NCL

Aelii Donati in Eunuchum Terenti commentum

Praefatio

I
1 Haec masculini generis nomine nuncupata est Eunuchus fabula et est palliata Menandri uetus, quam ille auctor de facto adulescentis, qui se pro eunucho deduci ad meretricem passus est, nominauit. 2 Itaque ex magna parte motoria est. 3 Atque in hac comoedia qui personam Parmenonis actor sustinet primas habet partes, secundae sunt Chaereae, tertiae ad Phaedriam spectant. 4 Huius prologus sane est concitatior, nam et obicit crimina aduersantibus et comminatur in posterum et accusatorie narrat iniuriam Terentio factam et ad ultimum tumultuose et cum magna inuidia defendit poetam. haec et πρότασιν et ἐπίτασιν et καταστροφήν ita aequales habet, ut nusquam dicas longitudine operis Terentium delassatum dormitasse. 5 Actus sane implicatiores sunt in ea et qui non facile a parum doctis distingui possint, ideo quia tenendi spectatoris causa uult poeta noster omnes quinque actus uelut unum fieri, ne respiret quodammodo atque, distincta alicubi continuatione succedentium rerum, ante aulaea sublata fastidiosus spectator exsurgat. 6 Acta plane est ludis Megalensibus L. Lucio Postumio L. Lucio Cornelio aedilibus curulibus, agentibus etiam tunc personatis L. Lucio Minucio Prothymo L. Lucio Ambiuio Turpione, item modulante Flacco Claudi tibiis dextra et sinistra ob iocularia multa permixta grauitati. 7 1 et acta est tanto successu, plausu atque suffragio, ut rursus esset uendita et ageretur iterum pro noua proque ea pretium, quod nulli ante ipsam fabulae contigit, octo milibus sestertium, numerarent poetae. 8 Deuerbia in illa crebro pronuntiata et cantica saepe mutatis modis exhibita sunt. 9 Προτατικὸν πρόσωπον nusquam habet, sed suis tantum personis utitur. 10 In hac Terentius delectat facetiis, prodest exemplis et uitia hominum paulo mordacius quam in ceteris carpit. exempla autem hic morum trina praecipua proponuntur: urbani moris, parasitici, militaris. 11 Haec edita tertium est et pronuntiata Terenti Eunuchus quippe iam adulta commendatione poetae ac meritis ingenii notioribus populo. 12 Facta autem ex duabus Graecis una est Latina, nam ex Eunucho et Colace Menandri fabulis haec Eunuchus Terentiana scripta est, non sine crimine, quod multa in hanc translata sint ex multis poetis Latinis: quod totum per prologum purgat atque defendit.
1 Cette pièce a reçu le titre, au masculin, d'Eunuque ; c'est une ancienne palliata de Ménandre que cet auteur a intitulée d'après un fait98 qui concerne un jeune homme qui a accepté de se faire amener en qualité d'eunuque auprès d'une courtisane. 2 C'est pourquoi la pièce est pour une grande part du type mouvementé99. 3 Et, dans cette comédie, l'acteur qui joue Parménon a le premier rôle, le deuxième rôle est joué par Chéréa, le troisième concerne Phédria. 4 Le prologue de cette pièce est vraiment particulièrement animé ; de fait, d'un côté il fait des reproches à ses adversaires, d'un autre il les menace pour la suite ; c'est dans le style de l'accusation qu'il raconte l'injustice faite à Térence et, vers la fin, prend la défense du poète vivement et avec une grande agressivité. La pièce montre dans la protase, l'épitase et la catastrophe100 une si grande égalité que l'on pourrait dire que nulle part Térence, malgré la longueur de l'oeuvre, n'a éprouvé de fatigue ou s'est endormi101. 5 Les actes y sont particulièrement imbriqués et difficiles à séparer si l'on n'est pas tant soit peu spécialiste, parce que, pour tenir en haleine le spectateur, notre poète veut que les cinq actes n'en fassent pour ainsi dire qu'un, afin qu'il n'ait pas le temps de respirer et que, devant un enchaînement d'événements qui se succèdent avec de rares pauses ici ou là, le spectateur fatigué ne quitte pas le théâtre avant le lever de rideau102. 6 Elle fut jouée dans son intégralité aux Jeux Mégalésiens, quand Lucius Postumius et Lucius Cornelius étaient édiles curules ; les acteurs, encore masqués à l'époque103, étaient Lucius Minucius Prothymus104 et Lucius Ambivius Turpion, avec une musique de Flaccus, affranchi de Claudius, sur une flûte à deux tuyaux droit et gauche, à cause du mélange fréquent de ton plaisant et de ton grave. 7 Et elle fut jouée avec un tel succès, de tels applaudissements, de tels suffrages, qu'elle fut revendue et rejouée une deuxième fois comme une pièce inédite et valut au poète le prix, qu'aucune pièce n'avait atteint avant elle, de 8 000 sesterces. 8 Des extraits des dialogues de cette pièce furent fréquemment donnés105 et des cantica furent souvent réinterprétés et repris. 9 On n'y trouve nulle part de personnage protatique, mais Térence n'utilise que ses propres personnages. 9 Térence nous y délecte de plaisanteries, prodigue d'utiles préceptes, et croque les vices humains de façon plus mordante que dans les autres pièces. 10 Y sont proposés principalement trois types de caractères : le citadin, le parasite, le soldat. 11 Elle fut donnée la troisième106 et annoncée sous la forme “ Térence: L'Eunuque” du fait d'une plus grande reconnaissance du poète par le public et d'une meilleure notoriété de son génie107. 12 Mais la pièce unique en latin a été composée à partir de deux modèles grecs, puisque c'est à partir de L'Eunuque et du Flatteur de Ménandre que Térence a écrit L'Eunuque, non sans avoir encouru le reproche d'avoir emprunté de nombreux autres passages à de nombreux poètes latins, grief dont pendant tout le prologue il se justifie et se défend.

II
Rapta quaedam ex Attica uirgo nobilis atque aduecta est Rhodum ibique matri Thaidis meretricis ab amico dono data est et educta uelut soror cum filia est Thaide. sed Thais relicta matre Rhodo cum amatore quodam Athenas se contulit ab eoque heres instituta mortuo mox a milite Thrasone diligebatur nimis. qui cum matrem Athenis profectus Thaidis mortuam Rhodi et supradictam uirginem ab heredibus mortuae animaduertisset ueno esse propositam, quamuis ignarus rerum omnium emit tamen et dono amicae suae uexit Thaidi. uerum postquam adueniens riualem Phaedriam apud amicam repperit, quem per eius absentiam sibi meretrix conciliauerat, affirmauit se non ante daturum promissam uirginem, quam Thais foras aemulum pepulisset. illa igitur etsi amabat Phaedriam, cupiditate tamen recuperandae uirginis et ciuis Atticae et quam a paruula ut sororem dilexerat, exclusit Phaedriam. hinc ille primo irascitur, post accepta facti ratione a Thaide lenitur et in bidui spatium sponte concedens militi rus proficiscitur statim ac, ne uel muneribus ab aemulo superaretur milite, ipse quoque eunuchum et puellam Parmenoni iubet abiens ad amicam deducere. uerum Chaerea frater Phaedriae tunc ephebus uisa in uia uirgine inflammatus amore eius ad hoc euasit ardore uehementi, ut pro eunucho ipse deduceretur ad Thaidem. hac occasione uitiata uirgo et mox ciuis et nobilis cognita datur uxor Chaereae; Phaedria et miles ex riualibus concordes per parasitum redditi communi amica sine certamine potiuntur.
1 Une jeune fille noble a été enlevée et transportée d'Attique à Rhodes ; là elle est offerte en cadeau par un ami à la mère de Thaïs la courtisane ; cette mère l'élève avec sa fille Thaïs comme si elles étaient sœurs. Mais Thaïs, ayant laissé sa mère à Rhodes, s'est rendue à Athènes avec un amoureux et, après la mort de cet homme qui avait fait d'elle son héritière, le soldat Thrason lui faisait une cour très assidue. Ce dernier, après avoir quitté Athènes, apprit que la mère de Thaïs était morte à Rhodes et que la jeune fille dont j'ai parlé au début avait été mise en vente par les héritiers de la morte ; sans savoir les tenants et les aboutissants, il se porta néanmoins acquéreur de la jeune fille et la ramena pour en faire cadeau à son amie Thaïs. Mais là, à son arrivée, trouvant auprès de son amie un rival, Phédria, dont la courtisane, pendant son absence, s'était attiré les bonnes grâces, il affirme qu'il ne lui donnera la jeune fille promise que lorsque Thaïs aura mis à la porte son rival. Thaïs donc, malgré son amour pour Phédria, mue par son désir de récupérer la jeune fille, qui plus est citoyenne d'Athènes, et que, depuis son jeune âge, elle avait aimée comme une sœur, chasse Phédria. Celui-ci d'abord en conçoit du courroux ; mais ensuite, mis au courant des raisons, il se laisse fléchir par Thaïs et, laissant la place de son propre chef au soldat pour deux jours, il part aussitôt à la campagne et, pour éviter d'être surpassé en cadeaux par le soldat son rival, il ordonne à Parménon, au moment de partir, d'amener à son amie un eunuque et une fillette. Mais Chéréa, frère de Phédria et encore éphèbe, après avoir vu la jeune fille sur la route et en être tombé éperdument amoureux, en vient, en proie à une passion violente, à se faire passer pour l'eunuque pour être conduit auprès de Thaïs. A cette occasion, la jeune fille, après avoir été déshonorée, est bientôt reconnue citoyenne et noble et est donnée en mariage à Chéréa ; quant à Phédria et au soldat, de rivaux qu'ils étaient ils deviennent associés, grâce à l'entremise d'un parasite, et partagent conjointement leur maîtresse sans se battre.

III
1 In primo actu Phaedria exclusus a Thaide et secum primo et mox cum Parmenone conqueritur fortunas suas et ad postremum coram accusat Thaidem; permulcetur ab eadem et uoluntate digrediens rus sese concessurum in spatium bidui esse promittit. 2 Secundus actus profectionem Phaedriae continet delegantis seruo deductionem eunuchi et puellae ad Thaidem, tum parasitum loquentem, per quem uirgo a milite dono amicae missa est, tum interuentum Chaereae amantis uirginem eiusdemque cum Parmenone consilium de ea potiunda per fallaciam, quia pro eunucho ipse supponitur Thaidi. 3 Tertius actus characterem exprimit militis et parasiti per ridiculum colloquium, tum inuitationem ad cenam Thaidis, tum oblationem uelut eunuchi Chaereae et puellae ex Aethiopia per Parmenonem factam, tum uerba Chremetis ad Thaidem uenientis perductique ad militem2, Antiphonis Chaeraeque colloquium de uitiata per dolum uirgine. 4 In quarto actu Dorias nuntiat iurgium inter militem et Thaidem; 3 reditum ex uilla Phaedriae, querelam Pythiae de uitiata uirgine apud Phaedriam et eiusdem stupentis quod audiebat, errorem ebrii Chremetis, uerba petulantia Thaidis aduersum militem et militis aduersus Thaidem parata proelia ridiculeque deposita. 5 Quintus actus haec continet: querelam Thaidis de uitiata uirgine primo cum Pythia, post cum ipso Chaerea; tum interuentum Chremetis atque nutricis, tum perturbationem Parmenonis per dolum Pythiae atque eius indicio per senem, qui rure tunc aduenerat, confirmatas nuptias et ad ultimum reditum in gratiam militis cum Phaedria et Chaerea.
1 Dans l'Acte I, Phédria, chassé par Thaïs, s'apitoie d'abord sur lui-même, après se plaint à Parménon de son sort et enfin accuse ouvertement Thaïs ; il se fait amadouer par ladite Thaïs et, partant volontairement à la campagne, il promet de laisser la place pour deux jours. 2 L'Acte II contient le départ de Phédria qui confie à son esclave le soin d'amener à Thaïs un eunuque et une fille, puis le discours du parasite par qui la jeune sœur est envoyée en cadeau de la part du soldat, puis l'intervention de Chéréa, qui est amoureux de la jeune fille, et le plan du même parasite, aidé de Parménon, pour la posséder par ruse, puisque c'est Chéréa lui-même qu'on amène à Thaïs à la place de l' eunuque. 3 L'Acte III révèle les caractères du soldat et du parasite à travers une conversation comique, puis l'invitation à dîner de Thaïs, puis le cadeau du faux eunuque et de la petite Ethiopienne par Parménon, puis les paroles de Chrémès qui venait voir Thaïs et qui est amené au soldat, puis la conversation entre Antiphon et Chéréa au sujet de la jeune fille qu'un stratagème a permis de déshonorer. 4 Dans l'Acte IV, Dorias fait le récit de la dispute entre le soldat et Thaïs,... le retour de la campagne de Phédria, la plainte de Pythias auprès de Phédria au sujet de la jeune fille qui a été déshonorée puis celle de ce dernier stupéfait de cette nouvelle, puis l'erreur de Chrémès ivre, les paroles injurieuses de Thaïs à l'endroit du soldat et du soldat à l'endroit de Thaïs, dans un affrontement qui manque de tourner au pugilat mais qui tourne court par un procédé comique. 5 L'Acte V contient les événements suivants : plainte de Thaïs sur le viol de la jeune fille, d'abord à Pythias puis à Chéréa lui-même, puis intervention de Chrémès et de la nourrice, puis trouble de Parménon, suite au stratagème de Pythias, puis, après l'aveu de Parménon, confirmation par le vieux père, qui venait de rentrer de la campagne, du mariage et enfin réconciliation du soldat avec Phédria et Chéréa.

Prologus

1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 | 43 | 44 | 45

1
Si quisquam est qui placere studeat bonis
S'il est quelqu'un qui s'efforce de plaire aux honnêtes gens

1 si qvisqvam est qvi placere stvdeat bonis attendenda poetae copia, quod in tot prologis de eadem causa isdem fere sententiis uariis uerbis utitur. 2 bonis qvam plvrimis et minime mvltos laedere ἀντίθετον πρῶτον.
1 si qvisquam est qvi placere stvdeat bonis108 il faut remarquer l'abondance du poète parce que, dans de si nombreux prologues qui évoquent le même sujet avec pratiquement les mêmes opinions, il arrive à varier le choix des mots109. 2 bonis qvam plvrimis et minime mvltos laedere première antithèse (ἀντίθετον πρῶτον).

2
quam plurimis et minime multos laedere,
en plus grand nombre possible, et d'en choquer le moins possible,

3
in is poeta hic nomen profitetur suum.
c'est dans ce nombre que le poète inscrit son nom.

in his poeta hic nomen profitetvr svvm cum dixisset quisquam, intulit in his. et alibi «  cuius mos maxime est consimilis uestrum, hi se ad uos applicant 1 ».
in his poeta hic nomen profitetvr svvm après avoir écrit un singulier quisquam (quelqu'un), il met un pluriel in his (parmi eux) ; il le fait ailleurs aussi : « cuius mos maxime est consimilis uestrum, hi se ad uos applicant ».

4
tum si quis est qui dictum in se inclementius
Maintenant s'il y a un homme qui pense qu'en termes un peu rudes

1 tvm si qvis est bene si quis, cum Luscium Lanuuinum significet, ne uel ipsum a se laesum esse fateretur. 2 Et tvm praeterea, ut «  tum canit Hesperidum 2 ». 3 inclementivs pro inclementer, ut «  iam senior, sed cruda deo uiridisque senectus 3 ».
1 tvm si qvis est il fait bien de dire si quis, alors qu'il désigne Luscius Lanuvinus, pour éviter d'avouer que c'est lui personnellement qu'il a offensé. 2 Et tvm signifie praeterea (en outre), comme chez Virgile : « Tum canit Hesperidum… » (puis il chante la jeune fille admirant les pommes des Hespérides). 3 inclementivs comparatif pour le positif inclementer, comme chez Virgile : « iam senior, sed cruda deo uiridisque senectus » (il est vieux mais comme il sied à un dieu d'une vieillesse pleine de sang et de verdeur).

5
existimauit esse, sic existumet
on a parlé de lui, qu'il se dise bien

existimavit pro existimarit 4.
existimavit mis pour le subjonctif parfait existimarit.

6
responsum, non dictum esse, quia laesit prior.
que c'est une riposte, non une attaque, puisqu'il a blessé le premier.

1 responsvm non dictvm esse deest ei, ut in Phormione «  si quis quid reddit, magna habenda est gratia 4 ». 2 non dictvm esse superius «  dictum 5 » participium est5, inferius nomen, a quo etiam dicaces dicuntur, qui malignis iocosis salibus maledicunt. 3 responsvm non dictvm esse figura πλοκή, nam dictum bis numero positum supra nomen significat, infra participium, ut in Heautontimorumeno «  in quem quiduis harum rerum conuenit, quae sunt dicta in stultum 6 ».
1responsvm non dictvm esse il manque ei (pour lui), comme dans le Phormion : « siquis quid reddit magna habendast gratia ». 2 non dictvm esse plus haut « dictum » est un participe, plus bas c'est un nom, d'où dérive l'adjectif dicax (mordant) qui désigne ceux qui disent du mal des méchants dans des plaisanteries pleines de piquant. 3 responsvm non dictvm esse c'est la figure dite πλοκή (répétition) car dictum utilisé deux fois désigne un nom la première fois, un participe la seconde, comme dans L'Héautontimorouménos: in quem quiduis harum rerum conuenit quae sunt dicta in stultum110 (à moi convient tout ce qui dans ce domaine se dit à l'égard d'un sot111).

7
qui bene uertendo et easdem scribendo male
C'est lui qui, par une traduction exacte, mais mal écrite,

1 qvi bene vertendo bene pro ualde. 2 Et vertendo in Latinam linguam transferendo, ut «  Plautus uertit barbare 7 ». 3 Aut vertendo corrumpendo.
1 qvi bene vertendo bene est mis pour valde (vigoureusement). 2 Et vertendo veut dire ici en traduisant en latin, comme dans Plaute « Plautus uortit barbare » (Plaute a traduit en latin). 3 Ou alors vertendo veut dire ici corrumpendo (en abîmant)112.

8
ex Graecis bonis Latinas fecit non bonas,
a fait, à partir de bonnes pièces grecques, de mauvaises pièces latines.

9
idem Menandri Phasma nunc nuper dedit,
Il vient aussi de donner le Fantôme de Ménandre,

1 idem menandri ΦΑΣΜΑ 6 nvnc nvper dedit τὸ αὐτὸ7 apparet pronuntiatum, quasi hoc ipso admonuerit spectatorem, quam turpiter et imperite haec fabula scripta sit. 2 Et bene nvnc nvper , ut ex uicinitate facti ostendat nihil esse dicendum, quam displicuerit haec comoedia Luscii Lanuuini, propterea quod res recens sit et omnes meminerint. 3 phasma autem nomen fabulae Menandri est, in qua nouerca superducta adulescenti uirginem, quam ex uicino quodam conceperat, furtim eductam, cum haberet in latebris apud uicinum proximum, hoc modo secum habebat assidue nullo conscio: parietem, qui medius inter domum mariti ac uicini fuerat, ita perfodit, ut ipso transitu sacrum locum esse simularet eumque transitum intenderet sertis ac fronde felici rem diuinam saepe faciens et uocaret ad se uirginem. quod cum animaduertisset adulescens, primo aspectu pulchrae uirginis uelut numinis uisu perculsus exhorruit, unde fabulae Phasma nomen est; deinde paulatim re cognita exarsit in amorem puellae ita, ut remedium tantae cupiditatis nisi ex nuptiis non reperiretur. itaque ex commodo matris ac uirginis et ex uoto amatoris consensuque patris nuptiarum celebritate finem accipit fabula. 4 Vtrum ergo hoc dicat, quod totam fabulam transferendo laeserit Luscius Lanuuinus, an non hoc, de quo tantum reprehendat, sed his signis uelit ostendere, quem dicat uitiose Thesaurum composuisse, ut in Thesauro sit culpa, non in Phasmate? 5 nvnc nvper nuper ex illis uerbis est, quae ueteres propter ambiguitatem cum adiectione proferebant; nam nisi adderet nunc, hoc nuper olim, pridem etiam significasset. 6 idem menandri phasma nvnc nvper dedit hanc fabulam totam damnat, ut apparet, silentio; Thesaurum uero non totum, sed ex uno loco.
1 idem menandri ΦΑΣΜΑ nvnc nvper dedit il est clair que le mot Phasma (τὸ αὐτό)113 est prononcé de manière à faire comprendre au spectateur combien le style de cette pièce est mauvais et fautif. 2 Et nvnc nvper est bon pour montrer qu'en raison de la proximité de l'événement il n'y a rien à ajouter pour dire combien la comédie de Luscius Lanuvinus a déplu, puisque la chose est récente et que tout le monde s'en souvient. 3 Le Fantôme (Phasma ) est le nom de la pièce de Ménandre dans laquelle une marâtre, entrée dans la famille d'un jeune homme, avait une fille qu'elle avait conçue d'un voisin et éduquée en cachette, et qu'elle côtoyait souvent de cette façon sans que personne le sache : elle avait fait percer le mur qui séparait la maison de son mari de celle du voisin, en faisant croire que le passage menait à un lieu sacré et elle ornait le passage de guirlandes et d'un épais feuillage en faisant de fréquents sacrifices et elle faisait venir à elle la jeune fille. Comme le jeune homme avait remarqué ce manège, la première fois qu'il vit la jolie jeune fille, il fut frappé comme à la vue d'une déesse et fut terrifié, d'où le nom de Fantôme qu'a pris la pièce ; puis, ayant petit à petit appris la vérité, il s'enflamma d'amour pour la jeune fille sans trouver d'autre solution à une telle passion que le mariage. Et c'est donc avec l'arrangement de la marâtre et de la jeune fille, avec la volonté expresse du jeune amoureux et avec l'assentiment paternel que la pièce se termine par la célébration du mariage114. 4 Veut-il donc dire que c'est en traduisant l'intégralité de la pièce que Luscius Lanuvinus lui a causé du tort ? N'est-ce pas plutôt ceci seulement qu'il lui reproche, tout en voulant faire comprendre par ces signes qui il désigne comme le mauvais auteur du Trésor, à savoir que c'est dans Le Trésor qu'il y a une faute, non dans Le Fantôme ? 5 nvnc nvper dedit nuper (récemment) fait partie de ces mots que les Anciens, pour éviter l'ambiguïté, accompagnaient d'un autre mot; car s'il n' ajoutait pas nunc (maintenant), nuper pourrait tout aussi bien signifier olim (un jour) ou pridem (autrefois). 6 idem menandri phasma nvnc nvper dedit il condamne la pièce en bloc, à ce qu'il semble, par son silence; Le Trésor en revanche, il la condamne non en bloc mais pour un passage précis115 .

10
atque in Thesauro scripsit causam dicere
et dans Le Trésor, il a écrit que celui qui plaide

1 atqve in thesavro scripsit cavsam dicere thesaurum Latini ueteres secundum Graecos sine N littera proferebant. 2 atqve in thesavro scripsit cavsam dicere arguit Terentius, quod Luscius Lanuuinus contra consuetudinem litigantium defensionem ante accusationem induxerit. huiusmodi enim est Luscii argumentum: adulescens, qui rem familiarem ad nequitiam prodegerat, seruulum mittit ad patris monumentum, quod senex sibi uiuus magnis opibus apparauerat, ut id aperiret illaturus epulas, quas pater post annum decimum cauerat inferri sibi. sed eum agrum, in quo monumentum erat, senex quidam auarus ab adulescente emerat. seruus ad aperiendum monumentum auxilio usus senis, thesaurum cum epistula ibidem repperit. senex thesaurum tamquam a se per tumultum hostilem illic defossum retinet et sibi uindicat. adulescens iudicem capit, apud quem prior senex, qui aurum retinet, causam suam sic agit «  Atheniense bellum, cum Rhodiensibus | quod fuerit, quid ego hic praedicem, quod tu scias? 8 » etc. quae contra naturam iurisque consuetudinem posita argumenta notat Terentius, quod ille ordo potior erat, ut adulescens prior proponeret causam, qui petitor inducitur.
1 atqve in thesavro scripsit cavsam dicere les Anciens, suivant en cela les Grecs, prononçaient thesaurus sans N116. 2 atqve in thesavro scripsit cavsam dicere Térence fait grief à Luscius Lanuvinus de ce que, contre l'usage judiciaire, il a mis la plaidoirie avant le réquisitoire. Car voici l'argument de la pièce de Luscius Lanuvinus : un jeune homme, qui avait gaspillé le patrimoine familial en débauches diverses, envoie un jeune esclave au caveau de son père, caveau que le vieillard s'était fait construire de son vivant à grands frais, pour qu'il l'ouvre et apporte le festin que le père avait veillé à ce qu'on lui apportât dix ans après 117. Mais le champ où se trouvait le caveau avait été acheté au jeune homme par un vieillard cupide. L'esclave demande de l'aide au vieillard pour ouvrir le caveau et là, trouve un trésor avec une lettre. Le vieillard garde le trésor au motif qu'il l'a enterré lui-même là-bas à la faveur d'une situation de guerre118 et le revendique pour sien. Le jeune homme va voir un juge auprès duquel le vieillard, qui garde l'or, plaide le premier sa cause de cette façon : « la guerre qui a opposé Athènes à Rhodes, pourquoi devrais-je en faire étalage ici, puisque tu la connais ? » etc. C'est contre la nature et l'usage juridique que les arguments sont mis, comme le note Térence, parce que l'ordre préférentiel était de faire plaider d'abord le jeune homme, qui se présente comme demandeur119.

11
prius unde petitur aurum qua re sit suum,
en premier est celui à qui on réclame l'or, pour dire pourquoi c'est le sien,

1 privs vnde petitvr avrvm unde a quo, ut Vergilius «  genus unde Latinum 9 ». 2 Nam possessorem fecit priorem agere quam petitorem, quod abhorret a consuetudine et iuris et litium.
1 privs vnde petitvr avrvm unde est mis pour a quo (de qui), comme chez Virgile : « genus unde Latinum » (de qui vient la race latine). 2 Car il a fait plaider le propriétaire avant le demandeur, ce qui va à l'encontre des usages et juridiques et judiciaires.

12
quam310 qui petit, unde is sit thensaurus sibi
avant celui qui le réclame pour expliquer comment le trésor est à lui

1 qvam ille deest dicat. 2 qvi petit ἀντὶ τοῦ petitor. 3 qvam ille qvi petit esset recta locutio, si diceret quam petitor em aut quam illum qui petit, sed quam ille maluit, ut subaudiamus causam dicat per ζεῦγμα a superiore figuratum.
1 qvam ille 120 il manque dicat. 2 qvi petit à la place de petitor (le demandeur). 3 qvam ille qvi petit l'expression serait correcte s'il disait quam petitorem ou quam illum qui petit à l'accusatif, mais il a préféré quam ille qui petit en sous-entendant causam dicat, par un zeugme modelé sur ce qui précède.

13
aut unde in patrium monumentum peruenerit.
et comment il s'est retrouvé dans le tombeau de son père.

14
dehinc ne frustretur ipse se aut sic cogitet
Et maintenant qu'il ne s'abuse pas et n'aille pas se dire :

1 dehinc si loquatur. 2 ne frvstretvr ipse se παρὰ προσδοκίαν dicitur, sed ἠθικῶς addidit. 3 avt sic cogitet si taceat.
1 dehinc au cas où il parle. 2 ne frvstretvr ipse se expression qui vient contre toute attente (παρὰ προσδοκίαν) mais qu'il ajoute pour accentuer le trait de caractère (ἠθικῶς). 3 avt sic cogitet au cas où il se taise.

15
« defunctus iam sum nihil311 est quod dicat mihi »:
« Désormais me voilà quitte, il n'a plus rien à me reprocher ».

1 defvnctvs iam svm id est: omni labore liberatus sum, auctoritate iam confirmata et inuiolabili. 2 defvnctvs iam svm id est: iam egi fabulas meas, aut: iam destiti periclitari in edendis comoediis, aut certe: iam edidi quam tu reprehendis fabulam. 3 defvnctvs iam svm σχῆμα διανοίας ∙ ἠθοποιΐα. 4 nihil est qvod dicat mihi non sit, inquit, de suis uitiis securus propter uetustatem: nihilominus a me reprehendetur.
1 defvnctvs iam svm c'est-à-dire "je suis libéré de tout souci", "mon autorité est renforcée et inviolable". 2 defvnctvs iam svm c'est-à-dire "j'ai désormais fini mes pièces" ou bien "j'ai désormais cessé de prendre des risques en faisant paraître des comédies" ou sûrement "j'ai déjà fait paraître la comédie que tu blâmes". 3 defvnctvs iam svm figure de pensée (σχῆμα διανοίας) : éthopée (ἠθοποιΐα). 4 nihil est qvod dicat mihi il ne devrait pas, veut dire Térence, avoir un sentiment d'impunité de ses fautes en raison de son grand âge : il n'en sera pas moins l'objet de reproches de ma part.

16
is ne erret moneo, et desinat lacessere.
Qu'il ne s'y trompe pas, je l'en avertis, et qu'il cesse son harcèlement.

is ne erret moneo σχῆμα ἐπιεικείας.
is ne erret moneo figure de modération121 (σχῆμα ἐπιεικείας).

17
habeo alia multa quae nunc condonabitur,
J'en ai bien d'autres, dont je lui ferai grâce pour l'instant,

habeo alia mvlta qvae nvnc condonabitvr sic in Phormione «  argentum quod habes condonamus te 10 ». nam dono ablatiuo casui iungebant ueteres, condono accusatiuo.
habeo alia mvlta qvae nvnc condonabitvr il dit de même dans le Phormion : « argentum quod habes condonamus te »122. De fait les Anciens construisaient dono avec l'ablatif et condono avec l'accusatif.

18
quae proferentur post si perget laedere
mais qui sortiront plus tard, s'il continue à me blesser

19
ita ut facere instituit. quam nunc acturi sumus
comme il a décidé de le faire. La pièce que nous allons jouer,

ita vt facere institvit 8.
ita vt facere institvit .

20
Menandri Eunuchum, postquam aediles emerunt,
L'Eunuque de Ménandre, ayant été achetée par les édiles,

postqvam aediles emervnt mire, cum ordo melior uideretur, si sic diceret postquam aediles emerunt quam nunc acturi sumus, perfecit ut inspiciundi esset copia. emerunt autem mediam corripe, ut «  matri longa decem tulerunt fastidia menses 11 ».
postqvam aediles emervnt étonnant, puisque l'ordre meilleur semble être postquam aediles emerunt quam nunc acturi sumus, perfecit ut inspiciundi esset copia (après que les édiles eurent acheté la pièce que nous allons jouer, il réussit à avoir la possibilité de la voir). emerunt il faut abréger la syllabe centrale, comme chez Virgile « matri longa decem tulerunt fastidia menses » (dix mois apportèrent à ta mère de longs ennuis123).

21
perfecit sibi ut inspiciundi esset copia.
il a si bien fait qu'il a obtenu la faveur de l'examiner.

perfecit mire, quasi difficile et illicitum.
perfecit remarquable, comme si cela avait été difficile et illicite.

22
magistratus quom ibi adesset occepta est agi.
Comme le magistrat était arrivé, on a commencé à jouer.

23
exclamat furem, non poetam fabulam
Il s'écrie au voleur, que ce n'est pas un poète qui donne

1 exclamat fvrem non poetam obliqua narratio facta est secundum casum accusatiuum9. 2 exclamat fvrem non poetam mire reprehendit ante uitium, quam de causa maledicti dicat. 3 exclamat fvrem non poetam adhuc nulla reprehensio, siquidem licet transferre de Graeco in Latinum.
1 exclamat fvrem non poetam discours indirect en raison de l'accusatif124. 2 exclamat fvrem non poetam étonnamment, il blâme le défaut avant de dire la raison de l'insulte. 3 exclamat fvrem non poetam il n'y a encore nul blâme, dès lors qu'on a le droit de traduire du grec en latin.

24
dedisse et nihil312 dedisse uerborum313 tamen:
une pièce, mais il n'a pas donné le change.

1 et nihil dedisse verborvm tamen aut neminem fefellisse aut nihil apposuisse de suo. 2 et nihil dedisse verborvm tamen dare uerba decipere est eum, qui cum rem exspectet, nihil inueniet praeter uerba. et alibi «  uerba istaec sunt 12 » et de contrario «  rem10 cum uideas, censeas 13 ». 3 An aliter: nihil addidisse de stilo suo Terentium?
1 et nihil dedisse verborvm tamen ou cela signifie qu'il n'a trompé personne ou qu'il n'a rien écrit de son fonds. 2 et nihil dedisse verborvm tamen dare uerba (payer de paroles) signifie tromper celui qui, alors qu'il s'attend à quelque chose de réel, ne trouvera que des paroles. De même ailleurs, « uerba istaec sunt » et pour le contraire « rem cum uideas censeas » (à voir la chose pour de vrai, on se rend compte125). 3 Ou est-ce cette autre interprétation : Térence n'a rien ajouté de sa propre main ?

25
Colacem esse Naeui, et Plauti ueterem fabulam;
Il existe, dit-il, un Flatteur de Naevius et de Plaute, une vieille pièce ;

26
parasiti personam inde ablatam et militis.
c'est là qu'il a pris le personnage du parasite et celui du soldat.

parasiti personam inde ablatam et hoc mire non uersus obicit sed personam esse translatam. quid stultius aut calumniosius dici potest?
parasiti personam inde ablatam là encore c'est étonnant : le reproche porte non sur les vers, mais sur la transposition d'un rôle. Que peut-on dire de plus sot ou de plus calomnieux ?

27
si id est peccatum, peccatum imprudentia est
S'il y a péché en cela, c'est péché par ignorance

1 peccatvm imprvdentia id est ignorantia, ut «  imprudens harum rerum 14 »; non enim stultitia. 2 si id est peccatvm peccatvm imprvdentia est poetae primo negat peccatum, dehinc concedit et purgat. 3 imprvdentia e. est ignorantiam, non imperitiam <significat>. 4 si id est peccatvm peccatvm πλοκή, nam superius peccatum nomen est, sequens participium. 5 Et primo negat peccatum, deinde si peccatum est, purgat id ipsum ueniali qualitate ab imprudentiae partibus.
1 peccatvm imprvdentia c'est-à-dire par ignorance, comme plus bas « imprudens harum rerum » ; car il ne s'agit pas de sottise. 2 si id est peccatvm peccatvm imprvdentia est poetae d'abord il nie la faute, ensuite il la concède et la justifie. 3 imprvdentia est signifie de l'ignorance, non de l'incompétence. 4 si id est peccatvm peccatvm figure dite πλοκή (répétition) car la première fois peccatum est un nom, la seconde un participe. 5 Et il commence par nier la faute, puis, si faute il y a, il la justifie en elle-même par son statut de faute vénielle sous couleur d'inconscience.

28
poetae, non quo furtum facere studuerit.
de la part du poète ; il n'a pas eu l'intention de commettre un vol :

29
id ita esse uos iam iudicare poteritis.
qu'il en est ainsi, vous pourrez tout à l'heure en juger par vous-mêmes.

30
Colax Menandri est: in ea est parasitus Colax
Le Flatteur est de Ménandre : il y a dans cette pièce, un parasite, le Flatteur,

31
et miles gloriosus: eas se non negat
et un soldat fanfaron. Ces personnages, il ne nie pas

32
personas transtulisse in Eunuchum suam
qu'il les a transportés dans son Eunuque

in evnvchvm svam ad fabulam, non ad hominem rettulit, ut «  Centauro inuehitur magna 15 ».
in evnvchvm svam se rapporte au titre de la pièce, non au personnage, comme chez Virgile « Centauro inuehitur magna » (il se porte sur le grand Centaure126 …).

33
ex Graeca; sed eas fabulas factas prius
depuis la pièce grecque ; mais que ces pièces aient déjà auparavant

34
Latinas scisse sese id uero pernegat.
été traduites en latin, il nie formellement l'avoir su.

35
quod si personis isdem huic uti non licet:
Et si se servir des mêmes personnages ne lui est pas permis,

36
qui mage licet currentem seruum scribere,
qui aura davantage la permission de mettre en scène un esclave qui court,

37
bonas matronas facere, meretrices malas,
de représenter de gentilles matrones, des courtisanes méchantes,

1 bonas matronas ut Nausistratam. 2 meretrices malas ut Thaidem atque Bacchidem. 3 bonas matronas facere meretrices malas sic est in Heautontimorumeno «  scortari crebro nolunt, nolunt crebro conuiuarier 16 ». 4 Et artificiose ostendit omnem materiam comicorum.
1 bonas matronas comme Nausistrata. 2 meretrices malas comme Thaïs et Bacchis. 3 bonas matronas facere meretrices malas il en va ainsi dans L'Héautontimorouménos : « scortari crebro nolunt, nolunt crebro conuiuarier » (ils ne veulent pas qu'on soit sans arrêt à courir la gueuse, sans arrêt à faire la bringue). 4 Et avec beaucoup d'art il montre tout l'attirail des auteurs comiques.

38
parasitum edacem, gloriosum militem,
un parasite glouton, un soldat fanfaron,

1 parasitvm ut Gnathonem. 2 gloriosvm militem ut Thrasonem. 3 gloriosvm militem facere subauditur.
1 parasitvm comme Gnathon. 2 gloriosvm militem comme Thrason. 3 gloriosvm militem facere (faire) est sous-entendu.

39
puerum supponi, falli per seruum senem,
un enfant qu'on échange, un vieillard qui se fait duper par un esclave,

falli per servvm senem ut Demeam et Simonem.
falli per servvm senem comme Deméa et Simon.

40
amare odisse suspicari? denique
l'amour, la haine, le soupçon ? Pour finir,

1 amare odisse svspicari mire a personis ad gesta cum uarietate transitum fecit; omne enim, quod in orationem uenit, uel persona uel factum est. 2 amare odisse quia odere non est Latinum11 infinitiuo modo.
1 amare odisse svspicari il passe remarquablement des personnages aux actions avec variation ; car tout ce qui vient dans le discours c'est un personnage ou un fait. 2 amare odisse de fait odere n'est pas latin à l'infinitif127 .

41
nullum est iam dictum quod non dictum sit prius.
rien ne se dit qui n'ait déjà été dit auparavant.

nvllvm est iam dictvm qvod non dictvm sit privs σχῆμα λόγου πλοκή, nam dictum bis positum, ut superius «  peccatum 17 », diuersa significat.
nvllvm est iam dictvm quod non sit dictvm privs128 figure de mots (σχῆμα λόγου) dite πλοκή (répétition) car dictum est mis deux fois, comme plus haut « peccatum », dans deux sens différents.

42
qua re aequum est uos cognoscere atque ignoscere
Donc l'équité veut que vous instruisiez l'affaire et que vous excusiez

aeqvvm est vos cognoscere atqve ignoscere σχῆμα λόγου παρόμοιον.
aeqvvm est vos cognoscere atqve ignoscere figure de mots (σχῆμα λόγου) dite paronomase (παρόμοιον).

43
quae ueteres factitarunt si faciunt noui.
que, ce que les Anciens ont toujours fait, les Modernes le fassent aussi.

qvae veteres factitarvnt si facivnt novi et uarie dixit factitarunt et faciunt et cum magna defensione Terentii semel facientis id, quod saepe ueteres.
qvae veteres factitarvnt si facivnt novi variation de temps entre factitarunt et faciunt, et avec beaucoup d'efficacité dans la défense de Térence, qui fait une fois ce que les Anciens ont fait souvent.

44
date operam, cum silentio animaduertite314,
Donnez-nous votre soutien, en silence soyez bien attentifs

animadvertite nos ἐλλειπτικῶς dicimus12 attendite, ueteres plene animum aduertite.
animadvertite nous, nous disons elliptiquement (ἐλλειπτικῶς) comme attendite (soyez attentifs), mais les Anciens utilisaient l'expression complète animum aduertite (ayez l'esprit attentif).

45
ut pernoscatis quid sibi Eunuchus uelit.
afin de bien saisir de quoi il s'agit dans L'Eunuque.

qvid sibi evnvchvs velit τῷ ἀττικισμῷ sibi, ut alibi «  nam pro deum atque hominum fidem, quid uis tibi aut quid quaeris 18 »?
qvid sibi evnvchvs velit sibi est un atticisme (τῷ ἀττικισμῷ), comme ailleurs : « nam pro deum atque hominum fidem, quid uis tibi aut quid quaeris ? » (car par les dieux et par les hommes, que veux-tu et que cherches-tu129 ?).

Actus primus

scaena prima

Phaedria Parmeno

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46
Ph.-Quid igitur faciam? non eam ne nunc quidem
Ph.-Que faire donc ? ne pas y aller, même à présent

1 qvid igitvr faciam in hac προτάσει exemplum proponitur, quam non suae potestatis sit qui amat, quam sapiat qui non amat neque aliter affectus est. 2 qvid igitvr faciam σχῆμα διανοίας ∙ διαλογισμός. et apparet multa tacitum cogitasse adulescentem et tandem in haec uerba erupisse. 3 igitvr pro deinde, ut Plautus in Amphitruone «  si aliter fuerint animati neque dent quae petat, sese igitur summa ui uirisque oppidum oppugnassere 19 ». 4 qvid igitvr faciam Menander ἀλλὰ τί ποιήσω; hinc Vergilius «  hem quid agam 20 ». 5 Et est διαλογισμός perditae mentis post multam frustra cogitationem. 6 qvid igitvr faciam non eam ne nvnc qvidem hoc uidetur non esse contrarium, sed est; nam dubitat, utrum meretricis satisfactionem exspectet an illam omnino non quaerat. 7 non eam ne nvnc qvidem non eam Probus distinguit; iungunt qui secundum Menandri exemplum legunt.
1 qvid igitvr faciam dans cette protase (πρότασις) est proposé un exemple qui montre à quel point l'amoureux n'est pas maître de lui, à quel point sage est celui qui n'est pas amoureux ni en proie à une autre passion. 2 qvid igitvr faciam figure de pensée (σχῆμα διανοίας) : dialogisme (διαλογισμός). Et il est clair que le jeune homme a beaucoup ressassé en silence et qu'enfin il explose dans cette réplique. 3 igitvr mis pour deinde (enfin) comme chez Plaute dans l'Amphitryon : « si aliter fuerint animati neque dent quae petat, sese igitur summa ui uirisque oppidum oppugnassere130 » (si au contraire ils ont un autre état d'esprit et lui refusent ce qu'il réclame, alors il attaquera leur ville avec toutes ses forces et tous ses hommes). 4 qvid igitvr faciam Ménandre dit de même :«  ἀλλὰ τί ποιήσω ; » d'où Virgile « hem quid agam » (hé! que faire ?). 5 Et c'est le dialogisme (διαλογισμός) d'un esprit éperdu après une longue et vaine réflexion. 6 qvid igitvr faciam non eam ne nvnc qvidem on a l'impression qu'il n'y a pas de contradiction, mais il y en a une ; car il hésite entre attendre une réparation de la part de la courtisane et ne pas du tout la réclamer131. 7 non eam ne nvnc qvidem Probus met une ponctuation après non eam ; ceux qui lisent l'exemple en suivant Ménandre ne ponctuent pas.

47
cum accersor ultro? an potius ita me comparem
que je suis convoqué de son fait ? Ne vaudrait-il pas mieux me préparer

comparem constituam, ut «  quam inique comparatum est 21 ».
comparem synonyme de constituam (je place), comme dans le Phormion : « quam inique comparatum est ».

48
non perpeti meretricum contumelias?
à ne plus supporter les affronts des courtisanes ?

non perpeti meretricvm contvmelias ἐν ἤθει. sic in Andria «  prius quam harum scelera et lacrimae confictae dolis 22 ». cum uni sit iratus, de omnibus queritur.
non perpeti meretricvm contvmelias c'est conforme au type du personnage (ἐν ἤθει). De même dans L'Andrienne : « prius quam harum scelera et lacrimae confictae dolis » : alors qu'il en veut à une seule, il se plaint de toutes132.

49
exclusit; reuocat: redeam? non si me obsecret.
Elle m'a flanqué dehors, elle me rappelle, j'y retournerais ? Non, dût-elle m'en supplier.

1 exclvsit revocat utrumque iniuriam fecit ex uerbo, dicendo et exclusit potius quam non admisit et reuocat potius quam petit ut redeam, quod erat moderatius. 2 redeam non si me obsecret uides ergo superiorem partem dubitationis in eo fuisse, ut rogatus rediret, inferiorem ut ne rogatus quidem. 3 non si me obsecret bene de ea, quae totum proterue agens exclusit et reuocat, non petat nec roget nec oret. sed obsecret inquit, quod horum omnium in maiorem partem est ultimum.
1 exclvsit revocat les deux verbes constituent une injure en parole, en préférant dire exclusit plutôt que non admisit (elle ne m'a pas reçu), et reuocat (elle me rappelle) plutôt que petit ut redeam (elle me prie de revenir), expressions plus modérées. 2 redeam non si me obsecret on voit donc que la première partie de son dilemme réside dans l'hésitation à revenir quand il y est invité, et la deuxième partie à revenir même s'il n'y est pas invité. 3 non si me obsecret c'est à juste titre que, à propos de celle qui, faisant tout avec brutalité, l'a laissé dehors et convoqué, il dit non pas petat, roget ou oret (enjoignait, demandait, priait), mais obsecret (suppliait), verbe qui, de toute la série, représente le point culminant.

50
Pa.-Si quidem hercle possis nihil prius neque fortius.
Pa.-Ma foi, si tu le peux rien de mieux ni de plus courageux.

1 si qvidem hercle possis διαλογισμός quasi ad alterum, ut «  nescis heu, perdita, nd. necdum L. Laomedonteae s. sentis p. periuria g. gentis ! 23 ». 2 nihil privs neqve fortivs deest est, ut «  multum ille et terris iactatus et alto 24 ». 3 Et prius modo ad laudem, non ad ordinem pertinet, ut Sallustius «  quae prima mortales ducunt 25 » et ipse in Heautontimorumeno «  et suauia quae essent prima habere 26 »13 ».
1 si qvidem hercle possis dialogisme133 (διαλογισμός), comme adressé à un interlocuteur, comme chez Virgile « nescis heu perdita necdum Laomedonteae sentis periuria gentis ? » (tu ignores, hélas !, pauvre folle, et tu ne sens pas encore les parjures de la race née de Laomédon ?). 2 nihil privs neqve fortivs il manque est (il y a) comme chez Virgile « multum ille et terris iactatus et alto » (longtemps ballotté et sur terre et sur mer). 3 et prius réfère seulement à l'éloge, non à la chronologie, comme chez Salluste « quae prima mortales ducunt » (que les hommes tiennent pour les plus importants) et Térence même dans L'Héautontimorouménos : « et suauia quae essent prima habere134 » (donner la première place aux plaisirs de l'instant).

51
uerum si incipies neque pertendes nauiter
Mais si tu commences et ne vas pas jusqu'au bout bravement,

naviter a naui ductum, a qua in alto nullum diuersorium est.
naviter vient de nauis (navire), parce que sur un bateau en haute mer il n'y a aucun gîte d'escale135.

52
atque, ubi pati non poteris, cum nemo expetet,
et si, quand tu n'en pourras plus, sans que personne te demande rien,

53
infecta pace ultro ad eam uenies indicans
sans avoir fait la paix, de ton propre chef tu viens la trouver, lui montrant

1 infecta pace ἔμφασις per μεταφοράν. 2 indicans te amare non uerbis sed factis indicans, ut alibi «  ibi tum exanimatus Pamphilus bene dissimulatum amorem et celatum indicat 27 ».
1 infecta pace emphase (ἔμφασις), par métaphore (μεταφορά). 2 indicans te amare en l'indiquant par des mots, non par des faits, comme ailleurs : « ibi tum exanimatus Pamphilus bene dissimulatum amorem et celatum indicat » (Alors là Pamphile éperdu révèle son amour, qu'il avait bien réussi à dissimuler et à cacher).

54
te amare et ferre non posse: actum est ilicet,
que tu es amoureux et que tu n'en peux plus, l'affaire est close, circulez,

1 actvm est de iure translatum, ilicet de iudicio, peristi de supplicio. 2 actvm est ad ultro ad eam uenies relatum est, ilicet ad indicans te amare, peristi ad ferre non posse. 3 ilicet semper in fine rei transactae ponitur.
1 actvm est se réfère au vocabulaire du droit, ilicet (qu'on se retire) à celui du tribunal, peristi (tu es mort) à l'exécution. 2 actvm est se rapporte à ultro ad eam uenies, ilicet (qu'on se retire) se rapporte à indicans te amare, peristi (tu es mort) se rapporte à ferre non posse. 3 ilicet formule habituelle qui marque la fin d'une transaction.

55
peristi; eludet ubi te uictum senserit.
tu es mort ; elle esquivera quand elle te verra vaincu.

1 peristi ὑπερβολή. 2 elvdet vbi te victvm senserit eludere proprie gladiatorum est, cum uicerint. Cicero «  quam diu etiam furor iste tuus eludet? 28 ». 3 eludere est finem ludo imponere.
1 peristi hyperbole (ὑπερβολή). 2 elvdet vbi te victvm senserit eludere (esquiver) est proprement un terme de gladiateurs, quand ils ont vaincu. Ainsi chez Cicéron « quam diu etiam iste tuus furor eludet » (combien de temps encore ta folie va-t-elle esquiver ?). 3 eludere c'est (étymologiquement) mettre fin à un jeu.

56
proin tu, dum est tempus, etiam atque etiam cogita,
Alors toi, tant qu'il en est temps, réfléchis encore et encore,

proin tv ut exin et exinde, sic proin et proinde dicebant.
proin tv comme on disait exin et exinde (ensuite) on disait proin et proinde (ainsi donc).

57
ere : quae res in se neque consilium neque modum
maître. Une chose qui n'a en soi ni raison ni mesure,

ere qvae res in se neqve consilivm neqve modvm habet vllvm concessum est in palliata poetis comicis seruos dominis sapientiores fingere, quod idem in togata non fere licet.
ere qvae res in se neqve consilivm neqve modvm habet vllvm il est autorisé aux poètes comiques, dans la palliata, de représenter des esclaves plus sages que leur maître, ce qui n'est pas permis ou presque dans la togata.

58
habet ullum eam consilio regere non potes.
tu ne peux la gouverner par raison.

eam consilio regere non potes nunc domino seruus est sapientior, sed amatore non amans, ut idem in Andria «  «  facile omnes, cum ualemus, recta consilia aegrotis damus 29 ».
eam consilio regere non potes là l'esclave est plus sage que son maître, mais c'est un homme qui n'est pas amoureux par rapport à un amoureux, comme dans L'Andrienne : « facile omnes cum ualemus recta consilia aegrotis damus ».

59
in amore haec omnia insunt uitia: iniuriae,
Dans l'amour, il y a tous les vices : insultes,

in amore haec omnia insvnt duae14 praepositiones in amore insunt.
in amore haec omnia insvnt remarquez la présence double de la préposition dans in amore insunt (en amour tout cela est enfermé136).

60
suspiciones, inimicitiae, indutiae,
soupçons, brouilles, trêve,

indvtiae indutiae sunt pax in paucos dies, uel quod in diem dentur uel quod in dies otium praebeant.
indvtiae indutiae paix pour quelques jours, ou parce qu'on la fixe pour un jour précis (in diem), ou parce qu'elle offre de la tranquillité pour quelques jours (in dies otium137 ).

61
bellum, pax rursum: incerta haec si tu postules
guerre et paix à nouveau ; ces choses incertaines, si tu prétends

1 pax rvrsvm bene, ut consolaretur, ultimam pacem posuit. 2 haec si tv postvles quasi dicat uelis uel coneris.
1 pax rvrsvm à juste titre, pour le rassurer, il a mis pax en dernier. 2 haec si tv postvles équivaut à uelis (si tu voulais) ou à coneris (si tu essayais).

62
ratione certa facere, nihilo plus agas
les fixer par la raison, tu ne feras pas plus

nihilo plvs agas id est: nihil agas.
nihilo plvs agas c'est-à-dire tu ne ferais rien.

63
quam si des operam ut cum ratione insanias.
que si tu t'efforçais de déraisonner raisonnablement.

64
et quod nunc tute tecum iratus cogitas
Et tout ce que maintenant tu penses en toi-même dans ta colère :

et qvod nvnc tvte tecvm iratvs cogitas pro quae, ut sit consequens «  haec uerba 30 ». sic et in Andria «  quod plerique omnes faciunt adulescentuli, horum ille nihil 31 ».
et qvod nvnc tvte tecvm iratvs cogitas il met quod au lieu du pluriel quae attendu pour l'accord avec «  haec uerba ». Même phénomène dans L'Andrienne : « quod plerique omnes faciunt adulescentuli, horum ille nihil ».

65
« egone illam, quae illum, quae me, quae non...! sine modo,
« Moi, chez elle, qui le... qui me... qui ne... ! Laisse tomber.

1 egone illam qvae illvm familiaris ἔλλειψις irascentibus; nam singula sic explentur: egone illam non ulciscar, quae illum recepit, quae me exclusit, quae non admisit. etenim nec15 necesse habet nec potest complere orationem, qui et secum loquitur et dolore uexatur. 2 Nam amat ἀποσιωπήσεις nimia indignatio, ut Vergilius «  quos ego...! sed motos praestat componere fluctus 32 ».
1 egone illam qvae illvm ellipse (ἔλλειψις) familière aux personnages en colère; car chaque segment se complète ainsi : egone illam non ulciscar ! (moi, ne pas me venger d'elle !) ; quae illum recepit (elle qui a reçu l'autre !), quae me exclusit (elle qui m'a éconduit !), quae non admisit (qui ne m'a pas laissé entrer !). Et de fait il n'a ni le besoin ni la faculté de compléter sa phrase celui qui monologue et souffre. 2 Car l'excès d'indignation raffole des aposiopèses (ἀποσιώπησις), comme chez Virgile « quos ego ! —sed motos praestat componere fluctus » (je vous… —Mais mieux vaut apaiser les flots tempêtueux).

66
mori me malim: sentiet qui uir siem »:
J'aimerais mieux mourir... Elle verra quel vrai homme je suis »,

67
haec uerba una mehercle falsa lacrimula
ces paroles ma foi, une seule larmette menteuse,

1 haec verba ἐμφατικῶς uerba dixit, quae scilicet nihil effectura sunt. 2 vna me hercle falsa lacrimvla expressio ad αὔξησιν ducens: et non uera sed falsa et non lacrima sed lacrimula et non ultro flens sed oculos terendo et non facile sed ui et non exstillauerit sed expresserit. hinc Vergilius «  captique dolis l. lacrimisque c. coactis 33 ».
1 haec verba il dit uerba de manière emphatique (ἐμφατικῶς) car à l'évidence ces mots ne seront pas suivis d'effets. 2 vna me hercle falsa lacrimvla l'expression amène à l'amplification (αὔξησις) : non pas uera (vraie) mais falsa (fausse); non pas lacrima (larme) mais lacrimula (larmette), non pas ultro flens (en pleurant spontanément) mais oculos terendo (en frottant ses yeux), non pas facile (facilement) mais ui (en se forçant), non pas exstillauerit (fondre en larmes) mais expresserit (arracher une larme)138. D'où chez Virgile « captique dolis lacrimisque coactis »(pris au piège de ruses et de larmes feintes).

68
quam oculos terendo misere uix ui expresserit,
qu'en se frottant les yeux, elle aura eu du mal à s'arracher,

qvam ocvlos terendo misere vix vi expresserit totum sensum uerbis significantibus protulit, ut «  stridenti miserum stipula disperdere carmen 34 » et «  una dolo diuum si femina uicta duorum est 35 ».
qvam ocvlos terendo misere vix vi expresserit il fait ressortir tout le sens avec des mots expressifs, comme Virgile « stridenti miserum stipula disperdere carmen » (exécuter un malheureux chant sur un pipeau strident) et « una dolo diuum si femina uicta duorum est » (si une femme seule a été vaincu par la ruse de deux divinités).

69
restinguet, et te ultro accusabit, et dabis
les éteindra. Et elle sera la première à t'accuser, et toi

70
ultro supplicium. Ph.-o indignum facinus! nunc ego
le premier à te faire punir. Ph.-O l'abominable forfait ! A présent, moi,

nvnc ego et illam scelestam nunc id est sero, ut Vergilius «  nunc scio, quid sit amor 36 » et «  nunc augur Apollo, nunc Lyciae sortes 37 ».
nvnc ego et illam scelestam nunc, c'est-à-dire tardivement, comme chez Virgile « nunc scio quid sit amor » (c'est à mon âge que j'apprends ce qu'est l'amour) et « nunc augur Apollo, nunc Lyciae sortes » (c'est seulement maintenant que l'augure Apollon, que les oracles lyciens <(…) lui apportent des ordres effrayants>).

71
et illam scelestam esse et me miserum sentio:
je sens bien que c'est une garce et que je suis malheureux.

72
et taedet et amore ardeo, et prudens sciens,
Ça me dégoûte et je brûle d'amour. Conscient, en toute connaissance de cause,

1 et prvdens prudens est qui intellegentia sua aliquid sentit, sciens qui alicuius indicio rem cognoscit. 2 Ergo prudens per se, sciens per alios.
1 et prvdens sciens est prudens celui qui pressent quelque chose grâce à sa propre intelligence, sciens (averti) celui qui apprend quelque chose grâce à une indication extérieure. 2 on est donc prudens (avisé) de soi-même, sciens (averti) par les autres.

73
uiuus uidensque pereo, nec quid agam scio.
vivant et clairvoyant, je meurs et ne sais que faire.

1 vivvs vidensqve pereo mire et noue uiuus pereo: et pereo sic dixit, ut intellegamus occidor, et uiuus quasi sapiens et sentiens. 2 vivvs vidensqve pereo bene addidit uidens, nam uiuus perit etiam qui dormiens opprimitur, uidens autem qui uigilans uim patitur, ut pereat. 3 Nam uidere pro uigilare posuit, ut etiam Vergilius, cum de Sileno dicit «  iamque uidenti sanguineis frontem moris et tempora pingit 38 ». 4 Ergo uiuus non mortuus, uidens non dormiens.
1 vivvs vidensqve pereo expression paradoxale et inédite uiuus pereo (je meurs vivant); et quand il dit pereo, nous devons comprendre occidor (je suis mis à mort), et, avec uiuus, nous devons comprendre sapiens (en connaissance de cause) et sentiens (en conscience). 2 vivvs vidensqve pereo bon ajout de uidens car meurt vivant même celui qui est frappé alors qu'il dort, mais meurt vigilant celui qui subit une violence en état de veille, jusqu'à périr. 3 Car uidere (voir) est mis pour uigilare (veiller), comme chez Virgile disant de Silène « iamque uidenti sanguineis frontem moris et tempora pingit » (alors qu'il s'éveille, elle lui barbouille le front et les tempes de mûres sanglantes). 4 Donc uiuus signifie qui n'est pas mort et uidens signifie qui n'est pas endormi.

74
Pa.-quid agas? nisi ut te redimas captum quam queas
Pa.-Que faire ? Rien d'autre pour un prisonnier comme toi que te racheter

1 captvm Sallustius «  sin captus prauis cupidinibus 39 ». 2 qvam qveas perseuerauit in translatione, quam iamdudum sumpsit a bello.
1 captvm Salluste « sin captus prauis cupidinibus » (mais si prisonnier de passions vicieuses…). 2 qvam qveas minimo il file la métaphore guerrière exprimée déjà ci-dessus .

75
minimo; si nequeas paullulo, at quanti queas;
à moindre coût ; et, si tu ne peux pas à bon marché, du moins au prix que tu pourras ;

76
et ne te adflictes. Ph.-itane suades? Pa.si sapis,
et ne pas te laisser abattre. Ph.-Est-ce là ce que tu me conseilles ? Pa.-Oui, si tu es sage.

si sapis id est si sapias; ad inferiora iungendum est, nam aliter non intellegitur.
si sapis c'est-à-dire si sapias (si tu étais sage) au subjonctif; il faut le subordonner à la suite, sinon cela n'a aucun sens.

