme une exhortation à prêter attention. Ainsi chez
Plaute « hoc agite si uultis, spectatores » (allons, s'il vous
plaît, spectateurs). 2 Et il
convient d'aider ce propos pour ainsi dire d'un hochement de tête
et d'un geste qui signifient l'attention. 3 hoc
agite c'est-à-dire cessez cela et observez ceci.
nuper; eius frater aliquantulum
324 est ad rem auidior.
dernièrement. Son frère est un tout
petit peu trop attaché aux biens ;
1 nvper eivs
frater ut adhuc amor flagrare uideatur, addidit nuper. 2 aliqvantvlvm est ad rem avidior uultu
accommodato ad reprehensionem pronuntiandum est. 3 ad rem
avidior proprie auidior. 4 ad rem
pecuniam modo dicit.
1 nvper eivs
frater pour que l'amour semble encore tout ardent, elle
ajoute nuper. 2 aliqvantvlvm est ad rem avidior il faut dire
cette réplique avec un visage propre à exprimer le
reproche 3 ad rem avidior auidior est au sens
propre. 4 ad rem le mot désigne parfois l'argent.
is ubi esse hanc forma uidet
honesta uirginem
quand il voit que cette fille est
d'un physique avenant,
is vbi hanc forma videt ex aliena persona
uult ostendere praeter affectum quanti sibi existimanda sit et
quanto munere miles Phaedriae meruerit anteponi.
is vbi hanc forma videt elle veut montrer
par le biais d'une tierce personne à quel prix, indépendamment de
son affection, elle doit estimer la petite et quel grand cadeau a
dû valoir au soldat la préséance sur Phédria.
et fidibus scire pretium sperans
ilico
et qu'elle sait la lyre, dans
l'espoir d'en tirer un bon prix, aussitôt
1 et fidibvs
scire uetusta ἔλλειψις. 2 pretivm
sperans deest magnum 19, ut «
stabulo frenos
a.
audire
s.
sonantis
68 ».
1 et fidibvs
scire ellipse (ἔλλειψις)
archaïque. 2 pretivm sperans il manque magnum (beaucoup),
comme chez Virgile « stabulo frenos audire sonantis » (à l'écurie
entendre tinter les mors).
producit, uendit. forte fortuna
adfuit
il la met aux enchères, il la vend.
Par un heureux hasard se trouvait là
1 prodvcit
proprie, nam produci uenales dicuntur. 2 prodvcit
vendit haec celeritas uendibilem indicat mercem. 3 forte
fortvna id est bona fortuna.
1 prodvcit
au sens propre, car on dit des personnes que l'on vend qu'on les
expose. 2 prodvcit vendit cette rapidité atteste une
marchandise facile à vendre. 3 forte
fortvna c'est-à-dire par une heureuse fortune.
hic meus amicus: emit eam dono
mihi
ce mien ami : il l'achète pour me
la donner,
hic mevs amicvs quia locus est meritorum,
non iam miles, sed meus amicus. uide enim quid sequatur:
«
emit inquit eam dono mihi
69 ».
hic mevs amicvs parce que c'est le lieu
commun des mérites elle ne dit plus miles (le soldat), mais meus amicus. Voir en
effet la suite : elle dit « emit inquit eam dono mihi ».
imprudens harum rerum ignarusque
omnium.
sans savoir ces détails et ignorant
de tout.
1 imprvdens harvm
rervm hic ostendit quam auidus id faceret, si rem penitus
nosset. 2 Simul etiam ostenditur
quanta secreta dicat Phaedriae, utpote quae riualis
nesciat. 3 imprvdens harvm rervm ignarvsqve omnivm
prudentia naturalis est, gnaritas extrinsecus uenit. 4 Imprudens per se, ignarus per
alios. 5 Hoc est: qui nec suspicatus
sit neque ex aliquo audierit.
1 imprvdens harvm
rervm elle montre par là avec quelle cupidité il l'aurait
fait s'il avait eu la pleine et entière connaissance de
l'affaire. 2 En même temps aussi,
elle montre à Phédria l'importance du secret qu'elle lui dévoile
d'autant plus que son rival l'ignore. 3 imprvdens harvm
rervm ignarvsqve omnivm la prévoyance est innée, la
connaissance vient du dehors. 4 On
est imprudens par soi-même, ignarus du fait d'autrui. 5 C'est-à-dire : qui ne l'avait pas deviné ni
n'avait été mis au courant par quelqu'un.
is uenit: postquam sensit me tecum
quoque
Il est arrivé ; quand il a compris
qu'entre toi et moi aussi
1 postqvam sensit
me tecvm qvoqve rem habere non dictum sed quasi celatum
< sensit >. 2 sensit me tecvm
qvoqve rem habere magno pondere dixit tecum quoque, tamquam
irascendi magis iusta causa sit militi quam Phaedriae. nam
sensit
et
tecum quoque
hoc significat.
1 postqvam sensit
me tecvm qvoqve rem habere quelque chose qui n'était pas
dit mais presque caché. 2 sensit me tecvm qvoqve rem
habere elle dit tecum quoque en donnant beaucoup de
poids à ses paroles, comme si le soldat avait de plus justes
raisons de dépit que Phédria. Car sensit et tecum
quoque ont ce sens.
rem habere, fingit causas ne det
sedulo:
il y avait quelque chose, il
invente des raisons pour ne pas la donner tout de suite.
1 rem
habere sic dixit, ut honeste res impura dicatur. 2 ne det
sedvlo sine
dolo, hoc est impense.
1 rem
habere elle parle ainsi pour évoquer en termes policés une
chose scabreuse. 2 ne det sedvlo sine dolo (sans
ruse), d'où avec empressement.
ait si fidem habeat se iri
praepositum tibi
Il dit que s'il avait la certitude
d'être préféré à toi
1 ait
semper ait
dicimus, cum uel inuisa nobis et audientibus uel uana dicta
narramus alicuius. 2 si fidem habeat hoc est: si
faciam aliquid, unde credat se tibi praeponi. 3 si fidem
habeat si credere cogatur. 4 Id est si credat: unde fideiussor
dicitur, hoc est auctor credendi. 5 se iri
praepositvm tibi apvd me ἀναστροφή in uerbo praepositum
iri. 6 Necessaria
implicatio in his, quae dura dictu sunt.
1 ait nous
disons toujours ait (dit-il) quand nous parlons de
choses odieuses à nous ou à nos auditeurs, ou des paroles vaines
de quelqu'un. 2 si fidem habeat c'est-à-dire si je faisais
quelque chose qui lui fît croire qu'il a la préférence sur
toi. 3 si fidem habeat s'il était contraint de le
croire. 4 C'est-à-dire s'il lui
faisait crédit : d'où le nom du fideiussor (fidéjusseur), c'est-à-dire
le garant d'un crédit. 5 se iri praepositvm tibi apvd me
il y a une anastrophe (ἀναστροφή)
dans le verbe praepositum iri. 6 Il y a une complication nécessaire pour exprimer
les choses désagréables à dire.
apud me, ac non id metuat, ne, ubi
acceperim,
dans mon cœur et s'il ne craignait
pas que, quand je l'aurais reçue,
sese relinquam, uelle se illam mihi
dare;
je ne le plante là, il accepterait
de me la donner ;
uerum id uereri. sed ego quantum
suspicor,
mais il a peur. Mais, pour autant
que moi je le devine,
sed ego qvantvm svspicor alta et acuta
inuentio: scit meretrix amatores hoc solo inimicos esse, quod idem
diligunt; magnifice igitur, ut riualis odium deleniret, uult
persuadere Phaedriae non se amari sed uirginem.
sed ego qvantvm svspicor invention158 supérieure et
pénétrante : la courtisane sait que des rivaux se détestent pour
la seule raison qu'ils aiment le même objet ; donc sans lésiner
sur les moyens, pour adoucir la haine qu'il porte à son rival,
elle veut faire croire à Phédria que ce n'est pas elle, mais la
jeune fille qui est aimée du soldat.
ad uirginem animum adiecit.
Ph.-etiamne amplius?
il a jeté son dévolu sur la fille.
Ph.-Rien de plus ?
1 ad virginem
animvm adiecit cur hoc inferat? ut uel laedendi militis
causa Phaedria patiatur eum, quam amet et nolit, uirginem dono
dare. 2 etiamne amplivs mundat Terentius, ut solet,
res huiusmodi per ἔλλειψιν suam.
1 ad virginem
animvm adiecit pourquoi ajouter cela ? Pour que Phédria,
dans l'idée de léser le soldat, accepte que ce dernier donne la
jeune fille en cadeau, alors que, prétendument, il l'aime et ne
souhaite pas la donner. 2 etiamne amplivs comme souvent,
Térence expurge les saletés de ce genre grâce à une ellipse
(ἔλλειψις) de son159.
Th.-nihil325; nam
quaesiui. nunc ego eam, mi Phaedria,
Th.-Rien, j'ai fait mon enquête. Et
moi maintenant, mon Phédria,
1 nihil nam
qvaesivi nvnc ego optime purgauit Terentius, quod mox
liberalibus nuptiis fuerat obfuturum, si uitiatam uirginem duceret
Chaerea. necessario ergo defenditur, tamquam quae honeste nuptura
est. 2 nvnc ego eam mi phaedria mvltae svnt cavsae
non indiligenter considerauerunt hanc meretricis orationem, qui
illam instar controuersiae rettulerunt. nam et principium est
«
me miseram! uereor ne illud grauius
Phaedria tulerit
70 » et narratio «
Samia mihi mater fuit
71 » et partitio cum confirmatione «
nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt
causae quamobrem cupio abducere: primum quod soror est
dicta
72 » etc. et reprehensio «
egone id timeo?
73 » et «
egone non ex animo misera dico?
74 » et conclusio per conquestionem «
quam ioco rem a me <..> impetrare
abs te nequeo, biduum saltem ut concedas20
75 ».
1 nihil nam
qvaesivi nvnc ego Térence lève excellemment l'obstacle qui
aurait pu empêcher un mariage comme il faut, si Chéréa devait
épouser la jeune fille après l'avoir déshonorée. Donc il faut la
disculper en en faisant une fille qui pourra se marier en toute
honnêteté. 2 nvnc ego eam mi phaedria mvltae svnt cavsae
on n'a pas tort de considérer ce discours de la courtisane comme
une sorte de controverse. En effet, on y trouve un exorde « me
miseram ! uereor ne illud grauius Phaedria tulerit » puis une
narration « Samia mihi mater fuit » puis une partie avec
confirmation160 « nunc ego
eam, mi Phaedria, multae sunt causae quamobrem cupio abducere :
primum quod soror est dicta » etc. puis une objection « egone id
timeo ? » et « egone non ex animo misera dico ? » puis une
conclusion en forme de plainte « quam ioco rem a me (...)
impetrare abs te nequeo, biduum saltem ut concedas solum ».
multae sunt causae quam ob rem
cupio abducere:
j'ai beaucoup de raisons pour
désirer la lui retirer ;
qvamobrem cvpio abdvcere etiam hoc uerbo
gratificatur Phaedriae, non enim accipere ut ab amico remunerante, sed
abducere
ut ab stulto et experte.
qvamobrem cvpio abdvcere par ce mot aussi
elle avantage Phédria, car elle ne dit pas accipere (recevoir),
comme on le dirait d'un ami qui fait un cadeau, mais abducere (enlever)
comme on le dirait d'un sot ou d'un benêt.
primum quod soror est dicta;
praeterea ut suis
d'abord parce qu'elle a passé pour
ma sœur ; ensuite à sa famille
restituam ac reddam; sola sum;
habeo hic neminem
je veux la ramener et la rendre. Je
suis seule ; je n'ai ici personne,
1 vt svis
restitvam ac reddam restituimur his, quibus nos uolumus,
reddimur
his, qui nos uolunt. 2 Ergo
restituimur uolentes, reddimur uolentibus.
sed in hac utrumque est. 3 sola svm habeo hic neminem
sola ad
familiarium refertur absentiam, habeo hic neminem ad alienorum
amicitiam. potest enim sola domi esse, habere tamen aliquem
foris. 4 Et
habeo hic
neminem plus sonat quam neminem hic habeo. 5 Et sola sum ab his quos natura conciliat
per se, habeo hic
neminem eorum qui uoluntate iunguntur.
1 vt svis
restitvam ac reddam nous sommes restitués à ceux à qui
nous voulons l'être, nous sommes rendus à ceux qui nous
veulent. 2 Donc quand nous sommes
restitués, nous le sommes de notre plein gré, quand nous sommes
rendus c'est au gré des destinataires, mais ici c'est les
deux. 3 sola svm habeo hic neminem sola se rapporte à
l'absence de ses proches, habeo hic neminem, à l'amitié des
personnes extérieures. Car elle peut être seule chez elle et avoir
tout de même quelqu'un au dehors. 4 Et habeo hic neminem, est plus expressif
que neminem hic
habeo (je n'ai personne 161). 5 Et il faut
comprendre sola
sum, je suis seule, loin de ceux que la nature
rassemble d'elle-même, habeo hic neminem, comprendre : de ceux
qui se joignent à moi par affinité.
neque amicum neque cognatum.
quamobrem, Phaedria,
ni ami, ni parent. C'est pourquoi,
Phédria,
1 neqve
amicvm bene hoc apud amatorem, nam aliud est amator, aliud
amicus:
amator qui
ad tempus, amicus qui perpetuo amat. 2 An quia in patris potestate est
Phaedria? 3 qvamobrem phaedria in necessariis interponi
nomen licet audientis.
1 neqve
amicvm bon choix de terme auprès de son amoureux ; car
amator
(amoureux) et amicus (ami) sont deux choses
différentes: l'amoureux aime pour un temps, l'ami aime pour la
vie. 2 Ou bien est-ce parce que
Phédria est sous la puissance paternelle ? 3 qvamobrem
phaedria le nom de l'interlocuteur peut être compté parmi
ceux de ses obligés.
cupio aliquos parare326 amicos beneficio meo.
je veux me faire quelques amis par
ma bonne action.
1 cvpio aliqvos
parare amicos beneficio meo hic ostendit specialiter,
cuiusmodi amicos quaerat, ne Phaedriam contemnere
uideatur. 2 parare amicos beneficio meo quia pariuntur
et suo, sed minus diligunt.
1 cvpio aliqvos
parare amicos beneficio meo162 elle montre ici spécialement
quel genre d'amis elle recherche pour ne pas paraître mépriser
Phédria. 2 parare amicos beneficio meo parce qu'on se
fait des amis aussi avec son argent, mais ils ont moins
d'affection.
id amabo adiuta me, quo id fiat
facilius:
S'il te plaît, aide-moi pour que
cela soit plus facile.
1 21 amabo adivta me qvo id fiat facilivs
παρέλκον bis
id
posuit. 2 adivta me mira coactio: pro patere excludi
adiuta me
dixit.
1 id amabo adivta
me qvod id fiat facilivs pléonasme (παρέλκον), il met deux fois id. 2 adivta
me elle donne un résumé163
paradoxal : au lieu de patere excludi (veuille bien te laisser
congédier), elle dit adiuta me (aide moi).
sine illum priores partis hosce
aliquot dies
Permets que ce soit lui, pendant
ces quelques jours, qui ait la primauté
1 sine
illvm blande sine illum, tamquam in manu eius sit
iniuriam non pati et excludi militem; non enim dixit fer aut patere sed sine. 2 priores partes
hosce aliqvot dies honeste circumloquitur et oratorie, ne
dicat abi
foras atque excludi te patere.
1 sine
illvm manière caressante de dire sine illum, comme
s'il était en son pouvoir de ne pas souffrir cette injustice et
que ce soit le soldat qui fût éconduit ; car elle ne dit pas
fer
(accepte) ou patere (supporte) mais sine
(permets). 2 priores partes hosce aliqvot dies elle fait
une circonlocution polie et oratoire pour éviter de dire
abi foras
(fiche le camp) et excludi te patere (laisse-toi
congédier).
apud me habere. nihil respondes?
Ph.-pessuma,
dans mon cœur. Tu ne réponds rien ?
Ph.-Sale garce !
1 nihil
respondes iam silentium accusat, quia scit nihil
contrarium responsurum. 2 Et satis
blande mihi 22 dixit, tamquam: cui debeas amoris
uicem.
1 nihil
respondes elle accuse maintenant son silence, parce
qu'elle sait qu'il n'aura pas de contre-argument. 2 Et elle dit mihi (à moi) de manière assez
caressante, comme pour dire moi à qui tu devrais un amour
réciproque.
egon quidquam cum istis factis tibi
respondeam?
que puis-je te répondre, après ce
que tu fais là ?
egon qvidqvam facete exprimitur amantis ira,
amoris integratio.
egon qvidqvam expression facétieuse du dépit
amoureux, renouveau d'amour164.
Pa.-eu noster, laudo: tandem
perdoluit: uir es.
Pa.-Bravo, notre maître ;
compliments. Finalement, ça a fait bien mal ; tu es un homme.
1 tandem
perdolvit nimis doluit. 2 Id
est persensit dolorem. 3 Et tandem quasi qui
impatiens fuit. 4 tandem perdolvit vir es
eleganter uariauit personas, secundam et tertiam. 5 vir es
non puer
nunc es, sed iam uir, qui meretricem contemnis.
1 tandem
perdolvit ça a fait bien mal. 2 C'est-à-dire il a senti toute sa
douleur. 3 Et tandem (enfin) est le
mot d'un homme pour ainsi dire impatient. 4 tandem perdolvit
vir es élégant passage de la deuxième à la troisième
personne. 5 vir es tu n'es plus un enfant (puer), mais
désormais un homme (uir) : tu as du mépris pour une
courtisane.
Ph.-aut ego nescibam quorsum tu
ires? « paruola
Ph.-Ne savais-je pas où tu voulais
en venir ? « Une toute petite
hinc est abrepta; eduxit mater pro
sua;
a été enlevée d'ici ; ma mère l'a
élevée comme si elle était à elle.
hinc est abrepta edvxit mater pro sva uide
μίμησιν cum
odio inductam et deprauatam pronuntiatione ita, ut et ὁμοιοτέλευτα non
uitarentur de industria: abrepta pro sua soror est dicta.
hinc est abrepta edvxit mater pro sva voyez
comme il représente165
(μίμησις) la haine et les défauts
de prononciation qu'elle implique, au point de ne pas travailler à
éviter des homéotéleutes (ὁμοιοτέλευτα) : abrepta, pro sua, soror est dicta 166.
soror dicta est; cupio abducere, ut
reddam suis »:
Elle a passé pour ma sœur, je veux
la soustraire pour la rendre aux siens ».
nempe omnia haec nunc uerba huc
redeunt denique:
Vraiment, toutes ces belles paroles
reviennent pour finir à ceci :
1 haec nvnc
verba id est false dicta. 2 hvc
redevnt ut excludar.
1 haec nvnc
verba c'est-à-dire des mensonges. 2 hvc
redevnt ces paroles aboutissent à mon renvoi.
ego excludor, ille recipitur. qua
gratia?
moi on me flanque dehors, et lui on
le reçoit. Au nom de quoi,
nisi327
illum plus amas quam me et istam nunc times
sinon parce que tu l'aimes plus que
moi, parce que tu as peur que cette fille
1 nisi illvm plvs
amas qvam me repudiatis causis, quas illa attulerat, per
deriuationem causae hic aliud inducit esse cur
repellatur. 2 et istam nvnc times qvae advecta est adeo,
inquit, amas militem, ut etiam inuideas, si quam amauerit.
1 nisi illvm plvs
amas qvam me après avoir repoussé les raisons qu'elle
avait invoquées, en détournant la cause il apporte un autre
argument qui justifie son éviction. 2 et istam nvnc
times qvae advecta est tu aimes tellement le soldat,
dit-il, que tu en es à être jalouse qu'il en aime une autre.
quae aduecta est ne illum talem
praeripiat tibi.
qu'il a amenée ne te souffle un
amant de cette trempe ?
talem praeripiat tibi εἰρωνεία stomachantis
amatoris.
talem praeripiat tibi ironie (εἰρωνεία) de l'amoureux dépité.
Th.-egon id timeo? Ph.-quid te ergo
aliud sollicitat? cedo.
Th.-Moi ! craindre ça ? Ph.-Alors
quel autre souci as-tu ? Vas-y.
qvid te ergo alivd sollicitat quid est,
inquit, si hoc non est?
qvid te ergo alivd sollicitat qu'est-ce,
dit-il, si ce n'est cela?
num solus ille dona dat? num ubi
meam
Est-ce qu'il est le seul à te faire
des cadeaux ? As-tu jamais
1 nvm solvs ille
dona dat hic iam quasi quaestiones tractantur: sed ille
munus aduexit. 2 nvm solvs ille dona dat 23 possunt enim dona
dari sed exigua aut minus libenter, et ideo mentionem benignitatis
adiecit. 3 nvm vbi meam benignitatem sed ille benignus
est. 4 nvm vbi numquid alicubi. 5 Aut si nuncubi legimus, erit temporis
aduerbium, ut sicubi quo in loco, qua in re. 6 nvm vbi
meam benignitatem intellegit se et donum obtulisse et id
benigne saepe fecisse; nam plerumque ingrata dona sunt, in quibus
benignitas non apparet, quae aut in quantitate rerum est aut in
facilitate praestantis.
1 nvm solvs ille
dona dat ici sont désormais traitées des sortes de
questions : mais lui a apporté un cadeau. 2 nvm solvs ille
dona dat car on peut faire des cadeaux, mais maigres et
sans envie d'en faire ; aussi fait-il aussi mention de sa
bienveillance. 3 nvm vbi meam benignitatem mais lui est
bienveillant. 4 nvm vbi équivaut à numquid alicubi
(est-ce que par hasard, en une occasion…). 5 Ou alors si nous lisons nuncubi (est-ce que
quelque part) ce sera un adverbe de temps, comme sicubi (ici, en
cela). 6 nvm vbi meam benignitatem il comprend qu'il
a fait des cadeaux et qu'il les a souvent faits avec
bienveillance ; car le plus souvent sont désagréables les cadeaux
dans lesquels on ne sent pas de bienveillance, laquelle réside
dans la quantité des cadeaux ou dans la spontanéité à offrir.
benignitatem sensisti in te
claudier?
senti que ma libéralité à ton égard
clochait ?
clavdier claudi aut claudicare. Sallustius «
neque enim ignorantia res claudit
76 » et «
nihil socordia claudebat
77 ».
clavdier équivaut à claudi (être fermé)
ou à claudicare (être boiteux). Ainsi chez
Salluste « neque enim ignorantia res claudit »(car ce n'est pas
par ignorance que les affaires clochent) et « nihil socordia
claudebat » (rien ne clochait à cause de la stupidité).
nonne mihi ubi328 dixti
cupere te ex Aethiopia
N'est-il pas vrai que, quand tu
m'as dit que tu avais envie d'une Ethiopienne
1 nonne mihi vbi
dixti plus dixit ubi dixti cupere te, quam si diceret
petisti ut
emerem; plus est enim id praestitisse, quod qui
acceperit non ausus fuerit postulare. 2 cvpere
te uult rem parui pretii ex illius cupiditate et suo
labore perpendi. 3 ex aethiopia non Aethiopissam sed
honestius ex Aethiopia.
1 nonne mihi vbi
dixti il dit plus en disant ubi dixti cupere te, que s'il disait
petisti ut
emerem (tu m'as demandé d'acheter) ; car c'est
davantage d'avoir fourni ce que le récipiendaire n'aurait pas osé
réclamer. 2 cvpere te il veut qu'une chose de peu de
valeur soit évaluée à l'aune de son désir à elle et de la peine
qu'il y a prise. 3 ex aethiopia il ne dit pas
Aethiopissam (Éthiopienne), mais plus
honnêtement ex
Aethiopia (d'Éthiopie).
ancillulam, relictis rebus
omnibus
comme petite servante, j'ai tout
laissé
relictis rebvs omnibvs qvaesivi haec iam
omnia in beneficiis considerari solent.
relictis rebvs omnibvs qvaesivi tout cela
est d'ordinaire compté parmi les bienfaits.
quaesiui? porro eunuchum dixti
uelle te,
pour t'en chercher une ? Après,
c'est un eunuque que tu as dit que tu voulais,
1 qvaesivi
uide quemadmodum adhibeat atque aerumnas sibi difficilium munerum
dicat imposuisse meretricem: ex Aethiopia ancillulam inquit
dixti te
cupere; quid ego feci in re caeli ac solis ac paene
orbis alterius? quaesiui, nec enim in promptu
erat. 2 Deinde non petisti sed
dixisti,
nec uelle
te sed cupere, non nigram sed ex Aethiopia, nec
dedi sed
relictis rebus omnibus
is quaesiui: quid hic non exquisitum, quid non ita
expressum, ut nihil addi possit? 3 porro
evnvchvm deinde uel postea uel multo post. 4 evnvchvm
velle eunuchos a Persis institutos putant ex captiuis; a
Babylonibus enim Hellanicus auctor exstat id habuisse. 5 porro
evnvchvm dixti velle te uide quemadmodum, ut maius faciat
quod praestitit, non semel imputat duo mancipia, sed primo
puellam, deinde eunuchum: illam quia ex Aethiopia, hunc quia solae utuntur his
reginae. quid tale Thaidi riualis dedit? 6 evnvchvm εὐνοῦχος εἴρηται ὡς εὐνὴν ἔχων, τοῦτ᾽ ἔστιν
φυλάττων, ὡς ἡνίοχος ῥαβδοῦχος σκηπτοῦχος εὐνὴν οὖν γυναικὸς
κἀνδρός.
1 qvaesivi
voyez comment il la traite et dit que la courtisane lui a imposé
des épreuves consistant en cadeaux difficiles : une petite
servante d'Éthiopie, dit-il, c'est ce que tu as dit que tu
désirais ; et qu'est ce que j'ai fait dans cette chose qui coûtait
le prix du ciel, du soleil, voire d'un autre monde167 j'ai recherché, car ce n'était pas sous la
main. 2 Ensuite, tu n'as pas demandé
mais tu as dit, non pas que tu voulais mais que tu désirais, non
pas une noire, mais une fille d'Éthiopie, et je ne l'ai pas donnée
mais en laissant tomber tout le reste, je l'ai recherchée : y
a-t-il là rien qui ne soit recherché et si bien dit qu'on ne peut
rien y ajouter ? 3 porro evnvchvm deinde (ensuite) ou
postea
(après quoi) ou multo
post (bien après)168. 4 evnvchvm velle on pense que les
eunuques sont une institution des Perses, à partir de prisonniers;
car l'auteur Hellanicos atteste que les Perses le tenaient des
Babyloniens. 5 porro evnvchvm dixti velle te voyez comment,
pour majorer son cadeau, il ne dénombre pas les deux esclaves en
une seule fois, mais évoque d'abord la petite servante puis
l'eunuque, la première parce qu'elle est d'Éthiopie, le second
parce que seules les reines en ont. Qu'est-ce que son rival a
offert de comparable à Thaïs ? 6 evnvchvm
le mot εὐνοῦχος vient de εὐνὴν ἔχων (qui tient la couche),
c'est-à-dire qui la surveille, comme on dit ἡνίοχος (celui qui tient les rênes)
ῥαβδοῦχος (celui qui porte une
baguette) σκηπτοῦχος (celui qui
porte un sceptre). La couche est donc celle de la femme comme
celle de l'homme.
quia solae utuntur his329 reginae; repperi,
parce que il n'y a que les aristos
qui en ont ; je l'ai trouvé.
1 reginae
reginae
diuites, sed ἐμφατικώτερον est. 2 qvia solae
vtvntvr his reginae uarie eunuchum dixit et intulit his, ut «
si quisquam est qui placere se studeat
bonis quam plurimis et minime multos laedere, in his poeta hic
nomen profitetur suum
78 ». 3 repperi plus est quam emi. 4 Et uide quam propriis et amplissimis
uerbis usus est, quia et ancillam ex Aethiopia et eunuchum < quia solae utuntur his
reginae >: illam quaesiui, hunc repperi. 5 Ergo uigilanter ancillam quaesiui, hunc
repperi:
neutrum enim horum facile positum erat. 6 qvia solae
vtvntvr his reginae nota, cum eunuchum singulari
numero praeposuerit, his subiunxisse. 7 Sed his non ad eunuchum rettulit, sed ad
delicias aut quid tale: quia solae utuntur huiusmodi deliciis
seruitiisque reginae. 8 Et
oratorie hic subdidit quod in ancillula praetermisit, quia nulla
Aethiopissa honesta dici potuit. 9 Et reginas modo diuites dicit. in Phormione
«
o, regem me esse oportuit!
79 »
1 reginae
les reines, c'est-à-dire les riches, mais c'est dit avec un peu
d'emphase (ἐμφατικώτερον). 2 qvia solae
vtvntvr his reginae par variation de nombre, il dit
eunuchum
au singulier et le reprend par his au pluriel, comme dans le prologue
« si quisquam est qui placere se studeat bonis quam plurimis et
minime multos laedere, in his poeta hic nomen profitetur
suum ». 3 repperi c'est plus que emi (j'ai
acheté). 4 Et voyez quels termes
appropriés et amples il utilise, puisque la servante est
d'Éthiopie et l'eunuque, parce que seules les reines en ont :
celle-là je l'ai recherchée, celui-ci je l'ai trouvé. 5 C'est donc diligemment que j'ai cherché la
servante et trouvé l'eunuque : car aucun des deux n'était
facilement disponible. 6 qvia solae vtvntvr his reginae
remarquez que, alors qu'il a d'abord mis eunuchum au
singulier, il ajoute le pluriel his. 7 Mais his reprend non pas l'eunuque mais les
délices et autres choses de ce genre : parce que seules les reines
ont des délices et des services de ce genre. 8 Et de façon oratoire il met la deuxième fois ce
qu'il a passé sous silence à propos de la petite servante, parce
qu'aucune Éthiopienne ne peut être dite honorable. 9 Et par reginas (reines) il veut seulement dire
les dames riches. Dans le Phormion il dit: « o, regem
me esse oportuit ! ».
heri minas uiginti pro ambobus
dedi.
Hier j'ai donné vingt mines pour
les deux.
1 heri minas
viginti pro ambobvs dedi recentiora beneficia grauiora
sunt aduersum ingratos. ergo a tempore inducitur
exprobratio. 2 pro ambobvs dedi melius amborum pretium,
quam ut separatim diceret, quantillo emerit ancillulam nigram, de
qua mox dicetur «
hic sunt tres minae
80 ». nam constat eunuchum solum emptum esse minis uiginti,
ut ipse Parmeno confitebitur seni.
1 heri minas
viginti pro ambobvs dedi les tout derniers bienfaits ont
plus de poids à l'égard des ingrats. Donc c'est de l'indication de
temps que vient le reproche. 2 pro ambobvs
dedi il fait mieux de dire le prix global que de le
détailler en avouant quelle misère lui a coûté la petite servante
noire, sur laquelle bientôt on dira « hic sunt tres minae ». Car
il s'avère que l'eunuque seul a été acheté vingt mines, comme
Parménon l'avouera au vieillard.
tamen contemptus abs te haec habui
in memoria:
Tu as beau me dédaigner, je n'ai
pas oublié cela,
tamen contemptvs abs te et hoc seruatur in
beneficiis, nam maiora sunt cessantibus meritis eorum, quibus
praestantur.
tamen contemptvs abs te et cela est mis au
compte des bienfaits, car les bienfaits sont majorés quand ceux à
qui ils sont destinés ont cessé de les mériter.
ob haec facta abs te spernor.
Th.-quid istic, Phaedria?
et pour récompense, tu me rejettes.
Th.-Que dis-tu, Phédria ?
1 ob haec facta
abs te spernor hic duplex pronuntiatio est: uel per
interrogationem uel per inuidiosam exprobrationem. 2 Et melius uelut indicatiuo modo quam interrogatiuo
profertur; hoc enim est multo grauius quam illud. 3 ob haec facta
abs te spernor sic Vergilius «
nos munera templis quippe tuis
ferimus
81 ». et eum interrogatione uel cum increpatione proferri
potest. 4 qvid istic hoc aduerbium consentire
incipientis est. et est ἔλλειψις: deest enim remoramur aut quid
tale.
1 ob haec facta
abs te spernor ici, double prononciation possible : ou sur
le mode interrogatif ou sur celui de l'exclamation
indignée. 2 Et mieux vaut le
proférer sur le ton assertif que sur le ton interrogatif, car ce
dernier est beaucoup plus grave que le premier. 3 ob haec facta
abs te spernor Virgile dit de même « nos munera templis
quippe tuis ferimus » (c'est pour cela que de toute évidence nous
apportons des dons à tes temples). Et on peut le proférer ou comme
une question ou comme un blâme. 4 qvid
istic cet adverbe signale un début d'accommodement. Et il
y a une ellipse (ἔλλειψις) : il
manque en effet remoramur (que tardons-nous ?) ou
quelque chose de ce genre169.
quamquam illam cupio abducere atque
hac re arbitror
Même si je désire soustraire cette
jeune fille et que c'est là, à mon avis,
1 qvamqvam illam
cvpio abdvcere abducere dixit quasi ab stulto, nec per
uerum meritum sed per fraudem. Cicero «
per uim ac dolum abducta ab Rhodio
tibicine
82 ». 2 atqve hac re arbitror non dicit <qua>,
quia hoc est ex re.
1 qvamqvam illam
cvpio abdvcere elle dit abducere, comme on enlève à un sot, et
non pas par ses propres mérites mais par ruse. Cicéron « per uim
ac dolum abducta ab Rhodio tibicine » (enlevée par force et par
ruse à un joueur de flûte rhodien). 2 atqve hac re
arbitror 170
qua re
(c'est pourquoi) parce qu'ici cela veut dire ex re (à partir
de ce fait précis).
id fieri posse maxume, uerum
tamen
le meilleur moyen d'y parvenir,
pourtant
vervm tamen scit meretrix contentione quadam
negari. ergo fingit se uinci, ut adulescentem molliat, et ipsa
cedit, ut et ille remittat pertinaciam.
vervm tamen la courtisane sait bien qu'après
une dispute on peut essuyer un refus. Du coup elle fait semblant
d'être vaincue, pour adoucir le jeune homme, et elle cède la
première pour qu'il renonce à sa ténacité.
potius quam te inimicum habeam,
faciam ut iusseris.
plutôt que de t'avoir comme ennemi,
je ferai comme tu l'ordonneras.
1 potivs qvam te
inimicvm habeam hoc totum ita loquitur, tamquam ipsa magis
amet Phaedriam, quam ab illo ametur. 2 <potivs
qvam> te inimicvm habeam huic contrarium est ut te amicum
habeam. 3 faciam vt ivsseris nec
uoluntate nec uultu consentientis hoc ait meretrix, sed callide
temptat omnia. nam quia persistendo non perfecit quod exspectabat,
docet Phaedriam etiam ipsum neglegentius negare quod poscitur. et
adeo hoc subtile est, ut statim impetrauerit; peruulgatum est enim
quod summa ui defenderis, cum extorqueretur, hoc idem postmodum
remittere remittenti.
1 potivs qvam te
inimicvm habeam elle dit tout cela comme si c'était elle
qui aimait Phédria plus qu'elle n'est aimée de lui. 2 potivs
qvam te inimicvm habeam le contraire de cette proposition
est ut te amicum
habeam (pour garder ton amitié). 3 faciam vt
ivsseris la courtisane affirme cela sans le vouloir et
sans montrer le visage de celle qui est d'accord, mais en rusée
elle tente le tout pour le tout. Car puisqu'en insistant elle n'a
pas obtenu le résultat qu'elle attendait, elle montre que Phédria
lui-même refuse sa demande avec moins de constance. Et cela est si
habile qu'elle obtient gain de cause tout de suite ; car on sait
bien que ce qu'on a défendu d'arrache-pied, dès qu'on l'a arraché
à l'autre, on y renonce peu après au profit de celui qui avait
renoncé.