77
neque praeter quam quas ipse amor molestias
Et aux peines que l'amour lui-même

78
habet addas, et illas quas habet recte feras.
comporte, n'ajoute rien ; et celles qu'il comporte, supporte-les droit dans tes bottes.

79
sed eccam ipsa egreditur, nostri fundi calamitas;
Mais la voici elle-même qui sort, cette grêle qui hache notre patrimoine :

nostri fvndi calamitas proprie. calamitatem rustici grandinem dicunt, quod comminuat calamum, id est culmum ac segetem.
nostri fvndi calamitas à prendre au sens propre : calamitas est le nom de la grêle chez les paysans, du fait qu'elle abîme le chaume (calamus), c'est-à-dire la paille, la moisson.

80
nam quod nos capere oportet haec intercipit.
ce que nous devrions récolter, c'est elle qui l'intercepte.

intercipit proprie intercipit quasi totum capit. Plautus in Aulularia «  quae sola interbibere, si uino scatat, Corinthiensem fontem Pirenem potest 40 ».
intercipit à prendre au sens propre: intercipit c'est comme totum capit (elle rafle tout). Voir Plaute dans L'Aululaire, « quae sola interbibere si uino scatat Corinthensem fontem Pirenem potest » (capable d'écluser toute seule, s'il en coulait du vin, la fontaine de Pirène à Corinthe139).

scaena altera

Phaedria Parmeno Thais

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81
Th.-Miseram me, uereor ne illud grauius Phaedria
Th.-Que je suis malheureuse ! J'ai peur que Phédria n'ait eu du mal

82
tulerit neue aliorsum atque ego feci acceperit,
à supporter et qu'il n'ait interprété à l'envers de ce que j'ai voulu,

neve aliorsvm < aliorsum > in aliam partem, ut seorsum et retrorsum dicitur.
neve aliorsvm aliorsum, en autre part, comme on dit seorsum (à part) et retrorsum (en arrière).

83
quod heri intromissus non est. Ph.-totus, Parmeno,
le fait qu'hier on ne l'ait pas laisser entrer. Ph.-Tout entier, Parménon,

qvod heri intromissvs non est haec lenius ut de facto suo loquens, <at ille dolens> «  exclusit, reuocat inquit, redeam? non, si me obsecret 41 ».
qvod heri intromissvs non est c'est la version atténuée, comme le fait quelqu'un qui parle de ses propres actes, des paroles de Phédria « exclusit reuocat redeam non si me obsecret ».

84
tremo horreoque, postquam aspexi hanc. Pa.-bono animo es:
je tremble, je frissonne depuis que je l'ai vue. Pa.-Remets-toi.

1 tremo horreoqve ex amore nimio. nimius ignis effectum frigoris reddit, ut ex frigore nimio effectus ignis exsistit, secundum illud quod physici aiunt ἀκρότητες ἰσότητες, hinc et Vergilius «  aut Boreae p. penetrabile f. frigus adu. adurat 42 » inquit. 2 tremo horreoqve postqvam aspexi hanc natura magni caloris etiam horrorem incutit, ut nimiae febres.
1 tremo horreoqve marques d'un excès d'amour. Un feu excessif fait sentir le froid comme un froid excessif fait éprouver l'effet du feu, selon la propriété que les physiciens décrivent par la formule ἀκρότητες ἰσότητες (les extrêmes s'équivalent). C'est pourquoi Virgile écrit « aut Boreae penetrabile frigus adurat » inquit. (<pour éviter> que le froid pénétrant de Borée ne le brûle). 2 tremo horreoqve postqvam aspexi hanc une grande chaleur aussi fait naturellement se dresser les poils, comme une grosse fièvre.

85
accede ad ignem hunc, iam calesces plus satis.
Approche-toi de ce feu, bientôt tu grilleras plus qu'il ne faut.

1 accede ad ignem hvnc aptius ignem meretricem accipiemus quam aram Apollinis Agyiei, uel quia amator uritur, ut «  at mihi sese offert ultro meus ignis Amyntas 43 », uel quia auida et auara est, ut ignis, alimentorum. 2 iam calesces plvs satis noue, id est aequo. et alibi «  quam ne quid in illum iratus plus satis faxit, pater 44 ». 3 iam calesces plvs satis noue, sed intellegitur plus satis quam horrueras. 4 Hoc quidam putant, at mihi uidetur de his esse, quae a ueteribus geminabantur ut «  plerique omnes 45 » id est omnes et «  pleraque omnia 46 » id est omnia. sic etiam plus satis pro satis.
1 accede ad ignem hvnc le feu dont il s'agit s'interprétera comme représentant la courtisane plus facilement140 que l'autel d'Apollon Agyée, soit parce que l'amoureux brûle, comme chez Virgile « at mihi sese offert ultro meus ignis Amyntas » (mais Amyntas l'objet de ma flamme s'offre de lui-même à moi), soit parce que Thaïs est avide et cupide, comme l'est le feu, de ses aliments. 2 iam calesces plvs satis formule inédite, qui s'interprète plus aequo (plus que de juste). De même ailleurs « quam ne quid in illum iratus plus satis faxit, pater » (que de voir mon père dans sa colère s'emporter contre lui plus que de raison). 3 iam calesces plvs satis formule inédite, mais qui s'interprète plus satis quam horrueras (tu auras plus chaud que tu n'avais frissonné). 4 c'est l'opinion de certains, mais je suis d'avis qu'il s'agit d'un de ces mots que les anciens utilisaient par couples, comme « plerique omnes » (trestous) c'est-à-dire omnes (tous) ou « pleraque omnia » (trestout) c'est-à-dire omnia (tout). De même plus satis (plus qu'assez) pour satis (141).

86
Th.-quis hic loquitur? ehem tun hic eras, mi Phaedria?
Th.-Qui parle ici ? Comment ? C'est toi qui étais là, mon Phédria ?

qvis hic loqvitvr non imperite intellegunt, qui existimant meretricem etiam hoc simulare, quod non praeuiderit Phaedriam. nam et personae et dictis eius ceteris hoc conuenit et tunc erunt gratiosa omnia, quae supra dixit.
qvis hic loqvitvr ce n'est pas sans pertinence que certains interprètes estiment que la courtisane fait ici semblant de ne pas avoir vu d'emblée Phédria. Car cela concorde avec son personnage et avec toutes ses paroles, et ses propos antérieurs seront mieux reçus.

87
quid hic stabas? cur non recta introibas? Pa.-ceterum
Pourquoi rester là ? Pourquoi ne pas entrer tout droit ? Pa.-C'est ça,

cvr non recta introibas quasi parum fuerit introibas, satis mire additum recta.
cvr non recta introibas comme si introibas ne suffisait pas, elle a fort remarquablement ajouté recta.

88
de exclusione uerbum nullum. Th.-quid taces?
de la mise à la porte, pas un mot. Th.-Pourquoi restes-tu silencieux ?

1 de exclvsione verbvm nvllvm plenus admirationis est nec accusationi nec satisfactioni locum reliquisse meretricem callide dissimulata iniuria. 2 qvid taces et hoc callide, quasi innocens ne suspicetur quidem, quid succenseat adulescens.
1 de exclvsione verbvm nvllvm il est tout étonné que la courtisane ne laisse place ni à l'accusation ni à la réparation142 en dissimulant finement143 son injure. 2 qvid taces là aussi elle joue finement, comme si dans son innocence elle ne pouvait même deviner pourquoi le jeune homme est furieux.

89
Ph.-sane quia uero hae315 mihi patent semper fores
Ph.-Peut-être parce que ta porte m'est toujours ouverte,

1 sane qvia vero hae mihi patent semper fores tolle sane et uero et pronuntiandi adiumenta uultumque dicentis et in uerbis non negatio sed confessio esse credetur. 2 Nam uero ironiae conuenit, ut «  egregiam uero laudem et s. spolia a. ampla r. refertis 47 ».
1 sane qvia vero hae mihi patent semper fores enlevez sane (vraiment) et uero (n'est-ce pas) ainsi que les marques auxiliaires de prononciation et la physionomie du locuteur, et on croira que cette réplique porte non un effet négatif mais une affirmation. 2 Car uero convient à l'ironie, comme chez Virgile « egregiam uero laudem et spolia ampla refertis » (beau succès vraiment, amples dépouilles que vous rapportez là !).

90
aut quia sum apud te primus. Th.-missa istaec face.
ou que je suis le premier dans ton cœur. Th.-Laisse tomber.

1 avt qvia svm apvd te primvs duo dixit, quae dolet: quia clausae fores et quia posterior habetur praelato milite. 2 avt qvia svm apvd te primvs subauditur ideo non recta introii. 3 missa istaec face alia dissimulatio et durior post admonitionem. 4 Sed bene intellegit, qui hoc a meretrice ridente molliter et osculum porrigente dici accipit.
1 avt qvia svm apvd te primvs il fait deux griefs : d'une part la porte lui est restée fermée, d'autre part il passe au second rang puisqu'on lui préfère le soldat. 2 avt qvia svm apvd te primvs sous-entendu : ideo non recta introii (voilà pourquoi je ne suis pas entré de ce pas). 3 missa istaec face encore une dissimulation144, et plus désagréable encore après un encouragement. 4 Mais on comprend bien, en interprétant cette parole comme dite par une courtisane qui sourit lascivement et envoie un baiser.

91
Ph.-quid « missa »? o Thais, Thais, utinam mihi esset316
Ph.-Quoi « Laisse tomber » ? O Thaïs, Thaïs, si seulement pour moi tu avais

1 qvid missa magna uirtus poetae est non sententias solum de consuetudine ac de medio tollere et ponere in comoedia, uerum etiam uerba quaedam ex communi sermone, <unde> est quod ait nunc quid missa? 2 o thais thais vtinam mihi esset pars aeqva amoris tecvm uel amandi uel non amandi scilicet.
1 qvid missa la grande qualité du poète est de prendre non seulement ses idées dans l'usage ou dans le style moyen pour les mettre dans sa comédie, mais aussi des tournures tirés de la langue populaire145, d'où cette expression quid missa ? 2 o thais thais vtinam mihi esset pars aeqva amoris tecvm une part égale d'amour ou de désamour, évidemment.

92
pars aequa amoris tecum ac pariter fieret,
autant d'amour que j'en ai pour toi et que ce soit à égalité,

ac pariter fieret pariter similiter. Sallustius «  cui nisi pariter obuiam iretur 48 ».
ac pariter fieret pariter vaut pour similiter (semblablement). De même chez Salluste : « cui nisi pariter obuiam iretur » (si on n'allait pas pareillement à son encontre).

93
ut aut hoc tibi doleret itidem ut mihi dolet
au point que cela te fît souffrir comme cela me fait souffrir,

vt avt hoc tibi doleret itidem vt mihi dolet si ambo amaremus.
vt avt hoc tibi doleret itidem vt mihi dolet c'est-à-dire si nous étions tous deux amoureux.

94
aut ego istuc abs te factum nihili penderem!
ou que moi, ce que tu as fait, je n'en aie rien à faire !

95
Th.-ne crucia te obsecro, anime mi, mi317 Phaedria.
Th.-Ne te torture pas, je t'en prie, mon cœur, mon Phédria.

1 anime mi <mi>16 phaedria mi uocatiuus est ab eo quod est meus. 2 Vide quam familiariter hoc idem repetat blandimentum; uult enim Terentius uelut peculiare uerbum hoc esse Thaidis: adeo totiens dictum est «  tune hic eras, mi Phaedria? 49 », ne crucia te obsecro, anime mi, <mi> Phaedria, «  quaesiui: nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt causae 50 », «  mi Phaedria, et tu 51 ». 3 ne crvcia te obsecro anime mi <mi> phaedria haec rursum nisi amplectens adulescentem mulier dixerit, uidebitur ne crucia te sine affectu dicere. sed sic dicit ne crucia te et eo gestu, quasi in eo et ipsa crucietur; nam ideo subicit anime mi hoc est animus meus.
1 anime mi mi mi est le vocatif de meus. 2 Notez la familiarité de la répétition de ce mot caressant146 ; car Térence veut que ce mot soit comme un idiotisme de Thaïs ; elle le dit d'ailleurs très souvent : « tune hic eras, mi Phaedria ? » ; ne crucia te obsecro, anime mi, mi Phaedria ; « quaesiui : nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt causae » ; « mi Phaedria, et tu ». 3 ne crvcia te obsecro anime mi mi phaedria ici encore, à moins de dire ces mots en embrassant le jeune homme, la courtisane paraîtra dire ne crucia te sans affectivité particulière. Mais en fait elle le dit d'une façon telle et avec un geste tel qu'elle fait croire qu'elle-même est à la torture dans le cas présent ; car c'est dans cette intention qu'elle ajoute anime mi, c'est-à-dire animus meus (mon cœur).

96
non pol quo quemquam plus amem aut plus diligam
Non, nom d'un chien, ce n'est pas qu'il y ait quelqu'un que j'aime plus ou chérisse plus,

non pol qvo qvemqvam plvs amem hoc totum nimis blande et cum contractatione adulescentis dicit meretrix.
non pol qvo qvemqvam plvs amem toute cette réplique est dite par la courtisane de manière bien caressante et en serrant le jeune homme.

97
eo feci; sed ita erat res, faciundum fuit.
si j'ai agi comme je l'ai fait : mais c'était comme ça, je devais le faire.

facivndvm fvit legendum faciundum scribendum: totum hoc semper necessitati adiungitur, ut Vergilius «  aut pacem Troiano ab r. rege p. petendum 52 » et alibi «  arma a. acri f. faciendum u. uiro 53 ».
facivndvm fvit faciundum scribendum : toutes ces formes se rattachent à l'obligation, comme chez Virgile « aut pacem Troiano ab rege petendum » (ou il faut demander la paix au roi Troyen) ou « arma acri faciendum uiro » (il faut faire des armes pour un fier guerrier).

98
Pa.-credo, ut fit, misera prae amore exclusti hunc foras.
Pa.-Je le crois ; c'est ainsi : ma pauvre, c'est par amour que tu l'as flanqué à la porte.

1 credo vt fit misera prae amore exclvsti hvnc foras oratorie ac facete additum misera. 2 Et cum illa a deriuatione causae argumentaretur, mire a Parmenone correpta est, uerisimile non esse, ut, quem quis amat, eundem possit excludere. 3 exclvsti hvnc foras παρὰ προσδοκίαν intulit intuens puellam et ei ostendens Phaedriam, ut ostendat, quam falsa ac repugnantia loquatur meretrix.
1 credo vt fit misera prae amore exclvsti hvnc foras c'est par effet oratoire et par plaisanterie qu'il ajoute misera (malheureuse). 2 Et alors que Thaïs argumente en détournant la cause147, elle se fait remarquablement reprendre par Parménon sur le fait qu'il n'est pas vraisemblable que, quand on aime quelqu'un, on puisse l'éconduire. 3 exclvsti hvnc foras il intervient contre toute attente (παρὰ προσδοκίαν) en regardant la jeune femme et en lui montrant Phédria, pour montrer à quel point la courtisane dit des choses fausses et contradictoires.

99
Th.-sicin agis, Parmeno? age; sed huc qua gratia
Th.-Tu le prends comme ça, Parménon ? Va. Mais pourquoi ici

age sed hvc qva gratia te accersi ivssi avscvlta corripientis est modo age, non hortantis aduerbium.
age sed hvc qva gratia te accersi ivssi avscvlta age est parfois un adverbe de blâme, non d'exhortation.

100
te accersi iussi, ausculta. Ph.-fiat. Th.-dic mihi
je t'ai fait venir, écoute. Ph.-Soit. Th.-Dis-moi

1 te accersi ivssi avscvlta hoc est quod supra ait «  non eam ne nunc quidem, cum accersor ultro 54 »? 2 dic mihi meretricia calliditate commendat quae dictura est.
1 te accersi ivssi avscvlta c'est ce qu'il a dit ci-dessus « non eam ne nunc quidem, cum accersor ultro ». 2 dic mihi elle fait valoir avec son adresse de courtisane ce qu'elle s'apprête à dire.

101
hoc primum, potin est hic tacere? Pa.-egone? optime.
d'abord ça : est-il capable de se taire, celui-ci ? Pa.-Moi ! parfaitement ;

egone optime bene non exspectauit seruus, ut pro se dominus responderet Thaidi.
egone optime l'esclave a bien fait de ne pas attendre que son maître réponde à Thaïs à sa place.

102
uerum heus tu, hac lege tibi meam astringo fidem:
mais fais gaffe, toi. C'est à cette condition que je m'engage envers toi :

1 vervm hevs tv hac lege tibi astute seruus reponit Thaidi uicem, nam illa ut magnum uoluit exspectari quod dictura est, iste ut falsum contemnit. 2 meam astringo fidem fidem astringo promitto, quia uincula fidei dicuntur.
1 vervm hevs tv hac lege tibi astucieusement l'esclave rend la pareille à Thaïs, car celle-ci a voulu que ce qu'elle s'apprête à dire soit attendu comme une grande chose, mais lui, en le réputant faux, le rend négligeable. 2 meam astringo fidem fidem astringo 148 vaut pour promitto (je promets), car on parle des liens de la bonne foi.

103
quae uera audiui, taceo et contineo optime;
ce que j'entends de vrai, je le tais et le garde parfaitement ;

1 qvae vera avdivi mire uicem Parmeno reddidit meretrici, nam ut seruum difficile est tacere commissa, ita meretricem rarum est uera dicere. 2 qvae vera avdivi figura παρασκευή. 3 contineo optime proprie a metaphora uasis transtulit uerba.
1 qvae vera avdivi Parménon rend remarquablement la pareille à la courtisane, car autant il est difficile pour un esclave de celer les secrets qu'on lui a confiés, autant il est rare pour une courtisane de dire la vérité. 2 qvae vera avdivi figure de préparation (παρασκευή). 3 contineo optime à prendre au sens propre ; il a mis un sens figuré emprunté à la métaphore du récipient.

104
si318 falsum aut uanum aut fictum est, continuo palam est:
mais si c'est faux, vain ou inventé, c'est tout de suite dehors.

1 si falsvm avt vanvm avt fictvm est continvo palam est falsum est quo tegitur id quod factum est, uanum est quod fieri non potest, fictum quod factum non est et fieri potuit. 2 Vel falsum est fictum mendacium simile ueritati, uanum nec possibile nec uerisimile, fictum totum sine uero sed uerisimile. 3 Falsum loqui mendacis est, fictum callidi, uanum stulti. 4 Falsum loqui culpae est, fictum uersutiae, uanum uecordiae. 5 Falsis decipimur, fictis delectamur, uana contemnimus. 6 palam est plenvs rimarvm svm hac atqve illac perflvo uilis et abiecta translatio est, apta apud meretricem loquenti. 7 Translata autem est quasi ab aquario uase fictili.
1 si falsvm avt vanvm avt fictvm est continvo palam est falsus (faux) se dit de ce par quoi on dissimule un fait, uanus (vain) de ce qui ne peut se faire, fictus (feint) de ce qui ne s'est pas fait mais aurait pu se faire. 2 ou bien falsus (faux) se dit d'un mensonge qui, bien qu'inventé, ressemble à la vérité, uanus (vain) de ce qui n'est ni possible ni vraisemblable, fictus (feint) de ce qui est entièrement dépourvu de vérité mais est vraisemblable. 3 dire un falsum (chose fausse) est le propre d'un menteur, dire un fictum (chose inventée) est le propre d'un rusé, dire un uanum (chose vaine) est le propre d'un sot. 4 dire un falsum (chose fausse) relève d'une faute, dire un fictum (chose inventée) d'une fourberie, dire un uanum (chose vaine) d'une extravagance. 5 avec des falsa (choses fausses) nous sommes trompés, avec des ficta (choses inventées) nous sommes charmés, les uana (choses vaines) nous les méprisons. 6 palam est plenvs rimarvm svm hac atqve illac perflvo métaphore de style bas et vulgaire, qui convient bien à qui s'adresse à une courtisane. 7 de plus métaphore tirée d'un pot à eau en terre.

105
plenus rimarum sum, hac atque illac perfluo.
Je suis tout fissuré et je fuis de ci, de là.

hac atqve illac perflvo contra «  contineo 55 ».
hac atqve illac perflvo c'est le contraire de « contineo149 »(je le garde).

106
proin tu, taceri si uis, uera dicito.
Donc toi, si tu veux qu'on se taise, dis la vérité.

proin tv taceri si vis vera dicito utrum te taceri aut tuum dictum an impersonaliter infinitiuo modo?
proin tv taceri si vis vera dicito faut-il comprendre te taceri (si tu veux qu'on ne parle pas de toi), ou tuum dictum (si tu veux que tes paroles soient tues) ou un infinitif impersonnel (si tu veux qu'on se taise) ?

107
Th.-Samia mihi mater fuit: ea habitabat Rhodi.
Th.-Ma mère était de Samos ; elle habitait Rhodes.

samia mihi mater fvit puduit dicere Thaidem meretrix mihi mater fuit, quod tamen significauit dicendo aliunde ciuem alibi habitasse. nam ideo meretrices peregrinae dictae sunt in comoediis, ut in Andria «  adeon est demens? ex peregrina? 56 »
samia mihi mater fvit Thaïs a honte de dire ma mère était une courtisane, ce que pourtant elle fait150 en disant qu'une citoyenne d'une cité en a habité une autre. C'est pour cette raison que les courtisanes sont dites étrangères dans les comédies, comme dans L'Andrienne151 : « adeon est demens ? ex peregrina ? ».

108
Pa.-potest taceri hoc; Th.-ibi tum matri paruulam
Pa.-Ça, on peut le taire. Th.-Là, alors, à ma mère, d'une fille

1 potest taceri hoc id est uerisimile est. nec hoc ad laudem proficit sed ad dedecus meretricis. 2 potest taceri hoc peregrinam nasci meretricem, et ideo potest uerum uideri.
1 potest taceri hoc c'est-à-dire que c'est vraisemblable. Et cela ne contribue pas à la gloire de la courtisane, mais à son déshonneur. 2 potest taceri hoc c'est-à-dire le fait que la courtisane est née étrangère, et que, pour cette raison, cela peut sembler vrai.

109
puellam dono quidam mercator dedit
toute petite un marchand fit présent,

1 <parvvlam> pvellam dono qvidam aetas et sexus causa amoris sunt, cur hanc Thais puellam diligat. 2 pvellam dono qvidam mercator dedit propter hoc ostendit meretricem fuisse matrem, ut dono accipere puellam potuisset.
1 parvvlam pvellam dono qvidam l'âge et le sexe sont des raisons qu'a Thaïs d'aimer cette petite. 2 pvellam dono qvidam mercator dedit la preuve que sa mère était une courtisane, c'est qu'elle a pu recevoir en cadeau la petite.

110
ex Attica hinc abreptam. Ph.-ciuemne? Th.-arbitror;
enlevée d'ici, de l'Attique. Ph.-Citoyenne ? Th.-Je crois,

1 ex attica hinc abreptam quia Athenis scaena est constituta. 2 arbitror bene arbitror et nihil certi: quomodo enim ausurus esset Parmeno adornare Chaeream ad uitiandam uirginem, si praescisset ciuem esse?
1 ex attica hinc abreptam d'ici, puisque la scène est à Athènes. 2 arbitror arbitror est bien dit et il n'y a rien de sûr : car comment Parménon aurait-il osé déguiser Chéréa pour qu'il puisse déshonorer la jeune fille s'il avait su d'avance qu'elle était citoyenne ?

111
certum non scimus: matris nomen et patris
sans en être sûre. Le nom de son père et de sa mère,

matris nomen et patris dicebat ipsa quae infantis memoriae proxima sunt; nam quid prius aetas illa quam patrem matremque cognoscit?
matris nomen et patris dicebat ipsa les souvenirs d'enfance les plus immédiats ; car à cet âge-là qu'apprend-on à reconnaître plus tôt que son père et sa mère ?

112
dicebat ipsa; patriam et signa cetera
elle-même les disait ; quant à sa patrie et aux autres renseignements,

et signa cetera id est domum patriam regionemque eius.
et signa cetera c'est-à-dire sa maison, sa patrie, sa région.

113
neque scibat neque per aetatem etiam poterat319.
elle ne savait rien et, à cause de son âge, ne pouvait rien savoir.

neqve per aetatem etiam poterat hoc ideo addidit, ne esset minus elegans, quae nesciret.
neqve per aetatem etiam poterat il ajoute cela pour que son ignorance n'enlève pas à sa distinction.

114
mercator hoc addebat: e praedonibus,
Voici ce que le marchand ajoutait : aux pirates

mercator hoc addebat ad matris scilicet nomen et patris, quod puella dicebat.
mercator hoc addebat se rapporte assurément au nom du père et de la mère, que la petite152.

115
unde emerat se audisse abreptam e Sunio.
auxquels il l'avait achetée il avait entendu dire qu'elle avait été enlevée à Sunium.

1 vnde emerat a quibus, ut «  genus unde Latinum 57 » et «  qui <scis>?— modo e Dauo audiui 58 »17 et «  causam dicere prius unde petitur aurum 59 ». 2 e svnio Sunium promontorium est Atheniensium et in eo [forum uenalium rerum] emporium.
1 vnde emerat mis pour a quibus (de qui), comme chez Virgile: « genus unde Latinum » (de qui vient la race latine)153 et « qui scis ?— modo e Dauo audiui et « causam dicere prius unde petitur aurum ». 2 e svnio Sounion est un cap d'Attique où se trouvait un marché.

116
mater, ubi accepit, coepit studiose omnia
Ma mère, quand elle l'eut reçue, commença avec sérieux à tout

1 mater vbi accepit haec figura in narrationibus basis dicitur, cum omnia pedetemptim dicuntur insinuandi gratia, ut nunc «  matri mercator dono dedit 60 », mater ubi accepit. 2 Et simul conuenit mulieri l?quenti huiuscemodi mora. 3 coepit stvdiose omnia docere mire non docuit sed coepit docere τῷ μελλησμῷ. 4 Et uide quam satis muliebriter. 5 mater vbi accepit accepit simpliciter an audiuit ingenuam, ut «  accipe n. nunc D. Danaum i. insidias et c. crimine a. ab < u. uno > d. disce o. omnes 61 »? sed melius prius.
1 mater vbi accepit cette figure, dans les narrations, s'appelle basis, quand tout se dit pas à pas, par insinuations, comme ici « matri mercator dono dedit », mater ubi accepit. 2 Et en même temps ce retard convient bien à la parole d'une femme. 3 coepit stvdiose omnia docere il dit excellemment non pas docuit (elle lui apprit tout), mais coepit docere, par un effet d'attente (τῷ μελλησμῷ). 4 Et notez à quel point c'est féminin. 5 mater vbi accepit accepit au sens propre ou équivalant à audiuit ingenuam (elle apprit qu'elle était de naissance libre), comme chez Virgile « accipe nunc Danaum insidias et crimine ab uno disce omnes » (Écoute désormais les pièges des Grecs et par le crime d'un seul, apprends-les tous) ? Mais la première solution est meilleure.

117
docere, educere ita ut320 esset filia.
lui apprendre et à l'éduquer comme si elle était sa fille.

1 ita vt esset filia ergo uelut soror habenda est Thaidi, et ideo sequitur «  sororem plerique esse credebant meam 62 ». 2 Et oratorie cumulat dignitatem et amorem puellae, ut eius comparatione leniatur iniuria facta Phaedriae.
1 ita vt esset filia donc elle doit être tenue pour une sœur par Thaïs154, d'où la suite « sororem plerique esse credebant meam ». 2 Et elle signale par une accumulation oratoire le statut de la jeune fille et l'affection qu'elle lui porte, pour qu'en comparaison l'affront fait à Phédria soit amoindri.

118
sororem plerique esse credebant meam.
La plupart des gens croyaient que c'était ma sœur.

119
ego cum illo, quocum uno tum321 rem habebam hospite,
Moi, avec cet étranger qui était alors ma seule liaison,

1 ego cvm illo qvocvm vno tvm rem habebam hospite honeste totum dixit et quod hospite et quod rem habebam. 2 Et bene tunc 18 et non nunc; nam nunc cum duobus. 3 qvocvm vno rem consuetudinem, amorem. 4 hospite id est Attico.
1 ego cvm illo qvocvm vno tvm rem habebam hospite elle avoue tout avec honnêteté, et le fait qu'il ait été étranger, et qu'elle ait eu une liaison avec lui. 2 Et il fait bien de dire tunc (alors) et non nunc (maintenant) ; car maintenant, elle est avec deux hommes en même temps. 3 qvocvm vno rem res équivaut à consuetudo (relation), amor (affaire de cœur). 4 hospite c'est-à-dire avec un Athénien.

120
abii huc qui mihi reliquit haec quae habeo omnia.
je vins ici, c'est lui qui m'a laissé tout ce que je possède.

1 abii hvc Rhodo Athenas scilicet. 2 qvi mihi reliqvit haec qvae habeo omnia hoc ideo, ne tantundem obsequii exigat Phaedria. at econtra Parmeno «  utrumque hoc falsum est: effluet 63 ». 3 Ipse exponit hoc utrumque quid dicat. et contra dicendum est, quia praesens amator grauatur hoc dicto.
1 abii hvc c'est-à-dire de Rhodes à Athènes. 2 qvi mihi reliqvit haec qvae habeo omnia elle dit cela pour que Phédria n'exige pas d'elle tant d'obéissance. Mais Parménon dira le contraire « utrumque hoc falsum est : effluet ». 3 Il expose lui-même quelles sont les deux choses dont il parle ; et il faut la contredire, parce que l'amoureux, du fait qu'il est présent, est ébranlé par cette parole.

121
Pa.-utrumque hoc falsum est: effluet. Th.-qui istuc? Pa.-quia
Pa.-Voilà deux mensonges, ça va fuir. Th.-Comment ça ? Pa.-Parce que

122
neque tu uno contenta eras322 neque solus dedit;
tu ne te contentais pas d'un seul et qu'il n'a pas été le seul à donner.

1 neqve tv vno contenta eras quippe quae admiseris militem. 2 neqve solvs dedit quippe quia non omnia tua illius fuere mortui.
1 neqve tv vno contenta eras puisque tu as fait bon accueil au soldat. 2 neqve solvs dedit puisque tout ce que tu possèdes ne te vient pas de ton premier amant défunt.

123
nam hic quoque bonam magnamque partem ad te attulit.
Car celui-là aussi, c'est une bonne grosse part qu'il t'a apportée.

1 nam hic qvoqve ἀστείως, nec Phaedria sed hic dixit tangens illum et quasi inuito illo haec exprobrat. 2 bonam magnamqve partem ad te attvlit haec dicuntur ἰσοδυναμοῦντα, ut «  abs te petere et poscere 64 ». 3 An potius bonam specie, magnam quantitate? 4 Et nunc discretiue dictum est, nam alias bona pro magna accipimus et multa .
1 nam hic qvoqve avec esprit (ἀστείως), il ne dit pas Phaedria (Phédria) mais hic, en le touchant, et il fait ce reproche presque sans l'accord de son maître. 2 bonam magnamqve partem ad te attvlit les deux adjectifs sont équipollents (ἰσοδυναμοῦντα), comme le sont les deux verbes dans « abs te petere et poscere ». 3 A moins que bona ne se rapporte à l'155, magna à la quantité ? 4 Et ici les deux épithètes sont disjointes, alors qu'ailleurs bona est mis pour magna et multa.

124
Th.-ita est; sed sine me peruenire quo uolo.
Th.-C'est vrai ; mais laisse-moi en venir où je veux.

ita est ; non erat negandum, quod dixit Parmeno, meretrici satisfacere cupienti et non tacenti culpam in conscientia esse.
ita est il ne fallait pas que les paroles de Parménon soient niées par la courtisane qui désire faire réparation et ne dissimule pas qu'elle a conscience de sa faute.

125
interea miles qui me amare occeperat
Entre temps, le soldat qui avait commencé à être amoureux de moi

126
in Cariam est profectus; te interea loci
partit pour la Carie ; c'est à ce moment-là

1 te interea loci cognovi oratorie priorem amatorem facit militem quam Phaedriam; nam posterius dicit hunc cognitum per absentiam militis. ergo cum militi Phaedria riualis superductus sit, consequens est, ut miles queri debuerit, non Phaedria, et propterea nihil mirum, si ordine seruato miles antepositus fuerit amatori postmodum cognito; et hoc, sine puellae et munerum causa, multum pro milite contra Phaedriam ualet. 2 Sed uide meretricem, quia rem dixit percutientem, quot et qualia blandimenta subiecerit dicendo «  tute scis postilla quam intimum habeam te 65 » etc.
1 te interea loci cognovi conformément à la technique oratoire elle désigne comme premier amant le soldat plutôt que Phédria ;de fait elle dit qu'elle a connu celui-ci ensuite à la faveur de l'absence du soldat. Donc, puisque Phédria son rival a eu la préséance sur le soldat, il en résulte que c'est le soldat qui devrait se plaindre, et non Phédria, et, du coup, il n'y a rien d'étrange à ce que, conformément à l'ordre chronologique, le soldat ait précédé l'amoureux, connu ultérieurement ; et cela, n'était le prétexte de la jeune fille et des cadeaux, vaut beaucoup en faveur du soldat contre Phédria. 2 Mais voyez comment la courtisane, parce qu'elle dit quelque chose qui fait mal, ajoute force cajoleries156 expertes, en disant « tute scis postilla quam intimum habeam te » etc.

127
cognoui. tute scis postilla quam intimum
que je t'ai connu. Tu sais, depuis ce moment, avec quelle intimité

1 cognovi proprie cognoui. 2 tvte scis postilla qvam intimvm σχῆμα ἐπιμονή, nam hoc ad narrationem non pertinet.
1 cognovi cognoui, au sens propre157. 2 tvte scis postilla qvam intimvm figure de dilatation (σχῆμα ἐπιμονή), car cela n'a pas de rapport avec la narration.

128
habeam te et mea consilia tibi323 credam omnia.
je te traite, et je te confie toutes mes pensées.

1 et mea consilia tibi credam omnia ex praesenti actu sumpsit argumentum, quod nunc eum tanquam consultorem adhibuerit. 2 Et bene credam secundum illud «  potin est hic tacere? 66 »
1 et mea consilia tibi credam omnia elle tire argument de l'acte présent, puisque désormais elle l'utilise comme conseiller. 2 Et elle dit bien credam, pour faire suite à « potin est hic tacere ? »?

129
Ph.-ne hoc quidem tacebit Parmeno. Pa.-oh, dubiumne id est?
Ph.-Cela non plus, Parménon ne va pas le taire. Pa.-Oh non, pas de doute là-dessus.

1 ne hoc qvidem id est: hoc quoque falsum est. 2 dvbivmne id est me non taciturum scilicet.
1 ne hoc qvidem c'est-à-dire que cela aussi est faux. 2 dvbivmne id est c'est-à-dire que je ne vais pas me taire.

130
Th.-hoc agite, amabo. mater mea illic mortua est
Th.-Allez écoutez, je vous en prie. Ma mère est morte là-bas

1 hoc agite amabo hoc agite pro aduerbio corripientis est positum aut certe pro adhortatione audientiae praebendae. sic Plautus «  hoc agite si uultis, spectatores 67 ». 2 Et conuenit ueluti nutu audientiam significantis et gestu hoc ipsum adiuuari. 3 hoc agite id est: illud desinite et hoc attendite.
1 hoc agite amabo hoc agite, fonctionne comme un adverbe de reproche ou du moins comme une exhortation à prêter attention. Ainsi chez Plaute « hoc agite si uultis, spectatores » (allons, s'il vous plaît, spectateurs). 2 Et il convient d'aider ce propos pour ainsi dire d'un hochement de tête et d'un geste qui signifient l'attention. 3 hoc agite c'est-à-dire cessez cela et observez ceci.

131
nuper; eius frater aliquantulum 324 est ad rem auidior.
dernièrement. Son frère est un tout petit peu trop attaché aux biens ;

1 nvper eivs frater ut adhuc amor flagrare uideatur, addidit nuper. 2 aliqvantvlvm est ad rem avidior uultu accommodato ad reprehensionem pronuntiandum est. 3 ad rem avidior proprie auidior. 4 ad rem pecuniam modo dicit.
1 nvper eivs frater pour que l'amour semble encore tout ardent, elle ajoute nuper. 2 aliqvantvlvm est ad rem avidior il faut dire cette réplique avec un visage propre à exprimer le reproche 3 ad rem avidior auidior est au sens propre. 4 ad rem le mot désigne parfois l'argent.

132
is ubi esse hanc forma uidet honesta uirginem
quand il voit que cette fille est d'un physique avenant,

is vbi hanc forma videt ex aliena persona uult ostendere praeter affectum quanti sibi existimanda sit et quanto munere miles Phaedriae meruerit anteponi.
is vbi hanc forma videt elle veut montrer par le biais d'une tierce personne à quel prix, indépendamment de son affection, elle doit estimer la petite et quel grand cadeau a dû valoir au soldat la préséance sur Phédria.

133
et fidibus scire pretium sperans ilico
et qu'elle sait la lyre, dans l'espoir d'en tirer un bon prix, aussitôt

1 et fidibvs scire uetusta ἔλλειψις. 2 pretivm sperans deest magnum 19, ut «  stabulo frenos a. audire s. sonantis 68 ».
1 et fidibvs scire ellipse (ἔλλειψις) archaïque. 2 pretivm sperans il manque magnum (beaucoup), comme chez Virgile « stabulo frenos audire sonantis » (à l'écurie entendre tinter les mors).

134
producit, uendit. forte fortuna adfuit
il la met aux enchères, il la vend. Par un heureux hasard se trouvait là

1 prodvcit proprie, nam produci uenales dicuntur. 2 prodvcit vendit haec celeritas uendibilem indicat mercem. 3 forte fortvna id est bona fortuna.
1 prodvcit au sens propre, car on dit des personnes que l'on vend qu'on les expose. 2 prodvcit vendit cette rapidité atteste une marchandise facile à vendre. 3 forte fortvna c'est-à-dire par une heureuse fortune.

135
hic meus amicus: emit eam dono mihi
ce mien ami : il l'achète pour me la donner,

hic mevs amicvs quia locus est meritorum, non iam miles, sed meus amicus. uide enim quid sequatur: «  emit inquit eam dono mihi 69 ».
hic mevs amicvs parce que c'est le lieu commun des mérites elle ne dit plus miles (le soldat), mais meus amicus. Voir en effet la suite : elle dit « emit inquit eam dono mihi ».

136
imprudens harum rerum ignarusque omnium.
sans savoir ces détails et ignorant de tout.

1 imprvdens harvm rervm hic ostendit quam auidus id faceret, si rem penitus nosset. 2 Simul etiam ostenditur quanta secreta dicat Phaedriae, utpote quae riualis nesciat. 3 imprvdens harvm rervm ignarvsqve omnivm prudentia naturalis est, gnaritas extrinsecus uenit. 4 Imprudens per se, ignarus per alios. 5 Hoc est: qui nec suspicatus sit neque ex aliquo audierit.
1 imprvdens harvm rervm elle montre par là avec quelle cupidité il l'aurait fait s'il avait eu la pleine et entière connaissance de l'affaire. 2 En même temps aussi, elle montre à Phédria l'importance du secret qu'elle lui dévoile d'autant plus que son rival l'ignore. 3 imprvdens harvm rervm ignarvsqve omnivm la prévoyance est innée, la connaissance vient du dehors. 4 On est imprudens par soi-même, ignarus du fait d'autrui. 5 C'est-à-dire : qui ne l'avait pas deviné ni n'avait été mis au courant par quelqu'un.

137
is uenit: postquam sensit me tecum quoque
Il est arrivé ; quand il a compris qu'entre toi et moi aussi

1 postqvam sensit me tecvm qvoqve rem habere non dictum sed quasi celatum < sensit >. 2 sensit me tecvm qvoqve rem habere magno pondere dixit tecum quoque, tamquam irascendi magis iusta causa sit militi quam Phaedriae. nam sensit et tecum quoque hoc significat.
1 postqvam sensit me tecvm qvoqve rem habere quelque chose qui n'était pas dit mais presque caché. 2 sensit me tecvm qvoqve rem habere elle dit tecum quoque en donnant beaucoup de poids à ses paroles, comme si le soldat avait de plus justes raisons de dépit que Phédria. Car sensit et tecum quoque ont ce sens.

138
rem habere, fingit causas ne det sedulo:
il y avait quelque chose, il invente des raisons pour ne pas la donner tout de suite.

1 rem habere sic dixit, ut honeste res impura dicatur. 2 ne det sedvlo sine dolo, hoc est impense.
1 rem habere elle parle ainsi pour évoquer en termes policés une chose scabreuse. 2 ne det sedvlo sine dolo (sans ruse), d'où avec empressement.

139
ait si fidem habeat se iri praepositum tibi
Il dit que s'il avait la certitude d'être préféré à toi

1 ait semper ait dicimus, cum uel inuisa nobis et audientibus uel uana dicta narramus alicuius. 2 si fidem habeat hoc est: si faciam aliquid, unde credat se tibi praeponi. 3 si fidem habeat si credere cogatur. 4 Id est si credat: unde fideiussor dicitur, hoc est auctor credendi. 5 se iri praepositvm tibi apvd me ἀναστροφή in uerbo praepositum iri. 6 Necessaria implicatio in his, quae dura dictu sunt.
1 ait nous disons toujours ait (dit-il) quand nous parlons de choses odieuses à nous ou à nos auditeurs, ou des paroles vaines de quelqu'un. 2 si fidem habeat c'est-à-dire si je faisais quelque chose qui lui fît croire qu'il a la préférence sur toi. 3 si fidem habeat s'il était contraint de le croire. 4 C'est-à-dire s'il lui faisait crédit : d'où le nom du fideiussor (fidéjusseur), c'est-à-dire le garant d'un crédit. 5 se iri praepositvm tibi apvd me il y a une anastrophe (ἀναστροφή) dans le verbe praepositum iri. 6 Il y a une complication nécessaire pour exprimer les choses désagréables à dire.

140
apud me, ac non id metuat, ne, ubi acceperim,
dans mon cœur et s'il ne craignait pas que, quand je l'aurais reçue,

141
sese relinquam, uelle se illam mihi dare;
je ne le plante là, il accepterait de me la donner ;

142
uerum id uereri. sed ego quantum suspicor,
mais il a peur. Mais, pour autant que moi je le devine,

sed ego qvantvm svspicor alta et acuta inuentio: scit meretrix amatores hoc solo inimicos esse, quod idem diligunt; magnifice igitur, ut riualis odium deleniret, uult persuadere Phaedriae non se amari sed uirginem.
sed ego qvantvm svspicor invention158 supérieure et pénétrante : la courtisane sait que des rivaux se détestent pour la seule raison qu'ils aiment le même objet ; donc sans lésiner sur les moyens, pour adoucir la haine qu'il porte à son rival, elle veut faire croire à Phédria que ce n'est pas elle, mais la jeune fille qui est aimée du soldat.

143
ad uirginem animum adiecit. Ph.-etiamne amplius?
il a jeté son dévolu sur la fille. Ph.-Rien de plus ?

1 ad virginem animvm adiecit cur hoc inferat? ut uel laedendi militis causa Phaedria patiatur eum, quam amet et nolit, uirginem dono dare. 2 etiamne amplivs mundat Terentius, ut solet, res huiusmodi per ἔλλειψιν suam.
1 ad virginem animvm adiecit pourquoi ajouter cela ? Pour que Phédria, dans l'idée de léser le soldat, accepte que ce dernier donne la jeune fille en cadeau, alors que, prétendument, il l'aime et ne souhaite pas la donner. 2 etiamne amplivs comme souvent, Térence expurge les saletés de ce genre grâce à une ellipse (ἔλλειψις) de son159.

144
Th.-nihil325; nam quaesiui. nunc ego eam, mi Phaedria,
Th.-Rien, j'ai fait mon enquête. Et moi maintenant, mon Phédria,

1 nihil nam qvaesivi nvnc ego optime purgauit Terentius, quod mox liberalibus nuptiis fuerat obfuturum, si uitiatam uirginem duceret Chaerea. necessario ergo defenditur, tamquam quae honeste nuptura est. 2 nvnc ego eam mi phaedria mvltae svnt cavsae non indiligenter considerauerunt hanc meretricis orationem, qui illam instar controuersiae rettulerunt. nam et principium est «  me miseram! uereor ne illud grauius Phaedria tulerit 70 » et narratio «  Samia mihi mater fuit 71 » et partitio cum confirmatione «  nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt causae quamobrem cupio abducere: primum quod soror est dicta 72 » etc. et reprehensio «  egone id timeo? 73 » et «  egone non ex animo misera dico? 74 » et conclusio per conquestionem «  quam ioco rem a me <..> impetrare abs te nequeo, biduum saltem ut concedas20 75 ».
1 nihil nam qvaesivi nvnc ego Térence lève excellemment l'obstacle qui aurait pu empêcher un mariage comme il faut, si Chéréa devait épouser la jeune fille après l'avoir déshonorée. Donc il faut la disculper en en faisant une fille qui pourra se marier en toute honnêteté. 2 nvnc ego eam mi phaedria mvltae svnt cavsae on n'a pas tort de considérer ce discours de la courtisane comme une sorte de controverse. En effet, on y trouve un exorde « me miseram ! uereor ne illud grauius Phaedria tulerit » puis une narration « Samia mihi mater fuit » puis une partie avec confirmation160 « nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt causae quamobrem cupio abducere : primum quod soror est dicta » etc. puis une objection « egone id timeo ? » et « egone non ex animo misera dico ? » puis une conclusion en forme de plainte « quam ioco rem a me (...) impetrare abs te nequeo, biduum saltem ut concedas solum ».

145
multae sunt causae quam ob rem cupio abducere:
j'ai beaucoup de raisons pour désirer la lui retirer ;

qvamobrem cvpio abdvcere etiam hoc uerbo gratificatur Phaedriae, non enim accipere ut ab amico remunerante, sed abducere ut ab stulto et experte.
qvamobrem cvpio abdvcere par ce mot aussi elle avantage Phédria, car elle ne dit pas accipere (recevoir), comme on le dirait d'un ami qui fait un cadeau, mais abducere (enlever) comme on le dirait d'un sot ou d'un benêt.

146
primum quod soror est dicta; praeterea ut suis
d'abord parce qu'elle a passé pour ma sœur ; ensuite à sa famille

147
restituam ac reddam; sola sum; habeo hic neminem
je veux la ramener et la rendre. Je suis seule ; je n'ai ici personne,

1 vt svis restitvam ac reddam restituimur his, quibus nos uolumus, reddimur his, qui nos uolunt. 2 Ergo restituimur uolentes, reddimur uolentibus. sed in hac utrumque est. 3 sola svm habeo hic neminem sola ad familiarium refertur absentiam, habeo hic neminem ad alienorum amicitiam. potest enim sola domi esse, habere tamen aliquem foris. 4 Et habeo hic neminem plus sonat quam neminem hic habeo. 5 Et sola sum ab his quos natura conciliat per se, habeo hic neminem eorum qui uoluntate iunguntur.
1 vt svis restitvam ac reddam nous sommes restitués à ceux à qui nous voulons l'être, nous sommes rendus à ceux qui nous veulent. 2 Donc quand nous sommes restitués, nous le sommes de notre plein gré, quand nous sommes rendus c'est au gré des destinataires, mais ici c'est les deux. 3 sola svm habeo hic neminem sola se rapporte à l'absence de ses proches, habeo hic neminem, à l'amitié des personnes extérieures. Car elle peut être seule chez elle et avoir tout de même quelqu'un au dehors. 4 Et habeo hic neminem, est plus expressif que neminem hic habeo (je n'ai personne 161). 5 Et il faut comprendre sola sum, je suis seule, loin de ceux que la nature rassemble d'elle-même, habeo hic neminem, comprendre : de ceux qui se joignent à moi par affinité.

148
neque amicum neque cognatum. quamobrem, Phaedria,
ni ami, ni parent. C'est pourquoi, Phédria,

1 neqve amicvm bene hoc apud amatorem, nam aliud est amator, aliud amicus: amator qui ad tempus, amicus qui perpetuo amat. 2 An quia in patris potestate est Phaedria? 3 qvamobrem phaedria in necessariis interponi nomen licet audientis.
1 neqve amicvm bon choix de terme auprès de son amoureux ; car amator (amoureux) et amicus (ami) sont deux choses différentes: l'amoureux aime pour un temps, l'ami aime pour la vie. 2 Ou bien est-ce parce que Phédria est sous la puissance paternelle ? 3 qvamobrem phaedria le nom de l'interlocuteur peut être compté parmi ceux de ses obligés.

149
cupio aliquos parare326 amicos beneficio meo.
je veux me faire quelques amis par ma bonne action.

1 cvpio aliqvos parare amicos beneficio meo hic ostendit specialiter, cuiusmodi amicos quaerat, ne Phaedriam contemnere uideatur. 2 parare amicos beneficio meo quia pariuntur et suo, sed minus diligunt.
1 cvpio aliqvos parare amicos beneficio meo162 elle montre ici spécialement quel genre d'amis elle recherche pour ne pas paraître mépriser Phédria. 2 parare amicos beneficio meo parce qu'on se fait des amis aussi avec son argent, mais ils ont moins d'affection.

150
id amabo adiuta me, quo id fiat facilius:
S'il te plaît, aide-moi pour que cela soit plus facile.

1 21 amabo adivta me qvo id fiat facilivs παρέλκον bis id posuit. 2 adivta me mira coactio: pro patere excludi adiuta me dixit.
1 id amabo adivta me qvod id fiat facilivs pléonasme (παρέλκον), il met deux fois id. 2 adivta me elle donne un résumé163 paradoxal : au lieu de patere excludi (veuille bien te laisser congédier), elle dit adiuta me (aide moi).

151
sine illum priores partis hosce aliquot dies
Permets que ce soit lui, pendant ces quelques jours, qui ait la primauté

1 sine illvm blande sine illum, tamquam in manu eius sit iniuriam non pati et excludi militem; non enim dixit fer aut patere sed sine. 2 priores partes hosce aliqvot dies honeste circumloquitur et oratorie, ne dicat abi foras atque excludi te patere.
1 sine illvm manière caressante de dire sine illum, comme s'il était en son pouvoir de ne pas souffrir cette injustice et que ce soit le soldat qui fût éconduit ; car elle ne dit pas fer (accepte) ou patere (supporte) mais sine (permets). 2 priores partes hosce aliqvot dies elle fait une circonlocution polie et oratoire pour éviter de dire abi foras (fiche le camp) et excludi te patere (laisse-toi congédier).

152
apud me habere. nihil respondes? Ph.-pessuma,
dans mon cœur. Tu ne réponds rien ? Ph.-Sale garce !

1 nihil respondes iam silentium accusat, quia scit nihil contrarium responsurum. 2 Et satis blande mihi 22 dixit, tamquam: cui debeas amoris uicem.
1 nihil respondes elle accuse maintenant son silence, parce qu'elle sait qu'il n'aura pas de contre-argument. 2 Et elle dit mihi (à moi) de manière assez caressante, comme pour dire moi à qui tu devrais un amour réciproque.

153
egon quidquam cum istis factis tibi respondeam?
que puis-je te répondre, après ce que tu fais là ?

egon qvidqvam facete exprimitur amantis ira, amoris integratio.
egon qvidqvam expression facétieuse du dépit amoureux, renouveau d'amour164.

154
Pa.-eu noster, laudo: tandem perdoluit: uir es.
Pa.-Bravo, notre maître ; compliments. Finalement, ça a fait bien mal ; tu es un homme.

1 tandem perdolvit nimis doluit. 2 Id est persensit dolorem. 3 Et tandem quasi qui impatiens fuit. 4 tandem perdolvit vir es eleganter uariauit personas, secundam et tertiam. 5 vir es non puer nunc es, sed iam uir, qui meretricem contemnis.
1 tandem perdolvit ça a fait bien mal. 2 C'est-à-dire il a senti toute sa douleur. 3 Et tandem (enfin) est le mot d'un homme pour ainsi dire impatient. 4 tandem perdolvit vir es élégant passage de la deuxième à la troisième personne. 5 vir es tu n'es plus un enfant (puer), mais désormais un homme (uir) : tu as du mépris pour une courtisane.

155
Ph.-aut ego nescibam quorsum tu ires? « paruola
Ph.-Ne savais-je pas où tu voulais en venir ? « Une toute petite

156
hinc est abrepta; eduxit mater pro sua;
a été enlevée d'ici ; ma mère l'a élevée comme si elle était à elle.

hinc est abrepta edvxit mater pro sva uide μίμησιν cum odio inductam et deprauatam pronuntiatione ita, ut et ὁμοιοτέλευτα non uitarentur de industria: abrepta pro sua soror est dicta.
hinc est abrepta edvxit mater pro sva voyez comme il représente165 (μίμησις) la haine et les défauts de prononciation qu'elle implique, au point de ne pas travailler à éviter des homéotéleutes (ὁμοιοτέλευτα) : abrepta, pro sua, soror est dicta 166.

157
soror dicta est; cupio abducere, ut reddam suis »:
Elle a passé pour ma sœur, je veux la soustraire pour la rendre aux siens ».

158
nempe omnia haec nunc uerba huc redeunt denique:
Vraiment, toutes ces belles paroles reviennent pour finir à ceci :

1 haec nvnc verba id est false dicta. 2 hvc redevnt ut excludar.
1 haec nvnc verba c'est-à-dire des mensonges. 2 hvc redevnt ces paroles aboutissent à mon renvoi.

159
ego excludor, ille recipitur. qua gratia?
moi on me flanque dehors, et lui on le reçoit. Au nom de quoi,

160
nisi327 illum plus amas quam me et istam nunc times
sinon parce que tu l'aimes plus que moi, parce que tu as peur que cette fille

1 nisi illvm plvs amas qvam me repudiatis causis, quas illa attulerat, per deriuationem causae hic aliud inducit esse cur repellatur. 2 et istam nvnc times qvae advecta est adeo, inquit, amas militem, ut etiam inuideas, si quam amauerit.
1 nisi illvm plvs amas qvam me après avoir repoussé les raisons qu'elle avait invoquées, en détournant la cause il apporte un autre argument qui justifie son éviction. 2 et istam nvnc times qvae advecta est tu aimes tellement le soldat, dit-il, que tu en es à être jalouse qu'il en aime une autre.

161
quae aduecta est ne illum talem praeripiat tibi.
qu'il a amenée ne te souffle un amant de cette trempe ?

talem praeripiat tibi εἰρωνεία stomachantis amatoris.
talem praeripiat tibi ironie (εἰρωνεία) de l'amoureux dépité.

162
Th.-egon id timeo? Ph.-quid te ergo aliud sollicitat? cedo.
Th.-Moi ! craindre ça ? Ph.-Alors quel autre souci as-tu ? Vas-y.

qvid te ergo alivd sollicitat quid est, inquit, si hoc non est?
qvid te ergo alivd sollicitat qu'est-ce, dit-il, si ce n'est cela?

163
num solus ille dona dat? num ubi meam
Est-ce qu'il est le seul à te faire des cadeaux ? As-tu jamais

1 nvm solvs ille dona dat hic iam quasi quaestiones tractantur: sed ille munus aduexit. 2 nvm solvs ille dona dat 23 possunt enim dona dari sed exigua aut minus libenter, et ideo mentionem benignitatis adiecit. 3 nvm vbi meam benignitatem sed ille benignus est. 4 nvm vbi numquid alicubi. 5 Aut si nuncubi legimus, erit temporis aduerbium, ut sicubi quo in loco, qua in re. 6 nvm vbi meam benignitatem intellegit se et donum obtulisse et id benigne saepe fecisse; nam plerumque ingrata dona sunt, in quibus benignitas non apparet, quae aut in quantitate rerum est aut in facilitate praestantis.
1 nvm solvs ille dona dat ici sont désormais traitées des sortes de questions : mais lui a apporté un cadeau. 2 nvm solvs ille dona dat car on peut faire des cadeaux, mais maigres et sans envie d'en faire ; aussi fait-il aussi mention de sa bienveillance. 3 nvm vbi meam benignitatem mais lui est bienveillant. 4 nvm vbi équivaut à numquid alicubi (est-ce que par hasard, en une occasion…). 5 Ou alors si nous lisons nuncubi (est-ce que quelque part) ce sera un adverbe de temps, comme sicubi (ici, en cela). 6 nvm vbi meam benignitatem il comprend qu'il a fait des cadeaux et qu'il les a souvent faits avec bienveillance ; car le plus souvent sont désagréables les cadeaux dans lesquels on ne sent pas de bienveillance, laquelle réside dans la quantité des cadeaux ou dans la spontanéité à offrir.

164
benignitatem sensisti in te claudier?
senti que ma libéralité à ton égard clochait ?

clavdier claudi aut claudicare. Sallustius «  neque enim ignorantia res claudit 76 » et «  nihil socordia claudebat 77 ».
clavdier équivaut à claudi (être fermé) ou à claudicare (être boiteux). Ainsi chez Salluste « neque enim ignorantia res claudit »(car ce n'est pas par ignorance que les affaires clochent) et « nihil socordia claudebat » (rien ne clochait à cause de la stupidité).

165
nonne mihi ubi328 dixti cupere te ex Aethiopia
N'est-il pas vrai que, quand tu m'as dit que tu avais envie d'une Ethiopienne

1 nonne mihi vbi dixti plus dixit ubi dixti cupere te, quam si diceret petisti ut emerem; plus est enim id praestitisse, quod qui acceperit non ausus fuerit postulare. 2 cvpere te uult rem parui pretii ex illius cupiditate et suo labore perpendi. 3 ex aethiopia non Aethiopissam sed honestius ex Aethiopia.
1 nonne mihi vbi dixti il dit plus en disant ubi dixti cupere te, que s'il disait petisti ut emerem (tu m'as demandé d'acheter) ; car c'est davantage d'avoir fourni ce que le récipiendaire n'aurait pas osé réclamer. 2 cvpere te il veut qu'une chose de peu de valeur soit évaluée à l'aune de son désir à elle et de la peine qu'il y a prise. 3 ex aethiopia il ne dit pas Aethiopissam (Éthiopienne), mais plus honnêtement ex Aethiopia (d'Éthiopie).

166
ancillulam, relictis rebus omnibus
comme petite servante, j'ai tout laissé

relictis rebvs omnibvs qvaesivi haec iam omnia in beneficiis considerari solent.
relictis rebvs omnibvs qvaesivi tout cela est d'ordinaire compté parmi les bienfaits.

167
quaesiui? porro eunuchum dixti uelle te,
pour t'en chercher une ? Après, c'est un eunuque que tu as dit que tu voulais,

1 qvaesivi uide quemadmodum adhibeat atque aerumnas sibi difficilium munerum dicat imposuisse meretricem: ex Aethiopia ancillulam inquit dixti te cupere; quid ego feci in re caeli ac solis ac paene orbis alterius? quaesiui, nec enim in promptu erat. 2 Deinde non petisti sed dixisti, nec uelle te sed cupere, non nigram sed ex Aethiopia, nec dedi sed relictis rebus omnibus is quaesiui: quid hic non exquisitum, quid non ita expressum, ut nihil addi possit? 3 porro evnvchvm deinde uel postea uel multo post. 4 evnvchvm velle eunuchos a Persis institutos putant ex captiuis; a Babylonibus enim Hellanicus auctor exstat id habuisse. 5 porro evnvchvm dixti velle te uide quemadmodum, ut maius faciat quod praestitit, non semel imputat duo mancipia, sed primo puellam, deinde eunuchum: illam quia ex Aethiopia, hunc quia solae utuntur his reginae. quid tale Thaidi riualis dedit? 6 evnvchvm εὐνοῦχος εἴρηται ὡς εὐνὴν ἔχων, τοῦτ᾽ ἔστιν φυλάττων, ὡς ἡνίοχος ῥαβδοῦχος σκηπτοῦχος εὐνὴν οὖν γυναικὸς κἀνδρός.
1 qvaesivi voyez comment il la traite et dit que la courtisane lui a imposé des épreuves consistant en cadeaux difficiles : une petite servante d'Éthiopie, dit-il, c'est ce que tu as dit que tu désirais ; et qu'est ce que j'ai fait dans cette chose qui coûtait le prix du ciel, du soleil, voire d'un autre monde167 j'ai recherché, car ce n'était pas sous la main. 2 Ensuite, tu n'as pas demandé mais tu as dit, non pas que tu voulais mais que tu désirais, non pas une noire, mais une fille d'Éthiopie, et je ne l'ai pas donnée mais en laissant tomber tout le reste, je l'ai recherchée : y a-t-il là rien qui ne soit recherché et si bien dit qu'on ne peut rien y ajouter ? 3 porro evnvchvm deinde (ensuite) ou postea (après quoi) ou multo post (bien après)168. 4 evnvchvm velle on pense que les eunuques sont une institution des Perses, à partir de prisonniers; car l'auteur Hellanicos atteste que les Perses le tenaient des Babyloniens. 5 porro evnvchvm dixti velle te voyez comment, pour majorer son cadeau, il ne dénombre pas les deux esclaves en une seule fois, mais évoque d'abord la petite servante puis l'eunuque, la première parce qu'elle est d'Éthiopie, le second parce que seules les reines en ont. Qu'est-ce que son rival a offert de comparable à Thaïs ? 6 evnvchvm le mot εὐνοῦχος vient de εὐνὴν ἔχων (qui tient la couche), c'est-à-dire qui la surveille, comme on dit ἡνίοχος (celui qui tient les rênes) ῥαβδοῦχος (celui qui porte une baguette) σκηπτοῦχος (celui qui porte un sceptre). La couche est donc celle de la femme comme celle de l'homme.

168
quia solae utuntur his329 reginae; repperi,
parce que il n'y a que les aristos qui en ont ; je l'ai trouvé.

1 reginae reginae diuites, sed ἐμφατικώτερον est. 2 qvia solae vtvntvr his reginae uarie eunuchum dixit et intulit his, ut «  si quisquam est qui placere se studeat bonis quam plurimis et minime multos laedere, in his poeta hic nomen profitetur suum 78 ». 3 repperi plus est quam emi. 4 Et uide quam propriis et amplissimis uerbis usus est, quia et ancillam ex Aethiopia et eunuchum < quia solae utuntur his reginae >: illam quaesiui, hunc repperi. 5 Ergo uigilanter ancillam quaesiui, hunc repperi: neutrum enim horum facile positum erat. 6 qvia solae vtvntvr his reginae nota, cum eunuchum singulari numero praeposuerit, his subiunxisse. 7 Sed his non ad eunuchum rettulit, sed ad delicias aut quid tale: quia solae utuntur huiusmodi deliciis seruitiisque reginae. 8 Et oratorie hic subdidit quod in ancillula praetermisit, quia nulla Aethiopissa honesta dici potuit. 9 Et reginas modo diuites dicit. in Phormione «  o, regem me esse oportuit! 79 »
1 reginae les reines, c'est-à-dire les riches, mais c'est dit avec un peu d'emphase (ἐμφατικώτερον). 2 qvia solae vtvntvr his reginae par variation de nombre, il dit eunuchum au singulier et le reprend par his au pluriel, comme dans le prologue « si quisquam est qui placere se studeat bonis quam plurimis et minime multos laedere, in his poeta hic nomen profitetur suum ». 3 repperi c'est plus que emi (j'ai acheté). 4 Et voyez quels termes appropriés et amples il utilise, puisque la servante est d'Éthiopie et l'eunuque, parce que seules les reines en ont : celle-là je l'ai recherchée, celui-ci je l'ai trouvé. 5 C'est donc diligemment que j'ai cherché la servante et trouvé l'eunuque : car aucun des deux n'était facilement disponible. 6 qvia solae vtvntvr his reginae remarquez que, alors qu'il a d'abord mis eunuchum au singulier, il ajoute le pluriel his. 7 Mais his reprend non pas l'eunuque mais les délices et autres choses de ce genre : parce que seules les reines ont des délices et des services de ce genre. 8 Et de façon oratoire il met la deuxième fois ce qu'il a passé sous silence à propos de la petite servante, parce qu'aucune Éthiopienne ne peut être dite honorable. 9 Et par reginas (reines) il veut seulement dire les dames riches. Dans le Phormion il dit: « o, regem me esse oportuit ! ».

169
heri minas uiginti pro ambobus dedi.
Hier j'ai donné vingt mines pour les deux.

1 heri minas viginti pro ambobvs dedi recentiora beneficia grauiora sunt aduersum ingratos. ergo a tempore inducitur exprobratio. 2 pro ambobvs dedi melius amborum pretium, quam ut separatim diceret, quantillo emerit ancillulam nigram, de qua mox dicetur «  hic sunt tres minae 80 ». nam constat eunuchum solum emptum esse minis uiginti, ut ipse Parmeno confitebitur seni.
1 heri minas viginti pro ambobvs dedi les tout derniers bienfaits ont plus de poids à l'égard des ingrats. Donc c'est de l'indication de temps que vient le reproche. 2 pro ambobvs dedi il fait mieux de dire le prix global que de le détailler en avouant quelle misère lui a coûté la petite servante noire, sur laquelle bientôt on dira « hic sunt tres minae ». Car il s'avère que l'eunuque seul a été acheté vingt mines, comme Parménon l'avouera au vieillard.

170
tamen contemptus abs te haec habui in memoria:
Tu as beau me dédaigner, je n'ai pas oublié cela,

tamen contemptvs abs te et hoc seruatur in beneficiis, nam maiora sunt cessantibus meritis eorum, quibus praestantur.
tamen contemptvs abs te et cela est mis au compte des bienfaits, car les bienfaits sont majorés quand ceux à qui ils sont destinés ont cessé de les mériter.

171
ob haec facta abs te spernor. Th.-quid istic, Phaedria?
et pour récompense, tu me rejettes. Th.-Que dis-tu, Phédria ?

1 ob haec facta abs te spernor hic duplex pronuntiatio est: uel per interrogationem uel per inuidiosam exprobrationem. 2 Et melius uelut indicatiuo modo quam interrogatiuo profertur; hoc enim est multo grauius quam illud. 3 ob haec facta abs te spernor sic Vergilius «  nos munera templis quippe tuis ferimus 81 ». et eum interrogatione uel cum increpatione proferri potest. 4 qvid istic hoc aduerbium consentire incipientis est. et est ἔλλειψις: deest enim remoramur aut quid tale.
1 ob haec facta abs te spernor ici, double prononciation possible : ou sur le mode interrogatif ou sur celui de l'exclamation indignée. 2 Et mieux vaut le proférer sur le ton assertif que sur le ton interrogatif, car ce dernier est beaucoup plus grave que le premier. 3 ob haec facta abs te spernor Virgile dit de même « nos munera templis quippe tuis ferimus » (c'est pour cela que de toute évidence nous apportons des dons à tes temples). Et on peut le proférer ou comme une question ou comme un blâme. 4 qvid istic cet adverbe signale un début d'accommodement. Et il y a une ellipse (ἔλλειψις) : il manque en effet remoramur (que tardons-nous ?) ou quelque chose de ce genre169.

172
quamquam illam cupio abducere atque hac re arbitror
Même si je désire soustraire cette jeune fille et que c'est là, à mon avis,

1 qvamqvam illam cvpio abdvcere abducere dixit quasi ab stulto, nec per uerum meritum sed per fraudem. Cicero «  per uim ac dolum abducta ab Rhodio tibicine 82 ». 2 atqve hac re arbitror non dicit <qua>, quia hoc est ex re.
1 qvamqvam illam cvpio abdvcere elle dit abducere, comme on enlève à un sot, et non pas par ses propres mérites mais par ruse. Cicéron « per uim ac dolum abducta ab Rhodio tibicine » (enlevée par force et par ruse à un joueur de flûte rhodien). 2 atqve hac re arbitror 170 qua re (c'est pourquoi) parce qu'ici cela veut dire ex re (à partir de ce fait précis).

173
id fieri posse maxume, uerum tamen
le meilleur moyen d'y parvenir, pourtant

vervm tamen scit meretrix contentione quadam negari. ergo fingit se uinci, ut adulescentem molliat, et ipsa cedit, ut et ille remittat pertinaciam.
vervm tamen la courtisane sait bien qu'après une dispute on peut essuyer un refus. Du coup elle fait semblant d'être vaincue, pour adoucir le jeune homme, et elle cède la première pour qu'il renonce à sa ténacité.

174
potius quam te inimicum habeam, faciam ut iusseris.
plutôt que de t'avoir comme ennemi, je ferai comme tu l'ordonneras.

1 potivs qvam te inimicvm habeam hoc totum ita loquitur, tamquam ipsa magis amet Phaedriam, quam ab illo ametur. 2 <potivs qvam> te inimicvm habeam huic contrarium est ut te amicum habeam. 3 faciam vt ivsseris nec uoluntate nec uultu consentientis hoc ait meretrix, sed callide temptat omnia. nam quia persistendo non perfecit quod exspectabat, docet Phaedriam etiam ipsum neglegentius negare quod poscitur. et adeo hoc subtile est, ut statim impetrauerit; peruulgatum est enim quod summa ui defenderis, cum extorqueretur, hoc idem postmodum remittere remittenti.
1 potivs qvam te inimicvm habeam elle dit tout cela comme si c'était elle qui aimait Phédria plus qu'elle n'est aimée de lui. 2 potivs qvam te inimicvm habeam le contraire de cette proposition est ut te amicum habeam (pour garder ton amitié). 3 faciam vt ivsseris la courtisane affirme cela sans le vouloir et sans montrer le visage de celle qui est d'accord, mais en rusée elle tente le tout pour le tout. Car puisqu'en insistant elle n'a pas obtenu le résultat qu'elle attendait, elle montre que Phédria lui-même refuse sa demande avec moins de constance. Et cela est si habile qu'elle obtient gain de cause tout de suite ; car on sait bien que ce qu'on a défendu d'arrache-pied, dès qu'on l'a arraché à l'autre, on y renonce peu après au profit de celui qui avait renoncé.

175
Ph.-utinam istuc uerbum ex animo ac uere diceres
Ph.-Ah ! si cette parole était sortie de ton cœur, si c'était vrai

1 vtinam istvc verbvm istuc uerbum pro tota sententia. 2 verbvm pro dicto. sed proprie ἀξίωμα, id est sententia uel enuntiatio, quae uno stringitur et ligatur uerbo, uerbum a ueteribus dicebatur. 3 ex animo ac vere diceres < uere > certe, quia est qui ex animo dicat, fallatur tamen.
1 vtinam istvc verbvm istuc uerbum désigne toute la proposition. 2 verbvm équivaut à dictum (énoncé). Mais à proprement parler, la proposition (ἀξίωμα), c'est-à-dire la phrase ou l'énoncé qui est attaché et lié à un seul verbe, était appelée uerbum par les anciens. 3 ex animo ac vere diceres uere au sens de certe (assurément), parce qu'on peut trouver des gens qui parlent du fond du cœur (ex animo) et se trompent tout de même.

176
« potius quam te inimicum habeam »! si istuc crederem
ce « plutôt que de t'avoir comme ennemi » ! Si je pouvais croire que ce que tu dis

potivs qvam te inimicvm habeam tantum in animum Phaedriae hoc descendit, ut etiam repetat quod amica dixerat adulans.
potivs qvam te inimicvm habeam l'expression a tellement fait mouche au cœur de Phédria qu'il répète ce que sa maîtresse avait dit pour le flatter.

177
sincere dici, quiduis possem perpeti.
est dit avec sincérité, je pourrais endurer tout ce que tu veux.

1 sincere dici qvidvis possem perpeti sincerum purum sine fuco et simplex est, ut mel sine cera. 2 Bene ergo <ut> mel blandimentum meretricis dulce fatetur, sed negat esse sincerum.
1 sincere dici qvidvis possem perpeti sincerus veut dire pur sans fard et simple, comme le miel sans cire (sine cera). 2 C'est une bonne idée de reconnaître que les cajoleries de la courtisane sont douces comme le miel, mais il dit qu'elles ne sont pas171.

178
Pa.-labascit uictus uno uerbo quam cito!
Pa.-Il chancelle, vaincu par un seul mot, et à quelle vitesse !

1 victvs vno verbo utinam istuc uerbum et uno uerbo, ut diximus, sic accipe, ut uerbum dictum intellegas, quod uerbo complectitur completae sententiae pronuntiationem, quod ἀξίωμα nominabatur. 2 labascit omnia incohatiua trisyllaba fere media producta enuntiantur. 3 victvs vno verbo qvam cito ait, quine illum «  falsa lacrimula 83 » uinci crediderat posse; plus factum est: et uno uerbo uictus est et cito.
1 victvs vno verbo utinam istuc uerbum et uno uerbo, comme nous l'avons dit, doivent se prendre au sens de uerbum valant ce qui, par le verbe, embrasse la prononciation d'une proposition complète, qu'on appelait axioma (ἀξίωμα). 2 labascit à peu près tous les incohatifs de trois syllabes ont la syllabe médiane longue. 3 victvs vno verbo qvam cito il dit cela, lui qui avait cru que le jeune homme pouvait être vaincu par une « falsa lacrimula » ; mieux encore : il a été vaincu uno uerbo uictus est et cito.

179
Th.-ego non tam330 ex animo misera dico? quam ioco
Th.-Moi, malheureuse, je ne parle pas du fond du cœur ? Y a-t-il une chose que même par caprice

1 ego non tam ex animo misera dico quod sensit multum ualuisse, hoc Thais inculcat animo amici sui. 2 Et ego uide quanta significet: conuenit hoc pronomen multa blande exprobranti, ut «  mene fugis? 84 » 3 qvam ioco rem volvisti a me tandem contra illud refertur, quod ait Phaedria «  nonne ubi dixti cupere te 85 ». 4 Sed hoc uehementius et disertius: quam rem inquit; non munus sed quod plus est rem, et non dixit serio sed ioco a facilitate praestantis, et uoluisti, non etiam dixisti. — 5 Mirandum obsequium ex voto animi pendens: non exspectat imperium, ne uoluptati mora sit, dum iubetur. — tum illud quod ait perfeceris: nonne pondus hoc uerbi et potentiam Phaedriae circa amicam et illius obsequium uehemens et rerum difficultatem, quae extortae sunt, monstrat atque omnem obterit querelam Phaedriae?
1 ego non tam ex animo misera dico ce qu'elle a senti très efficace, Thaïs le martèle au cœur de son amant. 2 Et voyez tout ce que signifie ego (moi) : ce pronom convient à qui fait maint reproche sur un ton caressant, comme chez Virgile « mene fugis ? » (est-ce moi que tu fuis ?). 3 qvam ioco rem volvisti a me tandem se réfère de manière contradictoire aux paroles de Phédria « nonne ubi dixti cupere te ». 4 Mais ici c'est plus vif et plus éloquent : elle dit quam rem (quelle chose) ; elle ne dit pas munus (cadeau) mais il y a plus dans res (chose) et elle ne dit pas serio (sérieusement) mais ioco, pour caractériser sa complaisance à offrir, et uoluisti, et non pas encore dixisti (tu as dit). — 5 Remarquable obéissance suspendue au souhait de l'âme : elle n'attend pas que l'ordre soit exprimé, pour éviter tout délai à la satisfaction. — puis perfeceris : le poids de ce verbe ne montre-t-il pas à la fois l'emprise de Phédria sur sa maîtresse, sa vive obéissance et la difficulté de ce qui est lui arraché de force, et cela ne ruine-t-il pas toute la plainte de Phédria ?

180
rem uoluisti a me tandem, quin perfeceris?
tu aies voulu de moi, enfin, sans que je le fasse ?

181
ego impetrare nequeo hoc abs te, biduum
Et moi je ne puis obtenir de toi que deux jours,

ego impetrare neqveo hoc abs te tu et ioco et non petisti, cum perfeceris tamen, at ego impetrare non possum.
ego impetrare neqveo hoc abs te de ton côté ioco et non petisti, tout en l'obtenant quand même, tandis que moi je ne peux pas l'obtenir172.

182
saltem ut concedas solum. Ph.-siquidem biduum:
seulement, tu me les accordes ? Ph.-Si ce n'était que deux jours ;

1 saltem vt concedas solvm argute additum et saltem et solum. 2 Et bene concedas , ut uoluntatis sit; <nam sic> dixit supra «  sine illum priores partes hosce aliquot dies 86 » etc.
1 saltem vt concedas solvm astucieusement elle ajoute saltem et solum. 2 Et concedas est bien trouvé, pour que cela émane de sa propre volonté ; car elle disait plus haut « sine illum priores partes hosce aliquot dies » etc.

183
uerum ne fiant isti uiginti dies.
mais que ça ne devienne pas vingt jours !

1 vervm ne fiant isti viginti dies facete biduum decuplauit. 2 Et simul, quia ex eadem ratione sunt uiginti ex qua duo, <et> ex qua uiginti, ducenti, duo milia et similiter deinceps.
1 vervm ne fiant isti viginti dies facétieusement il multiplie biduum (deux jours) par dix. 2 Et en même temps, c'est parce qu'on a le même rapport proportionnel entre 20 et 2, qu'entre 200 et 20, 2000 et ainsi de suite.

184
Th.-profecto non plus biduum aut... Ph.-« aut » nil moror.
Th.-Non vraiment, pas plus de deux jours, ou bien... Ph.-Je passe sur ce « ou bien ».

profecto non plvs bidvvm avt ἀποσιώπησις secunda.
profecto non plvs bidvvm avt seconde aposiopèse (ἀποσιώπησις).

185
Th.-non fiet: hoc modo sine te exorem. Ph.-scilicet
Th.-Ça n'arrivera pas ; juste ça, accorde-le-moi, je t'en supplie. Ph.-Evidemment,

1 hoc modo sine te exorem noue nunc non de te exorem sed te exorem. 2 Et hoc absolute.
1 hoc modo sine te exorem construction inédite : il écrit ici non pas de te exorem (obtenir de toi) mais te exorem. 2 Et hoc est construit détaché173.

186
faciundum est quod uis. Th.-merito te amo, bene facis.
il faut faire ce que tu veux. Th.-J'ai bien raison de t'aimer, tu agis bien.

1 facivndvm est qvod vis non quod oportet sed quod uis dicendo multum addidit obsequio suo. 2 bene facis in consuetudinem uenit, bene facis et «  bene fecisti 87 » non iudicantis esse sed gratias agentis. 3 merito te amo bene amoris mentionem ad auferendam suspicionem contemptus Phaedriae fecit.
1 facivndvm est qvod vis en disant non pas quod oportet (ce qu'il faut) mais quod uis il amplifie beaucoup sa complaisance. 2 bene facis il est devenu usuel que bene facis (tu fais bien) et « bene fecisti » émanent d'une personne non pas qui émet un jugement mais qui remercie. 3 merito te amo elle fait bien de mentionner son amour, pour ôter à Phédria tout soupçon d'être délaissé.

187
Ph.-rus ibo! ibi me hoc macerabo biduum.
Ph.-Je vais aller à la campagne, là, je vais me morfondre pendant deux jours.

1 rvs ibo et hoc amatorium est, odisse urbem sine amica. 2 Nec dixit ibi ero sed ibi me macerabo. 3 me hoc macerabo bidvvm pronuntiandum biduum, ut si dixit biennio.
1 rvs ibo et c'est bien d'un amoureux de détester la ville en l'absence de sa maîtresse. 2 Et il ne dit pas ibi ero (j'y serai) mais ibi me macerabo 3 me hoc macerabo bidvvm il faut prononcer biduum (deux jours), comme s'il disait biennio (deux ans).

188
ita facere certum est; mos gerendus est Thaidi.
C'est ce que je vais faire, c'est décidé. Il faut complaire à Thaïs.

1 ita facere certvm est ex his apparet uerbis, quam sibi amator hoc aegre imperet. 2 mos gerendvs est thaidi cum pronuntiatione et gestu, ut ostendat quae uis amoris sit, ut Thaidi mos geratur.
1 ita facere certvm est ces mots font apparaître à quel point l'amoureux s'impose cela à contrecœur. 2 mos gerendvs est thaidi avec une intonation et une gestuelle pour montrer la force de l'amour qui fait obéir au caprice de Thaïs.

189
tu, Parmeno, huc fac illi adducantur. Pa.-maxume.
Toi, Parménon, fais-les amener ici. Pa.-Absolument.

1 hvc fac illi addvcantvr eunuchus et ancilla, sed praeualet genus masculinum. 2 <fac illi> addvcantvr pro adducito eos. 3 Et bene adiectum, ne dilatis ob retentionem muneribus non procederent actus fabulae. 4 Et simul, quia absentia Phaedriae opus est, dum per Chaeream ludificatur meretrix.
1 hvc fac illi addvcantvr c'est-à-dire l'eunuque et la servante, mais le masculin l'emporte sur le féminin. 2 fac illi addvcantvr équivaut à adducito eos (amène-les). 3 Et c'est un bon ajout, pour éviter que le report de ces cadeaux par rétention n'empêche la progression des actes de la pièce. 4 Et en même temps parce que l'absence de Phédria est nécessaire, le temps pour la courtisane de se laisser abuser par Chéréa.

190
Ph.-in hoc biduum, Thais, uale. Th.-mi Phaedria,
Ph.-Pour ces deux jours, Thaïs, adieu. Th.-Mon Phédria,

1 in hoc bidvvm thais vale nunc uale abscessum significat, non salutationem. nam si mera salutatio est, biduo solum amicam ualere optat; sed praescribere conatur, quanto tempore abfuturus sit. 2 Et simul ostendit, quam inuitus abscedat. 3 in hoc bidvvm thais vale accusatiuo casu utens expressit amatoris impatientiam, biduum dicens praescripsit de tempore. et uale maiorem uim habet ex dolore discedentis quam obsequio salutantis.
1 in hoc bidvvm thais vale ici uale signifie l'adieu et non le bonjour. Car si c'est un simple salut, il souhaite la bonne santé à son amie pour deux jours seulement ; mais en fait il entreprend de mentionner d'emblée la durée de son absence. 2 Et en même temps il montre avec quels regrets il se retire. 3 in hoc bidvvm thais vale en utilisant l'accusatif, il caractérise l'impatience de l'amoureux, en disant biduum (deux jours), il donne une indication temporelle. Et uale (adieu) a plus de force quand il exprime la douleur de celui qui part que quand il exprime la politesse de celui qui donne le bonjour.

191
et tu. numquid uis aliud? Ph.-egone quid uelim?
adieu à toi aussi. Veux-tu encore quelque chose ? Ph.-Moi ? Que puis-je vouloir,

1 et tv nvmqvid vis alivd uale subaudiendum salutatorium. 2 Et subintellegendum post osculum dici numquid uis aliud? quasi recte factum.
1 et tv nvmqvid vis alivd sous-entendre un uale d'adieu. 2 Et comprendre entre les lignes que numquid uis aliud ? (veux-tu autre chose?) se dit après un baiser d'adieu fait pour ainsi dire en bonne et due forme.

192
cum milite isto331 praesens absens ut sies;
sinon que près de ce maudit soldat tu en sois loin,

1 cvm milite isto isto bene additum quasi odioso, ut alibi «  iam uero mitte, Demea, tuam istanc iracundiam 88 » et Vergilius «  aut quid petis istis? 89 » haec enim pronomina spernentis sunt odiumque monstrantis. 2 praesens absens vt sies praesens absens κακόζηλον.
1 cvm milite isto isto est un bon ajout, pour équivaloir à odieux, comme ailleurs « iam uero mitte, Demea, tuam istanc iracundiam » et chez Virgile « aut quid petis istis ? » (que demandes-tu pour ces pauvres vaisseaux ?). Car ces pronoms sont méprisants et connotent la haine. 2 praesens absens vt sies praesens absens, affectation précieuse (κακόζηλον).

193
dies noctesque me ames, me desideres,
que jour et nuit tu m'aimes, que tu me regrettes,

1 me desideres αὔξησις, quia plus est ab amore desiderium. 2 <me ames me> desideres me somnies me exspectes ἐπαναφορά prima. 3 Cum amare et desiderare sit uoluntatis atque obsequii, num etiam somniare? 4 Satis amatorie dictum est.
1 me desideres amplification (αὔξησις), car le regret né de l'amour a plus de force. 2 me ames me desideres me somnies me exspectes première épanaphore (ἐπαναφορά). 3 Alors qu'aimer et regretter dépendent de la volonté du sujet, en va-t-il de même pour rêver ? 4 C'est bien un discours d'amoureux.

194
me somnies, me exspectes, de me cogites,
que tu rêves de moi, que tu m'attendes, que tu penses à moi,

195
me speres, me te oblectes, mecum tota sis:
que tu m'espères, que tu te délectes de moi, que tu sois toute avec moi,

1 me speres cum me exspectes iam dixerit, quid sibi uult iterum me speres? 2 An exspectatio certorum est, spes incertorum? 3 Et exspectatio propinquarum rerum, spes longinquarum. 4 Et exspectatio destinat tempus, spes non destinat. 5 An me speres idem facere, id est de te cogitare, ut sit speres credas, ut statim in subditis inuenies «  nam eius fratrem spero iam propemodum repperisse 90 »? 6 me te oblectes septimus casus < me >. 7 mecvm tota sis toto animo. nam illam nunc animum is uult esse, non corpus. 8 Et simul quod ipse ab eius corpore patitur, id uult militi eius mente contingere tamquam penitus excluso ab amica.
1 me speres alors qu'il a dit me exspectes (m'attendre), que veut-il dire une fois de plus avec son me speres ? 2 Est-ce que ce sont des choses connues que l'on attend, des inconnues que l'on espère ? 3 Et l'attente concerne des choses proches, l'espoir des lointaines. 4 Et l'attente fixe un temps, l'espoir n'en fixe pas. 5 Ou faut-il comprendre me speres idem facere, (espères-tu que je vais faire la même chose ?), c'est-à-dire penser à toi, en sorte que speres équivaut à credas (tu crois), comme juste quelques vers plus bas on trouvera « nam eius fratrem spero iam propemodum repperisse ? ». 6 me te oblectes me est au septième cas174. 7 mecvm tota sis de tout ton cœur ; car il veut qu'elle soit désormais un cœur, non un corps. 8 Et en même temps, ce qu'il supporte lui de la part de son corps à elle, il veut que le soldat l'éprouve de son esprit à elle, comme s'il était complètement tenu à l'écart de son amie.

196
meus fac sis postremo animus quando ego sum tuus.
enfin que ton cœur soit à moi, puisque le mien est à toi.

qvando ego svm tvvs animus scilicet.
qvando ego svm tvvs animus (cœur) évidemment.

197
Th.-me miseram, forsitan332 hic mihi paruam habet333 fidem
Th.-Que je suis malheureuse ! Peut-être n'a-t-il pas grande confiance en moi

me miseram forsitan hic mihi parvam habet fidem recte Thais nunc partem argumenti exsequitur tacitam apud Phaedriam propter praesentiam serui, quem poeta uult ita nescire, ut audeat ad uitiandam uirginem subornare Chaeream.
me miseram forsitan hic mihi parvam habet fidem c'est à juste titre maintenant que Thaïs poursuit la partie de l'argumentaire qu'elle a cachée à Phédria à cause de la présence de l'esclave, que le poète veut laisser dans l'ignorance, pour qu'il ait l'audace de préparer Chéréa à déshonorer la jeune fille.

198
atque ex aliarum ingeniis nunc me iudicet.
et me juge-t-il maintenant sur le caractère des autres.

atqve ex aliarvm ingeniis nvnc me ivdicet hic Terentius ostendit uirtutis suae hoc esse, ut peruulgatas personas noue inducat et tamen a consuetudine non recedat, ut puta meretricem bonam cum facit, capiat tamen et delectet animum spectatoris.
atqve ex aliarvm ingeniis nvnc me ivdicet ici Térence montre que son talent consiste à renouveler les personnages traditionnels qu'il met en scène sans pour autant s'éloigner de l'usage, au point que, quand il rend par exemple une courtisane sympathique, il captive néanmoins et séduit l'esprit du spectateur.

199
ego pol, quae mihi sum conscia, hoc certo scio
Mais moi, nom d'un chien, qui me connais bien, il y a une chose dont je suis sûre,

200
neque me finxisse falsi quicquam neque meo
c'est que je n'ai rien inventé de faux et que, à mon

1 neqve me finxisse falsi qvicqvam aut dixisse debuit dicere aut abundat falsi. 2 Aut ideo, quia et uanum aliquid fingi potuit, ut supra «  si uanum aut falsum aut fictum est 91 ».
1 neqve me finxisse falsi qvicqvam ou il aurait dû dire dixisse (dire) ou falsi (mensonge) est pléonastique. 2 Ou alors il le dit ainsi parce que l'on peut aussi inventer quelque chose de vain, comme plus haut « si uanum aut falsum aut fictum est ».

201
cordi esse quemquam cariorem hoc Phaedria.
cœur, personne n'est plus cher que mon Phédria.

1 neqve meo cordi esse qvemqvam24 melius quemquam quam si diceret militem. 2 qvemqvam cariorem quasi meretrix non carum alterum sed cariorem negat.
1 neqve meo cordi esse qvemqvam cariorem mieux vaut dire quemquam (quelqu'un) que militem (le soldat). 2 qvemqvam cariorem en quelque sorte la courtisane ne nie pas qu'il y en ait un autre de cher, mais qu'il y en ait un autre de plus cher.

202
et quidquid huius feci causa uirginis
Et tout ce que j'en ai fait, c'est pour la jeune fille

1 et qvicqvid hvivs feci huius absolute aut per ἔλλειψιν, ut desit rei. in Hecyra «  ne quid sit huius oro 92 », in Heautontimorumeno «  nihil me istius facturum, pater 93 ». 2 Aut <ut> «  quid petis istis? 94 » 3 qvicqvid hvivs rei subaudiendum est, <id est>: quod eum exclusi foras.
1 et qvicqvid hvivs feci huius est détaché, ou par ellipse (ἔλλειψις), si bien qu'il manque rei (cette chose). Ainsi dans L'Hécyre « ne quid sit huius oro », dans L'Héautontimorouménos « nihil me istius facturum, pater » (que je ne ferai rien de cela, père). 2 Ou comme chez Virgile « quid petis istis ? » (que demandes-tu pour ces pauvres vaisseaux ?). 3 qvicqvid hvivs sous-entendre rei (chose), c'est-à-dire le fait que je t'aie mis175.

203
feci; nam me eius fratrem spero propemodum
que je l'ai fait ; car, son frère, je suis presque sûre

1 spero propemodvm noue spero pro credo uel confido. 2 propemodvm ideo propemodum, quia hominem quidem nouit, sed fratrem esse uirginis nondum probauit.
1 spero propemodvm sens inédit de spero équivalant à credo (je crois) ou confido (j'ai foi). 2 propemodvm propemodum se comprend parce que si elle connaît le bonhomme, elle n'est pas encore sûre qu'il soit le frère de la jeune fille.

204
iam repperisse, adulescentem adeo nobilem;
de l'avoir déjà retrouvé, un jeune homme bien comme il faut,

1 adeo nobilem adeo pro nimis positum est. 2 Aut expletiua particula.
1 adeo nobilem adeo est mis pour nimis (extrêmement). 2 Ou alors c'est une particule explétive.

205
et is hodie uenturum ad me constituit domum.
et il a décidé de venir me voir chez moi aujourd'hui.

206
concedam hinc intro atque exspectabo dum uenit.
Je vais rentrer et attendre qu'il arrive.

atqve exspectabo dvm venit futurum actum uoluit promittere, non quo aliquis gestus sit exspectantis.
atqve exspectabo dvm venit elle fait une préparation pour un prochain acte, ça ne veut pas dire pas qu'il y a un geste d'attente.

Actus alter

scaena prima

Phaedria Parmeno

207 | 208 | 209 | 210 | 211 | 212 | 213 | 214 | 215 | 216 | 217 | 218 | 219 | 220 | 221 | 222 | 223 | 224 | 225 | 226 | 227 | 228 | 229 | 230 | 231

207
Ph.-Fac, ita ut iussi, deducantur isti. Pa.-faciam. Ph.-at diligenter.
Ph.-Aie soin, selon mon ordre, de les amener ici. Pa.-Oui. Ph.-Mais vite.

fac ita vt ivssi iam amatorium multiloquium et uaniloquium continet ista actio, nam et repetit quod iam dictum est et id facit <* * *> magis et odiose nimis.
fac ita vt ivssi désormais cette scène contient un bavardage amoureux et qui ne rime à rien, car il répète aussi ce qui a déjà été dit et il le fait <****> et de manière très odieuse.

208
Pa.-fiet. Ph.-at mature. Pa.-fiet. Ph.-satine hoc mandatum est tibi? Pa.-ah
Pa.-D'accord. Ph.-Mais de suite. Pa.-D'accord. Ph.-L'ordre que tu as reçu est-il assez clair ? Pa.-Ah !

209
rogitare, quasi difficile sit!
me harceler comme si c'était chose difficile !

1 rogitare qvasi difficile sit deest uis uel pergis, ut sit: rogitare pergis. 2 Vel te, si ipsum respicit, uel hunc, si auersus haec dicit, ut sit: rogitare te! aut: rogitare hunc! 3 Et distinctione interposita inferendum uultuose quasi difficile sit, <scilicet> id quod mandat. ita et ineptiam nimiam circa haec solliciti amatoris expressit et ostendit nihil esse facilius, quam deducere ad meretricem munera, cum contra illud sit difficillimum, poscenti aliquid non dare. 4 rogitare subauditur te mirum est, qvasi difficile sit complere quod iubes.
1 rogitare qvasi difficile sit il manque uis ou pergis pour donner rogitare pergis (tu continues à demander). 2 soit il faut comprendre te (toi) s'il regarde vers l'autre personnage, soit hunc (celui-là) s'il dit cela en aparté, pour donner : tu le demandes ou il le demande. 3 Et, avec la ponctuation, il faut lancer avec un jeu de physionomie quasi difficile sit évidemment ce qu'il demande. C'est ainsi qu'à la fois il exprime la sottise excessive en ces matières d'un amoureux inquiet et il montre que rien n'est plus facile que d'amener des présents à la courtisane alors qu'au contraire la chose qui serait la plus difficile ce serait de ne rien lui donner quand elle demande. 4 rogitare sous-entendre te mirum est (c'est étonnant que tu) qvasi difficile sit de faire ce que tu ordonnes.

210
utinam tam aliquid inuenire facile possis, Phaedria,
Si tu pouvais trouver quelque chose d'aussi facile, Phédria,

1 vtinam tam aliqvid invenire possis < f. facile > phaedria inuenire acquirere. Sic in Heautontimorumeno «  patri quo modo obsequare et ut serues quod labore inuenerit 95 ». 2 Nam ideo a praecedenti etiam quaestus dicuntur.
1 vtinam tam aliqvid invenire possis facile phaedria inuenire équivaut à acquirere (acquérir). Ainsi dans L'Héautontimorouménos « patri quo modo obsequare et ut serues quod labore inuenerit » (le moyen de plaire à ton père et de garder ce qu'il a amassé par son travail). 2 Et c'est en raison de ce qui précède qu'on dit aussi questus 176.

211
quam hoc perit334 Ph.-ego quoque una pereo, quod mihi335 carius ;
que ton cadeau est peine perdue ! Ph.-Moi aussi je suis perdu, moi la chose à laquelle je tiens le plus.

1 qvam hoc perit deest facile, <ut sit: quam facile> hoc perit. 2 qvod mihi carivs pro qui mihi sum carior. 3 Sed ego dixit, absolute, occurrens huic pronomini < quod >.
1 qvam hoc perit il manque facile pour donner : qu'il sera facile que ton cadeau soit en pure perte. 2 qvod mihi carivs mis pour qui mihi sum carior (moi qui me suis le plus cher). 3 mais ego est dit absolument et quod vient se heurter à ce pronom.

212
ne istuc tam iniquo patiare animo. Pa.-minime: qui effectum dabo.
Ne prends pas cela avec si peu de sang-froid. Pa.-Du tout ! je vais le faire.

qvi effectvm dabo qui pronomen, ut in Heautontimorumeno «  qui nolo mentiare 96 ».
qvi effectvm dabo qui est un pronom comme dans L'Héautontimorouménos « qui nolo mentiare » (moi je ne veux pas que tu mentes).

213
sed numquid aliud imperas?
Mais as-tu autre chose à me commander ?

sed nvmqvid alivd imperas in his seruus nihil uult nisi coactus facere propter maiorem dominum. sic et alibi «  iubesne? 97 » inquit, respondente Chaerea «  cogo atque impero 98 ».
sed nvmqvid alivd imperas dans cette réplique, l'esclave ne veut rien d'autre qu'agir sous la contrainte à cause d'un maître plus puissant. Ainsi ailleurs il dit « alors que Chéréa répond « cogo atque impero ».

214
Ph.-munus nostrum ornato uerbis, quod poteris, et istum aemulum,
Ph.-Notre cadeau, emballe-le d'un compliment comme tu pourras et ce fichu rival,,

1 mvnvs nostrvm ornato verbis ἠθικῶς non dixit meum, quasi etiam Parmenonis sit. 2 et istvm id est molestum et odiosum. nam hoc significat istum .
1 mvnvs nostrvm ornato verbis c'est par respect du type (ἠθικῶς) qu'il ne dit pas meum (mon), comme si c'était aussi le fait de Parménon. 2 et istvm c'est à dire pénible et odieux. De fait c'est la nuance de istum.

215
quod poteris, ab ea pellito.
comme tu pourras, chasse-le de chez elle.

1 ab ea pellito ab ea ab eius animo. 2 Et non pelli facito sed pellito.
1 ab ea pellito ab ea signifie de son coeur. 2 Et il ne dit pas pelli facito (fais évincer) mais pellito (évince).

216
Pa.-memini, tam etsi nullus moneas. Ph.-ego rus ibo atque ibi manebo.
Pa.-Je m'ensouvenais, même si tu ne me l'avais pas dit. Ph.-Pour moi, j'irai à la campagne et j'y resterai.

1 memini tametsi nvllvs moneas properat seruus carpere uaniloquium domini. 2 nvllvs moneas nullus pro non in Hecyra «  nullus dixeris 99 », Plautus in Trinummo «  nullus credas 100 ». 3 ego rvs ibo et hoc iam dictum est, sed ostendit, quam olim id incipiat Phaedria.
1 memini tametsi nvllvs moneas l'esclave se hâte de blâmer177 le bavardage de son maître. 2 nvllvs moneas nullus est mis pour non comme dans L'Hécyre « nullus dixeris », Plaute dans le Trinummus « nullus credas178  » (tu ne croirais pas). 3 ego rvs ibo cela aussi a déjà été dit, mais il montre depuis combien de temps Phédria est en train179 de commencer à agir ainsi.

217
Pa.-censeo. Ph.-sed heus tu. Pa.-quid uis? Ph.-censen me posse336 obfirmare et
Pa.-Je sios d'accord. Ph.-Mais dis donc, toi. Pa.-Que veux-tu ? Ph.-Crois-tu que je puisse tenir bon et

1 censen me posse arbitraris, ut censores, qui morum aliorum sunt summum arbitrium. 2 Et ideo hunc putat non censere, quia ipse desperat fieri posse. 3 obfirmare et perpeti uerba sunt desperantis: non firmare sed obfirmare, non pati sed perpeti.
1 censen me posse peux-tu croire comme les censeurs qui sont les juges souverains des moeurs d'autrui. 2 Et il pense que l'autre ne peut pas le croire car lui-même désespère de pouvoir le faire. 3 obfirmare et perpeti ce sont là les mots d'un homme en plein désespoir : il ne dit pas firmare (être ferme) mais obfirmare (être vraiment ferme), pas pati (souffrir) mais perpeti (souffrir jusqu'au bout).

218
perpeti ne redeam interea? Pa.-tene? non hercle arbitror;
souffrir jusqu'au bout sans revenir dans l'intervalle ? Pa.-Toi ? Non, ma foi, je ne crois pas ;

tene te quod ait hanc uim habet, ut significet perditum amatorem esse Phaedriam.
tene le te qu'il dit a une telle force qu'il montre bien que Phédria est un amoureux incorrigible.

219
nam aut iam reuertere aut mox noctu te adigent337 horsum insomnia.
car soit tu vas revenir bientôt, soit très vite cette nuit, l'insomnie te poussera par ici.

1 nam avt iam revertere modo iam pro statim. 2 mox noctv te adigent hoc est ad urbem agent. 3 insomnia uigiliae. legitur et adiget, ut sit insomnia numeri singularis.
1 nam avt iam revertere iam est seulement l'équivalent de statim. 2 mox noctv te adigent c'est à dire te conduiront à la ville. 3 insomnia des veilles. On lit aussi adiget, ce qui fait d' insomnia un singulier.

220
Ph.-opus faciam, ut defetiger usque ingratiis ut dormiam.
Ph.-Je travaillerai à m'épuiser jusqu'à dormir malgré moi.

1 vt defetiger vsqve ordo: usque ut defetiger. 2 ingratiis vt dormiam id est: etiam inuitus, etiam coactus. 3 Nam ingratis non ultro significat, quia ultronea grata sunt, ingrata quae ab inuitis fiunt aut recusantibus.
1 vt defetiger vsqve l'ordre des mots est : usque ut defetiger. 2 ingratiis vt dormiam cela veut dire : même contre mon gré, même sous la contrainte. 3 de fait ingratis signifie qui n'agit pas de son gré (non ultro) car les choses dites ultronea sont les choses que l'on fait de bon gré, tandis que les choses ingrata sont faites par des gens qui ne sont pas d'accord ou qui refusent.

221
Pa.-uigilabis lassus: hoc plus facies. Ph.-abi, nil dicis, Parmeno.
Pa.-Tu veilleras fatigué : c'est tout ce que tu y gagneras. Ph.-Va-t'en ! tu parles pour ne rien dire, Parménon.

222
eiciunda hercle haec est mollities animi; nimis me indulgeo.
Ce qu'il faut chasser, ma foi, c'est cette mollesse : je m'écoute trop.

nimis me indvlgeo me indulgeo: sic ueteres, quod nos mihi. alibi «  te indulgebant, tibi dabant 101 ».
nimis me indvlgeo me indulgeo : les anciens disaient ainsi là où nous nous mettons le datif mihi. Ailleurs « te indulgebant, tibi dabant » (ils t'accordaient, ils te donnaient).

223
tandem ne338 ego illam caream, si sit opus, uel totum triduum? Pa.-hui
Mais enfin, moi je ne pourrais pas me passer d'elle, s'il le fallait, même trois jours pleins ? Pa.-Pff !

1 tandem ne ego illa caream si sit opvs vel totvm tridvvm sic coepit, tamquam aliquid forte dicturus et magnificum. non autem est παρὰ προσδοκίαν, sed vere amator magnum hoc putat. 2 vel totvm tridvvm magna professio uirtutis, cum biduo sit opus, triduo posse durare, et totum triduum.
1 tandem ne ego illa caream si sit opvs vel totvm tridvvm il commence comme s'il allait dire quelque chose de courageux et de magnifique. Mais ce n'est pas le cas car le poète trompe notre attente (παρὰ προσδοκίαν), mais à la vérité l'amant croit que c'est grand. 2 vel totvm tridvvm grande déclaration de vertu de dire quand il faut deux jours que l'on peut tenir trois jours et en plus trois jours pleins.

224
uniuersum triduum? uide quid agas. Ph.-stat sententia.
trois jours entiers ! Songe à ce que tu fais. Ph.-C'est décidé.

1 vniversvm tridvvm εἰρωνικῶς uniuersum, quasi triduum in multo numero <sit>. 2 vide qvid agas sic dicitur magna aggredientibus. 3 stat sententia et uultu et gestu magis spectabile quod dixit stat sententia. 4 Vel maxime eo, quod tanto sonitu hoc de se promittat Phaedria continuo rediturus uel potius non accessurus ad uillam. tantum autem aberit, quantum temporis opus est ad uitiandam uirginem.
1 vniversvm tridvvm uniuersum (entiers) est dit ironiquement (εἰρωνικῶς), comme si trois jours c'était beaucoup. 2 vide qvid agas on parle ainsi aux gens qui abordent de grandes entreprises. 3 stat sententia l'expression du visage et la gestuelle rendent plus remarquables les paroles c'est décidé. 4 Ou plutôt parce qu'à si grand bruit Phédria promet qu'il reviendra immédiatement ou plutôt qu'il n'ira pas à la maison de campagne. Or il ne sera absent que le temps nécessaire pour déshonorer la jeune fille.

225
Pa.-di boni, quid hoc morbi est? adeon homines inmutarier
Pa.-Bon Dieu ! quel genre de maladie est-ce là ? Que les gens changent tellement

qvid hoc morbi est excusatio amoris, quando non culpa est sed morbus.
qvid hoc morbi est excuse de son amour puisque ce n'est pas une faute mais une maladie.

226
ex amore ut non cognoscas eundem esse! hoc nemo fuit
par amour, au point qu'on ne les prend pas pour les mêmes ! Par rapport à lui, il n'y avait personne

1 adeon homines inmvtarier ex amore vt non cognoscas evndem esse more suo a plurali numero ad singularem se conuertit. 2 ex amore vt non cognoscas evndem esse non solent stulti induci adulescentes et ideo ad amorem transtulit stultitiam Phaedriae.
1 adeon homines inmvtarier ex amore vt non cognoscas evndem esse comme de coutume chez lui, il passe du pluriel au singulier. 2 ex amore vt non cognoscas evndem esse il n'est pas habituel de représenter des jeunes gens stupides et c'est ce qui fait que Térence met sur le compte de l'amour la stupidité de Phédria.

227
minus ineptus, magis339 seuerus quisquam nec magis340 continens.
de moins sot, de plus austère, personne, ni de plus tempérant.

1 minvs ineptvs magis severvs nisi enim hoc esset, quid esset quod illum mulier praeferret militi, aut quid relinqueretur proprium personae militis, si et hic stolidus esset? 2 magis severvs qvisqvam nec magis continens animaduerte ut amet Terentius magis addere positiuo quam comparatiuum facere. 3 Nam neque seuerior neque continentior tam uoluit dicere quam magis seuerum et magis continentem.
1 minvs ineptvs magis severvs si en effet il n'en allait pas ainsi quelle serait la raison pour laquelle la femme le préfèrerait au soldat, ou que resterait-il de propre au personnage du soldat si celui-là aussi était idiot ? 2 magis severvs qvisqvam nec magis continens remarquez combien Térence aime ajouter magis (plutôt) à l'adjectif au positif plutôt que d'utiliser le comparatif. 3 de fait il a préféré ne pas dire seuerior (plus sérieux) et continentior (plus retenu) mais magis seuerus et magis continens.

228
sed quis hic est qui huc pergit? attat hic quidem est parasitus Gnatho
Mais qui est-ce qui vient par ici ? Eh ! mais c'est le parasite Gnathon,

hic qvidem est parasitvs gnatho haec apud Menandrum in Eunucho non sunt, ut ipse professus est «  parasiti personam... et militis 102 », sed de Colace translata sunt.
hic qvidem est parasitvs gnatho ces éléments sont absents de L'Eunuque de Ménandre comme il l'a déclaré lui-même « parasiti personam... et militis », mais ils ont été pris du Flatteur.

229
militis: ducit secum una uirginem dono huic. papae
celui du soldat. Il amène avec lui la fille en guise de cadeau pour elle. Peste !

230
facie honesta! mirum ni ego me turpiter hodie hic dabo
ce visage, quelle classe ! ça m'étonnerait que je ne me mette pas minable aujourd'hui ici

1 facie honesta οἰκονομία, qua ostenditur amaturus Chaerea, si quidem hanc Parmeno ipse miratur. 2 facie honesta sic Vergilius «  et laetos oculis afflarat honores 103 ». 3 Et mox idem «  ita me di ament, honestus 104 ». 4 ni ego me tvrpiter hodie hic dabo ni dabo pro ni dedero. Vergilius «  quamuis solus a. auem c. caelo d. deiecit a. ab a. alto 105 ».
1 facie honesta agencement (οἰκονομία) qui vise à montrer que Chéréa va l'aimer si même Parménon lui-même l'admire. 2 facie honesta ainsi Virgile « et laetos oculis afflarat honores » (avait insufflé à ses yeux une beauté charmante). 3 Et peu après même chose « ita me di ament, honestus ». 4 ni ego me tvrpiter hodie hic dabo ni dabo est mis pour ni dedero. Virgile « quamuis solus auem caelo deiecit ab alto » (bien que lui seul eût fait tomber l'oiseau du haut du ciel180).

231
cum meo decrepito hoc eunucho. haec superat ipsam Thaidem
avec mon pauvre eunuque décrépit. Elle surpasse Thaïs elle-même.

1 cvm meo decrepito evnvcho facete meo ad parasitum rettulit cum pulchro munere uenientem. 2 Et iam praeparatio est ad deducendum Chaeream quam deformem eunuchum. 3 decrepito hoc evnvcho decrepiti dicti sunt, quorum crepitu et plangore familiae funera iam conclamata fuerint. 4 haec svperat ipsam thaidem hoc sic accipias, non tamquam uituperari Thaidem, sed ὑπερβολικῶς. ideo addidit ipsam, quasi quae nimiae pulchritudinis est. 5 Et bene ipsam, propter quam datur.
1 cvm meo decrepito evnvcho meo est rapporté avec humour au parasite qui vient, lui, avec un beau cadeau. 2 Et c'est déjà la préparation pour amener Chéréa sous l'aspect de ce si vilain eunuque. 3 decrepito hoc evnvcho on dit decrepitus (décrépit) celui dont les funérailles ont déjà été annoncées par les cris (crepitus) et le plaintes de la famille. 4 haec svperat ipsam thaidem veillez à entendre ainsi cette réplique : il ne s'agit pas de blâmer Thaïs, mais, de façon hyperbolique (ὑπερβολικῶς), il ajoute ipsam pour ainsi dire cette femme d'une beauté si admirable. 5 Et ipsam est bien dit, pour désigner celle à cause de qui on donne.

scaena altera

Parmeno Gnatho

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232
Gn.-Di immortales, homini homo quid praestat? stulto intellegens
Gn.-Dieux immortels ! D'un homme à l'autre, quelle supériorité ! Entre le crétin et le malin,

1 di inmortales homini homo qvid praestat in hac scaena non stans sed quasi ambulans persona inducitur; constitit tamen aliquantum intuens spectatores, dum secum loquitur. exprimit autem parasitum et sub eius uerbis corruptos mores in assentationem ostendit, prorsus ut honestae quoque personae in huiusmodi culpa inuentae sint, ut alibi «  obsequium amicos, ueritas 106 » etc. 2 di inmortales hoc iam mire et pro saeculi ac temporum reprehensione satirice Terentius, quod apud eum stultum uocat simplicem parasitus et intellegentem malum. 3 di inmortales admirantis exclamatio est cum parasiti gesticulatione. 4 di inmortales homini h. homo q. qvid p. praestat morata narratio a sententia incipi solet, quae dicitur προμύθιον. 5 homini homo qvid praestat alii distinguunt quid praestat stulto intellegens, alii stulto intellegens quid interest, quia sic ueteres loquebantur.
1 di inmortales homini homo qvid praestat dans cette scène on représente un personnage non pas statique, mais pour ainsi dire en déplacement ; toutefois il s'arrête de temps en temps et regarde les spectateurs quand il se parle à lui-même. Térence expose la figure du parasite et sous ses paroles montre ses moeurs dépravées de manière à provoquer l'assentiment dans le but précis de rendre aussi honnêtes les personnes que l'on trouve coupables de cette faute, comme ailleurs « obsequium amicos, ueritas » etc. 2 di inmortales voici déjà qui est étonnant : pour s'en prendre à son siècle et à son temps, Térence parle de manière satirique, parce qu'un parasite, chez lui, nomme un naïf un imbécile et un homme intelligent un méchant. 3 di inmortales exclamation marquant l'admiration accompagnée d'une gestuelle du parasite. 4 di inmortales homini homo qvid praestat une narration morale commence d'ordinaire par une sentence que l'on nomme préambule (προμύθιον). 5 homini homo qvid praestat certains ponctuent pour avoir "en quoi un homme intelligent l'emporte sur un imbécile", d'autres pour avoir "entre un imbécile et un homme intelligent quelle différence", car les anciens s'exprimaient ainsi181.

233
quid interest? hoc adeo ex hac re uenit in mentem mihi:
quelle différence ! Voilà bien d'où cela m'est venu à l'esprit :

qvid interest hoc admirantis <est> et ideo sic pronuntiandum.
qvid interest réplique pleine d'étonnement et à prononcer comme telle.

234
conueni hodie adueniens mei loci hinc341 atque ordinis,
j'ai rencontré aujourd'hui en venant ici un type de ma condition et de mon rang,

1 conveni hodie adveniens conuenisse non uidisse tantum sed etiam collocutum esse significat. 2 mei loci atqve ordinis loci ingenuum, ordinis pauperem: illud natalium, hoc fortunae est. 3 Et τὸ ἑξῆς quendam (..) hominem.
1 conveni hodie adveniens conuenisse ne signifie pas seulement avoir vu mais aussi avoir parlé avec la personne. 2 mei loci atqve ordinis loci (d'ici) signifie du pays, ordinis (de ma condition) signifie pauvre : l'un est le fait de la naissance, l'autre de la fortune. 3 Et la succession (τὸ ἑξῆς) est quendam rapporté à hominem.

235
hominem haud inpurum, itidem patria qui abligurrierat bona:
pas le mauvais bougre, qui comme moi avait siphonné les biens paternels.

1 havt inpvrvm dixit non prodigum, sed quia hoc ipsum probat, non avarum non improbum. et sic laudamus eos, in quibus nihil est quod magnopere proferamus. 2 itidem patria qvi abligvrierat bona hoc ioculari uultu dicitur. 3 Eleganter ex persona parasiti non culpatur qui comederit bona. 4 abligvrierat suauibus escis consumpserat. nam ἀπὸ τοῦ λιγυροῦ est ligurire et λιγυρόν Graeci suaue appellant.
1 havt inpvrvm il veut dire non pas prodigue, mais parce qu'il approuve ce comportement précis sans avarice sans malice et c'est ainsi que nous louons ceux en qui il n'est rien que nous puissions grandement mettre en182. 2 itidem patria qvi abligvrierat bona cela est dit avec une expression plaisante du visage. 3 c'est élegamment fait pour un personnage de parasite de ne pas considérer comme une faute le fait de dévorer son bien. 4 abligvrierat il a épuisé en douces nourritures. De fait ligurire vient de λιγυρόν et λιγυρόν en Grec signifie doux.

236
uideo sentum squalidum aegrum, pannis annisque obsitum. « oh
Je le vois hirsute, dégoûtant, malingre, chargé de haillons et d'années. « Oh !

1 video sentvm o quam bene uideo, postquam dixit «  conueni 107 »: et tempus mutauit et uerbum. 2 sentvm horridum. 3 sentvm ad horrorem rettulit, sqvalidvm ad sordes, aegrvm ad maciem, pannis annisqve <obsitvm> ad uestitum et ad tristitiam. 4 Sed pannis et annis morologiae parasitorum sunt. 5 pannis annisqve obsitvm pannis annisque uel parasitica uernilitate κατὰ τὸ ὁμοιοτέλευτον dictum uel quia Homerus dixit «  αἶψα γὰρ ἐν κακότητι βροτοὶ καταγηράσκουσι 108 ». 6 Et est miseriae senium debitum. unde huic magis tristitia grauitasque displicuit, aliena semper ab hominibus parasitis. 7 annisqve obsitvm bene addidit annis, quia ut quisque miser est, ita senior uidetur. 8 obsitvm ut sentum, obsitum dixit: μεταφορά ab agro.
1 video sentvm que c'est bien de dire uideo après avoir dit « conueni » : il change à la fois de temps et de verbe. 2 sentvm hirsute. 3 sentvm se rapporte à son aspect hirsute, sqvalidvm à sa saleté, aegrvm à sa maigreur, pannis annisqve obsitvm à sa mise et à son air triste. 4 Mais pannis et annis sont des extravagances de parasites. 5 pannis annisqve obsitvm pannis annisque : est dit soit pour faire homéotéleute (κατὰ τὸ ὁμοιοτέλευτον)par bouffonerie de parasite soit aussi parce qu'Homère a dit « αἶψα γὰρ ἐν κακότητι βροτοὶ καταγηράσκουσι » (les mortels sont prompts à vieillir dans le malheur). 6 Et la vieillesse est une dette contractée auprès de la misère. C'est ce qui fait que la tristesse et la gravité déplaisent tant à notre homme, car ce sont des conditions que les parasites fuient à tout coup. 7 annisqve obsitvm il a bien fait d'ajouter annis, car plus quelqu'un est malheureux plus il paraît vieux. 8 obsitvm obsitum (chargé) est comme sentum (hirsute) : c'est une métaphore (μεταφορά)183 .

237
quid istuc » inquam « ornati est? quoniam miser quod habui perdidi, hem
lui dis-je, c'est quoi cet équipage ? ». —Puisque, malheureux, ce que j'avais, je l'ai perdu, ah !

1 qvid istvc inqvam ornati est scire nos conuenit, cum recto casu profertur interrogatio, non esse contumeliosum, ut si dicatur «  quis hic homo est 109 », si autem non, contemptum significari, ut «  quid hoc est hominis? 110 », «  quid mulieris 111 », «  quid ornatus 112 »? 2 qvid istvc inqvam ornati est ornatus τῶν μέσων est: ad decus et ad turpitudinem. 3 Vel simpliciter hoc accipe uel εἰρωνικῶς. 4 Et ornati ut senati antiquus genetiuus. 5 qvod habvi perdidi non dixit, id quod erat, comedi aut consumpsi.
1 qvid istvc inqvam ornati est il nous faut savoir que, lorsque le mot sur lequel porte une interrogation 184 est mis à un cas direct, l'interrogation n'est pas injurieuse, comme si on disait « quis hic homo est » (qui est cet homme ici ?), mais dans le cas contraire, il y a un sens injurieux comme, « quid hoc est hominis ? » (c'est quoi cet homme ?), « quid mulieris » (c'est quoi cette femme ?), « quid ornatus » (c'est quoi cette tenue ?). 2 qvid istvc inqvam ornati est ornatus est un mot de sens neutre (τῶν μέσων) : il va aussi bien pour honorer que pour faire honte. 3 On peut prendre la réplique soit au sens propre soit ironiquement (εἰρωνικῶς). 4 Et ornati est comme senati (sénat) un génitif archaïque. 5 qvod habvi perdidi il ne dit pas ce qui est, comedi (j'ai dévoré) ou consumpsi (j'ai consumé).

238
quo redactus sum. omnes noti me atque amici deserunt ».
voilà où j'en suis réduit. Toutes mes connaissances, tous mes amis m'abandonnent ».

1 hem qvo redactvs svm uel habitum suum uel corpus ostendens hoc dicit. nec quicquam hic nisi media <de> consuetudine collocatum est. 2 omnes noti me atqve amici deservnt sententiose et mordaciter in mores.
1 hem qvo redactvs svm il dit cette réplique en montrant soit sa mise soit son corps. Et on ne trouve ici rien qui n'y soit pris, à son habitude, dans un sens neutre. 2 omnes noti me atqve amici deservnt sentence qui est une critique morale mordante.

239
hic ego illum contempsi prae me : « quid homo » inquam « ignauissime?
Ici, moi je me suis mis à le mépriser, en le comparant à moi. « Comment ! », ai-je dit, « grosse feignasse,

hic ego illvm contempsi hoc est illud «  homo homini quid praestat stulto intellegens? 113 ».
hic ego illvm contempsi c'est ce qu'il a dit : « homo homini quid praestat stulto intellegens » ?