Ph.-utinam istuc uerbum ex animo ac
uere diceres
Ph.-Ah ! si cette parole était
sortie de ton cœur, si c'était vrai
1 vtinam istvc
verbvm istuc
uerbum pro tota sententia. 2 verbvm
pro dicto.
sed proprie ἀξίωμα, id est sententia uel enuntiatio,
quae uno stringitur et ligatur uerbo, uerbum a ueteribus
dicebatur. 3 ex animo ac vere diceres < uere > certe, quia est
qui ex
animo dicat, fallatur tamen.
1 vtinam istvc
verbvm istuc
uerbum désigne toute la proposition. 2 verbvm
équivaut à dictum (énoncé). Mais à proprement
parler, la proposition (ἀξίωμα),
c'est-à-dire la phrase ou l'énoncé qui est attaché et lié à un
seul verbe, était appelée uerbum par les anciens. 3 ex animo ac vere
diceres uere au sens de certe
(assurément), parce qu'on peut trouver des gens qui parlent du
fond du cœur (ex
animo) et se trompent tout de même.
« potius quam te inimicum habeam »!
si istuc crederem
ce « plutôt que de t'avoir comme
ennemi » ! Si je pouvais croire que ce que tu dis
potivs qvam te inimicvm habeam tantum in
animum Phaedriae hoc descendit, ut etiam repetat quod amica
dixerat adulans.
potivs qvam te inimicvm habeam l'expression
a tellement fait mouche au cœur de Phédria qu'il répète ce que sa
maîtresse avait dit pour le flatter.
sincere dici, quiduis possem
perpeti.
est dit avec sincérité, je pourrais
endurer tout ce que tu veux.
1 sincere dici
qvidvis possem perpeti sincerum purum sine fuco et simplex est,
ut mel sine
cera. 2 Bene ergo
<ut> mel blandimentum meretricis dulce fatetur, sed negat
esse sincerum.
1 sincere dici
qvidvis possem perpeti sincerus veut dire pur sans fard et
simple, comme le miel sans cire (sine cera). 2 C'est une bonne idée de reconnaître que les
cajoleries de la courtisane sont douces comme le miel, mais il dit
qu'elles ne sont pas171.
Pa.-labascit uictus uno uerbo quam
cito!
Pa.-Il chancelle, vaincu par un
seul mot, et à quelle vitesse !
1 victvs vno
verbo utinam istuc uerbum et uno uerbo, ut
diximus, sic accipe, ut uerbum dictum intellegas, quod uerbo
complectitur completae sententiae pronuntiationem, quod ἀξίωμα
nominabatur. 2 labascit omnia incohatiua trisyllaba fere
media producta enuntiantur. 3 victvs vno verbo qvam cito ait,
quine illum «
falsa lacrimula
83 » uinci crediderat posse; plus factum est: et uno uerbo uictus est
et cito.
1 victvs vno
verbo utinam istuc uerbum et uno uerbo, comme
nous l'avons dit, doivent se prendre au sens de uerbum valant ce
qui, par le verbe, embrasse la prononciation d'une proposition
complète, qu'on appelait axioma (ἀξίωμα). 2 labascit
à peu près tous les incohatifs de trois syllabes ont la syllabe
médiane longue. 3 victvs vno verbo qvam cito il
dit cela, lui qui avait cru que le jeune homme pouvait être vaincu
par une « falsa lacrimula » ; mieux encore : il a été vaincu
uno uerbo
uictus est et cito.
Th.-ego non tam330 ex
animo misera dico? quam ioco
Th.-Moi, malheureuse, je ne parle
pas du fond du cœur ? Y a-t-il une chose que même par caprice
1 ego non tam ex
animo misera dico quod sensit multum ualuisse, hoc Thais
inculcat animo amici sui. 2 Et
ego uide
quanta significet: conuenit hoc pronomen multa blande exprobranti,
ut «
mene fugis?
84 » 3 qvam ioco rem volvisti a me tandem contra
illud refertur, quod ait Phaedria «
nonne ubi dixti cupere te
85 ». 4 Sed hoc uehementius et
disertius: quam
rem inquit; non munus sed quod plus est rem, et non dixit
serio sed
ioco a
facilitate praestantis, et uoluisti, non etiam dixisti. — 5 Mirandum obsequium ex voto animi pendens: non
exspectat imperium, ne uoluptati mora sit, dum iubetur. —
tum illud quod ait perfeceris: nonne pondus hoc uerbi et
potentiam Phaedriae circa amicam et illius obsequium uehemens et
rerum difficultatem, quae extortae sunt, monstrat atque omnem
obterit querelam Phaedriae?
1 ego non tam ex
animo misera dico ce qu'elle a senti très efficace, Thaïs
le martèle au cœur de son amant. 2 Et voyez tout ce que signifie ego (moi) : ce pronom
convient à qui fait maint reproche sur un ton caressant, comme
chez Virgile « mene fugis ? » (est-ce moi que tu
fuis ?). 3 qvam ioco rem volvisti a me tandem se réfère
de manière contradictoire aux paroles de Phédria « nonne ubi dixti
cupere te ». 4 Mais ici c'est plus
vif et plus éloquent : elle dit quam rem (quelle chose) ; elle ne dit
pas munus
(cadeau) mais il y a plus dans res (chose) et elle ne dit pas
serio
(sérieusement) mais ioco, pour caractériser sa complaisance
à offrir, et uoluisti, et non pas encore dixisti (tu as dit).
— 5 Remarquable obéissance suspendue
au souhait de l'âme : elle n'attend pas que l'ordre soit exprimé,
pour éviter tout délai à la satisfaction. — puis perfeceris : le
poids de ce verbe ne montre-t-il pas à la fois l'emprise de
Phédria sur sa maîtresse, sa vive obéissance et la difficulté de
ce qui est lui arraché de force, et cela ne ruine-t-il pas toute
la plainte de Phédria ?
rem uoluisti a me tandem, quin
perfeceris?
tu aies voulu de moi, enfin, sans
que je le fasse ?
ego impetrare nequeo hoc abs te,
biduum
Et moi je ne puis obtenir de toi
que deux jours,
ego impetrare neqveo hoc abs te tu et
ioco et
non
petisti, cum perfeceris tamen, at ego impetrare non
possum.
ego impetrare neqveo hoc abs te de ton côté
ioco et
non
petisti, tout en l'obtenant quand même, tandis que moi
je ne peux pas l'obtenir172.
saltem ut concedas solum.
Ph.-siquidem biduum:
seulement, tu me les accordes ?
Ph.-Si ce n'était que deux jours ;
1 saltem vt
concedas solvm argute additum et saltem et solum. 2 Et bene concedas , ut uoluntatis sit; <nam
sic> dixit supra «
sine illum priores partes hosce aliquot
dies
86 » etc.
1 saltem vt
concedas solvm astucieusement elle ajoute saltem et solum. 2 Et concedas est bien trouvé, pour que cela
émane de sa propre volonté ; car elle disait plus haut « sine
illum priores partes hosce aliquot dies » etc.
uerum ne fiant isti uiginti
dies.
mais que ça ne devienne pas vingt
jours !
1 vervm ne fiant
isti viginti dies facete biduum decuplauit. 2 Et simul, quia ex eadem ratione sunt
uiginti ex qua duo, <et> ex qua uiginti, ducenti, duo milia
et similiter deinceps.
1 vervm ne fiant
isti viginti dies facétieusement il multiplie biduum (deux jours)
par dix. 2 Et en même temps, c'est
parce qu'on a le même rapport proportionnel entre 20 et 2, qu'entre 200 et 20, 2000 et ainsi
de suite.
Th.-profecto non plus biduum aut...
Ph.-« aut » nil moror.
Th.-Non vraiment, pas plus de deux
jours, ou bien... Ph.-Je passe sur ce « ou bien ».
profecto non plvs bidvvm avt ἀποσιώπησις secunda.
profecto non plvs bidvvm avt seconde
aposiopèse (ἀποσιώπησις).
Th.-non fiet: hoc modo sine te
exorem. Ph.-scilicet
Th.-Ça n'arrivera pas ; juste ça,
accorde-le-moi, je t'en supplie. Ph.-Evidemment,
1 hoc modo sine te
exorem noue nunc non de te exorem sed te exorem. 2 Et hoc absolute.
1 hoc modo sine te
exorem construction inédite : il écrit ici non pas
de te
exorem (obtenir de toi) mais te exorem. 2 Et hoc est construit détaché173.
faciundum est quod uis. Th.-merito
te amo, bene facis.
il faut faire ce que tu veux.
Th.-J'ai bien raison de t'aimer, tu agis bien.
1 facivndvm est
qvod vis non quod oportet sed quod uis dicendo
multum addidit obsequio suo. 2 bene
facis in consuetudinem uenit, bene facis et «
bene fecisti
87 » non iudicantis esse sed gratias agentis. 3 merito te
amo bene amoris mentionem ad auferendam suspicionem
contemptus Phaedriae fecit.
1 facivndvm est
qvod vis en disant non pas quod oportet (ce qu'il faut) mais
quod uis
il amplifie beaucoup sa complaisance. 2 bene
facis il est devenu usuel que bene facis (tu fais
bien) et « bene fecisti » émanent d'une personne non pas qui émet
un jugement mais qui remercie. 3 merito te
amo elle fait bien de mentionner son amour, pour ôter à
Phédria tout soupçon d'être délaissé.
Ph.-rus ibo! ibi me hoc macerabo
biduum.
Ph.-Je vais aller à la campagne,
là, je vais me morfondre pendant deux jours.
1 rvs ibo
et hoc amatorium est, odisse urbem sine amica. 2 Nec dixit ibi ero sed ibi me
macerabo. 3 me hoc macerabo bidvvm
pronuntiandum biduum, ut si dixit biennio.
1 rvs ibo
et c'est bien d'un amoureux de détester la ville en l'absence de
sa maîtresse. 2 Et il ne dit pas
ibi ero
(j'y serai) mais ibi
me macerabo 3 me hoc macerabo bidvvm il faut
prononcer biduum (deux jours), comme s'il disait
biennio
(deux ans).
ita facere certum est; mos gerendus
est Thaidi.
C'est ce que je vais faire, c'est
décidé. Il faut complaire à Thaïs.
1 ita facere
certvm est ex his apparet uerbis, quam sibi amator hoc
aegre imperet. 2 mos gerendvs est thaidi cum pronuntiatione
et gestu, ut ostendat quae uis amoris sit, ut Thaidi mos
geratur.
1 ita facere
certvm est ces mots font apparaître à quel point
l'amoureux s'impose cela à contrecœur. 2 mos gerendvs est
thaidi avec une intonation et une gestuelle pour montrer
la force de l'amour qui fait obéir au caprice de Thaïs.
tu, Parmeno, huc fac illi
adducantur. Pa.-maxume.
Toi, Parménon, fais-les amener ici.
Pa.-Absolument.
1 hvc fac illi
addvcantvr eunuchus et ancilla, sed praeualet genus
masculinum. 2 <fac illi> addvcantvr pro adducito
eos. 3 Et bene
adiectum, ne dilatis ob retentionem muneribus non procederent
actus fabulae. 4 Et simul, quia
absentia Phaedriae opus est, dum per Chaeream ludificatur
meretrix.
1 hvc fac illi
addvcantvr c'est-à-dire l'eunuque et la servante, mais le
masculin l'emporte sur le féminin. 2 fac illi
addvcantvr équivaut à adducito eos (amène-les). 3 Et c'est un bon ajout, pour éviter que le
report de ces cadeaux par rétention n'empêche la progression des
actes de la pièce. 4 Et en même
temps parce que l'absence de Phédria est nécessaire, le temps pour
la courtisane de se laisser abuser par Chéréa.
Ph.-in hoc biduum, Thais, uale.
Th.-mi Phaedria,
Ph.-Pour ces deux jours, Thaïs,
adieu. Th.-Mon Phédria,
1 in hoc bidvvm
thais vale nunc uale abscessum significat, non
salutationem. nam si mera salutatio est, biduo solum amicam ualere
optat; sed praescribere conatur, quanto tempore abfuturus
sit. 2 Et simul
ostendit, quam inuitus abscedat. 3 in hoc bidvvm
thais vale accusatiuo casu utens expressit amatoris
impatientiam, biduum dicens praescripsit de tempore.
et uale
maiorem uim habet ex dolore discedentis quam obsequio
salutantis.
1 in hoc bidvvm
thais vale ici uale signifie l'adieu et non le bonjour.
Car si c'est un simple salut, il souhaite la bonne santé à son
amie pour deux jours seulement ; mais en fait il entreprend de
mentionner d'emblée la durée de son absence. 2 Et en même temps il montre avec quels regrets il
se retire. 3 in hoc bidvvm thais vale en utilisant
l'accusatif, il caractérise l'impatience de l'amoureux, en disant
biduum
(deux jours), il donne une indication temporelle. Et uale (adieu) a plus
de force quand il exprime la douleur de celui qui part que quand
il exprime la politesse de celui qui donne le bonjour.
et tu. numquid uis aliud? Ph.-egone
quid uelim?
adieu à toi aussi. Veux-tu encore
quelque chose ? Ph.-Moi ? Que puis-je vouloir,
1 et tv nvmqvid
vis alivd uale subaudiendum
salutatorium. 2 Et subintellegendum
post osculum dici numquid uis aliud? quasi recte
factum.
1 et tv nvmqvid
vis alivd sous-entendre un uale d'adieu. 2 Et comprendre entre les lignes que numquid uis aliud ?
(veux-tu autre chose?) se dit après un baiser d'adieu fait pour
ainsi dire en bonne et due forme.
cum milite isto331
praesens absens ut sies;
sinon que près de ce maudit soldat
tu en sois loin,
1 cvm milite
isto isto bene additum quasi odioso, ut alibi
«
iam uero mitte, Demea, tuam istanc
iracundiam
88 » et Vergilius «
aut quid petis istis?
89 » haec enim pronomina spernentis sunt odiumque
monstrantis. 2 praesens absens vt sies praesens absens
κακόζηλον.
1 cvm milite
isto isto est un bon ajout, pour équivaloir à
odieux, comme ailleurs « iam uero mitte, Demea, tuam istanc
iracundiam » et chez Virgile « aut quid petis istis ? » (que
demandes-tu pour ces pauvres vaisseaux ?). Car ces pronoms sont
méprisants et connotent la haine. 2 praesens absens
vt sies praesens absens, affectation précieuse
(κακόζηλον).
dies noctesque me ames, me
desideres,
que jour et nuit tu m'aimes, que tu
me regrettes,
1 me
desideres αὔξησις, quia plus est ab amore
desiderium. 2 <me ames me> desideres me somnies me
exspectes ἐπαναφορά prima. 3 Cum amare et desiderare sit uoluntatis atque
obsequii, num etiam somniare? 4 Satis amatorie dictum est.
1 me
desideres amplification (αὔξησις), car le regret né de l'amour a
plus de force. 2 me ames me desideres me somnies me exspectes
première épanaphore (ἐπαναφορά). 3 Alors qu'aimer et regretter dépendent de la
volonté du sujet, en va-t-il de même pour rêver ? 4 C'est bien un discours d'amoureux.
me somnies, me exspectes, de me
cogites,
que tu rêves de moi, que tu
m'attendes, que tu penses à moi,
me speres, me te oblectes, mecum
tota sis:
que tu m'espères, que tu te
délectes de moi, que tu sois toute avec moi,
1 me
speres cum me
exspectes iam dixerit, quid sibi uult iterum
me
speres? 2 An exspectatio certorum
est, spes
incertorum? 3 Et exspectatio
propinquarum rerum, spes longinquarum. 4
Et
exspectatio destinat tempus, spes non
destinat. 5 An me speres idem
facere, id est de te cogitare, ut sit speres credas, ut statim
in subditis inuenies «
nam eius fratrem spero iam propemodum
repperisse
90 »? 6 me te oblectes septimus casus <
me
>. 7 mecvm tota sis toto animo. nam illam nunc
animum is uult esse, non corpus. 8 Et simul quod ipse ab eius corpore
patitur, id uult militi eius mente contingere tamquam penitus
excluso ab amica.
1 me
speres alors qu'il a dit me exspectes (m'attendre), que veut-il
dire une fois de plus avec son me speres ? 2 Est-ce que ce sont des choses connues que
l'on
attend, des inconnues que l'on espère ? 3 Et l'attente concerne des choses proches,
l'espoir
des lointaines. 4 Et l'attente fixe un
temps, l'espoir n'en fixe pas. 5 Ou faut-il comprendre me speres idem
facere, (espères-tu que je vais faire la même
chose ?), c'est-à-dire penser à toi, en sorte que speres équivaut à
credas
(tu crois), comme juste quelques vers plus bas on trouvera « nam
eius fratrem spero iam propemodum repperisse ? ». 6 me te
oblectes me est au septième cas174. 7 mecvm tota sis de tout ton
cœur ; car il veut qu'elle soit désormais un cœur, non un
corps. 8 Et en même temps, ce qu'il
supporte lui de la part de son corps à elle, il veut que le soldat
l'éprouve de son esprit à elle, comme s'il était complètement tenu
à l'écart de son amie.
meus fac sis postremo animus quando
ego sum tuus.
enfin que ton cœur soit à moi,
puisque le mien est à toi.
qvando ego svm tvvs animus scilicet.
qvando ego svm tvvs animus (cœur)
évidemment.
Th.-Que je suis malheureuse !
Peut-être n'a-t-il pas grande confiance en moi
me miseram forsitan hic mihi parvam habet
fidem recte Thais nunc partem argumenti exsequitur tacitam
apud Phaedriam propter praesentiam serui, quem poeta uult ita
nescire, ut audeat ad uitiandam uirginem subornare Chaeream.
me miseram forsitan hic mihi parvam habet
fidem c'est à juste titre maintenant que Thaïs poursuit la
partie de l'argumentaire qu'elle a cachée à Phédria à cause de la
présence de l'esclave, que le poète veut laisser dans l'ignorance,
pour qu'il ait l'audace de préparer Chéréa à déshonorer la jeune
fille.
atque ex aliarum ingeniis nunc me
iudicet.
et me juge-t-il maintenant sur le
caractère des autres.
atqve ex aliarvm ingeniis nvnc me ivdicet
hic Terentius ostendit uirtutis suae hoc esse, ut peruulgatas
personas noue inducat et tamen a consuetudine non recedat, ut puta
meretricem bonam cum facit, capiat tamen et delectet animum
spectatoris.
atqve ex aliarvm ingeniis nvnc me ivdicet
ici Térence montre que son talent consiste à renouveler les
personnages traditionnels qu'il met en scène sans pour autant
s'éloigner de l'usage, au point que, quand il rend par exemple une
courtisane sympathique, il captive néanmoins et séduit l'esprit du
spectateur.
ego pol, quae mihi sum conscia, hoc
certo scio
Mais moi, nom d'un chien, qui me
connais bien, il y a une chose dont je suis sûre,
neque me finxisse falsi quicquam
neque meo
c'est que je n'ai rien inventé de
faux et que, à mon
1 neqve me
finxisse falsi qvicqvam aut dixisse debuit dicere aut abundat
falsi. 2 Aut ideo, quia et uanum aliquid fingi potuit, ut
supra «
si uanum aut falsum aut fictum
est
91 ».
1 neqve me
finxisse falsi qvicqvam ou il aurait dû dire dixisse (dire) ou
falsi
(mensonge) est pléonastique. 2 Ou
alors il le dit ainsi parce que l'on peut aussi inventer quelque
chose de vain, comme plus haut « si uanum aut falsum aut fictum
est ».
cordi esse quemquam cariorem hoc
Phaedria.
cœur, personne n'est plus cher que
mon Phédria.
1 neqve meo cordi
esse qvemqvam24 melius quemquam quam si
diceret militem. 2 qvemqvam
cariorem quasi meretrix non carum alterum sed cariorem
negat.
1 neqve meo cordi
esse qvemqvam cariorem mieux vaut dire quemquam (quelqu'un)
que militem (le soldat). 2 qvemqvam
cariorem en quelque sorte la courtisane ne nie pas qu'il y
en ait un autre de cher, mais qu'il y en ait un autre de plus
cher.
et quidquid huius feci causa
uirginis
Et tout ce que j'en ai fait, c'est
pour la jeune fille
1 et qvicqvid
hvivs feci huius absolute aut per ἔλλειψιν, ut desit
rei. in
Hecyra «
ne quid sit huius oro
92 », in Heautontimorumeno «
nihil me istius facturum, pater
93 ». 2 Aut <ut> «
quid petis istis?
94 » 3 qvicqvid hvivs rei subaudiendum est, <id est>:
quod eum exclusi foras.
1 et qvicqvid
hvivs feci huius est détaché, ou par ellipse
(ἔλλειψις), si bien qu'il manque
rei (cette
chose). Ainsi dans L'Hécyre « ne quid sit huius
oro », dans L'Héautontimorouménos « nihil me istius
facturum, pater » (que je ne ferai rien de cela, père). 2 Ou comme chez Virgile « quid petis istis ? »
(que demandes-tu pour ces pauvres vaisseaux ?). 3 qvicqvid
hvivs sous-entendre rei (chose), c'est-à-dire le fait que je
t'aie mis175.
feci; nam me eius fratrem spero
propemodum
que je l'ai fait ; car, son frère,
je suis presque sûre
1 spero
propemodvm noue spero pro credo uel confido. 2 propemodvm ideo propemodum, quia
hominem quidem nouit, sed fratrem esse uirginis nondum
probauit.
1 spero
propemodvm sens inédit de spero équivalant à credo (je crois) ou
confido
(j'ai foi). 2 propemodvm propemodum se comprend parce que si elle
connaît le bonhomme, elle n'est pas encore sûre qu'il soit le
frère de la jeune fille.
iam repperisse, adulescentem adeo
nobilem;
de l'avoir déjà retrouvé, un jeune
homme bien comme il faut,
1 adeo
nobilem adeo pro nimis positum
est. 2 Aut expletiua particula.
1 adeo
nobilem adeo est mis pour nimis
(extrêmement). 2 Ou alors c'est une
particule explétive.
et is hodie uenturum ad me
constituit domum.
et il a décidé de venir me voir
chez moi aujourd'hui.
concedam hinc intro atque
exspectabo dum uenit.
Je vais rentrer et attendre qu'il
arrive.
atqve exspectabo dvm venit futurum actum
uoluit promittere, non quo aliquis gestus sit exspectantis.
atqve exspectabo dvm venit elle fait une
préparation pour un prochain acte, ça ne veut pas dire pas qu'il y
a un geste d'attente.
Actus alter
scaena prima
Phaedria Parmeno
207 | 208 | 209 | 210 | 211 | 212 | 213 | 214 | 215 | 216 | 217 | 218 | 219 | 220 | 221 | 222 | 223 | 224 | 225 | 226 | 227 | 228 | 229 | 230 | 231
Ph.-Fac, ita ut iussi, deducantur
isti. Pa.-faciam. Ph.-at diligenter.
Ph.-Aie soin, selon mon ordre, de
les amener ici. Pa.-Oui. Ph.-Mais vite.
fac ita vt ivssi iam amatorium multiloquium et uaniloquium
continet ista actio, nam et repetit quod iam dictum est et id
facit <* * *> magis et odiose nimis.
fac ita vt ivssi désormais cette scène
contient un bavardage amoureux et qui ne rime à rien, car il
répète aussi ce qui a déjà été dit et il le fait <****> et
de manière très odieuse.
Pa.-fiet. Ph.-at mature. Pa.-fiet.
Ph.-satine hoc mandatum est tibi? Pa.-ah
Pa.-D'accord. Ph.-Mais de suite.
Pa.-D'accord. Ph.-L'ordre que tu as reçu est-il assez clair ?
Pa.-Ah !
rogitare, quasi difficile sit!
me harceler comme si c'était chose
difficile !
1 rogitare qvasi
difficile sit deest uis uel pergis, ut sit: rogitare
pergis. 2 Vel te, si ipsum respicit,
uel hunc,
si auersus haec dicit, ut sit: rogitare te! aut: rogitare
hunc! 3 Et
distinctione interposita inferendum uultuose quasi difficile sit,
<scilicet> id quod mandat. ita et ineptiam nimiam circa haec
solliciti amatoris expressit et ostendit nihil esse facilius, quam
deducere ad meretricem munera, cum contra illud sit difficillimum,
poscenti aliquid non dare. 4 rogitare subauditur te mirum est, qvasi difficile sit complere
quod iubes.
1 rogitare qvasi
difficile sit il manque uis ou pergis pour donner rogitare pergis (tu
continues à demander). 2 soit il
faut comprendre te (toi) s'il regarde vers l'autre
personnage, soit hunc (celui-là) s'il dit cela en aparté,
pour donner : tu le demandes ou il le demande. 3 Et, avec la ponctuation, il faut lancer avec un
jeu de physionomie quasi difficile sit évidemment ce qu'il
demande. C'est ainsi qu'à la fois il exprime la sottise excessive
en ces matières d'un amoureux inquiet et il montre que rien n'est
plus facile que d'amener des présents à la courtisane alors qu'au
contraire la chose qui serait la plus difficile ce serait de ne
rien lui donner quand elle demande. 4 rogitare
sous-entendre te mirum
est (c'est étonnant que tu) qvasi difficile sit de faire ce que tu
ordonnes.
utinam tam aliquid inuenire facile
possis, Phaedria,
Si tu pouvais trouver quelque chose
d'aussi facile, Phédria,
1 vtinam tam aliqvid
invenire possis <
f.
facile
> phaedria inuenire acquirere. Sic in Heautontimorumeno
«
patri quo modo obsequare et ut serues
quod labore inuenerit
95 ». 2 Nam ideo a praecedenti
etiam quaestus dicuntur.
1 vtinam tam
aliqvid invenire possis facile phaedria inuenire équivaut à
acquirere
(acquérir). Ainsi dans L'Héautontimorouménos « patri
quo modo obsequare et ut serues quod labore inuenerit » (le moyen
de plaire à ton père et de garder ce qu'il a amassé par son
travail). 2 Et c'est en raison de ce
qui précède qu'on dit aussi questus 176.
que ton cadeau est peine perdue !
Ph.-Moi aussi je suis perdu, moi la chose à laquelle je tiens le
plus.
1 qvam hoc
perit deest facile, <ut sit: quam facile> hoc
perit. 2 qvod mihi carivs pro qui mihi sum
carior. 3 Sed ego dixit, absolute,
occurrens huic pronomini < quod >.
1 qvam hoc
perit il manque facile pour donner : qu'il sera facile
que ton cadeau soit en pure perte. 2 qvod mihi
carivs mis pour qui mihi sum carior (moi qui me suis le
plus cher). 3 mais ego est dit absolument
et quod
vient se heurter à ce pronom.
ne istuc tam iniquo patiare animo.
Pa.-minime: qui effectum dabo.
Ne prends pas cela avec si peu de
sang-froid. Pa.-Du tout ! je vais le faire.
qvi effectvm dabo qui pronomen, ut in
Heautontimorumeno «
qui nolo mentiare
96 ».
qvi effectvm dabo qui est un pronom
comme dans L'Héautontimorouménos « qui nolo
mentiare » (moi je ne veux pas que tu mentes).
sed numquid aliud imperas?
Mais as-tu autre chose à me
commander ?
sed nvmqvid alivd imperas in his seruus
nihil uult nisi coactus facere propter maiorem dominum. sic et
alibi «
iubesne?
97 » inquit, respondente Chaerea «
cogo atque impero
98 ».
sed nvmqvid alivd imperas dans cette
réplique, l'esclave ne veut rien d'autre qu'agir sous la
contrainte à cause d'un maître plus puissant. Ainsi ailleurs il
dit « alors que Chéréa répond « cogo atque impero ».
Ph.-munus nostrum ornato uerbis,
quod poteris, et istum aemulum,
Ph.-Notre cadeau, emballe-le d'un
compliment comme tu pourras et ce fichu rival,,
1 mvnvs nostrvm
ornato verbis ἠθικῶς non dixit meum, quasi etiam
Parmenonis sit. 2 et istvm id est molestum et
odiosum. nam
hoc significat
istum
.
1 mvnvs nostrvm
ornato verbis c'est par respect du type (ἠθικῶς) qu'il ne dit pas
meum (mon),
comme si c'était aussi le fait de Parménon. 2 et istvm
c'est à dire pénible et odieux. De fait c'est la nuance de
istum.
quod poteris, ab ea pellito.
comme tu pourras, chasse-le de chez
elle.
1 ab ea
pellito ab
ea ab eius animo. 2 Et
non pelli
facito sed pellito.
1 ab ea
pellito ab
ea signifie de son coeur. 2 Et il ne dit pas pelli facito (fais évincer) mais
pellito
(évince).
Pa.-memini, tam etsi nullus moneas.
Ph.-ego rus ibo atque ibi manebo.
Pa.-Je m'ensouvenais, même si tu ne
me l'avais pas dit. Ph.-Pour moi, j'irai à la campagne et j'y
resterai.
1 memini tametsi
nvllvs moneas properat seruus carpere uaniloquium
domini. 2 nvllvs moneas nullus pro non in Hecyra «
nullus dixeris
99 », Plautus in Trinummo «
nullus credas
100 ». 3 ego rvs ibo et hoc iam dictum est, sed
ostendit, quam olim id incipiat Phaedria.
1 memini tametsi
nvllvs moneas l'esclave se hâte de blâmer177 le bavardage
de son maître. 2 nvllvs moneas nullus est mis pour non comme dans
L'Hécyre « nullus dixeris », Plaute dans le
Trinummus « nullus credas178 » (tu ne
croirais pas). 3 ego rvs ibo cela aussi a déjà été dit, mais
il montre depuis combien de temps Phédria est en train179 de commencer à
agir ainsi.
Pa.-censeo. Ph.-sed heus tu.
Pa.-quid uis? Ph.-censen me posse336
obfirmare et
Pa.-Je sios d'accord. Ph.-Mais dis
donc, toi. Pa.-Que veux-tu ? Ph.-Crois-tu que je puisse tenir bon
et
1 censen me
posse arbitraris, ut censores, qui morum aliorum sunt
summum arbitrium. 2 Et ideo
hunc putat non censere, quia ipse desperat fieri posse. 3 obfirmare
et perpeti uerba sunt desperantis: non firmare sed obfirmare, non
pati sed
perpeti.
1 censen me
posse peux-tu croire comme les censeurs qui sont les juges
souverains des moeurs d'autrui. 2 Et
il pense que l'autre ne peut pas le croire car lui-même désespère
de pouvoir le faire. 3 obfirmare et perpeti ce sont là
les mots d'un homme en plein désespoir : il ne dit pas firmare (être ferme)
mais obfirmare (être vraiment ferme), pas
pati
(souffrir) mais perpeti (souffrir jusqu'au bout).
perpeti ne redeam interea?
Pa.-tene? non hercle arbitror;
souffrir jusqu'au bout sans revenir
dans l'intervalle ? Pa.-Toi ? Non, ma foi, je ne crois pas ;
tene te quod ait hanc uim habet, ut
significet perditum amatorem esse Phaedriam.
tene le te qu'il dit a une telle force qu'il
montre bien que Phédria est un amoureux incorrigible.
nam aut iam reuertere aut mox noctu
te adigent337 horsum insomnia.
car soit tu vas revenir bientôt,
soit très vite cette nuit, l'insomnie te poussera par ici.
1 nam avt iam
revertere modo iam pro statim. 2 mox noctv te
adigent hoc est ad urbem agent. 3 insomnia
uigiliae. legitur et adiget, ut sit insomnia numeri
singularis.
1 nam avt iam
revertere iam est seulement l'équivalent de
statim. 2 mox noctv te
adigent c'est à dire te conduiront à la ville. 3 insomnia des veilles. On lit aussi
adiget, ce
qui fait d' insomnia un singulier.
Ph.-opus faciam, ut defetiger usque
ingratiis ut dormiam.
Ph.-Je travaillerai à m'épuiser
jusqu'à dormir malgré moi.
1 vt defetiger
vsqve ordo: usque ut defetiger. 2 ingratiis vt
dormiam id est: etiam inuitus, etiam coactus. 3 Nam ingratis non ultro significat, quia ultronea grata sunt,
ingrata
quae ab inuitis fiunt aut recusantibus.
1 vt defetiger
vsqve l'ordre des mots est : usque ut defetiger. 2 ingratiis vt
dormiam cela veut dire : même contre mon gré, même sous la
contrainte. 3 de fait ingratis signifie qui
n'agit pas de son gré (non ultro) car les choses dites
ultronea
sont les choses que l'on fait de bon gré, tandis que les choses
ingrata
sont faites par des gens qui ne sont pas d'accord ou qui
refusent.
Pa.-uigilabis lassus: hoc plus
facies. Ph.-abi, nil dicis, Parmeno.
Pa.-Tu veilleras fatigué : c'est
tout ce que tu y gagneras. Ph.-Va-t'en ! tu parles pour ne rien
dire, Parménon.
eiciunda hercle haec est mollities
animi; nimis me indulgeo.
Ce qu'il faut chasser, ma foi,
c'est cette mollesse : je m'écoute trop.
nimis me indvlgeo me indulgeo: sic
ueteres, quod nos mihi. alibi «
te indulgebant, tibi dabant
101 ».
nimis me indvlgeo me indulgeo : les
anciens disaient ainsi là où nous nous mettons le datif mihi. Ailleurs « te
indulgebant, tibi dabant » (ils t'accordaient, ils te
donnaient).
tandem ne338 ego
illam caream, si sit opus, uel totum triduum? Pa.-hui
Mais enfin, moi je ne pourrais pas
me passer d'elle, s'il le fallait, même trois jours pleins ?
Pa.-Pff !
1 tandem ne ego
illa caream si sit opvs vel totvm tridvvm sic coepit,
tamquam aliquid forte dicturus et magnificum. non autem est
παρὰ προσδοκίαν,
sed vere amator magnum hoc putat. 2 vel totvm
tridvvm magna professio uirtutis, cum biduo sit opus,
triduo posse durare, et totum triduum.
1 tandem ne ego
illa caream si sit opvs vel totvm tridvvm il commence
comme s'il allait dire quelque chose de courageux et de
magnifique. Mais ce n'est pas le cas car le poète trompe notre
attente (παρὰ
προσδοκίαν), mais à la vérité l'amant croit que c'est
grand. 2 vel totvm tridvvm grande déclaration de
vertu de dire quand il faut deux jours que l'on peut tenir trois
jours et en plus trois
jours pleins.
uniuersum triduum? uide quid agas.
Ph.-stat sententia.
trois jours entiers ! Songe à ce
que tu fais. Ph.-C'est décidé.
1 vniversvm
tridvvm εἰρωνικῶς uniuersum, quasi triduum in multo numero
<sit>. 2 vide qvid agas sic dicitur magna
aggredientibus. 3 stat sententia et uultu et
gestu magis spectabile quod dixit stat sententia. 4 Vel maxime eo, quod tanto sonitu hoc de se
promittat Phaedria continuo rediturus uel potius non accessurus ad
uillam. tantum autem aberit, quantum temporis opus est ad
uitiandam uirginem.
1 vniversvm
tridvvm uniuersum (entiers) est dit ironiquement
(εἰρωνικῶς),
comme si trois jours c'était beaucoup. 2 vide qvid
agas on parle ainsi aux gens qui abordent de grandes
entreprises. 3 stat sententia l'expression du visage et la
gestuelle rendent plus remarquables les paroles c'est
décidé. 4 Ou plutôt
parce qu'à si grand bruit Phédria promet qu'il reviendra
immédiatement ou plutôt qu'il n'ira pas à la maison de campagne.
Or il ne sera absent que le temps nécessaire pour déshonorer la
jeune fille.