240
itan parasti te ut spes nulla reliqua in te sit342 tibi?
tu t'es vraiment arrangé pour qu'il ne te reste aucun espoir ?

1 itan parasti te quam obiurganter! tamquam in illo sit, quod miser est. et alibi «  nam nemo illorum quisquam ad te uenit, quin ita paret sese, ut abs te blanditiis quam minimo pretio suam uoluptatem expleat 114 ». 2 Et hoc proprie uerbum ad exprimendam immunitatem et ignauiam factum est. 3 vt spes nvlla reliqva in te sit sententiose ad illud, quod et Vergilius ait «  ponite spes sibi quisque 115 ». 4 vt spes nvlla reliqva in te sit tibi bene, quasi qui rem a fortuna acceperit.
1 itan parasti te quel ton de reproche! Comme si c'était sa faute s'il est malheureux. et ailleurs « nam nemo illorum quisquam ad te uenit, quin ita paret sese, ut abs te blanditiis185 quam minimo pretio suam uoluptatem expleat ». 2 Et cette expression est devenue au sens propre une formule pour exprimer l'absence de charge et la paresse. 3 vt spes nvlla reliqva in te sit de manière sentencieuse186 conformément à ce qu'on trouve aussi chez Virgile « ponite spes sibi quisque » (que chacun de vous renonce à tout espoir). 4 vt spes nvlla reliqva in te sit tibi bien dit en homme qui a reçu quelque bien de la fortune187.

241
simul cum re consilium343 amisisti344? uiden me ex eodem ortum loco?
Tu as perdu ton cerveau avec ta fortune ? regarde-moi, moi qui sors du même trou.

1 simvl cvm re consilivm amisisti Vergilius «  nec, si miserum fortuna Sinonem finxit, uanum etiam mendacemque improba finget 116 » et Sallustius «  neque fortuna eget, quippe quae probitatem industriam aliasque artes neque dare neque eripere cuiquam potest 117 ». — 2 Ergo haec interrogatio increpantis est nec desiderat responsionem. — nam consilium in hominibus est, res in potestate fortunae. 3 ex eodem loco id est ex eadem fortuna.
1 simvl cvm re consilivm amisisti Virgile « nec, si miserum fortuna Sinonem finxit, uanum etiam mendacemque improba finget » (et si la fortune a fait de Sinon un malheureux, si mauvaise soit-elle, elle n'en fera ni un fourbe ni un menteur) et Salluste « neque fortuna eget, quippe quae probitatem industriam aliasque artes neque dare neque eripere cuiquam potest » (on n'aura pas besoin de la fortune, qui ne peut ni donner ni enlever à personne la probité, l'activité et les autres vertus). — 2 Donc cette question est le fait d'un personnage qui fait des reproches et ne demande pas de réponse. — de fait la décision est au pouvoir des hommes, la réalisation au pouvoir de la fortune. 3 ex eodem loco c'est-à-dire de cette même fortune.

242
qui color nitor uestitus, quae habitudo est corporis!
quel teint ! quel éclat ! quelle tenue ! quelle prestance !

1 qvi color nitor vestitvs hoc contra illud quod ait «  uideo sentum 118 ». 2 color ad sentum, nitor ad squalidum, vestitvs ad pannis annisque obsitum, habitvdo corporis ad aegrum. 3 qvae habitvdo est corporis Plautus in Epidico «  corpulentior habere atque habitior 119 ».
1 qvi color nitor vestitvs cela fait contraste avec ses paroles : « video sentum ». 2 color se rapporte à «  sentum », nitor à «  squalidum », vestitvs à «  pannis annisque obsitum », habitvdo corporis à «  aegrum ». 3 qvae habitvdo est corporis Plaute dans l'Epidicus « corpulentior habere atque habitior » (être bien gras et de bien belle mine).

243
omnia habeo neque quicquam habeo; nihil cum est, nihil defit tamen ».
J'ai tout et je n'ai rien, quand il n'y a rien, rien ne me manque pourtant.

1 omnia habeo ad «  quod habui perdidi 120 », neqve qvicqvam habeo ad «  mei loci atque ordinis hominem 121 ». 2 omnia habeo ad industriam rettulit, neqve qvicqvam habeo <ad> fortunae culpam. 3 Et item denuo <ad> fortunae crimen nihil cum est, ad suam laudem nihil defit tamen. 4 omnia habeo neqve qvicqvam habeo alterutrum horum neutrumue potest cuiuis accidere, utrumque nulli. 5 nihil cvm est nihil defit tamen figura κακόζηλον, ut apud Vergilium «  sequiturque sequentem 122 ». et Cicero «  cum tacent, clamant 123 ».
1 omnia habeo se rapporte à « quod habui perdidi », neqve qvicqvam habeo à « mei loci atque ordinis hominem ». 2 omnia habeo il le rapporte à son activité, neqve qvicqvam habeo il le rapporte à la faute de la fortune. 3 Et de nouveau, à la responsabilité de la fortune qu'il ne possède rien, mais à sa louange que rien ne lui manque pourtant. 4 omnia habeo neqve qvicqvam habeo l'un ou l'autre de ces événements peut arriver à tout le monde, ou ni l'un ni l'autre, mais les deux à la fois c'est impossible. 5 nihil cvm est nihil defit tamen figure dite excès de préciosité (κακόζηλον), comme chez Virgile « sequiturque sequentem » (il suit qui le suit). Et Cicéron « cum tacent, clamant » (en se taisant ils crient).

244
« at ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati
-Mais moi, pauvre hère, supporter le ridicule et les coups,

1 at ego infelix neqve ridicvlvs iam transit ad μιμητικὸν χαρακτῆρα. 2 at ego infelix neqve ridicvlvs uehementer inuectus est in tempora et mores poeta sub hac persona, in qua hominem ita inducit paenitere probitatis suae, ut se infelicem, non honestum dicat et non nolo sed non possum.
1 at ego infelix neqve ridicvlvs il passe maintenant à l'imitation du type188 (μιμητικὸν χαρακτῆρα). 2 at ego infelix neqve ridicvlvs le poète se lance dans une violente critique de son temps et de ses moeurs sous le masque de ce personnage, dans lequel il met en scène un homme qui se repent de sa probité au point qu'il se dise malheureux et non pas honnête et qu'il dise non pas je ne veux pas mais je ne peux pas.

245
possum ». « quid? tu his rebus credis fieri? tota erras uia.
je ne peux pas. -Quoi ! tu crois que c'est comme ça qu'on fait ? Fausse route complète !

1 qvid tv his rebvs credis fieri dum quis ridetur aut uapulat. 2 tota erras via παρόμοιον per μεταφοράν.
1 qvid tv his rebvs credis fieri quand un homme est moqué ou prend des coups. 2 tota erras via isotopie (παρόμοιον) fondée sur une métaphore (μεταφοράν).

246
olim isti fuit generi quondam quaestus apud saeclum prius:
C'est autrefois que pour les gens comme ça, dans le passé, il y avait quelque chose à gagner, dans l'ancien temps.

apvd saeclvm privs scilicet cum essent tempora meliora.
apvd saeclvm privs sans nul doute quand les temps étaient meilleurs.

247
hoc nouum est aucupium; ego adeo hanc primus inueni uiam.
Maintenant il y a une nouvelle manière de prendre les pigeons, et c'est moi qui ai ouvert la route.

1 hoc novvm est avcvpivm uide quid intersit cum illum quaestum dicat, hoc aucupium: illud de sapientibus, hoc de stultis. 2 inveni viam adeo nouum est aucupium.
1 hoc novvm est avcvpivm remarquez la différence quand il dit d'une chose quaestus, d'une autre aucupium : l'un se dit des sages, l'autre des idiots189. 2 inveni viam c'est la nouvelle technique pour prendre les pigeons.

248
est genus hominum qui esse primos se omnium rerum uolunt
Il y a un genre de types qui veulent être premiers de tout

est genvs hominvm quia multi sunt huiusmodi. non dixit sunt homines sed est genus hominum.
est genvs hominvm parce qu'il y en a beaucoup de ce genre-là. Il n'a pas dit sunt homines (il y a des gens), mais est genus hominum (il y a un genre d'hommes190).

249
nec sunt: hos consector; hisce ego non paro me ut rideant,
et qui ne le sont pas ; c'est eux que je suis pas à pas ; je ne leur donne pas l'occasion de rire de moi :

hisce ego non paro me vt rideant quia ille dixerat «  ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum 124 ».
hisce ego non paro me vt rideant parce que l'autre avait dit « ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum ».

250
sed eis ultro adrideo et eorum ingenia admiror simul.
c'est moi qui leur ris le premier, en m'extasiant en même temps sur leur génie.

1 sed his vltro arrideo quid est his arrideo? aut ueluti pareo, id est obsequi uenio, aut ueluti dictis delector. 2 Atque arrideo non, ut parasitis fieri solet, ut his arrideatur a regibus quam ipsi dictis factisue arrideant alienis, hic esse intellegendum etiam ipsa res indicat e contrario; nam quod ait supra «  his ego non paro me, ut rideant 125 », hoc e contrario ostendit, quod subiciatur sed his etc 3 sed his vltro ultro uersa uice an prior? 4 An etiam insuper, hoc est ultra? 5 admiror simvl plus intulit, quam si laudo dixisset.
1 sed his vltro arrideo que veut dire his arrideo ? soit comme pareo (j'obéis à quelqu'un), c'est à dire je viens faire l'obséquieux, ou comme dictis delector (je me délecte de leurs paroles). 2 Et qu' arrideo ne veut pas dire ici, que (comme c'est le lot ordinaire des parasites) les puissants font des sourires à ceux qui d'eux-mêmes font des sourires aux paroles et aux actions d'autrui, le contexte lui-même le montre a contrario ; de fait quand il dit plus haut « his ego non paro me, ut rideant », il montre a contrario ce que sous entend sed his etc 3 sed his vltro ultro veut-il dire en retour ou le premier ? 4 Ou même en plus c'est à dire comme ultra ? 5 admiror simvl c'est plus que s'il avait dit laudo (je loue).

251
quicquid dicunt laudo; id rursum si negant, laudo id quoque;
Quoi qu'ils disent, j'approuve ; s'ils disent ensuite le contraire, j'approuve aussi.

1 qvicqvid dicvnt non quod dicunt, sed quicquid dicunt, id est bene maleue, ut, uel si interclusa fuisset assentatio, non se impediuerit, quod contrarium laudauerit. 2 id rvrsvm si negant lavdo id qvoqve praeclare Terentius, quod a satirico de aliis diceretur, id hic de se dicentem inducit, facetius multo, quam si aliter fecisset, κακολογῶν mores temporum iam tum uitiatorum per assentationem, quod fere in plerisque fabulis monstrat, ut etiam in Andria «  hoc tempore obsequium amicos, ueritas odium parit 126 » et in Adelphis «  quod te isti facilem et festiuum putant, id non fieri ex uera uita neque adeo ex aequo et iusto, sed ex indulgendo atque assentando et largiendo, Micio 127 ».
1 qvicqvid dicvnt il ne dit pas quod dicunt (ce qu'ils disent), mais quicquid dicunt, c'est-à-dire : que ce soit à tort ou à raison qu'on le coupe dans sa flatterie, il ne sent pas gêné car il loue aussi le contraire. 2 id rvrsvm si negant lavdo id qvoqve c'est admirable de voir Térence se peindre lui-même en train de dire de lui ce qu'un poète satirique dirait des autres, de façon bien plus drôle que s'il avait procédé autrement, vitupérant (κακολογῶν) les mœurs de temps déjà pourris par la flatterie à cette époque, ce qu'il montre ordinairement dans la plupart de ses pièces, comme dans L'Andrienne « hoc tempore obsequium amicos, ueritas odium parit » et dans Les Adelphes « quod te isti facilem et festiuum putant, id non fieri ex uera uita neque adeo ex aequo et iusto, sed ex indulgendo atque assentando et largiendo, Micio ».

252
negat quis: nego; ait: aio; postremo imperaui egomet mihi
On dit non, je dis non ; oui, je dis oui ; pour finir, je me suis donné la consigne

negat qvis nego bene sic dixit. negat et ait contraria sunt, ut Plautus in Rudente «  uel tu ais uel negas 128 ».
negat qvis nego c'est bien dit ainsi. Negat et ait sont des contraires, comme Plaute dans le Rudens « uel tu ais uel negas » (tu dis oui ou non).

253
omnia adsentari. is quaestus nunc est345 uberrimus ».
d'être d'accord avec tout. Cette façon de gagner sa vie est aujourd'hui de beaucoup la plus fructueuse.

1 is qvaestvs nvnc est vberrimvs quam ille «  apud saeclum prius 129 » fuerat. 2 Et uide quemadmodum inliberalem uitam honestiore nomine primo «  aucupium 130 », post etiam quaestum nominauerit ῥωποκάπηλος impudens.
1 is qvaestvs nvnc est vberrimvs plus fructueux qu'il avait été « apud saeclum prius ». 2 Et voyez comment il habille sa vie indigne d'un homme comme il faut de noms plus honnêtes avec d'abord « aucupium », et maintenant quaestus, ce bonimenteur (ῥωποκάπηλος) impudent.

254
Pa.-scitum hercle hominem! hic homines prorsum ex stultis insanos facit.
Pa.-Voilà, ma foi, un joli coco ! ce gars-là, en un tournemain, il change les crétins en débiles.

scitvm h. hercle hominem mire Terentius longae orationi interloquia quaedam adhibet, ut fastidium prolixitatis euitet, uelut nunc Parmeno procul audiens Gnathonem haec loquitur.
scitvm hercle hominem il faut admirer la manière dont Térence coupe les longues tirades de quelques interventions d'un autre personnage pour éviter la lassitude que provoque la prolixité, comme il le fait maintenant avec Parménon qui dit cela en écoutant de loin Gnathon.

255
Gn.-dum haec loquimur, interealoci ad macellum ubi aduenimus,
Gn.-Tout en causant de la sorte, voilà qu'entretemps, quand nous arrivons au marché,

interealoci duae partes orationis cum coniunctae unam fecerint, mutant accentum.
interealoci deux parties du discours, quand elles sont conjointes en une seule, changent d'accent.

256
concurrunt laeti mihi obuiam cuppedinarii omnes,
se ruent au devant de moi, tout contents, tous les boutiquiers,

1 concvrrvnt laeti mihi obviam et multos et properos uno uerbo ostendit et ex diuerso ad se festinantes. 2 cvppedinarii omnes Varro Humanarum rerum «  Numerius Equitius Cuppes, inquit, et Manius Macellus singulari latrocinio multa loca habuerunt infesta. his in exsilium actis bona publicata sunt, aedes ubi habitabant dirutae eque ea pecunia scalae deum penatium aedificatae sunt. ubi habitabant, locus, ubi uenirent ea, quae uescendi causa in urbem erant allata. itaque ab altero Macellum, ab altero Forum Cuppedinis appellatum 131 ». 3 cvppedinarii omnes qui esculenta et poculenta uendunt, a rebus cupidinis ob alimentum cupidinarii appellantur. 4 Et ipse subiecit, qui accipiendi sint cupidinarii.
1 concvrrvnt laeti mihi obviam en un mot il montre qu'ils sont nombreux, qu'ils vont vite, et qu'ils se hâtent de partout vers lui. 2 cvppedinarii omnes Varron dans les Antiquités humaines écrit : « Numerius Equitius Cuppes et Manius Macellus singulari latrocinio multa loca habuerunt infesta. his in exsilium actis bona publicata sunt, aedes ubi habitabant dirutae eque ea pecunia scalae deum penatium aedificatae sunt. ubi habitabant, locus, ubi uenirent ea, quae uescendi causa in urbem erant allata. itaque ab altero Macellum, ab altero Forum Cuppedinis appellatum » (Numerius Equitius Cuppes et Manius Macellus désolèrent de nombreux lieux par un brigandage sans exemple. Quand on les eut exilés leurs biens furent confisqués au profit de l'Etat, les maisons où ils habitaient furent détruites et avec cet argent on bâtit les escaliers des dieux pénates. Le lieu où il habitaient devint celui ou étaient vendues les choses qui étaient apportées à la Ville pour nourrir les habitants. Voilà pourquoi il fut appelé du nom de l'un Macellum, et du nom de l'autre Forum Cuppedinis). 3 cvppedinarii omnes ceux qui vendent des comestibles et des boissons sont nommés cupidinarii à cause des choses qui provoquent le désir de manger. 4 Et et il indique ensuite lui-même quelle sorte de gens il faut entendre sous le nom de cupidinarii.

257
cetarii lanii coqui fartores piscatores,
pêcheurs au gros, bouchers, traiteurs, charcutiers, poissonniers,

1 lanii qui laniant pecora; unde et lanistae dicti, qui laniandis praesunt gladiatoribus. 2 Sic et macellum a mactandis pecoribus dictum. 3 piscatores qui recentem piscem praebent. 4 fartores qui insicia et farcimina faciunt. 5 cetarii qui cete, id est magnos pisces, uenditant et bolonas exercent. 6 cetarii lanii coqvi fartores σχῆμα comicum, nam in palliata Romanas res loquitur.
1 lanii ceux qui découpent en morceaux le bétail ; c'est aussi de là que vient le mot laniste, pour désigner ceux qui commandent aux gladiateurs qui se coupent en morceaux. 2 Ainsi le mot macellum vient aussi du verbe qui signifie abattre (mactare) le bétail. 3 piscatores ceux qui proposent du poisson frais. 4 fartores ceux qui font des saucisses et des boudins. 5 cetarii ceux qui vendent des baleines, autrement dit des gros poissons, et font le métier de poissonnier. 6 cetarii lanii coqvi fartores figure (σχῆμα) comique car dans une pièce en costume grec on parle de réalités romaines.

258
quibus et re salua et perdita profuerim346 et prosum saepe:
gens à qui j'avais rendu service quand ma fortune était encore là et et après l'avoir perdue, et à qui je rends service souvent encore.

1 qvibvs et re salva cum de meo impenderem, et perdita profverim cum de alieno manticulor atque impendo. 2 saepe expletiuae significationis est.
1 qvibvs et re salva quand je payais sur mes propres fonds, et perdita profverim maintenant que je vole à la tire 191 et paye avec le bien d'autrui. 2 saepe le sens est explétif.

259
salutant, ad cenam uocant, aduentum gratulantur.
Ils saluent, invitent à dîner, se félicitent de ma venue.

1 ad cenam vocant utrum ad emendam cenam an uero ad conuiuium? 2 adventvm gratvlantvr accusatiuum pro datiuo, pro aduentui gratulantur. 3 Et aduentus proprie exspectatorum necessariorumque dicitur.
1 ad cenam vocant on se demande si c'est pour acheter le dîner ou alors pour l'inviter à manger ? 2 adventvm gratvlantvr accusatif mis pour le datif, pour aduentui gratulantur. 3 Et aduentus se dit au sens propre pour des gens qu'on attend et qui nous sont proches.

260
ille ubi miser famelicus uidet me347 esse tanto honore348 et
Quand ce pauvre crève-la-faim me voit qu'on me tient en si grand honneur et

1 ille vbi miser famelicvs videt me hic ostendit, quae res coegerit ad discendum. 2 Et simul uide famelicum uulgi opinionem loqui parasitum: miserum et famelicum, hominem honestis moribus praeditum. 3 ille vbi miser famelicvs videt me uide ut sententiose demonstret malos ex bonis contagione fieri, exemplis in prauum praeualentibus: uidet mihi hoc prodesse et discere optat, quod negabat se posse. 4 tanto honore quia «  concurrunt 132 », «  salutant 133 ». 5 famelicvs a fame et edendo dictum est quasi famedicus.
1 ille vbi miser famelicvs videt me ici il montre ce qui a contraint l'autre à se mettre à son école. 2 Et en même temps, remarquez que le parasite parle conformément à l'opinion du vulgaire à son sujet : miserum et famelicum (pauvre et famélique) désignent un homme de mœurs honnêtes. 3 ille vbi miser famelicvs videt me voyez sur quel ton sentencieux il démontre que les bons deviennent mauvais par contagion, avec des exemples qui poussent au pire : il voit que cela me rend service et il décide d'apprendre ce qu'il disait ne pas pouvoir faire. 4 tanto honore parce que « concurrunt », « salutant ». 5 famelicvs vient de fames (la faim) et de edo (manger) comme si on avait famedicus.

261
tam facile uictum quaerere, ibi homo coepit me obsecrare
que je gagne si aisément ma vie, voilà le type qui se met à me supplier

1 tam facile victvm qvaerere quia «  ad cenam uocant 134 ». 2 ibi pro tunc. 3 homo mire addidit homo. 4 Aut additum superuacuo homo, ut «  donat habere uiro decus et tutamen in armis 135 ».
1 tam facile victvm qvaerere parce que « ad cenam uocant ». 2 ibi pour tunc. 3 homo c'est étonnant qu'il ait ajouté homo. 4 ou alors le mot homo est ajouté de manière superflue comme « donat habere uiro decus et tutamen in armis » (il la donne pour qu'elle serve au héros de marque d'honneur et de protection sous les armes).

262
ut sibi liceret discere id de me: sectari iussi,
de lui permettre de s'instruire à mon école. Je lui ai commandé de s'attacher à mes pas,

1 vt sibi liceret discere quasi disciplinam aut artem: tantum auctoritatis criminum felicitas sumpsit. 2 discere id de me magis de illo et de me ueteres dicebant quam, ut nos dicimus, a me aut ab illo. 3 sectari ivssi proprie, nam et sectae philosophorum ab hoc significatu dictae sunt.
1 vt sibi liceret discere comme si c'était une discipline ou un art : tant le succès de ses crimes lui a procuré d'ascendant. 2 discere id de me les anciens disaient plus volontiers de illo et de me qu' a me ou ab illo comme nous le faisons nous. 3 sectari ivssi le mot est au sens propre, de fait le mot sectae pour les écoles des philosophes vient de ce sens.

263
si potis est, tamquam philosophorum habent disciplinae ex ipsis
s'il en est capable. Comme les écoles des philosophes tirent d'eux

ex ipsis philosophis scilicet.
ex ipsis comprendre évidemment les philosophes.

264
uocabula, parasiti ita ut Gnathonici uocentur.
leur nom, que les parasites soient baptisés Gnathoniciens.

1 ex ipsis vocabvla ut Pythagorica, Platonica. 2 Hoc igitur non est consequens ad id quod uult dicere; nisi forte disciplinam pro discipulis posuit. 3 vocabvla non hoc intulit quod coeperat dicere; nisi forte disciplinam pro discipulis accipimus.
1 ex ipsis vocabvla comme on dit Pythagoricien, Platonicien. 2 Ce n'est donc pas en accord avec ce qu'il veut dire ; à moins qu'il n'ait mis le mot disciplina (discipline) pour discipuli (les192). 3 vocabvla cela ne produit pas ce qu'il avait commencé à dire ; à moins que nous ne comprenions que disciplina est mis pour discipulis.

265
Pa.-uiden otium et cibus quid facit349 alienus? Gn.-sed ego cesso
Pa.-Voyez un peu l'oisiveté et la nourriture, le mal que ça fait. Gn.- Mais je m'en vais

1 viden otivm et cibvs qvid faciat alienvs rursus Parmeno et facetias dicit et distinguit longiloquium parasiti. 2 qvid faciat legitur quid facit, ut sit figura per modos pro quid faciat.
1 viden otivm et cibvs qvid faciat alienvs Parménon recommence à raconter des blagues et coupe la tirade du parasite. 2 qvid faciat on lit aussi l'indicatif quid facit ce qui donne un jeu sur les modesà la place du subjonctif quid faciat 193.

266
ad Thaidem hanc deducere et rogare ad cenam ut ueniat?
emmener cette fille à Thaïs et la prier de venir souper.

1 hanc dedvcere proprie, nam ducitur quis ad supplicium, deducitur in laetitiam. 2 et rogare ad cenam uide parasitum optare Thaidem ad cenam uocari quam munus accipere.
1 hanc dedvcere au sens propre, de fait on utilise duco pour conduire quelqu'un à un supplice, deduco pour conduire à un événement heureux. 2 et rogare ad cenam voyez le parasite souhaiter que Thaïs soit invitée à dîner plutôt qu'elle n' accepte le cadeau.

267
sed Parmenonem ante ostium Thaidis350 tristem uideo,
Mais c'est Parménon, que j'aperçois devant la porte de Thaïs, avec une tête sinistre,

thaidis legitur et Thainis.
thaidis on lit aussi Thainis.

268
riualis seruum: salua res est. nimirum hic homines frigent.
l'esclave de notre rival : on est sauvé ; vraiment, ici, les gens leur battent froid.

1 salva res est quia et «  ante ostium 136 » et «  tristem uideo 137 », salva res est. nec hoc ualet ad laetitiam, quod Parmeno est, sed quod riualis seruus. 2 salva res est prouerbialiter.
1 salva res est puisque « ante ostium » et « tristem uideo », tout va bien. Et ce qui le met ainsi en joie ce n'est pas que ce soit Parménon, mais que son rival soit un esclave. 2 salva res est expression proverbiale.

269
nebulonem hunc certum est ludere. Pa.-hisce hoc munere arbitrantur
Ce benêt, c'est sûr que je vais me le faire. Pa.-Ceux-là, ils croient qu'avec leur cadeau

1 nebvlonem uel furem quia nebulas obiciat, uel mollem ut nebulam, uel inanem ac uanum, ut nebula est. 2 hisce pro hi uetuste, Vergilius «  his certe — neque amor causa est — uix ossibus haerent 138 », quia hice debebat dicere. 3 hisce hoc mvnere arbitrantvr non immerito Gnathonem deridet Parmeno, qui penitus nouerit consilium meretricis.
1 nebvlonem soit voleur, car il se cache derrière des nuées (nebula), soit inconsistant comme une nuée, soit creux et vide comme l'est une nuée. 2 hisce archaïque pour hi, Virgile « his certe — neque amor causa est — uix ossibus haerent » (elles sont maigres -ce n'est pas l'amour qui en est cause- à laisser voir leurs os), parce qu'il aurait dû dire hice. 3 hisce hoc mvnere arbitrantvr ce n'est pas sans fondement que Parménon se moque de Gnathon, car il connaît à fond le dessein de la courtisane.

270
suam Thaidem esse. Gn.-plurima salute Parmenonem
Thaïs est à eux. Gn.- Un très grand bonjour à Parménon

271
summum suum inpertit Gnatho. quid agitur? Pa.-statur. Gn.-uideo.
son très grand ami, de la part de Gnathon. Dans quel état est-on ? Pa.-Stationnaire. Gn.-Je vois.

1 svmmvm ἔλλειψις. 2 svmmvm svvm impertit haec tota locutio parasiticae elegantiae et simul et εἰρωniae plena est. nam et plurimam dicit ei salutem, quem ne exiguam quidem uelit continere, <et> summum dicit eum, qui nec leuis amicus sit sibi, et Parmenonem Gnatho, non te ego. 3 svmmvm svvm quam uenuste, quod summum amicum non resalutet Parmeno! 4 qvid agitvr pro blandimento, non pro interrogatione nunc ponitur, ut «  o noster, quid fit? quid agitur? 139 » 5 qvid agitvr statvr pro quid agis? sto. 6 Et facete statur, nam stat, cui ingredi non licet.
1 svmmvm ellipse (ἔλλειψις). 2 svmmvm svvm impertit toute cette expression est pleine de l'élégance du parasite et en même temps aussi d'ironie (εἰρωnia). De fait, il lui fait mille courbettes, de peur qu'un salut trop modeste ne sache le retenir, et il le dit très grand pour qu'il ne soit pas pour lui non plus un ami inconstant et il dit Parménon et Gnathon et non "toi" et "moi". 3 svmmvm svvm que c'est charmant : Parménon ne rend pas son salut à son très grand ami ! 4 qvid agitvr cette expression est placée là en guise de flatterie non comme une vraie question, comme « o noster, quid fit ? quid agitur ? » 5 qvid agitvr statvr mis pour quid agis ? sto (qu'est-ce que tu fais ? Je stationne). 6 Et c'est comique de dire statur (on stationne), de fait il stationne lui à qui il est interdit d'entrer.

272
numquid nam hic quod nolis uides? Pa.-te. Gn.-credo; at numquid aliud?
N'y a-t-il rien ici que tu voudrais ne pas voir ? Pa.-Toi. Gn.- Je te crois. Mais n'y a-t-il rien d'autre ?

nvmqvid alivd uirginem. hic de illo respondit et ideo repetit dictum Gnatho.
at nvmqvid alivd la jeune fille. L'autre lui a répondu toi et c'est pourquoi Gnathon repose la question.

273
Pa.-qui dum? Gn.-quia tristis es. Pa.-nil quidem351. Gn.-ne sis; sed quid uidetur
Pa.-Pourquoi donc ? Gn.-Parce que tu es triste. Pa.-Non, du tout. Gn.-Ne le sois pas. Mais comment trouves-tu

1 qvi dvm interrogat interrogantem, ne ipse respondeat. 2 nihil qvidem dicens nihil mutauit uultum Parmeno in laetitiam. ideo illi facete Gnatho hoc ipsum agenti ne sis dixit, ut probaret tristem fuisse. 3 nihil eqvidem pro non. infra «  nihil dixit, ut sequerere sese? 140 »
1 qvi dvm il interroge celui qui l'interroge pour ne pas répondre lui-même. 2 nihil qvidem en disant nihil (rien) Parménon a changé d'expression de visage pour marquer la joie. C'est pourquoi de manière comique Gnathon au moment même où il fait cela lui dit ne le sois pas, pour montrer qu'il était triste. 3 nihil eqvidem mis pour non. Ci-dessous « nihil dixit, ut sequerere sese ? ».

274
hoc tibi mancupium? Pa.-non malum hercle. Gn.-uro hominem. Pa.-ut falsus animi est!
cet objet ? Pa.-Pas mal, ma foi. Gn.-Je le mets sur le gril, le gars. Pa.-Comme il se trompe dans sa tête !

1 hoc tibi mancipivm ταπείνωσις τῷ ἀστεϊσμῷ: mancipium dicit puellam aut uirginem. 2 non malvm hercle inimica laudatio. 3 vro hominem sibi hoc gestu et uultu parasitico dicit. 4 Et uro pro eo quod est dolere cogo. 5 vt falsvs animi est similiter et Parmeno secum seruili gestu. 6 Et animi pro animo: ἀντίπτωσις ueterum, qui «  ingens uirium 141 », «  diues opum 142 », «  abundans < lactis 143 » solebant> dicere. 7 vt falsvs animi est ex hoc falsus animi est, quod putat huiusmodi munere capi posse Thaidem.
1 hoc tibi mancipivm litote par élégance (ταπείνωσις τῷ ἀστεϊσμῷ) : il dit mancipium (le personnel) pour la petite ou la jeune fille. 2 non malvm hercle éloge hostile. 3 vro hominem il se parle à lui même en prenant le visage et la mimique typiques du parasite. 4 Et uro est mis pour je le fais souffrir. 5 vt falsvs animi est de la même façon Parménon aussi se parle à lui-même avec une mimique typique d'esclave. 6 Et le génitif animi est mis pour l'ablatif animo : changement de cas (ἀντίπτωσις) propre aux anciens, qui disaient ordinairement « ingens uirium » (aux forces immenses), « diues opum » (riche de biens), « abundans lactis » (abondant en lait). 7 vt falsvs animi est ce qui fait qu'il est falsus animi est c'est qu'il croit pouvoir séduire Thaïs avec un cadeau de ce genre.

275
Gn.-quam hoc munus gratum Thaidi arbitrare esse? Pa.-hoc nunc dicis
Gn.- Quel plaisir penses-tu que ce présent va faire à Thaïs ?Pa.-Tu veux dire par là

qvam hoc mvnvs gratvm thaidi mire insultat Gnatho: quanto enim gratum munus fuerit, tanto erit riualis exclusior.
qvam hoc mvnvs gratvm thaidi c'est étonnant de voir Gnathon aussi insolent : en effet plus son cadeau fera plaisir, plus son rival sera flanqué dehors.

276
eiectos hinc nos: omnium rerum, heus, uicissitudo est.
qu'on nous a flanqués dehors. Toutes choses, hélas, ont leurs vicissitudes.

omnivm rervm hevs vicissitvdo est uide locum, in quo erumpere dolor Parmenonis potuit, nisi commissa seruaret et celaret Thaidis consilium.
omnivm rervm hevs vicissitvdo est voici l'endroit où la douleur de Parménon aurait pu éclater s'il n'avait pas en tête sa mission et ne cachait pas le dessein de Thaïs.

277
Gn.-sex ego te totos, Parmeno, hos menses quietum reddam
Gn.- Moi, c'est six mois pleins, Parménon, de vacances que je vais te donner,

1 sex ego totos parmeno hos te menses qvietvm reddam quid est totos? an diebus et noctibus, utpote amatoris seruum, ac per hoc sine ulla cessatione et intermissione? 2 hos menses qui nunc aguntur, id est hoc tempore. 3 qvietvm reddam facete, quasi hoc ipse fecerit. 4 Et hoc est quod ait «  summum suum impertit Gnatho Parmenonem 144 », tamquam amico consulat.
1 sex ego totos parmeno hos te menses qvietvm reddam que veut dire totos ? est-ce jour et nuit, à la manière de l'esclave d'un amoureux, et par là sans aucune trêve ni aucun repos ? 2 hos menses ceux dans lesquels nous sommes, c'est à dire le moment présent. 3 qvietvm reddam comique, comme s'il l'avait fait lui-même. 4 Et c'est ce qu'il a dit « summum suum impertit Gnatho Parmenonem », comme s'il avait souci d'un ami.

278
ne sursum deorsum cursites neque352 usque ad lucem uigiles.
pour t'éviter de monter et descendre en courant et de veiller jusqu'au jour.

ne svrsvm deorsvm cvrsites quod est laboris, neqve vsqve ad lvcem vigiles quod est exitii.
ne svrsvm deorsvm cvrsites c'est le propre de la peine, neqve vsqve ad lvcem vigiles c'est ce qui va causer sa perte.

279
ecquid beo te? Pa.-men? papae. Gn.-sic soleo amicos. Pa.-laudo.
Je ne te fais pas plaisir ? Pa.-A moi ? Peste ! Gn.-Voilà comme je traite mes amis. Pa.-Bravo.

sic soleo amicos hoc ἐλλειπτικῶς.
sic soleo amicos expression elliptique (ἐλλειπτικῶς).

280
Gn.detineo te: fortasse tu profectus alio fueras.
Gn.-Je te retiens. Tu allais peut-être ailleurs ?

1 detineo ualde teneo. 2 fortasse tv profectvs alio fveras uult exprimere confessionem, quod ad Thaidem uenerit, sed intrare non possit.
1 detineo te je te retiens trop. 2 fortasse tv profectvs alio fveras il veut extorquer l'aveu qu'il était venu voir Thaïs, mais qu'il n'a pas pu entrer.

281
Pa.-nusquam. Gn.-tum tu igitur paululum da mi operae: fac ut admittar
Pa.-Nulle part. Gn.-Eh bien ! en ce cas rends-moi un petit service : fais-moi recevoir

1 pavlvlvm da mihi operae hoc quasi supplicantis uultu ad irrisionem dicitur. 2 pavlvlvm da mihi operae proprie sic dicitur adiuua me. sic in Adelphis «  haec opera ut data sit 145 ».
1 pavlvlvm da mihi operae il dit cela avec pour ainsi dire un visage de suppliant pour se moquer. 2 pavlvlvm da mihi operae au propre on dit ainsi : adiuua me. Ainsi dans Les Adelphes « haec opera ut data sit ».

282
ad illam. Pa.-age modo353: nunc tibi patent hae354 fores quia istam ducis.
chez elle. Pa.-Vas-y donc : aujourd'hui tu trouveras cette porte ouverte, vu la fille que tu amènes.

1 age modo nvnc tibi patent hae fores ex eo, quantum licere oportuit, ostendit, quam misere nihil illic liceat Parmenoni. 2 qvia istam dvcis hoc quasi ad Gnathonem, sed lente ac sub lingua murmurat.
1 age modo nvnc tibi patent hae fores en disant cela, il montre, autant qu'il peut se l'autoriser194, combien il est triste que Parménon ne puisse rien faire là-bas. 2 qvia istam dvcis ces mots sont adressés pour ainsi dire à Gnathon, mais c'est un murmure circonspect et presque inarticulé.

283
Gn.-numquem euocari hinc uis foras? Pa.-sine biduum hoc praetereat:
Gn.- As-tu quelqu'un de la maison à faire appeler dehors ? Pa.-Laisse seulement passer ces deux jours.

1 nvmqvem evocari hinc vis foras quia ipse intrare non potest. 2 sine bidvvm hoc praetereat et hoc lentius; nam si aliter pronuntiaueris, secreta produntur.
1 nvmqvem evocari hinc vis foras parce que lui-même ne peut pas entrer. 2 sine bidvvm hoc praetereat et cela est dit de façon encore plus circonspecte ; de fait si on le dit autrement, les secrets sont révélés.

284
qui mihi nunc uno digitulo fores aperis fortunatus,
tu m'ouvres aujourd'hui du bout du doigt la porte, veinard ;

1 qvi mihi nvnc mihi τῷ ἀττικισμῷ dictum est. 2 fortvnatvs ut ipse uideris tibi.
1 qvi mihi nvnc mihi est un atticisme (τῷ ἀττικισμῷ). 2 fortvnatvs comme tu crois l'être toi-même.

285
ne tu istas faxo calcibus saepe insultabis frustra.
pour sûr, toi, cette porte, je ferai en sorte que tu l'outrages de coups de pied sans résultat.

1 ne tv istas faxo ne ualde. 2 ne tv istas faxo calcibvs saepe insvltabis frvstra noua locutio calcibus insultabis fores. Sallustius «  multos tamen ab adulescentia bonos insultauit 146 ». 3 ne tv istas faxo calcibvs mira loquentia, in qua utraque ὑπερβολή expressissima est; nam neque uno digitulo minus aliquid dici potest neque calcibus saepe insultabis aut amplius aut ingentius.
1 ne tv istas faxo ne vaut pour ualde (beaucoup). 2 ne tv istas faxo calcibvs saepe insvltabis frvstra expression nouvelle tu outrageras les portes de coups de pied. Salluste « multos tamen ab adulescentia bonos insultauit » (dès sa jeunesse il outragea bien des gens honnêtes). 3 ne tv istas faxo calcibvs admirable formulation, dans laquelle les deux hyperboles (ὑπερβολή) sont d'une très grande expressivité; ; de fait, on ne peut minorer davantage qu'en disant du bout de ton petit doigt (uno digitulo), ni amplifier et majorer davantage qu'en disant tu l'outrageras de coups de pied (calcibus saepe insultabis).

286
Gn.-etiamnunc tu hic stas, Parmeno? eho numnam hic relictus es custos,
Gn.-Tu es encore là à stationner, Parménon ? Holà, on ne t'aurait pas laissé là en sentinelle,

1 nvmnam nam abundat, ut quidnam. 2 relictvs cvstos bene relictus, quasi ab expulso.
1 nvmnam hic nam est pléonastique comme dans quidnam (quoi donc). 2 relictvs cvstos relictus (laissé) est bien dit, comme par quelqu'un qu'on a flanqué dehors.

287
nequis forte internuntius clam a milite ad istam curset?
pour empêcher peut-être un messager du soldat de courir en cachette chez elle ?

1 ne qvis forte internvntivs proprie internuntius. 2 ne qvis forte internvntivs clam a milite etc. et hoc facete, quasi ipse sibi totam Thaidem uindicauerit. quod miles facit.
1 ne qvis forte internvntivs internuntius est au sens propre. 2 ne qvis forte internvntivs clam a milite etc : et c'est dit de manière comique comme s'il avait réclamé pour lui-même la totalité de la possession de Thaïs, ce que fait le soldat.

288
Pa.-facete dictum: mira uero militi quae placeant355!
Pa.-Très drôle ! ils sont vraiment bizarres, les goûts du soldat !

1 facete dictvm εἰρωνικῶς, quia infacete. 2 mira vero militi qvae placeant mira pro mirum. Vergilius «  nota tibi 147 ». et est ironia: quid mirum est, inquit, facete loqui eum, qui militi placeat? 3 Potest tamen et pluraliter intellegi.
1 facete dictvm ironiquement (εἰρωνικῶς), car cela n'a rien de comique. 2 mira vero militi qvae placeant mira est mis pour mirum. Virgile : « nota tibi » (cela t'est connu). Et c'est de l'ironie : qu'y a-t-il d'étonnant, dit-il, à ce que celui qui plaît au soldat parle de manière comique ? 3 On peut cependant comprendre aussi un pluriel.

289
sed uideo erilem filium minorem huc aduenire.
Mais j'aperçois le fils cadet du maître qui vient par ici.

sed video erilem filivm non potest Terentius τρόφιμον dicere et ideo erilem filium dicit.
sed video erilem filivm Térence ne peut pas dire τρόφιμον c'est pourquoi il dit erilem filium (le fils du patron195).

290
miror quid ex Piraeo abierit; nam ibi custos publice est nunc.
Je me demande pourquoi il a quitté le Pirée car il y est à présent comme garde public.

1 miror qvid ex piraeo abierit hic causa ostenditur, cur possit ignotus esse uicinis et pro eunucho fingi. 2 miror pro nescio. 3 miror qvid ex piraeo abierit ut ex Piraeo discederet, symbola amicorum, ut huc perueniret omisso negotio, conspectus uirginis fecit. 4 nam ibi cvstos pvblice aduersus praedonum incursus illic excubabat iuuentus Attica. 5 Piraeeum, ut Sunium, est Atticae maritimae accessus litoris clementior. 6 pvblice est nvnc < nunc > ambigua distinctione positum est.
1 miror qvid ex piraeo abierit ici on voit la raison pour laquelle il peut ne pas être connu des voisins et se faire passer pour l'eunuque. 2 miror pour nescio (j'ignore). 3 miror qvid ex piraeo abierit ce qui a fait qu'il a quitté le Pirée, c'est l'accord entre les amis, ce qui a fait qu'il est venu ici en oubliant qu'il est de service, c'est d'avoir vu la jeune fille. 4 nam ibi cvstos pvblice pour lutter contre les incursions des pirates c'est là que la jeunesse de l'Attique montait la garde. 5 Le Pirée, comme Sounion, sont des accès assez faciles aux côtes de l'Attique par la mer. 6 pvblice est nvnc la place de la ponctuation avant ou après nunc n'est pas clairement196.

291
non temere est; et properans uenit: nescioquid circumspectat.
Ce n'est pas pour rien, et il marche bien vite. Je ne sais pas ce qu'il à regarder autour de lui ?

1 et properans venit mire locuturum ante formauit, ut gestus uerba praecedant, uerba habitum consequantur. 2 non temere est hinc illa Vergilius «  haut temere est uisum. c. conclamat ab agmine V. Volcens 148 ».
1 et properans venit comme il va s'exprimer de manière étrange le poète a fait une préparation en sorte que la mimique précèdera les paroles et que les paroles seront la conséquence de son allure. 2 non temere est c'est de là que viennent ces mots de Virgile « haut temere est uisum. conclamat ab agmine Volcens » (Ce ne fut pas sans conséquence. De la colonne, Volcens s'écrie). 

scaena tertia

Parmeno Chaerea

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292
Ch.-Occidi!
Ch.-Je suis mort !

1 occidi neqve virgo est vsqvam in hac scaena nouus amor adhuc ephebi et consilium dehonestande uirginis ostenditur tanta uirtute poetae comici, ut hoc commentum non quaesitum esse sed occurrisse sua sponte uideatur. 2 occidi neqve virgo est vsqvam quid dicere debebat aliud properans et circumspiciens, nisi quod dixit occidi? 3 occidi produc mediam syllabam huius uerbi et contrarium significat.
1 occidi neqve virgo est vsqvam dans cette scène, on montre le nouvel amour d'un garçon qui n'est encore qu'un éphèbe et la décision de déshonorer la jeune fille avec une telle valeur chez le poète comique que le commentaire ne paraît pas naître d'une recherche, mais surgir spontanément. 2 occidi neqve virgo est vsqvam que devait-il dire en se hâtant ainsi et en jetant des coups d'oeil alentour d'autre que ce qu'il dit occidi (je suis mort) ? 3 occidi allongez la syllabe médiane de ce mot et cela voudra dire le contraire197.

293
neque uirgo est usquam neque ego, qui illam e conspectu amisi meo.
La jeune fille est nulle part, et moi non plus, puisque je l'ai perdue de vue.

neqve ego qvi illam e conspectv amisi meo amatorie, dum illam non inuenit et se perdidit.
neqve ego qvi illam e conspectv amisi meo à la façon d'un amant : il ne l'a pas trouvée et s'est perdu.

294
ubi quaeram, ubi inuestigem, quem perconter, quam insistam uiam
Où la chercher ? où retrouver sa trace ? qui interroger ? quel chemin prendre ?

1 vbi qvaeram hoc circumspectantis est. 2 vbi investigem plus intulit. 3 qvem perconter hoc iterum plus intulit, nam ubi nec uestigium reperietur, superest interrogatio. 4 qvam insistam viam si nec quem interroget apparet. 5 qvam insistam viam legitur et qua uia.
1 vbi qvaeram réplique d'un personnage qui jette des coups d'oeil alentour. 2 vbi investigem c'est dire plus. 3 qvem perconter c'est dire encore plus car quand on ne trouve pas de traces, on peut encore poser des questions. 4 qvam insistam viam si personne qu'il puisse interroger ne se montre. 5 qvam insistam viam on lit aussi qua uia.

295
incertus sum. una haec spes est: ubi ubi est, diu celari non potest.
Je n'en sais rien. Un seul espoir me reste : où qu'elle soit, on ne peut pas la cacher longtemps.

vbi vbi est div celari non potest ob nimiam scilicet formae gratiam.
vbi vbi est div celari non potest sans nul doute à cause de l'extrême grâce de sa silhouette.

296
o faciem pulchram! deleo omnes dehinc ex animo mulieres:
Quelle ravissant visage ! J'efface dès lors de mon cœur toutes les femmes.

1 o faciem pvlchram faciem modo non partem corporis dicit sed totam speciem, quae apparet et cernitur. Vergilius «  quibus aspera quondam uisa maris facies 149 ». 2 deleo omnes dehinc ex animo mvlieres πρὸς τὸ πιθανόν argumentatus est, ut ostenderet hunc grandem iam ephebum etiam amoris expertem non fuisse. sic et alibi «  cum me ipsum <noris> quam elegans formarum spectator siem? in hac commotus sum 150 ».
1 o faciem pvlchram par le mot facies (figure) il ne veut pas dire la partie du corps, mais la totalité de son aspect qui se montre et qui se fait voir. Virgile « quibus aspera quondam uisa maris facies » (ceux qui naguère avaient jugé redoutable l'aspect de la mer). 2 deleo omnes dehinc ex animo mvlieres il argumente selon le vraisemblable (πρὸς τὸ πιθανόν) pour montrer que cet éphèbe déjà assez avancé en âge n'était pas non plus tout à fait ignorant de l'amour. De même ailleurs « cum me ipsum noris quam elegans formarum spectator siem ? in hac commotus sum ».

297
taedet cotidianarum harum formarum. Pa.-ecce autem alter356!
J'en ai marre de ces beautés banales. Pa.- Voilà l'autre !

1 taedet cotidianarvm harvm formarvm hoc est leuium et usitatarum. et est huic contrarium «  noua figura oris. — papae! 151 ». 2 ecce avtem alter sic dicimus, cum propter alterum de altero uenit in mentem.
1 taedet cotidianarvm harvm formarvm c'est-à-dire sans importance et habituelles. Le contraire en est « noua figura oris. — papae ! ». 2 ecce avtem alter nous nous exprimons ainsi quand penser à une personne en fait venir une autre à l'esprit.

298
nescioquid de amore loquitur; o infortunatum senem!
il parle d'amour, va savoir quoi ; pauvre vieux !

1 nescio qvid de amore loqvitvr ut iamdudum Phaedria loquebatur. 2 o infortvnatvm senem hoc dicto praestruxit ad exitum fabulae [ad καταστροφήν ]; nam perturbatus ad Thaidem ingreditur hic senex per fallaciam Pythiae et indicium Parmenonis, atque ita firmabuntur nuptiae uirginis, quam ducet Chaerea.
1 nescio qvid de amore loqvitvr comme Phédria en discourait depuis un moment déjà. 2 o infortvnatvm senem en disant cela il construit par avance ce qui sera le dénouement de la pièce [la catastrophe (καταστροφή)] ; de fait c'est tout troublé que ce vieillard va vers Thaïs à cause de la fourberie de Pythias et de l'indice fourni par Parménon, et c'est ainsi que se scellera le mariage de la jeune fille qu'épousera Chéréa.

299
hic uero est qui si occeperit,
Celui-ci est du genre à, s'il entreprend quelque chose,

1 hic vero est utrum senex an Chaerea? sed senex potius. 2 hic vero est senex. 3 qvi s. si occep. occeperit Chaerea.
1 hic vero est on peut hésiter entre le vieillard et Chéréa, mais c'est plutôt le vieillard. 2 hic vero est le vieillard. 3 qvi si occeperit Chérea.

300
ludum iocumque dices fuisse illum alterum357,
te faire dire que c'était pour jouer et pour rire, l'autre, le deuxième,

301
praeut huius rabies quae dabit.
à côté de ce que la rage de celui-ci va provoquer.

1 illvm altervm praevt hvivs rabies prae ex comparatione significat. ergo praeut proprie; et est integra locutio. 2 Et ordo: praeut illa sunt, <quae> huius rabies dabit. 3 Et bene dabit quasi de re uiolenta, ut «  dabit ille ruinam a. arboribus 152 » 4 praevt hvivs rabies hic ex parte χαρακτηρισμός quidam est personae Chaereae, quem moribus conicit seruus ardentiorem amore fieri posse, simul coeperit. 5 praevt hvivs rabies qvae dabit et hic ostenditur iampridem motus in res uenerias Chaerea, et magna poetae cura est, ne incredibile uideatur adulescentulum, qui pro eunucho deduci potuerit, tam expedite uirginem uitiasse. quocirca artifex summus quod aetati non potest, naturae attribuit Chaereae, ut calidior ingenio et ante annos amator non libidinem in sese sed quandam rabiem designauerit in uenerios appetitus.
1 illvm altervm praevt hvivs rabies prae signifie le degré de comparaison. Donc praeut est au sens propre ; et cela ne constitue qu'un seul mot. 2 Et l'ordre est : praeut illa sunt, quae huius rabies dabit. 3 Et c'est bien dit que de dire dabit comme si l'on parlait d'une chose violente, comme « dabit ille ruinam arboribus » (l'ouragan ruinera les arbres). 4 praevt hvivs rabies ici il y a pour une part caractérisation (χαρακτηρισμός) du personnage de Chéréa, que l'esclave suppose, en raison de ses mœurs, passablement susceptible d'échauffement par l'amour, dès qu'il commence à aimer. 5 praevt hvivs rabies qvae dabit et ici, Chéréa est montré comme déjà porté depuis longtemps sur les choses de Vénus et le poète a grand soin d'éviter qu'il paraisse incroyable qu'un petit jeune homme qui a pu être amené à la place de l'eunuque ait si tôt fait de déshonorer la jeune fille. C'est pourquoi, avec une adresse consommée, il a attribué à la nature de Chéréa ce qu'il ne pouvait attribuer à son âgeâge, en sorte que, passablement chaud de nature, et amoureux avant l'âge, ce ne soit pas seulement du désir qu'il montre en lui-même, mais une sorte de rage pour les appétits de Vénus.

302
Ch.-ut illum di deaeque omnes358 senium perdant qui me hodie remoratus est;
Ch.-Que tous les dieux et déesses confondent cette antiquité qui m'a retenu aujourd'hui,

1 vt illvm ut pro utinam. 2 di deaeqve omnes senivm perdant plus dixit senium quam senem. nec mireris post senium qui additum, non quod, ideo quia declinationem ad intellectum rettulit, ut alibi «  in Eunuchum suam 153 ». 3 Et senex ad aetatem refertur, senium ad conuitium. sic Lucilius †ast, «  ait, quid iam te, senium atque insulse sophista? 154 » 4 remoratvs est a remora pisciculo, qui ἐχεναΐς uocatur, remoratio et remoratus dicitur.
1 vt illvm ut est mis pour utinam (si seulement). 2 di deaeqve omnes senivm perdant senium est plus fort que senex. On ne s'étonnera pas de voir, après senium, qui, et non quod, pour la raison qu'il décline et accorde selon le sens, comme ailleurs « in Eunuchum suam ». 3 Et le mot senex porte sur l'âge, le mot senium porte une injure. Ainsi Lucilius « † ast, ait, quid iam te, senium atque insulse sophista ? » (mais, dit-il, qu'es-tu toi, vieux croûton, sophiste sans esprit ?). 4 remoratvs est du nom du petit poisson dit remora, qui en grec s'appelle ἐχεναΐς , on a fait remoratio et remoratus.

303
meque adeo qui ei restiterim; tum autem qui illum flocci fecerim.
et moi aussi qui lui ai fait face ! Alors que je me fous de lui comme d'une guigne.

1 tvm avtem qvi illvm tum autem pro et; duas uult enim causas esse, cur se ipsum di perdant: unam quod restiterit, alteram quod senem perueritus diu remanserit a persequenda uirgine. 2 Et nota < floccifacere, ut> «  floccipendere 155 », et contemnere et non contemnere significare, ut nunc. 3 qvi illvm floccifecerim deest uel, ut sit: uel floccifecerim.
1 tvm avtem qvi illvm tum autem est mis pour et ; en effet il veut qu'il y ait deux raisons pour lesquelles les dieux le perdent ; un : il s'est arrêté ; deux : par crainte du vieillard, il s'est attardé longtemps sans suivre la jeune fille. 2 Et notez que floccifacere, comme floccipendere, signifie à la fois mépriser et ne pas mépriser comme à présent. 3 qvi illvm floccifecerim il manque uel, pour donner : uel floccifecerim.

304
sed eccum Parmenonem. salue. Pa.-quid tu es tristis quidue es alacris359?
Mais voici Parménon. Salut. Pa.-Pourquoi es-tu sinistre ? Pourquoi es-tu agité ?

1 qvid tv tristis prouerbiale est in hominem perturbatum et incerti uultus. 2 qvidve es alacris aut uelox aut laetus es; nam alacris, l littera pro d posita, non tristis id est ἄδακρυς intellegitur. 3 qvid tv es alacris 25 et alacer et alacris dicitur,<ut> habes apud Vergilium «  ergo alacris cunctosque p. putans e. excedere p. palma 156 ». 4 qvid tv es alacris alacritas est mutatio quaedam uultus gestientis in spem aliquam.
1 qvid tv tristis expression proverbiale pour parler d'un homme troublé et au visage défait. 2 qvidve es alacris ou tu es rapide ou tu es heureux ; de fait le mot alacris, en changeant l pour d se comprend comme ἄδακρυς c'est-à-dire qui n'est pas triste 198. 3 qvid tv es alacris on dit à la fois au nominatif alacer et alacris,comme on l'a chez Virgile « ergo alacris cunctosque putans excedere palma » (heureux à l'idée que tous ont renoncé à la palme). 4 qvid tv es alacris le mot alacritas désigne quelque changement d'expression du visage qui s'agite dans quelque espoir.

305
unde is? Ch.-egone? nescio hercle,
D'où viens-tu ?Ch.-Moi ? Ma foi, je ne sais pas,

1 vnde is modo ad quid uenis significat. 2 Sed eo de loco ad locum ueteres dicebant, quod subiectis mox probabitur. 3 qvorsvm eam bene, quia proxime dixerat «  ubi quaeram, ubi inuestigem, quem perconter, quam insistam uiam, incertus sum 157 ». 4 qvorsvm eam hinc, ut diximus, manifestum est ire et aduentum significare.
1 vnde is signifie seulement dans quel but tu viens. 2 Mais les anciens disaient eo de loco ad locum (je vais d'un lieu à un lieu), comme le montrera ce qui suit. 3 qvorsvm eam bien dit, parce qu'il venait de dire « ubi quaeram, ubi inuestigem, quem perconter, quam insistam uiam, incertus sum ». 4 qvorsvm eam c'est de là qu'on voit à l'évidence, comme nous venons de le dire, que le verbe ire marque l'action d'arriver.

306
neque unde eam neque quorsum eam: ita prorsus sum oblitus mei.
ni d'où je viens, ni où je vais tant je ne sais plus qui je suis !

1 ita prorsvs svm oblitvs mei huic contrarium «  dum memor ipse mei 158 ». 2 Ergo oblitus mei insanus. 3 ita prorsvs svm oblitvs mei prorsum idest recte uel omnino. 4 Nam prorsum est porro uersum, id est ante uersum; hinc et prosa oratio, quam non inflexit cantilena.
1 ita prorsvs svm oblitvs mei au contraire « dum memor ipse mei » (tant que je me souviendrai de moi). 2 Donc oblitus mei veut dire fou. 3 ita prorsvs svm oblitvs mei prorsum veut dire recte ou plutôt omnino. 4 De fait prorsum c'est porro uersum, c'est-à-dire tourné vers l'avant ; de là vient le mot prose, pour un texte que le chant n'a pas infléchi.

307
Pa.-qui quaeso? Ch.-amo. Pa.-hem. Ch.-nunc, Parmeno, ostenderis360 qui uir sies.
Pa.-Pourquoi, s'il te plaît ? Ch.-Je suis amoureux. Pa.-Aïe ! Ch.-C'est maintenant, Parménon,que tu vas pouvoir montrer quel homme tu es.

1 hem si cum aspiratione26, Parmeno, si leniter, Chaerea. 2 ostenderis qvi vir sies non qui sies, sed quod est ἐμφατικώτερον, qui uir sies. 3 An debeat praestare, qui uirum se sic monstraturus est. 4 Et uir modo non ad sexum uel aetatem dicitur sed ad laudem. 5 qvi vir sies qui uir sies in ueteribus inuenitur.
1 hem si l'on y met une aspiration c'est Parménon qui parle, si l'on n'en met pas, c'est Chéréa. 2 ostenderis qvi vir sies non pas qui sies (qui tu es), mais, avec plus d'emphase (ἐμφατικώτερον) : qui uir sies (quel homme tu es). 3 ou alors il devrait l'emporter celui qui va montrer ainsi l'homme qu'il est. 4 Et le mot uir ne se rapporte pas seulement au sexe ou à l'âge, mais c'est laudatif. 5 qvi vir sies on trouve qui vir sies chez les auteurs anciens.

308
scis te mihi saepe pollicitum esse: « Chaerea, aliquid inueni
Tu sais ce que tu m'as souvent promis : « Chéréa, trouve seulement un objet

1 saepe pollicitvm esse pollicitum, quod promittentem ultro significat, dixit. 2 Et saepe pollicitvm esse an necesse sit praestare eum, qui promiserit. 3 chaerea aliqvid inveni induxit μίμησιν. 4 Dramatice more suo, non contentus dicere quod pollicitus sit tantum, sed quomodo etiam et quibus uerbis.
1 saepe pollicitvm esse il dit pollicitum, parce que cela veut dire promettant spontanément. 2 Et saepe pollicitvm esse ou serait-il inévitable que l'emporte celui qui a promis. 3 chaerea aliqvid inveni il fait un pastiche199 (μίμησις). 4 De façon théâtrale et à sa manière il ne se contente pas de dire ce qu'il a promis, mais il ajoute comment et en quels termes.

309
modo quod ames; utilitatem in ea re361 ego faciam ut cognoscas meam »,
que tu aimes ; à quoi je sers, à cette occasion je te le ferai voir »,

1 modo qvod ames < modo > tantummodo, quasi haec mora sit promissis complendis. 2 vtilitatem in ea re ego faciam vt cognoscas an possit, qui posse affirmauit. 3 Plus est probasse quod promiserit, quam ostendere quod possit.
1 modo qvod ames modo vaut pour tantummodo, comme si ce retard avait pour but d'accomplir les promesses. 2 vtilitatem in ea re ego faciam ou il le pourrait lui qui a affirmé qu'il le pouvait. 3 C'est faire plus que de prouver que l'on peut faire ce que l'on a promis que de montrer ce que l'on peut200.

310
cum in cellulam ad te patris penum omnem congerebam clanculum.
quand dans ta cellule j'entassais toutes les provisions de mon père en cachette.

1 cvm in cellvlam ad te an is debeat, qui et acceperit beneficium. 2 patris penvm omnem ipsum penum, non ex eo aliquid: ὑπερβολικῶς. 3 Et hoc penus et hic penus et haec penus ueteres dixerunt. 4 Ergo et omne et omnem legitur. 5 congerebam clancvlvm ἠθικῶς et ἱλαρῶς nimis.
1 cvm in cellvlam ad te ou le devrait-il parce qu'il a aussi reçu un bienfait ? 2 patris penvm omnem la subsistance même, non quelque chose qui en serait une partie : c'est dit de façon hyperbolique (ὑπερβολικῶς). 3 Les anciens faisaient de penus un mot neutre, masculin et féminin201. 4 donc on lit à la fois omne et omnem. 5 congerebam clancvlvm c'est à la fois conforme au caractère du personnage (ἠθικῶς) et dit de façon plaisante (ἱλαρῶς).

311
Pa.-age, inepte. Ch.-hoc hercle factum est; fac sis nunc promissa adpareant,
Pa.-Allons ! idiot. Ch.-Ma foi, c'est fait. Fais voir maintenant, s'il te plaît, tes promesses,

1 age inepte qui dubites de promissis an qui exprobres te multa esse largitum? 2 hoc hercle factvm est inueni quod amem. 3 Hoc quod dicebas, inquit, morae esse, iam factum est: amo. 4 promissa appareant utilitatem ut cognoscam tuam.
1 age inepte toi qui doutes des promesses ou qui me fais le reproche de m'avoir beaucoup donné ? 2 hoc hercle factvm est j'ai trouvé ce que je puis aimer. 3 Ce que tu disais, dit-il, c'était des manœuvres dilatoires, maintenant c'est fait : j' aime. 4 promissa appareant afin que je sache à quoi tu es utile.

312
siue362 adeo digna res est ubi tu neruos intendas tuos.
si du moins l'affaire mérite que tu y bandes tous tes ressorts.

1 sive adeo digna res est si persona Parmenonis est, sive abundat. 2 Et pro expletiua coniunctione est modo; in quibusdam omnino non legitur. 3 adeo aut abundat aut nimis significat uel satis . 4 sive adeo digna res est si Chaerea dicit, hic ordo et sensus est: fac si uis nunc, si adeo digna res est, ubi tu neruos intendas tuos, ut promissa appareant, ut <sit> sis si uis <et> ut addatur <ad> id quod est fac promissa appareant. 5 vbi tv nervos intendas tvos utrum obscene hoc, ut seruus, an μεταφορικῶς: ubi laborare ac periclitari debeas? 6 Sed melius legunt, qui hoc totum ad personam applicant Chaereae. 7 Et melius, quam qui Parmenonem hoc putant loqui siue adeo digna res est.
1 sive adeo digna res est si le personnage qui parle est Parménon siue fait pléonasme. 2 Et siue n'est là que comme conjonction explétive ; dans certains manuscrits, on ne lit pas le mot du tout. 3 adeo soit fait pléonasme soit veut dire trop ou plutôt assez. 4 sive adeo digna res est si c'est Chéréa qui parle l'ordre et le sens sont : fac si uis nunc, si adeo digna res est, ubi tu neruos intendas tuos, ut promissa appareant (fais-le maintenant s'il te plaît, si la chose pour laquelle tu te mets sur les nerfs mérite à ce point que l'on voie l'effet de ce que tu as promis), en sorte que sis équivale à si uis et qu'on ajoute à ce qu'on a fac promissa appareant. 5 vbi tv nervos intendas soit au sens obscène,202 comme il convient à un esclave, soit métaphoriquement (μεταφορικῶς) : où devrais-tu travailler et prendre des risques ? 6 Mais la lecture de ceux qui donnent toute cette réplique au personnage de Chéréa est meilleure. 7 Et c'est mieux que ceux qui pensent que c'est Parménon qui dit siue adeo digna res est.

313
haud similis uirgo est uirginum nostrarum quas matres student
La fille n'est pas comme les filles de chez nous, dont les mères s'appliquent

1 havt similis virgo est virginvm nostrarvm ciuium et ἐγχωριarum, ut Vergilius «  non eadem arboribus pendet uindemia nostris 159 ». 2 nostrarvm nostrarum ciuium scilicet, id est terrae ac patriae nostrae, ut Vergilius «  non eadem arboribus p. pendet u. uindemia n. nostris 160 » et Sallustius «  nostri foeda fuga 161 ». 3 qvas matres stvdent hoc uerbo ostendit cultum industriae, non pulchritudinem naturalem.
1 havt similis virgo est virginvm nostrarvm les citoyennes et les filles du pays (ἐγχωρι arum), comme Virgile « non eadem arboribus pendet uindemia nostris » (La vendange qui pend à nos arbres n'est pas la même). 2 nostrarvm nos concitoyennes évidemment, c'est-à-dire les filles de notre terre et de notre patrie, comme Virgile « non eadem arboribus pendet uindemia nostris » (la vendange qui pend à nos arbres n'est pas la même) et Salluste « nostri foeda fuga » (la fuite honteuse des nôtres). 3 qvas matres stvdent par ce mot, il montre que le charme est le produit de l'artifice non une beauté naturelle.

314
demissis humeris esse, uincto pectore ut gracilae sient.
à faire tomber les épaules à sangler la poitrine pour qu'elles soient filiformes.

1 demissis hvmeris esse antiqui enim Graeci etiam uirginibus suis praebebant palaestram ad componenda corpora. 2 demissis hvmeris esse scilicet liquide et molliter deductis neque exstantibus athletico modo. 3 vincto pectore castigato ac tenui et uelut uincto. deest ergo uelut . 4 gracilae sient a singulari gracila uenit haec declinatio. 5 demissis hvmeris esse vincto pectore non accipiendum est quasi hoc dicat ad hoc illas student matres demissis humeris esse et uincto pectore, ut gracilae sient, quasi haec duo propter unum illud fiant, sed uarie tria dixit, ne diceret aut student illas demissis humeris et uincto <pectore et gracilas esse aut student, ut illae demissis humeris sient et uinciant> pectus et gracilae sient.
1 demissis hvmeris esse en effet les anciens Grecs ouvraient la palestre même aux filles afin qu'elles y fortifient leur corps. 2 demissis hvmeris esse comprendre qui dégoulinent mollement et non qui se tiennent bien droites à la façon des athlètes. 3 vincto pectore contraint et sans rondeur et comme sanglé. Il manque donc uelut . 4 gracilae sient cette déclinaison vient d'une forme de singulier gracila. 5 demissis hvmeris esse vincto pectore il ne faut pas comprendre comme s'il disait : les mères font tout pour qu'elle aient les épaules avachies la poitrine sanglée, pour qu'elles soient filiformes, comme si les deux premières actions avaient pour but la troisième, mais il dit trois choses de manière variée pour éviter d'unifier les deux constructions : soit student illas demissis humeris et uincto pectore et gracilas esse soit student, ut illae demissis humeris sient et uinciant pectus et gracilae sient.

315
si qua est habitior paullo pugilem esse aiunt, deducunt cibum:
Si une a un peu d'allure, elles disent que c'est une catcheuse, elles lui coupent les vivres.

1 si qva est habitior inde et habitudo dicitur, ut «  quae habitudo est corporis! 162 » 2 Nam habilior aptior intellegitur, ut «  namque humeris de more habilem suspenderat arcum 163 » Vergilius. ergo habitior legendum est. 3 pvgilem esse aivnt laus in uirginem. 4 dedvcvnt cibvm mire uituperauit eam formam, quam accurauerit fames. 5 Et proprie deducunt.
1 si qva est habitior de là vient le mot habitudo, comme « quae habitudo est corporis ! ». 2 De fait habilior se comprend comme aptior (plus adapté), comme « namque humeris de more habilem suspenderat arcum » (Car, à la manière d'une chasseresse, elle portait un arc souple suspendu à son épaule) Virgile. Donc c'est habitior qu'il faut lire203. 3 pvgilem esse aivnt éloge de la jeune fille. 4 dedvcvnt cibvm étonnant : il s'en prend à la beauté que l'on obtient à force de régime. 5 Et deducunt (filer) est pris au sens propre204.

316
tametsi bona est natura, reddunt curatura iunceas:
Même si elles ont une bonne nature, le régime les transforme en brindilles.

1 tametsi bona est natvra id est plena, magna et pinguis. 2 reddvnt exhibent, perficiunt. 3 cvratvra cura mentis est, curatio medicinae, curatura diligentiae. 4 ivnceas tenues et pallidas.
1 tametsi bona est natvra veut dire pleine, grande et épanouie. 2 reddvnt montrent, réalisent. 3 cvratvra le mot cura s'applique à l'esprit, le mot curatio à la médecine, le mot curatura au soin que l'on prend. 4 ivnceas menues et pâles.

317
itaque ergo amantur. Pa.-quid tua istaec? Ch.-noua figura oris. Pa.-papae.
Et c'est donc comme ça qu'on les aime. Pa.-Et la tienne ? Ch.-Un visage, du jamais vu ! Pa.-Peste !

1 itaqve ergo amantvr itaque inquit nemo illas amat: εἰρωνεία. 2 Vere amantur, ut eo magis haec amanda sit, quae naturae beneficio, non industria aut factis comptibus, pulchra est. 3 itaqve ergo amantvr atque ita, ut sit: atque ita fit, ut amentur non naturae merito sed industria. 4 qvid tva istaec recte, sic enim ipse dicet «  at nihil ad nostram hanc 164 ». 5 nova figvra oris laudis genus est noua, quia dixerat «  taedet cotidianarum harum formarum 165 ». 6 qvid tva istaec deest qualis est? dic. 7 papae interiectio mira subito accipientis.
1 itaqve ergo amantvr c'est pourquoi, personne, dit-il, ne les aime : ironie (εἰρωνεία). 2 Elles sont vraiment aimées en sorte qu'il faut aimer la jeune fille en question d'autant plus qu'elle est belle par le bienfait de la nature et non par l'artifice ou quelque parure qu'on lui a faite. 3 itaqve ergo amantvr et il dit ita pour donner le sens : et ainsi il arrive qu'on les aime non pour leur mérite naturel mais pour l'artifice. 4 qvid tva istaec juste ; il dira en effet « at nihil ad nostram hanc ». 5 nova figvra oris c'est un nouveau genre d'éloge parce qu'il avait dit « taedet cotidianarum harum formarum ». 6 qvid tva istaec il manque qualis est ? dic (comment est-elle ? dis). 7 papae interjection de quelqu'un qui voit soudain un spectacle étonnant.

318
Ch.-color uerus, corpus solidum, et suci plenum. Pa.-anni? Ch.-anni? sexdecim.
Ch.-Un teint naturel, un corps solide plein de suc. Pa.-Son âge ? Ch.-Son âge ? Seize.

1 color vervs quia non de cura est ac de fuco, sed naturalis neque fucatus. 2 corpvs solidvm quia iunceum non est. 3 svci plenvm quia nemo deduxit cibum; nam sucus est humor in corpore, quo abundant bene ualentes «  et sucus pecori et lac subducitur agnis 166 ». 4 Sucus est proprie quasi sugus, quem sibi ex alimentis membra sugunt, ut se repleant. 5 corpvs solidvm plenum et forte, id est non flaccidum. 6 svci plenvm sucus est interior pinguedo membrorum. 7 anni sexdecim uide quemadmodum aetatem maturae uirginis poeta ex occasione demonstrauerit.
1 color vervs parce qu'elle ne résulte pas du soin et du fard, mais est naturelle et sans fard. 2 corpvs solidvm car il n'est pas filiforme. 3 svci plenvm car personne ne l'a empêchée de manger ; de fait on appelle sucus l'humeur corporelle qui se trouve en abondance chez les gens en bonne santé. et « sucus pecori et lac subducitur agnis » (il épuise les bêtes, dérobe le lait aux agneaux). 4 Sucus est au sens propre comme serait sugus, ce que le corps suce (sugo) des aliments pour se rassasier. 5 corpvs solidvm plein et vigoureux, c'est-à-dire qui n'est pas tout flasque. 6 svci plenvm sucus désigne ce qui nourrit le corps à l'intérieur. 7 anni sexdecim voyez comment le poète a tiré parti de l'occasion pour indiquer que la jeune fille a l'âge qui convient205.

319
Pa.-flos ipse. Ch.-hanc tu mihi uel ui uel clam uel precario
Pa.-Le bel âge. Ch.-Cette fille, toi, soit par force, soit par ruse, soit par prière,

1 hanc tv mihi vel vi vel clam vel precario haec tria sunt, quibus non rite res agitur. 2 vel vi vel clam vel precario pretii mentio non est, uel quia uirgo, non meretrix, uel quia nulla ephebo spes est fallendi senis. 3 hanc tv mihi vel vi vel clam vel precario fac tradas secundum ius locutus est, nam his tribus mala fide aliquid possidetur. 4 vi… clam … precario ui quia uirgo, clam quia custoditur, precario quia pretium non habet Chaerea.
1 hanc tv mihi vel vi vel clam vel precario voici trois façons de ne pas faire la chose comme il faut. 2 vel vi vel clam vel precario il ne parle pas de payer, soit parce que c'est une jeune fille et non une courtisane, soit parce que l'éphèbe n'a aucun espoir de tromper le vieillard. 3 hanc tv mihi vel vi vel clam vel precario fac tradas il parle selon le droit ; de fait, par ces trois moyens, il est possesseur de mauvaise foi de l'objet. 4 vi… clam … precario ui parce que c'est une jeune fille, clam parce qu'elle est surveillée, precario car Chéréa n'a pas la somme qu'il faut.

320
fac tradas: mea nihil refert dum potiar modo.
fais-la-moi avoir ; je m'en fiche, pourvu que je la possède.

mea nihil refert dvm potiar non hoc personae attribuendum est sed affectui; non enim quia Chaerea est, sed quia amator, dicit se parui facere quemadmodum potiatur, dum potiatur.
mea nihil refert dvm potiar modo il ne faut pas rapporter cela au personnage mais à ce qu'il éprouve ; ce n'est pas en effet parce qu'il est Chéréa, mais parce qu'il est amoureux qu'il dit qu'il se moque bien de la manière dont il la possèdera pourvu qu'il la possède.

321
Pa.-quid? uirgo cuia est? Ch.-nescio hercle. Pa.-unde est? Ch.-tantundem. Pa.-ubi habitat?
Pa.-Quoi ? A qui est-elle, cette fille ? Ch.-Ma foi, je l'ignore. Pa.-D'où est-elle ? Ch.-Pareil. Pa.-Où habite-t-elle ?

qvid virgo cvia est utrum serua an filia?
qvid virgo cvia est c'est l'esclave ou la fille ?

322
Ch.-ne id quidem. Pa.-ubi uidisti? Ch.-in uia. Pa.-qua ratione363 amisti?
Ch.-Ça non plus. Pa.-Où l'as-tu vue ? Ch.-Dans la rue. Pa.-Comment as-tu fait pour la perdre ?

1 ne id qvidem pulchra uarietas: nescio tantundem ne id quidem. 2 qva ratione amisti figura συγκοπή pro amisisti. 3 qva ratione amisti nisi remansisset Chaerea, sed consecutus uirginem uidisset quo deducta sit, quam Parmenonem conueniret, non ita procederet fabula, ut nunc procedit; inruisset enim in cognitionem meretricis importune Chaerea nec pro eunucho adduceretur ulterius.
1 ne id qvidem belle variation : nescio tantundem ne id quidem. 2 qva ratione amisti figure de syncope (συγκοπή) pour amisisti. 3 qva ratione amisti si Chéréa ne restait pas là mais poursuivait la jeune fille pour voir où on l'emmène, plutôt que de rencontrer Parménon, la pièce n'avancerait pas comme elle le fait à présent ; car Chéréa se serait fait malencontreusement connaître de la courtisane et il ne pourrait ensuite être emmené en se faisant passer pour l'eunuque.

323
Ch.-id equidem adueniens mecum stomachabar modo,
Ch.-C'est justement de quoi en arrivant tout à l'heure je pestais en moi-même.

1 id eqvidem adveniens deest ob aut propter, ut sit ob id aut propter id. 2 mecvm stomachabar bene mecum, quia acriorem dolorem sustinet, qui ipse sibi irasci cogitur. 3 mecvm ergo pro apud me uel mihi.
1 id eqvidem adveniens il manque ob ou propter, pour avoir ob id ou propter id (à cause de cela). 2 mecvm stomachabar mecum est bien, parce qu'il endure une douleur trop forte celui qui est contraint à s'irriter contre lui même. 3 mecvm est donc mis pour apud me ou si l'on veut mihi.

324
nec quemquam ego hominem364 arbitror cui magis365 bonae
Et je ne crois pas qu'il y ait aucun homme à qui plus qu'à moi les bonnes

hominem esse arbitror deest quam me.
hominem esse arbitror il manque quam me.

325
felicitates omnes aduersae sient.
fortunes dans leur ensemble soient contraires.

1 felicitates omnes adversae sient felicitas aduersa est, cum ex prosperitate quod laedat nascitur. 2 cvi magis bonae felicitates omnes adversae sient bonae magnae. noue autem dixit magnas felicitates sibi aduersari, eo quod uirginem tantae pulchritudinis ex oculis amiserit; nam uidisse eam felicitatis iudicat, sed amisisse aduersae felicitatis. 3 Et quod addidit bonae, uel magnae et nimiae intelleguntur uel ἐπίθετον proprium et perpetuum felicitatum est bonae. — 4 Et magna ἔμφασις , quod felicitates pluraliter posuit.ἐπίθετα autem tribus de causis nominibus adduntur: discretionis, proprietatis, ornatus. discretionis, ut «  et Phrygiae molimur montibus Idae 167 », proprietatis, ut «  terribili impexum saeta c. cum d. dentibus a. albis 168 », ornatus, ut «  alma Venus c. caeli s. subter l. labentia s. signa 169 ».
1 felicitates omnes adversae sient felicitas aduersa désigne le moment où d'un état de prospérité naît un état susceptible de causer de la douleur. 2 cvi magis bonae felicitates omnes adversae sient bonae vaut pour magnae (grandes). Il est tout à fait nouveau de dire que de grandes félicités s'opposent à lui, sous prétexte qu'il a perdu de vue une jeune fille d'une si grande beauté ; de fait, il considère que le propre de la félicité, c'est de l'avoir vue, mais l'avoir perdue de vue l'est d'une félicité devenue contraire. 3 Et dans l'ajout de bonae, on peut soit comprendre grandes et extrêmes soit aussi bonae est une épithète (ἐπίθετον) propre et constante pour des félicités. — 4 Et il y a une grande emphase (ἔμφασις), parce qu'il a mis felicitas au pluriel. — quant aux épithètes (ἐπίθετα) on les ajoute aux noms pour trois raisons : la spécification, la propriété et l'ornement. La spécification comme « et Phrygiae molimur montibus Idae » (au pied des monts de l'Ida de Phrygie, nous entreprenons de construire), la propriété comme « terribili impexum saeta cum dentibus albis » (aux poils hirsutes et effrayants, et avec des crocs blancs), l'ornement, comme « alma Venus, caeli subter labentia signa » (bienfaisante Vénus, sous les astres errants du ciel,…).

326
quid hoc est sceleris? perii. Pa.-quid factum est? Ch.-rogas?
Qu'est-ce que c'est que ce méfait ! Je suis mortt ! Pa.-Qu'est-il arrivé ? Ch.-Cette demande !

qvid hoc est < s. sceleris > hoc propter quod patior, inquit; nunc enim scelus dixit a sene commissum.
qvid hoc est sceleris hoc (ce) à cause de quoi je souffre, dit-il ; à présent en effet il dit que le vieillard a commis une mauvaise action.

327
patris cognatum atque aequalem Archidemidem
Le parent et contemporain de mon père, Archidémide,

archidemidem hoc sic pronuntiandum est, ut appareat ex ipso nomine statim odiosum nescio quem occurrisse ac permolestum.
archidemidem il faut prononcer cela de façon à faire ressortir dans le nom même qu'il s'est présenté je ne sais qui d'odieux et d'insupportable.

328
nostin? Pa.-quidni? Ch.-is, dum hanc sequor, fit mi obuiam.
tu le connais ? Pa.-Comment non ? Ch.-Eh ben lui, tandis que je suis la jeune fille, il me barre la route.

qvidni correptio est a se manifesta quaerentis. est enim sensus: quid nisi aut cur non nouerim, — est enim quidni aut quid nisi aut cur non , — quia ueteres ni pro ne ponebant et ne pro non, ut Plautus «  ni stulta sis 170 » pro ne et neuult pro non uult.
qvidni c'est la réprimande que l'on fait à qui nous demande des évidences. En effet le sens est : comment non ou pourquoi aurais-je pu ne pas le savoir, — en effet quidni vaut pour quid nisi (comment non) ou cur non (pourquoi pas), — car les anciens mettaient ni pour ne et ne pour non, comme Plaute « ni stulta sis » (ne sois pas stupide) pour ne et neuult pour non uult (il ne veut pas).

329
Pa.-incommode hercle. Ch.-immo enim uero infeliciter;
Pa.-Dommage, ma foi. Ch.-Tu veux dire une catastrophe !

immo enim vero infeliciter bene hoc interponit, quia incredibile est tardiorem amatorem fuisse incessu uirginis.
immo enim vero infeliciter c'est bien d'avoir mis cette interruption, car il est incroyable qu'un amant ait été trop lent à suivre les pas de la jeune fille.

330
nam incommoda alia sunt dicenda, Parmeno.
Car des dommages, ça se dit pour d'autres choses, Parménon.

nam incommoda alia svnt < d. dicenda > quae minora sunt scilicet aut similia.
nam incommoda alia svnt dicenda évidemment ce qui est plus petit ou semblable.

331
illum liquet mihi deierare his mensibus
Ce type, je peux jurer que depuis des mois,

1 illvm liqvet mihi deierare liquidum est, constans et manifestum et certum. — 2 Et sic liquet pro liquidum est , ut claudit pro claudum est , ut apud Sallustium «  nihil socordia claudebat 171 ». — et est liquet uerbum iuris, quo utebantur iudices, cum amplius pronuntiabant, obscuritate commoti causae magis quam negotii simplicitate. 3 deierare ualde iurare, — ut «  demiror 172 » et «  deamo te, Syre 173 », — si de producta legeris, si correpta, deos iurare intellegitur.
1 illvm liqvet mihi deierare c'est limpide, bien établi, évident et certain. — 2 Et liquet est mis pour liquidum est, comme claudit (ça cloche) pour claudum est (c'est boiteux), comme dans Salluste « nihil socordia claudebat » (rien ne clochait par paresse). — et liquet est un verbe emprunté au vocabulaire du droit qu'utilisaient les juges quand on206 parlait trop abondamment sous l'effet plus de l'obscurité de la cause que de la simplicité de l'affaire207. 3 deierare jurer (iurare) beaucoup, — comme «  demiror » et « deamo te, Syre » (je t'aime à la folie, Syrus), — si de est lu long, s'il est bref, on comprend attester les dieux208.

332
sex septem prorsum non uidisse proximis,
les six ou sept derniers, je ne l'avais pas vu du tout,

sex septem prorsvs non vidisse proximis quia non uidisse dixit, proximis praeteritis intellegimus. proxima enim nobis aut praeterita aut futura sunt; nam praesentia ea sunt, in quibus nunc sumus.
sex septem prorsvs non vidisse proximis parce qu'il dit non uidisse (ne pas avoir vu), nous comprenons que proximis désigne des faits passés. En effet, les choses toutes proches de nous sont soit passées soit futures ; car les choses présentes sont celles dans lesquelles nous sommes.

333
nisi nunc cum minime uellem minimeque opus fuit.
sauf au moment où j'en avais le moins envie et le moins besoin.

1 nisi nvnc cvm minime vellem quia semper nolui, ideo nunc minime, utpote adulescens senem. 2 minimeqve opvs fvit saepe enim nolumus, tamen non et non opus est.
1 nisi nvnc cvm minime vellem parce que j'ai toujours refusé, donc nunc minime (maintenant encore moins), comme un jeune homme vis à vis d'un vieillard. 2 minimeqve opvs fvit souvent en effet nous ne voulons pas, et ce n'est pas pour autant que nous n'en ayons pas besoin.

334
eho nonne hoc monstri simile est? quid ais? Pa.-maxume.
Ah ! n'y a-t-il pas là quelque chose qui tient du prodige ? Que dis-tu ? Pa.-Absolument.

335
Ch.-continuo occurrit ad me, quam longe quidem,
Ch.-Aussitôt il court vers moi, et de loin en plus,

1 qvam longe qvidem bene longe dixit, quia <a> longe dicere non potuit. 2 Aut subauditur erat, ut sit: quam longe erat. 2 bis continvo occvrrit 27: ut omnia ostendat in contrarium sibi uersa, etiam cursum attribuit seni .
1 qvam longe qvidem c'est bien de dire longe, parce qu'il ne pouvait pas dire a longe. 2 Ou alors on sous-entend erat, pour avoir : quam longe erat (combien il était loin). 2 bis continvo occvrit pour montrer que tout s'est retourné contre lui, il attribue même au vieillard le fait de courir .

336
incuruus, tremulus, labiis demissis gemens:
tout courbé, tremblant, les lèvres tombantes et gémissant :

1 incvrvvs tremvlvs labiis demissis gemens . 2 labiis demissis gemens labra sunt superiora, labia inferiora, labeae asinorum proprie dicuntur. gemens autem ob continuam tussim, sic Lucilius «  ante fores autem et triclini limina quidam perditus Tiresia tussi grandaeuus gemebat 174 ». 3 incvrvvs ualde curuus, ut Vergilius «  Turnus ut infractos a. aduerso M. Marte L. Latinos d. defecisse u. uidet 175 »; infractos enim ualde fractos significat, nam in praepositio nunc auget nunc minuit dictionem. 4 Et recte etiam deformitatem describit senis, quod praeter aetatem post pulchram uirginem foedior uidebatur. 5 Et quam importune omnia: pro puella senex occurrit, pro uirgine incuruus tremulus, pro pulchra labiis demissis gemens; et cum amor sit in animo adulescentis, ipse iudicium loquitur, dum festinandum sit, remoratur. 6 labiis demissis maiora labra, unde labeones. alii labia dicunt inferiora et labra superiora.
1 incvrvvs tremvlvs labiis demissis gemens . 2 labiis demissis gemens labra s'utilise pour la lèvre supérieure, labia pour la lèvre inférieure, labeae s'emploie en propre pour les ânes. Quant à gemens, c'est le résultat d'une toux continue, ainsi Lucilius « ante fores autem et triclini limina quidam perditus Tiresia tussi grandaeuus gemebat » (devant les portes et le seuil de la salle à manger, un pauvre type, un vieux, Tirésias, gémissait en toussant). 3 incvrvvs très courbé, comme Virgile « Turnus ut infractos aduerso Marte Latinos defecisse uidet » (Turnus voit que les Latins totalement brisés par un combat malheureux ont perdu courage) ; infractos en effet signifie complètement brisé, de fait le préfixe in a tantôt valeur intensive, tantôt valeur privative. 4 Et il a bien fait de décrire la déformité du vieillard, parce qu'à cause de son âge après la beauté de la jeune fille il paraissait plus repoussant encore. 5 Et que tout va contre son intérêt ! au lieu de la jeune fille, c'est un vieillard qui arrive, au lieu d'une jeune femme un homme tout courbé et tremblant, au lieu d'une belle, un être les lèvres pendantes, geignant ; et alors qu'il n'y avait que de l'amour dans le cœur du jeune homme, l'autre209 lui parle de jugement, alors qu'il lui faut se hâter, il s'attarde. 6 labiis demissis avec de grandes lèvres d'où vient le mot labeo (lippu). D'autres disent que labia désigne la lèvre inférieure et labra la lèvre supérieure.

337
« heus heus, Chaerea366 tibi dico » inquit. restiti.
« Hep ! hep Chéréa !, c'est à toi que je parle », dit-il. Je m'arrête.

1 hevs hevs chaerea tibi dico < Chaerea tibi dico> non adderet, nisi uideret Chaeream dissimulantem praeterire. 2 inqvit aliter inquit pronuntiandum, hoc est concitate; nam senis uerba aliter proferenda sunt.
1 hevs hevs chaerea tibi dico il n' ajouterait pas Chéréa c'est à toi que je parle , s'il ne voyait pas Chéréa qui fait semblant de passer sans le voir. 2 inqvit il faut prononcer sur un ton précis ce inquit (dit-il), de manière emportée ; de fait, il faut énoncer sur un tout autre ton les paroles du vieillard210.

338
« scin quid ego te uolebam? ». « dic ». « cras est mihi
« Sais-tu ce que je te voulais ? ». -« Dis ». -« C'est demain que j'ai

1 scin qvid ego te volebam hic ostenditur odiosa tarditas senis apud festinantem Chaeream, nam non dicit quid, sed promittit esse dicturum. 2 cras est mihi ivdicivm huic morae etiam illud additum, quod cum debeat dicere quid uelit, prius dicit quod non est necessarium, quare uelit.
1 scin qvid ego te volebam ici on voit l'odieuse lenteur du vieillard auprès de Chéréa qui est pressé ; de fait, il ne dit pas ce qu'il va dire, mais il promet qu'il va parler. 2 cras est mihi ivdicivm à ce retard il ajoute encore ceci : alors qu'il devrait dire ce qu'il veut, il commence par dire (ce qui ne sert à rien) pourquoi il le veut.

339
iudicium ». « quid tum? » « ut diligenter nunties
mon procès ». -« Et alors ? ». -« Aie soin d'annoncer

vt diligenter nvnties < diligenter > nihil tam ex abundanti et nihil tam moraliter dici potuit.
vt diligenter nvnties diligenter : on ne peut rien dire de si pléonastique et de si conforme au personnage.

340
patri, aduocatus mane mi esse ut meminerit ».
à ton père qu'il se souvienne qu'il est mon avocat demain matin ».

esse vt meminerit non ut sit sed ut esse meminerit: o prolixitas!
esse vt meminerit non pas qu'il soit mais qu'il se souvienne d'être : quelle prolixité !

341
dum haec dicit abiit hora. rogo numquid uelit.
Le temps qu'il me dise cela, une heure est passée. Je lui demande s'il a autre chose à me dire.

1 dvm haec < d. dicit > dat tempus uerbis, quae non potuit, quamuis imitaretur, exprimere. 2 rogo nvmqvid velit hoc est: significo me abire; nam abituri, ne id dure facerent, numquid uis dicebant his, quibuscum constitissent. 3 Quid est ergo rogo numquid uelit? hoc est: dico quod abeuntes solent.
1 dvm haec dicit il donne une durée aux paroles qu'il n'a pas pu exprimer bien qu'il ait reproduit le ton de la conversation211. 2 rogo nvmqvid velit c'est à dire : je lui fais comprendre que je m'en vais ; de fait, au moment de s'en aller, pour ne pas le faire trop brutalement, on disait veux-tu autre chose à ceux avec qui on s'était arrêté à parler. 3 Qu'est-ce donc que rogo numquid uelit ? c'est : je dis ce qu'on dit d'ordinaire en s'en allant.

342
« recte » inquit. abeo. cum huc respicio ad uirginem,
« Ça va », dit-il. Quand je jette les yeux par ici vers la fille,

1 recte inqvit pro eo quod est nihil. 2 Et moraliter τῷ ἀστεϊσμῷ. 3 cvm hvc respicio in hanc partem scilicet, qua meretrix habitabat.
1 recte inqvit équivaut à rien. 2 Et conformément à son caractère, avec urbanité (τῷ ἀστεϊσμῷ). 3 cvm hvc respicio évidemment du côté où habite la courtisane.

343
illa sese interea commodum huc aduerterat
Elle venait dans l'intervalle justement de tourner de ce côté,

1 commodvm tantum quod uel ipso eodemque tempore. 2 commodvm commodum una uel ex hoc significat, ut si dicas: eodem tempore, quo haec agebantur. 3 Nam interea nunc coniunctio accipienda est, non, ut alias, pro aduerbio ponitur.
1 commodvm précisément ou si l'on veut au même moment. 2 commodvm commodum veut dire ensemble ou si l'on veut comme si l'on disait : au moment précis où cela se passait. 3 De fait interea doit être maintenant compris comme conjonction et n'est pas, comme ailleurs, employé comme adverbe.

344
in hanc nostram plateam. Pa.-mirum ni hanc dicit, modo
dans notre rue. Pa.-JCe serait étonnant qu'il ne parle pas de celle qu'on vient

in hanc nostram plateam recte, quia uicina illis est Thais, ad quam deducitur.
in hanc nostram plateam juste car Thaïs à laquelle elle est conduite est leur voisine.

345
huic quae data est dono. Ch.-huc cum aduenio nulla erat.
de donner en cadeau à l'autre. Ch.-Quand j'arrive ici, plus de fille.

hvc cvm advenio nvlla erat etenim ingressa iam fuerat.
hvc cvm advenio nvlla erat et de fait elle était déjà entrée.

346
Pa.-comites secuti scilicet sunt uirginem?
Pa.-Il y avait des gens évidemment qui accompagnaient la fille ?

comites secvti scilicet svnt virginem interrogatiue quidem, sed sic, ut scire uideatur id <quod> quaerit, sed ad hoc quaerere, ut quod scit confirmet.
comites secvti scilicet svnt virginem c'est dit sur le mode interrogatif certes, mais de manière à ce qu'il paraisse savoir ce qu'il demande, et demander cela pour avoir confirmation de ce qu'il sait.

347
Ch.-uerum: parasitus cum ancilla. Pa.-ipsa est: ilicet.
Ch.-Oui, un parasite avec une servante. Pa.-C'est bien elle. Circulez.

1 vervm parasitvs uerum modo inceptiua est, non relatiua particula, ut in Andria «  uerum: uidi Cantharam suffarcinatam 176 ». 2 ipsa est id est <formosa> est uel pulchra est, quia et ipse dixerat «  haec superat ipsam Thaidem 177 ».
1 vervm parasitvs uerum ici est seulement une particule initiale et non relative, comme dans L'Andrienne « uerum : uidi Cantharam suffarcinatam ». 2 ipsa est c'est-à-dire elle est jolie ou si l'on veut elle est belle, parce qu'il l'avait dit lui-même : « haec superat ipsam Thaidem ».

348
desine; iam conclamatum est. Ch.-alias res agis.
Laisse tomber : c'est mort et enterré. Ch.-Tu as la tête ailleurs.

1 iam conclamatvm est transactum ac finitum, ut conclamata corpora nihil reliqui iam habent ad uitae officia. 2 iam conclamatvm est conclamatum manifestum significat, quia dixerat «  o infortunatum senem, si et hic amare coeperit28 178 », tamquam dicat: iam occisum patrem tuum scimus iamque defleuimus. 3 Aut conclamatum satis deploratum satisque uociferatum est, ut in conclamatis funeribus nulla iam dilatio est doloris ac luctus, ut Lucanus ait «  corpora nondum conclamata iacent 179 ». 4 alias res agis recte, quia dixit ille iam conclamatum est. 5 alias res agis aut non intendis ad id quod dico significat, ut nulla sit in eo attentio — nam hinc natum est «  agite amabo 180 » — aut nugatorias res agis, hoc est iocaris. 6 Quasi dicat uanas res agis.
1 iam conclamatvm est achevé et fini comme on dit conclamata corpora (corps morts et enterrés212) pour ceux à qui il ne reste rien pour accomplir les offices de la vie. 2 iam conclamatvm est conclamatum veut dire évident, parce qu'il avait dit « O infortunatum senem, si et hic amare coeperit », comme s'il disait : nous savons que ton père est déjà mort et nous l'avons déjà pleuré. 3 Ou alors conclamatum veut dire assez déploré et sur lequel on a poussé assez de cris, comme dans ce qu'on appelle conclamata funera, il n'est nul frein mis à la douleur et au chagrin, comme dit Lucain « corpora nondum conclamata iacent » (gisent les corps que nul n'a encore pleurés). 4 alias res agis juste, car il a dit l'affaire est enterrée. 5 alias res agis signifie soit tu ne prêtes aucun intérêt à ce que je dis, en sorte qu'il n'a nulle attention — de fait c'est de là que vient « agite amabo » — soit tu fais des babioles, c'est-à-dire tu t'amuses. 6 C'est comme s'il disait tu fais des choses qui ne servent à rien.

349
Pa.-istuc ago equidem. Ch.-nostin quae sit, dic mihi, aut
Pa.-Je l'ai exactement ici. Ch.-Tu sais qui elle est ? Dis-moi. Ou bien

350
uidistin? Pa.-uidi noui scio quo abducta sit.
tu l'as vue ? Pa.-Je l'ai vue, je la connais, je sais où on l'a emmenée.

1 scio qvo abdvcta sit plus dixit, quam interrogabatur, credo taedio interrogantis; nam properat, ut dicturus est, ad deducendum eunuchum ad Thaidem cum ancilla ex Aethiopia. 2 scio qvo abdvcta sit secunda ἀποσιώπησις.
1 scio qvo abdvcta sit il dit plus que ce qu'on lui demandait, parce qu'il en a, je crois, assez des questions de l'autre ; de fait, il se dépêche, comme il le dira, pour conduire l'eunuque à Thaïs avec la servante éthiopienne. 2 scio qvo abdvcta sit deuxième aposiopèse (ἀποσιώπησις).

351
Ch.-eho Parmeno mi, nostin? et scis ubi siet?
Ch.-Ah ! mon bon Parménon, tu la connais ? et tu sais où elle est ?

eho parmeno < m. mi n. nostin e. et > scis amatorie satis repetuntur, quae semel dicta suffecerant.
eho parmeno mi nostin et scis quand on parle en amant, on redemande encore ce qui aurait suffit en étant dit une fois.

352
Pa.-huc deducta est ad meretricemThaidem: ei dono data est.
Pa.-On l'a emmenée ici chez la courtisane Thaïs : c'est un cadeau qu'on lui a fait.

hvc dedvcta est ad meretricem et hoc effundit semel aceruatimque dicit uelut odio interrogantis saepius et festinatione ad mandata Phaedriae peragenda.
hvc dedvcta est ad meretricem et il déverse cela d'un coup et en tas comme par haine de ce personnage qui ne cesse de poser des questions et par hâte d'arriver à l'accomplissement des ordres de Phédria.

353
Ch.-quis is est tam potens cum tanto munere hoc? Pa.-miles Thraso,
Ch.-Qui est le gros bonnet, avec un tel cadeau ? Pa.-Le soldat Thrason,

354
Phaedriae riualis. Ch.-duras partes fratris367 praedicas.
le rival de Phédria. Ch.-C'est un rôle difficile pour mon frère que tu m'annonces.

1 phaedriae rivalis cum pronuntiatione addendum quod magis doleat, id est Phaedriae riualis. 2 dvras partes fratris praedicas scilicet contra aemulum et diuitem et largissimum. 3 Et partes duras μεταφορικῶς ab actoribus scaenicis.
1 phaedriae rivalis dans l'intonation, il faut ajouter ce qui le fait le plus souffrir c'est-à-dire Phaedriae riualis. 2 dvras partes fratris praedicas comprendre contre un adversaire à la fois riche et extrêmement généreux. 3 Et partes duras métaphoriquement (μεταφορικῶς) à partir des acteurs de théâtre.

355
Pa.-immo enim si scias quod donum huic dono contra conparet,
Pa.-Et encore, si tu savais quel cadeau il a à opposer à ce cadeau, de son côté,

1 comparet iam hic ostenditur miles per riualis dona illustrior quam per sua. et est qualitas comparatiua. 2 comparet pro emat aut comparandum putet.
1 comparet désormais on voit ici que le soldat est rendu plus illustre par les dons de son rival que par les siens propres. Et c'est un énoncé de type comparatif. 2 comparet pour emat (il achète) ou comparandum putet (il croit qu'il faut comparer).

356
tum368 magis id dicas. Ch.-quidnam369 quaeso hercle? Pa.-eunuchum. Ch.-illumne obsecro
alors tu le dirais bien davantage. Ch.-Quoi, je t'en prie, bon sang ? Pa.-Un eunuque. Ch.-Est-ce, s'il te plaît,

1 tvm magis id dicas duras partes fratris esse. 2 qvidnam qvaeso hercle curiositatem addidit παρελκόντων quaeso et hercle. 3 Et uide quam molliter et sine intellectu spectatoris ad argumenti spectati ordinem poeta perueniat, ut de eunucho facta mentione consilium nascatur supponendi Chaereae. 4 evnvchvm mire Terentius primo simpliciter eunuchum posuit, huic quoque, detracturus.
1 tvm magis id dicas que le rôle de frère est dur. 2 qvidnam qvaeso hercle il ajoute la curiosité que donnent les pléonasmes (παρελκόντων) quaeso et hercle. 3 Et observez avec quelle douceur et comment sans que le spectateur ne s'en rende compte le poète parvient à la disposition de l'intrigue attendue, en sorte que de la mention faite ici de l'eunuque naisse la décision de le remplacer par Chéréa. 4 evnvchvm admirable : Térence écrit d'abord simplement eunuque, avant de s'en prendre aussi à lui213.

357
inhonestum hominem, quem mercatus est heri, senem mulierem?
ce type déclassé qu'il a acheté hier, cette vieille bonne femme ?

1 inhonestvm foedum, ut contra «  facie honesta 181 ». 2 Vt apud Vergilium «  et laetos oculis afflarat honores 182 ». 3 hominem opportune hominem dixit tamquam incerti sexus. 4 senem mvlierem non communi genere dixit senem, quippe qui alibi separauerit dicendo «  senex atque anus 183 », sed subdistinguendum est, ut sit duplex uituperatio: una ab aetate quod ait senem, altera <a> membrorum mollitie quod ait mulierem.
1 inhonestvm affreux comme à l'inverse « facie honesta ». 2 de même chez Virgile « et laetos oculis afflarat honores » (elle avait empli ses yeux d'une grâce charmante). 3 hominem opportunément il dit un être (homo) comme pour souligner que le sexe est incertain. 4 senem mvlierem il ne dit pas senem (vieillard) sans distinction de genre, car ailleurs il a séparé les genres en disant « senex atque anus » (un vieillard et une vieille), mais il faut mettre une ponctuation faible pour obtenir un double reproche : un fondé sur l'âge, ce qu'exprime senem, l'autre sur la mollesse physique, ce qu'exprime mulierem.

358
Pa.-istunc ipsum. Ch.-homo quatietur certe cum dono foras.
Pa.-C'est exactement ça. Ch.-Le type, c'est sûr, se fera jeter dehors à coups de baffes avec son cadeau.

1 qvatietvr certe cvm dono mire cum dono, tamquam illi repulsae causa donum futurum sit. 2 Tum deinde non eicietur sed quatietur. 3 Vide quam contumeliosius dictum sit quatietur foras: uel uerberibus impelletur foras, non expulsione et detrusione. 4 Vel sic dixit foras quatietur, ut desit uersum, ut sit: foras uersum uerberabitur, ut uerberetur et fugetur foras. nam et peruulgatae consuetudinis est dictum feri canem foras, hoc est: feriendo canem foras eice.
1 qvatietvr certe cvm dono cum dono : est un paradoxe: c'est comme s'il allait être rejeté précisément à cause de son cadeau. 2 Alors il ne sera pas chassé (eicietur) mais balancé (quatietur). 3 Observez toute l'injure qu'il y a dans l'expression il se fera balancer dehors (quatietur foras) : soit c'est à force de coups qu'on le poussera dehors, (et ce ne sera pas une expulsion, mais une éjection214). 4 ou si l'on préfère il dit foras quatietur (il se fera balancer dehors), en omettant uersum (vers), qui donnerait : on le battra vers dehors, en sorte qu'il sera battu et s'enfuira dehors. De fait, on dit dans le langage populaire flanque le chien dehors, c'est-à-dire mets le chien dehors en lui flanquant une râclée.

359
sed istam Thaidem non sciui nobis uicinam. Pa.-haud diu est.
Mais cette Thaïs, je ne savais pas que c'était notre voisine. Pa.-Ça ne fait pas longtemps.

1 sed istam thaidem non scivi nobis vicinam καλῶς: quomodo enim pro eunucho ueniet, si nouit aut notus est? et si adulescens mulierem ne nouit quidem, multo maxime ipse nescitur. 2 sed istam thaidem non scivi nobis vicinam οἰκονομία contra illud, quod meretrix uicina erat. 3 havd div est uicina scilicet. et est causa, an uerisimile sit nescire potuisse uicinam. 4 Et nota apud Terentium uicinas poni saepius adulescentibus meretrices, ut haec prima sit amoris illecebra.
1 sed istam thaidem non scivi nobis vicinam bien (καλῶς) : comment en effet viendra-t-il à la place de l'eunuque s'il la connaît ou si elle le connaît ? et si le jeune homme ne connaît pas la femme non plus, il est bien plus encore inconnu d'elle. 2 sed istam thaidem non scivi nobis vicinam agencement (οἰκονομία) qui rend improbable le fait que la voisine soit une courtisane. 3 havd div est uicina évidemment. Et la raison en est : est-il vraisemblable qu'il ait pu ne pas connaître sa voisine. 4 Et notez que chez Térence les courtisanes sont souvent placées comme voisines des jeunes gens, afin que ce soit là le premier appât de l'amour.

360
Ch.-perii, numquamne etiam me illam uidisse! eho dum dic mihi:
Ch.-Je suis mort ! et dire que je ne l'ai jamais vue ! Au fait, dis-moi :

1 nvmqvamne etiam me illam vidisse artificiose inculcat poeta τὸ πιθανόν. 2 Sed nimio lepore Terentiano iam illud agitur. nam hic ostenditur uerisimile esse pro eunucho creditum apud uicinam meretricem Chaeream, qui adeo ignotus sit mulieri, ut nec ipse eam nouerit, quod erat facilius et promptius. et additur color, quod et illa non diu uicina est et quod adulescens in Piraeo primum commoratus est.
1 nvmqvamne etiam me illam vidisse le poète intercale avec grand art le vraisemblable (τὸ πιθανόν). 2 mais désormais c'est l'agrément extrême propre à Térence qui mène l'action. De fait, on voit ici qu'il est vraisemblable que Chéréa puisse être pris pour un eunuque chez la voisine courtisane, parce qu'il est à ce point inconnu de cette femme qu'il ne la connaît même pas lui-même, ce qui était plus facile et plus à portée de main. Et à cela s'ajoute une couleur qui est qu'elle n'est pas sa voisine et que le jeune homme a commencé par passer du temps au Pirée.

361
estne, ut fertur, forma? Pa.-sane. Ch.-at nihil370 ad nostram hanc? Pa.-alia res est.
est-ce comme on le dit une beauté ? Pa.-Plutôt. Ch.-Mais ce n'est rien auprès de la nôtre, hein ? Pa.-C'est autre chose.

1 estne vt fertvr forma hoc propter illud, quod supra diximus. 2 at nihil ad nostram hanc moraliter nostram dixit pro meam. 3 alia res est non potuit melius utrique suam gratiam reseruare, nam et illa et haec amantur.
1 estne vt fertvr forma et ce pour la raison que nous avons dite plus haut. 2 at nihil ad nostram hanc conformément au caractère de son personnage, il dit nostram (notre) pour meam (ma). 3 alia res est il n'a pu choisir d'accorder son pardon plutôt à l'une qu'à l'autre, car il les aime l'une et l'autre.

362
Ch.-obsecro hercle, Parmeno, fac ut potiar. Pa.-faciam sedulo ac
Ch.-Je t'en prie, ma foi, Parménon, fais que je la possède. Pa.-Je ferai de mon mieux et

faciam sedvlo < d. dabo o. operam a. adivvabo > mire in promissis posterioribus difficultas rei ostenditur, cum primo faciam dixerit.
faciam sedvlo dabo operam adivvabo de manière paradoxale, on voit la difficulté de la chose dans les promesses qui suivent, alors qu'il a commencé à dire faciam (je vais faire).

363
dabo operam, adiuuabo: numquid me aliud? Ch.-quo nunc is? Pa.-domum,
j'y travaillerai, je te seconderai. Autre chose ? Ch.-Où vas-tu maintenant ? Pa.-A la maison,

1 nvmqvid me alivd hoc dicere abeuntes solent. 2 Et bene hic, quia festinat. 3 Et simul quia hinc nascitur dolus fallendae meretricis.
1 nvmqvid me alivd c'est ce qu'ont coutume de dire ceux qui s'en vont. 2 Et c'est bien ici parce qu'il se dépêche. 3 Et en même temps parce que c'est de là que naît la ruse qui consiste à tromper la courtisane.

364
ut mancipia haec, ita ut371 iussit frater, ducam ad Thaidem.
pour conduire ces objets, comme l'a ordonné ton frère, chez Thaïs.

vt mancipia haec ita vt ivssit f. frater d. dvcam ad th. thaidem uide <id agere> Terentium, ut non quaesita esse haec fallacia, sed ipsa se obtulisse uideatur.
vt mancipia haec ita vt ivssit frater dvcam ad thaidem voyez que Térence fait cela, en sorte que cette tromperie ne paraisse pas le fruit d'une recherche, mais comme se présenter d'elle-même.

365
Ch.-o fortunatum istum eunuchum qui quidem in hanc detur domum!
Ch.-Quel veinard cet eunuque d'être placé dans cette maison !

1 o fortvnatvm istvm evnvchvm istum saepe adnotauimus ut ad contemptum. aut ad odium referri, ut Vergilius «  aut quid petis istis? 184 » et «  ista quidem qui n. nota m. mihi t. tua m. magne u. uoluntas I. Iuppiter 185 ». 2 qvi qvidem in hanc detvr domvm quid facilius, quam imitari uelle quod laudes? nec quisquam, nisi qui cupit eligi pro eunucho, eunuchum putat beatum.
1 o fortvnatvm istvm evnvchvm istum, nous l'avons souvent noté, se rapporte au mépris ou à la haine, comme Virgile « aut quid petis istis ? » (que demandes-tu pour ces pauvres vaisseaux ?) et « ista quidem quia nota mihi tua, magne, uoluntas, Iuppiter » (Grand Jupiter, c'est bien parce que ta volonté m'est connue.) 2 qvi qvidem in hanc detvr domvm quoi de plus facile que de vouloir imiter ce qu'on approuve ? et personne, sinon celui qui désire être pris pour un eunuque, ne saurait penser qu'un eunuque est heureux.

366
Pa.-quid ita? Ch.-rogitas? summa forma semper conseruam domi
Pa.-Pourquoi donc ?Ch.-Cette demande ! Cette beauté suprême, toujours sera sa compagne d'esclavage à la maison,

36629 qvid ita potuit intellegere statim seruus, sed ad hoc interrogat, ut spectator doceatur.
qvid ita  : l'esclave aurait pu comprendre tout de suite, mais il continue à interroger pour que le spectateur soit instruit.

367
uidebit conloquetur aderit una in unis aedibus,
il la verra, lui parlera, sera présent avec elle ensemble sous le même toit ;

1 videbit colloqvetvr aderit vna amatorie nimis quinque lineas amoris exsecutus est, adeo diligenter, ut etiam ordinem custodiret. 2 videbit colloqvetvr aderit vna in vnis aedibvs mire amator non semel effudit hoc bonum, sed particulatim digessit, ut maior uoluptas futura esse noscatur. 3 videbit colloqvetvr etc. istae enim sunt amoris lineae, etsi eas non omnes est persecutus.
1 videbit colloqvetvr aderit vna  : de façon extrêmement propre aux amants, il a consacré cinq vers à son amour, et avec un tel soin qu'il a même conservé l'ordre. 2 videbit colloqvetvr aderit vna in vnis aedibvs  : de façon étonnante, l'amant ne déverse pas d'un coup toutes ces belles paroles mais il les coupe en morceaux pour que l'on sache que le plaisir sera plus grand encore. 3 videbit colloqvetvr etc. : c'est là l'esquisse d'un amour même si de tout cela il n'a rien obtenu.

368
cibum non numquam capiet cum ea, interdum propter dormiet.
le repas, parfois il le prendra avec elle, à l'occasion il dormira près d'elle.

369
Pa.-quid si nunc tute fortunatus fias? Ch.-qua re, Parmeno?
Pa.-Et si c'était toi qui devenais aujourd'hui ce veinard ? Ch.-Par quel biais, Parménon ?

qvid si nvnc tvte fortvnatvs fias sic uidetur dicere Parmeno, ut iocetur quam ut credat fieri posse.
qvid si nvnc tvte fortvnatvs fias Parménon semble ainsi dire qu'il plaisante plutôt que dire qu'il croit cela possible.

370
responde. Pa.-capias tu illius uestem. Ch.-uestem? quid tum postea?
Réponds. Pa.-Tu pourrais prendre les habits de l'autre, là. Ch.-Ses habits Et après ?

1 qvid tvm < p. postea > uide quam molli descensu ad hoc consilium peruenitur; res enim hoc suggerit potius quam Parmeno, ideo quia seruum hoc suadere Chaereae nimis temerarium fuit. 2 capias tv illivs vestem non semel ostenditur quid futurum sit, quia particulatim potest etiam quod turpe est tamen inmitti ad persuasionem, semel ingestum respuitur. 3 Ergo non dixit ibis pro eunucho, sed primo capies illius uestem; tum deinde hoc ipsum non aspernante domino pergit seruus ad cetera, quae audaciora sunt. 4 vestem quam libenter audiat, repetitio dictorum per interrogationem ostendit.
1 qvid tvm postea voyez avec quelle lente progression on en vient à cette décision ; c'est la situation qui suggère ce stratagème plus que Parménon parce que ç'aurait été extrêmement téméraire pour un esclave de conseiller cela à Chéréa. 2 capias tv illivs vestem on ne voit pas en une seule fois ce qui va se produire, parce qu'on peut, en l'exposant par morceaux, parvenir à persuader même d'une chose honteuse que l'on repousse si elle est présentée en une seule fois. 3 Donc il ne dit pas tu iras à la place de l'eunuque, mais d'abord tu prendras ses vêtements ; alors ensuite, vu que le maître ne repousse pas ce premier point, l'esclave passe au reste qui est plus audacieux. 4 vestem le plaisir qu'il a à l'entendre, la répétition des mots dans l'interrogation le montre.

371
Pa.-pro illo te ducam. Ch.-audio. Pa.-te esse illum dicam. Ch.-intellego.
Pa.-C'est à sa place que je t'emmènerai, toi. Ch.-J'entends. Pa.-Je dirai que lui, c'est toi. Ch.-Je comprends.

1 avdio id est libenter. 2 Hoc est: admitto et consentio, ut in Phormione «  audio et fateor 186 » et contra «  non audio 187 ».
1 avdio c'est-à-dire avec plaisir. 2 cela veut dire : j'admets ton idée et j'y consens comme dans le Phormion « audio et fateor » et au contraire « non audio ».

372
Pa.-tu illis fruare commodis quibus tu illum dicebas modo:
Pa.-C'est toi qui jouirais de ces avantages dont tu disais qu'il jouirait lui à l'instant :

intellego audio et intellego uim modo non usitatam exprimunt, scilicet consentientis immodicum affectum.
intellego audio et intellego expriment une force inhabituelle, évidemment le sentiment immodéré d'un homme qui acquiesce.

373
cibum una capias, adsis tangas ludas propter dormias;
ton repas, tu pourrais le prendre avec elle, tu serais près d'elle, tu la toucherais, tu jouerais avec elle, tu dormirais près d'elle,

1 cibvm vna capias bene seruus interturbauit, supra dictas amandi lineas et ordinem uoluptatum, quippe qui amare non nouerit. 2 cibvm vna capias adsis tangas lvdas propter dormias etsi sat erat superior uersus, tamen incentiua sunt amatori etiam singillatim haec enumerata, quae una sententia superior uersus ostenderat.
1 cibvm vna capias c'est bien que l'esclave ait jeté le trouble au milieu de l'esquisse faite par l'amant et dans le catalogue des plaisirs, car il ignore l'amour. 2 cibvm vna capias adsis tangas lvdas propter dormias même si le vers précédent était suffisant, ce catalogue une par une des choses qu'il avait montrées au vers précédent en une seule expression est une incitation pour l'amant.

374
quandoquidem illarum neque te quisquam neque scit qui sies.
puisque parmi elles là-bas, aucune et ne sait qui tu es.

1 qvandoqvidem illarvm pro ex illis. 2 qvisqvam ideo quisquam, quia quaequam dicere absurdum est. 3 illarvm qvisqvam quisquam multis exemplis probatur etiam feminino genere ueteres protulisse, ita ut numeris et generibus haec pronomina infinita sint. 4 neqve scit qvi sies hoc est quod supra callide poeta praestruxit.
1 qvandoqvidem illarvm mis pour ex illis (parmi elles). 2 qvisqvam quisquam est utilisé parce qu'il est absurde de dire quaequam 215. 3 illarvm qvisqvam quisquam est employé par les anciens même au féminin comme on le voit par de nombreux exemples, en sorte que ces pronoms sont indéterminés en genre et en nombre. 4 neqve scit qvi sies c'est ce qui se trouve plus haut et que le poète a, avec beaucoup d'adresse, anticipé alors.

375
praeterea forma et aetas ipsa est facile ut pro eunucho probes.
En plus tu es de figure et d'âge à te faire prendre facilement pour l'eunuque.

1 praeterea forma et aetas ipsa est deest in te. 2 facile vt pro evnvcho probes formam scilicet et aetatem: formam, quia pulcher, aetatem, quia ephebus. 3 facile vt pro evnvcho probes probes nunc fingas aut persuadeas, ut in consuetudine dicimus homo sacrilegus pro innocente se probauit, et Cicero «  hoc tu his probabis 188 ». itaque deest te, quod subaudiemus, ut sit: pro eunucho te probes. 4 probes ut «  migrantis cernas 189 ». 5 Aut probes persuadeas. 6 Et simul honeste non dixit, quod erat rectum, ut eunuchum probes, sed pro eunucho, ne esset contumeliosum in Chaeream.
1 praeterea forma et aetas ipsa est il manque in te (en toi). 2 facile vt pro evnvcho probes par le bel aspect évidemment et l'âge ; le bel aspect : parce qu'il est joli garçon, l'âge : parce que c'est encore un éphèbe. 3 facile vt pro evnvcho probes probes ici signifie feindre ou persuader, comme dans l'usage courant nous disons l'homme sacrilège se fit prendre pour un innocent, et Cicéron « hoc tu his probabis » (tu leur feras prendre cela pour argent comptant). C'est pourquoi il manque te, que nous sous-entendrons pour avoir : pro eunucho te probes (qu'on te prennes pour l'eunuque). 4 probes comme « migrantis cernas » (on pouvait voir des gens se déplaçant216). 5 ou alors probes signifie persuadeas (que tu persuades). 6 Et en même temps, il a la politesse de ne pas dire, ce qui est juste, pour qu'on te tienne pour eunuque, mais, qu'on te prenne pour un eunuque 217, afin de ne pas être désobligeant envers Chéréa.

376
Ch.-dixti pulchre: numquam uidi melius consilium dari.
Ch.-Tu as bien parlé. Jamais je n'ai vu donner un meilleur conseil.

377
age eamus intro: orna me nunciam372 abduc duc quantum potes373.
Allons, entrons ; équipe-moi tout de suite, emmène-moi, conduis-moi dès que possible.