Pa.-di boni, quid hoc morbi est?
adeon homines inmutarier
Pa.-Bon Dieu ! quel genre de
maladie est-ce là ? Que les gens changent tellement
qvid hoc morbi est excusatio amoris, quando
non culpa est sed morbus.
qvid hoc morbi est excuse de son amour
puisque ce n'est pas une faute mais une maladie.
ex amore ut non cognoscas eundem
esse! hoc nemo fuit
par amour, au point qu'on ne les
prend pas pour les mêmes ! Par rapport à lui, il n'y avait
personne
1 adeon homines
inmvtarier ex amore vt non cognoscas evndem esse more suo
a plurali numero ad singularem se conuertit. 2 ex amore vt non
cognoscas evndem esse non solent stulti induci
adulescentes et ideo ad amorem transtulit stultitiam
Phaedriae.
1 adeon homines
inmvtarier ex amore vt non cognoscas evndem esse comme de
coutume chez lui, il passe du pluriel au singulier. 2 ex amore
vt non cognoscas evndem esse il n'est pas habituel de
représenter des jeunes gens stupides et c'est ce qui fait que
Térence met sur le compte de l'amour la stupidité de Phédria.
de moins sot, de plus austère,
personne, ni de plus tempérant.
1 minvs ineptvs
magis severvs nisi enim hoc esset, quid esset quod illum
mulier praeferret militi, aut quid relinqueretur proprium personae
militis, si et hic stolidus esset? 2 magis severvs
qvisqvam nec magis continens animaduerte ut amet Terentius
magis
addere positiuo quam comparatiuum facere. 3 Nam neque seuerior neque continentior tam
uoluit dicere quam magis seuerum et magis continentem.
1 minvs ineptvs
magis severvs si en effet il n'en allait pas ainsi quelle
serait la raison pour laquelle la femme le préfèrerait au soldat,
ou que resterait-il de propre au personnage du soldat si celui-là
aussi était idiot ? 2 magis severvs qvisqvam nec magis
continens remarquez combien Térence aime ajouter
magis
(plutôt) à l'adjectif au positif plutôt que d'utiliser le
comparatif. 3 de fait il a préféré
ne pas dire seuerior (plus sérieux) et continentior (plus
retenu) mais magis
seuerus et magis continens.
sed quis hic est qui huc pergit?
attat hic quidem est parasitus Gnatho
Mais qui est-ce qui vient par ici ?
Eh ! mais c'est le parasite Gnathon,
hic qvidem est parasitvs gnatho haec apud
Menandrum in Eunucho non sunt, ut ipse professus est «
parasiti personam... et militis
102 », sed de Colace translata sunt.
hic qvidem est parasitvs gnatho ces éléments
sont absents de L'Eunuque de Ménandre comme il l'a
déclaré lui-même « parasiti personam... et militis », mais ils ont
été pris du Flatteur.
militis: ducit secum una uirginem
dono huic. papae
celui du soldat. Il amène avec lui
la fille en guise de cadeau pour elle. Peste !
facie honesta! mirum ni ego me
turpiter hodie hic dabo
ce visage, quelle classe ! ça
m'étonnerait que je ne me mette pas minable aujourd'hui ici
1 facie
honesta οἰκονομία, qua ostenditur amaturus
Chaerea, si quidem hanc Parmeno ipse miratur. 2 facie
honesta sic Vergilius «
et laetos oculis afflarat honores
103 ». 3 Et mox idem
«
ita me di ament, honestus
104 ». 4 ni ego me tvrpiter hodie hic dabo ni dabo pro ni dedero. Vergilius
«
quamuis solus
a.
auem
c.
caelo
d.
deiecit
a.
ab
a.
alto
105 ».
1 facie
honesta agencement (οἰκονομία) qui vise à montrer que Chéréa
va l'aimer si même Parménon lui-même l'admire. 2 facie
honesta ainsi Virgile « et laetos oculis afflarat
honores » (avait insufflé à ses yeux une beauté
charmante). 3 Et peu après même
chose « ita me di ament, honestus ». 4 ni ego me
tvrpiter hodie hic dabo ni dabo est mis pour ni dedero. Virgile
« quamuis solus auem caelo deiecit ab alto » (bien que lui seul
eût fait tomber l'oiseau du haut du ciel180).
cum meo decrepito hoc eunucho. haec
superat ipsam Thaidem
avec mon pauvre eunuque décrépit.
Elle surpasse Thaïs elle-même.
1 cvm meo
decrepito evnvcho facete meo ad parasitum rettulit cum pulchro
munere uenientem. 2 Et iam
praeparatio est ad deducendum Chaeream quam deformem
eunuchum. 3 decrepito hoc evnvcho decrepiti dicti sunt,
quorum crepitu et plangore familiae funera iam
conclamata fuerint. 4 haec svperat ipsam thaidem hoc
sic accipias, non tamquam uituperari Thaidem, sed ὑπερβολικῶς. ideo addidit
ipsam,
quasi quae nimiae pulchritudinis est. 5 Et bene ipsam, propter quam datur.
1 cvm meo
decrepito evnvcho meo est rapporté avec humour au parasite
qui vient, lui, avec un beau cadeau. 2 Et c'est déjà la préparation pour amener Chéréa
sous l'aspect de ce si vilain eunuque. 3 decrepito hoc
evnvcho on dit decrepitus (décrépit) celui dont les
funérailles ont déjà été annoncées par les cris (crepitus) et le
plaintes de la famille. 4 haec svperat ipsam thaidem
veillez à entendre ainsi cette réplique : il ne s'agit pas de
blâmer Thaïs, mais, de façon hyperbolique (ὑπερβολικῶς), il ajoute
ipsam pour
ainsi dire cette femme d'une beauté si admirable. 5 Et ipsam est bien dit, pour désigner celle
à cause de qui on donne.
scaena altera
Parmeno Gnatho
232 | 233 | 234 | 235 | 236 | 237 | 238 | 239 | 240 | 241 | 242 | 243 | 244 | 245 | 246 | 247 | 248 | 249 | 250 | 251 | 252 | 253 | 254 | 255 | 256 | 257 | 258 | 259 | 260 | 261 | 262 | 263 | 264 | 265 | 266 | 267 | 268 | 269 | 270 | 271 | 272 | 273 | 274 | 275 | 276 | 277 | 278 | 279 | 280 | 281 | 282 | 283 | 284 | 285 | 286 | 287 | 288 | 289 | 290 | 291
Gn.-Di immortales, homini homo quid
praestat? stulto intellegens
Gn.-Dieux immortels ! D'un homme à
l'autre, quelle supériorité ! Entre le crétin et le malin,
1 di inmortales
homini homo qvid praestat in hac scaena non stans sed
quasi ambulans persona inducitur; constitit tamen
aliquantum intuens spectatores, dum secum loquitur. exprimit
autem parasitum et sub eius uerbis corruptos mores in
assentationem ostendit, prorsus ut honestae quoque personae in
huiusmodi culpa inuentae sint, ut alibi «
obsequium amicos, ueritas
106 » etc. 2 di inmortales hoc iam mire et
pro saeculi ac temporum reprehensione satirice Terentius, quod
apud eum stultum uocat simplicem parasitus et intellegentem
malum. 3 di inmortales admirantis exclamatio est cum
parasiti gesticulatione. 4 di inmortales homini
h.
homo
q.
qvid
p.
praestat
morata narratio a sententia incipi solet, quae
dicitur προμύθιον. 5 homini homo qvid
praestat alii distinguunt quid praestat stulto intellegens, alii
stulto intellegens
quid interest, quia sic ueteres loquebantur.
1 di inmortales
homini homo qvid praestat dans cette scène on représente
un personnage non pas statique, mais pour ainsi dire en
déplacement ; toutefois il s'arrête de temps en temps et regarde
les spectateurs quand il se parle à lui-même. Térence expose la
figure du parasite et sous ses paroles montre ses moeurs dépravées
de manière à provoquer l'assentiment dans le but précis de rendre
aussi honnêtes les personnes que l'on trouve coupables de cette
faute, comme ailleurs « obsequium amicos, ueritas » etc. 2 di
inmortales voici déjà qui est étonnant : pour s'en prendre
à son siècle et à son temps, Térence parle de manière satirique,
parce qu'un parasite, chez lui, nomme un naïf un imbécile et un
homme intelligent un méchant. 3 di
inmortales exclamation marquant l'admiration accompagnée
d'une gestuelle du parasite. 4 di inmortales
homini homo qvid praestat une narration morale commence
d'ordinaire par une sentence que l'on nomme préambule (προμύθιον). 5 homini homo qvid
praestat certains ponctuent pour avoir "en quoi un homme
intelligent l'emporte sur un imbécile", d'autres pour avoir "entre
un imbécile et un homme intelligent quelle différence", car les
anciens s'exprimaient ainsi181.
quid interest? hoc adeo ex hac re
uenit in mentem mihi:
quelle différence ! Voilà bien d'où
cela m'est venu à l'esprit :
qvid interest hoc admirantis <est> et
ideo sic pronuntiandum.
qvid interest réplique pleine d'étonnement
et à prononcer comme telle.
conueni hodie adueniens mei loci
hinc341 atque ordinis,
j'ai rencontré aujourd'hui en
venant ici un type de ma condition et de mon rang,
1 conveni hodie
adveniens conuenisse non uidisse tantum sed etiam
collocutum esse significat. 2 mei loci atqve ordinis
loci
ingenuum, ordinis pauperem: illud natalium, hoc
fortunae est. 3 Et τὸ ἑξῆς quendam (..)
hominem.
1 conveni hodie
adveniens conuenisse ne signifie pas seulement
avoir vu mais aussi avoir parlé avec la personne. 2 mei loci atqve
ordinis loci (d'ici) signifie du pays,
ordinis (de
ma condition) signifie pauvre : l'un est le fait de la naissance,
l'autre de la fortune. 3 Et la
succession (τὸ ἑξῆς) est
quendam
rapporté à hominem.
hominem haud inpurum, itidem patria
qui abligurrierat bona:
pas le mauvais bougre, qui comme
moi avait siphonné les biens paternels.
1 havt
inpvrvm dixit non prodigum, sed quia hoc ipsum probat, non
avarum non improbum. et sic laudamus eos, in quibus nihil est quod
magnopere proferamus. 2 itidem patria qvi abligvrierat
bona hoc ioculari uultu dicitur. 3 Eleganter ex persona parasiti non culpatur qui
comederit bona. 4 abligvrierat suauibus escis
consumpserat. nam ἀπὸ τοῦ
λιγυροῦ est ligurire et λιγυρόν Graeci suaue appellant.
1 havt
inpvrvm il veut dire non pas prodigue, mais parce qu'il
approuve ce comportement précis sans avarice sans malice et c'est
ainsi que nous louons ceux en qui il n'est rien que nous puissions
grandement mettre en182. 2 itidem patria qvi abligvrierat
bona cela est dit avec une expression plaisante du
visage. 3 c'est élegamment fait pour
un personnage de parasite de ne pas considérer comme une faute le
fait de dévorer son bien. 4 abligvrierat il a épuisé en
douces nourritures. De fait ligurire vient de λιγυρόν et λιγυρόν en Grec signifie doux.
uideo sentum squalidum aegrum,
pannis annisque obsitum. « oh
Je le vois hirsute, dégoûtant,
malingre, chargé de haillons et d'années. « Oh !
1 video
sentvm o quam bene uideo, postquam dixit «
conueni
107 »: et tempus mutauit et uerbum. 2 sentvm
horridum. 3 sentvm ad horrorem rettulit, sqvalidvm ad sordes, aegrvm ad maciem, pannis annisqve <obsitvm>
ad uestitum et ad tristitiam. 4 Sed
pannis et
annis morologiae parasitorum sunt. 5 pannis annisqve
obsitvm pannis
annisque uel parasitica uernilitate κατὰ τὸ ὁμοιοτέλευτον
dictum uel quia Homerus dixit «
αἶψα γὰρ ἐν κακότητι
βροτοὶ καταγηράσκουσι
108 ». 6 Et est miseriae
senium debitum. unde huic magis tristitia grauitasque displicuit,
aliena semper ab hominibus parasitis. 7 annisqve
obsitvm bene addidit annis, quia ut quisque miser est, ita
senior uidetur. 8 obsitvm ut sentum, obsitum dixit:
μεταφορά ab
agro.
1 video
sentvm que c'est bien de dire uideo après avoir dit « conueni » : il
change à la fois de temps et de verbe. 2 sentvm
hirsute. 3 sentvm se rapporte à son aspect hirsute,
sqvalidvm à sa saleté,
aegrvm à sa maigreur,
pannis annisqve obsitvm
à sa mise et à son air triste. 4 Mais pannis et annis sont des extravagances
de parasites. 5 pannis annisqve obsitvm pannis annisque : est
dit soit pour faire homéotéleute (κατὰ τὸ
ὁμοιοτέλευτον)par bouffonerie de parasite soit aussi
parce qu'Homère a dit « αἶψα γὰρ ἐν
κακότητι βροτοὶ καταγηράσκουσι » (les mortels sont
prompts à vieillir dans le malheur). 6 Et la vieillesse est une dette contractée auprès
de la misère. C'est ce qui fait que la tristesse et la gravité
déplaisent tant à notre homme, car ce sont des conditions que les
parasites fuient à tout coup. 7 annisqve
obsitvm il a bien fait d'ajouter annis, car plus
quelqu'un est malheureux plus il paraît vieux. 8 obsitvm
obsitum
(chargé) est comme sentum (hirsute) : c'est une métaphore
(μεταφορά)183
.
quid istuc » inquam « ornati est?
quoniam miser quod habui perdidi, hem
lui dis-je, c'est quoi cet
équipage ? ». —Puisque, malheureux, ce que j'avais, je l'ai perdu,
ah !
1 qvid istvc
inqvam ornati est scire nos conuenit, cum recto casu
profertur interrogatio, non esse contumeliosum, ut si dicatur
«
quis hic homo est
109 », si autem non, contemptum significari, ut «
quid hoc est hominis?
110 », «
quid mulieris
111 », «
quid ornatus
112 »? 2 qvid istvc inqvam ornati est ornatus τῶν μέσων est: ad decus
et ad turpitudinem. 3 Vel
simpliciter hoc accipe uel εἰρωνικῶς. 4 Et ornati ut senati antiquus genetiuus. 5 qvod habvi
perdidi non dixit, id quod erat, comedi aut consumpsi.
1 qvid istvc
inqvam ornati est il nous faut savoir que, lorsque le mot
sur lequel porte une interrogation 184 est mis à un cas direct, l'interrogation n'est pas
injurieuse, comme si on disait « quis hic homo est » (qui est cet
homme ici ?), mais dans le cas contraire, il y a un sens injurieux
comme, « quid hoc est hominis ? » (c'est quoi cet homme ?), « quid
mulieris » (c'est quoi cette femme ?), « quid ornatus » (c'est
quoi cette tenue ?). 2 qvid istvc inqvam ornati est
ornatus est
un mot de sens neutre (τῶν
μέσων) : il va aussi bien pour honorer que pour faire
honte. 3 On peut prendre la réplique
soit au sens propre soit ironiquement (εἰρωνικῶς). 4 Et ornati est comme senati (sénat) un
génitif archaïque. 5 qvod habvi perdidi il ne dit
pas ce qui est, comedi (j'ai dévoré) ou consumpsi (j'ai
consumé).
quo redactus sum. omnes noti me
atque amici deserunt ».
voilà où j'en suis réduit. Toutes
mes connaissances, tous mes amis m'abandonnent ».
1 hem qvo redactvs
svm uel habitum suum uel corpus ostendens hoc dicit. nec
quicquam hic nisi media <de> consuetudine collocatum
est. 2 omnes noti me atqve amici deservnt
sententiose et mordaciter in mores.
1 hem qvo redactvs
svm il dit cette réplique en montrant soit sa mise soit
son corps. Et on ne trouve ici rien qui n'y soit pris, à son
habitude, dans un sens neutre. 2 omnes noti me
atqve amici deservnt sentence qui est une critique morale
mordante.
hic ego illum contempsi prae me :
« quid homo » inquam « ignauissime?
Ici, moi je me suis mis à le
mépriser, en le comparant à moi. « Comment ! », ai-je dit,
« grosse feignasse,
hic ego illvm contempsi hoc est illud «
homo homini quid praestat stulto
intellegens?
113 ».
hic ego illvm contempsi c'est ce qu'il a
dit : « homo homini quid praestat stulto intellegens » ?
itan parasti te ut spes nulla
reliqua in te sit342 tibi?
tu t'es vraiment arrangé pour qu'il
ne te reste aucun espoir ?
1 itan parasti
te quam obiurganter! tamquam in illo sit, quod miser est.
et alibi «
nam nemo illorum quisquam ad te uenit,
quin ita paret sese, ut abs te blanditiis quam minimo pretio
suam uoluptatem expleat
114 ». 2 Et hoc proprie
uerbum ad exprimendam immunitatem et ignauiam factum
est. 3 vt spes nvlla reliqva in te sit sententiose
ad illud, quod et Vergilius ait «
ponite spes sibi quisque
115 ». 4 vt spes nvlla reliqva in te sit tibi bene,
quasi qui rem a fortuna acceperit.
1 itan parasti
te quel ton de reproche! Comme si c'était sa faute s'il
est malheureux. et ailleurs « nam nemo illorum quisquam ad te
uenit, quin ita paret sese, ut abs te blanditiis185 quam minimo pretio suam
uoluptatem expleat ». 2 Et cette
expression est devenue au sens propre une formule pour exprimer
l'absence de charge et la paresse. 3 vt spes nvlla
reliqva in te sit de manière sentencieuse186
conformément à ce qu'on trouve aussi chez Virgile « ponite spes
sibi quisque » (que chacun de vous renonce à tout
espoir). 4 vt spes nvlla reliqva in te sit tibi bien
dit en homme qui a reçu quelque bien de la fortune187.
Tu as perdu ton cerveau avec ta
fortune ? regarde-moi, moi qui sors du même trou.
1 simvl cvm re
consilivm amisisti Vergilius «
nec, si miserum fortuna Sinonem finxit,
uanum etiam mendacemque improba finget
116 » et Sallustius «
neque fortuna eget, quippe quae
probitatem industriam aliasque artes neque dare neque eripere
cuiquam potest
117 ». — 2 Ergo haec
interrogatio increpantis est nec desiderat responsionem. —
nam consilium in hominibus est, res in potestate
fortunae. 3 ex eodem loco id est ex eadem fortuna.
1 simvl cvm re
consilivm amisisti Virgile « nec, si miserum fortuna
Sinonem finxit, uanum etiam mendacemque improba finget » (et si la
fortune a fait de Sinon un malheureux, si mauvaise soit-elle, elle
n'en fera ni un fourbe ni un menteur) et Salluste « neque fortuna
eget, quippe quae probitatem industriam aliasque artes neque dare
neque eripere cuiquam potest » (on n'aura pas besoin de la
fortune, qui ne peut ni donner ni enlever à personne la probité,
l'activité et les autres vertus). — 2 Donc cette question est le fait d'un personnage
qui fait des reproches et ne demande pas de réponse. — de fait la
décision est au pouvoir des hommes, la réalisation au pouvoir de
la fortune. 3 ex eodem loco c'est-à-dire de cette même
fortune.
qui color nitor uestitus, quae
habitudo est corporis!
quel teint ! quel éclat ! quelle
tenue ! quelle prestance !
1 qvi color nitor
vestitvs hoc contra illud quod ait «
uideo sentum
118 ». 2 color ad sentum, nitor ad squalidum, vestitvs ad pannis annisque obsitum, habitvdo corporis ad aegrum. 3 qvae
habitvdo est corporis Plautus in Epidico «
corpulentior habere atque
habitior
119 ».
1 qvi color nitor
vestitvs cela fait contraste avec ses paroles : « video
sentum ». 2 color se rapporte à « sentum », nitor à « squalidum », vestitvs à « pannis annisque
obsitum », habitvdo
corporis à «
aegrum ». 3 qvae habitvdo est corporis
Plaute dans l'Epidicus « corpulentior habere atque
habitior » (être bien gras et de bien belle mine).
omnia habeo neque quicquam habeo;
nihil cum est, nihil defit tamen ».
J'ai tout et je n'ai rien, quand il
n'y a rien, rien ne me manque pourtant.
1 omnia
habeo ad «
quod habui perdidi
120 », neqve qvicqvam
habeo ad «
mei loci atque ordinis hominem
121 ». 2 omnia habeo ad industriam rettulit, neqve qvicqvam habeo
<ad> fortunae culpam. 3 Et item
denuo <ad> fortunae crimen nihil cum est, ad suam laudem nihil defit
tamen. 4 omnia habeo neqve qvicqvam
habeo alterutrum horum neutrumue potest cuiuis accidere,
utrumque nulli. 5 nihil cvm est nihil defit tamen
figura κακόζηλον, ut apud Vergilium «
sequiturque sequentem
122 ». et Cicero «
cum tacent, clamant
123 ».
1 omnia
habeo se rapporte à « quod habui perdidi », neqve qvicqvam habeo à « mei
loci atque ordinis hominem ». 2 omnia
habeo il le rapporte à son activité, neqve qvicqvam habeo il le rapporte à la
faute de la fortune. 3 Et de
nouveau, à la responsabilité de la fortune qu'il ne possède rien,
mais à sa louange que rien ne lui manque pourtant. 4 omnia
habeo neqve qvicqvam habeo l'un ou l'autre de ces
événements peut arriver à tout le monde, ou ni l'un ni l'autre,
mais les deux à la fois c'est impossible. 5 nihil cvm est
nihil defit tamen figure dite excès de préciosité
(κακόζηλον), comme chez Virgile
« sequiturque sequentem » (il suit qui le suit). Et Cicéron « cum
tacent, clamant » (en se taisant ils crient).
« at ego infelix neque ridiculus
esse neque plagas pati
-Mais moi, pauvre hère, supporter
le ridicule et les coups,
1 at ego infelix
neqve ridicvlvs iam transit ad μιμητικὸν χαρακτῆρα. 2 at ego infelix
neqve ridicvlvs uehementer inuectus est in tempora et
mores poeta sub hac persona, in qua hominem ita inducit paenitere
probitatis suae, ut se infelicem, non honestum dicat et non
nolo sed
non
possum.
1 at ego infelix
neqve ridicvlvs il passe maintenant à l'imitation du
type188 (μιμητικὸν
χαρακτῆρα). 2 at ego infelix neqve ridicvlvs
le poète se lance dans une violente critique de son temps et de
ses moeurs sous le masque de ce personnage, dans lequel il met en
scène un homme qui se repent de sa probité au point qu'il se dise
malheureux et non pas honnête et qu'il dise non pas je ne veux pas
mais je ne peux pas.
possum ». « quid? tu his rebus
credis fieri? tota erras uia.
je ne peux pas. -Quoi ! tu crois
que c'est comme ça qu'on fait ? Fausse route complète !
1 qvid tv his
rebvs credis fieri dum quis ridetur aut uapulat. 2 tota erras
via παρόμοιον per μεταφοράν.
1 qvid tv his
rebvs credis fieri quand un homme est moqué ou prend des
coups. 2 tota erras via isotopie (παρόμοιον) fondée sur une métaphore
(μεταφοράν).
olim isti fuit generi quondam
quaestus apud saeclum prius:
C'est autrefois que pour les gens
comme ça, dans le passé, il y avait quelque chose à gagner, dans
l'ancien temps.
apvd saeclvm privs scilicet cum essent
tempora meliora.
apvd saeclvm privs sans nul doute quand les
temps étaient meilleurs.
hoc nouum est aucupium; ego adeo
hanc primus inueni uiam.
Maintenant il y a une nouvelle
manière de prendre les pigeons, et c'est moi qui ai ouvert la
route.
1 hoc novvm est
avcvpivm uide quid intersit cum illum quaestum dicat, hoc
aucupium:
illud de sapientibus, hoc de stultis. 2 inveni
viam adeo nouum est aucupium.
1 hoc novvm est
avcvpivm remarquez la différence quand il dit d'une chose
quaestus,
d'une autre aucupium : l'un se dit des sages,
l'autre des idiots189. 2 inveni
viam c'est la nouvelle technique pour prendre les
pigeons.
est genus hominum qui esse primos
se omnium rerum uolunt
Il y a un genre de types qui
veulent être premiers de tout
est genvs hominvm quia multi sunt huiusmodi.
non dixit sunt
homines sed est genus hominum.
est genvs hominvm parce qu'il y en a
beaucoup de ce genre-là. Il n'a pas dit sunt homines (il y a
des gens), mais est genus hominum (il y a un genre d'hommes190).
nec sunt: hos consector; hisce ego
non paro me ut rideant,
et qui ne le sont pas ; c'est eux
que je suis pas à pas ; je ne leur donne pas l'occasion de rire de
moi :
hisce ego non paro me vt rideant quia ille
dixerat «
ego infelix neque ridiculus esse neque
plagas pati possum
124 ».
hisce ego non paro me vt rideant parce que
l'autre avait dit « ego infelix neque ridiculus esse neque plagas
pati possum ».
sed eis ultro adrideo et eorum
ingenia admiror simul.
c'est moi qui leur ris le premier,
en m'extasiant en même temps sur leur génie.
1 sed his vltro
arrideo quid est his arrideo? aut ueluti pareo, id est obsequi
uenio, aut ueluti dictis delector. 2 Atque arrideo non, ut parasitis fieri solet,
ut his arrideatur a regibus quam ipsi dictis factisue arrideant
alienis, hic esse intellegendum etiam ipsa res indicat e
contrario; nam quod ait supra «
his ego non paro me, ut rideant
125 », hoc e contrario ostendit, quod subiciatur sed his etc 3 sed his
vltro ultro uersa uice an prior? 4 An etiam insuper, hoc est ultra? 5 admiror
simvl plus intulit, quam si laudo dixisset.
1 sed his vltro
arrideo que veut dire his arrideo ? soit comme pareo (j'obéis à
quelqu'un), c'est à dire je viens faire l'obséquieux, ou comme
dictis
delector (je me délecte de leurs paroles). 2 Et qu' arrideo ne veut pas dire ici, que (comme
c'est le lot ordinaire des parasites) les puissants font des
sourires à ceux qui d'eux-mêmes font des sourires aux paroles et
aux actions d'autrui, le contexte lui-même le montre a contrario ;
de fait quand il dit plus haut « his ego non paro me, ut
rideant », il montre a contrario ce que sous entend sed his
etc 3 sed his vltro ultro veut-il dire en retour ou le
premier ? 4 Ou même en plus c'est à
dire comme ultra ? 5 admiror simvl c'est plus que
s'il avait dit laudo (je loue).
quicquid dicunt laudo; id rursum si
negant, laudo id quoque;
Quoi qu'ils disent, j'approuve ;
s'ils disent ensuite le contraire, j'approuve aussi.
1 qvicqvid
dicvnt non quod
dicunt, sed quicquid dicunt, id est bene maleue, ut,
uel si interclusa fuisset assentatio, non se impediuerit, quod
contrarium laudauerit. 2 id rvrsvm si negant lavdo id
qvoqve praeclare Terentius, quod a satirico de aliis
diceretur, id hic de se dicentem inducit, facetius multo, quam si
aliter fecisset, κακολογῶν mores temporum iam tum
uitiatorum per assentationem, quod fere in plerisque fabulis
monstrat, ut etiam in Andria «
hoc tempore obsequium amicos, ueritas
odium parit
126 » et in Adelphis «
quod te isti facilem et festiuum putant,
id non fieri ex uera uita neque adeo ex aequo et iusto, sed ex
indulgendo atque assentando et largiendo, Micio
127 ».
1 qvicqvid
dicvnt il ne dit pas quod dicunt (ce qu'ils disent), mais
quicquid
dicunt, c'est-à-dire : que ce soit à tort ou à raison
qu'on le coupe dans sa flatterie, il ne sent pas gêné car il loue
aussi le contraire. 2 id rvrsvm si negant lavdo id
qvoqve c'est admirable de voir Térence se peindre lui-même
en train de dire de lui ce qu'un poète satirique dirait des
autres, de façon bien plus drôle que s'il avait procédé autrement,
vitupérant (κακολογῶν) les mœurs
de temps déjà pourris par la flatterie à cette époque, ce qu'il
montre ordinairement dans la plupart de ses pièces, comme dans
L'Andrienne « hoc tempore obsequium amicos, ueritas
odium parit » et dans Les Adelphes « quod te isti
facilem et festiuum putant, id non fieri ex uera uita neque adeo
ex aequo et iusto, sed ex indulgendo atque assentando et
largiendo, Micio ».
negat quis: nego; ait: aio;
postremo imperaui egomet mihi
On dit non, je dis non ; oui, je
dis oui ; pour finir, je me suis donné la consigne
negat qvis nego bene sic dixit. negat et ait contraria sunt, ut
Plautus in Rudente «
uel tu ais uel negas
128 ».
negat qvis nego c'est bien dit ainsi.
Negat et
ait sont
des contraires, comme Plaute dans le Rudens « uel tu
ais uel negas » (tu dis oui ou non).
omnia adsentari. is quaestus nunc
est345 uberrimus ».
d'être d'accord avec tout. Cette
façon de gagner sa vie est aujourd'hui de beaucoup la plus
fructueuse.
1 is qvaestvs nvnc
est vberrimvs quam ille «
apud saeclum prius
129 » fuerat. 2 Et uide
quemadmodum inliberalem uitam honestiore nomine primo «
aucupium
130 », post etiam quaestum nominauerit ῥωποκάπηλος impudens.
1 is qvaestvs nvnc
est vberrimvs plus fructueux qu'il avait été « apud
saeclum prius ». 2 Et voyez comment
il habille sa vie indigne d'un homme comme il faut de noms plus
honnêtes avec d'abord « aucupium », et maintenant quaestus, ce
bonimenteur (ῥωποκάπηλος)
impudent.
Pa.-scitum hercle hominem! hic
homines prorsum ex stultis insanos facit.
Pa.-Voilà, ma foi, un joli coco !
ce gars-là, en un tournemain, il change les crétins en
débiles.
scitvm
h.
hercle
hominem mire Terentius longae orationi
interloquia quaedam adhibet, ut fastidium prolixitatis euitet,
uelut nunc Parmeno procul audiens Gnathonem haec loquitur.
scitvm hercle hominem il faut admirer la
manière dont Térence coupe les longues tirades de quelques
interventions d'un autre personnage pour éviter la lassitude que
provoque la prolixité, comme il le fait maintenant avec Parménon
qui dit cela en écoutant de loin Gnathon.
Gn.-dum haec loquimur, interealoci
ad macellum ubi aduenimus,
Gn.-Tout en causant de la sorte,
voilà qu'entretemps, quand nous arrivons au marché,
interealoci duae partes orationis cum
coniunctae unam fecerint, mutant accentum.
interealoci deux parties du discours, quand
elles sont conjointes en une seule, changent d'accent.
concurrunt laeti mihi obuiam
cuppedinarii omnes,
se ruent au devant de moi, tout
contents, tous les boutiquiers,
1 concvrrvnt laeti
mihi obviam et multos et properos uno uerbo ostendit et ex
diuerso ad se festinantes. 2 cvppedinarii omnes Varro
Humanarum rerum «
Numerius Equitius Cuppes, inquit, et
Manius Macellus singulari latrocinio multa loca habuerunt
infesta. his in exsilium actis bona publicata sunt, aedes ubi
habitabant dirutae eque ea pecunia scalae deum penatium
aedificatae sunt. ubi habitabant, locus, ubi uenirent ea, quae
uescendi causa in urbem erant allata. itaque ab altero
Macellum, ab altero Forum Cuppedinis appellatum
131 ». 3 cvppedinarii omnes qui esculenta et
poculenta uendunt, a rebus cupidinis ob alimentum
cupidinarii
appellantur. 4 Et ipse
subiecit, qui accipiendi sint cupidinarii.
1 concvrrvnt laeti
mihi obviam en un mot il montre qu'ils sont nombreux,
qu'ils vont vite, et qu'ils se hâtent de partout vers
lui. 2 cvppedinarii omnes Varron dans les
Antiquités humaines écrit : « Numerius Equitius Cuppes et Manius
Macellus singulari latrocinio multa loca habuerunt infesta. his in
exsilium actis bona publicata sunt, aedes ubi habitabant dirutae
eque ea pecunia scalae deum penatium aedificatae sunt. ubi
habitabant, locus, ubi uenirent ea, quae uescendi causa in urbem
erant allata. itaque ab altero Macellum, ab altero Forum
Cuppedinis appellatum » (Numerius Equitius Cuppes et Manius
Macellus désolèrent de nombreux lieux par un brigandage sans
exemple. Quand on les eut exilés leurs biens furent confisqués au
profit de l'Etat, les maisons où ils habitaient furent détruites
et avec cet argent on bâtit les escaliers des dieux pénates. Le
lieu où il habitaient devint celui ou étaient vendues les choses
qui étaient apportées à la Ville pour nourrir les habitants. Voilà
pourquoi il fut appelé du nom de l'un Macellum, et du nom de
l'autre Forum Cuppedinis). 3 cvppedinarii omnes ceux qui
vendent des comestibles et des boissons sont nommés cupidinarii à cause
des choses qui provoquent le désir de manger. 4 Et et il indique ensuite lui-même quelle sorte de
gens il faut entendre sous le nom de cupidinarii.
cetarii lanii coqui fartores
piscatores,
pêcheurs au gros, bouchers,
traiteurs, charcutiers, poissonniers,
1 lanii
qui laniant pecora; unde et lanistae dicti, qui laniandis praesunt
gladiatoribus. 2 Sic et
macellum
a
mactandis
pecoribus dictum. 3 piscatores qui recentem piscem
praebent. 4 fartores qui insicia et farcimina
faciunt. 5 cetarii qui cete, id est magnos
pisces, uenditant et bolonas exercent. 6 cetarii lanii
coqvi fartores σχῆμα comicum, nam in palliata Romanas res
loquitur.
1 lanii
ceux qui découpent en morceaux le bétail ; c'est aussi de là que
vient le mot laniste, pour désigner ceux qui commandent aux
gladiateurs qui se coupent en morceaux. 2 Ainsi le mot macellum vient aussi du verbe qui
signifie abattre (mactare) le bétail. 3 piscatores ceux qui proposent du poisson
frais. 4 fartores ceux qui font des saucisses et des
boudins. 5 cetarii ceux qui vendent des baleines,
autrement dit des gros poissons, et font le métier de
poissonnier. 6 cetarii lanii coqvi fartores figure
(σχῆμα) comique car dans une
pièce en costume grec on parle de réalités romaines.
quibus et re salua et perdita
profuerim346 et prosum saepe:
gens à qui j'avais rendu service
quand ma fortune était encore là et et après l'avoir perdue, et à
qui je rends service souvent encore.
1 qvibvs et re
salva cum de meo impenderem, et perdita profverim cum de alieno
manticulor atque impendo. 2 saepe expletiuae
significationis est.
1 qvibvs et re
salva quand je payais sur mes propres fonds, et perdita profverim maintenant
que je vole à la tire 191 et paye avec le bien d'autrui. 2 saepe le sens est explétif.
salutant, ad cenam uocant, aduentum
gratulantur.
Ils saluent, invitent à dîner, se
félicitent de ma venue.
1 ad cenam
vocant utrum ad emendam cenam an uero ad
conuiuium? 2 adventvm gratvlantvr accusatiuum pro datiuo,
pro aduentui
gratulantur. 3 Et aduentus proprie
exspectatorum necessariorumque dicitur.
1 ad cenam
vocant on se demande si c'est pour acheter le dîner ou
alors pour l'inviter à manger ? 2 adventvm
gratvlantvr accusatif mis pour le datif, pour aduentui
gratulantur. 3 Et
aduentus se
dit au sens propre pour des gens qu'on attend et qui nous sont
proches.