1 orna me nvnc iam hortatiue orna me dixit, non dispolia aut exue me. 2 abdvc <dvc> abducimur unde uolumus, ducimur quo uolumus. 3 qvantvm potes deest cito.
1 orna me nvnc iam c'est sur le ton de l'exhortation qu'il dit orna me, et non dépouille-moi ou déshabille-moi. 2 abdvc dvc on nous ramène de là où nous voulons, on nous amène où nous voulons. 3 qvantvm potes il manque cito (vite).

378
Pa.-quid agis? iocabar equidem. Ch.-garris. Pa.-perii, quid ego egi miser!
Pa.-Que fais-tu ?Je blaguais moi. Ch.-Tu plaisantes ! Pa.-Je suis perdu. Qu'est-ce que j'ai fait, malheureux ?

qvid agis callide seruus non uult auctorem se uideri tanti facinoris.
qvid agis avec adresse l'esclave ne veut pas paraître être à la source d'un tel méfait.

379
quo trudis? perculeris iam tu me. tibi equidem dico, mane.
Où me pousses-tu ? Tu auras vite fait de me faire dérailler. Et moi je te le dis : reste ici.

1 qvo trvdis comici semper ea ostendunt fieri ab altero uerbis alterius personae, quae ostendi per se ipsa non poterant; ut nunc manu agere Chaeream Parmenonem Parmenone ipso dicere cognoscimus. 2 qvo trvdis praebet se ui cogendum domino, quem compulit dictis. 3 percvleris iam tv me peruerteris, unde prouerbium bene plaustrum perculit. 4 tibi eqvidem dico <mane> singillatim ista pronuntianda sunt, ex quibus intellegatur non cessare Chaeream, quin adhuc impellat et trudat.
1 qvo trvdis les comiques montrent toujours que c'est l'un des deux qui, sur les mots de l'autre, fait ce qui ne peut pas être montré en soi218 ; comme ici, nous apprenons parce que Parménon le dit lui-même que Chéréa mène Parménon par la main. 2 qvo trvdis il se laisse contraindre par son maître qu'il a poussé par ses paroles. 3 percvleris iam tv me peruerteris ("tu auras vite fait de me renverser"), d'où, à bon droit, le proverbe plaustrum perculi (j'ai poussé mon chariot, j'ai déraillé). 4 tibi eqvidem dico mane il faut détacher chaque mot pour faire comprendre que Chéréa n'a de cesse de le stimuler et de le pousser.

380
Ch.-eamus. Pa.-pergisne374? Ch.-certumst. Pa.-uide ne nimium calidum375 hoc sit modo.
Ch.-Allons-y. Pa.-Tu continues ? Ch.-Pour sûr. Pa.-Attention à ce que ça ne chauffe pas trop bientôt.

1 pergisne quasi uero ioco dixerit, non serio. 2 ne nimivm calidvm periculosum. 3 Sed melius callidum legitur. 4 <ne> nimivm prouerbiale, quia nimium propria uox est.
1 pergisne comme s'il avait parlé par plaisanterie et non sérieusement. 2 ne nimivm calidvm dangereux. 3 Mais il vaut mieux lire callidum (rusé). 4 ne nimivm proverbial, parce que nimium est le mot propre219.

381
Ch.-non est profecto: sine. Pa.-at enim istaec in me cudetur faba. Ch.-ah.
Ch.-Il n'y a pas lieu, vraiment ; laisse faire. Pa.-Mais c'est sur mon dos qu'on battra le beurre. Ch.-Bah !

1 at enim istaec in me cvdetvr faba παροιμία, id est: in me hoc malum recidet, in me haec uindicabitur culpa, ut laborat solum, in quo cuditur id est batuitur faba, cum siliquis exuitur tunsa fustibus, ut in areis more rusticorum fit. 2 Vel quod quidam male coctam fabam et quae non maduerit sed dura permanserit, supra caput coqui <cudunt> uelut ipsi fabae irati, dum eius granum saxo comminuunt: tum uniuersum malum et omnis dolor ad coquum peruenit. simile et alibi a pulmento prouerbium est «  tute hoc intristi, tibi hoc est exedendum, accingere 190 ».
1 at enim istaec in me cvdetvr faba c'est un proverbe (παροιμία), cela veut dire : c'est sur moi que ce mal retombera, c'est moi qu'on punira de cette faute, comme souffre le sol sur lequel on bat, c'est-à-dire on vanne les fèves, quand on les tire de leurs cosses en les frappant avec des bâtons 220, comme on le fait sur les aires à la campagne. 2 ou si l'on veut parce qu'on frappe sur la tête du cuisinier avec un fève mal cuite, et qui n'a pas trempé et reste dure comme s'ils s'acharnaient sur la fève elle-même en réduisant son grain à la meule : alors tout le mal et toute la souffrance sont pour le cuisinier. De même ailleurs, on trouve un proverbe tiré des ragoûts « tute hoc intristi. tibi hoc est exedendum, accingere ».

382
Pa.-flagitium facimus. Ch.-an id flagitium est si in domum meretriciam
Pa.-C'est une honte, ce que nous faisons. Ch.-Vraiment, c'est une honte si c'est dans une maison de courtisanes que

1 flagitivm facimvs flagitium more militari dicitur res flagitatione, hoc est increpatione digna. 2 Nam flagitatio a strepitu dicitur, unde flamma et flagella et flagellare, id est personare, intellegimus dici. nam haec omnia sine sonitu crepituque non sunt. 3 an id flagitivm est an liceat, an deceat. et prius quia licet. 4 an id flagitivm est Terentius laudat argumentum huius fabulae, in quo exemplum promitur, quod prosit parentibus, obsit meretricibus; et simul deliberationibus tractans, <an> sit faciendum. 5 si in domvm meretriciam dedvcar hoc tale est, ut nulla lex prohibeat, ut defendatur esse licitum.
1 flagitivm facimvs flagitium est un mot du vocabulaire militaire : chose qui mérite la flagitatio c'est-à-dire le blâme221. 2 de fait, on parle de flagitatio à cause du bruit sec, d'où l'on comprend que l'on a tiré flamma (la flamme), flagella (les fouets) et flagellare (fouetter), c'est-à-dire résonner ; car toutes ces choses ne sont jamais exemptes de son et de crépitement. 3 an id flagitivm est est-ce que c'est permis, est-ce que c'est convenable ? et ce qui est premier c'est le fait que ce soit permis222. 4 an id flagitivm est Térence fait l'éloge de l'intrigue de cette pièce dans laquelle on a un exemple où ce qui sert les parents, dessert les courtisanes ; et en même temps, il traite par ses délibérations de la question : faut-il le faire ? 5 si in domvm meretriciam dedvcar cet acte n'est pas interdit par quelque loi qui défendrait que cela soit autorisé.

383
deducar et illis crucibus, quae nos nostramque adulescentiam
je suis introduit, que c'est à ces tortionnaires qui, de nous et de notre jeunesse

et illis crvcibvs qvae nos nostramqve advlescentiam hoc iam ad illud pertinet, ut ostendatur decere. et primo a persona eius, cui fit.
et illis crvcibvs qvae nos nostramqve advlescentiam ce qui vient maintenant a pour but de montrer que c'est convenable : et d'abord par la personne de celle à qui cela arrive223.

384
habent despicatam et quae nos semper omnibus cruciant modis,
se moquent et toujours nous torturent de toutes les façons,

1 habent despicatam contemptam ac despectam. et est παρένθεσις μεταπλασμός. 2 Vel certe alterius uerbi declinatio, ab eo quod est conspicor despicor. Sallustius «  cum interea Metellus monte degrediens cum exercitu conspicatur, primo dubius quidnam insolita facies ostenderet 191 ».
1 habent despicatam dédaignée et méprisée. Et la parenthèse (παρένθεσις) est un métaplasme (μεταπλασμός). 2 ou si l'on veut du moins la déclinaison du second mot despicor suit celle de conspicor 224. Salluste « cum interea Metellus monte degrediens cum exercitu conspicatur, primo dubius quidnam insolita facies ostenderet ». (Cependant Métellus, ignorant la présence de l'ennemi, descend des hauteurs avec ses troupes ; il observe. Tout d'abord, il ne sait que penser du spectacle insolite qu'il a sous les yeux).

385
nunc iam376 referam gratiam atque eas itidem fallam, ut ab illis377 fallimur?
que maintenant je rends ce qu'elles méritent et que je trompe de la même manière que nous sommes trompés par elle !

1 nvnc iam referam gratiam non eas, inquit, lacessam, sed quod iustum est, uicem reddam: quasi ipse in aliis laesus sit. 2 vt ab illis fallimvr non dixit alii falluntur.
1 nvnc iam referam gratiam non, dit-il, je ne les harcèlerai pas, mais je leur rendrai selon ce qui est juste : c'est comme si c'était lui qui avait été lésé dans les autres choses. 2 vt ab illis fallimvr il ne dit pas alii falluntur (d'autres sont trompés).

386
an potius haec patri aequum est fieri ut a me ludatur dolis?
Est-ce que ce serait plus juste que ça arrive à mon père, qu'il soit joué par mes ruses ?

1 an potivs haec patri 30 aeqvvm est fieri illic uicissitudo est, at in patre dolus. 2 vt a me lvdatvr dolis σύλλημψις: auditur pater.
1 an potivs haec patri aeqvvm est fieri il y a bien là échange de bons procédés, mais c'est une ruse envers le père225. 2 vt a me lvdatvr dolis syllepse (σύλλημψις) : on entend le père.

387
quod qui resciuerint378 culpent; illud merito factum omnes putent.
Ceus qui le sauraient m'en feraient grief ; mais là, tout le monde penserait que c'est bien fait.

1 qvod qvi resciverint a consequentibus argumentum; nam illud factum uituperatio sequitur, hoc approbatio. 2 illvd merito factvm omnes pvtent bene non iudicent, quia et hoc ipsum non satis probum est, id est meretricem fallere.
1 qvod qvi resciverint argument tiré des conséquences ; de fait, la première action entraîne le blâme, la seconde l'approbation. 2 illvd merito factvm omnes pvtent c'est bien de ne pas dire qu'ils jugent parce que ce n'est pas vraiment honnête non plus de tromper une courtisane.

388
Pa.-quid istic? si certum est facere, facias; uerum ne post conferas
Pa.-Quoi ? Si tu as décidé de le faire, fais-le, mais après ne rejette pas

1 qvid istic aduerbium est aegre concedentis. 2 facias pro facito. 3 vervm deest uide. 4 vervm ne post conferas cvlpam in me si ne prohibentis est, nihil deest, si percunctantis, item; sin ne ne forte, deest timeo. 5 vervm ne post conferas cvlpam in me in hoc negotio non auctor uult interesse, sed seruus.
1 qvid istic adverbe qu'emploie quelqu'un qui cède à regret. 2 facias pour facito. 3 vervm il manque uide (vois). 4 vervm ne post conferas cvlpam in me si ne s'emploie pour la défense, il ne manque rien ; si c'est pour la délibération, même chose ; mais si ne vaut pour ne forte, il manque timeo (je crains)226. 5 vervm ne post conferas cvlpam in me dans cette affaire il ne veut pas être instigateur, mais serviteur.

389
culpam in me. Ch.-non faciam. Pa.-iubesne? Ch.-cogo atque impero:
la faute sur moi. Ch.-Je ne le ferai pas. Pa.-C'est un ordre ? Ch.- J'exige, et je commande.

cogo atqve impero euidenter ostendit plus esse imperare quam iubere.
cogo atqve impero à l'évidence il montre que imperare est plus fort que iubere.

390
Pa379. numquam defugiam auctoritatem. sequere. di uertant bene!
Pa.-Jamais je ne me déroberai à ton autorité. Suis-moi. Fasse le Ciel que ça tourne bien !

1 nvmqvam defvgiam avctoritatem < numquam > pro non, ut «  numquam omnes hodie moriemur inulti 192 ». 2 nvmqvam defvgiam avctoritatem non, inquit, recusabo facere, dum tu auctor facti sis.
1 nvmqvam defvgiam avctoritatem numquam est mis pour non, comme « numquam omnes hodie moriemur inulti » (jamais nous ne mourrons tous aujourd'hui sans nous venger). 2 nvmqvam defvgiam avctoritatem non, dit-il, je ne refuserai pas de le faire du moment que tu en est l'instigateur.

Actus tertius

scaena prima

Gnatho Thraso

391 | 392 | 393 | 394 | 395 | 396 | 397 | 398 | 399 | 400 | 401 | 402 | 403 | 404 | 405 | 406 | 407 | 408 | 409 | 410 | 411 | 412 | 413 | 414 | 415 | 416 | 417 | 418 | 419 | 420 | 421 | 422 | 423 | 424 | 425 | 426 | 427 | 428 | 429 | 430 | 431 | 432 | 433 | 434 | 435 | 436 | 437 | 438 | 439 | 440 | 441 | 442 | 443 | 444 | 445 | 446 | 447 | 448 | 449 | 450 | 451 | 452 | 453

391
Thr.-Magnas uero agere gratias Thais mihi?
Thr.-Ce sont, vraiment, de grands remerciements que Thaïs me fait  ?

1 magnas vero agere gratias thais mihi hic sermo sic prodit, ut post scaenam incohatus esse noscatur. continet autem assentationem parasiticam et stultitiam gloriosi militis. 2 agere plus sonat infinitus modus finito.
1 magnas vero agere gratias thais mihi Cette conversation se présente de telle sorte qu'on comprend qu'elle a débuté en coulisses ; elle contient la flatterie caractéristique du parasite et la sottise du soldat fanfaron. 2 agere le mode infinitif fait entendre davantage qu'un mode conjugué227.

392
Gn.-ingentes. Thr.-ain tu, laeta est? Gn.-non tam ipso quidem
Gn.-Immenses. Thr.-Que dis-tu ? Elle est contente. Gn.-Non pas tant certes

ingentes uide quantum adiciat parasitus: ille magnas dixit, hic respondit ingentes; ille laeta est, hic triumphat.
ingentes voyez tout ce que le parasite ajoute : l'un a dit grands, l'autre a répondu immenses ; celui-là elle est contente, celui-ci elle triomphe228.

393
dono quam abs te datum esse: id uero serio
du présent lui-même que de ce qu'il vient de toi: c'est de cela que, pour de vrai,

1 id vero serio id ob id, ut «  id amabo adiuta me 193 ». 2 id ob id alias, at nunc παρέλκεται, id est productionis locus est. 3 qvam abs te datvm esse maioris est gratiae tantum potuisse amorem militis, ut meretrix minus laetetur ob lucrum.
1 id vero serio id est l'équivalent de ob id, comme « id amabo, adiuta me ». 2 id est l'équivalent de ob id ailleurs, et dans le cas présent il fait pléonasme (παρέλκεται), c'est-à-dire qu'il est l'occasion d'allonger l'énoncé. 3 qvam abs te datvm esse c'est le fait d'une plus grande reconnaissance d'avoir pu inspirer au soldat un si grand amour que la courtisane soit moins contente du profit obtenu 229.

394
triumphat. Pa.-hoc prouiso ut, ubi tempus siet,
elle triomphe. Pa.-Je vais prévoir quand ce sera le moment

1 trivmphat ut militaribus dictis tangit militem parasitus! 2 hvc proviso vt vbi tempvs siet tertia persona uenit in scaenam, sed separatim loquitur et secum.
1 trivmphat comme le parasite touche le soldat en utilisant des mots de soldat230 ! 2 hvc proviso vt vbi tempvs siet un troisième personnage arrive en scène, mais il parle en aparté et à lui-même.

395
deducam. sed eccum militem. Thr.-est istuc datum
de les apporter. Mais voici le soldat. Thr.-C'est un don que j'ai,

1 sed eccvm militem iniuriose militem, honorifice proprio nomine dicitur, ut <in> subiectis «  audire uocem uisa sum modo militis 194 ». 2 est istvc datvm fato decretoque concessum, ut «  non dabitur regnis, esto, prohibere Latinis 195 ».
1 sed eccvm militem c'est de manière insultante qu'il dit miles (c'est avec considération qu'on désigne les gens par leur nom propre231), comme dans le passage suivant « audire uocem uisa sum modo militis ». 2 est istvc datvm accordé par le destin et l'ayant décrété, ainsi dans : « Non dabitur regnis, esto, prohibere Latinis » (Il ne (me) sera pas donné de fermer (à Enée) le royaume de Latinus, soit !232).

396
profecto ut grata mihi sint quae facio omnia.
certainement : on adore tout ce que je fais.

1 vt grata mihi sint qvae facio omnia gratae nobis aut res aut personae sunt; sed nunc res dicit. 2 qvae facio omnia ἔλλειψις uel σύλλημψις.
1 vt grata mihi sint qvae facio omnia ce sont soit les personnes soit les choses qui nous sont agréables ; mais ici il parle des choses. 2 qvae facio omnia ellipse (ἔλλειψις) ou233 syllepse (σύλλημψις).

397
Gn.-aduerti hercle animum. Thr.-uel rex semper maximas
Gn.-J'y avais, ma foi, prêté attention. Thr.-Même le roi m'adressait toujours les plus grands

1 adverti hercle animvm approbauit dictum. et hoc <est> «  ait? aio 196 ». 2 vel rex mihi semper gratias maximas agebat quam intempestiue miles ad regem transitum fecit, cum de meretrice agatur! 3 vel rex ut in Hecyra «  uel hic Pamphilus iurabat quotiens Bacchidi, quam sancte 197 ». 4 vel rex mihi semper <maximas> agebat subauditur gratias ab eo quod supra dixit «  magnas uero agere gratias Thais mihi? 198 »
1 adverti hercle animvm il a approuvé ce qu'il a dit, et c'est déjà dans « ait ? aio ». 2 vel rex mihi semper gratias maximas agebat comme c'est mal à propos que le soldat fait la transition au roi, alors qu'il était question de la courtisane ! 3 vel rex comme dans L'Hécyre « uel hic Pamphilus iurabat quotiens Bacchidi, quam sancte ». 4 vel rex mihi semper maximas agebat sous-entendre le mot gratias (remerciements) à partir de ce qu'il a dit plus haut : « magnas uero agere gratias Thais mihi ? ».

398
mihi agebat quidquid feceram: aliis non item.
remerciements, quoi que j'aie fait ; pour les autres, pas pareil.

399
Gn.-labore alieno magno partam gloriam
Gn.-La gloire qui s'acquiert aux grands travaux d'autrui

partam gloriam id est quae paritur, ut «  uectus equo spumante Saces 199 ».
partam gloriam c'est-à-dire qui est acquise, comme « uectus equo spumante Saces » (Sacès, monté sur un cheval écumant).

400
uerbis saepe in se transmouet qui habet salem;
par des discours souvent l'attire qui est fin.

1 qvi habet salem sal neutraliter condimentum est, masculine sapientia. 2 verbis saepe in se transmovet qvi habet salem mire adulatur: hoc attribuit militi quod minime habet, uel uerba uel salem.
1 qvi habet salem sal, au neutre, désigne un condiment ; au masculin, c'est l'esprit234. 2 verbis saepe in se transmovet qvi habet salem comme il flatte admirablement ; il attribue au soldat ce qu'il possède le moins, soit les mots soit l'esprit.

401
quod in te est. Thr.-habes. Gn.-rex te ergo in oculis... Thr.-scilicet.
C'est ton cas. Thr.-Tu l'as. Gn.-Le roi donc de ses yeux te... Thr.-Evidemment.

1 qvod in te est quod tu habes. 2 habes intellegis. quod enim tenemus corpore, habemus quoque; item animo quod habemus, intellegimus. 3 habes pro intellegis. sic dicitur accipe et da. 4 habes id est dicis, ut Sallustius «  Tartessum, Hispaniae ciuitatem, quam nunc Tyrii mutato nomine Gaddirum habent 200 ». 5 rex te ergo in ocvlis scilicet gestire uide inconditam properationem laudari se cupientis adeo, ut non sinat uerba compleri, quin praefestinet scilicet et uere dicere.
1 qvod in te est ce que tu as, toi. 2 habes signifie intellegis (tu comprends). Ce que nous tenons en effet physiquement, nous le possédons aussi ; de même ce que nous possédons par l'esprit, nous le comprenons. 3 habes est l'équivalent de intellegis. On dit ainsi accipe (écoute ) et da (vois). 4 habes c'est-à-dire tu le dis, comme chez Salluste « Tartessum, Hispaniae civitatem, quam nunc Tyrii mutato nomine Gaddirum habent235 ». (Tartesse, cité d'Espagne que les Tyriens possèdent maintenant, après avoir changé le nom en Gadès). 5 rex te ergo in ocvlis scilicet gestire voyez la hâte mal maîtrisée de celui qui désire être loué au point qu'il lui coupe la parole et s'empresse de dire bien sûr et vraiment.

402
Gn.-gestire380. Thr.-uere381: credere omnem exercitum,
Gn.-couvait. Thr.-Vraiment ! il me confiait toute son armée,

1 credere omnem exercitvm magis ridebis, si consideres militem μάταιον esse, qui dicit credere omnem exercitum et consilia. 2 credere omnem exercitvm consilia sub obtentu militis ea stultitia descripsit breuiter comitem regium acceptumque imperatori. nam qui nunc credit exercitum, credit et consilia. Vergilius «  nulla meis sine te quaeretur gloria rebus, seu pacem seu bella geram: tibi maxima rerum uerborumque fides 201 ».
1 credere omnem exercitvm on rira davantage si on considère que le soldat est un vantard (μάταιος), qui dit il me confiait son armée entière et ses projets. 2 credere omnem exercitvm consilia en se dissimulant sous le personnage du soldat il a décrit en peu de mots avec cette imbécillité un courtisan de surcroît dans les bonnes grâces du général en chef ; car celui qui confie maintenant son armée, confie aussi ses projets. Virgile « nulla meis sine te quaeretur gloria rebus, seu pacem seu bella geram : tibi maxima rerum verborumque fides » (Je ne chercherai pour mes intérêts aucune gloire sans toi ; en paix ou en guerre ; dans l'action comme dans la discussion tu auras ma plus grande confiance).

403
consilia. Gn.-mirum. Thr.-tum sic ubi eum satietas
ses projets. Gn.-Merveilleux ! Thr.-De temps en temps comme ça quand le dégoût le

1 consilia αὔξησις: plus est consilia quam totus exercitus. 2 mirvm melius per εἰρωνείαν pronuntiamus mirum: quid ni crederet tali uiro? 3 Sed potest etiam simpliciter pro admirantis gestu accipi. 4 vbi satietas hominvm avt negoti rei p. princeps duas res patitur: homines et negotia, <id est> personas et res. 5 satietas hominvm avt negoti siqvando o. odivm c. ceperat proprie reddidit et decenter hominum satietas negoti odium ; non enim par erat rei p. principem hominum odio laborare.
1 consilia amplification (αὔξησις) ; les projets c'est bien plus que l'armée entière236. 2 mirvm c'est mieux de prononcer mirum par ironie (εἰρωνείαν) : comment ne croirait-on pas un tel homme ? 3 Mais cela peut aussi simplement être pris pour un élan d'admiration237. 4 vbi satietas hominvm avt negoti le premier personnage de l'Etat supporte deux choses : les hommes et les affaires, c'est-à-dire les personnes et les actions. 5 satietas hominvm avt negoti siqvando odivm ceperat il a rendu au sens propre et convenablement la satiété des hommes et le dégoût des affaires ; il n'est pas équitable, en effet, que le premier personnage de l'Etat souffre de misanthropie.

404
hominum aut negoti siquando odium ceperat,
prenait ou si parfois c'était la haine des affaires,

hominvm avt negoti eos qui gerunt et ea quae geruntur.
hominvm avt negoti les personnes qui administrent et les choses qui sont administrées.

405
requiescere ubi uolebat, quasi... nostin? Gn.-scio:
quand il voulait se reposer, c'était comme... Tu saisis ? Gn.-Je saisis,

1 reqviescere vbi volebat bono uerbo usus est, nam cessat desidiosus, requiescit defessus. 2 qvasi nostin grate expressit stulti infantiam militis, qui ante uult intellegi quod sentit, quam ipse dicat. 3 Et proprie hoc morale est stolidis inerudite loquentibus. 4 qvasi nostin ἀποσιώπησις.
1 reqviescere vbi volebat il utilise le bon verbe, car cessat s'applique à un oisif, requiescit à un homme fatigué. 2 qvasi nostin il exprime de manière agréable l'incapacité de s'exprimer du soldat stupide, qui veut qu'on comprenne ce qu'il ressent avant de l'avoir exprimé. 3 Et ce sont les termes appropriés au caractère des parleurs stupides qui causent dans l'ignorance. 4 qvasi nostin aposiopèse238 (ἀποσιώπησις).

406
quasi ubi illam exspueret miseriam ex animo. Thr.-tenes.
comme quand il voulait recracher ce malheur de son cœur. Thr.-Tu le tiens.

1 tenes pro habes, hoc est quod supra intellegis . 2 qvasi vbi illam exspveret miseriam ubi pro quando et in his et supra. 3 expveret expuere est cum fastidio aliquid reicere et expellere. nam expuere est ἔξω pus mittere, id est foras. nam pus est omnis humor corpori onerosus.
1 tenes est l'équivalent de habes (tu y es), c'est ce qui est plus haut « intellegis ». 2 qvasi vbi illam exspveret miseriam ubi est l'équivalent de quando (quand) et sur ces considérations, voir ci-dessus. 3 expveret expuere c'est rejeter et cracher quelque chose avec répugnance. Car expuere c'est envoyer des humeurs ἔξω (dehors), c'est-à-dire à l'extérieur du corps. Car l'humeur est le liquide difficile à digérer de tout corps.

407
tum me conuiuam solum abducebat sibi. Gn.-hui
A ce moment-là, c'est moi seul qu'il prenait comme convive. Gn.-Pfui !

1 tvm me convivam solvm abdvcebat sibi hoc supererat, <ut> qui esset minister magnarum rerum, id est consiliarius, uoluptatibus quoque regi idem particeps esset. 2 Et uide quo significatu dicatur me <et> conuiuam et solum et abducebat ; nam non uocabat. 3 Et sibi quasi non propter me, sed ut sibi bene esset. 4 tvm me convivam id est: cum satietas hominum esset, cum odisset negotia. 5 convivam solvm abdvcebat 31 <ut> «  solam nam perfidus ille te < c. colere > 202 ». significat autem saepicule factum.
1 tvm me convivam solvm abdvcebat sibi il se montrait supérieur en homme qui traite des grandes choses, c'est-à-dire un conseiller, et qui est compagnon du roi dans ses plaisirs. 2 Et voyez ce qui est signifié quand il dit me et conuiuam et solum et abducebat ; car il ne l'invitait pas. 3 Et sibi n'est pas vraiment équivalent de propter me (près de moi) mais de ut sibi bene esset (pour qu'il aille bien). 4 tvm me convivam c'est-à-dire : alors qu'il éprouvait la satiété des hommes, alors qu'il avait le dégoût des affaires. 5 convivam solvm abdvcebat comme « solam nam perfidus ille te colere » (Car pour toi seule, ce perfide avait de la considération). Or cela veut dire qu'il le faisait assez souvent.

408
regem elegantem narras. Thr.-immo sic homo est
c'est d'un roi de bon goût dont tu me parles. Thr.-Carrément, c'est le genre du type,

regem elegantem narras qui eligere sciat aut qui ipse sit eligendus.
regem elegantem narras qui sait choisir ou qu'il faut choisir 239 lui-même.

409
perpaucorum hominum. Gn.-immo nullorum arbitror,
avoir un ou deux amis. Gn.-Ou même zéro à mon avis,

1 perpavcorvm hominvm aut qui paucis utitur aut qui de paucis est aut qui paucis placet, hoc est bonis et sapientibus, qui fere pauci sunt. 2 immo nvllorvm arbitror hoc auersus, ne miles audiat. 3 Potest tamen et aliter intellegi: maxime stolidos milites.
1 perpavcorvm hominvm ou bien qui a des relations avec peu de gens ou qui fait partie d'une petite élite, ou encore qui plaît à peu de gens, c'est-à-dire aux gens de bien et d'esprit qui de fait sont peu nombreux. 2 immo nvllorvm arbitror il dit cela en aparté, afin que le soldat ne l'entende pas. 3 On peut cependant comprendre aussi autrement : surtout des soldats stupides.

410
si tecum uiuit. Thr.-inuidere omnes mihi,
si c'est avec toi qu'il vit. Thr.-Ils me jalousaient tous,

invidere omnes mihi plus potest ad significandum infinitum tempus quam finitum.
invidere omnes mihi il y a plus de valeur expressive dans un infinitif que dans un mode conjugué.

411
mordere clanculum: ego non flocci pendere:
me mordaient en douce ; moi je m'en foutais.

ego non floccipendere quod morderent clanculum uel quod inuiderent.
ego non floccipendere sous prétexte qu'ils lui décochaient en cachette des traits mordants ou si l'on préfère qu'ils le jalousaient.

412
illi inuidere misere; uerum unus tamen
Eux, ils étaient jaloux, une misère. Mais il y en a un pourtant

1 illi invidere misere misere nimis, quia nimia misera. 2 vervm vnvs proprie, nam unus ex multis dicitur. 3 Et mire facta nullius ponderis repetitio ad inertiam loquentis exprimendam. nam postquam dixit «  inuidere omnes mihi 203 », repetit inuidere misere; et cum misere et impense idem significent, mox tamen sine ullo auctu addidit uerum unus tamen impense. 4 Aut plus est misere quam impense.
1 illi invidere misere misere est hyperbolique, parce que ce sont des misères hyperboliques. 2 vervm vnvs pris au sens propre, de fait il s'agit d'un parmi beaucoup. 3 Et la répétition est admirablement faite sans aucune lourdeur pour exprimer l'inculture240 du personnage qui parle. De fait après avoir dit « inuidere omnes mihi », il répète inuidere misere ; et comme misere et impense ont le même sens, aussitôt après c'est sans rien dire de plus qu'il ajoute uerum unus tamen impense. 4 Par rapport à impense, misere dit plus.

413
inpense, elephantis quem Indicis praefecerat.
jusqu'à la ruine ; c'était celui qui était chargé des éléphants indiens.

1 elephantis qvem indicis praefecerat et hoc stulte, cum hoc ad dignitatem sumit et sic pronuntiat, ut magna esse praefectura uideatur haec ipsa. 2 Et hoc a stolido milite sic profertur, tamquam magnum hominem uelit esse, qui sibi inuiderit. 3 Et indicis πρὸς ἀντιδιαστολήν Maurorum, qui et mitiores sunt.
1 elephantis qvem indicis praefecerat cela aussi est idiot, puisqu'il prend cela pour une dignité et prononce de manière à ce que ce commandement même ait l'air d'être quelque chose de grand. 2 Et le soldat stupide prononce cela comme s'il voulait que ce soit un homme d'importance qui le jalouse. 3 Et indicis pour opérer une différenciation (πρὸς ἀντιδιαστολήν) avec ceux des Maures qui sont mieux apprivoisés.

414
is ubi molestus magis est, « quaeso » inquam « Strato,
Un jour qu'il me casse grave les pieds, je lui dis comme ça : « Dis-moi, Straton,

1 is vbi molestvs magis est more suo magis addidit, ne diceret molestior. 2 qvaeso inqvam strato Strato nomen accommodatum militiae.
1 is vbi molestvs magis est selon son habitude, il ajoute magis, pour éviter la forme molestior. 2 qvaeso inqvam strato Straton est un nom bien approprié pour quelqu'un qui exerce le métier de soldat.

415
eone es ferox quia habes imperium in beluas? ».
t'es à ce point féroce parce que tu commandes à des fauves ? ».

1 eone es ferox causale est ideone significans. 2 qvia habes imperivm in belvas mire extulit imperium, dicturus in beluas. sic Vergilius «  illa se i. iactet i. in a. aula Aeol. Aeolus et c. clauso u. uentorum c. carcere r. regnet 204 ».
1 eone es ferox c'est causal et cela signifie ideone (est-ce la raison pour laquelle). 2 qvia habes imperivm in belvas c'est étonnant de parler d' imperium, alors qu'il va dire in beluas. Ainsi Virgile « illa se iactet in aula Aeolus et clauso uentorum carcere regnet » (Qu'Éole se pavane dans cette cour et qu'il règne sur les vents, sur leur prison bien close).

416
Gn.pulchre mehercle dictum et sapienter. papae
Gn.-Bien répondu, ma foi, et avec sagesse. Peste !

pvlchre mehercle dictvm immodica laudatione euertit, etiam si quid facete dictum est. sufficeret enim pulchre, quod est sapienter.
pvlchre mehercle dictvm il éclate en éloges sans mesure, même si ce qui a été dit est drôle. Il suffirait en effet de dire pulchre, ce qui vaut pour sapienter (sage réponse).

417
iugularas hominem. quid ille? Thr.-mutus ilico.
tu lui avais coupé le sifflet. Et l'autre ? Thr.-Muet sur le coup.

1 ivgvlaras hominem pulchre tangit militem iugularas dicendo, non occideras, quasi gladio, non uerbo usus sit. 2 mvtvs ilico tam hoc stultum est, quam si diceret statim nihil. recte autem diceret ex illo mutus fuit. tale est illud tacere festinat.
1 ivgvlaras hominem il touche joliment le soldat en disant iugularas, et non occideras (tu l'avais tué), comme si c'était d'une épée et non d'un mot qu'il s'était servi. 2 mvtvs ilico cela est aussi stupide que s'il disait statim nihil (aussitôt…rien). Il aurait dû dire pour parler correctement ex illo mutus fuit (après ça il est resté muet). De ce genre est l'expression tacere festinat (il se dépêche de ne rien dire).

418
Gn.-quid ni esset? Pa.-di uestram fidem, hominem perditum
Gn.-N'est-ce pas ? Pa.-Bonté divine, le type sans foi ni loi,

1 qvid ni esset hoc est: ut posset <esse>, iugularas. 2 hominem perditvm deest o, ut sit: o hominem perditum. sed sic melius sonat; maioris enim stuporis est hoc modo pronuntiatum. 3 hominem perditvm miservmqve uide quantum addiderit, qui non hunc simplicem sed perditum et miserum nec illum malum sed sacrilegum dixerit.
1 qvid ni esset c'est-à-dire : pour qu'il puisse l'être, tu lui avais coupé la gorge. 2 hominem perditvm il manque o, pour avoir : o hominem perditum. Mais ainsi c'est plus expressif ; en effet de cette manière la prononciation marque mieux la stupeur. 3 hominem perditvm miservmqve voyez combien il en rajoute en disant non pas simplex (simple) mais perditus et miser, non pas malus (mauvais), mais sacrilegus.

419
miserumque et illum sacrilegum! Thr.-quid illud, Gnatho,
le misérable, le mécréant ! Thr.-Ah et ça, Gnathon,

420
quo pacto Rhodium tetigerim in conuiuio,
comment ce Rhodien je l'ai manié dans un banquet,

qvo pacto rhodivm tetigerim luserim, fatigauerim. nam tangere cum multa tum etiam hoc significat.
qvo pacto rhodivm tetigerim mis pour luserim (je l'ai joué), fatigauerim (je l'ai accablé). De fait, tangere entre bien d'autres sens a aussi celui-là.

421
numquam tibi dixi? Gn.-numquam; sed narra obsecro.
jamais je ne te l'ai dit ? Gn.-Jamais, mais raconte, je t'en supplie.

nvmqvam sed narra obsecro callide parasitus intellegit ad hoc se interrogatum, ut audire postulet.
nvmqvam sed narra obsecro avec ruse le parasite comprend qu'il n'est interrogé que pour qu'il demande à entendre la suite.

422
(plus milies382 audiui). Thr.-una in conuiuio
(plus de mille fois, je l'ai entendu !). Thr.-Avec moi, au banquet,

1 plvs milies iam avdivi ὑπερβολή aut superfertur aut aequatur aut subiacet. superfertur nunc, aequatur milies, subiacet ut tantum non milies. 2 Conuenit stultum eundem et immemorem esse, quia et <memoria> intellegentia est.
1 plvs milies iam avdivi hyperbole (ὑπερβολή) : l'énoncé est soit supérieur à la chose référée, soit égal à elle, soit inférieur. Dans le cas présent il est supérieur, quand on dit milies (mille fois) il est égal, quand on dit tantum non milies (pas mille fois), il est inférieur. 2 il convient bien à ce même imbécile d'être aussi dépourvu de mémoire, parce que la mémoire aussi est une forme d'intelligence.

423
erat hic, quem dico, Rhodius adulescentulus.
il se trouvait celui dont je te parle, un Rhodien, un petit jeune.

424
forte habui scortum: coepit ad id adludere
Il se trouve que j'avais une pute. Il se met à jouer avec

1 forte habvi scortvm uide quemadmodum miles, dum uult ad dictum suum peruenire, fateatur interim quam contemptus sit atque derisus. 2 Abdomen in corpore feminarum patiens iniuriae coitus scortum dicitur, ideo quia scorta sunt dura coria. a parte ergo sui meretrices scorta dicuntur. 3 Vel ἀπὸ τοῦ σκαίρειν, quod Graece palpitare intellegitur, quod illae faciunt saltando assidue uel potius crissando, ut Lucretius ait ob eam causam, ut concinniorem uenerem exhibeant uiris aut sibi abigant conceptum, quod in uuluam feminae in ipso coitu non se mouentis incidit.
1 forte habvi scortvm voyez comment le soldat, en voulant parvenir à dire son bon mot, avoue entre temps combien il est méprisé et raillé. 2 on appelle scortum le ventre sur le corps des femmes quand il endure de façon habituelle la blessure du coït, pour la raison que scortum signifie cuirs durs. C'est de cette partie de leur anatomie que l'on tire le nom des courtisanes : scorta. 3 Autre étymologie possible: le mot vient du verbe σκαίρειν (ἀπὸ τοῦ σκαίρειν), qui signifie en Grec palpiter, chose qu'elle font en dansant sans cesse ou plutôt en se tortillant, comme le dit Lucrèce, pour cette raison qu'elles exhibent ainsi aux yeux des hommes une anatomie plus propre aux plaisirs de Vénus ou se détournent du liquide de la conception parce que celui-ci pénètre dans la vulve de la femme si dans le coït elle ne bouge pas.

425
et me inridere. « quid ais » inquam homini « inpudens?
et à me moquer. « Qu'est-ce que tu racontes, je dis au type, espèce de mal embouché,

426
lepus tute es et pulpamentum quaeris »?. Gn.-hahahe383.
t'es un chaud lapin et tu veux encore du râble » ? Gn.-Ah ! ah ! ah !

1 lepvs tvte es et pvlpamentvm qvaeris lepus pro infamia ob multa ponitur: uel quod magis a posteriore parte, hoc est armis, pulpamentum de se praebeat, cum in conuiuio carpatur appositus, ut Horatius ait «  fecundi leporis sapiens sectabitur armos 205 »; uel quod uenantur illum et persectantur canes, quos pro amatoribus ἀλληγορικῶς intellegimus, ut ipse Terentius ait «  ceruam uidere fugere, sectari canes 206 »; uel quod illum sic fugientem nos consectantur ut hunc libido effeminata 32; uel quod a physicis dicatur incerti sexus esse, hoc est modo mas modo femina. 2 lepvs tvte es et pvlpamentvm qvaeris quod in te habes, hoc quaeris in altero. et est τρόπος ἀλληγορία. 3 hahahe hic parasitus et interiectionem risus addidit, quo magis nunc primum hoc audisse credatur.
1 lepvs tvte es et pvlpamentvm qvaeris lepus est mis pour ses sens péjoratifs pour de nombreuses raisons : soit parce que c'est plutôt à partir de la partie postérieure, c'est-à-dire les rables, qu'il offre de la viande, bien que dans un banquet on s'en saisisse apprêté, comme le dit Horace « fecundi leporis sapiens sectabitur armos »  (l'homme de goût recherchera dans le lièvre fécond les râbles) ; soit parce que c'est le lièvre que les chiens poursuivent et chassent et que par les chiens nous comprenons allégoriquement (ἀλληγορικῶς) les amants, comme le dit Térence lui-même : « ceruam uidere fugere, sectari canes » ; soit parce que, même s'il nous fuit, les chiens le poursuivent comme il est poursuivi par son désir efféminé  ; soit parce que les naturalistes disent que le sexe du lièvre est incertain, c'est-à-dire tantôt mâle, tantôt femelle. 2 lepvs tvte es et pvlpamentvm qvaeris ce que tu as en toi tu le cherches en autrui. et c'est la figure de l'allégorie (τρόπος ἀλληγορία). 3 hahahe ici le parasite ajoute même une interjection exprimant le rire, afin de faire mieux croire qu'il l'entend pour la première fois.

427
Thr.-quid est? Gn.-facete lepide laute nil supra.
Thr.-Alors ? Gn.-Spirituel, plaisant, magnifique, rien au-dessus.

1 qvid est haec interrogatio gestum uultumque continet alacris cuiusdam et certi, quod laudandus sit. 2 facete facetus est, qui facit uerbis quod uult; lepide lepidus, qui politus est ut λεπίς, id est lamina; lavte lautus, qui mundus et splendidus.
1 qvid est cette question contient la mimique et l'expression de visage de quelqu'un qui est tout content et certain que l'on va faire son éloge. 2 facete est facetus celui qui fait ce qu'il veut avec les mots ; lepide est lepidus, celui qui est poli comme une λεπίς, c'est à dire en grec une lame ; lavte est lautus, celui qui est soigné et magnifiquement mis.

428
tuumne, obsecro384, hoc dictum erat? uetus credidi.
Mais, s'il te plaît, il est bien de toi, ce bon mot-là ? Je le croyais ancien.

1 tvvmne obsecro hoc dictvm erat et dicta et prouerbia et adagiones, quae ad rem agant , facetis hominibus ascribuntur. 2 Et hoc laudis genus est ad potiores referre, quod alter probatur dixisse. 3 vetvs credidi quia omnia uetera magna sunt.
1 tvvmne obsecro hoc dictvm erat les bons mots, les proverbes et les adages, mot qui vient de ad rem agere (conduire à une chose), sont attribués aux gens d'esprit. 2 Et ce genre d'éloge consiste à rapporter à de grands personnages ce qui de toute évidence a été dit par l'autre241. 3 vetvs credidi parce que toutes les choses anciennes sont grandes.

429
Thr.-audieras? Gn.-saepe, et fertur in primis. Thr.-meum est.
Thr.-Tu l'avais entendu ? Gn.-Souvent, et on le met dans les premiers rangs. Thr.-Il est de moi.

1 saepe et fertvr in primis non ex ipso; nam erit contrarium superiori. 2 mevm est non sensu modo, sed uerbis quoque ipsis agreste est, quod nunc dicit meum est.
1 saepe et fertvr in primis non de lui-même ; de fait ce serait contraire à ce qui a été dit plus haut. 2 mevm est c'est non seulement le sens, mais les mots eux-mêmes qui rendent rustique ce qu'il dit maintenant meum est.

430
Gn.-dolet dictum imprudenti adulescenti et libero.
Gn.-C'est malheureux qu'il ait été dit contre un étourdi jeune et comme il faut.

1 dolet dictvm imprvdenti advlescenti et libero deest mihi ut sit: dolet mihi. — 2 Et dictum participium est, id est quod dixisti. — addidit enim parasitus, quo grauius sit dictum, commiserationem eius, in quem dictum est, utpote inprudentem adulescentem et liberum; scit enim homines stultos malos uideri uelle. 3 Et uide parasitum in isdem uersari, cum ait supra «  iugularas 207 », hic dolet dictum. 4 inprvdenti cuius rei inprudenti? scilicet qui minime crederet tali se percuti posse conuitio aut cum tali uiro sibi rem futuram. 5 Et sic laudat militem, ut iam miseratione dignus sit adulescens, tam festiua ui33 ut iam misereri inimicorum uacet.
1 dolet dictvm imprvdenti advlescenti et libero il manque mihi pour avoir : dolet mihi. — 2 Et dictum est un participe, c'est-à-dire, ce que tu as dit. — le parasite ajoute en effet pour accroître le poids de ce qu'il dit, de la commisération envers celui contre lequel il va parler, en le présentant comme un jeune homme imprudent et comme il faut ; il sait en effet que ce sont les imbéciles qui veulent passer pour des gens mauvais. 3 Et voyez le parasite se livrer au même manège que quand il a dit plus haut « iugularas », en disant ici dolet dictum. 4 inprvdenti imprudent à quel sujet ? sans doute parce qu'il ne croyait absolument pas pouvoir être frappé d'une telle insulte ou qu'il aurait affaire à un pareil individu. 5 Et il loue le soldat de telle manière que le jeune homme paraît digne de pitié, avec une violence si humoristique qu'on a désormais toute latitude pour prendre en pitié ses adversaires.

431
Pa.-at te di perdant! Gn.-quid ille quaeso? Thr.-perditus:
Pa.-Que les dieux te fassent crever ! Gn.-Et lui ? je te prie. Thr.-Crevé.

1 at te di perdant noue Parmeno non cum ipso, sed de ipso loquitur non audiente. 2 Εἰρωνικῶς Parmeno hic male facit: at te di perdant inquit.
1 at te di perdant de manière inédite Parménon ne parle pas avec lui, mais de lui sans qu'il entende. 2 C'est de manière ironique (εἰρωνικῶς) que Parménon agit mal ici : il dit at te di perdant.

432
risu omnes qui aderant emoriri. denique
Tous les assistants avaient mouru de rire. A la fin,

risv omnes qvi aderant emoriri disciplina est comicis ut stultas sententias ita etiam uitiosa uerba ascribere ridiculis imperitisque personis, ut Plautus «  ibus denumerem stipendium 208 » inquit ex persona militis. itaque hic emoriri dixit, at uero Atticus adulescens in Heaut. «  emori cupio 209 ». uide igitur poetam pro loco ac tempore scire quid dicat.
risv omnes qvi aderant emoriri c'est la règle chez les auteurs comiques d'attribuer à la fois des phrases stupides et en même temps des énoncés fautifs aux personnages ridicules et incultes, comme Plaute fait dire « ibus denumerem stipendium » (pour y payer la solde à eux) au personnage du soldat. C'est la raison pour laquelle il dit ici emoriri, alors que le jeune homme de l'Attique dans L'Héautontimorouménos dit « emori cupio » (je veux mourir). Voyez donc que le poète sait ce qu'il dit en fonction du lieu et du moment.

433
metuebant omnes iam me. Gn.-non iniuria385.
depuis, ils avaient tous peur de moi. Gn.-Ils n'avaient pas tort.

1 metvebant omnes iam me ne cui dicerem «  lepus tute es et pulpamentum quaeris? 210 » aut «  eone es ferox, quia habes imperium in beluas? 211 ». 2 non inivria hoc sic pronuntia, quemadmodum illud supra «  quid ni esset? 212 ».
1 metvebant omnes iam me que je dise à quelqu'un « lepus tute es et pulpamentum quaeris ? » ou bien « eone es ferox, quia habes imperium in beluas ? ». 2 non inivria prononcez cela de la même manière que cette phrase plus haut « quid ni esset ? ».

434
Thr.-sed heus tu, purgon ego me de ista386 Thaidi,
Thr.-Mais, toi, au fait, me justifierai-je au sujet de la fille, auprès de Thaïs

pvrgon ego me de ista thaidi οἰκονομία ad litem futuram inter militem et Thaidem.
pvrgon ego me de ista thaidi agencement (οἰκονομία) qui prépare à l'affrontement qui va avoir lieu entre le soldat et Thaïs.

435
quod eam me amare suspicatur387? Gn.-nil minus.
qui me soupçonne d'en être amoureux ? Gn.-Pas le moins du monde.

qvod eam me amare svspicatvr quia apparet illam militi quoque κατὰ τὸ σιωπώμενον ostendisse, quod dixit Phaedriae.
qvod eam me amare svspicatvr parce qu'il est bien clair qu'elle a montré au soldat a silentio (κατὰ τὸ σιωπώμενον), ce qu'elle a dit à Phédria.

436
immo auge magis suspicionem. Thr.-cur? Gn.-rogas?
Au contraire accrois son soupçon. Thr.-Pourquoi ? Gn.-Cette demande !

immo avge magis svspicionem haec erit causa reiciendi militis.
immo avge magis svspicionem ce sera la raison qui fera rejeter le soldat.

437
scin, siquando illa mentionem Phaedriae
Tu sais, si un jour elle fait mention de Phédria,

1 scin siqvando monentis est dicere scin uel scito. 2 siqvando illa mentionem siquando et prima syllaba acui potest et media, tamen uariet sententiam.
1 scin siqvando c'est le propre de quelqu'un qui avertit que de dire scin ou scito. 2 siqvando illa mentionem suivant que dans siquando on accentue la première syllabe ou la syllabe médiane, le sens est changé.

438
facit aut si laudat, te ut male urat? Thr.-sentio.
ou si elle fait son éloge, pour te chauffer méchamment... Thr.-Je comprends.

439
Gn.-id ut ne fiat haec res sola est remedio:
Gn.-Pour éviter cela, voici le seul remède.

1 id vt ne fiat modo ne non significat. 2 haec res sola est remedio si te suspicetur amare Pamphilam.
1 id vt ne fiat quelquefois ne veut dire non. 2 haec res sola est remedio si elle te soupçonne d'aimer Pamphila.

440
ubi nominabit Phaedriam tu Pamphilam
Dès qu'elle dira : « Phédria », riposte « Pamphila »

1 vbi nominabit phaedriam et locum et tempus significat ubi. 2 tv pamphilam continvo hic magna οἰκονομία est, qua Terentius praeparat, quemadmodum iurgium inter Thaidem militemque et Gnathonem per duas partes serpat fabulae. 3 Et bene continuo, ut intellegat meretrix non tam Pamphilam amari quam sibi uicem dari.
1 vbi nominabit phaedriam ubi s'applique à la fois au lieu et au temps. 2 tv pamphilam continvo il y a ici un grand agencement (οἰκονομία), grâce auquel Térence prépare la façon dont la querelle entre Thaïs, le soldat et Gnathon va s'insinuer dans deux actes de la pièce. 3 Et continuo est bien trouvé, afin que la courtisane comprenne que ce n'est pas tant Pamphila qui est aimée qu'elle qui reçoit la monnaie de sa pièce.

441
continuo; siquando illa dicet « Phaedriam
aussitôt. S'il lui arrive de dire : « Phédria,

pamphilam cantatvm provocemvs eleganter, quia ille foris est, haec intus, illum intromittamus, hanc prouocemus: haec est in uerbis poetae germana proprietas.
pamphilam cantatvm provocemvs c'est avec élégance, parce qu'il est dehors et elle dedans, qu'il dit pour lui intromittamus, pour elle prouocemus : c'est là user dans les mots employés par le poète de deux expressions parfaitement propres.

442
intro mittamus comissatum », Pamphilam
envoyons-le chercher pour souper », dis, toi : « Pamphila

443
cantatum prouocemus; si laudabit haec
appelons-la pour qu'elle nous joue quelque chose ». Si elle vante

444
illius formam, tu huius contra. denique
la beauté de l'autre, toi de ton côté vante celle de la petite. Bref,

tv hvivs contra hoc contra uicem significat.
tv hvivs contra ce contra signifie en retour.

445
par pro pari referto quod eam mordeat.
rends-lui coup pour coup et que ça la pique.

1 qvod eam mordeat quod par. 2 An absolute quod quae res?
1 qvod eam mordeat quod a pour antécédent par. 2 Ou faut-il construire absolument : quod équivaut à quae res (quelle chose) ?

446
Thr.-siquidem me amaret, tum istuc prodesset, Gnatho.
Thr.-Si seulement elle m'aimait, alors ça pourrait servir, Gnathon.

1 siqvidem me amaret tvm istvc prodesset gnatho hic uersiculus personam militis et Gnathonis continens pro oeconomia inducitur, qua uerisimile fit facile militem ferre posse anteponi sibi Phaedriam, qui se semper intellexerit non amari. nam si hoc tollas, aut excludendus est Phaedria aut ex dolore militis in hac fabula fit exitus tragicus. 2 Et hoc miles ut sapiens locutus est. ergo meminisse conuenit ridiculas personas non omnino stultas et excordes induci a poetis comicis, nam nulla delectatio est, ubi omnino qui deluditur nihil sapit. 3 Stultitia autem est in his quattuor modis: aut non uenire in mentem quod oportet aut si uenerit non tenere aut bonum consilium non admittere aut malum admittere. uide ergo, ut hoc, quod commode miles uiderat, non tenuerit totumque amiserit. hoc autem idcirco interposuit poeta, ut ostenderet, quid ueneni haberet assentatio, per quam non modo errantes decipiuntur ac praecipites eunt, uerum etiam sapientes interdum sanique euertuntur.
1 siqvidem me amaret tvm istvc prodesset gnatho ce petit vers qui contient une présentation du personnage du soldat et de celui de Gnathon est introduit pour servir de préparation, qui rend vraisemblable le fait que le soldat puisse supporter qu'on lui préfère Phédria, vu qu'il a compris dès le début qu'il n'était pas aimé. De fait, si l'on enlève ce passage, ou bien il faut que Phédria soit mis à la porte, ou bien que la douleur du soldat ne donne à cette pièce un dénouement de tragédie. 2 Et cela est dit par le soldat comme s'il était intelligent. Il convient donc de se souvenir que les personnages ridicules ne sont pas toujours représentés par les poètes comiques comme des idiots sans cervelle ; de fait, il n'est nul plaisir quand celui dont on se joue n'a absolument aucune forme d'intelligence. 3 Or il y a quatre manières d'être stupide : ou bien ne vient pas à l'esprit ce qui le devrait, ou bien si cela vient on ne le retient pas, ou bien encore on n'accepte pas un bon conseil, ou bien on en accepte un mauvais. Voyez donc comment le soldat n'a pas conservé mais bel et bien totalement perdu ce dont il avait bien vu que c'était son intérêt. De plus, le poète a inséré cet épisode pour montrer quel poison il y a dans la flatterie, par laquelle non seulement ceux qui se trompent sont abusés et se précipitent à leur ruine, mais par laquelle également des gens intelligents et sains d'esprit sont réduits à néant.

447
Gn.-quando illud quod tu das exspectat atque amat,
Gn.-Puisque, ce que tu donnes, elle l'attend et elle l'aime,

qvando illvd qvod tv das exspectat hac sententia tollitur militi quod recte senserat, nec persuadetur tamen quod ametur ab amica.
qvando illvd qvod tv das exspectat par cette phrase le soldat se voit enlever le sentiment juste qu'il avait eu sans pour autant qu'il soit persuadé qu'il est aimé par sa maîtresse.

448
iamdudum te amat, iamdudum illi facile fit
c'est que depuis longtemps c'est toi qu'elle aime ; depuis longtemps avec elle c'est facile

iamdvdvm te amat iamdudum uel nimium et ualde uel iampridem.
iamdvdvm te amat iamdudum peut signifier nimium (trop) et ualde (extrêmement) ou aussi bien iampridem (depuis longtemps).

449
quod doleat; metuit semper quem ipsa nunc capit
de lui faire mal. Elle craint toujours que ce qu'elle reçoit à présent,

1 qvod doleat hoc ad illud refertur, quod supra dixit «  par pari34 referto, quod eam mordeat 213 ». 2 metvit ne qvando iratvs tvte alio conferas et hic locum pro persona posuit, ne diceret ad aliam.
1 qvod doleat cela se rapporte à ce qu'il a dit plus haut « par pari referto, quod eam mordeat ». 2 metvit ne qvando iratvs tvte alio conferas ici aussi il a mis le lieu pour la personne afin de ne pas dire ad aliam.

450
fructum nequando iratus tu alio conferas.
le profit, tu n'ailles dans ta colère le porter ailleurs.

451
Thr.-bene dixti, at388 mihi istuc non in mentem uenerat.
Thr.-Tu as bien parlé ; mais cela ne m'était pas venu à l'esprit.

at mihi istvc non in mentem venerat sic pronuntiandum est, quasi militi monstri simile uideatur sapiens dictum alii prius uenisse in mentem quam sibi.
at mihi istvc non in mentem venerat il faut prononcer comme si c'était pour le soldat l'équivalent d'un prodige que de voir une parole sage venir à l'esprit d'un autre avant lui.

452
Gn.-ridiculum; non enim cogitaras. ceterum
Gn.-Tu veux rire, c'est que tu n'y avais pas pensé ; d'ailleurs

1 ridicvlvm uel dictum uel hominem significamus. 2 cetervm hoc tv melivs qvanto invenisses thraso scilicet si cogitasses.
1 ridicvlvm nous pouvons le faire porter soit sur dictum soit sur hominem. 2 cetervm hoc tv melivs qvanto invenisses thraso évidemment si tu avais réfléchi.

453
idem hoc tute melius quanto inuenisses, Thraso!
ce truc là, toi-même, et encore mieux tu l'aurais trouvé, Thrason.

scaena altera

Gnatho Thraso Parmeno Thais

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454
Th.-Audire uocem uisa sum modo militis.
Th.-Il m'a semblé entendre à l'instant la voix du soldat.

1 avdire vocem visa svm modo militis hic inducitur multiplex concursus dissimilium personarum et tamen uirtute et consilio poetae discretarum, ut confusio nulla sit facta sermonis. simul etiam pro se cuique accommodata mire repraesentatur oratio. 2 avdire vocem visa svm modo militis omnes sensus uisa dicuntur ab eo quod est certissimum oculorum. ergo uisa sum sensi, ut «  uisaeque canes ululare per umbram aduentante dea 214 ».
1 avdire vocem visa svm modo militis ici on représente l'arrivée subite de plusieurs personnage différents et cependant distincts par la qualité et l'intelligence du poète en sorte qu'il n'y ait aucune confusion dans les paroles. En même temps également le discours présenté est admirablement adapté à chacun des personnages. 2 avdire vocem visa svm modo militis toutes les sensations sont exprimées par des notations de vue à partir de ce qui est la perception la plus certaine, celle des yeux. Donc uisa sum équivaut à sensi (j'ai perçu), comme « uisaeque canes ululare per umbram aduentante dea » (on a perçu l'aboiement des chiennes à travers l'ombre à l'arrivée de la déesse).

455
atque eccum. salue, mi Thraso. Thr.-o Thais mea,
Effectivement le voici. Bonjour, mon cher Thrason. Thr.-O Thaïs, ma Thaïs,

salve mi thraso quia secum, militis, quia apud illum, Thraso: est nomen honestum, sicut orator philosophus, est quoddam nomen offensum, ut miles lanarius.
salve mi thraso parce qu'elle se parle à elle-même elle dit militis, parce qu'elle lui parle à lui Thraso : il existe des noms de métiers honnêtes comme orateur, philosophe, il en existe certains qui sont déshonorants comme soldat, cardeur.

456
meum sauium, quid agitur? ecquid nos amas
mon câlinou. Que fait-on ? Est-ce que tu nous aimes un peu

1 mevm savivm tria sunt: osculum, basium, sauium. oscula officiorum sunt, basia pudicorum affectuum, sauia libidinum uel amorum. 2 mevm savivm cum oscularetur, dixit. 3 qvid agitvr et hoc blandimenti genus post osculum, sed duri et agrestis est. 4 ecqvid nos amas ecquid aliquantumne significat, et ideo illa plurimum recitat. Cicero in Catilinam «  quid est? ecquid attendis? ecquid animaduertis horum silentium? 215 ».
1 mevm savivm il y a trois choses : le baiser, l'étreinte, le câlin. Le baiser relève du devoir social, l'étreinte de sentiments pleins de pudeur, les câlins du désir ou de l'amour242. 2 mevm savivm il dit cela en l'embrassant. 3 qvid agitvr c'est là également une manière de douceur après le baiser, mais qui appartient à un homme fruste et sans éducation. 4 ecqvid nos amas ecquid signifie est-ce que.. un petit peu, et c'est pour cela qu'elle réplique plurimum (énormément). Cicéron dans les Catilinaires « quid est ? ecquid attendis ? ecquid animaduertis horum silentium ? » (qu'est-ce ? est-ce que tu entends quelque chose ? est-ce que tu te rends compte un peu de leur silence ?)