Quand ce pauvre crève-la-faim me
voit qu'on me tient en si grand honneur et
1 ille vbi miser
famelicvs videt me hic ostendit, quae res coegerit ad
discendum. 2 Et simul
uide famelicum uulgi opinionem loqui parasitum: miserum et famelicum, hominem
honestis moribus praeditum. 3 ille vbi miser famelicvs videt
me uide ut sententiose demonstret malos ex bonis
contagione fieri, exemplis in prauum praeualentibus: uidet mihi
hoc prodesse et discere optat, quod negabat se posse. 4 tanto
honore quia «
concurrunt
132 », «
salutant
133 ». 5 famelicvs a fame et edendo dictum est quasi famedicus.
1 ille vbi miser
famelicvs videt me ici il montre ce qui a contraint
l'autre à se mettre à son école. 2 Et en même temps, remarquez que le parasite parle
conformément à l'opinion du vulgaire à son sujet : miserum et famelicum (pauvre et
famélique) désignent un homme de mœurs honnêtes. 3 ille vbi miser
famelicvs videt me voyez sur quel ton sentencieux il
démontre que les bons deviennent mauvais par contagion, avec des
exemples qui poussent au pire : il voit que cela me rend service
et il décide d'apprendre ce qu'il disait ne pas pouvoir
faire. 4 tanto honore parce que « concurrunt »,
« salutant ». 5 famelicvs vient de fames (la faim) et de
edo
(manger) comme si on avait famedicus.
tam facile uictum quaerere, ibi
homo coepit me obsecrare
que je gagne si aisément ma vie,
voilà le type qui se met à me supplier
1 tam facile
victvm qvaerere quia «
ad cenam uocant
134 ». 2 ibi pro tunc. 3 homo
mire addidit homo. 4 Aut additum superuacuo homo, ut «
donat habere uiro decus et tutamen in
armis
135 ».
1 tam facile
victvm qvaerere parce que « ad cenam uocant ». 2 ibi pour tunc. 3 homo
c'est étonnant qu'il ait ajouté homo. 4 ou
alors le mot homo est ajouté de manière superflue comme « donat
habere uiro decus et tutamen in armis » (il la donne pour qu'elle
serve au héros de marque d'honneur et de protection sous les
armes).
ut sibi liceret discere id de me:
sectari iussi,
de lui permettre de s'instruire à
mon école. Je lui ai commandé de s'attacher à mes pas,
1 vt sibi liceret
discere quasi disciplinam aut artem: tantum auctoritatis
criminum felicitas sumpsit. 2 discere id de me magis
de illo et
de me
ueteres dicebant quam, ut nos dicimus, a me aut ab illo. 3 sectari
ivssi proprie, nam et sectae philosophorum ab hoc
significatu dictae sunt.
1 vt sibi liceret
discere comme si c'était une discipline ou un art : tant
le succès de ses crimes lui a procuré d'ascendant. 2 discere id de
me les anciens disaient plus volontiers de illo et de me qu' a me ou ab illo comme nous le
faisons nous. 3 sectari ivssi le mot est au sens propre, de
fait le mot sectae pour les écoles des philosophes vient de ce
sens.
si potis est, tamquam philosophorum
habent disciplinae ex ipsis
s'il en est capable. Comme les
écoles des philosophes tirent d'eux
ex ipsis philosophis scilicet.
ex ipsis comprendre évidemment les
philosophes.
uocabula, parasiti ita ut
Gnathonici uocentur.
leur nom, que les parasites soient
baptisés Gnathoniciens.
1 ex ipsis
vocabvla ut Pythagorica, Platonica. 2 Hoc igitur non est consequens ad id quod uult
dicere; nisi forte disciplinam pro discipulis
posuit. 3 vocabvla non hoc intulit quod coeperat
dicere; nisi forte disciplinam pro discipulis
accipimus.
1 ex ipsis
vocabvla comme on dit Pythagoricien,
Platonicien. 2 Ce n'est donc pas en
accord avec ce qu'il veut dire ; à moins qu'il n'ait mis le mot
disciplina
(discipline) pour discipuli (les192). 3 vocabvla
cela ne produit pas ce qu'il avait commencé à dire ; à moins que
nous ne comprenions que disciplina est mis pour discipulis.
Pa.-uiden otium et cibus quid
facit349 alienus? Gn.-sed ego
cesso
Pa.-Voyez un peu l'oisiveté et la
nourriture, le mal que ça fait. Gn.- Mais je m'en vais
1 viden otivm et
cibvs qvid faciat alienvs rursus Parmeno et facetias dicit
et distinguit longiloquium parasiti. 2 qvid
faciat legitur quid facit, ut sit figura per modos pro
quid
faciat.
1 viden otivm et
cibvs qvid faciat alienvs Parménon recommence à raconter
des blagues et coupe la tirade du parasite. 2 qvid
faciat on lit aussi l'indicatif quid facit ce qui
donne un jeu sur les modesà la place du subjonctif quid faciat 193.
ad Thaidem hanc deducere et rogare
ad cenam ut ueniat?
emmener cette fille à Thaïs et la
prier de venir souper.
1 hanc
dedvcere proprie, nam ducitur quis ad supplicium, deducitur in
laetitiam. 2 et rogare ad cenam uide parasitum optare
Thaidem ad cenam uocari quam munus accipere.
1 hanc
dedvcere au sens propre, de fait on utilise duco pour conduire
quelqu'un à un supplice, deduco pour conduire à un événement
heureux. 2 et rogare ad cenam voyez le parasite
souhaiter que Thaïs soit invitée à dîner plutôt qu'elle n' accepte
le cadeau.
sed Parmenonem ante ostium
Thaidis350 tristem
uideo,
Mais c'est Parménon, que j'aperçois
devant la porte de Thaïs, avec une tête sinistre,
thaidis legitur et Thainis.
thaidis on lit aussi Thainis.
riualis seruum: salua res est.
nimirum hic homines frigent.
l'esclave de notre rival : on est
sauvé ; vraiment, ici, les gens leur battent froid.
1 salva res
est quia et «
ante ostium
136 » et «
tristem uideo
137 », salva res
est. nec hoc ualet ad laetitiam, quod Parmeno est, sed
quod riualis seruus. 2 salva res est
prouerbialiter.
1 salva res
est puisque « ante ostium » et « tristem uideo », tout va
bien. Et ce qui le met ainsi en joie ce n'est pas que ce soit
Parménon, mais que son rival soit un esclave. 2 salva res
est expression proverbiale.
nebulonem hunc certum est ludere.
Pa.-hisce hoc munere arbitrantur
Ce benêt, c'est sûr que je vais me
le faire. Pa.-Ceux-là, ils croient qu'avec leur cadeau
1 nebvlonem uel furem quia nebulas obiciat, uel
mollem ut nebulam, uel inanem ac uanum, ut nebula est. 2 hisce pro hi uetuste, Vergilius
«
his certe — neque amor causa est — uix ossibus
haerent
138 », quia hice debebat dicere. 3 hisce hoc mvnere
arbitrantvr non immerito Gnathonem deridet Parmeno, qui
penitus nouerit consilium meretricis.
1 nebvlonem soit voleur, car il se cache
derrière des nuées (nebula), soit inconsistant comme une
nuée, soit creux et vide comme l'est une nuée. 2 hisce
archaïque pour hi, Virgile « his certe — neque amor
causa est — uix ossibus haerent » (elles sont maigres -ce n'est
pas l'amour qui en est cause- à laisser voir leurs os), parce
qu'il aurait dû dire hice. 3 hisce hoc mvnere
arbitrantvr ce n'est pas sans fondement que Parménon se
moque de Gnathon, car il connaît à fond le dessein de la
courtisane.
suam Thaidem esse. Gn.-plurima
salute Parmenonem
Thaïs est à eux. Gn.- Un très grand
bonjour à Parménon
summum suum inpertit Gnatho. quid
agitur? Pa.-statur. Gn.-uideo.
son très grand ami, de la part de
Gnathon. Dans quel état est-on ? Pa.-Stationnaire. Gn.-Je
vois.
1 svmmvm
ἔλλειψις. 2 svmmvm svvm
impertit haec tota locutio parasiticae elegantiae et simul
et εἰρωniae
plena est. nam et plurimam dicit ei salutem, quem ne exiguam
quidem uelit continere, <et> summum dicit eum, qui nec leuis amicus
sit sibi, et Parmenonem
Gnatho, non te ego. 3 svmmvm
svvm quam uenuste, quod summum amicum non resalutet
Parmeno! 4 qvid agitvr pro blandimento, non pro
interrogatione nunc ponitur, ut «
o noster, quid fit? quid agitur?
139 » 5 qvid agitvr statvr pro quid agis?
sto. 6 Et facete
statur, nam
stat, cui ingredi non licet.
1 svmmvm
ellipse (ἔλλειψις). 2 svmmvm
svvm impertit toute cette expression est pleine de
l'élégance du parasite et en même temps aussi d'ironie (εἰρωnia). De fait, il lui fait mille
courbettes, de peur qu'un salut trop modeste ne sache le retenir,
et il le dit très grand pour qu'il ne soit pas pour lui non plus
un ami inconstant et il dit Parménon et Gnathon et non "toi" et "moi". 3 svmmvm
svvm que c'est charmant : Parménon ne rend pas son salut à
son très grand ami ! 4 qvid agitvr cette expression
est placée là en guise de flatterie non comme une vraie question,
comme « o noster, quid fit ? quid agitur ? » 5 qvid agitvr
statvr mis pour quid agis ? sto (qu'est-ce que tu fais ?
Je stationne). 6 Et c'est comique de
dire statur
(on stationne), de fait il stationne lui à qui il est interdit
d'entrer.
numquid nam hic quod nolis uides?
Pa.-te. Gn.-credo; at numquid aliud?
N'y a-t-il rien ici que tu voudrais
ne pas voir ? Pa.-Toi. Gn.- Je te crois. Mais n'y a-t-il rien
d'autre ?
nvmqvid alivd uirginem. hic de illo
respondit et ideo repetit dictum Gnatho.
at nvmqvid alivd la jeune fille. L'autre lui
a répondu toi et c'est pourquoi Gnathon repose la question.
Pa.-qui dum? Gn.-quia tristis es.
Pa.-nil quidem351. Gn.-ne sis; sed quid uidetur
Pa.-Pourquoi donc ? Gn.-Parce que
tu es triste. Pa.-Non, du tout. Gn.-Ne le sois pas. Mais comment
trouves-tu
1 qvi dvm
interrogat interrogantem, ne ipse respondeat. 2 nihil
qvidem dicens nihil mutauit uultum Parmeno in
laetitiam. ideo illi facete Gnatho hoc ipsum agenti ne sis dixit, ut
probaret tristem fuisse. 3 nihil eqvidem pro non. infra «
nihil dixit, ut sequerere sese?
140 »
1 qvi dvm
il interroge celui qui l'interroge pour ne pas répondre
lui-même. 2 nihil qvidem en disant nihil (rien) Parménon
a changé d'expression de visage pour marquer la joie. C'est
pourquoi de manière comique Gnathon au moment même où il fait cela
lui dit ne le sois pas, pour montrer qu'il était triste. 3 nihil
eqvidem mis pour non. Ci-dessous « nihil dixit, ut
sequerere sese ? ».
hoc tibi mancupium? Pa.-non malum
hercle. Gn.-uro hominem. Pa.-ut falsus animi est!
cet objet ? Pa.-Pas mal, ma foi.
Gn.-Je le mets sur le gril, le gars. Pa.-Comme il se trompe dans
sa tête !
1 hoc tibi
mancipivm ταπείνωσις τῷ ἀστεϊσμῷ: mancipium dicit
puellam aut uirginem. 2 non malvm hercle inimica
laudatio. 3 vro hominem sibi hoc gestu et uultu
parasitico dicit. 4 Et uro pro eo quod est
dolere cogo. 5 vt falsvs animi est similiter et Parmeno
secum seruili gestu. 6 Et
animi pro
animo:
ἀντίπτωσις
ueterum, qui «
ingens uirium
141 », «
diues opum
142 », «
abundans < lactis
143 » solebant> dicere. 7 vt falsvs animi
est ex hoc falsus animi est, quod putat huiusmodi
munere capi posse Thaidem.
1 hoc tibi
mancipivm litote par élégance (ταπείνωσις τῷ ἀστεϊσμῷ) : il dit
mancipium
(le personnel) pour la petite ou la jeune fille. 2 non malvm
hercle éloge hostile. 3 vro
hominem il se parle à lui même en prenant le visage et la
mimique typiques du parasite. 4 Et
uro est
mis pour je le fais souffrir. 5 vt falsvs animi
est de la même façon Parménon aussi se parle à lui-même
avec une mimique typique d'esclave. 6 Et le génitif animi est mis pour l'ablatif animo : changement de
cas (ἀντίπτωσις) propre aux
anciens, qui disaient ordinairement « ingens uirium » (aux forces
immenses), « diues opum » (riche de biens), « abundans lactis »
(abondant en lait). 7 vt falsvs animi est ce qui fait
qu'il est falsus animi
est c'est qu'il croit pouvoir séduire Thaïs avec un
cadeau de ce genre.
Gn.-quam hoc munus gratum Thaidi
arbitrare esse? Pa.-hoc nunc dicis
Gn.- Quel plaisir penses-tu que ce
présent va faire à Thaïs ?Pa.-Tu veux dire par là
qvam hoc mvnvs gratvm thaidi mire insultat
Gnatho: quanto enim gratum munus fuerit, tanto erit riualis
exclusior.
qvam hoc mvnvs gratvm thaidi c'est étonnant
de voir Gnathon aussi insolent : en effet plus son cadeau fera
plaisir, plus son rival sera flanqué dehors.
eiectos hinc nos: omnium rerum,
heus, uicissitudo est.
qu'on nous a flanqués dehors.
Toutes choses, hélas, ont leurs vicissitudes.
omnivm rervm hevs vicissitvdo est uide
locum, in quo erumpere dolor Parmenonis potuit, nisi commissa
seruaret et celaret Thaidis consilium.
omnivm rervm hevs vicissitvdo est voici
l'endroit où la douleur de Parménon aurait pu éclater s'il n'avait
pas en tête sa mission et ne cachait pas le dessein de Thaïs.
Gn.-sex ego te totos, Parmeno, hos
menses quietum reddam
Gn.- Moi, c'est six mois pleins,
Parménon, de vacances que je vais te donner,
1 sex ego totos
parmeno hos te menses qvietvm reddam quid est totos? an diebus et noctibus,
utpote amatoris seruum, ac per hoc sine ulla cessatione et
intermissione? 2 hos menses qui nunc aguntur, id est hoc
tempore. 3 qvietvm reddam facete, quasi hoc ipse
fecerit. 4 Et hoc est
quod ait «
summum suum impertit Gnatho
Parmenonem
144 », tamquam amico consulat.
1 sex ego totos
parmeno hos te menses qvietvm reddam que veut dire
totos ?
est-ce jour et nuit, à la manière de l'esclave d'un amoureux, et
par là sans aucune trêve ni aucun repos ? 2 hos
menses ceux dans lesquels nous sommes, c'est à dire le
moment présent. 3 qvietvm reddam comique, comme
s'il l'avait fait lui-même. 4 Et
c'est ce qu'il a dit « summum suum impertit Gnatho Parmenonem »,
comme s'il avait souci d'un ami.
ne sursum deorsum cursites
neque352 usque ad lucem uigiles.
pour t'éviter de monter et
descendre en courant et de veiller jusqu'au jour.
ne svrsvm deorsvm cvrsites quod est laboris,
neqve vsqve ad lvcem
vigiles quod est exitii.
ne svrsvm deorsvm cvrsites c'est le propre
de la peine, neqve vsqve ad
lvcem vigiles c'est ce qui va causer sa perte.
ecquid beo te? Pa.-men? papae.
Gn.-sic soleo amicos. Pa.-laudo.
Je ne te fais pas plaisir ? Pa.-A
moi ? Peste ! Gn.-Voilà comme je traite mes amis. Pa.-Bravo.
sic soleo amicos hoc ἐλλειπτικῶς.
sic soleo amicos expression elliptique
(ἐλλειπτικῶς).
Gn.detineo te: fortasse tu
profectus alio fueras.
Gn.-Je te retiens. Tu allais
peut-être ailleurs ?
1 detineo
ualde teneo. 2 fortasse tv profectvs alio fveras uult
exprimere confessionem, quod ad Thaidem uenerit, sed intrare non
possit.
1 detineo
te je te retiens trop. 2 fortasse tv
profectvs alio fveras il veut extorquer l'aveu qu'il était
venu voir Thaïs, mais qu'il n'a pas pu entrer.
Pa.-nusquam. Gn.-tum tu igitur
paululum da mi operae: fac ut admittar
Pa.-Nulle part. Gn.-Eh bien ! en ce
cas rends-moi un petit service : fais-moi recevoir
1 pavlvlvm da mihi
operae hoc quasi supplicantis uultu ad irrisionem
dicitur. 2 pavlvlvm da mihi operae proprie sic dicitur
adiuua me.
sic in Adelphis «
haec opera ut data sit
145 ».
1 pavlvlvm da mihi
operae il dit cela avec pour ainsi dire un visage de
suppliant pour se moquer. 2 pavlvlvm da mihi operae au
propre on dit ainsi : adiuua me. Ainsi dans Les
Adelphes « haec opera ut data sit ».
chez elle. Pa.-Vas-y donc :
aujourd'hui tu trouveras cette porte ouverte, vu la fille que tu
amènes.
1 age modo nvnc
tibi patent hae fores ex eo, quantum licere oportuit,
ostendit, quam misere nihil illic liceat Parmenoni. 2 qvia istam
dvcis hoc quasi ad Gnathonem, sed lente ac sub lingua
murmurat.
1 age modo nvnc
tibi patent hae fores en disant cela, il montre, autant
qu'il peut se l'autoriser194, combien il est triste que Parménon ne puisse rien faire
là-bas. 2 qvia istam dvcis ces mots sont adressés pour
ainsi dire à Gnathon, mais c'est un murmure circonspect et presque
inarticulé.
Gn.-numquem euocari hinc uis foras?
Pa.-sine biduum hoc praetereat:
Gn.- As-tu quelqu'un de la maison à
faire appeler dehors ? Pa.-Laisse seulement passer ces deux
jours.
1 nvmqvem evocari
hinc vis foras quia ipse intrare non potest. 2 sine
bidvvm hoc praetereat et hoc lentius; nam si aliter
pronuntiaueris, secreta produntur.
1 nvmqvem evocari
hinc vis foras parce que lui-même ne peut pas
entrer. 2 sine bidvvm hoc praetereat et cela est dit
de façon encore plus circonspecte ; de fait si on le dit
autrement, les secrets sont révélés.
qui mihi nunc uno digitulo fores
aperis fortunatus,
tu m'ouvres aujourd'hui du bout du
doigt la porte, veinard ;
1 qvi mihi
nvnc mihi τῷ ἀττικισμῷ dictum est. 2 fortvnatvs ut ipse uideris tibi.
1 qvi mihi
nvnc mihi est un atticisme (τῷ ἀττικισμῷ). 2 fortvnatvs comme tu crois l'être
toi-même.
ne tu istas faxo calcibus saepe
insultabis frustra.
pour sûr, toi, cette porte, je
ferai en sorte que tu l'outrages de coups de pied sans
résultat.
1 ne tv istas
faxo ne ualde. 2 ne tv istas faxo
calcibvs saepe insvltabis frvstra noua locutio calcibus insultabis
fores. Sallustius «
multos tamen ab adulescentia bonos
insultauit
146 ». 3 ne tv istas faxo calcibvs mira loquentia, in
qua utraque ὑπερβολή expressissima est; nam neque
uno
digitulo minus aliquid dici potest neque calcibus saepe
insultabis aut amplius aut ingentius.
1 ne tv istas
faxo ne vaut pour ualde
(beaucoup). 2 ne tv istas faxo calcibvs saepe insvltabis
frvstra expression nouvelle tu outrageras les portes de
coups de pied. Salluste « multos tamen ab adulescentia bonos
insultauit » (dès sa jeunesse il outragea bien des gens
honnêtes). 3 ne tv istas faxo calcibvs admirable
formulation, dans laquelle les deux hyperboles (ὑπερβολή) sont d'une très grande
expressivité; ; de fait, on ne peut minorer davantage qu'en disant
du bout de ton petit doigt (uno digitulo), ni amplifier et majorer
davantage qu'en disant tu l'outrageras de coups de pied
(calcibus saepe
insultabis).
Gn.-etiamnunc tu hic stas, Parmeno?
eho numnam hic relictus es custos,
Gn.-Tu es encore là à stationner,
Parménon ? Holà, on ne t'aurait pas laissé là en sentinelle,
1 nvmnam
nam
abundat, ut quidnam. 2 relictvs
cvstos bene relictus, quasi ab expulso.
1 nvmnam
hic nam est pléonastique comme dans
quidnam
(quoi donc). 2 relictvs cvstos relictus (laissé) est bien dit, comme
par quelqu'un qu'on a flanqué dehors.
nequis forte internuntius clam a
milite ad istam curset?
pour empêcher peut-être un messager
du soldat de courir en cachette chez elle ?
1 ne qvis forte
internvntivs proprie internuntius. 2 ne qvis forte
internvntivs clam a milite etc. et hoc facete, quasi ipse
sibi totam Thaidem uindicauerit. quod miles facit.
1 ne qvis forte
internvntivs internuntius est au sens
propre. 2 ne qvis forte internvntivs clam a milite
etc : et c'est dit de manière comique comme s'il avait réclamé
pour lui-même la totalité de la possession de Thaïs, ce que fait
le soldat.
Pa.-facete dictum: mira uero militi
quae placeant355!
Pa.-Très drôle ! ils sont vraiment
bizarres, les goûts du soldat !
1 facete
dictvm εἰρωνικῶς, quia infacete. 2 mira vero militi
qvae placeant mira pro mirum. Vergilius «
nota tibi
147 ». et est ironia: quid mirum est, inquit, facete loqui
eum, qui militi placeat? 3 Potest
tamen et pluraliter intellegi.
1 facete
dictvm ironiquement (εἰρωνικῶς), car cela n'a rien de
comique. 2 mira vero militi qvae placeant mira est mis pour
mirum.
Virgile : « nota tibi » (cela t'est connu). Et c'est de l'ironie :
qu'y a-t-il d'étonnant, dit-il, à ce que celui qui plaît au soldat
parle de manière comique ? 3 On peut
cependant comprendre aussi un pluriel.
sed uideo erilem filium minorem huc
aduenire.
Mais j'aperçois le fils cadet du
maître qui vient par ici.
sed video erilem filivm non potest Terentius
τρόφιμον dicere
et ideo erilem
filium dicit.
sed video erilem filivm Térence ne peut pas
dire
τρόφιμον
c'est pourquoi il dit erilem filium (le fils du patron195).
miror quid ex Piraeo abierit; nam
ibi custos publice est nunc.
Je me demande pourquoi il a quitté
le Pirée car il y est à présent comme garde public.
1 miror qvid ex
piraeo abierit hic causa ostenditur, cur possit ignotus
esse uicinis et pro eunucho fingi. 2 miror
pro nescio. 3 miror qvid ex
piraeo abierit ut ex Piraeo discederet, symbola amicorum,
ut huc perueniret omisso negotio, conspectus uirginis
fecit. 4 nam ibi cvstos pvblice aduersus praedonum
incursus illic excubabat iuuentus Attica. 5 Piraeeum, ut Sunium, est Atticae maritimae
accessus litoris clementior. 6 pvblice est
nvnc < nunc > ambigua distinctione positum
est.
1 miror qvid ex
piraeo abierit ici on voit la raison pour laquelle il peut
ne pas être connu des voisins et se faire passer pour
l'eunuque. 2 miror pour nescio (j'ignore). 3 miror qvid ex
piraeo abierit ce qui a fait qu'il a quitté le Pirée,
c'est l'accord entre les amis, ce qui a fait qu'il est venu ici en
oubliant qu'il est de service, c'est d'avoir vu la jeune
fille. 4 nam ibi cvstos pvblice pour lutter contre
les incursions des pirates c'est là que la jeunesse de l'Attique
montait la garde. 5 Le Pirée, comme
Sounion, sont des accès assez faciles aux côtes de l'Attique par
la mer. 6 pvblice est nvnc la place de la ponctuation
avant ou après nunc n'est pas clairement196.
non temere est; et properans uenit:
nescioquid circumspectat.
Ce n'est pas pour rien, et il
marche bien vite. Je ne sais pas ce qu'il à regarder autour de
lui ?
1 et properans
venit mire locuturum ante formauit, ut gestus uerba
praecedant, uerba habitum consequantur. 2 non temere
est hinc illa Vergilius «
haut temere est uisum.
c.
conclamat
ab agmine
V.
Volcens
148 ».
1 et properans
venit comme il va s'exprimer de manière étrange le poète a
fait une préparation en sorte que la mimique précèdera les paroles
et que les paroles seront la conséquence de son allure. 2 non temere
est c'est de là que viennent ces mots de Virgile « haut
temere est uisum. conclamat ab agmine Volcens » (Ce ne fut pas
sans conséquence. De la colonne, Volcens s'écrie).
scaena tertia
Parmeno Chaerea
292 | 293 | 294 | 295 | 296 | 297 | 298 | 299 | 300 | 301 | 302 | 303 | 304 | 305 | 306 | 307 | 308 | 309 | 310 | 311 | 312 | 313 | 314 | 315 | 316 | 317 | 318 | 319 | 320 | 321 | 322 | 323 | 324 | 325 | 326 | 327 | 328 | 329 | 330 | 331 | 332 | 333 | 334 | 335 | 336 | 337 | 338 | 339 | 340 | 341 | 342 | 343 | 344 | 345 | 346 | 347 | 348 | 349 | 350 | 351 | 352 | 353 | 354 | 355 | 356 | 357 | 358 | 359 | 360 | 361 | 362 | 363 | 364 | 365 | 366 | 367 | 368 | 369 | 370 | 371 | 372 | 373 | 374 | 375 | 376 | 377 | 378 | 379 | 380 | 381 | 382 | 383 | 384 | 385 | 386 | 387 | 388 | 389 | 390
Ch.-Occidi!
Ch.-Je suis mort !
1 occidi neqve
virgo est vsqvam in hac scaena nouus amor adhuc ephebi et
consilium dehonestande uirginis ostenditur tanta uirtute poetae
comici, ut hoc commentum non quaesitum esse sed occurrisse sua
sponte uideatur. 2 occidi neqve virgo est vsqvam
quid dicere debebat aliud properans et circumspiciens, nisi quod
dixit occidi? 3 occidi
produc mediam syllabam huius uerbi et contrarium significat.
1 occidi neqve
virgo est vsqvam dans cette scène, on montre le nouvel
amour d'un garçon qui n'est encore qu'un éphèbe et la décision de
déshonorer la jeune fille avec une telle valeur chez le poète
comique que le commentaire ne paraît pas naître d'une recherche,
mais surgir spontanément. 2 occidi neqve virgo est vsqvam
que devait-il dire en se hâtant ainsi et en jetant des coups
d'oeil alentour d'autre que ce qu'il dit occidi (je suis
mort) ? 3 occidi allongez la syllabe médiane de ce mot
et cela voudra dire le contraire197.
neque uirgo est usquam neque ego,
qui illam e conspectu amisi meo.
La jeune fille est nulle part, et
moi non plus, puisque je l'ai perdue de vue.
neqve ego qvi illam e conspectv amisi meo
amatorie, dum illam non inuenit et se perdidit.
neqve ego qvi illam e conspectv amisi meo à
la façon d'un amant : il ne l'a pas trouvée et s'est perdu.
ubi quaeram, ubi inuestigem, quem
perconter, quam insistam uiam
Où la chercher ? où retrouver sa
trace ? qui interroger ? quel chemin prendre ?
1 vbi
qvaeram hoc circumspectantis est. 2 vbi
investigem plus intulit. 3 qvem
perconter hoc iterum plus intulit, nam ubi nec uestigium
reperietur, superest interrogatio. 4 qvam insistam
viam si nec quem interroget apparet. 5 qvam insistam
viam legitur et qua uia.
1 vbi
qvaeram réplique d'un personnage qui jette des coups
d'oeil alentour. 2 vbi investigem c'est dire
plus. 3 qvem perconter c'est dire encore plus car
quand on ne trouve pas de traces, on peut encore poser des
questions. 4 qvam insistam viam si personne qu'il puisse
interroger ne se montre. 5 qvam insistam viam on lit aussi
qua
uia.
incertus sum. una haec spes est:
ubi ubi est, diu celari non potest.
Je n'en sais rien. Un seul espoir
me reste : où qu'elle soit, on ne peut pas la cacher
longtemps.
vbi vbi est div celari non potest ob nimiam
scilicet formae gratiam.
vbi vbi est div celari non potest sans nul
doute à cause de l'extrême grâce de sa silhouette.
o faciem pulchram! deleo omnes
dehinc ex animo mulieres:
Quelle ravissant visage ! J'efface
dès lors de mon cœur toutes les femmes.
1 o faciem
pvlchram faciem modo non partem corporis dicit
sed totam speciem, quae apparet et cernitur. Vergilius «
quibus aspera quondam uisa maris
facies
149 ». 2 deleo omnes dehinc ex animo mvlieres
πρὸς τὸ πιθανόν
argumentatus est, ut ostenderet hunc grandem iam ephebum etiam
amoris expertem non fuisse. sic et alibi «
cum me ipsum <noris> quam elegans
formarum spectator siem? in hac commotus sum
150 ».
1 o faciem
pvlchram par le mot facies (figure) il ne veut pas dire la
partie du corps, mais la totalité de son aspect qui se montre et
qui se fait voir. Virgile « quibus aspera quondam uisa maris
facies » (ceux qui naguère avaient jugé redoutable l'aspect de la
mer). 2 deleo omnes dehinc ex animo mvlieres il
argumente selon le vraisemblable (πρὸς τὸ πιθανόν) pour montrer que cet
éphèbe déjà assez avancé en âge n'était pas non plus tout à fait
ignorant de l'amour. De même ailleurs « cum me ipsum noris quam
elegans formarum spectator siem ? in hac commotus sum ».
taedet cotidianarum harum formarum.
Pa.-ecce autem alter356!
J'en ai marre de ces beautés
banales. Pa.- Voilà l'autre !
1 taedet
cotidianarvm harvm formarvm hoc est leuium et usitatarum.
et est huic contrarium «
noua figura oris. — papae!
151 ». 2 ecce avtem alter sic dicimus, cum propter
alterum de altero uenit in mentem.
1 taedet
cotidianarvm harvm formarvm c'est-à-dire sans importance
et habituelles. Le contraire en est « noua figura oris. —
papae ! ». 2 ecce avtem alter nous nous exprimons ainsi
quand penser à une personne en fait venir une autre à
l'esprit.
nescioquid de amore loquitur; o
infortunatum senem!
il parle d'amour, va savoir quoi ;
pauvre vieux !
1 nescio qvid de
amore loqvitvr ut iamdudum Phaedria loquebatur. 2 o
infortvnatvm senem hoc dicto praestruxit ad exitum fabulae
[ad καταστροφήν
]; nam perturbatus ad Thaidem ingreditur hic senex per fallaciam
Pythiae et indicium Parmenonis, atque ita firmabuntur nuptiae
uirginis, quam ducet Chaerea.
1 nescio qvid de
amore loqvitvr comme Phédria en discourait depuis un
moment déjà. 2 o infortvnatvm senem en disant cela il
construit par avance ce qui sera le dénouement de la pièce [la
catastrophe (καταστροφή)] ; de fait c'est tout troublé
que ce vieillard va vers Thaïs à cause de la fourberie de Pythias
et de l'indice fourni par Parménon, et c'est ainsi que se scellera
le mariage de la jeune fille qu'épousera Chéréa.
hic uero est qui si occeperit,
Celui-ci est du genre à, s'il
entreprend quelque chose,
1 hic vero
est utrum senex an Chaerea? sed senex potius. 2 hic vero
est senex. 3 qvi
s.
si
occep.
occeperit
Chaerea.
1 hic vero
est on peut hésiter entre le vieillard et Chéréa, mais
c'est plutôt le vieillard. 2 hic vero est le
vieillard. 3 qvi si occeperit Chérea.
ludum iocumque dices fuisse illum
alterum357,
te faire dire que c'était pour
jouer et pour rire, l'autre, le deuxième,
praeut huius rabies quae dabit.
à côté de ce que la rage de
celui-ci va provoquer.
1 illvm altervm
praevt hvivs rabies prae ex comparatione significat. ergo
praeut
proprie; et est integra locutio. 2 Et ordo: praeut illa sunt, <quae> huius rabies
dabit. 3 Et bene
dabit quasi
de re uiolenta, ut «
dabit ille ruinam
a.
arboribus
152 » 4 praevt hvivs rabies hic ex parte χαρακτηρισμός quidam est
personae Chaereae, quem moribus conicit seruus ardentiorem amore
fieri posse, simul coeperit. 5 praevt hvivs
rabies qvae dabit et hic ostenditur iampridem motus in res
uenerias Chaerea, et magna poetae cura est, ne incredibile
uideatur adulescentulum, qui pro eunucho deduci potuerit, tam
expedite uirginem uitiasse. quocirca artifex summus quod aetati
non potest, naturae attribuit Chaereae, ut calidior ingenio et
ante annos amator non libidinem in sese sed quandam rabiem
designauerit in uenerios appetitus.
1 illvm altervm
praevt hvivs rabies prae signifie le degré de comparaison.
Donc praeut
est au sens propre ; et cela ne constitue qu'un seul
mot. 2 Et l'ordre est : praeut illa sunt, quae huius
rabies dabit. 3 Et c'est
bien dit que de dire dabit comme si l'on parlait d'une chose
violente, comme « dabit ille ruinam arboribus » (l'ouragan ruinera
les arbres). 4 praevt hvivs rabies ici il y a pour une part
caractérisation (χαρακτηρισμός) du personnage de Chéréa,
que l'esclave suppose, en raison de ses mœurs, passablement
susceptible d'échauffement par l'amour, dès qu'il commence à
aimer. 5 praevt hvivs rabies qvae dabit et ici,
Chéréa est montré comme déjà porté depuis longtemps sur les choses
de Vénus et le poète a grand soin d'éviter qu'il paraisse
incroyable qu'un petit jeune homme qui a pu être amené à la place
de l'eunuque ait si tôt fait de déshonorer la jeune fille. C'est
pourquoi, avec une adresse consommée, il a attribué à la nature de
Chéréa ce qu'il ne pouvait attribuer à son âgeâge, en sorte que,
passablement chaud de nature, et amoureux avant l'âge, ce ne soit
pas seulement du désir qu'il montre en lui-même, mais une sorte de
rage pour les appétits de Vénus.
Ch.-ut illum di deaeque omnes358 senium perdant qui me hodie remoratus est;
Ch.-Que tous les dieux et déesses
confondent cette antiquité qui m'a retenu aujourd'hui,
1 vt illvm
ut pro
utinam. 2 di deaeqve omnes
senivm perdant plus dixit senium quam senem. nec mireris post senium qui additum, non
quod, ideo
quia declinationem ad intellectum rettulit, ut alibi «
in Eunuchum suam
153 ». 3 Et senex ad aetatem
refertur, senium ad conuitium. sic Lucilius †ast,
«
ait, quid iam te, senium atque insulse
sophista?
154 » 4 remoratvs est a remora pisciculo, qui ἐχεναΐς uocatur,
remoratio
et remoratus dicitur.
1 vt illvm
ut est mis
pour utinam
(si seulement). 2 di deaeqve omnes senivm perdant
senium est
plus fort que senex. On ne s'étonnera pas de voir,
après senium, qui, et non quod, pour la raison qu'il décline et
accorde selon le sens, comme ailleurs « in Eunuchum
suam ». 3 Et le mot senex porte sur l'âge,
le mot senium porte une injure. Ainsi Lucilius
« † ast, ait, quid iam te, senium atque insulse sophista ? »
(mais, dit-il, qu'es-tu toi, vieux croûton, sophiste sans
esprit ?). 4 remoratvs est du nom du petit poisson dit
remora, qui
en grec s'appelle
ἐχεναΐς
, on a fait remoratio et remoratus.
meque adeo qui ei restiterim; tum
autem qui illum flocci fecerim.
et moi aussi qui lui ai fait face !
Alors que je me fous de lui comme d'une guigne.
1 tvm avtem qvi
illvm tum
autem pro et; duas uult enim causas esse, cur se
ipsum di perdant: unam quod restiterit, alteram quod senem
perueritus diu remanserit a persequenda uirgine. 2 Et nota < floccifacere, ut> «
floccipendere
155 », et contemnere et non contemnere significare, ut
nunc. 3 qvi illvm floccifecerim deest uel, ut sit:
uel
floccifecerim.
1 tvm avtem qvi
illvm tum
autem est mis pour et ; en effet il veut qu'il y ait deux
raisons pour lesquelles les dieux le perdent ; un : il s'est
arrêté ; deux : par crainte du vieillard, il s'est attardé
longtemps sans suivre la jeune fille. 2 Et notez que floccifacere, comme floccipendere,
signifie à la fois mépriser et ne pas mépriser comme à
présent. 3 qvi illvm floccifecerim il manque uel, pour donner :
uel
floccifecerim.
sed eccum Parmenonem. salue.
Pa.-quid tu es tristis quidue es alacris359?
Mais voici Parménon. Salut.
Pa.-Pourquoi es-tu sinistre ? Pourquoi es-tu agité ?
1 qvid tv
tristis prouerbiale est in hominem perturbatum et incerti
uultus. 2 qvidve es alacris aut uelox
aut laetus es; nam alacris, l littera pro d posita, non tristis
id est ἄδακρυς
intellegitur. 3 qvid tv es alacris 25 et alacer et alacris dicitur,<ut> habes apud
Vergilium «
ergo alacris cunctosque
p.
putans
e.
excedere
p.
palma
156 ». 4 qvid tv es alacris alacritas est mutatio
quaedam uultus gestientis in spem aliquam.
1 qvid tv
tristis expression proverbiale pour parler d'un homme
troublé et au visage défait. 2 qvidve es
alacris ou tu es rapide ou tu es heureux ; de fait le mot
alacris, en
changeant l
pour d se
comprend comme ἄδακρυς c'est-à-dire qui n'est pas triste
198. 3 qvid tv es
alacris on dit à la fois au nominatif alacer et alacris,comme on l'a
chez Virgile « ergo alacris cunctosque putans excedere palma »
(heureux à l'idée que tous ont renoncé à la palme). 4 qvid tv es
alacris le mot alacritas désigne quelque changement
d'expression du visage qui s'agite dans quelque espoir.
unde is? Ch.-egone? nescio
hercle,
D'où viens-tu ?Ch.-Moi ? Ma foi, je
ne sais pas,
1 vnde is
modo
ad quid
uenis significat. 2 Sed eo de loco ad locum ueteres dicebant, quod
subiectis mox probabitur. 3 qvorsvm eam bene, quia proxime
dixerat «
ubi quaeram, ubi inuestigem, quem
perconter, quam insistam uiam, incertus sum
157 ». 4 qvorsvm eam hinc, ut diximus, manifestum est
ire et
aduentum significare.
1 vnde is
signifie seulement dans quel but tu viens. 2 Mais les anciens disaient eo de loco ad locum
(je vais d'un lieu à un lieu), comme le montrera ce qui
suit. 3 qvorsvm eam bien dit, parce qu'il venait de
dire « ubi quaeram, ubi inuestigem, quem perconter, quam insistam
uiam, incertus sum ». 4 qvorsvm eam c'est de là qu'on
voit à l'évidence, comme nous venons de le dire, que le verbe
ire marque
l'action d'arriver.
neque unde eam neque quorsum eam:
ita prorsus sum oblitus mei.
ni d'où je viens, ni où je vais
tant je ne sais plus qui je suis !
1 ita prorsvs svm
oblitvs mei huic contrarium «
dum memor ipse mei
158 ». 2 Ergo oblitus mei
insanus. 3 ita prorsvs svm oblitvs mei prorsum idest
recte
uel omnino. 4 Nam prorsum est porro uersum, id est ante uersum; hinc
et prosa
oratio, quam non inflexit cantilena.
1 ita prorsvs svm
oblitvs mei au contraire « dum memor ipse mei » (tant que
je me souviendrai de moi). 2 Donc
oblitus mei
veut dire fou. 3 ita prorsvs svm oblitvs mei prorsum veut dire
recte ou plutôt omnino. 4 De fait prorsum c'est porro uersum,
c'est-à-dire tourné vers l'avant ; de là vient le mot prose, pour un texte
que le chant n'a pas infléchi.
Pa.-qui quaeso? Ch.-amo. Pa.-hem.
Ch.-nunc, Parmeno, ostenderis360
qui uir sies.
Pa.-Pourquoi, s'il te plaît ?
Ch.-Je suis amoureux. Pa.-Aïe ! Ch.-C'est maintenant, Parménon,que
tu vas pouvoir montrer quel homme tu es.
1 hem si
cum aspiratione26,
Parmeno, si leniter, Chaerea. 2 ostenderis qvi
vir sies non qui sies, sed quod est ἐμφατικώτερον, qui uir
sies. 3 An debeat
praestare, qui uirum se sic monstraturus est. 4 Et uir modo non ad sexum uel aetatem
dicitur sed ad laudem. 5 qvi vir sies qui uir sies in
ueteribus inuenitur.
1 hem si
l'on y met une aspiration c'est Parménon qui parle, si l'on n'en
met pas, c'est Chéréa. 2 ostenderis qvi vir sies non pas
qui sies
(qui tu es), mais, avec plus d'emphase (ἐμφατικώτερον) : qui uir sies (quel
homme tu es). 3 ou alors il devrait
l'emporter celui qui va montrer ainsi l'homme qu'il est. 4 Et le mot uir ne se rapporte pas seulement au sexe
ou à l'âge, mais c'est laudatif. 5 qvi vir
sies on trouve qui vir sies chez les auteurs
anciens.
scis te mihi saepe pollicitum esse:
« Chaerea, aliquid inueni
Tu sais ce que tu m'as souvent
promis : « Chéréa, trouve seulement un objet
1 saepe pollicitvm
esse pollicitum, quod promittentem ultro
significat, dixit. 2 Et saepe pollicitvm esse an
necesse sit praestare eum, qui promiserit. 3 chaerea aliqvid
inveni induxit μίμησιν. 4 Dramatice more suo, non contentus dicere quod
pollicitus sit tantum, sed quomodo etiam et quibus uerbis.
1 saepe pollicitvm
esse il dit pollicitum, parce que cela veut dire
promettant spontanément. 2 Et saepe pollicitvm esse ou
serait-il inévitable que l'emporte celui qui a promis. 3 chaerea
aliqvid inveni il fait un pastiche199 (μίμησις). 4 De façon théâtrale et à sa manière il ne se
contente pas de dire ce qu'il a promis, mais il ajoute comment et
en quels termes.
modo quod ames; utilitatem in ea
re361 ego faciam ut cognoscas meam »,
que tu aimes ; à quoi je sers, à
cette occasion je te le ferai voir »,
1 modo qvod
ames < modo > tantummodo, quasi haec mora sit
promissis complendis. 2 vtilitatem in ea re ego faciam vt
cognoscas an possit, qui posse affirmauit. 3 Plus est probasse quod promiserit, quam ostendere
quod possit.
1 modo qvod
ames modo vaut pour tantummodo, comme si
ce retard avait pour but d'accomplir les promesses. 2 vtilitatem
in ea re ego faciam ou il le pourrait lui qui a affirmé
qu'il le pouvait. 3 C'est faire plus
que de prouver que l'on peut faire ce que l'on a promis que de
montrer ce que l'on peut200.
cum in cellulam ad te patris penum
omnem congerebam clanculum.
quand dans ta cellule j'entassais
toutes les provisions de mon père en cachette.
1 cvm in cellvlam
ad te an is debeat, qui et acceperit beneficium. 2 patris
penvm omnem ipsum penum, non ex eo aliquid: ὑπερβολικῶς. 3 Et hoc penus et hic penus et
haec penus
ueteres dixerunt. 4 Ergo et
omne et
omnem
legitur. 5 congerebam clancvlvm ἠθικῶς et ἱλαρῶς nimis.
1 cvm in cellvlam
ad te ou le devrait-il parce qu'il a aussi reçu un
bienfait ? 2 patris penvm omnem la subsistance même, non
quelque chose qui en serait une partie : c'est dit de façon
hyperbolique (ὑπερβολικῶς). 3 Les anciens faisaient de penus un mot neutre,
masculin et féminin201. 4 donc on lit à la fois omne et omnem. 5 congerebam
clancvlvm c'est à la fois conforme au caractère du
personnage (ἠθικῶς) et dit de façon plaisante
(ἱλαρῶς).
Pa.-age, inepte. Ch.-hoc hercle
factum est; fac sis nunc promissa adpareant,
Pa.-Allons ! idiot. Ch.-Ma foi,
c'est fait. Fais voir maintenant, s'il te plaît, tes
promesses,
1 age
inepte qui dubites de promissis an qui exprobres te multa
esse largitum? 2 hoc hercle factvm est inueni quod
amem. 3 Hoc quod dicebas, inquit,
morae esse, iam factum est: amo. 4 promissa
appareant utilitatem ut cognoscam tuam.
1 age
inepte toi qui doutes des promesses ou qui me fais le
reproche de m'avoir beaucoup donné ? 2 hoc hercle
factvm est j'ai trouvé ce que je puis aimer. 3 Ce que tu disais, dit-il, c'était des
manœuvres dilatoires, maintenant c'est fait : j' aime. 4 promissa
appareant afin que je sache à quoi tu es utile.
siue362 adeo
digna res est ubi tu neruos intendas tuos.
si du moins l'affaire mérite que tu
y bandes tous tes ressorts.
1 sive adeo digna
res est si persona Parmenonis est, sive
abundat. 2 Et pro
expletiua coniunctione est modo; in quibusdam omnino non
legitur. 3 adeo aut abundat aut nimis significat uel
satis
. 4 sive adeo digna res est si
Chaerea dicit, hic ordo et sensus est: fac si uis nunc, si adeo
digna res est, ubi tu neruos intendas tuos, ut promissa appareant,
ut <sit> sis si uis <et> ut addatur <ad>
id quod est fac promissa appareant. 5 vbi tv nervos
intendas tvos utrum obscene hoc, ut seruus, an μεταφορικῶς: ubi laborare
ac periclitari debeas? 6 Sed melius
legunt, qui hoc totum ad personam applicant Chaereae. 7 Et melius, quam qui Parmenonem hoc putant
loqui siue adeo digna
res est.
1 sive adeo digna
res est si le personnage qui parle est Parménon siue fait
pléonasme. 2 Et siue n'est là que
comme conjonction explétive ; dans certains manuscrits, on ne lit
pas le mot du tout. 3 adeo soit fait pléonasme soit
veut dire trop ou plutôt assez. 4 sive adeo digna
res est si c'est Chéréa qui parle l'ordre et le sens
sont : fac si uis nunc,
si adeo digna res est, ubi tu neruos intendas tuos, ut promissa
appareant (fais-le maintenant s'il te plaît, si la
chose pour laquelle tu te mets sur les nerfs mérite à ce point que
l'on voie l'effet de ce que tu as promis), en sorte que sis équivale à
si uis et
qu'on ajoute à ce qu'on a fac promissa appareant. 5 vbi tv nervos
intendas soit au sens obscène,202 comme il convient à un esclave, soit
métaphoriquement (μεταφορικῶς) : où devrais-tu travailler et
prendre des risques ? 6 Mais la
lecture de ceux qui donnent toute cette réplique au personnage de
Chéréa est meilleure. 7 Et c'est
mieux que ceux qui pensent que c'est Parménon qui dit siue adeo digna res
est.
haud similis uirgo est uirginum
nostrarum quas matres student
La fille n'est pas comme les filles
de chez nous, dont les mères s'appliquent
1 havt similis
virgo est virginvm nostrarvm ciuium et ἐγχωριarum, ut Vergilius
«
non eadem arboribus pendet uindemia
nostris
159 ». 2 nostrarvm nostrarum ciuium scilicet, id est terrae
ac patriae nostrae, ut Vergilius «
non eadem arboribus
p.
pendet
u.
uindemia
n.
nostris
160 » et Sallustius «
nostri foeda fuga
161 ». 3 qvas matres stvdent hoc uerbo ostendit
cultum industriae, non pulchritudinem naturalem.
1 havt similis
virgo est virginvm nostrarvm les citoyennes et les filles
du pays (ἐγχωρι
arum), comme Virgile « non eadem arboribus pendet uindemia
nostris » (La vendange qui pend à nos arbres n'est pas la
même). 2 nostrarvm nos concitoyennes évidemment,
c'est-à-dire les filles de notre terre et de notre patrie, comme
Virgile « non eadem arboribus pendet uindemia nostris » (la
vendange qui pend à nos arbres n'est pas la même) et Salluste
« nostri foeda fuga » (la fuite honteuse des nôtres). 3 qvas
matres stvdent par ce mot, il montre que le charme est le
produit de l'artifice non une beauté naturelle.
demissis humeris esse, uincto
pectore ut gracilae sient.
à faire tomber les épaules à
sangler la poitrine pour qu'elles soient filiformes.
1 demissis hvmeris
esse antiqui enim Graeci etiam uirginibus suis praebebant
palaestram ad componenda corpora. 2 demissis hvmeris
esse scilicet liquide et molliter deductis neque
exstantibus athletico modo. 3 vincto pectore castigato ac
tenui et uelut uincto. deest ergo
uelut
. 4 gracilae sient a singulari
gracila
uenit haec declinatio. 5 demissis hvmeris esse vincto
pectore non accipiendum est quasi hoc dicat ad hoc illas
student matres demissis humeris esse et uincto pectore, ut
gracilae sient, quasi haec duo propter unum illud fiant, sed uarie
tria dixit, ne diceret aut student illas demissis humeris et
uincto <pectore et gracilas esse aut student, ut illae demissis
humeris sient et uinciant> pectus et gracilae sient.
1 demissis hvmeris
esse en effet les anciens Grecs ouvraient la palestre même
aux filles afin qu'elles y fortifient leur corps. 2 demissis hvmeris
esse comprendre qui dégoulinent mollement et non qui se
tiennent bien droites à la façon des athlètes. 3 vincto
pectore contraint et sans rondeur et comme sanglé. Il
manque donc
uelut
. 4 gracilae sient cette
déclinaison vient d'une forme de singulier gracila. 5 demissis
hvmeris esse vincto pectore il ne faut pas comprendre
comme s'il disait : les mères font tout pour qu'elle aient les
épaules avachies la poitrine sanglée, pour qu'elles soient
filiformes, comme si les deux premières actions avaient pour but
la troisième, mais il dit trois choses de manière variée pour
éviter d'unifier les deux constructions : soit student illas demissis humeris et
uincto pectore et gracilas esse soit student, ut illae demissis humeris
sient et uinciant pectus et gracilae sient.
si qua est habitior paullo pugilem
esse aiunt, deducunt cibum:
Si une a un peu d'allure, elles
disent que c'est une catcheuse, elles lui coupent les vivres.
1 si qva est
habitior inde et habitudo dicitur, ut «
quae habitudo est corporis!
162 » 2 Nam habilior aptior intellegitur,
ut «
namque humeris de more habilem
suspenderat arcum
163 » Vergilius. ergo
habitior
legendum est. 3 pvgilem esse
aivnt laus in uirginem. 4 dedvcvnt
cibvm mire uituperauit eam formam, quam accurauerit
fames. 5 Et proprie
deducunt.
1 si qva est
habitior de là vient le mot habitudo, comme « quae habitudo est
corporis ! ». 2 De fait habilior se comprend
comme aptior (plus adapté), comme « namque
humeris de more habilem suspenderat arcum » (Car, à la manière
d'une chasseresse, elle portait un arc souple suspendu à son
épaule) Virgile. Donc c'est habitior qu'il faut lire203. 3 pvgilem esse aivnt éloge de la
jeune fille. 4 dedvcvnt cibvm étonnant : il s'en prend à la
beauté que l'on obtient à force de régime. 5 Et deducunt (filer) est pris au sens
propre204.
tametsi bona est natura, reddunt
curatura iunceas:
Même si elles ont une bonne nature,
le régime les transforme en brindilles.
1 tametsi bona est
natvra id est plena, magna et pinguis. 2 reddvnt
exhibent, perficiunt. 3 cvratvra cura mentis est,
curatio
medicinae, curatura diligentiae. 4 ivnceas
tenues et pallidas.
1 tametsi bona est
natvra veut dire pleine, grande et épanouie. 2 reddvnt montrent, réalisent. 3 cvratvra
le mot cura
s'applique à l'esprit, le mot curatio à la médecine, le mot curatura au soin que
l'on prend. 4 ivnceas menues et pâles.
itaque ergo amantur. Pa.-quid tua
istaec? Ch.-noua figura oris. Pa.-papae.
Et c'est donc comme ça qu'on les
aime. Pa.-Et la tienne ? Ch.-Un visage, du jamais vu !
Pa.-Peste !
1 itaqve ergo
amantvr itaque inquit nemo illas amat: εἰρωνεία. 2 Vere amantur, ut eo magis haec amanda sit, quae
naturae beneficio, non industria aut factis comptibus, pulchra
est. 3 itaqve ergo amantvr atque ita, ut sit:
atque ita fit, ut amentur non naturae merito sed
industria. 4 qvid tva istaec recte, sic enim ipse dicet
«
at nihil ad nostram hanc
164 ». 5 nova figvra oris laudis genus est noua, quia dixerat
«
taedet cotidianarum harum
formarum
165 ». 6 qvid tva istaec deest qualis est?
dic. 7 papae interiectio mira subito
accipientis.
1 itaqve ergo
amantvr c'est pourquoi, personne, dit-il, ne les aime :
ironie (εἰρωνεία). 2 Elles sont vraiment aimées en sorte qu'il faut
aimer la jeune fille en question d'autant plus qu'elle est belle
par le bienfait de la nature et non par l'artifice ou quelque
parure qu'on lui a faite. 3 itaqve ergo amantvr et il dit
ita pour
donner le sens : et ainsi il arrive qu'on les aime non pour leur
mérite naturel mais pour l'artifice. 4 qvid tva
istaec juste ; il dira en effet « at nihil ad nostram
hanc ». 5 nova figvra oris c'est un nouveau genre
d'éloge parce qu'il avait dit « taedet cotidianarum harum
formarum ». 6 qvid tva istaec il manque qualis est ? dic
(comment est-elle ? dis). 7 papae interjection de quelqu'un
qui voit soudain un spectacle étonnant.
Ch.-color uerus, corpus solidum, et
suci plenum. Pa.-anni? Ch.-anni? sexdecim.
Ch.-Un teint naturel, un corps
solide plein de suc. Pa.-Son âge ? Ch.-Son âge ? Seize.
1 color
vervs quia non de cura est ac de fuco, sed naturalis
neque
fucatus. 2 corpvs solidvm quia iunceum non
est. 3 svci plenvm quia nemo deduxit cibum; nam
sucus est
humor in corpore, quo abundant bene ualentes «
et sucus pecori et lac subducitur
agnis
166 ». 4 Sucus est proprie
quasi sugus, quem sibi ex alimentis membra
sugunt, ut
se repleant. 5 corpvs solidvm plenum et forte, id est non
flaccidum. 6 svci plenvm sucus est interior pinguedo
membrorum. 7 anni sexdecim uide quemadmodum aetatem
maturae uirginis poeta ex occasione demonstrauerit.
1 color
vervs parce qu'elle ne résulte pas du soin et du fard,
mais est naturelle et sans fard. 2 corpvs
solidvm car il n'est pas filiforme. 3 svci
plenvm car personne ne l'a empêchée de manger ; de fait on
appelle sucus l'humeur corporelle qui se trouve
en abondance chez les gens en bonne santé. et « sucus pecori et
lac subducitur agnis » (il épuise les bêtes, dérobe le lait aux
agneaux). 4 Sucus est au sens
propre comme serait sugus, ce que le corps suce (sugo) des aliments
pour se rassasier. 5 corpvs solidvm plein et
vigoureux, c'est-à-dire qui n'est pas tout flasque. 6 svci
plenvm sucus désigne ce qui nourrit le corps à
l'intérieur. 7 anni sexdecim voyez comment le poète a tiré
parti de l'occasion pour indiquer que la jeune fille a l'âge qui
convient205.
Pa.-flos ipse. Ch.-hanc tu mihi uel
ui uel clam uel precario
Pa.-Le bel âge. Ch.-Cette fille,
toi, soit par force, soit par ruse, soit par prière,
1 hanc tv mihi vel
vi vel clam vel precario haec tria sunt, quibus non rite
res agitur. 2 vel vi vel clam vel precario pretii mentio
non est, uel quia uirgo, non meretrix, uel quia nulla ephebo spes
est fallendi senis. 3 hanc tv mihi vel vi vel clam vel
precario fac tradas secundum ius locutus est, nam his
tribus mala fide aliquid possidetur. 4 vi… clam …
precario ui quia uirgo, clam quia custoditur,
precario
quia pretium non habet Chaerea.
1 hanc tv mihi vel
vi vel clam vel precario voici trois façons de ne pas
faire la chose comme il faut. 2 vel vi vel clam
vel precario il ne parle pas de payer, soit parce que
c'est une jeune fille et non une courtisane, soit parce que
l'éphèbe n'a aucun espoir de tromper le vieillard. 3 hanc tv mihi vel
vi vel clam vel precario fac tradas il parle selon le
droit ; de fait, par ces trois moyens, il est possesseur de
mauvaise foi de l'objet. 4 vi… clam … precario ui parce que c'est une
jeune fille, clam parce qu'elle est surveillée,
precario
car Chéréa n'a pas la somme qu'il faut.
fac tradas: mea nihil refert dum
potiar modo.
fais-la-moi avoir ; je m'en fiche,
pourvu que je la possède.
mea nihil refert dvm potiar non hoc personae
attribuendum est sed affectui; non enim quia Chaerea est, sed quia
amator, dicit se parui facere quemadmodum potiatur, dum
potiatur.
mea nihil refert dvm potiar modo il ne faut
pas rapporter cela au personnage mais à ce qu'il éprouve ; ce
n'est pas en effet parce qu'il est Chéréa, mais parce qu'il est
amoureux qu'il dit qu'il se moque bien de la manière dont il la
possèdera pourvu qu'il la possède.
Pa.-quid? uirgo cuia est?
Ch.-nescio hercle. Pa.-unde est? Ch.-tantundem. Pa.-ubi
habitat?
Pa.-Quoi ? A qui est-elle, cette
fille ? Ch.-Ma foi, je l'ignore. Pa.-D'où est-elle ? Ch.-Pareil.
Pa.-Où habite-t-elle ?
qvid virgo cvia est utrum serua an
filia?
qvid virgo cvia est c'est l'esclave ou la
fille ?
Ch.-ne id quidem. Pa.-ubi uidisti?
Ch.-in uia. Pa.-qua ratione363 amisti?
Ch.-Ça non plus. Pa.-Où l'as-tu
vue ? Ch.-Dans la rue. Pa.-Comment as-tu fait pour la perdre ?
1 ne id
qvidem pulchra uarietas: nescio tantundem ne id quidem. 2 qva ratione
amisti figura συγκοπή pro amisisti. 3 qva ratione
amisti nisi remansisset Chaerea, sed consecutus uirginem
uidisset quo deducta sit, quam Parmenonem conueniret, non ita
procederet fabula, ut nunc procedit; inruisset enim in cognitionem
meretricis importune Chaerea nec pro eunucho adduceretur
ulterius.
1 ne id
qvidem belle variation : nescio tantundem ne id quidem. 2 qva
ratione amisti figure de syncope (συγκοπή) pour amisisti. 3 qva
ratione amisti si Chéréa ne restait pas là mais
poursuivait la jeune fille pour voir où on l'emmène, plutôt que de
rencontrer Parménon, la pièce n'avancerait pas comme elle le fait
à présent ; car Chéréa se serait fait malencontreusement connaître
de la courtisane et il ne pourrait ensuite être emmené en se
faisant passer pour l'eunuque.
Ch.-id equidem adueniens mecum
stomachabar modo,
Ch.-C'est justement de quoi en
arrivant tout à l'heure je pestais en moi-même.
1 id eqvidem
adveniens deest ob aut propter, ut sit ob id aut propter
id. 2 mecvm stomachabar bene mecum, quia acriorem
dolorem sustinet, qui ipse sibi irasci cogitur. 3 mecvm
ergo pro apud
me uel mihi.
1 id eqvidem
adveniens il manque ob ou propter, pour avoir ob id ou propter id (à cause de
cela). 2 mecvm stomachabar mecum est bien, parce
qu'il endure une douleur trop forte celui qui est contraint à
s'irriter contre lui même. 3 mecvm est donc mis pour
apud me ou
si l'on veut mihi.
Et je ne crois pas qu'il y ait
aucun homme à qui plus qu'à moi les bonnes
hominem esse arbitror deest quam me.
hominem esse arbitror il manque quam me.
felicitates omnes aduersae
sient.
fortunes dans leur ensemble soient
contraires.
1 felicitates
omnes adversae sient felicitas aduersa est, cum ex
prosperitate quod laedat nascitur. 2 cvi magis bonae
felicitates omnes adversae sient bonae magnae. noue
autem dixit magnas felicitates sibi aduersari, eo quod uirginem
tantae pulchritudinis ex oculis amiserit; nam uidisse eam
felicitatis iudicat, sed amisisse aduersae felicitatis. 3 Et quod addidit bonae, uel magnae et nimiae
intelleguntur uel ἐπίθετον proprium et perpetuum felicitatum
est bonae.
— 4 Et magna
ἔμφασις
, quod
felicitates
pluraliter posuit. — ἐπίθετα autem tribus de causis nominibus
adduntur: discretionis, proprietatis, ornatus. discretionis, ut
«
et Phrygiae molimur montibus Idae
167 », proprietatis, ut «
terribili impexum saeta
c.
cum
d.
dentibus
a.
albis
168 », ornatus, ut «
alma Venus
c.
caeli
s.
subter
l.
labentia
s.
signa
169 ».
1 felicitates
omnes adversae sient felicitas aduersa désigne le moment où
d'un état de prospérité naît un état susceptible de causer de la
douleur. 2 cvi magis bonae felicitates omnes adversae
sient bonae vaut pour magnae (grandes). Il
est tout à fait nouveau de dire que de grandes félicités
s'opposent à lui, sous prétexte qu'il a perdu de vue une jeune
fille d'une si grande beauté ; de fait, il considère que le propre
de la félicité, c'est de l'avoir vue, mais l'avoir perdue de vue
l'est d'une félicité devenue contraire. 3 Et dans l'ajout de bonae, on peut soit comprendre grandes
et extrêmes soit aussi bonae est une épithète (ἐπίθετον) propre et
constante pour des félicités. — 4 Et
il y a une grande emphase (ἔμφασις), parce qu'il a mis felicitas au
pluriel. — quant aux épithètes (ἐπίθετα) on les ajoute aux noms pour trois
raisons : la spécification, la propriété et l'ornement. La
spécification comme « et Phrygiae molimur montibus Idae » (au pied
des monts de l'Ida de Phrygie, nous entreprenons de construire),
la propriété comme « terribili impexum saeta cum dentibus albis »
(aux poils hirsutes et effrayants, et avec des crocs blancs),
l'ornement, comme « alma Venus, caeli subter labentia signa »
(bienfaisante Vénus, sous les astres errants du ciel,…).
quid hoc est sceleris? perii.
Pa.-quid factum est? Ch.-rogas?
Qu'est-ce que c'est que ce méfait !
Je suis mortt ! Pa.-Qu'est-il arrivé ? Ch.-Cette demande !
qvid hoc est <
s.
sceleris
> hoc propter quod patior, inquit; nunc enim
scelus
dixit a sene commissum.
qvid hoc est sceleris hoc (ce) à cause de
quoi je souffre, dit-il ; à présent en effet il dit que le
vieillard a commis une mauvaise action.
patris cognatum atque aequalem
Archidemidem
Le parent et contemporain de mon
père, Archidémide,
archidemidem hoc sic pronuntiandum est, ut
appareat ex ipso nomine statim odiosum nescio quem occurrisse ac
permolestum.
archidemidem il faut prononcer cela de façon
à faire ressortir dans le nom même qu'il s'est présenté je ne sais
qui d'odieux et d'insupportable.
nostin? Pa.-quidni? Ch.-is, dum
hanc sequor, fit mi obuiam.
tu le connais ? Pa.-Comment non ?
Ch.-Eh ben lui, tandis que je suis la jeune fille, il me barre la
route.
qvidni correptio est a se manifesta
quaerentis. est enim sensus: quid nisi aut cur non nouerim, — est enim
quidni
aut
quid nisi
aut
cur non
, — quia ueteres ni pro ne ponebant et ne pro non, ut Plautus «
ni stulta sis
170 » pro
ne et neuult pro non uult.
qvidni c'est la réprimande que l'on fait à
qui nous demande des évidences. En effet le sens est : comment non
ou pourquoi aurais-je pu ne pas le savoir, — en effet quidni vaut pour quid nisi (comment non) ou cur non (pourquoi pas), — car les
anciens mettaient ni pour ne et ne pour non, comme Plaute « ni stulta sis » (ne
sois pas stupide) pour ne et neuult pour non uult (il ne veut pas).
Pa.-incommode hercle. Ch.-immo enim
uero infeliciter;
Pa.-Dommage, ma foi. Ch.-Tu veux
dire une catastrophe !
immo enim vero infeliciter bene hoc
interponit, quia incredibile est tardiorem amatorem fuisse incessu
uirginis.
immo enim vero infeliciter c'est bien
d'avoir mis cette interruption, car il est incroyable qu'un amant
ait été trop lent à suivre les pas de la jeune fille.
nam incommoda alia sunt dicenda,
Parmeno.
Car des dommages, ça se dit pour
d'autres choses, Parménon.
nam incommoda alia svnt <
d.
dicenda
> quae minora sunt scilicet aut
similia.
nam incommoda alia svnt dicenda évidemment
ce qui est plus petit ou semblable.
illum liquet mihi deierare his
mensibus
Ce type, je peux jurer que depuis
des mois,
1 illvm liqvet
mihi deierare liquidum est, constans et manifestum et
certum. — 2 Et sic
liquet
pro
liquidum est
, ut
claudit
pro
claudum est
, ut apud Sallustium «
nihil socordia claudebat
171 ». — et est liquet uerbum iuris, quo utebantur
iudices, cum amplius pronuntiabant, obscuritate commoti causae
magis quam negotii simplicitate. 3 deierare
ualde iurare, — ut «
demiror
172 » et «
deamo te, Syre
173 », — si de producta legeris, si correpta,
deos iurare
intellegitur.
1 illvm liqvet
mihi deierare c'est limpide, bien établi, évident et
certain. — 2 Et liquet est mis pour liquidum est, comme claudit (ça cloche) pour claudum est (c'est boiteux), comme dans
Salluste « nihil socordia claudebat » (rien ne clochait par
paresse). — et liquet est un verbe emprunté au
vocabulaire du droit qu'utilisaient les juges quand on206 parlait trop
abondamment sous l'effet plus de l'obscurité de la cause que de la
simplicité de l'affaire207. 3 deierare
jurer (iurare) beaucoup, — comme « demiror » et « deamo te, Syre » (je
t'aime à la folie, Syrus), — si de est lu long, s'il est bref, on
comprend attester les dieux208.
sex septem prorsum non uidisse
proximis,
les six ou sept derniers, je ne
l'avais pas vu du tout,
sex septem prorsvs non vidisse proximis quia
non uidisse
dixit, proximis praeteritis intellegimus.
proxima
enim nobis aut praeterita aut futura sunt; nam praesentia ea sunt,
in quibus nunc sumus.
sex septem prorsvs non vidisse proximis
parce qu'il dit non
uidisse (ne pas avoir vu), nous comprenons que
proximis
désigne des faits passés. En effet, les choses toutes proches de
nous sont soit passées soit futures ; car les choses présentes
sont celles dans lesquelles nous sommes.
nisi nunc cum minime uellem
minimeque opus fuit.
sauf au moment où j'en avais le
moins envie et le moins besoin.
1 nisi nvnc cvm
minime vellem quia semper nolui, ideo nunc minime, utpote
adulescens senem. 2 minimeqve opvs fvit saepe enim
nolumus, tamen non et non opus est.
1 nisi nvnc cvm
minime vellem parce que j'ai toujours refusé, donc
nunc minime
(maintenant encore moins), comme un jeune homme vis à vis d'un
vieillard. 2 minimeqve opvs fvit souvent en effet nous ne
voulons pas, et ce n'est pas pour autant que nous n'en ayons pas
besoin.
eho nonne hoc monstri simile est?
quid ais? Pa.-maxume.
Ah ! n'y a-t-il pas là quelque
chose qui tient du prodige ? Que dis-tu ? Pa.-Absolument.
Ch.-continuo occurrit ad me, quam
longe quidem,
Ch.-Aussitôt il court vers moi, et
de loin en plus,
1 qvam longe
qvidem bene longe dixit, quia <a> longe dicere
non potuit. 2 Aut subauditur
erat, ut
sit: quam longe
erat. 2 bis continvo occvrrit 27: ut omnia
ostendat in contrarium sibi uersa, etiam cursum attribuit seni
.
1 qvam longe
qvidem c'est bien de dire longe, parce qu'il ne pouvait pas dire
a
longe. 2 Ou alors on
sous-entend erat, pour avoir : quam longe erat
(combien il était loin). 2 bis
continvo occvrit pour
montrer que tout s'est retourné contre lui, il attribue même au
vieillard le fait de courir .
incuruus, tremulus, labiis demissis
gemens:
tout courbé, tremblant, les lèvres
tombantes et gémissant :
1 incvrvvs
tremvlvs labiis demissis gemens . 2 labiis demissis
gemens labra sunt superiora, labia inferiora,
labeae
asinorum proprie dicuntur. gemens autem ob
continuam tussim, sic Lucilius «
ante fores autem et triclini limina
quidam perditus Tiresia tussi grandaeuus gemebat
174 ». 3 incvrvvs ualde curuus, ut Vergilius «
Turnus ut infractos
a.
aduerso
M.
Marte
L.
Latinos
d.
defecisse
u.
uidet
175 »; infractos enim ualde fractos
significat, nam in praepositio nunc auget nunc minuit
dictionem. 4 Et recte etiam
deformitatem describit senis, quod praeter aetatem post pulchram
uirginem foedior uidebatur. 5 Et quam
importune omnia: pro puella senex occurrit, pro uirgine incuruus tremulus, pro
pulchra labiis demissis
gemens; et cum amor sit in animo adulescentis, ipse
iudicium loquitur, dum festinandum sit, remoratur. 6 labiis
demissis maiora labra, unde labeones. alii labia dicunt inferiora
et labra
superiora.