457
de fidicina istac? Pa.-quam uenuste! quod dedit
pour cette joueuse de cithare ? Pa.-Que c'est galant ! Qu'est-ce qu'il nous donne

1 de fidicina istac de propter, ut sit: propter fidicinam. 2 Et uide non puellam sed fidicinam quasi ab amatore dictam et eo amatore, qui quasi memor sit artis, qua delectatur, et quia puella sit aemula meretricis. nam meretricum est fidicinam esse. 3 qvam venvste qvod dedit principivm bene reprehendit Parmeno, nam in beneficiis decet obliuisci qui dedit et meminisse qui accepit. et est grauis εἰρωνεία quam uenuste.
1 de fidicina istac de équivaut à propter (à cause de), pour donner : propter fidicinam (à cause de la joueuse de lyre). 2 Et voyez qu'il ne dit pas puella (jeune fille), mais fidicina comme si c'était un amant qui parlait et qu'il se souvînt de l'art qu'elle exerce et qui le charme, et parce que la jeune fille serait ainsi la rivale de la courtisane. De fait être joueuse de lyre est une occupation de courtisane. 3 qvam venvste qvod dedit principivm Parménon fait bien de le reprendre car dans les bienfaits il convient d'oublier celui qui donne et de se souvenir de celui qui reçoit. Et il y a une lourde charge d'ironie (εἰρωνεία) dans quam uenuste.

458
principium adueniens! Th.-plurimum merito tuo.
comme préambule, pour son arrivée ! Th.-C'est surtout parce que tu le vaux bien.

1 plvrimvm merito tvo facete meretrix amorem suum non ad auaritiam rettulit, sed ad officium, et cum de fidicina inquit te amem, tum praecipue merito tuo. 2 Alii sic respondere intellegunt, ut ipsa de fidicina gratias agat. nam cum ille dixerit «  ecquid nos amas? 216 », illa respondit plurimum; quod autem «  de fidicina 217 » dixit ille, haec subiecit merito tuo, id est quoniam mereris dando eam. 3 Sed melius est, ut praeter munus dixerit meritum; quamquam multi meritum munus intellegunt ipsum, ut est «  quique sui memores aliquos fecere merendo 218 », id est gratos sibi reddidere munerando.
1 plvrimvm merito tvo de manière amusante la courtisane ne rapporte pas son amour à sa cupidité, mais à son devoir et elle dit s'il est vrai que je t' aime à cause de la joueuse de lyre, il est encore plus vrai que je t' aime pour ton mérite. 2 D'autres comprennent ainsi la réponse : elle remercie vraiment pour la joueuse de lyre. De fait comme il a dit « ecquid nos amas ? », elle a répondu plurimum ; comme il a dit « de fidicina », elle ajoute merito tuo, c'est-à-dire puisqu'en la donnant tu t'acquiers du mérite à mes yeux. 3 Mais la meilleure solution est qu'elle dit meritum en plus du présent ; pourtant beaucoup comprennent meritum comme équivalent de présent, comme c'est le cas dans « quique sui memores aliquos fecere merendo » (ceux qui, par leur mérite ont laissé leur nom dans les mémoires), c'est-à-dire bien disposer les autres à leur égard en faisant des présents.

459
Gn.-eamus ergo ad cenam. quid stas? Pa.-em alterum:
Gn.-Alors, allons à table. Qu'est-ce que tu restes là ? Pa.-Tiens, l'autre !

1 eamvs ergo ad cenam decuit parasitum de cena etiam importune admonere cum quadam ἐμφάσει uelut magnae rei. 2 em altervm bene alterum, quia duo sunt. 3 em altervm si hic, quomodo <supra> reprehenditur miles, alterum dictum, si parasitus, alterum hominem. uult enim Parmeno et parasito esse uersutior; et debent esse, qui peioris condicionis sunt. 4 em altervm alterum non principium, sed absolute, ut si dixisset alterum dictum uel alterum stultum.
1 eamvs ergo ad cenam il appartient au personnage de parasite243 de revenir sans cesse sur le repas de manière importune, avec une sorte d'emphase (ἐμφάσει), comme s'il s'agissait d'une chose importante. 2 em altervm alterum (l'autre) est bien dit, car ils sont deux. 3 em altervm si, dans cette réplique, c'est le soldat qui est blâmé alterum renvoie à dictum, si c'est le parasite alterum renvoie à hominem. En effet Parménon veut être plus astucieux244 que le parasite lui-même. Et c'est ce que doivent faire ceux qui sont d'assez basse condition. 4 em altervm alterum n'est pas employé comme premier membre d'une énumération (l'un), mais est employé de façon autonome, comme si on disait une autre parole ou un autre idiot.

460
ex homine hunc natum dicas? Th.-ubi uis, non moror.
Il sort d'un être humain, celui-là, dites ? Th.-Quand tu veux. Je me dépêche.

1 ex homine hvnc natvm dicas recte reprehendit Parmeno duos, quorum munus alter exprobrarat, alter cenam ita pro beneficio ostendit, tamquam ad eam currendum sit. nam hoc significat quid stas? , quasi dicat quid restas? , quasi sit causa properandi. 2 <vbi vis> non moror <ad> eamus ad cenam ubi uis, ad quid stas non moror.
1 ex homine hvnc natvm dicas Parménon a raison de critiquer les deux hommes : il reproche à l'un son cadeau ; l'autre met en avant le repas comme un bienfait tel qu'il faudrait presque y aller en courant. Car quid stas ? (pourquoi est-ce que tu ne bouges pas ?) équivaut à quid restas ? (pourquoi est-ce que tu restes ici ?) : il est employé pour hâter le mouvement. 2 vbi vis non moror à  allons prendre le repas répond quand tu veux, à que ne bouges-tu pas ? répond je ne vous retiens pas.

461
Pa.-adibo atque adsimulabo quasi nunc exeam.
Pa.-Je vais les aborder et je vais faire comme si je sortais tout juste.

qvasi nvnc exeam <mire nunc exeam >, quippe qui dudum iam procul steterit.
qvasi nvnc exeam nunc exeam est admirablement trouvé, car en fait il y a déjà longtemps qu'il a pris position tout près.

462
ituran, Thais, quopiam es? Th.-hem389 Parmeno:
Tu vas quelque part, Thaïs ? Th.-Tiens, Parménon !

1 itvran thais qvopiam es ut experiatur Thaidis animum, fingit nescire quo eat. 2 hem parmeno uide deprehensam meretricem uelle blandimentis satisfacere Parmenoni.
1 itvran thais qvopiam es pour tester l'état d'esprit de Thaïs, il feint de ne pas savoir où elle va. 2 hem parmeno notez comment la courtisane prise sur le fait veut, par des paroles caressantes, se racheter auprès de Parménon.

463
bene pol390 fecisti; hodie itura... Pa.-quo? Th.-quid, hunc non uides?
Nom d'un chien, tu as bien fait ; aujourd'hui je devais aller... Pa.-Où? Th.-Eh bien ! lui, tu ne le vois pas ?

1 bene pol fecisti quid bene fecit Parmeno? an quasi perturbata haec loquitur et iam de nihilo blandiens, utpote meretrix et faceta? an quod laeserit conuitio? 2 hodie dulciter additum hodie cum exceptione, quo significat non perpetuo obsecuturam militi, et ut quae promiserit biduum tantum abfuturum Phaedriam. 3 qvid hvnc non vides si dixerit militem, laedit praesentem, si amicum, laedit Parmenonem. mire igitur pronomen inuenit.
1 bene pol fecisti en quoi Parménon a-t-il bien fait ? Est-ce parce qu'elle est troublée qu'elle parle ainsi et qu'elle minaude désormais sur n'importe quel sujet, en vraie courtisane et en coquette245 ? Ou bien est-ce parce qu'elle aurait pu le blesser par un reproche ? 2 hodie avec douceur elle ajoute hodie qui apporte une restriction246 : elle sous-entend par là qu'elle n'entend pas céder toujours aux volontés du soldat, et ce aussi parce qu'elle a promis à Phédria qu'elle ne le tiendrait éloigné que deux jours. 3 qvid hvnc non vides si elle avait dit le soldat, elle aurait forcément blessé son visiteur ; si elle avait dit  mon ami, c'est Parménon qu'elle aurait blessé. C'est pourquoi le pronom est une admirable trouvaille 247.

464
Pa.-uideo et me taedet. ubi uis, dona adsunt tibi
Pa.-Je le vois, et ça me dégoûte. Quand tu veux, il y a des cadeaux pour toi

1 video et me taedet opportune Parmeno fatetur odium militis, ut retundat ab eo amorem Thaidis. 2 vbivis dona adsvnt nihil potuit exitiosius militi contingere, quam ut continuo riualis mitteret munus et posterius et coram ipso. 3 dona adsvnt tibi a phaedria cum illa sub pronomine celauerit nomen militis, exacte Parmeno pronuntiauit a Phaedria.
1 video et me taedet Parménon proclame opportunément248 sa haine contre le soldat : il veut en effet émousser l'amour de ce dernier envers Thaïs. 2 vbivis dona adsvnt il n'aurait rien pu trouver qui soit plus fatal au soldat : son rival envoie des cadeaux à l'instant, continuera de le faire, qui plus est en sa présence. 3 dona adsvnt tibi a phaedria alors qu'elle a masqué le nom du soldat sous un pronom, Parménon, lui, indique avec précision de la part de Phédria.

465
a Phaedria. Thr.-quid stamus? cur non imus hinc?
de la part de Phédria. Thr.-Qu'est-ce que nous restons là ? Pourquoi nous ne partons pas d'ici ?

1 qvid stamvs quid stamus ad moram refertur. 2 cvr non imvs hinc ubi seruus riualis est Parmeno. 3 qvid stamvs his uerbis miles insulsus dolere se indicat.
1 qvid stamus quid stamus signale un retard. 2 cvr non imvs hinc  de là, c'est-à-dire où est l'esclave rival Parménon. 3 qvid stamvs par ces mots le soldat imbécile indique qu'il souffre.

466
Pa.-quaeso hercle ut liceat, pace quod fiat tua,
Pa.-Je t'en prie, ma foi, qu'il nous soit permis, et ce sans te fâcher,

1 pace qvod fiat tva pace aut gratia aut uoluntate. et deest cum. 2 Et sic locutus est, quasi bellum omnibus his uerbis indixerit. 3 pace qvod fiat tva dare hvic qvae volvmvs convenire et colloqvi proprie, quia pax, datio, deditio, conuentio, colloquium militiae uerba sunt. 4 Et inuidiose, quasi per eum nec accipere liceat dona Thaidem.
1 pace qvod fiat tva pace équivaut à gratia ou à uoluntate ; et il manque cum. 2 Et tous ses mots font penser qu'une guerre a été déclarée. 3 pace qvod fiat tva dare hvis qvae volvmvs convenire et colloqvi il emploie les termes avec une grande précision249, car pax, datio, deditio, conuentio, colloquium sont des termes du vocabulaire militaire. 4 Et il dit cela avec animosité, comme si, par sa faute, Thaïs n'avait plus le droit de recevoir de présents.

467
dare huic quae uolumus, conuenire et colloqui.
de présenter à cette dame ce que nous voulons, d'avoir une entrevue et des pourparlers avec elle.

467 1 Et sic pronuntiandum, ut subaudiatur uel, ut sit: uel dare uel conuenire et colloqui. 2 <convenire et colloqvi> ut in hostico solet. Sallustius «  quae pacta in conuentione non praestitissent 219 »et alibi «  cuius aduersa uoluntate colloquio militibus permisso corruptio facta paucorum et exercitus Syllae datus est 220 ». 3 convenire et colloqvi sic pronuntiandum, ut quasi dicat: liceat per te, miles, quod etiam inter hostes et in bello licet. 4 dare hvic qvae volvmvs haec singula cum inuidia pronuntianda sunt.
467 1 Et il faut prononcer de manière à laisser entendre uel, comme si on avait : uel dare uel conuenire et colloqui. 2 convenire et colloqvi  ces termes s'emploient habituellement en parlant du camp ennemi. Salluste « quae pacta in conuentione non praestitissent » (les engagements qu'il [Sylla] avait pris par une convention avaient cessé de le lier) et ailleurs : « cuius aduersa uoluntate colloquio militibus permisso corruptio facta paucorum et exercitus Syllae datus est » (en dépit de ce consul, il [Sylla] permit à ses soldats d'entrer en pourparlers [avec ceux de Scipion] ; quelques-uns se laissèrent gagner, et leur exemple entraîna toute l'armée, qui se donna à Sylla). 3 convenire et colloqvi il faut prononcer ces termes comme s'il disait : accorde-moi, soldat, ce que l'on accorde même à des ennemis en temps de guerre. 4 dare hvic qvae volvmvs il n'y a que ces paroles qui doivent être prononcées avec animosité.

468
Thr.-perpulchra credo dona aut nostris391 similia.
Thr.-Superbes, je pense, les cadeaux, ou alors comme les nôtres !

1 perpvlchra credo εἰρωνεία de fiducia pulchrae uirginis. 2 nostris similia et his similia et horum similia dicimus.
1 perpvlchra credo ironie (εἰρωνεία), car il est sûr de la beauté inégalable de la fille. 2 nostris similia similia se construit à la fois avec le génitif et avec le datif.

469
Pa.-res indicabit. heus, iubete istos foras
Pa.-La suite le prouvera. Hé vous, dites-leur de sortir

1 res indicabit scit eunuchi nomen posse contemni, et ideo uideri uult potius quam sperari munera sua, id est Chaeream. 2 istos foras exire qvos ivssi ocivs cum fiducia et alto uultu pronuntiatur. et festinat, ne occipiat miles prius abire quam uideat. 3 Et est ordo: ocius exire.
1 res indicabit il sait que le mot eunuque peut susciter le mépris : c'est pourquoi il préfère montrer son cadeau –c'est-à-dire Chéréa– plutôt que de le faire attendre. 2 istos foras exire qvos ivssi ocivs ocius (plus vite) est prononcé avec assurance et avec une mine hautaine. Et il se hâte, de peur que le soldat ne s'avise de partir avant de l'avoir vu. 3 Et l'ordre attendu est : ocius exire.

470
exire, quos iussi, ocius. procede tu huc:
dehors, ceux que j'ai dits, et plus vite. Avance ici, toi.

1 procede tv hvc bene procede dixit, non accede aut ueni, ut appareat dignitas etiam in incessu. 2 Et callide ab inferiore incipit munere, hoc est a puella, ad Chaeream uenturus, simul ut a uero mancipio incipiens ad falsum sine suspicione transiret.
1 procede tv hvc procede (avance) est bien dit : à la différence de accede (approche) ou ueni (viens), il confère à son entrée-même de la noblesse. 2 Et habilement il commence par le cadeau le plus modeste (la fille), pour en venir à Chéréa ; en même temps, commençant par une véritable esclave, il peut passer à un faux sans faire naître de soupçon.

471
ex Aethiopia est usque haec. Thr.-hic sunt tres minae.
Elle vient d'Ethiopie, rien que ça, celle-ci. Thr.-Ça fait bien trois kopeks.

1 ex aethiopia est vsqve haec quod cupiebat; nam supra «  cupere ex Aethiopia 221 ». 2 vsqve additum est, ut longinquitas monstraretur. 3 Et hoc est, quod facit: «  munus nostrum ornato uerbis quoad poteris 222 ». 4 hic svnt tres minae callide munus ad pretium reuocauit, ut ad auaritiam conuerteret meretricem, ne officio donantis et gratia leniretur. et ideo non dixit tribus minis ualet, sed hic habe, Thais, tres minas, quasi iam uendenda sit. 5 ex aethiopia est vsqve haec ostendit, quid sit ex Aethiopia addendo usque, ut ex longinquitate dignitas muneris ponderetur. et quid erit iam criminis in colore, quando ipse gloriatur, unde sit? 6 Et mire ab inferiore coepit, ut αὔξησιν doni faceret in Chaerea, et turpi praecedente lenocinium comparat secuturo pulchro. 7 vsqve modo usque aduerbium de loco est, ut «  Siculo prospexit a. ab u. usque P. Pachyno 223 »
1 ex aethiopia est vsqve haec c'est ce qu'elle voulait ; en effet, plus haut, on a : « cupere ex Aethiopia ». 2 vsqve a été ajouté, pour souligner à quel point elle vient de loin. 3 Et voilà ce qu'il met en application : « munus nostrum ornato uerbis quoad poteris ». 4 hic svnt tres minae habilement il amène la discussion sur le prix du cadeau : il veut ainsi attirer l'attention de la courtisane sur l'avarice de Phédria, pour éviter qu'elle ne soit attendrie250 par la prévenance et l'obligeance du donateur. Et c'est pourquoi il ne dit pas  tribus minis ualet (elle vaut trois mines), mais hic habe, Thais, tres minas (reçois ici, Thaïs, trois mines), comme si elle était déjà sur le point d'être vendue. 5 ex aethiopia est vsqve haec il souligne ce qu'implique de venir d'Ethiopie en ajoutant usque (du fond), pour que cette origine lointaine renforce la dignité du cadeau. Et quel reproche pourra-t-on faire à sa couleur de peau, maintenant qu'il s'est lui-même glorifié de ses origines ? 6 Et c'est une excellente idée que de commencer par le plus modeste pour amplifier (αὔξησις) le don de Chéréa ; en présentant d'abord un cadeau de peu de valeur il met en parallèle cet objet de prostitution et la belle créature qu'il va présenter. 7 vsqve usque est un adverbe de lieu, comme: « Siculo prospexit ab usque Pachyno » (depuis le promontoire sicilien de Pachynum).

472
Gn.-uix. Pa.-ubi tu es, Dore? accede huc. em eunuchum tibi,
Gn.-A peine. Pa.-Et toi, Dorus, où es-tu ? Approche ici. Tiens ! voici un eunuque pour toi.

1 vix aut difficile significat aut non, ut sit: nec hoc. Lucilius «  carcer uix carcere dignus 224 ». 2 vbi tv es dore tamquam quaerat eum, ut nomen indicet, quo audito magis dissimulet Chaeream. 3 vbi tv es et accede uultu eo dicitur, quo debuerat dicere et laesus dicto aemulorum et confidens statim eos se confutare conspectu Chaereae. 4 em evnvchvm tibi mire, postquam dixit «  eunuchum uelle dixti te, quia solae utuntur his reginae: repperi 225 ».
1 vix signifie ou bien difficilement ou bien non, auquel cas il équivaut à même pas. Lucilius « carcer uix carcere dignus » (un prisonnier qui est à peine digne de sa prison). 2 vbi tv es dore il fait semblant de le chercher, pour indiquer son nom, dans le but de dissimuler davantage auprès de qui l'entend l'identité de Chéréa. 3 vbi tv es et accede ces mots doivent être dits avec la mine qu'aurait eue un homme à la fois blessé par les paroles de ses concurrents et certain de les confondre dès qu'il leur présenterait Chéréa. 4 em evnvchvm tibi très bien dit, car il a dit avant : « eunuchum uelle dixti te, quia solae utuntur his reginae : repperi ».

473
quam liberali facie, quam aetate integra!
quel air comme il faut, quelle pure jeunesse !

1 qvam liberali facie non narratiue laudat, sed per interrogationem, quae maior fiducia est. 2 qvam aetate integra in flore et pubere. Vergilius «  atque integer aeui 226 ».
1 qvam liberali facie il n'en fait pas l'éloge par une narration, mais par le biais d'interrogations 251, qui témoignent d'une plus grande assurance. 2 qvam aetate integra dans la fleur de la jeunesse. Virgile « atque integer aeui » (à l'aube de sa vie).

474
Th.-ita me di ament, honestus est. Pa.-quid tu ais, Gnatho?
Th.-Bonté divine ! Il a de la classe. Pa.-Et toi, qu'en dis-tu, Gnathon ?

1 ita me di ament honestvs est iurauit ideo, ut non amore Phaedriae, sed ueritate cogi ad laudandum uideatur coram milite. 2 honestvs est pulcher. Vergilius «  et laetos oculis afflarat honores 227 ».
1 ita me di ament honestvs est elle jure de manière à ce que ce ne soit pas son amour pour Phédria qui la pousse à louer l'eunuque devant le soldat, mais la réalité des faits. 2 honestvs est équivaut à pulcher (beau). Virgile « et laetos oculis afflarat honores » ([la mère d'Enée] avait insufflé à ses yeux des grâces charmantes).

475
numquid habes quod contemnas? quid tu autem, Thraso?
Y trouves-tu quelque chose à redire ? Et toi, Thrason ?

1 nvmqvid habes habes pro inuenisti. 2 qvod contemnas plus est contemnas quam uituperes. 3 Et deest in hoc, ut sit: numquid habes quod in hoc contemnas ?
1 nvmqvid habes habes équivaut à inuenisti (tu as trouvé). 2 qvod contemnas contemnas (que tu méprises) est plus fort que uituperes (que tu critiques). 3 Et il manque in hoc, pour avoir : numquid habes quod in hoc contemnas (as-tu quelque chose à mépriser dans cela ?).

476
tacet: satis laudat392. fac periclum in litteris,
Ils se tait : c'est assez comme éloge. Teste-le sur la littérature,

1 tacet satis lavdat taciturnitas confessionis genus est, praesertim contra aduersarii interrogationem. ideo tacere modo quasi laudis argumentum est, quia supra uituperauit. 2 Et ideo ipse sic ait «  quid tu ais, Gnatho? numquid habes quod contemnas? — tacet: satis laudat 228 » et «  quid tu, Thraso? 229 », quia supra contempserat puellam. 3 fac pericvlvm in litteris fac in palaestra in mvsicis si totum singulariter diceret, esset ὁμοιοτέλευτον: littera, palaestra, musica.
1 tacet satis lavdat ne rien dire est une forme d'aveu, en particulier contre la question d'un adversaire. C'est la raison pour laquelle se taire dans certains cas peut être comme un argument pour faire un éloge, parce que plus haut il l'a blâmé. 2 Et la raison pour laquelle il dit lui-même « quid tu ais, Gnatho ? numquid habes quod contemnas ? — tacet : satis laudat » et « quid tu, Thraso ? », est que plus haut il avait méprisé la jeune fille. 3 fac pericvlvm in litteris fac in palaestra in mvsicis si tout l'énoncé était au singulier, il y aurait homéotéleute (ὁμοιοτέλευτον) : littera, palaestra, musica.

477
fac in palaestra, in musicis: quae liberos393
au stade, en musique. Les choses que les garçons comme il faut

qvae liberos scire aeqvvm est his liberi pueri artibus erudiebantur. et est figura ἔλλειψις; deest enim his.
qvae liberos scire aeqvvm est ce sont les arts dans lesquels les enfants libres étaient élevés. et c'est la figure de l'ellipse (ἔλλειψις ) ; il manque en effet his.

478
scire aequum est, adulescentem sollertem dabo.
doivent savoir, je vais te montrer un jeune homme qui y est expert.

1 advlescentem sollertem d. dabo incertum: utrum haec sollertem, ut Horatius «  docte sermones utriusque linguae 230 », an assumendum est his extrinsecus? 2 sollertem deest his. 3 Sollers quasi totus ex arte consistens, ut ὅλος ἐν ἀρετῇ, quod Latini s littera pro h solus in arte. huic iners contrarium. 4 Nam sollers quasi ὅλης ἀρετῆς dictus, ut ὅλον solum, ἥμισυ semis, ἕξ sex dicimus.
1 advlescentem sollertem dabo ce n'est pas très clair : est-ce haec sollertem, comme chez Horace « docte sermones utriusque linguae », ou bien faut-il aller chercher ailleurs un his ? 2 sollertem il manque his. 3 Sollers comme tout entier fait d'art, comme le grec ὅλος ἐν ἀρετῇ, qui devient en latin en changeant le h pour un s, solus in arte (seul dans l'art). Le contraire de ce mot est iners. 4 De fait, sollers est mis pour ainsi dire pour ὅλης ἀρετῆς, comme ὅλον est remplacé chez nous par solum (seul), ἥμισυ par semis (à moitié), ἕξ par sex (six).

479
Thr.-ego illum eunuchum, si opus siet, uel sobrius...
Thr.-Moi, cet eunuque-là, au besoin, même à jeûn,...

1 ego illvm evnvchvm si opvs siet vel sobrivs hoc ut militare est, ita importunum praesente Thaide; extra quam miles, si saperet, nihil amatorie contemplare debuit. sed et hoc accedit ad eius odium, praeterquam quod iam in suspicione est amicae suae, quod fidicinam magis diligat. 2 Et hoc mire, quod nemo prior eunuchum esse Chaeream quam miles credidit: adeo stultus etiam nomine ipso appellauit. sed statim stulte miles primo conuitium ipsi eunucho facit, in quo potest iam amicam laedere; deinde hoc dicto attestatur pulchritudinem huius muneris. quid igitur proficit? satis autem ioculare est, si cogites Chaeream esse, qui haec de se audiat et tacere cogatur. 3 vel sobrivs honesta ἔλλειψις propter mulieris praesentiam, ut «  nouimus et qui te 231 » et ipse in Heautontimorumeno «  qui se uidente amicam patiatur suam 232 ».hoc tamen miles coactus a Parmenone dicit, quia reprehensus est tacuisse.
1 ego illvm evnvchvm si opvs siet vel sobrivs c'est du langage militaire qui est en même temps intempestif en présence de Thaïs ; en dehors d'elle, le soldat, s'il était intelligent ne devrait contempler avec un regard amoureux nul objet. Mais ce qui s'ajoute à la haine qu'elle lui porte, outre le fait qu'il est déjà un objet de soupçon pour sa maîtresse, c'est qu'il préfère la joueuse de lyre. 2 Et cela est étonnamment fait, parce que personne n'a cru que l'eunuque était Chéréa avant le soldat : il est tellement stupide qu'il l'a même appelé par son nom. Mais immédiatement et de manière idiote le soldat se lance dans des injures contre l'eunuque lui-même, ce qui peut blesser sa maîtresse ; ensuite en disant cela, il atteste de la beauté de ce cadeau. En quoi cela le sert-il ? en revanche c'est assez amusant si l'on pense que c'est Chéréa qui entend dire cela de lui-même et est contraint à se taire. 3 vel sobrivs ellipse (ἔλλειψις) inspirée par les convenances à cause de la présence de la femme, comme « nouimus et qui te » et notre poète lui-même dans l'Héautontimoroumenos « qui se uidente amicam patiatur suam ». Cette réplique cependant le soldat l'a dite sous l'impulsion de Parménon, parce qu'il lui a reproché de n'avoir rien dit.

480
Pa.-atque haec qui misit non sibi soli postulat
Pa.-Et celui qui a envoyé cela, ce n'est pas pour lui seul qu'il te demande

1 atqve haec qvi misit id est: tanta et talia munera. hoc enim significat. 2 non sibi soli postvlat hoc est «  et istum aemulum quod pote<ri>s ab ea pellito 233 ».
1 atqve haec qvi misit c'est-à-dire : de si grands et si beaux cadeaux. C'est en effet cela que cela signifie. 2 non sibi soli postvlat c'est-à-dire « et istum aemulum quod poteris ab ea pellito ».

481
te uiuere et sua causa excludi ceteros,
de vivre, ni que tu flanques tous les autres à la porte.

et sva cavsa exclvdi ceteros nihil dici potuit inuidiosius; non enim dixit Phaedriam sed ceteros, quasi futuri amatores fuissent, nisi metueretur exemplum Phaedriae.
et sva cavsa exclvdi ceteros il n'est pas possible de parler de façon plus jalouse ; il ne dit pas Phédria mais tous les autres, comme si elle devait avoir plus tard des amants, comme si l'exemple de Phédria n'était pas déjà en soi un sujet de crainte.

482
neque pugnas narrat neque cicatrices suas
Et il ne raconte pas ses batailles, et ses balafres,

1 neqve pvgnas narrat descriptio militis tantum excepto nomine. 2 neqve cicatrices insigne foeditatis, nam apud meretricem quid aliud cicatrices ualent? nam cicatrices, ut semper gloriosae sint, non tamen etiam apud meretrices, quibus post pretium forma placet. 3 Haec sunt uirtutis insignia, ut Sallustius quoque fatetur «  dehonestamento [tamen esse] corporis maxime laetabatur 234 ».
1 neqve pvgnas narrat description du soldat d'où l'on n'excepte que le nom. 2 neqve cicatrices signe de laideur, de fait, chez la courtisane quelle autre valeur peuvent avoir les cicatrices ? de fait les cicatrices bien qu'elles soient toujours glorieuses ne le sont cependant pas également pour les courtisanes, pour qui la beauté physique a plus d'importance que la valeur. 3 Ce sont des signes de valeur, comme Salluste aussi le reconnaît « dehonestamento [tamen esse] corporis maxime laetabatur ».

483
ostentat neque obstat tibi394, quod quidam facit;
il ne les étale pas, il ne t'encombre pas, ce que fait tel autre.

1 neqve obstat tibi qui a te repellat amatores tuos. 2 qvod qvidam facit quidam recte, nam et figuratum et aptum sententiae est et contemptum indicat hoc uerbum.
1 neqve obstat tibi en homme capable de repousser de chez toi tes amants. 2 qvod qvidam facit quidam est correct, de fait ce mot est à la fois figuré et adapté au sens général de la phrase et il exprime le mépris.

484
uerum ubi molestum non erit, ubi tu uoles,
Mais quand cela ne te dérangera pas, quand tu voudras,

1 vbi molestvm non erit ad superiora rettulit, quod nunc dicit, ad «  non sibi <soli> postulat te uiuere et sua causa excludi ceteros neque pugnas narrat 235 » etc. 2 vbi molestvm non erit35 vbi tv voles vbi tempvs tibi erit ad «  neque tibi obstat 236 ». 3 Et mire occupat animum meretricis, cum illam huius impulsu inducit facere, quicquid dure fecit excludendo Phaedriam. hic igitur, qui scit praecepta de beneficiis aestimandis, intellegit oratorie in utramque partem dicta omnia. 4 vervm vbi molestvm utrum tibi molestum an aliis? sed aliis, quia illaturus est «  ubi <tu uoles, ubi> tempus tibi erit 237 ». 5 vbi tv voles non amator sed tu. 6 vbi tv voles non ut nunc in milite pateris.
1 vbi molestvm non erit il rapporte à ce qui précède ce qu'il dit maintenant, à « non sibi soli postulat te uiuere et sua causa excludi ceteros neque pugnas narrat » etc. 2 vbi molestvm non erit vbi tv voles vbi tempvs tibi erit se rapporte à « neque tibi obstat ». 3 Et c'est étonnant de voir comment il s'empare de l'esprit de la courtisane quand il la conduit à faire sous son impulsion, tout ce qu'elle a fait de cruel en chassant Phédria. Ici donc celui qui connaît les règles pour l'estimation des bienfaits comprend que tout cela est dit de manière oratoire pour défendre le pour et le contre. 4 vervm vbi molestvm est-ce déplaisant tibi (pour toi) ou aliis (pour d'autres) ? mais pour d'autres, parce qu'il va dire « ubi tu uoles, ubi tempus tibi erit ». 5 vbi tv voles non pas en qualité d'amant, mais toi. 6 vbi tv voles non pas comme maintenant tu l'endures de la part du soldat.

485
ubi tempus tibi erit, sat habet si tunc395 recipitur.
quand tu auras le temps, il est satisfait, si à ce moment-là on le reçoit.

vbi tempvs tibi erit sat habet si tvnc recipitvr his dictis et militem reppulit ab animo meretricis et commendauit adulescentem et perfecit, ne iniuria uideatur, ut quae sponte susceperit Phaedriam.
vbi tempvs tibi erit sat habet si tvnc recipitvr par ces paroles il repousse le soldat du coeur de la courtisane tout en recommandant le jeune homme et il réussit à ce que cela n'ait pas l'air fait injustement, puisqu'elle a d'elle-même accueilli Phédria.

486
Thr.-apparet seruum hunc domini esse396 pauperis
Thr.-C'est clair, c'est l'esclave d'un maître pauvre

1 apparet servvm hvnc domini esse pavperis tristiores enim sunt serui pauperum et ob hoc ipsum nequiores. 2 Et hoc melius erat, quamuis illud aliter parasitus exponat. 3 domini pavperis miseriqve < miserique > bene additum, quia non continuo pauper et miser est.
1 apparet servvm hvnc domini esse pavperis en effet les esclaves de maîtres pauvres sont plus tristes et pour cette raison de plus mauvaise qualité. 2 Et cela aurait pu être mieux bien que le parasite expose cela autrement. 3 domini pavperis miseriqve miserique est un bon ajout car qui est pauvre n'est pas obligatoirement en même temps malheureux.

487
miserique. Gn.-nam hercle nemo posset, sat scio,
et miséreux. Gn.-Oui, ma foi ; personne ne pourrait, je le sais bien,

1 nam hercle nemo posset secundum illud «  ait? aio 238 » approbat parasitus quod miles dixit. et est ordo: nam hercle satis scio, nemo posset hunc perpeti, qui haberet, qui pararet alium seruum. 2 nam hercle nemo posset aliam causam subtilioremque supposuit, quam quam dixerat miles.
1 nam hercle nemo posset conformément à l'expression « ait ? aio », le parasite approuve ce que dit le soldat. et l'ordre est : nam hercle satis scio, nemo posset hunc perpeti, qui haberet, qui pararet alium seruum. 2 nam hercle nemo posset il suppose une autre raison plus subtile que celle qu'a dite le soldat.

488
qui haberet qui pararet alium, hunc perpeti.
en ayant de quoi s'en acheter un autre, supporter celui-là.

qvi haberet qvi pararet prius qui pronomen, sequens aduerbium est.
qvi haberet qvi pararet d'abord qui est un pronom, le suivant est un adverbe.

489
Pa.-tace tu, quem ego397 esse infra infimos omnis puto
Pa.-La ferme, toi que je mets au-dessous de tous les sous-

qvem ego esse infra infimos omnes pvto homines multum dixit infra infimos omnes homines, nam hac sententia uult seruis esse peiorem, quia et seruus homo, ut in Phormione «  seruum hominem causam orare leges non sinunt 239 ».
qvem ego esse infra infimos omnes pvto homines c'est beaucoup dire que infra infimos omnes homines, de fait par cette phrase il veut dire qu'il est pire que les esclaves, parce que l'esclave est aussi un homme, comme dans le Phormion « seruum hominem causam orare leges non sinunt ».

490
homines; nam qui adsentari huic animum398 induxeris,
hommes ! Car toi qui de flatter un type pareil as pu avoir l'idée

qvi adsentari hvic animvm indvxeris proprie, nam animus inducitur aduersum obiectas difficultates.
qvi adsentari hvic animvm indvxeris au sens propre, de fait son esprit est conduit à s'opposer aux difficultés qui se présentent.

491
e flamma petere te cibum posse arbitror.
tu es du genre à aller te servir jusque dans le four, à ce que je crois.

1 e flamma petere te cibvm posse arbitror unde sine damno aut malo nihil potest auferri. 2 e flamma hic intellegitur non e foco, sed ex medio igne aut ex incendio; nam antiquum uerbum est cibum petere e flamma. 3 Mordicus utrumque. simul et nescias quem plus uituperauerit, huiusne famem an illius immanitatem uel uoraginem. 4 Et simul uide inde conuitium redditum, unde congestum est, id est de egestate atque pauperie.
1 e flamma petere te cibvm posse arbitror d'où rien ne peut être enlevé sans dommage ou mal. 2 e flamma ici on comprend non hors du feu, mais du milieu de la flamme ou de l'incendie ; de fait cibum petere e flamma est une expression archaïque. 3 Les deux choses de manière mordante. Et en même temps on ne saurait dire ce qu'il blâme le plus, l'avidité de l'homme ou bien la cruauté et la capacité à dévorer du feu. 4 Et en même temps, voyez que l'injure revient là d'où elle a été prise, c'est-à-dire de la pauvreté et de la misère.

492
Thr.-iamne imus?Th.-hos prius intro ducam et quae uolo
Thr.-On y va maintenant ? Th.-Je vais d'abord faire entrer ceux-là et ce que je veux

1 iamne imvs odium Parmenonis et stomachum militis ista indicat festinatio. 2 Et τὸ iam increpatio morae est.
1 iamne imvs c'est la haine de Parménon et la colère contre le soldat que cette hâte indique. 2 Et le (τὸ) iam est un reproche fait au retard du personnage.

493
simul imperabo: postea huc continuo399 exeo.
en même temps, je vais le prescrire ; juste après je reviens tout de suite.

postea hvc continvo exeo legitur et post, ut sit ἀποκοπή pro postea, quomodo post pro postremo.
postea hvc continvo exeo on lit aussi post, en sorte qu'il y a apocope (ἀποκοπή) pour postea, de la même façon que post pour postremo.

494
Thr.-ego hinc abeo: tu istanc opperire. Pa.-haud conuenit
Thr.-Moi, je m'en vais ; toi, attends-la. Pa.-Il ne sied point

ego hinc abeo consequens erat, ut offenderetur miles tam diligenter riualis munus suscipiente meretrice.
ego hinc abeo il était logique que le soldat fût offensé de voir la courtisane recevoir avec tant de diligence le cadeau de son rival.

495
una ire cum amica imperatorem in uia.
d'aller avec sa maîtresse, quand on est un général, dans la rue.

1 vna ire cvm amica imperatorem in via uide προπαρασκευήν futurae litis inter Thaidem ac militem. 2 cvm amica mirifice amicam dixit, non meretricem. 3 imperatorem in via congrue in militem, quasi ipse sit sub quo est. 4 Et hic seruat Parmeno, quod sibi mandatum est «  et istum aemulum, quoad poteris, ab ea pellito 240 ». 5 Et bene immutauit nomina hinc ad honorem, hinc ad inuidiam: hanc non meretricem sed amicam dixit, hunc non militem sed imperatorem.
1 vna ire cvm amica imperatorem in via voyez la préparation par anticipation (προπαρασκευή) du procès à venir entre Thaïs et le soldat. 2 cvm amica de manière étonnante, il dit amicam, et non meretricem (courtisane). 3 imperatorem in via de manière bien adaptée pour s'adresser au soldat, comme si Thrason était lui-même celui sous les ordres duquel il est, lui Parménon. 4 Et ici Parménon observe ce qui lui a été demandé « et istum aemulum, quoad poteris, ab ea pellito ». 5 Et il est bien de changer les noms tantôt pour aboutir à un hommage, tantôt pour aboutir à provoquer la haine : elle est appelée non pas meretrix (courtisane) mais amica (maîtresse), lui non pas miles (soldat), mais imperator (commandant en chef).

496
Thr.-quid tibi ego multa dicam? domini similis es.
Thr.-Que te dire de plus ? Tu ressembles à ton maître.

1 qvid tibi ego mvlta dicam domini similis es non habuit aliud miles stultus, sed rediit ad illa quae dixit «  domini pauperis miserique 241 ». 2 domini similis es ineptus iocus, in quo seruus iniuriae uice domino comparatur.
1 qvid tibi ego mvlta dicam domini similis es  le soldat stupide n'a pas eu autre chose, mais il est revenu aux propos qu'il tenait « domini pauperis miserique ». 2 domini similis es la plaisanterie est absurde ; l'esclave y est comparé au maître en guise d'insulte.

497
Gn.-hahahae. Thr.-quid rides? Gn.-istuc quod dixti modo;
Gn.-Ah ! ah ! ah ! Thr.-De quoi ris-tu ? Gn.-C'est ce que tu viens de dire,

qvid rides et hoc eo uultu dicitur, quasi sibi conscius sit miles facete dicti conuitii. nam non quo nesciat causam risus, eo interrogat quid riserit, sed ideo ut denuo laudetur.
qvid rides il dit également ces paroles avec une mimique qui montrerait pour ainsi dire que le soldat est lui-même conscient de la raillerie plaisamment lancée. En effet ce n'est pas parce qu'il ignore pourquoi il a ri qu'il interroge sur la raison pour laquelle il a ri, mais précisément pour être loué à nouveau.

498
et illud de Rhodio dictum cum in mentem uenit.
et ton bon mot sur le Rhodien chaque fois qu'il me revient à l'esprit.

1 et illvd de rhodio dictvm hoc est illud «  eorum ingenia admiror simul 242 ». 2 Et hinc ut apparet fit amicior; ideo facilius ab amica quam <a> parasito separabitur.
1 et illvd de rhodio dictvm c'est ce qui figure plus haut « eorum ingenia admiror simul ». 2 Et de là pour se montrer de plus en plus amical ; pour cette raison il aura plus de facilité à se séparer de son amie que du parasite.

499
sed Thais exit. Thr.-abi prae, curre, ut sint domi
Mais voici Thaïs qui sort. Thr.-Pars devant ; file ! qu'à la maison

1 abi prae cvrre vt sint domi parata non dicit quae, quia intellegitur. 2 vt sint domi parata ἔλλειψις ethica, in qua plus uultu significatur quam uerbis.
1 abi prae cvrre vt sint domi parata il ne dit pas quelles sont ces choses parce qu'il est compris. 2 vt sint domi parata ellipse (ἔλλειψις) liée au caractère, dans laquelle l'aspect du visage a davantage de sens que les paroles.

500
parata. Gn.-fiat. Th.-diligenter, Pythias,
tout soit prêt. Gn.-Soit. Th.-Prends bien soin, Pythias,

fiat faciam uel fiet diceret seruus, liber uero tamquam et ipse iubet sibi.
fiat l'esclave aurait dû dire faciam (je ferai) ou bien fiet (il adviendra), mais il parle comme un homme libre et il se donne l'ordre à lui-même.

501
fac cures, si forte huc Chremes aduenerit400,
de faire ce que je te dis : si par hasard Chrémès vient ici,

si forte hvc chremes advenerit οἰκονομία ad litem futuram et exitum fabulae. et hoc non audit miles·, nam si audiret, nimis irasceretur.
si forte hvc chremes advenerit agencement des mots (οἰκονομία) en vue du conflit à venir et du dénouement de la fable. Le soldat n'entend pas cela non plus, car s'il l'avait entendu, il se serait par trop énervé.

502
ut ores primum ut maneat; si id non commodum est,
prie-le d'abord de m'attendre ; si ce n'est pas commode,

503
ut redeat; si id non poterit, ad me adducito.
qu'il revienne ; et s'il ne peut pas, amène-le-moi.

ad me addvcito ad me modo ubi sum significat.
ad me addvcito ad me (vers moi), signifie souvent ubi sum (à l'endroit où je me trouve).

504
Py. ita faciam. Th.-quid? quid aliud uolui dicere?
PY.- Je le ferai. Th.-A propos, qu'est-ce que je voulais dire encore ?

qvid qvid alivd volvi dicere hinc est illud Ciceronis «  quem? quemnam? recte admones, Polycletum esse dicebant 243 ».
qvid qvid alivd volvi dicere de là vient ce mot de Cicéron « quem ? quemnam ? recte admones, Polycletum esse dicebant » (qui ? qui donc ? admonestes-tu à bon droit, ils disent que c'est Polyclète.)

505
ehem curate istam diligenter uirginem:
Ah ! prenez bien soin de cette jeune fille.

1 cvrate istam diligenter virginem haec res est, quae faciet uirginem claudi, in lectulo collocari et obdormire. 2 cvrate istam diligenter virginem ridiculum, cum contra euenturum sit.
1 cvrate istam diligenter virginem le but est le suivant : faire en sorte que la jeune fille soit enfermée, qu'elle soit installée dans le petit lit et qu'elle dorme profondément. 2 cvrate istam diligenter virginem c'est là qu'est le ridicule puisque les événements vont avoir un déroulement contraire.

506
domi adsitis facite. Thr.-eamus. Th.-uos me sequimini.
Restez bien à la maison. Thr.-Allons-y. Th.-Vous, suivez-moi.

vos me seqvimini κωφὰ πρόσωπα sunt puellae, quae sequuntur.
vos me seqvimini il s'agit de personnages muets (κωφὰ πρόσωπα), ce sont les jeunes filles qui viennent à la suite.

scaena tertia

Chremes Pythias

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507
Chr.-Profecto quanto magis401 magisque cogito,
Chr.-Oui, plus et plus j'y pense,

1 profecto qvanto magis magisqve cogito haec persona apud Menandrum adulescentis rustici est. 2 Et inconsequens oratio est, sed conceditur secum loquentibus multa transcendere, quae taciti intellegunt. est enim integram hoc modo: profecto quanto magis magisque cogito, nimirum intellego uel inuenio, quod dabit haec Thais mihi magnum malum. potest autem nimirum et pro confirmatione accipi, ut nihil desit et sit nimirum sine dubio, pro certo.
1 profecto qvanto magis magisqve cogito ce personnage est celui du jeune homme campagnard que l'on trouve chez Ménandre. 2 Et ce discours manque de logique mais chez des personnages qui se parlent à eux-mêmes on accepte qu'ils passent souvent du coq à l'âne pour des choses qu'ils comprennent implicitement. Voici en vérité la forme complète : profecto quanto magis magisque cogito, nimirum intellego vel invenio, quod dabit haec Thais mihi magnum malum (assurément quand je réfléchis encore et encore, c'est sans doute que je comprends ou bien que je trouve parce que cette Thaïs-là me donnera du fil à retordre). nimirum peut en outre être pris pour une confirmation, de sorte qu'il ne manque rien et que nimirum signifie sine dubio (sans aucun doute), ou qu'il soit mis pour certo (assurément).

508
nimirum dabit haec Thais mihi magnum malum:
vraiment cette Thaïs me causera grand tort,

1 nimirvm dabit haec thais mihi magnvm malvm solue nimirum et fac non est mirum, et statim consequens erit per ἀσύνδετον tota sententia, quasi dixerit non est mirum, et subdistinctione interposita mox intulerit dabit haec Thais mihi magnum malum. nam ni ne significat et ne non: ni pro ne Vergilius «  leti discrimine paruo n. ni t. teneant c. cursus ; c. certum < e. est > d. dare l. lintea r. retro 244 »; ne pro non Plautus «  ne uult 245 » inquit pro non uult. 2 nimirvm dabit haec thais mihi magnvm malvm his uerbis intellegitur sentire se paulatim labi in amorem meretricis quamuis inuitum et adhuc retinentem.
1 nimirvm dabit haec thais mihi magnvm malvm développez nimirum et faites-en non est mirum (ce n'est pas étonnant), et alors toute la phrase s'enchaînera logiquement par asyndète (ἀσύνδετον), comme s'il avait dit non est mirum (ce n'est pas étonnant), et ce n'est qu'après que cette ponctuation a été apportée qu'il a ajouté dabit haec Thais mihi magnum malum. Car ni signifie ne (pour que ne pas) et ne signifie non (ne pas) : ni se trouve à la place de ne chez Virgile « leti discrimine paruo ni teneant cursus ; certum est dare lintea retro » (côtoyer l'une ou l'autre équivaut à peu près à la mort. On décide de rebrousser chemin). ne est mis pour non chez Plaute, il dit « ne vult » à la place de non vult  (il ne veut pas). 2 nimirvm dabit haec thais mihi magnvm malvm par ces paroles, il comprend qu'il se sent tomber peu à peu amoureux de la courtisane bien que ce soit contre son gré et qu'il se soit retenu jusqu'ici.

509
ita me ab ea astute uideo labefactarier,
tant je la vois mettre d'adresse à m'ébranler,

510
iam tum cum primum iussit me ad se accersier.
dès qu'elle m'a fait dire de passer chez elle.

511
roget quis « quid tibi402 cum illa? » ; ne noram quidem.
On me demandera : « Qu'avais-tu à faire avec elle ? ». Je ne la connaissais même pas.

roget qvis qvid tibi cvm illa 36 plus intulit quam interrogauit; non enim nihil.
roget qvis qvid tibi cvm illa il a plus tiré de conclusion qu'il n'a réellement posé de questions ; en effet il n'y a pas nihil (rien).

512
ubi ueni, causam ut ibi manerem repperit:
Quand je suis venu, elle a trouvé un prétexte pour que je reste là.

cavsam vt ibi manerem repperit manerem modo non dormirem sed remanerem significat.
cavsam vt ibi manerem repperit manerem ne signifie pas la plupart du temps dormirem (que je dorme), mais remanerem (que je séjourne).

513
ait rem diuinam facere403 et rem seriam
Elle dit qu'elle est en train d'offrir un sacrifice et que c'est d'une affaire sérieuse

1 ait rem divinam facere rem diuinam sacrum significat. 2 et rem seriam velle agere mecvm scilicet quod non posset nunc agi, cum operetur. 3 An rem seriam magis agendam tunc putabat, cum rem diuinam fecisset ?
1 ait rem divinam facere rem diuinam signifie sacrifice. 2 et rem seriam velle agere mecvm c'est sans doute sous prétexte que cela ne pouvait être fait à ce moment-là puisqu'il y travaillait. 3 Ou bien est-ce qu'il pensait alors à une chose importante plutôt qu'à une chose qui devait être faite, alors qu'elle avait accompli un sacrifice ?

514
uelle agere mecum. iam tum erat suspicio
qu'elle a à me parler. Déjà à ce moment-là j'avais un soupçon

515
dolo malo haec fieri omnia. ipsa accumbere
que c'était par dol et dommage que tout cela se faisait. Elle, elle se met à table

1 dolo malo haec fieri omnia dolus a dolando dictus, id est a laedendo et imminuendo. nam et δόλος dicitur Graece laesio et dolones tela quaedam bellica et dolare fabri lignum, id est ascia caedere. quod autem addidit malo, aut ἀρχαϊσμός est, quia sic in duodecim tabulis a ueteribus scriptum est, aut ἐπίθετον doli est perpetuum, aut διαστολή est, quia est et bonus, quo a medentibus falli aegros, non tamen decipi Lucretius poeta testatur. 2 accvmbere mecvm mecum prope me significat.
1 dolo malo haec fieri omnia on tire le mot dolus (ruse) de dolare (façonner), c'est-à-dire laedere (offenser) et imminuere (affaiblir). En effet en grec on appelle aussi δόλος (ruse), le tort fait à quelqu'un et on appelle dolones (bâtons) certains traits utilisés à la guerre et dolare travailler avec le dolabre, le morceau de bois de l'artisan, c'est-à-dire couper à la hache. De plus, il a ajouté malo ; c'est soit un archaïsme (ἀρχαϊσμός), parce que cela a été écrit de cette façon par les anciens dans les Douze Tables, ou bien il s'agit d'une épithète (ἐπίθετον) commune de dolus, ou alors c'est une opposition par distinction (διαστολή), parce qu'il y a aussi bonus (bon), adjectif par lequel le poète Lucrèce atteste que les gens malades sont trompés par les médecins mais qu'ils ne sont pas abusés pourtant. 2 accvmbere mecvm mecum (avec moi) signifie prope me (à coté de moi).

516
mecum, mihi sese dare, sermonem quaerere.
avec moi, s'offre à moi, cherche ma conversation.

1 mihi sese dare non potest magis significari profusa petulantia. 2 sermonem qvaerere sermo quaeritur, quando non solum quod dicamus quaerimus, uerum etiam quomodo nobis alter respondeat et obloquatur: puta cum deficientibus sermocinandi causis quota sit hora et satis recte quis ualuerit percontamur.
1 mihi sese dare cela ne peut être exprimé avec plus d'effronterie. 2 sermonem qvaerere nous recherchons une conversation quand non seulement nous cherchons que dire, mais aussi lorsque nous cherchons comment l'autre nous répond et nous interrompt : par exemple, quand on manque de sujets de conversation, comme une heure paraît longue ! et on se demande à juste titre qui en vaut la peine.

517
ubi friget, huc euasit, quam pridem pater
Lorsqu'elle tombe, elle s'en sort en demandant, depuis quand mon père

1 qvam pridem pater mihi et mater mortvi essent hoc propter aetatem puellae inquisitum est. 2 hvc evasit tamquam impudenter contenderit ad hanc inquisitionem.
1 qvam pridem pater mihi et mater mortvi essent cette question a été posée en raison de l'âge de la jeune fille. 2 hvc evasit c'est comme s'il avait été insistant et impudent en répondant à cette question.

518
mihi et mater mortui essent. dico, iamdiu.
et ma mère sont morts. Je dis depuis longtemps.

iam div iam olim.
iam div équivaut à iam olim (il y a longtemps).

519
rus Sunii ecquod habeam et quam longe a mari.
Si je n'ai pas une campagne à Sunium, et à quelle distance de la mer ?

et qvam longe a mari hoc ideo meretrix inquisiuit, ut sciret, utrum rapta a praedonibus «  ecqua inde parua perisset soror 246 »; quippe ad mediterraneum locum qui accessus esse potuit piratis? sed tamen non abhorret a suspicione huius meretricem aliud scire uelle: cuius pretii fundum habeat Chremes, hoc est quam amoenum, quam maritimum.
et qvam longe a mari la courtisane s'est enquise de cela pour savoir si elle a été enlevée par des brigands « ecqua inde parva perisset soror » ; et en effet dans un lieu qui est au milieu des terres quel accès peut-il y avoir pour des pirates mais cependant il ne laisse pas de soupçonner que la courtisane veuille savoir autre chose : à quel montant s'élève le prix de la propriété que possède Chrémès, si cette propriété est agréable, si elle est proche de la mer.

520
credo ei placere hoc: sperat se a me auellere.
Je suppose qu'elle lui plaît : elle espère me l'arracher.

hoc sperat se a me avellere bono uerbo usus est auellere, tamquam pertinaciter non remittente.
hoc sperat se a me avellere il utilise le bon verbe en disant auellere (arracher), comme s'il parlait de quelqu'un qui refuse obstinément d'y renoncer.

521
postremo, ecqua inde parua periisset soror;
Pour finir, si n'y a pas disparu une sœur toute petite,

522
ecquis cum ea una; quid habuisset cum periit;
s'il y avait quelqu'un avec elle :ce qu'elle avait le jour où elle a disparu,

qvid habvisset cvm periit cum pro quando aut cum <periit pro cum> periret.
qvid habvisset cvm periit cum (lorsque) est mis pour quando (quand) ou alors il fait comprendre cum periit (lorsqu'il périt), à la place de cum periret (alors qu'il mourait).

523
ecquis eam posset noscere. haec cur quaeritet?
si quelqu'un pourrait la reconnaître. Tout cela, pourquoi elle n'arrête pas de me le demander ?

haec cvr qvaeritet in gestu ac uultu id quod restat ostenditur; nam deest nescio.
haec cvr qvaeritet il montre le reste par sa gestuelle et son jeu de physionomie ; car il manque nescio (je ne sais pas).

524
nisi si illa forte quae olim periit paruula
A moins que peut-être, celle qui jadis a disparu, la toute petite

525
soror, hanc se intendit esse, ut est audacia.
sœur, elle prétende que c'est elle, vu son audace.

hanc se intendit esse vt est avdacia proprie intendere est crimen in aduersarium iacere.
hanc se intendit esse vt est avdacia au sens propre intendere (tendre vers), c'est jeter une accusation contre un adversaire.

526
uerum ea si uiuit annos nata est sedecim,
Mais si cette enfant vit encore, elle a seize ans,

527
non maior ; Thais quam ego sum maiuscula est.
pas plus ; Thaïs est un peu plus âgée que moi.

maivscvla est diminutiue dixit, ut ostenderet utramque esse primaeuam.
maivscvla est il utilise le diminutif pour montrer que l'une et l'autre sont dans la fleur de l'âge.

528
misit porro orare ut uenirem serio.
Elle vient d'envoyer quelqu'un pour me prier de venir instamment.

1 misit porro porro pro postea. 2 vt venirem serio utrum ut serio uenirem an orare serio?
1 misit porro porro (plus loin) est mis pour postea (ensuite). 2 vt venirem serio est-ce que c'est ut serio uenirem (pour que je vienne tout de suite), ou alors orare serio (pour que je vienne parler tout de suite) ?

529
aut dicat quid uult aut molesta ne siet:
Qu'elle explique ce qu'elle veut, ou qu'elle ne me casse plus les pieds.

1 avt dicat qvid vvlt avt molesta ne siet pro quid uelit. in Hecyra «  at uide, quam immerito aegritudo haec oritur mihi abs te, Sostrata 247 ». 2 avt molesta ne siet [aut] hoc moraliter, nam cui hoc imperat aut cum quo hoc agit?
1 avt dicat qvid vvlt avt molesta ne siet est mis à la place de quid uelit  (ce qu'elle veut). Dans L'Hécyre « at uide, quam immerito aegritudo haec oritur mihi abs te, Sostrata252  ». 2 avt molesta ne siet ceci est conforme au caractère d'un personnage mais est-ce de celui à qui il donne cet ordre ou de celui avec qui il agit ainsi ?

530
non hercle ueniam tertio. heus heus, ecquis hic est404?
Ma fois, je ne viendrai pas une troisième fois. Holà ! Holà ! Il y a quelqu'un ?

hevs hevs ecqvis hic est haec separatim pronuntianda sunt, nam apparet inter haec uerba pulsatam ianuam personare.
hevs hevs ecqvis hic est il faut prononcer ces mots en les séparant, car il apparaît qu'entre ces mots la porte est poussée et fait retentir un bruit.

531
ego sum Chremes. Py.-o capitulum lepidissimum!
C'est moi, Chrémès. Py.-Oh ! le joli petit mignon !

1 ego svm chremes uide quantum distet ac uaria sit huius rusticitas ego sum, Chremes a faceta meretricis disciplina o capitulum lepidissimum; nam rusticum esse statim magis apparebit, ubi dixerit rus eo. 2 Et ὑποκορίσματα sunt τῷ ἰδιωτισμῷ.
1 ego svm chremes regardez combien sa rusticité prend des formes variées ego sum, Chremes, et se différencie de la finesse d'esprit et du savoir-vivre de la courtisane o capitulum lepidissimum ; en effet il apparaîtra aussitôt plus rustique, quand il aura dit rus eo. 2 Et ce sont des petits noms affectueux (ὑποκορίσματα) liés à sa parlure (τῷ ἰδιωτισμῷ).

532
Chr.-dico ego mihi insidias fieri? Py.-Thais maximo
Chr.-Moi ce que je dis, c'est qu'on me tend un piège. Py.-Thaïs à toute force

dico ego mihi insidias fieri blandimentum rusticus insidias putat.
dico ego mihi insidias fieri le paysan pense que les insidias (pièges) sont un blandimentum (une cajolerie).

533
te orabat opere ut cras redires. Chr.-rus eo.
souhaitait te prier de revenir demain. Chr.-Je vais à la campagne.

rvs eo pro potiore negotio rus posuit. et maior negatio est, quam si diceret non uenio huc.
rvs eo il a remplacé une affaire plus importante par rus (à la campagne). Et la négation s'en trouve plus renforcée que s'il avait dit non venio huc (je ne viens pas ici).

534
Py.-fac amabo. Chr.-non possum, inquam. Py.-at tu apud nos hic mane
Py.-Fais-le, je t'en prie. Chr.-Je ne peux pas, te dis-je. Py.-Alllez, toi, reste ici chez nous,

non possvm inqvam plus est quam nolo.
non possvm inqvam la formule est plus forte que nolo (je ne veux pas).

535
dum redeat ipsa. Chr.-nihil minus. Py.-cur, mi Chremes?
jusqu'à ce que la maîtresse revienne. Chr.-Certainement pas. Py.-Pourquoi, cher Chrémès ?

1 dvm redeat ipsa ipsa uel domina uel ipsa de qua agitur. 2 nihil minvs deest faciam.
1 dvm redeat ipsa ipsa (elle-même) désigne soit la maîtresse soit la jeune fille même dont il s'agit. 2 nihil minvs il manque faciam (je ferai).