1 incvrvvs
tremvlvs labiis demissis gemens . 2 labiis demissis
gemens labra s'utilise pour la lèvre
supérieure, labia pour la lèvre inférieure,
labeae
s'emploie en propre pour les ânes. Quant à gemens, c'est le
résultat d'une toux continue, ainsi Lucilius « ante fores autem et
triclini limina quidam perditus Tiresia tussi grandaeuus gemebat »
(devant les portes et le seuil de la salle à manger, un pauvre
type, un vieux, Tirésias, gémissait en toussant). 3 incvrvvs
très courbé, comme Virgile « Turnus ut infractos aduerso Marte
Latinos defecisse uidet » (Turnus voit que les Latins totalement
brisés par un combat malheureux ont perdu courage) ; infractos en effet
signifie complètement brisé, de fait le préfixe in a tantôt valeur
intensive, tantôt valeur privative. 4 Et il a bien fait de décrire la déformité du
vieillard, parce qu'à cause de son âge après la beauté de la jeune
fille il paraissait plus repoussant encore. 5 Et que tout va contre son intérêt ! au lieu de la
jeune fille, c'est un vieillard qui arrive, au lieu d'une jeune
femme un homme tout courbé et tremblant, au lieu d'une belle, un
être les lèvres pendantes, geignant ; et alors qu'il n'y avait que
de l'amour dans le cœur du jeune homme, l'autre209 lui parle de jugement, alors qu'il lui faut se hâter,
il s'attarde. 6 labiis demissis avec de grandes lèvres d'où
vient le mot labeo (lippu). D'autres disent que
labia
désigne la lèvre inférieure et labra la lèvre supérieure.
« heus heus, Chaerea366 tibi dico » inquit. restiti.
« Hep ! hep Chéréa !, c'est à toi
que je parle », dit-il. Je m'arrête.
1 hevs hevs
chaerea tibi dico < Chaerea tibi dico> non adderet,
nisi uideret Chaeream dissimulantem praeterire. 2 inqvit
aliter inquit pronuntiandum, hoc est concitate;
nam senis uerba aliter proferenda sunt.
1 hevs hevs
chaerea tibi dico il n' ajouterait pas Chéréa c'est à toi que je
parle , s'il ne voyait pas Chéréa qui fait semblant de
passer sans le voir. 2 inqvit il faut prononcer sur un
ton précis ce inquit (dit-il), de manière emportée ;
de fait, il faut énoncer sur un tout autre ton les paroles du
vieillard210.
« scin quid ego te uolebam? ».
« dic ». « cras est mihi
« Sais-tu ce que je te voulais ? ».
-« Dis ». -« C'est demain que j'ai
1 scin qvid ego te
volebam hic ostenditur odiosa tarditas senis apud
festinantem Chaeream, nam non dicit quid, sed promittit esse
dicturum. 2 cras est mihi ivdicivm huic morae etiam
illud additum, quod cum debeat dicere quid uelit, prius dicit quod
non est necessarium, quare uelit.
1 scin qvid ego te
volebam ici on voit l'odieuse lenteur du vieillard auprès
de Chéréa qui est pressé ; de fait, il ne dit pas ce qu'il va
dire, mais il promet qu'il va parler. 2 cras est mihi
ivdicivm à ce retard il ajoute encore ceci : alors qu'il
devrait dire ce qu'il veut, il commence par dire (ce qui ne sert à
rien) pourquoi il le veut.
iudicium ». « quid tum? » « ut
diligenter nunties
mon procès ». -« Et alors ? ».
-« Aie soin d'annoncer
vt diligenter nvnties < diligenter > nihil
tam ex abundanti et nihil tam moraliter dici potuit.
vt diligenter nvnties diligenter : on ne
peut rien dire de si pléonastique et de si conforme au
personnage.
patri, aduocatus mane mi esse ut
meminerit ».
à ton père qu'il se souvienne qu'il
est mon avocat demain matin ».
esse vt meminerit non ut sit sed ut esse meminerit: o
prolixitas!
esse vt meminerit non pas qu'il soit mais
qu'il se souvienne d'être : quelle prolixité !
dum haec dicit abiit hora. rogo
numquid uelit.
Le temps qu'il me dise cela, une
heure est passée. Je lui demande s'il a autre chose à me dire.
1 dvm haec
<
d.
dicit
> dat tempus uerbis, quae non potuit,
quamuis imitaretur, exprimere. 2 rogo nvmqvid
velit hoc est: significo me abire; nam abituri, ne id dure
facerent, numquid
uis dicebant his, quibuscum constitissent. 3 Quid est ergo rogo numquid uelit? hoc est: dico quod
abeuntes solent.
1 dvm haec
dicit il donne une durée aux paroles qu'il n'a pas pu
exprimer bien qu'il ait reproduit le ton de la conversation211. 2 rogo nvmqvid
velit c'est à dire : je lui fais comprendre que je m'en
vais ; de fait, au moment de s'en aller, pour ne pas le faire trop
brutalement, on disait veux-tu autre chose à ceux avec qui on
s'était arrêté à parler. 3 Qu'est-ce
donc que rogo numquid
uelit ? c'est : je dis ce qu'on dit d'ordinaire en
s'en allant.
« recte » inquit. abeo. cum huc
respicio ad uirginem,
« Ça va », dit-il. Quand je jette
les yeux par ici vers la fille,
1 recte
inqvit pro eo quod est nihil. 2 Et moraliter τῷ ἀστεϊσμῷ. 3 cvm hvc
respicio in hanc partem scilicet, qua meretrix
habitabat.
1 recte
inqvit équivaut à rien. 2 Et
conformément à son caractère, avec urbanité (τῷ ἀστεϊσμῷ). 3 cvm hvc
respicio évidemment du côté où habite la courtisane.
illa sese interea commodum huc
aduerterat
Elle venait dans l'intervalle
justement de tourner de ce côté,
1 commodvm
tantum quod uel ipso eodemque tempore. 2 commodvm
commodum
una uel ex hoc significat, ut si dicas: eodem tempore, quo haec
agebantur. 3 Nam interea nunc
coniunctio accipienda est, non, ut alias, pro aduerbio
ponitur.
1 commodvm
précisément ou si l'on veut au même moment. 2 commodvm
commodum
veut dire ensemble ou si l'on veut comme si l'on disait : au
moment précis où cela se passait. 3 De fait interea doit être maintenant compris
comme conjonction et n'est pas, comme ailleurs, employé comme
adverbe.
in hanc nostram plateam. Pa.-mirum
ni hanc dicit, modo
dans notre rue. Pa.-JCe serait
étonnant qu'il ne parle pas de celle qu'on vient
in hanc nostram plateam recte, quia uicina
illis est Thais, ad quam deducitur.
in hanc nostram plateam juste car Thaïs à
laquelle elle est conduite est leur voisine.
huic quae data est dono. Ch.-huc
cum aduenio nulla erat.
de donner en cadeau à l'autre.
Ch.-Quand j'arrive ici, plus de fille.
hvc cvm advenio nvlla erat etenim ingressa
iam fuerat.
hvc cvm advenio nvlla erat et de fait elle
était déjà entrée.
Pa.-comites secuti scilicet sunt
uirginem?
Pa.-Il y avait des gens évidemment
qui accompagnaient la fille ?
comites secvti scilicet svnt virginem
interrogatiue quidem, sed sic, ut scire uideatur id <quod>
quaerit, sed ad
hoc quaerere, ut quod scit confirmet.
comites secvti scilicet svnt virginem c'est
dit sur le mode interrogatif certes, mais de manière à ce qu'il
paraisse savoir ce qu'il demande, et demander cela pour avoir
confirmation de ce qu'il sait.
Ch.-uerum: parasitus cum ancilla.
Pa.-ipsa est: ilicet.
Ch.-Oui, un parasite avec une
servante. Pa.-C'est bien elle. Circulez.
1 vervm
parasitvs uerum modo inceptiua est, non relatiua
particula, ut in Andria «
uerum: uidi Cantharam
suffarcinatam
176 ». 2 ipsa est id est <formosa> est uel
pulchra est, quia et ipse dixerat «
haec superat ipsam Thaidem
177 ».
1 vervm
parasitvs uerum ici est seulement une particule
initiale et non relative, comme dans L'Andrienne
« uerum : uidi Cantharam suffarcinatam ». 2 ipsa est
c'est-à-dire elle est jolie ou si l'on veut elle est belle, parce
qu'il l'avait dit lui-même : « haec superat ipsam Thaidem ».
desine; iam conclamatum est.
Ch.-alias res agis.
Laisse tomber : c'est mort et
enterré. Ch.-Tu as la tête ailleurs.
1 iam conclamatvm
est transactum ac finitum, ut conclamata corpora nihil
reliqui iam habent ad uitae officia. 2 iam conclamatvm
est conclamatum manifestum significat, quia dixerat
«
o infortunatum senem, si et hic amare
coeperit28
178 », tamquam dicat: iam occisum patrem tuum scimus iamque
defleuimus. 3 Aut conclamatum satis
deploratum satisque uociferatum est, ut in conclamatis funeribus
nulla iam dilatio est doloris ac luctus, ut Lucanus ait «
corpora nondum conclamata iacent
179 ». 4 alias res agis recte, quia dixit ille iam
conclamatum est. 5 alias res agis aut non intendis ad id quod
dico significat, ut nulla sit in eo attentio — nam
hinc natum est «
agite amabo
180 » — aut nugatorias res agis, hoc est iocaris. 6 Quasi dicat uanas res agis.
1 iam conclamatvm
est achevé et fini comme on dit conclamata corpora
(corps morts et enterrés212) pour
ceux à qui il ne reste rien pour accomplir les offices de la
vie. 2 iam conclamatvm est conclamatum veut dire
évident, parce qu'il avait dit « O infortunatum senem, si et hic
amare coeperit », comme s'il disait : nous savons que ton père est
déjà mort et nous l'avons déjà pleuré. 3 Ou alors conclamatum veut dire assez déploré et
sur lequel on a poussé assez de cris, comme dans ce qu'on appelle
conclamata
funera, il n'est nul frein mis à la douleur et au
chagrin, comme dit Lucain « corpora nondum conclamata iacent »
(gisent les corps que nul n'a encore pleurés). 4 alias res
agis juste, car il a dit l'affaire est enterrée. 5 alias res
agis signifie soit tu ne prêtes aucun intérêt à ce que je
dis, en sorte qu'il n'a nulle attention — de fait c'est de là que
vient « agite amabo » — soit tu fais des babioles, c'est-à-dire tu
t'amuses. 6 C'est comme s'il disait
tu fais des choses qui ne servent à rien.
Pa.-istuc ago equidem. Ch.-nostin
quae sit, dic mihi, aut
Pa.-Je l'ai exactement ici. Ch.-Tu
sais qui elle est ? Dis-moi. Ou bien
uidistin? Pa.-uidi noui scio quo
abducta sit.
tu l'as vue ? Pa.-Je l'ai vue, je
la connais, je sais où on l'a emmenée.
1 scio qvo abdvcta
sit plus dixit, quam interrogabatur, credo taedio
interrogantis; nam properat, ut dicturus est, ad deducendum
eunuchum ad Thaidem cum ancilla ex Aethiopia. 2 scio qvo abdvcta
sit secunda ἀποσιώπησις.
1 scio qvo abdvcta
sit il dit plus que ce qu'on lui demandait, parce qu'il en
a, je crois, assez des questions de l'autre ; de fait, il se
dépêche, comme il le dira, pour conduire l'eunuque à Thaïs avec la
servante éthiopienne. 2 scio qvo abdvcta sit deuxième
aposiopèse (ἀποσιώπησις).
Ch.-eho Parmeno mi, nostin? et scis
ubi siet?
Ch.-Ah ! mon bon Parménon, tu la
connais ? et tu sais où elle est ?
eho parmeno <
m.
mi
n.
nostin
e.
et
> scis amatorie satis repetuntur, quae semel
dicta suffecerant.
eho parmeno mi nostin et scis quand on parle
en amant, on redemande encore ce qui aurait suffit en étant dit
une fois.
Pa.-huc deducta est ad
meretricemThaidem: ei dono data est.
Pa.-On l'a emmenée ici chez la
courtisane Thaïs : c'est un cadeau qu'on lui a fait.
hvc dedvcta est ad meretricem et hoc
effundit semel aceruatimque dicit uelut odio interrogantis saepius
et festinatione ad mandata Phaedriae peragenda.
hvc dedvcta est ad meretricem et il déverse
cela d'un coup et en tas comme par haine de ce personnage qui ne
cesse de poser des questions et par hâte d'arriver à
l'accomplissement des ordres de Phédria.
Ch.-quis is est tam potens cum
tanto munere hoc? Pa.-miles Thraso,
Ch.-Qui est le gros bonnet, avec un
tel cadeau ? Pa.-Le soldat Thrason,
Phaedriae riualis. Ch.-duras partes
fratris367 praedicas.
le rival de Phédria. Ch.-C'est un
rôle difficile pour mon frère que tu m'annonces.
1 phaedriae
rivalis cum pronuntiatione addendum quod magis doleat, id
est Phaedriae
riualis. 2 dvras partes fratris praedicas
scilicet contra aemulum et diuitem et largissimum. 3 Et partes duras μεταφορικῶς ab actoribus scaenicis.
1 phaedriae
rivalis dans l'intonation, il faut ajouter ce qui le fait
le plus souffrir c'est-à-dire Phaedriae riualis. 2 dvras partes
fratris praedicas comprendre contre un adversaire à la
fois riche et extrêmement généreux. 3 Et partes duras métaphoriquement (μεταφορικῶς) à partir des
acteurs de théâtre.
Pa.-immo enim si scias quod donum
huic dono contra conparet,
Pa.-Et encore, si tu savais quel
cadeau il a à opposer à ce cadeau, de son côté,
1 comparet
iam hic ostenditur miles per riualis dona illustrior quam per sua.
et est qualitas comparatiua. 2 comparet
pro emat
aut comparandum
putet.
1 comparet
désormais on voit ici que le soldat est rendu plus illustre par
les dons de son rival que par les siens propres. Et c'est un
énoncé de type comparatif. 2 comparet pour emat (il achète) ou
comparandum
putet (il croit qu'il faut comparer).
alors tu le dirais bien davantage.
Ch.-Quoi, je t'en prie, bon sang ? Pa.-Un eunuque. Ch.-Est-ce,
s'il te plaît,
1 tvm magis id
dicas duras partes fratris esse. 2 qvidnam qvaeso
hercle curiositatem addidit παρελκόντων quaeso et hercle. 3 Et uide quam molliter et sine intellectu
spectatoris ad argumenti spectati ordinem poeta perueniat, ut de
eunucho facta mentione consilium nascatur supponendi
Chaereae. 4 evnvchvm mire Terentius primo simpliciter
eunuchum
posuit, huic quoque, detracturus.
1 tvm magis id
dicas que le rôle de frère est dur. 2 qvidnam qvaeso
hercle il ajoute la curiosité que donnent les pléonasmes
(παρελκόντων)
quaeso et
hercle. 3 Et observez avec quelle douceur et comment sans
que le spectateur ne s'en rende compte le poète parvient à la
disposition de l'intrigue attendue, en sorte que de la mention
faite ici de l'eunuque naisse la décision de le remplacer par
Chéréa. 4 evnvchvm admirable : Térence écrit d'abord
simplement eunuque, avant de s'en prendre aussi à
lui213.
inhonestum hominem, quem mercatus
est heri, senem mulierem?
ce type déclassé qu'il a acheté
hier, cette vieille bonne femme ?
1 inhonestvm foedum, ut contra «
facie honesta
181 ». 2 Vt apud Vergilium
«
et laetos oculis afflarat honores
182 ». 3 hominem opportune hominem dixit tamquam
incerti sexus. 4 senem mvlierem non communi genere dixit
senem,
quippe qui alibi separauerit dicendo «
senex atque anus
183 », sed subdistinguendum est, ut sit duplex uituperatio:
una ab aetate quod ait senem, altera <a> membrorum
mollitie quod ait mulierem.
1 inhonestvm affreux comme à l'inverse « facie
honesta ». 2 de même chez Virgile
« et laetos oculis afflarat honores » (elle avait empli ses yeux
d'une grâce charmante). 3 hominem opportunément il dit un
être (homo)
comme pour souligner que le sexe est incertain. 4 senem
mvlierem il ne dit pas senem (vieillard) sans distinction de
genre, car ailleurs il a séparé les genres en disant « senex atque
anus » (un vieillard et une vieille), mais il faut mettre une
ponctuation faible pour obtenir un double reproche : un fondé sur
l'âge, ce qu'exprime senem, l'autre sur la mollesse physique,
ce qu'exprime mulierem.
Pa.-istunc ipsum. Ch.-homo
quatietur certe cum dono foras.
Pa.-C'est exactement ça. Ch.-Le
type, c'est sûr, se fera jeter dehors à coups de baffes avec son
cadeau.
1 qvatietvr certe
cvm dono mire cum dono, tamquam illi repulsae causa
donum futurum sit. 2 Tum deinde non
eicietur
sed quatietur. 3 Vide quam contumeliosius dictum sit quatietur foras: uel
uerberibus impelletur foras, non expulsione et
detrusione. 4 Vel sic dixit
foras
quatietur, ut desit uersum, ut sit: foras uersum
uerberabitur, ut uerberetur et fugetur foras. nam et peruulgatae
consuetudinis est dictum feri canem foras, hoc est: feriendo
canem foras eice.
1 qvatietvr certe
cvm dono cum
dono : est un paradoxe: c'est comme s'il allait être
rejeté précisément à cause de son cadeau. 2 Alors il ne sera pas chassé (eicietur) mais balancé
(quatietur). 3 Observez toute l'injure qu'il y a dans
l'expression il se fera balancer dehors (quatietur foras) :
soit c'est à force de coups qu'on le poussera dehors, (et ce ne
sera pas une expulsion, mais une éjection214). 4 ou si l'on
préfère il dit foras
quatietur (il se fera balancer dehors), en omettant
uersum
(vers), qui donnerait : on le battra vers dehors, en sorte qu'il
sera battu et s'enfuira dehors. De fait, on dit dans le langage
populaire flanque le
chien dehors, c'est-à-dire mets le chien dehors en lui
flanquant une râclée.
sed istam Thaidem non sciui nobis
uicinam. Pa.-haud diu est.
Mais cette Thaïs, je ne savais pas
que c'était notre voisine. Pa.-Ça ne fait pas longtemps.
1 sed istam
thaidem non scivi nobis vicinam καλῶς: quomodo enim pro eunucho ueniet, si
nouit aut notus est? et si adulescens mulierem ne nouit quidem,
multo maxime ipse nescitur. 2 sed istam thaidem non scivi nobis
vicinam οἰκονομία contra illud, quod meretrix
uicina erat. 3 havd div est uicina scilicet. et est causa, an
uerisimile sit nescire potuisse uicinam. 4 Et nota apud Terentium uicinas poni
saepius adulescentibus meretrices, ut haec prima sit amoris
illecebra.
1 sed istam
thaidem non scivi nobis vicinam bien (καλῶς) : comment en effet
viendra-t-il à la place de l'eunuque s'il la connaît ou si elle le
connaît ? et si le jeune homme ne connaît pas la femme non plus,
il est bien plus encore inconnu d'elle. 2 sed istam
thaidem non scivi nobis vicinam agencement (οἰκονομία) qui rend
improbable le fait que la voisine soit une courtisane. 3 havd div
est uicina évidemment. Et la raison en est :
est-il vraisemblable qu'il ait pu ne pas connaître sa
voisine. 4 Et notez que chez Térence
les courtisanes sont souvent placées comme voisines des jeunes
gens, afin que ce soit là le premier appât de l'amour.
Ch.-perii, numquamne etiam me illam
uidisse! eho dum dic mihi:
Ch.-Je suis mort ! et dire que je
ne l'ai jamais vue ! Au fait, dis-moi :
1 nvmqvamne etiam
me illam vidisse artificiose inculcat poeta τὸ πιθανόν. 2 Sed nimio lepore Terentiano iam illud
agitur. nam hic ostenditur uerisimile esse pro eunucho creditum
apud uicinam meretricem Chaeream, qui adeo ignotus sit mulieri, ut
nec ipse eam nouerit, quod erat facilius et promptius. et additur
color, quod et illa non diu uicina est et quod adulescens in
Piraeo primum commoratus est.
1 nvmqvamne etiam
me illam vidisse le poète intercale avec grand art le
vraisemblable (τὸ
πιθανόν). 2 mais désormais
c'est l'agrément extrême propre à Térence qui mène l'action. De
fait, on voit ici qu'il est vraisemblable que Chéréa puisse être
pris pour un eunuque chez la voisine courtisane, parce qu'il est à
ce point inconnu de cette femme qu'il ne la connaît même pas
lui-même, ce qui était plus facile et plus à portée de main. Et à
cela s'ajoute une couleur qui est qu'elle n'est pas sa voisine et
que le jeune homme a commencé par passer du temps au Pirée.
estne, ut fertur, forma? Pa.-sane.
Ch.-at nihil370 ad nostram hanc? Pa.-alia res
est.
est-ce comme on le dit une beauté ?
Pa.-Plutôt. Ch.-Mais ce n'est rien auprès de la nôtre, hein ?
Pa.-C'est autre chose.
1 estne vt fertvr
forma hoc propter illud, quod supra diximus. 2 at nihil
ad nostram hanc moraliter nostram dixit pro meam. 3 alia res
est non potuit melius utrique suam gratiam reseruare, nam
et illa et haec amantur.
1 estne vt fertvr
forma et ce pour la raison que nous avons dite plus
haut. 2 at nihil ad nostram hanc conformément au
caractère de son personnage, il dit nostram (notre) pour meam (ma). 3 alia res
est il n'a pu choisir d'accorder son pardon plutôt à l'une
qu'à l'autre, car il les aime l'une et l'autre.
Ch.-obsecro hercle, Parmeno, fac ut
potiar. Pa.-faciam sedulo ac
Ch.-Je t'en prie, ma foi, Parménon,
fais que je la possède. Pa.-Je ferai de mon mieux et
faciam sedvlo <
d.
dabo
o.
operam
a.
adivvabo
> mire in promissis posterioribus
difficultas rei ostenditur, cum primo faciam dixerit.
faciam sedvlo dabo operam adivvabo de
manière paradoxale, on voit la difficulté de la chose dans les
promesses qui suivent, alors qu'il a commencé à dire faciam (je vais
faire).
dabo operam, adiuuabo: numquid me
aliud? Ch.-quo nunc is? Pa.-domum,
j'y travaillerai, je te seconderai.
Autre chose ? Ch.-Où vas-tu maintenant ? Pa.-A la maison,
1 nvmqvid me
alivd hoc dicere abeuntes solent. 2 Et bene hic, quia festinat. 3 Et simul quia hinc nascitur dolus
fallendae meretricis.
1 nvmqvid me
alivd c'est ce qu'ont coutume de dire ceux qui s'en
vont. 2 Et c'est bien ici parce
qu'il se dépêche. 3 Et en même temps
parce que c'est de là que naît la ruse qui consiste à tromper la
courtisane.
ut mancipia haec, ita ut371 iussit frater, ducam ad Thaidem.
pour conduire ces objets, comme l'a
ordonné ton frère, chez Thaïs.
vt mancipia haec ita vt ivssit
f.
frater
d.
dvcam
ad
th.
thaidem
uide <id agere> Terentium, ut non
quaesita esse haec fallacia, sed ipsa se obtulisse uideatur.
vt mancipia haec ita vt ivssit frater dvcam ad
thaidem voyez que Térence fait cela, en sorte que cette
tromperie ne paraisse pas le fruit d'une recherche, mais comme se
présenter d'elle-même.
Ch.-o fortunatum istum eunuchum qui
quidem in hanc detur domum!
Ch.-Quel veinard cet eunuque d'être
placé dans cette maison !
1 o fortvnatvm
istvm evnvchvm istum saepe adnotauimus ut ad
contemptum. aut ad odium referri, ut Vergilius «
aut quid petis istis?
184 » et «
ista quidem qui
n.
nota
m.
mihi
t.
tua
m.
magne
u.
uoluntas
I.
Iuppiter
185 ». 2 qvi qvidem in hanc detvr domvm quid
facilius, quam imitari uelle quod laudes? nec quisquam, nisi qui
cupit eligi pro eunucho, eunuchum putat beatum.
1 o fortvnatvm
istvm evnvchvm istum, nous l'avons souvent noté, se
rapporte au mépris ou à la haine, comme Virgile « aut quid petis
istis ? » (que demandes-tu pour ces pauvres vaisseaux ?) et « ista
quidem quia nota mihi tua, magne, uoluntas, Iuppiter » (Grand
Jupiter, c'est bien parce que ta volonté m'est connue.) 2 qvi qvidem
in hanc detvr domvm quoi de plus facile que de vouloir
imiter ce qu'on approuve ? et personne, sinon celui qui désire
être pris pour un eunuque, ne saurait penser qu'un eunuque est
heureux.
Pa.-quid ita? Ch.-rogitas? summa
forma semper conseruam domi
Pa.-Pourquoi donc ?Ch.-Cette
demande ! Cette beauté suprême, toujours sera sa compagne
d'esclavage à la maison,
36629 qvid ita
potuit intellegere statim seruus, sed ad hoc interrogat, ut
spectator doceatur.
qvid ita : l'esclave aurait pu comprendre
tout de suite, mais il continue à interroger pour que le
spectateur soit instruit.
uidebit conloquetur aderit una in
unis aedibus,
il la verra, lui parlera, sera
présent avec elle ensemble sous le même toit ;
1 videbit
colloqvetvr aderit vna amatorie nimis quinque lineas
amoris exsecutus est, adeo diligenter, ut etiam ordinem
custodiret. 2 videbit colloqvetvr aderit vna in vnis
aedibvs mire amator non semel effudit hoc bonum, sed
particulatim digessit, ut maior uoluptas futura esse
noscatur. 3 videbit colloqvetvr etc. istae enim sunt
amoris lineae, etsi eas non omnes est persecutus.
1 videbit
colloqvetvr aderit vna : de façon extrêmement propre aux
amants, il a consacré cinq vers à son amour, et avec un tel soin
qu'il a même conservé l'ordre. 2 videbit
colloqvetvr aderit vna in vnis aedibvs : de façon
étonnante, l'amant ne déverse pas d'un coup toutes ces belles
paroles mais il les coupe en morceaux pour que l'on sache que le
plaisir sera plus grand encore. 3 videbit
colloqvetvr etc. : c'est là l'esquisse d'un amour même si
de tout cela il n'a rien obtenu.
cibum non numquam capiet cum ea,
interdum propter dormiet.
le repas, parfois il le prendra
avec elle, à l'occasion il dormira près d'elle.
Pa.-quid si nunc tute fortunatus
fias? Ch.-qua re, Parmeno?
Pa.-Et si c'était toi qui devenais
aujourd'hui ce veinard ? Ch.-Par quel biais, Parménon ?
qvid si nvnc tvte fortvnatvs fias sic
uidetur dicere Parmeno, ut iocetur quam ut credat fieri posse.
qvid si nvnc tvte fortvnatvs fias Parménon
semble ainsi dire qu'il plaisante plutôt que dire qu'il croit cela
possible.
responde. Pa.-capias tu illius
uestem. Ch.-uestem? quid tum postea?
Réponds. Pa.-Tu pourrais prendre
les habits de l'autre, là. Ch.-Ses habits Et après ?
1 qvid tvm
<
p.
postea
> uide quam molli descensu ad hoc consilium
peruenitur; res enim hoc suggerit potius quam Parmeno, ideo quia
seruum hoc suadere Chaereae nimis temerarium fuit. 2 capias tv illivs
vestem non semel ostenditur quid futurum sit, quia
particulatim potest etiam quod turpe est tamen inmitti ad
persuasionem, semel ingestum respuitur. 3 Ergo non dixit ibis pro eunucho, sed primo capies illius uestem;
tum deinde hoc ipsum non aspernante domino pergit seruus ad
cetera, quae audaciora sunt. 4 vestem
quam libenter audiat, repetitio dictorum per interrogationem
ostendit.
1 qvid tvm
postea voyez avec quelle lente progression on en vient à
cette décision ; c'est la situation qui suggère ce stratagème plus
que Parménon parce que ç'aurait été extrêmement téméraire pour un
esclave de conseiller cela à Chéréa. 2 capias tv illivs
vestem on ne voit pas en une seule fois ce qui va se
produire, parce qu'on peut, en l'exposant par morceaux, parvenir à
persuader même d'une chose honteuse que l'on repousse si elle est
présentée en une seule fois. 3 Donc
il ne dit pas tu iras à
la place de l'eunuque, mais d'abord tu prendras ses
vêtements ; alors ensuite, vu que le maître ne
repousse pas ce premier point, l'esclave passe au reste qui est
plus audacieux. 4 vestem le plaisir qu'il a à
l'entendre, la répétition des mots dans l'interrogation le
montre.
Pa.-pro illo te ducam. Ch.-audio.
Pa.-te esse illum dicam. Ch.-intellego.
Pa.-C'est à sa place que je
t'emmènerai, toi. Ch.-J'entends. Pa.-Je dirai que lui, c'est toi.
Ch.-Je comprends.
1 avdio id
est libenter. 2 Hoc est: admitto et
consentio, ut in Phormione «
audio et fateor
186 » et contra «
non audio
187 ».
1 avdio
c'est-à-dire avec plaisir. 2 cela
veut dire : j'admets ton idée et j'y consens comme dans le
Phormion « audio et fateor » et au contraire « non
audio ».
Pa.-tu illis fruare commodis quibus
tu illum dicebas modo:
Pa.-C'est toi qui jouirais de ces
avantages dont tu disais qu'il jouirait lui à l'instant :
intellego audio et intellego uim modo non usitatam
exprimunt, scilicet consentientis immodicum affectum.
intellego audio et intellego expriment une force
inhabituelle, évidemment le sentiment immodéré d'un homme qui
acquiesce.
cibum una capias, adsis tangas
ludas propter dormias;
ton repas, tu pourrais le prendre
avec elle, tu serais près d'elle, tu la toucherais, tu jouerais
avec elle, tu dormirais près d'elle,
1 cibvm vna
capias bene seruus interturbauit, supra dictas amandi
lineas et ordinem uoluptatum, quippe qui amare non
nouerit. 2 cibvm vna capias adsis tangas lvdas propter
dormias etsi sat erat superior uersus, tamen incentiua
sunt amatori etiam singillatim haec enumerata, quae una sententia
superior uersus ostenderat.
1 cibvm vna
capias c'est bien que l'esclave ait jeté le trouble au
milieu de l'esquisse faite par l'amant et dans le catalogue des
plaisirs, car il ignore l'amour. 2 cibvm vna capias
adsis tangas lvdas propter dormias même si le vers
précédent était suffisant, ce catalogue une par une des choses
qu'il avait montrées au vers précédent en une seule expression est
une incitation pour l'amant.
quandoquidem illarum neque te
quisquam neque scit qui sies.
puisque parmi elles là-bas, aucune
et ne sait qui tu es.
1 qvandoqvidem
illarvm pro ex
illis. 2 qvisqvam ideo quisquam, quia
quaequam
dicere absurdum est. 3 illarvm qvisqvam quisquam multis
exemplis probatur etiam feminino genere ueteres protulisse, ita ut numeris et
generibus haec pronomina infinita sint. 4 neqve scit qvi
sies hoc est quod supra callide poeta praestruxit.
1 qvandoqvidem
illarvm mis pour ex illis (parmi elles). 2 qvisqvam
quisquam
est utilisé parce qu'il est absurde de dire quaequam 215. 3 illarvm qvisqvam quisquam est employé
par les anciens même au féminin comme on le voit par de nombreux
exemples, en sorte que ces pronoms sont indéterminés en genre et
en nombre. 4 neqve scit qvi sies c'est ce qui se trouve
plus haut et que le poète a, avec beaucoup d'adresse, anticipé
alors.
praeterea forma et aetas ipsa est
facile ut pro eunucho probes.
En plus tu es de figure et d'âge à
te faire prendre facilement pour l'eunuque.
1 praeterea forma
et aetas ipsa est deest in te. 2 facile vt pro
evnvcho probes formam scilicet et aetatem: formam, quia
pulcher, aetatem, quia ephebus. 3 facile vt pro
evnvcho probes probes nunc fingas aut persuadeas, ut in
consuetudine dicimus homo sacrilegus pro innocente se
probauit, et Cicero «
hoc tu his probabis
188 ». itaque deest te, quod subaudiemus, ut sit: pro eunucho te
probes. 4 probes ut «
migrantis cernas
189 ». 5 Aut probes persuadeas. 6 Et simul honeste non dixit, quod erat
rectum, ut eunuchum
probes, sed pro eunucho, ne esset contumeliosum in
Chaeream.
1 praeterea forma
et aetas ipsa est il manque in te (en toi). 2 facile vt pro
evnvcho probes par le bel aspect évidemment et l'âge ; le
bel aspect : parce qu'il est joli garçon, l'âge : parce que c'est
encore un éphèbe. 3 facile vt pro evnvcho probes
probes ici
signifie feindre ou persuader, comme dans l'usage courant nous
disons l'homme
sacrilège se fit prendre pour un innocent, et Cicéron
« hoc tu his probabis » (tu leur feras prendre cela pour argent
comptant). C'est pourquoi il manque te, que nous sous-entendrons pour
avoir : pro eunucho te
probes (qu'on te prennes pour l'eunuque). 4 probes comme « migrantis cernas » (on
pouvait voir des gens se déplaçant216). 5 ou
alors probes signifie persuadeas (que tu
persuades). 6 Et en même temps, il a
la politesse de ne pas dire, ce qui est juste, pour qu'on te tienne pour
eunuque, mais, qu'on te prenne pour un eunuque 217, afin de ne pas être
désobligeant envers Chéréa.
Ch.-dixti pulchre: numquam uidi
melius consilium dari.
Ch.-Tu as bien parlé. Jamais je
n'ai vu donner un meilleur conseil.
Allons, entrons ; équipe-moi tout
de suite, emmène-moi, conduis-moi dès que possible.
1 orna me nvnc
iam hortatiue orna me dixit, non dispolia aut
exue
me. 2 abdvc <dvc> abducimur unde
uolumus, ducimur quo uolumus. 3 qvantvm
potes deest cito.
1 orna me nvnc
iam c'est sur le ton de l'exhortation qu'il dit orna me, et non
dépouille-moi ou déshabille-moi. 2 abdvc
dvc on nous ramène de là où nous voulons, on nous amène où
nous voulons. 3 qvantvm potes il manque cito (vite).
Pa.-quid agis? iocabar equidem.
Ch.-garris. Pa.-perii, quid ego egi miser!
Pa.-Que fais-tu ?Je blaguais moi.
Ch.-Tu plaisantes ! Pa.-Je suis perdu. Qu'est-ce que j'ai fait,
malheureux ?
qvid agis callide seruus non uult auctorem
se uideri tanti facinoris.
qvid agis avec adresse l'esclave ne veut pas
paraître être à la source d'un tel méfait.
quo trudis? perculeris iam tu me.
tibi equidem dico, mane.
Où me pousses-tu ? Tu auras vite
fait de me faire dérailler. Et moi je te le dis : reste ici.
1 qvo
trvdis comici semper ea ostendunt fieri ab altero uerbis
alterius personae, quae ostendi per se ipsa non poterant; ut nunc
manu agere Chaeream Parmenonem Parmenone ipso dicere
cognoscimus. 2 qvo trvdis praebet se ui cogendum domino,
quem compulit dictis. 3 percvleris iam tv me
peruerteris, unde prouerbium bene plaustrum perculit. 4 tibi eqvidem
dico <mane> singillatim ista pronuntianda sunt, ex
quibus intellegatur non cessare Chaeream, quin adhuc impellat et
trudat.
1 qvo
trvdis les comiques montrent toujours que c'est l'un des
deux qui, sur les mots de l'autre, fait ce qui ne peut pas être
montré en soi218 ;
comme ici, nous apprenons parce que Parménon le dit lui-même que
Chéréa mène Parménon par la main. 2 qvo
trvdis il se laisse contraindre par son maître qu'il a
poussé par ses paroles. 3 percvleris iam tv me
peruerteris ("tu auras vite fait de me
renverser"), d'où, à bon droit, le proverbe plaustrum perculi
(j'ai poussé mon chariot, j'ai déraillé). 4 tibi eqvidem
dico mane il faut détacher chaque mot pour faire
comprendre que Chéréa n'a de cesse de le stimuler et de le
pousser.
Ch.-Allons-y. Pa.-Tu continues ?
Ch.-Pour sûr. Pa.-Attention à ce que ça ne chauffe pas trop
bientôt.
1 pergisne
quasi uero ioco dixerit, non serio. 2 ne nimivm
calidvm periculosum. 3 Sed
melius callidum legitur. 4 <ne>
nimivm prouerbiale, quia nimium propria uox est.
1 pergisne
comme s'il avait parlé par plaisanterie et non
sérieusement. 2 ne nimivm calidvm dangereux. 3 Mais il vaut mieux lire callidum
(rusé). 4 ne nimivm proverbial, parce que nimium est le mot
propre219.
Ch.-non est profecto: sine. Pa.-at
enim istaec in me cudetur faba. Ch.-ah.
Ch.-Il n'y a pas lieu, vraiment ;
laisse faire. Pa.-Mais c'est sur mon dos qu'on battra le beurre.
Ch.-Bah !
1 at enim istaec
in me cvdetvr faba παροιμία, id est: in me hoc malum recidet,
in me haec uindicabitur culpa, ut laborat solum, in quo cuditur id
est batuitur faba, cum siliquis exuitur tunsa fustibus, ut in
areis more rusticorum fit. 2 Vel
quod quidam male coctam fabam et quae non maduerit sed dura
permanserit, supra caput coqui <cudunt> uelut ipsi fabae
irati, dum eius granum saxo comminuunt: tum uniuersum malum
et omnis dolor ad coquum peruenit. simile et alibi a pulmento
prouerbium est «
tute hoc intristi, tibi hoc est
exedendum, accingere
190 ».
1 at enim istaec
in me cvdetvr faba c'est un proverbe (παροιμία), cela veut
dire : c'est sur moi que ce mal retombera, c'est moi qu'on punira
de cette faute, comme souffre le sol sur lequel on bat,
c'est-à-dire on vanne les fèves, quand on les tire de leurs cosses
en les frappant avec des bâtons 220, comme on
le fait sur les aires à la campagne. 2 ou si l'on veut parce qu'on frappe sur la tête du
cuisinier avec un fève mal cuite, et qui n'a pas trempé et reste
dure comme s'ils s'acharnaient sur la fève elle-même en réduisant
son grain à la meule : alors tout le mal et toute la souffrance
sont pour le cuisinier. De même ailleurs, on trouve un proverbe
tiré des ragoûts « tute hoc intristi. tibi hoc est exedendum,
accingere ».
Pa.-flagitium facimus. Ch.-an id
flagitium est si in domum meretriciam
Pa.-C'est une honte, ce que nous
faisons. Ch.-Vraiment, c'est une honte si c'est dans une maison de
courtisanes que
1 flagitivm
facimvs flagitium more militari dicitur res
flagitatione, hoc est increpatione
digna. 2 Nam flagitatio a strepitu
dicitur, unde flamma et flagella et flagellare, id est personare,
intellegimus dici. nam haec omnia sine sonitu crepituque non
sunt. 3 an id flagitivm est an liceat, an deceat. et
prius quia licet. 4 an id flagitivm est Terentius
laudat argumentum huius fabulae, in quo exemplum promitur, quod
prosit parentibus, obsit meretricibus; et simul deliberationibus
tractans, <an> sit faciendum. 5 si in domvm
meretriciam dedvcar hoc tale est, ut nulla lex prohibeat,
ut defendatur esse licitum.
1 flagitivm
facimvs flagitium est un mot du vocabulaire
militaire : chose qui mérite la flagitatio c'est-à-dire le blâme221. 2 de
fait, on parle de flagitatio à cause du bruit sec, d'où
l'on comprend que l'on a tiré flamma (la flamme), flagella (les fouets)
et flagellare (fouetter), c'est-à-dire
résonner ; car toutes ces choses ne sont jamais exemptes de son et
de crépitement. 3 an id flagitivm est est-ce que
c'est permis, est-ce que c'est convenable ? et ce qui est premier
c'est le fait que ce soit permis222. 4 an id flagitivm
est Térence fait l'éloge de l'intrigue de cette pièce dans
laquelle on a un exemple où ce qui sert les parents, dessert les
courtisanes ; et en même temps, il traite par ses délibérations de
la question : faut-il le faire ? 5 si in domvm
meretriciam dedvcar cet acte n'est pas interdit par
quelque loi qui défendrait que cela soit autorisé.
deducar et illis crucibus, quae nos
nostramque adulescentiam
je suis introduit, que c'est à ces
tortionnaires qui, de nous et de notre jeunesse
et illis crvcibvs qvae nos nostramqve
advlescentiam hoc iam ad illud pertinet, ut ostendatur
decere. et primo a persona eius, cui fit.
et illis crvcibvs qvae nos nostramqve
advlescentiam ce qui vient maintenant a pour but de
montrer que c'est convenable : et d'abord par la personne de celle
à qui cela arrive223.
habent despicatam et quae nos
semper omnibus cruciant modis,
se moquent et toujours nous
torturent de toutes les façons,
1 habent
despicatam contemptam ac despectam. et est παρένθεσις
μεταπλασμός. 2 Vel certe
alterius uerbi declinatio, ab eo quod est conspicor despicor. Sallustius
«
cum interea Metellus monte degrediens cum
exercitu conspicatur, primo dubius quidnam insolita facies
ostenderet
191 ».
1 habent
despicatam dédaignée et méprisée. Et la parenthèse
(παρένθεσις) est
un métaplasme (μεταπλασμός). 2 ou si l'on veut du moins la déclinaison du second
mot despicor suit celle de conspicor 224. Salluste « cum interea Metellus monte degrediens
cum exercitu conspicatur, primo dubius quidnam insolita facies
ostenderet ». (Cependant Métellus, ignorant la présence de
l'ennemi, descend des hauteurs avec ses troupes ; il observe. Tout
d'abord, il ne sait que penser du spectacle insolite qu'il a sous
les yeux).
que maintenant je rends ce qu'elles
méritent et que je trompe de la même manière que nous sommes
trompés par elle !
1 nvnc iam referam
gratiam non eas, inquit, lacessam, sed quod iustum est,
uicem reddam: quasi ipse in aliis laesus sit. 2 vt ab illis
fallimvr non dixit alii falluntur.
1 nvnc iam referam
gratiam non, dit-il, je ne les harcèlerai pas, mais je
leur rendrai selon ce qui est juste : c'est comme si c'était lui
qui avait été lésé dans les autres choses. 2 vt ab illis
fallimvr il ne dit pas alii falluntur (d'autres sont
trompés).
an potius haec patri aequum est
fieri ut a me ludatur dolis?
Est-ce que ce serait plus juste que
ça arrive à mon père, qu'il soit joué par mes ruses ?
1 an potivs haec
patri 30 aeqvvm est fieri illic uicissitudo est,
at in patre dolus. 2 vt a me lvdatvr dolis σύλλημψις: auditur
pater.
1 an potivs haec
patri aeqvvm est fieri il y a bien là échange de bons
procédés, mais c'est une ruse envers le père225. 2 vt a me lvdatvr dolis syllepse (σύλλημψις) : on entend le
père.
quod qui resciuerint378 culpent; illud merito factum omnes putent.
Ceus qui le sauraient m'en feraient
grief ; mais là, tout le monde penserait que c'est bien fait.
1 qvod qvi
resciverint a consequentibus argumentum; nam illud factum
uituperatio sequitur, hoc approbatio. 2 illvd merito
factvm omnes pvtent bene non iudicent, quia et hoc ipsum non
satis probum est, id est meretricem fallere.
1 qvod qvi
resciverint argument tiré des conséquences ; de fait, la
première action entraîne le blâme, la seconde
l'approbation. 2 illvd merito factvm omnes pvtent c'est bien
de ne pas dire qu'ils jugent parce que ce n'est pas vraiment
honnête non plus de tromper une courtisane.
Pa.-quid istic? si certum est
facere, facias; uerum ne post conferas
Pa.-Quoi ? Si tu as décidé de le
faire, fais-le, mais après ne rejette pas
1 qvid
istic aduerbium est aegre concedentis. 2 facias
pro facito. 3 vervm
deest uide. 4 vervm ne post
conferas cvlpam in me si ne prohibentis est, nihil deest, si
percunctantis, item; sin ne ne forte, deest timeo. 5 vervm ne post
conferas cvlpam in me in hoc negotio non auctor uult
interesse, sed seruus.
1 qvid
istic adverbe qu'emploie quelqu'un qui cède à
regret. 2 facias pour facito. 3 vervm il
manque uide
(vois). 4 vervm ne post conferas cvlpam in me si
ne
s'emploie pour la défense, il ne manque rien ; si c'est pour la
délibération, même chose ; mais si ne vaut pour ne forte, il manque
timeo (je
crains)226. 5 vervm ne post conferas cvlpam in
me dans cette affaire il ne veut pas être instigateur,
mais serviteur.
culpam in me. Ch.-non faciam.
Pa.-iubesne? Ch.-cogo atque impero:
la faute sur moi. Ch.-Je ne le
ferai pas. Pa.-C'est un ordre ? Ch.- J'exige, et je commande.
cogo atqve impero euidenter ostendit plus
esse imperare quam iubere.
cogo atqve impero à l'évidence il montre que
imperare
est plus fort que iubere.
Pa379. numquam defugiam auctoritatem. sequere. di
uertant bene!
Pa.-Jamais je ne me déroberai à ton
autorité. Suis-moi. Fasse le Ciel que ça tourne bien !
1 nvmqvam defvgiam
avctoritatem < numquam > pro non, ut «
numquam omnes hodie moriemur
inulti
192 ». 2 nvmqvam defvgiam avctoritatem non, inquit,
recusabo facere, dum tu auctor facti sis.
1 nvmqvam defvgiam
avctoritatem numquam est mis pour non, comme « numquam
omnes hodie moriemur inulti » (jamais nous ne mourrons tous
aujourd'hui sans nous venger). 2 nvmqvam defvgiam
avctoritatem non, dit-il, je ne refuserai pas de le faire
du moment que tu en est l'instigateur.
Actus tertius
scaena prima
Gnatho Thraso
391 | 392 | 393 | 394 | 395 | 396 | 397 | 398 | 399 | 400 | 401 | 402 | 403 | 404 | 405 | 406 | 407 | 408 | 409 | 410 | 411 | 412 | 413 | 414 | 415 | 416 | 417 | 418 | 419 | 420 | 421 | 422 | 423 | 424 | 425 | 426 | 427 | 428 | 429 | 430 | 431 | 432 | 433 | 434 | 435 | 436 | 437 | 438 | 439 | 440 | 441 | 442 | 443 | 444 | 445 | 446 | 447 | 448 | 449 | 450 | 451 | 452 | 453
Thr.-Magnas uero agere gratias
Thais mihi?
Thr.-Ce sont, vraiment, de grands
remerciements que Thaïs me fait ?
1 magnas vero
agere gratias thais mihi hic sermo sic prodit, ut post
scaenam incohatus esse noscatur. continet autem assentationem
parasiticam et stultitiam gloriosi militis. 2 agere
plus sonat infinitus modus finito.
1 magnas vero
agere gratias thais mihi Cette conversation se présente de
telle sorte qu'on comprend qu'elle a débuté en coulisses ; elle
contient la flatterie caractéristique du parasite et la sottise du
soldat fanfaron. 2 agere le mode infinitif fait
entendre davantage qu'un mode conjugué227.
Gn.-ingentes. Thr.-ain tu, laeta
est? Gn.-non tam ipso quidem
Gn.-Immenses. Thr.-Que dis-tu ?
Elle est contente. Gn.-Non pas tant certes
ingentes uide quantum adiciat parasitus:
ille magnas dixit, hic respondit ingentes; ille
laeta est,
hic triumphat.
ingentes voyez tout ce que le parasite
ajoute : l'un a dit grands, l'autre a répondu immenses ; celui-là
elle est
contente, celui-ci elle triomphe228.
dono quam abs te datum esse: id
uero serio
du présent lui-même que de ce qu'il
vient de toi: c'est de cela que, pour de vrai,
1 id vero
serio id ob id, ut «
id amabo adiuta me
193 ». 2 id ob id alias, at nunc παρέλκεται, id est
productionis locus est. 3 qvam abs te
datvm esse maioris est gratiae tantum potuisse amorem
militis, ut meretrix minus laetetur ob lucrum.
1 id vero
serio id est l'équivalent de ob id, comme « id
amabo, adiuta me ». 2 id est l'équivalent de
ob id
ailleurs, et dans le cas présent il fait pléonasme (παρέλκεται),
c'est-à-dire qu'il est l'occasion d'allonger l'énoncé. 3 qvam abs
te datvm esse c'est le fait d'une plus grande
reconnaissance d'avoir pu inspirer au soldat un si grand amour que
la courtisane soit moins contente du profit obtenu 229.
triumphat. Pa.-hoc prouiso ut, ubi
tempus siet,
elle triomphe. Pa.-Je vais prévoir
quand ce sera le moment
1 trivmphat ut militaribus dictis tangit
militem parasitus! 2 hvc proviso vt vbi tempvs siet
tertia persona uenit in scaenam, sed separatim loquitur et
secum.
1 trivmphat comme le parasite touche le soldat
en utilisant des mots de soldat230 ! 2 hvc
proviso vt vbi tempvs siet un troisième personnage arrive
en scène, mais il parle en aparté et à lui-même.
deducam. sed eccum militem.
Thr.-est istuc datum
de les apporter. Mais voici le
soldat. Thr.-C'est un don que j'ai,
1 sed eccvm
militem iniuriose militem, honorifice
proprio nomine dicitur, ut <in> subiectis «
audire uocem uisa sum modo
militis
194 ». 2 est istvc datvm fato decretoque concessum,
ut «
non dabitur regnis, esto, prohibere
Latinis
195 ».
1 sed eccvm
militem c'est de manière insultante qu'il dit miles (c'est avec
considération qu'on désigne les gens par leur nom propre231), comme dans le passage suivant « audire uocem uisa
sum modo militis ». 2 est istvc datvm accordé par le
destin et l'ayant décrété, ainsi dans : « Non dabitur regnis,
esto, prohibere Latinis » (Il ne (me) sera pas donné de fermer (à
Enée) le royaume de Latinus, soit !232).
profecto ut grata mihi sint quae
facio omnia.
certainement : on adore tout ce que
je fais.
1 vt grata mihi
sint qvae facio omnia gratae nobis aut res aut personae
sunt; sed nunc res dicit. 2 qvae facio omnia ἔλλειψις uel σύλλημψις.
1 vt grata mihi
sint qvae facio omnia ce sont soit les personnes soit les
choses qui nous sont agréables ; mais ici il parle des
choses. 2 qvae facio omnia ellipse (ἔλλειψις) ou233 syllepse (σύλλημψις).
Gn.-aduerti hercle animum. Thr.-uel
rex semper maximas
Gn.-J'y avais, ma foi, prêté
attention. Thr.-Même le roi m'adressait toujours les plus
grands
1 adverti hercle
animvm approbauit dictum. et hoc <est> «
ait? aio
196 ». 2 vel rex mihi semper gratias maximas agebat
quam intempestiue miles ad regem transitum fecit, cum de meretrice
agatur! 3 vel rex ut in Hecyra «
uel hic Pamphilus iurabat quotiens
Bacchidi, quam sancte
197 ». 4 vel rex mihi semper <maximas> agebat
subauditur gratias ab eo quod supra dixit «
magnas uero agere gratias Thais
mihi?
198 »
1 adverti hercle
animvm il a approuvé ce qu'il a dit, et c'est déjà dans
« ait ? aio ». 2 vel rex mihi semper gratias maximas agebat
comme c'est mal à propos que le soldat fait la transition au roi,
alors qu'il était question de la courtisane ! 3 vel rex
comme dans L'Hécyre « uel hic Pamphilus iurabat
quotiens Bacchidi, quam sancte ». 4 vel rex mihi
semper maximas agebat sous-entendre le mot gratias
(remerciements) à partir de ce qu'il a dit plus haut : « magnas
uero agere gratias Thais mihi ? ».
mihi agebat quidquid feceram: aliis
non item.
remerciements, quoi que j'aie
fait ; pour les autres, pas pareil.
Gn.-labore alieno magno partam
gloriam
Gn.-La gloire qui s'acquiert aux
grands travaux d'autrui
partam gloriam id est quae paritur, ut
«
uectus equo spumante Saces
199 ».
partam gloriam c'est-à-dire qui est acquise,
comme « uectus equo spumante Saces » (Sacès, monté sur un cheval
écumant).
uerbis saepe in se transmouet qui
habet salem;
par des discours souvent l'attire
qui est fin.
1 qvi habet
salem sal neutraliter condimentum est,
masculine sapientia. 2 verbis saepe in se transmovet qvi habet
salem mire adulatur: hoc attribuit militi quod minime
habet, uel uerba uel salem.
1 qvi habet
salem sal, au neutre, désigne un condiment ;
au masculin, c'est l'esprit234. 2 verbis saepe in se transmovet qvi habet
salem comme il flatte admirablement ; il attribue au
soldat ce qu'il possède le moins, soit les mots soit l'esprit.
quod in te est. Thr.-habes. Gn.-rex
te ergo in oculis... Thr.-scilicet.
C'est ton cas. Thr.-Tu l'as. Gn.-Le
roi donc de ses yeux te... Thr.-Evidemment.
1 qvod in te
est quod tu habes. 2 habes intellegis. quod enim
tenemus corpore, habemus quoque; item animo quod habemus,
intellegimus. 3 habes pro intellegis. sic dicitur accipe et da. 4 habes id
est dicis, ut Sallustius «
Tartessum, Hispaniae ciuitatem, quam nunc
Tyrii mutato nomine Gaddirum habent
200 ». 5 rex te ergo in ocvlis scilicet gestire uide
inconditam properationem laudari se cupientis adeo, ut non sinat
uerba compleri, quin praefestinet scilicet et uere dicere.
1 qvod in te
est ce que tu as, toi. 2 habes
signifie intellegis (tu comprends). Ce que nous
tenons en effet physiquement, nous le possédons aussi ; de même ce
que nous possédons par l'esprit, nous le comprenons. 3 habes est l'équivalent de intellegis. On dit
ainsi accipe (écoute ) et da (vois). 4 habes c'est-à-dire tu le dis, comme chez
Salluste « Tartessum, Hispaniae civitatem, quam nunc Tyrii mutato
nomine Gaddirum habent235 ». (Tartesse, cité
d'Espagne que les Tyriens possèdent maintenant, après avoir changé
le nom en Gadès). 5 rex te ergo in ocvlis scilicet
gestire voyez la hâte mal maîtrisée de celui qui désire
être loué au point qu'il lui coupe la parole et s'empresse de dire
bien sûr
et vraiment.
Gn.-couvait. Thr.-Vraiment ! il me
confiait toute son armée,
1 credere omnem
exercitvm magis ridebis, si consideres militem μάταιον esse, qui dicit
credere omnem
exercitum et consilia. 2 credere omnem
exercitvm consilia sub obtentu militis ea stultitia
descripsit breuiter comitem regium acceptumque imperatori. nam qui
nunc credit exercitum, credit et consilia. Vergilius «
nulla meis sine te quaeretur gloria
rebus, seu pacem seu bella geram: tibi maxima rerum
uerborumque fides
201 ».
1 credere omnem
exercitvm on rira davantage si on considère que le soldat
est un vantard (μάταιος), qui dit il me confiait son armée entière
et ses projets. 2 credere omnem exercitvm
consilia en se dissimulant sous le personnage du soldat il
a décrit en peu de mots avec cette imbécillité un courtisan de
surcroît dans les bonnes grâces du général en chef ; car celui qui
confie maintenant son armée, confie aussi ses projets. Virgile
« nulla meis sine te quaeretur gloria rebus, seu pacem seu bella
geram : tibi maxima rerum verborumque fides » (Je ne chercherai
pour mes intérêts aucune gloire sans toi ; en paix ou en guerre ;
dans l'action comme dans la discussion tu auras ma plus grande
confiance).
consilia. Gn.-mirum. Thr.-tum sic
ubi eum satietas
ses projets. Gn.-Merveilleux !
Thr.-De temps en temps comme ça quand le dégoût le
1 consilia
αὔξησις: plus
est consilia quam totus exercitus. 2 mirvm
melius per εἰρωνείαν pronuntiamus mirum: quid ni
crederet tali uiro? 3 Sed potest
etiam simpliciter pro admirantis gestu accipi. 4 vbi satietas
hominvm avt negoti rei p. princeps duas res patitur:
homines et negotia, <id est> personas et res. 5 satietas
hominvm avt negoti siqvando
o.
odivm
c.
ceperat
proprie reddidit et decenter hominum satietas
negoti odium ; non enim par erat rei p. principem hominum odio
laborare.
1 consilia
amplification (αὔξησις) ; les projets c'est bien plus que
l'armée entière236. 2 mirvm
c'est mieux de prononcer mirum par ironie (εἰρωνείαν) : comment ne
croirait-on pas un tel homme ? 3 Mais cela peut aussi simplement être pris pour un
élan d'admiration237. 4 vbi satietas hominvm avt negoti le premier
personnage de l'Etat supporte deux choses : les hommes et les
affaires, c'est-à-dire les personnes et les actions. 5 satietas
hominvm avt negoti siqvando odivm ceperat il a rendu au
sens propre et convenablement la satiété des hommes et le dégoût
des affaires ; il n'est pas équitable, en effet, que le premier
personnage de l'Etat souffre de misanthropie.
hominum aut negoti siquando odium
ceperat,
prenait ou si parfois c'était la
haine des affaires,
hominvm avt negoti eos qui gerunt et ea quae
geruntur.
hominvm avt negoti les personnes qui
administrent et les choses qui sont administrées.
requiescere ubi uolebat, quasi...
nostin? Gn.-scio:
quand il voulait se reposer,
c'était comme... Tu saisis ? Gn.-Je saisis,
1 reqviescere vbi
volebat bono uerbo usus est, nam cessat desidiosus,
requiescit
defessus. 2 qvasi nostin grate expressit stulti
infantiam militis, qui ante uult intellegi quod sentit, quam ipse
dicat. 3 Et proprie hoc
morale est stolidis inerudite loquentibus. 4 qvasi
nostin ἀποσιώπησις.
1 reqviescere vbi
volebat il utilise le bon verbe, car cessat s'applique à
un oisif, requiescit à un homme fatigué. 2 qvasi
nostin il exprime de manière agréable l'incapacité de
s'exprimer du soldat stupide, qui veut qu'on comprenne ce qu'il
ressent avant de l'avoir exprimé. 3 Et ce sont les termes appropriés au caractère des
parleurs stupides qui causent dans l'ignorance. 4 qvasi
nostin aposiopèse238 (ἀποσιώπησις).
quasi ubi illam exspueret miseriam
ex animo. Thr.-tenes.
comme quand il voulait recracher ce
malheur de son cœur. Thr.-Tu le tiens.
1 tenes
pro habes,
hoc est quod supra intellegis
. 2 qvasi vbi illam exspveret miseriam
ubi pro
quando et
in his et supra. 3 expveret expuere est cum
fastidio aliquid reicere et expellere. nam expuere est ἔξω pus mittere, id est
foras. nam pus
est omnis humor corpori onerosus.
1 tenes
est l'équivalent de habes (tu y es), c'est ce qui est plus
haut « intellegis ». 2 qvasi vbi illam exspveret
miseriam ubi est l'équivalent de quando (quand) et sur
ces considérations, voir ci-dessus. 3 expveret
expuere
c'est rejeter et cracher quelque chose avec répugnance. Car
expuere
c'est envoyer des humeurs ἔξω (dehors), c'est-à-dire à l'extérieur
du corps. Car l'humeur est le liquide difficile à digérer de tout
corps.
tum me conuiuam solum abducebat
sibi. Gn.-hui
A ce moment-là, c'est moi seul
qu'il prenait comme convive. Gn.-Pfui !
1 tvm me convivam
solvm abdvcebat sibi hoc supererat, <ut> qui esset
minister magnarum rerum, id est consiliarius, uoluptatibus quoque
regi idem particeps esset. 2 Et uide quo
significatu dicatur me <et> conuiuam et
solum et
abducebat
; nam non uocabat. 3 Et sibi quasi non
propter
me, sed ut
sibi bene esset. 4 tvm me
convivam id est: cum satietas hominum esset, cum odisset
negotia. 5
convivam solvm
abdvcebat
31
<ut> «
solam nam perfidus ille te <
c.
colere
>
202 ». significat autem saepicule factum.
1 tvm me convivam
solvm abdvcebat sibi il se montrait supérieur en homme qui
traite des grandes choses, c'est-à-dire un conseiller, et qui est
compagnon du roi dans ses plaisirs. 2 Et voyez ce qui est signifié quand il dit
me et
conuiuam
et solum
et abducebat ; car il ne l'invitait
pas. 3 Et sibi n'est pas
vraiment équivalent de propter me (près de moi) mais de
ut sibi bene
esset (pour qu'il aille bien). 4 tvm me
convivam c'est-à-dire : alors qu'il éprouvait la satiété
des hommes, alors qu'il avait le dégoût des affaires. 5 convivam
solvm abdvcebat comme « solam nam perfidus ille te
colere » (Car pour toi seule, ce perfide avait de la
considération). Or cela veut dire qu'il le faisait assez
souvent.
regem elegantem narras. Thr.-immo
sic homo est
c'est d'un roi de bon goût dont tu
me parles. Thr.-Carrément, c'est le genre du type,
regem elegantem narras qui eligere sciat aut
qui ipse sit eligendus.
regem elegantem narras qui sait choisir ou
qu'il faut choisir 239 lui-même.
perpaucorum hominum. Gn.-immo
nullorum arbitror,
avoir un ou deux amis. Gn.-Ou même
zéro à mon avis,
1 perpavcorvm
hominvm aut qui paucis utitur aut qui de paucis est aut
qui paucis placet, hoc est bonis et sapientibus, qui fere pauci
sunt. 2 immo nvllorvm arbitror hoc auersus, ne miles
audiat. 3 Potest tamen et aliter
intellegi: maxime stolidos milites.
1 perpavcorvm
hominvm ou bien qui a des relations avec peu de gens ou
qui fait partie d'une petite élite, ou encore qui plaît à peu de
gens, c'est-à-dire aux gens de bien et d'esprit qui de fait sont
peu nombreux. 2 immo nvllorvm arbitror il dit cela en
aparté, afin que le soldat ne l'entende pas. 3 On peut cependant comprendre aussi autrement :
surtout des soldats stupides.
si tecum uiuit. Thr.-inuidere omnes
mihi,
si c'est avec toi qu'il vit.
Thr.-Ils me jalousaient tous,
invidere omnes mihi plus potest ad
significandum infinitum tempus quam finitum.
invidere omnes mihi il y a plus de valeur
expressive dans un infinitif que dans un mode conjugué.
mordere clanculum: ego non flocci
pendere:
me mordaient en douce ; moi je m'en
foutais.
ego non floccipendere quod morderent
clanculum uel quod inuiderent.
ego non floccipendere sous prétexte qu'ils
lui décochaient en cachette des traits mordants ou si l'on préfère
qu'ils le jalousaient.
illi inuidere misere; uerum unus
tamen
Eux, ils étaient jaloux, une
misère. Mais il y en a un pourtant
1 illi invidere
misere misere nimis, quia nimia
misera. 2 vervm vnvs proprie, nam unus ex multis
dicitur. 3 Et mire
facta nullius ponderis repetitio ad inertiam loquentis
exprimendam. nam postquam dixit «
inuidere omnes mihi
203 », repetit inuidere misere; et cum misere et impense idem
significent, mox tamen sine ullo auctu addidit uerum unus tamen
impense. 4 Aut plus est
misere
quam impense.
1 illi invidere
misere misere est hyperbolique, parce que ce
sont des misères hyperboliques. 2 vervm
vnvs pris au sens propre, de fait il s'agit d'un parmi
beaucoup. 3 Et la répétition est
admirablement faite sans aucune lourdeur pour exprimer
l'inculture240 du personnage qui
parle. De fait après avoir dit « inuidere omnes mihi », il répète
inuidere
misere ; et comme misere et
impense
ont le même sens, aussitôt après c'est sans rien
dire de plus qu'il ajoute uerum unus tamen impense. 4 Par rapport à impense, misere dit plus.
inpense, elephantis quem Indicis
praefecerat.
jusqu'à la ruine ; c'était celui
qui était chargé des éléphants indiens.
1 elephantis qvem
indicis praefecerat et hoc stulte, cum hoc ad dignitatem
sumit et sic pronuntiat, ut magna esse praefectura uideatur haec
ipsa. 2 Et hoc a
stolido milite sic profertur, tamquam magnum hominem uelit esse,
qui sibi inuiderit. 3 Et indicis πρὸς ἀντιδιαστολήν
Maurorum, qui et mitiores sunt.
1 elephantis qvem
indicis praefecerat cela aussi est idiot, puisqu'il prend
cela pour une dignité et prononce de manière à ce que ce
commandement même ait l'air d'être quelque chose de
grand. 2 Et le soldat stupide
prononce cela comme s'il voulait que ce soit un homme d'importance
qui le jalouse. 3 Et indicis pour opérer une
différenciation (πρὸς
ἀντιδιαστολήν) avec ceux des Maures qui sont mieux
apprivoisés.
is ubi molestus magis est,
« quaeso » inquam « Strato,
Un jour qu'il me casse grave les
pieds, je lui dis comme ça : « Dis-moi, Straton,
1 is vbi molestvs
magis est more suo magis addidit, ne diceret molestior. 2 qvaeso
inqvam strato Strato nomen accommodatum militiae.
1 is vbi molestvs
magis est selon son habitude, il ajoute magis, pour éviter la
forme molestior. 2 qvaeso inqvam
strato Straton est un nom bien approprié pour quelqu'un
qui exerce le métier de soldat.
eone es ferox quia habes imperium
in beluas? ».
t'es à ce point féroce parce que tu
commandes à des fauves ? ».
1 eone es
ferox causale est ideone significans. 2 qvia habes
imperivm in belvas mire extulit imperium, dicturus
in beluas.
sic Vergilius «
illa se
i.
iactet
i.
in
a.
aula
Aeol.
Aeolus
et
c.
clauso
u.
uentorum
c.
carcere
r.
regnet
204 ».
1 eone es
ferox c'est causal et cela signifie ideone (est-ce la
raison pour laquelle). 2 qvia habes imperivm in belvas
c'est étonnant de parler d' imperium, alors qu'il va dire in beluas. Ainsi
Virgile « illa se iactet in aula Aeolus et clauso uentorum carcere
regnet » (Qu'Éole se pavane dans cette cour et qu'il règne sur les
vents, sur leur prison bien close).
Gn.pulchre mehercle dictum et
sapienter. papae
Gn.-Bien répondu, ma foi, et avec
sagesse. Peste !
pvlchre mehercle dictvm immodica laudatione
euertit, etiam si quid facete dictum est. sufficeret enim
pulchre,
quod est sapienter.
pvlchre mehercle dictvm il éclate en éloges
sans mesure, même si ce qui a été dit est drôle. Il suffirait en
effet de dire pulchre, ce qui vaut pour sapienter (sage
réponse).
iugularas hominem. quid ille?
Thr.-mutus ilico.
tu lui avais coupé le sifflet. Et
l'autre ? Thr.-Muet sur le coup.
1 ivgvlaras
hominem pulchre tangit militem iugularas dicendo,
non occideras, quasi gladio, non uerbo usus
sit. 2 mvtvs ilico tam hoc stultum est, quam si
diceret statim
nihil. recte autem diceret ex illo mutus fuit.
tale est illud tacere
festinat.
1 ivgvlaras
hominem il touche joliment le soldat en disant iugularas, et non
occideras
(tu l'avais tué), comme si c'était d'une épée et non d'un mot
qu'il s'était servi. 2 mvtvs ilico cela est aussi
stupide que s'il disait statim nihil (aussitôt…rien). Il aurait
dû dire pour parler correctement ex illo mutus fuit (après ça il est
resté muet). De ce genre est l'expression tacere festinat (il
se dépêche de ne rien dire).
Gn.-quid ni esset? Pa.-di uestram
fidem, hominem perditum
Gn.-N'est-ce pas ? Pa.-Bonté
divine, le type sans foi ni loi,
1 qvid ni
esset hoc est: ut posset <esse>,
iugularas. 2 hominem perditvm deest o, ut sit: o hominem perditum.
sed sic melius sonat; maioris enim stuporis est hoc modo
pronuntiatum. 3 hominem perditvm miservmqve uide quantum
addiderit, qui non hunc simplicem sed perditum et
miserum
nec illum malum sed sacrilegum dixerit.
1 qvid ni
esset c'est-à-dire : pour qu'il puisse l'être, tu lui
avais coupé la gorge. 2 hominem perditvm il manque
o, pour
avoir : o hominem
perditum. Mais ainsi c'est plus expressif ; en effet
de cette manière la prononciation marque mieux la
stupeur. 3 hominem perditvm miservmqve voyez combien il
en rajoute en disant non pas simplex (simple) mais perditus et
miser, non
pas malus
(mauvais), mais sacrilegus.
miserumque et illum sacrilegum!
Thr.-quid illud, Gnatho,
le misérable, le mécréant ! Thr.-Ah
et ça, Gnathon,
quo pacto Rhodium tetigerim in
conuiuio,
comment ce Rhodien je l'ai manié
dans un banquet,
qvo pacto rhodivm tetigerim luserim, fatigauerim. nam
tangere
cum multa tum etiam hoc significat.
qvo pacto rhodivm tetigerim mis pour
luserim
(je l'ai joué), fatigauerim (je l'ai accablé). De fait,
tangere entre bien d'autres
sens a aussi celui-là.
numquam tibi dixi? Gn.-numquam; sed
narra obsecro.
jamais je ne te l'ai dit ?
Gn.-Jamais, mais raconte, je t'en supplie.
nvmqvam sed narra obsecro callide parasitus
intellegit ad hoc se interrogatum, ut audire postulet.
nvmqvam sed narra obsecro avec ruse le
parasite comprend qu'il n'est interrogé que pour qu'il demande à
entendre la suite.
(plus milies382
audiui). Thr.-una in conuiuio
(plus de mille fois, je l'ai
entendu !). Thr.-Avec moi, au banquet,
1 plvs milies iam
avdivi ὑπερβολή aut superfertur aut aequatur aut
subiacet. superfertur nunc, aequatur milies, subiacet ut tantum non
milies. 2 Conuenit
stultum eundem et immemorem esse, quia et <memoria>
intellegentia est.
1 plvs milies iam
avdivi hyperbole (ὑπερβολή) : l'énoncé est soit supérieur à
la chose référée, soit égal à elle, soit inférieur. Dans le cas
présent il est supérieur, quand on dit milies (mille fois)
il est égal, quand on dit tantum non milies (pas mille fois), il
est inférieur. 2 il convient bien à
ce même imbécile d'être aussi dépourvu de mémoire, parce que la
mémoire aussi est une forme d'intelligence.
erat hic, quem dico, Rhodius
adulescentulus.
il se trouvait celui dont je te
parle, un Rhodien, un petit jeune.
forte habui scortum: coepit ad id
adludere
Il se trouve que j'avais une pute.
Il se met à jouer avec
1 forte habvi
scortvm uide quemadmodum miles, dum uult ad dictum suum
peruenire, fateatur interim quam contemptus sit atque
derisus. 2 Abdomen in corpore
feminarum patiens iniuriae coitus scortum dicitur, ideo quia scorta sunt dura
coria. a parte ergo sui meretrices scorta dicuntur. 3 Vel ἀπὸ
τοῦ σκαίρειν, quod Graece palpitare intellegitur, quod
illae faciunt saltando assidue uel potius crissando, ut Lucretius
ait ob eam causam, ut concinniorem uenerem exhibeant uiris aut
sibi abigant conceptum, quod in uuluam feminae in ipso coitu non
se mouentis incidit.
1 forte habvi
scortvm voyez comment le soldat, en voulant parvenir à
dire son bon mot, avoue entre temps combien il est méprisé et
raillé. 2 on appelle scortum le ventre sur
le corps des femmes quand il endure de façon habituelle la
blessure du coït, pour la raison que scortum signifie cuirs durs. C'est de
cette partie de leur anatomie que l'on tire le nom des
courtisanes : scorta. 3 Autre étymologie possible: le mot vient du verbe
σκαίρειν
(ἀπὸ τοῦ
σκαίρειν), qui signifie en Grec palpiter, chose qu'elle
font en dansant sans cesse ou plutôt en se tortillant, comme le
dit Lucrèce, pour cette raison qu'elles exhibent ainsi aux yeux
des hommes une anatomie plus propre aux plaisirs de Vénus ou se
détournent du liquide de la conception parce que celui-ci pénètre
dans la vulve de la femme si dans le coït elle ne bouge pas.
et me inridere. « quid ais » inquam
homini « inpudens?
et à me moquer. « Qu'est-ce que tu
racontes, je dis au type, espèce de mal embouché,
lepus tute es et pulpamentum
quaeris »?. Gn.-hahahe383.
t'es un chaud lapin et tu veux
encore du râble » ? Gn.-Ah ! ah ! ah !
1 lepvs tvte es et
pvlpamentvm qvaeris lepus pro infamia ob multa ponitur: uel
quod magis a posteriore parte, hoc est armis, pulpamentum de se
praebeat, cum in conuiuio carpatur appositus, ut Horatius ait
«
fecundi leporis sapiens sectabitur
armos
205 »; uel quod uenantur illum et persectantur canes, quos
pro amatoribus ἀλληγορικῶς intellegimus, ut ipse
Terentius ait «
ceruam uidere fugere, sectari
canes
206 »; uel quod illum sic fugientem nos consectantur ut hunc
libido effeminata 32; uel quod a physicis dicatur incerti sexus
esse, hoc est modo mas modo femina. 2 lepvs tvte es et
pvlpamentvm qvaeris quod in te habes, hoc quaeris in
altero. et est τρόπος
ἀλληγορία. 3 hahahe hic parasitus et
interiectionem risus addidit, quo magis nunc primum hoc audisse
credatur.
1 lepvs tvte es et
pvlpamentvm qvaeris lepus est mis pour ses sens péjoratifs
pour de nombreuses raisons : soit parce que c'est plutôt à partir
de la partie postérieure, c'est-à-dire les rables, qu'il offre de
la viande, bien que dans un banquet on s'en saisisse apprêté,
comme le dit Horace « fecundi leporis sapiens sectabitur armos »
(l'homme de goût recherchera dans le lièvre fécond les râbles) ;
soit parce que c'est le lièvre que les chiens poursuivent et
chassent et que par les chiens nous comprenons allégoriquement
(ἀλληγορικῶς)
les amants, comme le dit Térence lui-même : « ceruam uidere
fugere, sectari canes » ; soit parce que, même s'il nous fuit, les
chiens le poursuivent comme il est poursuivi par son désir
efféminé ; soit parce que les naturalistes disent que le sexe du
lièvre est incertain, c'est-à-dire tantôt mâle, tantôt
femelle. 2 lepvs tvte es et pvlpamentvm qvaeris ce que
tu as en toi tu le cherches en autrui. et c'est la figure de
l'allégorie (τρόπος
ἀλληγορία). 3 hahahe ici le parasite ajoute
même une interjection exprimant le rire, afin de faire mieux
croire qu'il l'entend pour la première fois.
Thr.-quid est? Gn.-facete lepide
laute nil supra.
Thr.-Alors ? Gn.-Spirituel,
plaisant, magnifique, rien au-dessus.
1 qvid est
haec interrogatio gestum uultumque continet alacris cuiusdam et
certi, quod laudandus sit. 2 facete facetus est, qui
facit uerbis quod uult; lepide lepidus, qui politus est ut λεπίς, id est lamina;
lavte lautus, qui mundus et
splendidus.
1 qvid est
cette question contient la mimique et l'expression de visage de
quelqu'un qui est tout content et certain que l'on va faire son
éloge. 2 facete est facetus celui qui fait ce qu'il veut
avec les mots ; lepide
est lepidus, celui qui est poli comme une
λεπίς, c'est à
dire en grec une lame ; lavte est lautus, celui qui est soigné et
magnifiquement mis.
tuumne, obsecro384,
hoc dictum erat? uetus credidi.
Mais, s'il te plaît, il est bien de
toi, ce bon mot-là ? Je le croyais ancien.
1 tvvmne obsecro
hoc dictvm erat et dicta et prouerbia et adagiones, quae
ad rem agant
, facetis hominibus ascribuntur. 2 Et hoc laudis genus est ad potiores
referre, quod alter probatur dixisse. 3 vetvs
credidi quia omnia uetera magna sunt.
1 tvvmne obsecro
hoc dictvm erat les bons mots, les proverbes et les
adages, mot qui vient de ad rem
agere (conduire à une chose), sont attribués aux gens
d'esprit. 2 Et ce genre d'éloge
consiste à rapporter à de grands personnages ce qui de toute
évidence a été dit par l'autre241. 3 vetvs
credidi parce que toutes les choses anciennes sont
grandes.
Thr.-audieras? Gn.-saepe, et fertur
in primis. Thr.-meum est.
Thr.-Tu l'avais entendu ?
Gn.-Souvent, et on le met dans les premiers rangs. Thr.-Il est de
moi.
1 saepe et fertvr
in primis non ex ipso; nam erit contrarium
superiori. 2 mevm est non sensu modo, sed uerbis quoque
ipsis agreste est, quod nunc dicit meum est.
1 saepe et fertvr
in primis non de lui-même ; de fait ce serait contraire à
ce qui a été dit plus haut. 2 mevm est c'est non seulement le
sens, mais les mots eux-mêmes qui rendent rustique ce qu'il dit
maintenant meum
est.
Gn.-dolet dictum imprudenti
adulescenti et libero.
Gn.-C'est malheureux qu'il ait été
dit contre un étourdi jeune et comme il faut.
1 dolet dictvm
imprvdenti advlescenti et libero deest mihi ut sit:
dolet
mihi. — 2 Et
dictum
participium est, id est quod dixisti. — addidit
enim parasitus, quo grauius sit dictum, commiserationem eius, in
quem dictum est, utpote inprudentem adulescentem et liberum; scit
enim homines stultos malos uideri uelle. 3 Et uide parasitum in isdem uersari, cum
ait supra «
iugularas
207 », hic dolet
dictum. 4 inprvdenti cuius rei
inprudenti? scilicet qui minime crederet tali se percuti posse
conuitio aut cum tali uiro sibi rem futuram. 5 Et sic laudat militem, ut iam miseratione
dignus sit adulescens, tam festiua ui33 ut iam misereri inimicorum uacet.
1 dolet dictvm
imprvdenti advlescenti et libero il manque mihi pour avoir :
dolet
mihi. — 2 Et dictum est un participe, c'est-à-dire,
ce que tu as dit. — le parasite ajoute en effet pour accroître le
poids de ce qu'il dit, de la commisération envers celui contre
lequel il va parler, en le présentant comme un jeune homme
imprudent et comme il faut ; il sait en effet que ce sont les
imbéciles qui veulent passer pour des gens mauvais. 3 Et voyez le parasite se livrer au même
manège que quand il a dit plus haut « iugularas », en disant ici
dolet
dictum. 4 inprvdenti imprudent à quel
sujet ? sans doute parce qu'il ne croyait absolument pas pouvoir
être frappé d'une telle insulte ou qu'il aurait affaire à un
pareil individu. 5 Et il loue le
soldat de telle manière que le jeune homme paraît digne de pitié,
avec une violence si humoristique qu'on a désormais toute latitude
pour prendre en pitié ses adversaires.
Pa.-at te di perdant! Gn.-quid ille
quaeso? Thr.-perditus:
Pa.-Que les dieux te fassent
crever ! Gn.-Et lui ? je te prie. Thr.-Crevé.
1 at te di
perdant noue Parmeno non cum ipso, sed de ipso loquitur
non audiente. 2 Εἰρωνικῶς Parmeno hic
male facit: at te di
perdant inquit.
1 at te di
perdant de manière inédite Parménon ne parle pas avec lui,
mais de lui sans qu'il entende. 2 C'est de manière ironique (εἰρωνικῶς) que Parménon
agit mal ici : il dit at te di perdant.
risu omnes qui aderant emoriri.
denique
Tous les assistants avaient mouru
de rire. A la fin,
risv omnes qvi aderant emoriri disciplina
est comicis ut stultas sententias ita etiam uitiosa uerba
ascribere ridiculis imperitisque personis, ut Plautus «
ibus denumerem stipendium
208 » inquit ex persona militis. itaque hic emoriri dixit, at
uero Atticus adulescens in Heaut. «
emori cupio
209 ». uide igitur poetam pro loco ac tempore scire quid
dicat.
risv omnes qvi aderant emoriri c'est la
règle chez les auteurs comiques d'attribuer à la fois des phrases
stupides et en même temps des énoncés fautifs aux personnages
ridicules et incultes, comme Plaute fait dire « ibus denumerem
stipendium » (pour y payer la solde à eux) au personnage du
soldat. C'est la raison pour laquelle il dit ici emoriri, alors que le
jeune homme de l'Attique dans L'Héautontimorouménos
dit « emori cupio » (je veux mourir). Voyez donc que le poète sait
ce qu'il dit en fonction du lieu et du moment.
metuebant omnes iam me. Gn.-non
iniuria385.
depuis, ils avaient tous peur de
moi. Gn.-Ils n'avaient pas tort.
1 metvebant omnes
iam me ne cui dicerem «
lepus tute es et pulpamentum
quaeris?
210 » aut «
eone es ferox, quia habes imperium in
beluas?
211 ». 2 non inivria hoc sic pronuntia, quemadmodum
illud supra «
quid ni esset?
212 ».
1 metvebant omnes
iam me que je dise à quelqu'un « lepus tute es et
pulpamentum quaeris ? » ou bien « eone es ferox, quia habes
imperium in beluas ? ». 2 non inivria prononcez cela de
la même manière que cette phrase plus haut « quid ni
esset ? ».
Thr.-sed heus tu, purgon ego me de
ista386 Thaidi,
Thr.-Mais, toi, au fait, me
justifierai-je au sujet de la fille, auprès de Thaïs
pvrgon ego me de ista thaidi οἰκονομία ad litem
futuram inter militem et Thaidem.
pvrgon ego me de ista thaidi agencement
(οἰκονομία) qui
prépare à l'affrontement qui va avoir lieu entre le soldat et
Thaïs.
quod eam me amare suspicatur387? Gn.-nil minus.
qui me soupçonne d'en être
amoureux ? Gn.-Pas le moins du monde.
qvod eam me amare svspicatvr quia apparet
illam militi quoque κατὰ
τὸ σιωπώμενον ostendisse, quod dixit Phaedriae.
qvod eam me amare svspicatvr parce qu'il est
bien clair qu'elle a montré au soldat a silentio (κατὰ τὸ σιωπώμενον), ce
qu'elle a dit à Phédria.
immo auge magis suspicionem.
Thr.-cur? Gn.-rogas?
Au contraire accrois son soupçon.
Thr.-Pourquoi ? Gn.-Cette demande !
immo avge magis svspicionem haec erit causa
reiciendi militis.
immo avge magis svspicionem ce sera la
raison qui fera rejeter le soldat.
scin, siquando illa mentionem
Phaedriae
Tu sais, si un jour elle fait
mention de Phédria,
1 scin
siqvando monentis est dicere scin uel scito. 2 siqvando illa
mentionem siquando et prima syllaba acui potest et
media, tamen uariet sententiam.
1 scin
siqvando c'est le propre de quelqu'un qui avertit que de
dire scin
ou scito. 2 siqvando illa
mentionem suivant que dans siquando on accentue la première syllabe
ou la syllabe médiane, le sens est changé.
facit aut si laudat, te ut male
urat? Thr.-sentio.
ou si elle fait son éloge, pour te
chauffer méchamment... Thr.-Je comprends.
Gn.-id ut ne fiat haec res sola est
remedio:
Gn.-Pour éviter cela, voici le seul
remède.
1 id vt ne
fiat modo ne non significat. 2 haec res sola
est remedio si te suspicetur amare Pamphilam.
1 id vt ne
fiat quelquefois ne veut dire non. 2 haec res sola
est remedio si elle te soupçonne d'aimer Pamphila.
ubi nominabit Phaedriam tu
Pamphilam
Dès qu'elle dira : « Phédria »,
riposte « Pamphila »
1 vbi nominabit
phaedriam et locum et tempus significat ubi. 2 tv pamphilam
continvo hic magna οἰκονομία est, qua Terentius praeparat,
quemadmodum iurgium inter Thaidem militemque et Gnathonem per duas
partes serpat fabulae. 3 Et bene
continuo,
ut intellegat meretrix non tam Pamphilam amari quam sibi uicem
dari.
1 vbi nominabit
phaedriam ubi s'applique à la fois au lieu et au
temps. 2 tv pamphilam continvo il y a ici un grand
agencement (οἰκονομία), grâce auquel Térence prépare
la façon dont la querelle entre Thaïs, le soldat et Gnathon va
s'insinuer dans deux actes de la pièce. 3 Et continuo est bien trouvé, afin que la
courtisane comprenne que ce n'est pas tant Pamphila qui est aimée
qu'elle qui reçoit la monnaie de sa pièce.
continuo; siquando illa dicet
« Phaedriam
aussitôt. S'il lui arrive de dire :
« Phédria,
pamphilam cantatvm provocemvs eleganter,
quia ille foris est, haec intus, illum intromittamus, hanc
prouocemus: haec est in uerbis poetae
germana proprietas.
pamphilam cantatvm provocemvs c'est avec
élégance, parce qu'il est dehors et elle dedans, qu'il dit pour
lui intromittamus, pour elle prouocemus : c'est là
user dans les mots employés par le poète de deux expressions
parfaitement propres.
intro mittamus comissatum »,
Pamphilam
envoyons-le chercher pour souper »,
dis, toi : « Pamphila
cantatum prouocemus; si laudabit
haec
appelons-la pour qu'elle nous joue
quelque chose ». Si elle vante
illius formam, tu huius contra.
denique
la beauté de l'autre, toi de ton
côté vante celle de la petite. Bref,
tv hvivs contra hoc contra uicem
significat.
tv hvivs contra ce contra signifie en
retour.
par pro pari referto quod eam
mordeat.
rends-lui coup pour coup et que ça
la pique.
1 qvod eam
mordeat quod par. 2 An
absolute quod quae res?
1 qvod eam
mordeat quod a pour antécédent par. 2 Ou faut-il construire absolument : quod équivaut à
quae res
(quelle chose) ?
Thr.-siquidem me amaret, tum istuc
prodesset, Gnatho.
Thr.-Si seulement elle m'aimait,
alors ça pourrait servir, Gnathon.
1 siqvidem me
amaret tvm istvc prodesset gnatho hic uersiculus personam
militis et Gnathonis continens pro oeconomia inducitur, qua
uerisimile fit facile militem ferre posse anteponi sibi Phaedriam,
qui se semper intellexerit non amari. nam si hoc tollas, aut
excludendus est Phaedria aut ex dolore militis in hac fabula fit
exitus tragicus. 2 Et hoc miles
ut sapiens locutus est. ergo meminisse conuenit ridiculas personas
non omnino stultas et excordes induci a poetis comicis, nam nulla
delectatio est, ubi omnino qui deluditur nihil sapit. 3 Stultitia autem est in his quattuor modis:
aut non uenire in mentem quod oportet aut si uenerit non tenere
aut bonum consilium non admittere aut malum admittere. uide ergo,
ut hoc, quod commode miles uiderat, non tenuerit totumque
amiserit. hoc autem idcirco interposuit poeta, ut ostenderet, quid
ueneni haberet assentatio, per quam non modo errantes decipiuntur
ac praecipites eunt, uerum etiam sapientes interdum sanique
euertuntur.
1 siqvidem me
amaret tvm istvc prodesset gnatho ce petit vers qui
contient une présentation du personnage du soldat et de celui de
Gnathon est introduit pour servir de préparation, qui rend
vraisemblable le fait que le soldat puisse supporter qu'on lui
préfère Phédria, vu qu'il a compris dès le début qu'il n'était pas
aimé. De fait, si l'on enlève ce passage, ou bien il faut que
Phédria soit mis à la porte, ou bien que la douleur du soldat ne
donne à cette pièce un dénouement de tragédie. 2 Et cela est dit par le soldat comme s'il était
intelligent. Il convient donc de se souvenir que les personnages
ridicules ne sont pas toujours représentés par les poètes comiques
comme des idiots sans cervelle ; de fait, il n'est nul plaisir
quand celui dont on se joue n'a absolument aucune forme
d'intelligence. 3 Or il y a quatre
manières d'être stupide : ou bien ne vient pas à l'esprit ce qui
le devrait, ou bien si cela vient on ne le retient pas, ou bien
encore on n'accepte pas un bon conseil, ou bien on en accepte un
mauvais. Voyez donc comment le soldat n'a pas conservé mais bel et
bien totalement perdu ce dont il avait bien vu que c'était son
intérêt. De plus, le poète a inséré cet épisode pour montrer quel
poison il y a dans la flatterie, par laquelle non seulement ceux
qui se trompent sont abusés et se précipitent à leur ruine, mais
par laquelle également des gens intelligents et sains d'esprit
sont réduits à néant.
Gn.-quando illud quod tu das
exspectat atque amat,
Gn.-Puisque, ce que tu donnes, elle
l'attend et elle l'aime,
qvando illvd qvod tv das exspectat hac
sententia tollitur militi quod recte senserat, nec persuadetur
tamen quod ametur ab amica.
qvando illvd qvod tv das exspectat par cette
phrase le soldat se voit enlever le sentiment juste qu'il avait eu
sans pour autant qu'il soit persuadé qu'il est aimé par sa
maîtresse.
iamdudum te amat, iamdudum illi
facile fit
c'est que depuis longtemps c'est
toi qu'elle aime ; depuis longtemps avec elle c'est facile
iamdvdvm te amat iamdudum uel
nimium et
ualde uel
iampridem.
iamdvdvm te amat iamdudum peut
signifier nimium (trop) et ualde (extrêmement)
ou aussi bien iampridem (depuis longtemps).
quod doleat; metuit semper quem
ipsa nunc capit
de lui faire mal. Elle craint
toujours que ce qu'elle reçoit à présent,
1 qvod
doleat hoc ad illud refertur, quod supra dixit «
par pari34 referto, quod eam mordeat
213 ». 2 metvit ne qvando iratvs tvte alio conferas
et hic locum pro persona posuit, ne diceret ad aliam.
1 qvod
doleat cela se rapporte à ce qu'il a dit plus haut « par
pari referto, quod eam mordeat ». 2 metvit ne qvando
iratvs tvte alio conferas ici aussi il a mis le lieu pour
la personne afin de ne pas dire ad aliam.
fructum nequando iratus tu alio
conferas.
le profit, tu n'ailles dans ta
colère le porter ailleurs.
Thr.-bene dixti, at388 mihi istuc non in mentem uenerat.
Thr.-Tu as bien parlé ; mais cela
ne m'était pas venu à l'esprit.
at mihi istvc non in mentem venerat sic
pronuntiandum est, quasi militi monstri simile uideatur sapiens
dictum alii prius uenisse in mentem quam sibi.
at mihi istvc non in mentem venerat il faut
prononcer comme si c'était pour le soldat l'équivalent d'un
prodige que de voir une parole sage venir à l'esprit d'un autre
avant lui.
Gn.-ridiculum; non enim cogitaras.
ceterum
Gn.-Tu veux rire, c'est que tu n'y
avais pas pensé ; d'ailleurs
1 ridicvlvm uel dictum uel hominem significamus. 2 cetervm hoc tv
melivs qvanto invenisses thraso scilicet si
cogitasses.
1 ridicvlvm nous pouvons le faire porter soit
sur dictum
soit sur hominem. 2 cetervm hoc tv
melivs qvanto invenisses thraso évidemment si tu avais
réfléchi.
idem hoc tute melius quanto
inuenisses, Thraso!
ce truc là, toi-même, et encore
mieux tu l'aurais trouvé, Thrason.
scaena altera
Gnatho Thraso Parmeno Thais
454 | 455 | 456 | 457 | 458 | 459 | 460 | 461 | 462 | 463 | 464 | 465 | 466 | 467 | 468 | 469 | 470 | 471 | 472 | 473 | 474 | 475 | 476 | 477 | 478 | 479 | 480 | 481 | 482 | 483 | 484 | 485 | 486 | 487 | 488 | 489 | 490 | 491 | 492 | 493 | 494 | 495 | 496 | 497 | 498 | 499 | 500 | 501 | 502 | 503 | 504 | 505 | 506
Th.-Audire uocem uisa sum modo
militis.
Th.-Il m'a semblé entendre à
l'instant la voix du soldat.
1 avdire vocem
visa svm modo militis hic inducitur multiplex concursus
dissimilium personarum et tamen uirtute et consilio poetae
discretarum, ut confusio nulla sit facta sermonis. simul etiam pro
se cuique accommodata mire repraesentatur oratio. 2 avdire vocem
visa svm modo militis omnes sensus uisa dicuntur ab eo
quod est certissimum oculorum. ergo uisa sum sensi, ut «
uisaeque canes ululare per umbram
aduentante dea
214 ».
1 avdire vocem
visa svm modo militis ici on représente l'arrivée subite
de plusieurs personnage différents et cependant distincts par la
qualité et l'intelligence du poète en sorte qu'il n'y ait aucune
confusion dans les paroles. En même temps également le discours
présenté est admirablement adapté à chacun des
personnages. 2 avdire vocem visa svm modo militis toutes
les sensations sont exprimées par des notations de vue à partir de
ce qui est la perception la plus certaine, celle des yeux. Donc
uisa sum
équivaut à sensi (j'ai perçu), comme « uisaeque
canes ululare per umbram aduentante dea » (on a perçu l'aboiement
des chiennes à travers l'ombre à l'arrivée de la déesse).
atque eccum. salue, mi Thraso.
Thr.-o Thais mea,
Effectivement le voici. Bonjour,
mon cher Thrason. Thr.-O Thaïs, ma Thaïs,
salve mi thraso quia secum, militis, quia apud
illum, Thraso: est nomen honestum, sicut orator
philosophus, est quoddam nomen offensum, ut miles lanarius.
salve mi thraso parce qu'elle se parle à
elle-même elle dit militis, parce qu'elle lui parle à lui
Thraso :
il existe des noms de métiers honnêtes comme orateur, philosophe,
il en existe certains qui sont déshonorants comme soldat,
cardeur.
meum sauium, quid agitur? ecquid
nos amas
mon câlinou. Que fait-on ? Est-ce
que tu nous aimes un peu
1 mevm
savivm tria sunt: osculum, basium, sauium. oscula
officiorum sunt, basia pudicorum affectuum, sauia libidinum uel
amorum. 2 mevm savivm cum oscularetur,
dixit. 3 qvid agitvr et hoc blandimenti genus post
osculum, sed duri et agrestis est. 4 ecqvid nos
amas ecquid aliquantumne significat, et ideo
illa plurimum recitat. Cicero in Catilinam
«
quid est? ecquid attendis? ecquid
animaduertis horum silentium?
215 ».
1 mevm
savivm il y a trois choses : le baiser, l'étreinte, le
câlin. Le baiser relève du devoir social, l'étreinte de sentiments
pleins de pudeur, les câlins du désir ou de l'amour242. 2 mevm savivm il dit cela en
l'embrassant. 3 qvid agitvr c'est là également une manière
de douceur après le baiser, mais qui appartient à un homme fruste
et sans éducation. 4 ecqvid nos amas ecquid signifie
est-ce que.. un petit peu, et c'est pour cela qu'elle réplique
plurimum
(énormément). Cicéron dans les Catilinaires « quid est ? ecquid
attendis ? ecquid animaduertis horum silentium ? » (qu'est-ce ?
est-ce que tu entends quelque chose ? est-ce que tu te rends
compte un peu de leur silence ?)
de fidicina istac? Pa.-quam
uenuste! quod dedit
pour cette joueuse de cithare ?
Pa.-Que c'est galant ! Qu'est-ce qu'il nous donne
1 de fidicina
istac de propter, ut sit: propter
fidicinam. 2 Et uide non
puellam
sed fidicinam quasi ab amatore dictam et eo
amatore, qui quasi memor sit artis, qua delectatur, et quia puella
sit aemula meretricis. nam meretricum est fidicinam
esse. 3 qvam venvste qvod dedit principivm bene
reprehendit Parmeno, nam in beneficiis decet obliuisci qui dedit
et meminisse qui accepit. et est grauis εἰρωνεία quam uenuste.
1 de fidicina
istac de équivaut à propter (à cause de),
pour donner : propter fidicinam (à cause de la joueuse de
lyre). 2 Et voyez qu'il ne dit pas
puella
(jeune fille), mais fidicina comme si c'était un amant qui
parlait et qu'il se souvînt de l'art qu'elle exerce et qui le
charme, et parce que la jeune fille serait ainsi la rivale de la
courtisane. De fait être joueuse de lyre est une occupation de
courtisane. 3 qvam venvste qvod dedit principivm Parménon
fait bien de le reprendre car dans les bienfaits il convient
d'oublier celui qui donne et de se souvenir de celui qui reçoit.
Et il y a une lourde charge d'ironie (εἰρωνεία) dans quam uenuste.
principium adueniens! Th.-plurimum
merito tuo.
comme préambule, pour son arrivée !
Th.-C'est surtout parce que tu le vaux bien.
1 plvrimvm merito
tvo facete meretrix amorem suum non ad auaritiam rettulit,
sed ad officium, et cum de fidicina inquit te amem, tum praecipue
merito tuo. 2 Alii sic respondere
intellegunt, ut ipsa de fidicina gratias agat. nam cum ille
dixerit «
ecquid nos amas?
216 », illa respondit plurimum; quod autem «
de fidicina
217 » dixit ille, haec subiecit merito tuo, id est quoniam mereris dando
eam. 3 Sed melius est, ut praeter
munus dixerit meritum; quamquam multi meritum munus
intellegunt ipsum, ut est «
quique sui memores aliquos fecere
merendo
218 », id est gratos sibi reddidere munerando.
1 plvrimvm merito
tvo de manière amusante la courtisane ne rapporte pas son
amour à sa cupidité, mais à son devoir et elle dit s'il est vrai
que je t' aime à cause de la joueuse de lyre, il est encore plus
vrai que je t' aime pour ton mérite. 2 D'autres comprennent ainsi la réponse : elle
remercie vraiment pour la joueuse de lyre. De fait comme il a dit
« ecquid nos amas ? », elle a répondu plurimum ; comme il a
dit « de fidicina », elle ajoute merito tuo, c'est-à-dire puisqu'en la
donnant tu t'acquiers du mérite à mes yeux. 3 Mais la meilleure solution est qu'elle dit
meritum en
plus du présent ; pourtant beaucoup comprennent meritum comme
équivalent de présent, comme c'est le cas dans « quique sui
memores aliquos fecere merendo » (ceux qui, par leur mérite ont
laissé leur nom dans les mémoires), c'est-à-dire bien disposer les
autres à leur égard en faisant des présents.
Gn.-eamus ergo ad cenam. quid stas?
Pa.-em alterum:
Gn.-Alors, allons à table.
Qu'est-ce que tu restes là ? Pa.-Tiens, l'autre !
1 eamvs ergo ad
cenam decuit parasitum de cena etiam importune admonere
cum quadam ἐμφάσει uelut magnae rei. 2 em
altervm bene alterum, quia duo sunt. 3 em
altervm si hic, quomodo <supra> reprehenditur miles,
alterum
dictum, si
parasitus, alterum hominem. uult enim Parmeno et parasito
esse uersutior; et debent esse, qui peioris condicionis
sunt. 4 em altervm alterum non principium, sed absolute, ut
si dixisset alterum dictum uel alterum stultum.
1 eamvs ergo ad
cenam il appartient au personnage de parasite243 de revenir
sans cesse sur le repas de manière importune, avec une sorte
d'emphase (ἐμφάσει), comme s'il s'agissait d'une
chose importante. 2 em altervm alterum (l'autre) est
bien dit, car ils sont deux. 3 em
altervm si, dans cette réplique, c'est le soldat qui est
blâmé alterum renvoie à dictum, si c'est le
parasite alterum renvoie à hominem. En effet
Parménon veut être plus astucieux244 que le parasite
lui-même. Et c'est ce que doivent faire ceux qui sont d'assez
basse condition. 4 em altervm alterum n'est pas
employé comme premier membre d'une énumération (l'un), mais est
employé de façon autonome, comme si on disait une autre parole
ou un autre idiot.
ex homine hunc natum dicas? Th.-ubi
uis, non moror.
Il sort d'un être humain, celui-là,
dites ? Th.-Quand tu veux. Je me dépêche.
1 ex homine hvnc
natvm dicas recte reprehendit Parmeno duos, quorum munus
alter exprobrarat, alter cenam ita pro beneficio ostendit, tamquam
ad eam currendum sit. nam hoc significat
quid stas?
, quasi dicat
quid restas?
, quasi sit causa properandi. 2 <vbi vis>
non moror <ad> eamus ad cenam ubi uis, ad
quid stas
non
moror.
1 ex homine hvnc
natvm dicas Parménon a raison de critiquer les deux
hommes : il reproche à l'un son cadeau ; l'autre met en avant le
repas comme un bienfait tel qu'il faudrait presque y aller en
courant. Car quid stas ?
(pourquoi est-ce que tu ne bouges pas ?) équivaut à quid restas ? (pourquoi est-ce que tu
restes ici ?) : il est employé pour hâter le mouvement. 2 vbi vis
non moror à
allons prendre le repas répond quand tu veux, à
que ne bouges-tu
pas ? répond je ne vous retiens pas.
Pa.-adibo atque adsimulabo quasi
nunc exeam.
Pa.-Je vais les aborder et je vais
faire comme si je sortais tout juste.
qvasi nvnc exeam <mire nunc exeam >,
quippe qui dudum iam procul steterit.
qvasi nvnc exeam nunc exeam est
admirablement trouvé, car en fait il y a déjà longtemps qu'il a
pris position tout près.
ituran, Thais, quopiam es?
Th.-hem389 Parmeno:
Tu vas quelque part, Thaïs ?
Th.-Tiens, Parménon !
1 itvran thais
qvopiam es ut experiatur Thaidis animum, fingit nescire
quo eat. 2 hem parmeno uide deprehensam meretricem
uelle blandimentis satisfacere Parmenoni.
1 itvran thais
qvopiam es pour tester l'état d'esprit de Thaïs, il feint
de ne pas savoir où elle va. 2 hem
parmeno notez comment la courtisane prise sur le fait
veut, par des paroles caressantes, se racheter auprès de
Parménon.
bene pol390
fecisti; hodie itura... Pa.-quo? Th.-quid, hunc non uides?
Nom d'un chien, tu as bien fait ;
aujourd'hui je devais aller... Pa.-Où? Th.-Eh bien ! lui, tu ne le
vois pas ?
1 bene pol
fecisti quid bene fecit Parmeno? an quasi perturbata haec
loquitur et iam de nihilo blandiens, utpote meretrix et faceta? an
quod laeserit conuitio? 2 hodie dulciter additum
hodie cum
exceptione, quo significat non perpetuo obsecuturam militi, et ut
quae promiserit biduum tantum abfuturum Phaedriam. 3 qvid hvnc non
vides si dixerit militem, laedit praesentem, si
amicum,
laedit Parmenonem. mire igitur pronomen inuenit.
1 bene pol
fecisti en quoi Parménon a-t-il bien fait ? Est-ce parce
qu'elle est troublée qu'elle parle ainsi et qu'elle minaude
désormais sur n'importe quel sujet, en vraie courtisane et en
coquette245 ? Ou bien est-ce parce qu'elle aurait
pu le blesser par un reproche ? 2 hodie
avec douceur elle ajoute hodie qui apporte une restriction246 : elle sous-entend par là qu'elle n'entend
pas céder toujours aux volontés du soldat, et ce aussi parce
qu'elle a promis à Phédria qu'elle ne le tiendrait éloigné que
deux jours. 3 qvid hvnc non vides si elle avait dit
le soldat,
elle aurait forcément blessé son visiteur ; si elle avait
dit mon
ami, c'est Parménon qu'elle aurait blessé. C'est
pourquoi le pronom est une admirable trouvaille 247.
Pa.-uideo et me taedet. ubi uis,
dona adsunt tibi
Pa.-Je le vois, et ça me dégoûte.
Quand tu veux, il y a des cadeaux pour toi
1 video et me
taedet opportune Parmeno fatetur odium militis, ut
retundat ab eo amorem Thaidis. 2 vbivis dona
adsvnt nihil potuit exitiosius militi contingere, quam ut
continuo riualis mitteret munus et posterius et coram
ipso. 3 dona adsvnt tibi a phaedria cum illa sub
pronomine celauerit nomen militis, exacte Parmeno pronuntiauit a
Phaedria.
1 video et me
taedet Parménon proclame opportunément248 sa haine contre le
soldat : il veut en effet émousser l'amour de ce dernier envers
Thaïs. 2 vbivis dona adsvnt il n'aurait rien pu
trouver qui soit plus fatal au soldat : son rival envoie des
cadeaux à l'instant, continuera de le faire, qui plus est en sa
présence. 3 dona adsvnt tibi a phaedria alors qu'elle a
masqué le nom du soldat sous un pronom, Parménon, lui, indique
avec précision de la part de Phédria.
a Phaedria. Thr.-quid stamus? cur
non imus hinc?
de la part de Phédria.
Thr.-Qu'est-ce que nous restons là ? Pourquoi nous ne partons pas
d'ici ?
1 qvid
stamvs quid
stamus ad moram refertur. 2 cvr non imvs
hinc ubi seruus riualis est Parmeno. 3 qvid
stamvs his uerbis miles insulsus dolere se indicat.
1 qvid
stamus quid
stamus signale un retard. 2 cvr non imvs
hinc de là, c'est-à-dire où est l'esclave rival
Parménon. 3 qvid stamvs par ces mots le soldat imbécile
indique qu'il souffre.
Pa.-quaeso hercle ut liceat, pace
quod fiat tua,
Pa.-Je t'en prie, ma foi, qu'il
nous soit permis, et ce sans te fâcher,
1 pace qvod fiat
tva pace aut gratia aut uoluntate. et deest cum. 2 Et sic locutus est, quasi bellum omnibus
his uerbis indixerit. 3 pace qvod fiat tva dare hvic qvae
volvmvs convenire et colloqvi proprie, quia pax, datio, deditio, conuentio, colloquium militiae
uerba sunt. 4 Et
inuidiose, quasi per eum nec accipere liceat dona Thaidem.
1 pace qvod fiat
tva pace équivaut à gratia ou à
uoluntate ; et il manque cum. 2 Et tous ses mots font penser qu'une guerre a été
déclarée. 3 pace qvod fiat tva dare hvis qvae volvmvs convenire
et colloqvi il emploie les termes avec une grande
précision249, car pax, datio, deditio, conuentio, colloquium sont des
termes du vocabulaire militaire. 4 Et il dit cela avec animosité, comme si, par sa
faute, Thaïs n'avait plus le droit de recevoir de présents.
dare huic quae uolumus, conuenire
et colloqui.
de présenter à cette dame ce que
nous voulons, d'avoir une entrevue et des pourparlers avec
elle.
467 1 Et sic
pronuntiandum, ut subaudiatur uel, ut sit: uel dare uel conuenire et
colloqui. 2 <convenire et colloqvi>
ut in hostico solet. Sallustius «
quae pacta in conuentione non
praestitissent
219 »et alibi «
cuius aduersa