536
Chr.-malam rem hinc ibis? Py.-si istuc ita certum est tibi,
Chr.-Et si tu allais au diable ! Py.-Si c'est cela ta décision,

1 malam rem <hinc ibis pro in malam rem >. ergo aduerbialiter dixit, quemadmodum dicimus domum ibis. 2 Et apparet illum manu tactum esse, qui sic irascitur, quia dixit mi Chremes quasi: meus indignatus est adulescens? 3 Nam ab eo quod est meus uocatiuus mi facit.
1 malam rem hinc ibis est mis pour in malam rem (en vue d'une mauvaise affaire). Il l'utilise adverbialement, de la même façon que nous disons domum ibis (tu iras à la maison). 2 Et il apparaît qu'il a été touché de la main et s'énerve ainsi, parce qu'elle a dit mi Chremes (mon cher Chrémès), pour ainsi dire : mon cher jeune homme s'indigne-t-il ? 3 En effet il fait de mi (mon cher) un vocatif qu'il tire de l'adjectif meus (mon).

537
amabo ut illuc transeas ubi illa est. Chr.-eo.
j'aimerais que tu passes la voir là où elle est. Chr.-J'y vais.

1 amabo vt illvc transeas vbi illa est uide non esse otiosum, quod omnia praetemptata sunt potius quam res importuna fieret, ut ad militis domum Chremes deduceretur. neque enim conueniebat personae Bacchi aliquid amusum aut infacetum aut ἄκαιρον. 2 illvc transeas vbi illa est ut breuem uiam demonstraret, non eas sed transeas dixit. 3 amabo amabo interiectio est amantis, etsi uerbum sonat.
1 amabo vt illvc transeas vbi illa est regardez bien, il n'y a pas de temps mort parce que tout a été essayé pour éviter que l'affaire ne devienne fâcheuse et afin que Chrémès soit conduit dans la demeure du soldat. Et il ne convenait pas au personnage de Bacchus quelque parole désavouée des muses ou bien quelque grossièreté ou encore quelque inconvenance (ἄκαιρον). 2 illvc transeas vbi illa est afin de bien montrer le plus court chemin, elle ne dit pas eas (va) mais transeas (passe). 3 amabo amabo (j'aimerai) est l'interjection d'un amoureux, même si le verbe est expressif.

538
Py.-abi, Dorias, cito hunc deduce ad militem.
PY. -Va, Dorias ; conduis vite ce monsieur chez le soldat.

scaena quarta

Antipho

539 | 540 | 541 | 542 | 543 | 544 | 545 | 546 | 547 | 548

539
An.-Heri aliquot adulescentuli coimus in Piraeo
An.-Hier à quelques jeunes gens, nous nous sommes entendus, au Pirée,

1 heri aliqvot advlescentvli coimvs in piraeo in hoc proloquio insinuatio personae eius est, cui narraturus est Chaerea, quae a se post scaenam gesta sunt. fit autem hoc populi causa, ut spectator oriculis accipiat, quod subicere oculis poeta non potuit. 2 coimvs coimus consensimus ac pepigimus, ne sit soloecismus in Piraeo pro in Piraeum. 3 heri aliqvot advlescentvli c. coimvs bene inuenta persona est, cui narret Chaerea, ne unus diu loquatur, ut apud Menandrum.
1 heri aliqvot advlescentvli coimvs in piraeo dans cette exposition, il y a une présentation implicite de son propre personnage à qui Chéréa va raconter les actions qui se sont passées en coulisses. Il fait cela pour le public afin que le spectateur entende ce que le poète n'a pas pu placer sous ses yeux. 2 coimvs coimus c'est nous nous entendons et nous déterminons afin qu'il n'y ait pas solécisme si on dit in Piraeo pour in Piraeum. 3 heri aliqvot advlescentvli coimvs le personnage est bien trouvé, lui à qui Chéréa fait son récit, afin qu'il ne parle pas seul longtemps, comme chez Ménandre.

540
in hunc diem, ut de symbolis essemus. Chaeream ei rei
pour aujourd'hui et se cotiser pour un barbecue. C'est Chéréa, pour l'organisation,

1 vt de symbolis essemvs Plautus in Menaechmis «  minore numquam fui dispendio 248 ». 2 Sed melius essemus producta e littera.
1 vt de symbolis essemvs Plaute dans Les Ménechmes « minore numquam fui dispendio » (je ne fus jamais dans des frais plus faibles). 2 Mais essemus (nous avons mangé) avec un E allongé est meilleur.

541
praefecimus; dati anuli; locus tempus constitutum est.
que nous avons pris comme chef ; on lui a donné les anneaux ; le lieu, l'heure étaient décidés.

1 praefecimvs id est: συμποσιάρχην fecimus. 2 dati anvli nihil interim de scorto; apparet enim ephebos esse.
1 praefecimvs c'est-à-dire nous le faisons συμποσιάρχης (président de banquet). 2 dati anvli rien n'est dit pendant ce temps sur la courtisane ; car il est clair que ce sont des adolescents.

542
praeteriit tempus: quo in loco dictum est parati nil est;
L'heure est passée : au lieu du rendez-vous rien n'est prêt.

1 praeteriit tempvs quia «  tempus constitutum est 249 ». 2 qvo in loco quia «  locus constitutus est 250 ».
1 praeteriit tempvs parce que « tempus constitutum est ». 2 qvo in loco parce que « locus constitutus est ».

543
homo ipse nusquam est neque scio quid dicam aut quid coniectem.
Le gars lui-même n'est nulle part ! Je ne sais que dire ni que penser.

homo ipse quia «  Chaeream ei rei praefecimus 251 ».
homo ipse parce que « Chaeream ei rei praefecimus ».

544
nunc mi hoc negoti ceteri dedere ut illum quaeram
Maintenant les autres m'ont donné la charge de le chercher,

ceteri dedere ceteri exceptis me atque illo.
ceteri dedere ceteri (les autres) à l'exception de lui et de moi.

545
idque adeo uisam si domi est. quisnam hinc a Thaide exit?
et que j'aille voir s'il est chez lui. Mais qui sort là de chez Thaïs ?

qvisnam hinc a thaide exit causa sciscitandi est admiratio de habitu mutato et uix agnitus Chaerea.
qvisnam hinc a thaide exit la cause de son questionnement provient de son changement d'aspect extérieur et de ce que Chéréa est difficilement reconnaissable.

546
is est an non est? ipsus est. quid hoc hominis est? quid405 hic ornatus est?
C'est lui ou c'est pas lui ? C'est lui ! C'est quoi ce type ? C'est quoi cet accoutrement ?

1 qvid hoc hominis est uide an longam narrationem possit audire, qui nondum amico narrante iam pendeat. 2 is est an non est ipsvs est uide an potuerit meretricem ignotam hoc habitu atque ornatu fallere, qui ab Antiphone uix agnoscitur. 3 qvid hoc hominis est quod a Thaide ephebus exit. 4 qvid hic ornatvs quod de eunuchi ueste indutus est.
1 qvid hoc hominis est observez s'il peut entendre une longue narration, celui qui ne s'est même pas tenu tranquille lorsque son ami parlait. 2 is est an non est ipsvs est observez s'il a pu tromper une courtisane inconnue par cette apparence et cette parure alors qu'il est à peine reconnu par Antiphon. 3 qvid hoc hominis est parce que l'éphèbe sort de chez Thaïs. 4 qvid hic ornatvs parce qu'il a été recouvert d'un vêtement d'eunuque.

547
quid illud mali est? nequeo satis mirari neque conicere;
C'est quoi ce malaise ? Je n'en reviens pas et je ne sais que penser.

qvid illvd mali est quod timidus egreditur.
qvid illvd mali est parce qu'il sort de manière craintive.

548
nisi, quidquid est, procul hinc libet prius quid sit sciscitari.
Sinon, quoi qu'il en soit, j'ai bien envie de m'en aller d'ici et pour m'enquérir de quoi il retourne.

qvid sit sciscitari sciscitari est occulta magis et secretiora rimari ac uelle cognoscere, ut «  Eurypylum scitantem37 o. oracula Ph. Phoebi m. mittimus 252 ».
qvid sit sciscitari sciscitari (questionner) signifie plutôt explorer les choses cachées et secrètes, et vouloir les connaître comme « Eurypylum scitantem oracula Phoebi mittimus » (nous envoyons Eurypyle interroger l'oracle de Phébus).

scaena quinta

Antipho Chaerea

549 | 550 | 551 | 552 | 553 | 554 | 555 | 556 | 557 | 558 | 559 | 560 | 561 | 562 | 563 | 564 | 565 | 566 | 567 | 568 | 569 | 570 | 571 | 572 | 573 | 574 | 575 | 576 | 577 | 578 | 579 | 580 | 581 | 582 | 583 | 584 | 585 | 586 | 587 | 588 | 589 | 590 | 591 | 592 | 593 | 594 | 595 | 596 | 597 | 598 | 599 | 600 | 601 | 602 | 603 | 604 | 605 | 606 | 607 | 608 | 609 | 610 | 611 | 612 | 613 | 614

549
Ch.-Num quis hic est? nemo est. num quis hinc me sequitur? nemo homo est.
Ch.-Il y a quelqu'un ici ? Il n'y a personne. Il y a quelqu'un qui me suit de la maison ? Non, aucune personne.

1 nvm qvis hic est nemo est in hac scaena uerba gestum uultumque indicant exeuntis, cui obuia persona obicitur, sub cuius occasione spectatoribus gesta narrabuntur. 2 nvm qvis hic est nemo est nvm qvis hic me seqvitvr duo metuit: ne quis ex his obuius comprehensor occurrat et ne quis sui persecutor exsistat. 3 nemo homo est quamuis nemo <ne homo> intellegatur, tamen homo addidit, ut ueteres solent, τῷ ἀρχαϊσμῷ.
1 nvm qvis hic nemo est dans cette scène, les mots indiquent l'attitude et l'expression de celui qui sort qui tombe nez à nez avec l'autre personnage ; c'est à cette occasion que ses actions seront racontées aux spectateurs. 2 nvm qvis hic nemo est nvm qvis hic me seqvitvr il craint deux choses : que survienne quelqu'un qui vient l'arrêter et qu'il ne se trouve quelqu'un pour le poursuivre. 3 nemo homo est quoiqu'on comprenne nemo comme ne homo (pas un homme), il ajoute cependant homo, comme les Anciens en ont l'habitude, par archaïsme.

550
iamne erumpere hoc mihi licet406 gaudium? pro Iuppiter,
Est-ce que maintenant j'ai le droit de laisser exploser ma joie ? O Jupiter !

1 iamne ervmpere hoc mihi licet gavdivm erumpere quasi actiuum uerbum posuit pro neutrali, ut sit: licet mihi erumpere hoc gaudium?, cum sit erumpere quasi exire et mihi pro a me. 2 ervmpere utrum erumpere pro emittere posuit an erumpere pro exclamare, ut rumpere uocem dicitur qui exclamat? nam «  pro Iuppiter 253 »dicturus est.
1 iamne ervmpere hoc mihi licet gavdivm erumpere (éclater) comme s'il avait placé un verbe actif à la place d'un moyen, pour avoir : licet mihi erumpere hoc gaudium (m'est-il possible de faire éclater cette joie ?), alors que c'est erumpere pour ainsi dire exire (sortir) et mihi pour a me (de moi). 2 ervmpere est-ce-que erumpere est employé pour emittere (prononcer une parole) ou bien erumpere pour exclamare (s'écrier), comme on dit rumpere uocem (casser la voix) de celui qui s'écrie ? Car il va dire « Pro Iuppiter ».

551
nunc est profecto interfici cum perpeti me possum,
Maintenant vraiment c'est le moment où mourir je me sens capable de le supporter,

1 nvnc est profecto ordo et sensus hic est: nunc est profecto tempus, cum perpeti possum me interfici. hoc autem cur dixerit, ipse statim subicit causam. 2 cvm perpeti me possvm animaduertendum quod cum si coniuncte legeris, quando significat, si separatim, cum dum significat. 3 nvnc est profecto figurate. ac coniuncte lege sine distinctione.
1 nvnc est profecto ici l'ordre et le sens sont : assurément maintenant c'est le temps où je peux supporter patiemment d'être tué. Mais lui-même aussitôt ajoute la raison pour laquelle il a dit ceci. 2 cvm perpeti me possvm il faut faire attention que si on lit cum comme liaison, il signifie quando (quand), si on le lit de façon séparée, cum signifie dum (encore). 3 nvnc est profecto au sens figuré. Et lisez de façon continue sans pause.

552
ne hoc gaudium contaminet uita aegritudine aliqua.
de peur que, ma joie, la vie ne l'infecte de quelque chagrin.

contaminet vita aegritvdine aliqva mire uitae crimen ostendit, uelut ipsa sit campus fortunae possessioque instabilis uariorum.
contaminet vita aegritvdine aliqva de façon admirable, il montre qu'il incrimine la vie, comme étant elle-même le siège de la fortune et la détentrice de diverses inconstances.

553
sed neminemne curiosum interuenire nunc mihi
Mais il n'y aura aucun curieux pour me croiser maintenant

sed neminemne cvriosvm intervenire nvnc mihi apparatus ad intentionem futurae narrationis dicitur.
sed neminem ne cvriosvm intervenire nvnc mihi cet arrangement vise à mettre en place la narration future.

554
qui me sequatur quoquo eam, rogitando obtundat enicet
pour me suivre partout où j'irai, pour m'accabler de questions, me bassiner, m'assomer

1 qvi me seqvatvr id cupit gaudens, quod aliis tristibus molestum est. nam contra Menedemus grauatur narrare quae dolet. 2 obtvndat odiose instet ac repetat. 3 obtvndat molestus et odiosus sit. 4 enicet εὐφωνότερον quam enecet.
1 qvi me seqvatvr il désire ce qui pour les autres gens dans la peine est désagréable et s'en réjouit. Car à l'inverse Ménédème répugne à raconter ce qu'il endure. 2 obtvndat qu'il insiste et répète de manière déplaisante. 3 obtvndat qu'il est désagréable et fatigant. 4 enicet plus euphonique (εὐφωνότερον) que enecet (assomme).

555
quid gestiam aud quid laetus sim, quo pergam, unde emergam, ubi siem
pour savoir pourquoi je suis excité, pourquoi je suis tout content, où je vais, d'où je sors, où j'ai

1 qvid gestiam deest quaerens, ut sit: rogitando obtundat, enecet quaerens quid gestiam. 2 qvid gestiam gestire <est> motu corporis monstrare quid sentias. hoc autem constat a pecudibus ad homines esse translatum. 3 Gestire est sensum corporis gestu indicare, quod magis animalium est mutorum. Vergilius «  et studio incassum uideas gestire lauandi 254 ». 4 Et qvid propter quid. 5 vnde emergam proprie dixit emergam ut ex lustris atque inhonestis locis utpote meretriciae domus. Cicero «  at ne tum quidem emersisti, lutulente, quaeso, ex naturae tuae sordibus 255 ».
1 qvid gestiam il manque quaerens (interrogeant), pour avoir : il m'assomme de questions, il m'assomme en demandant pourquoi je me démène. 2 qvid gestiam gestire c'est montrer par le mouvement du corps ce qu'on ressent. Mais c'est un fait établi que c'est une métaphore tirée des animaux et qui s'applique à l'homme. 3 Gestire c'est indiquer une sensation par un mouvement du corps, qui est plus le propre des animaux muets. Virgile « et studio incassum uideas gestire lauandi » (on peut les voir insatiablement désireux de s'y baigner). 4 Et qvid signifie à cause de quoi. 5 vnde emergam au sens propre il dit emergam (j'émerge) comme d'un bouge et d'un lieu honteux comme c'est le propre de la maison d'une courtisane. Cicéron « at ne tum quidem emersisti, lutulente, quaeso, ex naturae tuae sordibus » (mais ne t'es-tu pas alors extirpé, salement, je te le demande, des ordures de ta nature ?).

556
uestitum hunc nactus, quid mi quaeram, sanus sim anne insaniam!
déniché cet accoutrement, ce que j'en attends pour moi, si je vais bien ou pas bien ?

vestitvm hvnc nactvs bene nactus dixit, ut qui non sumeret, nisi suasisset hoc occasio.
vestitvm hvnc nactvs il a bien dit nactus (déniché), pour montrer qu'il n'aurait pas fait ce choix si les circonstances ne le lui avaient pas dicté.

557
An.-adibo atque ab eo gratiam hanc, quam uideo uelle, inibo.
An.-Je vais y aller et vais lui donner la satisfaction que je vois qu'il veut.

1 adibo atqve ab eo gratiam hanc sensus et ordo hic est: adibo atque ab eo gratiam hanc inibo, quam uideo hunc uelle a se inire. 2 atqve ab eo gratiam hanc qvam video velle inibo gratiam inire est dare beneficium ac per hoc mereri alicuius gratiam id est amicitiam. 3 Sed haec est elocutio gratiam ab eo inibo pro eius gratiam merebor. Nam ab eo amat Terentius pro eius ponere, ut in Andria «  primum ab eo animaduertenda iniuria 256 » est pro eius iniuria. 4 Inire autem gratiam est mereri gratiam. Plautus «  inibis a me solidam et grandem gratiam 257 ».
1 adibo atqve ab eo gratiam hanc ici le sens et l'ordre sont : adibo atque ab eo gratiam hanc inibo, quam uideo hunc uelle a se inire (je vais l'aborder et rentrer dans ses bonnes grâces, chose que je vois bien qu'il veut que je fasse). 2 atqve ab eo gratiam hanc qvam video velle inibo gratiam inire c'est rendre un bienfait et pour cela acquérir la gratitude de quelqu'un, c'est-à-dire l'amitié. 3 Mais cette locution gratiam ab eo inibo est mise pour eius gratiam merebor (je mériterai la grâce de celui-ci). Car Térence aime bien mettre ab eo à la place d' eius, comme dans L'Andrienne « primum ab eo animaduertenda iniuria » est pour eius iniuria. 4 Mais inire gratiam (entrer dans les bonnes grâces), c'est acquérir la gratitude. Plaute « inibis a me solidam et grandem gratiam » (Tu m'en auras une parfaite et grande reconnaissance).

558
Chaerea, quid est quod sic gestis? aut407 quid sibi hic uestitus quaerit?
Chéréa, pourquoi tu es excité comme ça ? Que signifie cet accoutrement ?

1 qvid est qvod sic gestis avt qvid sibi hic vestitvs qvaerit facete repetit uerba eius interrogans, ut sciat se iam pridem esse praesentem. 2 qvid sibi hic vestitvs qvaerit facete et figurate dictum est. sic et alibi «  ut pernoscatis, quid sibi Eunuchus uelit 258 ».
1 qvid est qvod sic gestis avt qvid sibi hic vestitvs qvaerit avec humour, il répète ses mots dans la question, pour que l'autre sache qu'il est déjà présent depuis un petit moment. 2 qvid sibi hic vestitvs qvaerit c'est dit avec humour et au sens figuré. Comme ailleurs « ut pernoscatis, quid sibi Eunuchus uelit ».

559
quid est quod laetus sis408? quid tibi uis? satin409 sanus es? quid me adspectas?
Qu'est-ce que tu as à être tout content ? Qu'attends-tu ? Tu vas bien ? Qu'as-tu à me regarder ?

1 qvid est qvod laetvs sis uide aliud esse gestire, aliud laetum esse. 2 qvid tibi vis πρὸς τὸ «  quid mihi uelim 259 »38; satin sanvs es πρὸς τὸ «  sanus sim anne insaniam 260 ». 3 qvid me aspectas qvid taces his duabus interrogatiunculis descripsit uultum dicturi.
1 qvid est qvod laetvs sis voyez que c'est une chose d'être transporté de désir, c'en est une autre d'être heureux. 2 qvid tibi vis se rapporte à « quid mihi uelim ». satin sanvs es se rapporte à « sanus sim anne insaniam ». 3 qvid me aspectas qvid taces par ces deux petites questions, il décrit la mimique de celui qui va parler.

560
quid taces? Ch.-o festus dies hominis! amice, salue:
Qu'as-tu à te taire ? Ch.-Voir ce type c'est la fête, mon ami, salut.

1 o festvs dies hominis amice salve decet a salutatione incipere luculente dicturum; illum autem ueri simile est et percussum re noua et audiendi cupidum immemorem exstitisse salutandi. 2 o festvs dies utrum qui causa est festi ac laeti diei an qui ipse tantus sit, quantus est festus dies? 3 o festvs dies <hominis> pro: homo festi diei. sic dicitur etiam scelus homo . Ennius «  O pietas animi 261 ». 4 salve nemo est qvem ego nvnc magis bene additum magis, ut his amicis antepositum se intellegat, quos cum cupiat uidere Chaerea, tamen magis [ut aliis amicis antepositum] neminem cupit.
1 o festvs dies hominis amice salve il convient au moment de prendre la parole de commencer poliment par une salutation ; mais il est vraisemblable que le jeune homme, troublé par la nouvelle et désireux d'en entendre davantage, ait oublié de saluer. 2 o festvs dies faut-il comprendre un homme qui est la cause de la fête et d'un jour heureux ou bien un homme qui est aussi important qu'un jour de fête ? 3 o festvs dies hominis mis pour : l'homme d'un jour de fête. On dit aussi scelus homo (un criminel). Ennius « o pietas animi » (O piété de l'âme). 4 salve nemo est qvem ego nvnc magis magis (plus) a été correctement ajouté, pour qu'il comprenne qu'on le préfère aux amis que Chéréa veut voir, mais pas autant toutefois qu'il ne désire le voir lui.

561
nemo est410 quem ego nunc magis cuperem uidere quam te.
Il n'y a personne que j'aurais désiré voir plus que toi !

562
An.-narra istuc quaeso quid sit. Ch.-immo hercle obsecro te411 ut audias.
An.-Raconte, s'il te plaît, de quoi il s'agit. Ch.-Non, ma foi, c'est moi qui te supplie de m'écouter.

1 immo hercle obsecro te vt avdias bonum compendium, ne multa diceret ad commendandam ut solet narrationem futuram. 2 immo hercle obsecro bene contulit uerba, ut ex his appareat quam id agere uelit: ille dixit quaeso, hic obsecro.
1 immo hercle obsecro te vt avdias heureux raccourci afin de ne pas trop en dire pour mettre en valeur comme d'habitude la narration qui va venir. 2 immo hercle obsecro il a bien rapproché les mots afin de dégager de ceux-ci ce qu'il veut exprimer : l'un dit quaeso (je demande), l'autre obsecro (je supplie).

563
nostin hanc quam amat frater? An.-noui: nempe, opinor, Thaidem.
Tu connais celle dont mon frère est amoureux ? An.-Je connais : vrai, je crois, c'est Thaïs.

1 nostin hanc qvam amat frater quaeritur an ueri simile sit Antiphoni notam esse Thaidem, quam frater ipse nesciuerit. sed intellegere debemus modo notitiam non uultus sed famae positam esse, quam famam potuit ex Phaedria et Antipho scire. at uero aliam notitiam negauerat Chaerea sibi fuisse cum Thaide, hoc est uisus, [uultus] oris et corporis. 2 novi nempe [vt] opinor thaidem uerisimile est haec scire Antiphonem, qui adeo sit familiaris Chaereae. et est ordo hic: opinor noui, nempe <Thaidem. 3 nempe> opinor thaidem optime et ab illo tacitum et ab hoc nomen allatum est, ut appareat quam nouerit et quam possit assequi quae dicentur.
1 nostin hanc qvam amat frater la question est de savoir s'il est vraisemblable que Thaïs soit connue d'Antiphon, alors que le frère de Phédria ne la connaît pas. Mais nous devons comprendre qu'on parle ici d'une connaissance non de visage, mais de réputation, réputation qu' Antiphon a pu connaître aussi par Phédria. Mais de fait, Chéréa a nié avoir d'autre connaissance de Thaïs, c'est-à-dire la connaissance de vue, de visage et d'aspect physique. 2 novi nempe [vt] opinor thaidem il est vraisemblable qu' Antiphon sache cela, tant il est intime de Chéréa. et l'ordre des mots est ici : opinor noui, nempe Thaidem. 3 nempe opinor thaidem excellent : l'un se tait et c'est l'autre qui apporte le nom, pour qu'on voie bien combien il est au courant et combien il peut suivre ce qui va se dire.

564
Ch.-istam ipsam. An.-sic commemineram. Ch.-quaedam hodie est ei dono data
Ch.-C'est elle-même. An.-C'est l'idée que je m'en faisais. Ch.-On lui a fait aujourd'hui présent d'une

1 qvid eivs tibi faciem praedicem avt lavdem praedicamus ut sunt res, laudamus extollimus. 2 Vel praedicamus uoce, laudamus argumentis. 3 qvid ego eivs tibi ordo hic esse debet: quid ego tibi nunc eius faciem praedicem aut laudem, Antipho? in hac commotus sum, cum me ipsum noris, quam elegans formarum spectator siem; ut sit sensus: in hac commotus sum, ut ille solet, qui scit formas eligere ac fastidire pro merito.
1 qvid eivs tibi faciem praedicem avt lavdem nous utilisons le verbe praedicare pour des choses, il équivaut à nous louons (laudamus), nous portons aux nues (extollimus). 2 Autre interprétation possible : nous utilisons praedicare quand c'est en paroles que nous le faisons, laudare quand c'est avec des arguments. 3 qvid ego eivs tibi l'ordre des mots ici doit être : quid ego tibi nunc eius faciem praedicem aut laudem, Antipho ? in hac commotus sum, cum me ipsum noris, quam elegans formarum spectator siem ; pour donner le sens : in hac commotus sum, ut ille solet, qui scit formas eligere ac fastidire pro merito (je suis bouleversé par elle comme l'est tout homme qui sait choisir une beauté et montrer une condescendance proportionnelle au mérite).

565
uirgo: quid ego412 eius tibi nunc faciem praedicem aut laudem, Antipho,
fille. A quoi bon te vanter son visage ou en faire l'éloge,Antiphon.

1 qvam elegans formarvm spectator siem spectator elegans est cunctantis et fastidiosi iudicii, <cui> non quid placet facile. 2 spectator probator, ut pecuniae spectatores dicuntur.
1 qvam elegans formarvm spectator siem un spectator elegans est un spectateur dont le jugement est long à venir et plein de condescendance, à qui rien ne plaît aisément. 2 spectator expert, comme on dit, pecuniae spectatores (experts en argent).

566
cum ipsum me noris quam elegans formarum spectator siem?
alors que tu me connais, combien je suis fin connaisseur en beauté.

1 in hac commotvs svm non est consequens: esset autem, si diceret in hac commotum me scias. erit ergo ordo ei sensus qui supra. 2 primam esse dices scio o fiduciam elegantiae, et de alienis oculis iudicare!
1 in hac commotvs svm ce n'est pas logique : cela le serait s'il disait in hac commotum me scia s. l'ordre sera donc celui indiqué plus haut. 2 primam esse dices scio quelle confiance dans le raffinement de son jugement, pour juger ainsi par les yeux d'autrui !

567
in hac commotus sum. An.-ain tu? Ch.-primam esse413 dices, scio, si uideris.
Elle m'a tout retourné. An.-Vraiment ? Ch.-C'est la championne, tu diras, je sais, quand tu l'auras vue.

1 qvid mvlta verba amare coepi ordine egit, nam prius est commoueri, inde amare. 2 Et bene non ante dicit, quid aggressus <sit>, nisi amoris mentione praelata, quo cogente nihil infectum est cupientibus.
1 qvid mvlta verba amare coepi il a fait les choses dans l'ordre, ce qui est premier c'est d'être bouleversé, ensuite on aime. 2 Et il fait bien de ne pas dire avant ce qu'il a entrepris, sans faire d'abord mention de l'amour, sous l'impulsion duquel pour ceux qui désirent il n'est rien qui ne s'accomplisse.

568
quid multa uerba? amare coepi. forte fortuna domi
Pourquoi dire plus ? Je suis tombé amoureux. Par un heureux hasard chez nous

1 svbmonvit me parmeno leuiter monuit. et recte, quia «  arripui 262 »dicturus est. 2 Et totum optime; nam ut non erat boni adulescentis hanc technam reperire, sic ab alio repertam fuit plane ueri amatoris arripere.
1 svbmonvit me parmeno il l'a averti discrètement. Et c'est correct parce qu'il va dire « arripui ». 2 Et l'ensemble est excellent ; de fait, comme ce n'était pas dans les moyens d'un bon jeune homme de trouver ce subterfuge (techne), de même une fois qu'un autre l'a trouvé, c'était vraiment dans l'esprit d'un homme véritablement amoureux que de s'en emparer.

569
erat quidam eunuchus quem mercatus fuerat frater Thaidi,
il y avait une espèce d'eunuque que mon frère avait eu acheté pour Thaïs

1 tacitvs citivs avdies morantem solemus corripere extra ordinem percontantes. 2 Et bene celeritatem promisit, qua facile tenetur auditor. 3 Et mire, tamquam sola interrogatio morae sit.
1 tacitvs citivs avdies nous avons coutume de blâmer quelqu'un qui nous retarde en posant des questions qui troublent l'ordre de nos propos. 2 Et c'est bien de promettre la rapidité, qui retient facilement l'esprit de l'auditeur. 3 Et c'est étonnant, comme si la seule interrogation était cause de retard.

570
neque is deductus etiamdum ad eam. submonuit me Parmeno
et on ne l'avait pas encore emmené chez elle. Parménon m'a suggéré

et pro illo ivbeam me illoc dvcier iubeam mirifice dixit tamquam in re honesta. sic et turpe factum plerumque perseuerante impudentia releuatur.
et pro illo ivbeam me illoc dvcier iubeam est dit de manière très étonnante comme pour une chose honnête. Ainsi aussi un acte honteux est la plupart du temps rendu plus bénin si l'on persévère dans l'impudence.

571
ibi seruus quod ego arripui. An.-quid id est? Ch.-tacitus citius audies:
là, l'esclave, un truc que j'ai saisi au vol. An.-C'est quoi ? Ch.-Tais-toi et tu le sauras plus vite :

qvid ex ea re tandem vt capias commodi transit a reprehensione facti ad causam facti.
qvid ex ea re tandem vt capias commodi il passe du reproche de son acte à la cause de son acte.

572
ut uestem cum illo mutem et pro illo iubeam me illoc ducier.
que j'échange mon vêtement avec lui et qu'à sa place je me fasse emmener là-bas.

nvm parva cavsa avt parva ratio est sic illata est interrogatio, quasi ad hanc adnuere et uultu consentire Antipho sit coactus.
nvm parva cavsa avt parva ratio est l'interrogation est faite comme si Antiphon était forcé de répondre oui à celle-ci et à consentir d'une expression de physionomie.

573
An.-pro eunuchon? Ch.-sic est. An.-quid ex ea re tandem ut capias414 commodi?
An.-A la place de l'eunuque ? Ch.-Oui, c'est ça. An.-C'est quoi, enfin, que tu pensais en retirer comme avantage ?

1 laeta vero ad se abdvcit domvm omnia mire: quod laeta, quod abducit, quod domum, quod commendat, quod uirginem. specta singula et mirare uirtutem poetae.
1 laeta vero ad se abdvcit domvm tout est étonnant : laeta, abducit, domum, commendat, uirginem. Regardez chaque mot et admirez la valeur du poète.

574
Ch.-rogas? uiderem audirem essem una quacum cupiebam, Antipho.
Ch.-Cette demande ! La voir, l'entendre, être avec celle avec qui je désirais être, Antiphon.

575
num parua causa aut parua415 ratio est? traditus sum mulieri.
C'est peut-être une petite raison ou un petit motif ? On me livre à la femme.

576
illa ilico ubi me accepit, laeta uero ad se abducit domum;
Elle aussitôt, dès qu'elle m'a reçu, toute joyeuse, elle m'emmène chez elle

577
commendat uirginem. An.-cui? tibine? Ch.-mihi. An.-satis tuto tamen?
et me recommande la jeune fille. An.-A qui ? à toi ? Ch.-A moi. An.-Avec assez de garanties ?

1 commendat v. virginem locus initium erroris continens apud Thaidem. 2 cvi tibine non interrogat sed miratur. 3 satis tvto tamen quid hic facit tamen? utrum hoc dicit: etsi meretrix, tamen satis tuto agit? an: etsi Chaereae, satis tuto tamen, quia nullus accedet alius?
1 commendat virginem passage contenant le début de l'erreur de Thaïs. 2 cvi tibine il ne pose pas de question, il s'étonne. 3 satis tvto tamen que fait ici tamen ? est-ce que cela dit : même s'il s'agit de la courtisane, cependant elle agit avec assez de sûreté ? ou alors : même si cela vise Chéréa, c'est assez sûr pourtant parce que personne d'autre ne viendra ?

578
Ch.-edicit ne uir quisquam ad eam adeat et mihi ne abscedam imperat;
Ch.-Elle ordonne de ne laisser approcher d'elle aucun homme, et me commande de ne pas la quitter

1 edicit ne vir qvisqvam iubemus uelut edicimus imperatoris sunt dicta39. 2 et mihi ne abscedam imperat certe ne ullus uir accedat.
1 edicit ne vir qvisqvam iubemus comme edicimus sont des paroles de général. 2 et mihi ne abscedam imperat du moins qu'aucun homme ne rentre.

579
in interiore parti ut maneam solus cum sola. adnuo
et dans l'appartement le plus reculé de rester seul avec elle seule. J'acquiesce,

vt maneam solvs remaneam perseueremque in loco ac per hoc sim miser, utpote dono datus et seruiens meretrici. et est ironia.
vt maneam solvs que je reste et demeure dans ce lieu et que par ce fait je sois malheureux, comme quelqu'un que l'on a donné en cadeau et qui est esclave d'une prostituée. Et c'est de l'ironie.

580
terram intuens modeste. An.-miser. Ch.-« ego » inquit « ad cenam hinc eo ».
en regardant par terre humblement. An.-Mon pauvre ! Ch.-« Moi, dit-elle, je sors pour dîner ».

ego inqvit ad cenam hinc eo μίμησις ad imprudentiam mulieris exprimendam, quae hoc dixerit secura de custode eunucho.
ego inqvit ad cenam hinc eo imitation (μίμησις) pour exprimer l'imprudence de la femme qui a dit cela en étant sûre de la garde que monte l'eunuque.

581
abducit secum ancillas: paucae quae circum illam essent manent
Elle emmène avec elle ses servantes ; seules quelques unes, pour l'entourer,restent,

1 abdvcit secvm ancillas memoriter, nam dixerat abiens «  uos me sequimini 263 ». 2 pavcae qvae circa illam essent relictae nonnullae, ut lauari possit ea uirgo, quae sub uitii huius occasione nuptura est. hoc enim totum sic inducit poeta, ut non abhorreat a legitimis nuptiis, in ea praesertim quae uxor futura est. 3 manent pro remanent: ἀφαίρεσις.
1 abdvcit secvm ancillas il se rappelle bien car elle avait dit en partant « uos me sequimini ». 2 pavcae qvae circa illam essent elle en laisse quelques-unes afin qu'elles puissent laver la jeune fille, qui va trouver un mari à la faveur de ce crime. Le poète introduit tout cela de manière à montrer qu'il n'a aucune répugnance à un mariage légitime, en particulier avec celle qui sera sa femme. 3 manent mis pour remanent  (demeurent) : aphérèse (ἀφαίρεσις).

582
nouiciae puellae. continuo haec adornant ut lauet.
des petites nouvelles. Aussitôt, elles se mettent à lui préparer un bain.

1 noviciae pvellae λύσις: nouiciae et puellae. 2 continvo haec adornant vt lavet haec pluraliter pro hae, ut in Phormione «  haecine erant itiones 264 ». adornant autem ex medio significatu pro apparant.
1 noviciae pvellae asyndète (λύσις) : nouiciae et puellae. 2 continvo haec adornant vt lavet haec au pluriel pour hae, comme dans le Phormion « haecine erant itiones ». adornant est pris au sens moyen pour apparant (elles se préparent).

583
adhortor properent. dum apparatur, uirgo in conclaui sedet
Je les invite à se dépêcher. Pendant qu'on prépare, la fille est assise dans sa chambre,

1 dvm apparatvr impersonaliter dixit. 2 Et dum apparatur pro dum apparetur et sedet pro sedebat. 3 virgo in conclavi sedet conclaue est separatior locus in interioribus tectis, uel quod intra eum multa loca clausa sint ut cubicula adhaerentia triclinio.
1 dvm apparatvr impersonnel. 2 Et dum apparatur avec l'indicatif est mis pour dum apparetur avec le subjonctif et sedet au présent pour sedebat à l'imparfait. 3 virgo in conclavi sedet on appelle conclaue un endroit retiré à l'intérieur d'une maison soit parce qu'il y a à l'intérieur beaucoup de lieux clos, comme des chambres jouxtant le triclinium.

584
respectans416 tabulam quandam pictam: ibi inerat pictura haec, Iouem
et regarde une certaine fresque peinte ; là il y avait une peinture : Jupiter

1 respectans tabvlam qvandam pictam bene accedit repente pictura ad hortamenta aggrediendae uirginis, ideo quia non ad hoc uenerat Chaerea, ut continuo uitiaret puellam, sed ut uideret, audiret essetque una, cum nihil amplius cogitare ausus fuerit, usque dum picturam cerneret. 2 iovem qvo pacto mira inuentio, qua haec pictura tribuitur domui meretricis aduersus omnium pudicitiam morum: contra parsimoniam autem, contra dignitatem, contra pudicitiam. 3 iovem qvo pacto danaae misisse aivnt bene aiunt, et quia fabula et quia tam turpis Ioui quam apta meretrici.
1 respectans tabvlam qvandam pictam il est bien de faire intervenir soudain une peinture pour encourager à agresser la jeune fille, parce que Chéréa n'était pas venu pour immédiatement déshonorer la jeune fille mais pour la voir, l'entendre et être avec elle, vu qu'il n'aurait rien osé imaginer de plus, jusqu'au moment où il a vu la peinture. 2 iovem qvo pacto étonnante invention, qui place cette peinture dans la maison de la courtisane contre toute pudeur : d'ailleurs contre son caractère modeste, contre la dignité, contre la pudeur. 3 iovem qvo pacto danaae misisse aivnt c'est bien de dire aiunt, à la fois parce qu'il s'agit d'un mythe et à la fois parce que ce mythe est aussi infâmant pour Jupiter qu'adapté à une courtisane.

585
quo pacto Danaae misisse aiunt quondam in gremium imbrem aureum.
comment dans le sein de Danaé,selon la légende, il envoya une pluie d'or.

1 qvo pacto danaae misisse aivnt qvondam quae aptior pictura domui meretricis ad amatorum illecebras quam haec, quae exemplum continet amoris et amoris puellae et amoris ad Iouem pertinentis et amoris non gratuiti nec paruo propositi, sed auro in gremium fluente uenalis? tum quod in gremium Danaae ipse ut splendidus imber illabitur, nonne uidetur meretrix docere adulescentulos illam corporis partem auctore Ioue uelut inauratam fuisse? 2 imbrem avrevm non rorem uel pluuiam sed imbrem addiderat: ? auaritiam meretricis!
1 qvo pacto danaae misisse aivnt qvondam quelle peinture peut-être mieux adaptée à la maison d'un courtisane en vue de séduire ses amants que celle-ci qui contient un exemple d'amour, d'amour envers une jeune fille, d'amour se rapportant à Jupiter, et d'amour non pas gratuit, ni offert à vil prix, mais acheté au prix de l'or qui coule dans son sein ? Quant au fait que le dieu lui-même coule dans le sein de Danaé en pluie rutilante, n'est-ce pas que la courtisane paraît ainsi enseigner aux petits jeunes gens quelle partie du corps a été comme recouverte d'or à l'instigation de Jupiter ? 2 imbrem avrevm il n' ajoute pas ros (rosée) ou pluuia (pluie), mais averse : cupidité de courtisane !

586
egomet quoque id spectare coepi, et quia consimilem luserat
Moi aussi, j'ai commencé à regarder ; et comme c'est un jeu exactement pareil

1 egomet qvoqve id spectare coepi moris est ad id oculos uertere, quod uidemus eum quem aspicimus intueri. 2 lvserat iam olim ille <lvdvm> ut «  hunc, oro, sine me furere ante furorem 265 »: figura ἀρχαϊσμός.
1 egomet qvoqve id spectare coepi c'est habituel de tourner les yeux vers ce que nous voyons que regarde celui que nous voyons regarder. 2 lvserat iam olim ille lvdvm comme « hunc, oro, sine me furere ante furorem » (je te prie de me laisser d'abord me livrer à ce furieux délire) : c'est la figure d'archaïsme (ἀρχαϊσμός).

587
iam olim ille ludum, impendio magis animus gaudebat mihi,
que ce dieu avait joué autrefois, c'est beaucoup plus que mon cœur en jouissait :

1 iam olim ille lvdvm bene non scelus sed ludum dixit. 2 impendio id est magis magisque.
1 iam olim ille lvdvm bien dit: non pas scelus (crime), mais ludus. 2 impendio c'est-à-dire de plus en plus.

588
deum se417 in hominem conuertisse atque in alienas tegulas
un dieu s'était changé en homme et sous un toit étranger

1 devm se in hominem convertisse φιλοσοφικῶς Terentius demonstrauit, quam cladem moribus hominum et ciuitatibus afferant figmenta poetarum, cum exempla scelerum afferant peccaturis. 2 atqve in alienas tegvlas hic apparet separatim Iouem, separatim auri fuisse picturam. 3 devm se in hominem convertisse utrum quia Iuppiter humana forma aurum infundens pictus erat in tabula, non pro Ioue aurum? an in hominem, id est in hominis audaciam atque flagitia? 4 atqve in alienas tegvlas Acrisii scilicet. 5 Et tegvlas tectum. 6 Et satis comico charactere locutus est et presso stilo.
1 devm se in hominem convertisse Térence, en philosophe (φιλοσοφικῶς), montre clairement quel désastre causent aux mœurs des gens et aux cités les inventions des poètes, en apportant des exemples de crimes à ceux qui vont en commettre. 2 atqve in alienas tegvlas ici il est clair que Jupiter et la peinture de l'or constituent deux éléments distincts du tableau. 3 devm se in hominem convertisse est-ce parce que Jupiter était peint sur le tableau sous forme humaine en train de verser l'or, et non simplement l'or à la place de Jupiter ? ou bien in hominem a-t-il le sens de in hominis audaciam atque flagitia (en vue de provoquer l'audace de l'homme et son déshonneur) ? 4 atqve in alienas tegvlas chez Acrisius évidemment. 5 Et tegvlas toit. 6 Et il parle en assez grande conformité avec son caractère de personnage de comédie, et dans un style dense.

589
uenisse clanculum per impluuium fucum factum mulieri.
était venu en douce en passant par l'impluvium pour jeter de la poudre aux yeux d'une femme.

1 venisse clancvlvm per implvvivm haec omnia non ut difficilia factu, sed ut humilia et Ioue indigna proferuntur, ut merito sequatur «  ego homuncio hoc non facerem? 266 », quod non solum non Ioui, sed ne homini quidem nisi furi aptum erat. 2 fvcvm factvm id est ut fucum faceret, hoc est insidias et fraudem. 3 fvcvm offuciam, fraudem. 4 Et mvlieri pro feminae.
1 venisse clancvlvm per implvvivm tout cela n'est pas présenté comme difficile à faire, mais comme humiliant et indigne de Jupiter, en sorte que c'est à bon droit qu'on voit après « ego homuncio hoc non facerem ? », parce que non seulement cela ne convient pas à Jupiter, mais cela ne convient pas même à un homme à moins qu'il ne soit un voleur. 2 fvcvm factvm équivaut à ut fucum faceret (pour faire du vilain), c'est-à-dire un piège et une fourberie. 3 fvcvm vilain tour, fourberie. 4 Et mvlieri mis pour feminae (une femme).

590
at quem deum! « qui templa caeli summa sonitu concutit ».
Et quel dieu ! celui "qui la voûte du ciel de son tonnerre ébranle" !

1 qvi templa caeli svmma sonitv concvtit ab auctoritate personae, ut fit in exemplis. 2 sonitv concvtit parodia de Ennio. 3 templa caeli svmma tragice, sed de industria, non errore.
1 qvi templa caeli svmma sonitv concvtit argument tiré de l'autorité du personnage, comme de coutume dans les exemples. 2 sonitv concvtit parodie d'Ennius. 3 templa caeli svmma tonalité tragique, mais faite exprès et non par erreur.

591
ego homuncio hoc non facerem? ego illud uero ita feci... ac libens.
Et moi, homoncule, cela, je ne le ferais pas ! Eh bien si, je l'ai fait ! Et j'y ai pris du plaisir.

ego homvncio hoc non facerem oratorie ut Iouem extulit, ita detraxit sibi: ille est deus et magnus, ego non homo sed homuncio.
ego homvncio hoc non facerem de manière oratoire, tandis qu'il exalte Jupiter, il se rabaisse lui-même : lui est un grand dieu, moi je ne suis même pas un homme, mais un homuncule.

592
dum haec mecum reputo, accersitur lauatum interea uirgo:
Pendant que je me dis cela, entretemps on vient chercher la fille pour la laver.

1 dvm haec mecvm repvto accersitvr lavatvm interea virgo seruauit ordinem nuptiarum. et proprio uerbo quasi de nuptura dixit accersitur, ut alibi «  quam mox uirginem accersant 267 »; nam ipse illam est habiturus uxorem. 2 dvm haec mecvm repvto hic ostendit non sibi haec primum nunc in mentem uenisse, sed tunc etiam cogitata, cum esset in meretricis domo.
1 dvm haec mecvm repvto accersitvr lavatvm interea virgo il a conservé l'ordre suivi dans les mariages. Et il utilise le mot propre comme s'il parlait d'une mariée en disant accersitur, comme ailleurs « quam mox uirginem accersant » ; de fait, il l'aura lui-même comme épouse. 2 dvm haec mecvm repvto ici il montre que cela ne lui est pas venu à l'idée pour la première fois à ce moment-là, mais qu'il y avait même déjà pensé quand il était dans la maison de la courtisane.

593
it418 lauit rediit; deinde eam in lectum419conlocarunt420.
Elle y va, elle se lave, elle revient ; puis elles la mettent au lit.

1 it lavit rediit συντομία, qua solet, ut «  imus, uenimus, <uidemus> 268 ». 2 deinde eam in lectvm collocarvnt uide an aliquid desit a legitimis nuptiis; nam et ipsum uerbum collocarunt proprium est et ascribitur pronubis.
1 it lavit rediit concision (συντομία) habituelle chez lui, comme « imus, uenimus, uidemus ». 2 deinde eam in lectvm collocarvnt voyez s'il manque quelque chose pour avoir un mariage légitime ; de fait, le mot même collocarunt est utilisé au sens propre et s'emploie pour les femmes du cortège de la mariée (pronubae).

594
sto exspectans siquid mihi421 imperent. uenit una, « heus tu » inquit « Dore,
Je reste là debout, attendant leurs ordres. Il y en a une qui arrive : « Tiens, Dorus », dit-elle,

1 sto exspectans si qvid mihi imperent ἐνάργεια: non enim dixit stabam. 2 exspectans desiderans. 3 Et mire omne tempus exsecutus est salua ueritate, in qua Vergilius neglegens inuenitur, cum post occisum Mezentium non facta noctis mentione statim intulit «  Oceanum interea surgens Aurora reliquit 269 ».
1 sto exspectans si qvid mihi imperent hypotypose (ἐνάργεια) : en effet, il n'utilise pas l'imparfait stabam. 2 exspectans mis pour desiderans (espérant). 3 Et il est admirable de voir qu'il a suivi tout le déroulement chronologique en conservant le vraisemblable, là où l'on prend Virgile en flagrant délit de négligence, quand sitôt après que Mézence est tué il ajoute sans avoir fait mention d'une nuit « Oceanum interea surgens Aurora reliquit » (alors en surgissant l'Aurore abandonna l'Océan).

595
cape hoc flabellum, uentulum huic sic facito, dum lauamur;
« prends cet éventail et fais-lui un peu de vent comme cela, pendant que nous nous lavons ;

1 cape hoc flabellvm ventvlvm praeclare non sensum sed uerba ipsa per μίμησιν induxit, per quam error puellaris exprimitur. 2 ventvlvm hvic sic facito dvm lavamvr demonstratiuum et gestu explicandum. 3 cape hoc flabellvm quam particulatim, cum qua diligentia et δεικτικῶς iubet quasi nouicio et imperito!
1 cape hoc flabellvm ventvlvm de manière très claire il n'a pas rapporté seulement le sens, mais par souci d'imitation (μίμησις) les paroles mêmes qui expriment l'erreur de la jeune fille. 2 ventvlvm hvic sic facito dvm lavamvr démonstratif qu'il faut aussi expliquer d'un geste. 3 cape hoc flabellvm avec quelle minutie, quel soin et quel souci de montrer (δεικτικῶς) elle donne cet ordre comme à un serviteur novice et sans expérience !

596
ubi nos lauerimus, si uoles, lauato ». accipio tristis.
quand nous nous serons lavées, lave-toi si tu veux ». J'accepte la mine contrite.

1 vbi nos laverimvs si voles lavato uide usum uerbi tam cito uariatum: «  dum lauamur 270 » et ubi nos lauerimus. 2 accipio tristis id est tristi similis, ut «  namque ut conspectu in medio turbatus i. inermis c. constitit 271 ». 3 si voles lavato quasi satisfacientis est, cum illum solum relinquant cum uirgine. 4 accipio tristis bene tristis, tamquam aliud magis uellet, hoc est lauare aut ludere; metuit enim, ne quod cupit, prodatur gaudio.
1 vbi nos laverimvs si voles lavato voyez la grande rapidité dans la variation de l'emploi du mot : « dum lauamur » et ubi nos lauerimus. 2 accipio tristis c'est-à-dire en feignant la tristesse, comme « namque ut conspectu in medio turbatus inermis constitit » (dès qu il fut au centre des regards, bouleversé, sans armes, il s'arrêta). 3 si voles lavato c'est presque le mot de quelqu'un qui cherche une justification puisqu'elles le laissent seul avec la jeune fille. 4 accipio tristis tristis est bien, comme s'il eût préféré autre chose, c'est-à-dire se laver ou jouer ; il craint en effet que ce qu'il désire ne soit trahi par sa joie.

597
An.-tum422 istuc os tuum impudens uidere423 uellem,
An.-Alors là, ta tête de mal embouché , j'aurais bien voulu la voir

tvm istvc os tvvm impvdens videre vellem licet iocanti et amico conuitium iucunde facere.
tvm istvc os tvvm impvdens videre vellem il est permis quand on plaisante et qu'on est un ami de dire des injures sans conséquence.

598
qui esset status, flabellum424 tenere te asinum tantum.
et l'allure que tu devais avoir : avec un éventail, une grosse bourrique comme toi !

1 qvi esset statvs statura corpori ascribitur, status ad habitum refertur. 2 Ergo status est schema, statura longitudo corporis. 3 flabellvm tenere te asinvm tantvm quia hoc ministerium delicatorum seruorum est.
1 qvi esset statvs le mot statura se rapporte au corps, status à la tenue. 2 Donc status est l'attitude, statura la taille du corps. 3 flabellvm tenere te asinvm tantvm parce que c'est le service des esclaves les plus délicats.

599
Ch.-uix elocuta est hoc, foras simul omnes proruunt se,
Ch.-A peine a-t-elle parlé, elles se précipitent toutes dehors ;

omnes prorvvnt se uerbo neutrali quasi actiuo usus est.
omnes prorvvnt se il se sert d'un intransitif comme s'il était actif.

600
abeunt lauatum, perstrepunt, ita ut fit domini ubi absunt.
elles vont se laver et font du chahut, comme il arrive, quand les maîtres ne sont pas là.

domini vbi absvnt ubi et loci et temporis potest esse.
domini vbi absvnt ubi peut porter sur le lieu et sur le temps.

601
interea somnus uirginem occupat425. ego limis specto
Entretemps le sommeil s'empare de la fille, je la regarde du coin de l'oeil,

1 interea somnvs virginem occvpat utpote compressam somno et oblectatam flabello atque ab eunucho nihil metuentem. 2 ego limis specto limis si nominatiuus est singularis, transuersus significat, si septimus pluralis, deest oculis. 3 Nam limis est transuersus, unde limen quoque dicitur, quod ingredientibus exeuntibusque transuersum est. cum igitur dissimulant se homines uidere quod uident et non recta facie sed transuersa intuentur, limes dicuntur aspicere. 4 limis specto cum limi dicantur obliqui generaliter, hoc tamen proprie de oculis dicitur.
1 interea somnvs virginem occvpat vu qu'elle est accablée de sommeil et charmée par l'éventail et qu'elle ne craint rien de l'eunuque. 2 ego limis specto si limis est un nominatif singulier, il veut dire oblique, si c'est un ablatif pluriel il manque oculis. 3 De fait limis signifie oblique, d'où on tire le mot limen (seuil), parce que ceux qui entrent et qui sortent le traversent obliquement. Donc quand des gens cachent qu'ils voient ce qu'ils voient et regardent non de face mais de manière oblique on dit qu'ils regardent limes. 4 limis specto puisque l'on utilise limis pour tout ce qui est oblique, le mot s'emploie ici au sens propre pour les yeux.

602
sic per flabellum clanculum; simul alia circumspecto,
comme cela, à travers l'éventail, en douce. En même temps, je regarde autour de moi

sic per flabellvm clancvlvm sic δεικτικόν est et necessario additum, nam limis et per flabellum sine demonstratione parum intellegitur.
sic per flabellvm clancvlvm sic est un déictique (δεικτικόν) et c'est un ajout indispensable, de fait limis et per flabellum sans explication ne sont pas clairs du tout.

603
satin explorata sint. uideo esse. pessulum ostio obdo.
si la voie est libre. Je vois qu'elle l'est. Je mets le verrou à la porte.

pessvlvm ostio obdo scilicet ut amoueret arceretque auxilium uirginis.
pessvlvm ostio obdo évidemment pour détourner et empêcher tout secours à la jeune fille.

604
An.-quid tum? Ch.-quid « quid tum », fatue? An.-fateor. Ch.-an ego occasionem
An.-Et alors ? Ch.-Quoi "Et alors ?", imbécile. An.-J'en conviens. Ch.-Moi, une occasion

1 qvid tvm fatve quid enim praeter uitium superest, ubi amator est adulescens et uirgo dormiens et in clauso? 2 Grate explicata narratio est, quam audientis curiositas finit et cuius in extrema parte maior attentio est. 3 fateor me fatuum, qui hoc quaesiuerim subauditur. 4 an ego occasionem uide quanta dixerit: non uoluntatem sed occasionem, non animaduersam sed ostentatam, non hanc sed tantam, non angustam sed breuem, non appetitam sed exoptatam, non repentinam sed insperatam. 5 Et bene insperatam: aliud enim sibi promiserat, ut supra diximus, non quod pictura occasioque persuasit.
1 qvid tvm fatve que reste-t-il à faire sinon quelque chose de vicieux quand il y a un jeune homme amoureux et une jeune fille qui dort et que la porte est fermée à clé ? 2 La narration se finit de manière agréable : elle met un terme à la curiosité de l'auditeur et c'est sur la fin que se porte sa plus grande attention. 3 fateor sous-entendre me fatuum, qui hoc quaesiuerim (que je suis un nigaud pour avoir posé cette question). 4 an ego occasionem voyez l'importance de chaque mot : non pas uoluntatem (volonté), mais occasionem, non pas animaduersam (comprise), mais ostentatam, non pas hanc (celle-ci), mais tantam, non pas angustam (étroite), mais breuem, non pas appetitam (souhaitée), mais exoptatam, non pas repentinam (soudaine), mais insperatam. 5 Et insperatam est bien : il s'était promis autre chose, comme nous l'avons dit, et non l'idée qui lui est venue de la peinture et de l'occasion.

605
mi ostentam, tantam, tam breuem, tam optatam, tam insperatam
qui s'offrait à moi, si belle, si rapide, si désirée, si inattendue,

606
amitterem? tum pol ego is essem uero qui simulabar.
la laisser échapper ! Alors ça, nom d'un chien, j'aurais été vraiment celui pour qui je me faisais passer.

tvm pol ego <is> essem eunuchus scilicet.
tvm pol ego is essem eunuque évidemment.

607
An.-sane hercle ut dicis. sed interim de symbolis quid actum est?
An.-Ah oui, ma foi, tu l'as dit. Mais pendant ce temps-là qu'est devenu notre barbecue ?

1 sane hercle vt dicis deest ita est. 2 sed interim de symbolis qvid actvm est bene memor est personae quam induxit poeta per hanc interrogationem. 3 sed interim de symbolis παροιμιῶδες ∙ ἀλλὰ περὶ τοῦ χοιριδίου.
1 sane hercle vt dicis il manque ita est (c'est ainsi). 2 sed interim de symbolis qvid actvm est bien : il n'a pas oublié le personnage que le poète a introduit par cette question. 3 sed interim de symbolis quasi proverbial, mais sens obscène (παροιμιῶδες∙ ἀλλὰ περὶ τοῦ χοιριδίου).

608
Ch.-paratum est. An.-frugi es: ubi? domin? Ch.-immo apud libertum Discum.
Ch.-Il est prêt. An.-Tu es un bon gars. C'est où ? Chez toi ? Ch.-Non, c'est chez l'affranchi Discus.

1 frvgi es utilis et necessarius, ut fruges humano generi. 2 frugi est ergo, in quo est aliquid quo fruamur, id est utamur. 3 discvm Discum nomen est proprium.
1 frvgi es utile et nécessaire, comme les récoltes pour le genre humain. 2 frugi est donc ce dont nous pouvons frui (jouir), c'est-à-dire nous servir. 3 discvm Discus est un nom propre.

609
An.-perlonge est, sed tanto ocius properemus: muta uestem.
An.-C'est bien loin. Faisons d'autant plus vite. Change de costume.

1 sed tanto ocivs properemvs properemus dixit pro ambulemus. 2 mvta vestem haec οἰκονομία <est> ad id, quod in domum Thaidis rediturus est Chaerea.
1 sed tanto ocivs properemvs properemus est mis pour ambulemus (marchons). 2 mvta veste c'est une préparation (οἰκονομία) pour le retour de Chéréa dans la maison de Thaïs.

610
Ch.-ubi mutem? perii; nam domo exulo nunc: metuo fratrem
Ch.-Où me changer ? Je suis mort, car à la maison je suis interdit de séjour. J'ai peur de mon frère

1 vbi mvtem perii uultu ostendit quod subauditur nescio. 2 nam domo exvlo deest prope aut ueluti , ut sit: prope iam exulo. 3 exvlo duobus modis dicitur: et de loco in quo exul est et de loco ex quo eiectus est. 4 metvo fratrem ne intvs sit causas ostendit, cur domo penitus ueluti exulet.
1 vbi mvtem perii par une mimique il montre qu'il sous-entend nescio (je ne sais pas). 2 nam domo exvlo il manque prope ou ueluti (comme), pour avoir : prope iam exulo (presque déjà en exil). 3 exvlo s'emploie de deux manières : pour le lieu dans lequel on est en exil, et pour le lieu d'où on a été chassé. 4 metvo fratrem ne intvs sit il montre les raisons pour lesquelles il est pour ainsi dire exilé de sa maison.

611
ne intus sit; porro autem pater ne rure redierit iam.
des fois qu'il y serait, ou alors de mon père des fois qu'il soit déjà revenu de la campagne.

pater ne rvre redierit praeparatur iam interuentus senis. et est ζεῦγμα ad superiora, nam et hic metuo subaudiendum est.
pater ne rvre redierit on prépare déjà l'intervention du vieillard. Et c'est un zeugme (ζεῦγμα) par rapport à ce qui précède, de fait ici aussi, il faut sous-entendre metuo.

612
An.-eamus ad me, ibi proximum est ubi mutes. Ch.-recte dicis.
An.-Allons chez moi : c'est le plus près où tu puisses te changer. Ch.-Tu as raison !

1 ibi proximvm est vbi mvtes hoc est: domus mea. 2 recte dicis eamvs ipsa uerba quodammodo festinationem sonant.
1 ibi proximvm est vbi mvtes c'est-à-dire : ma maison. 2 recte dicis eamvs les mots eux-mêmes expriment d'une certaine manière la hâte.

613
eamus; et de istac simul, quo pacto porro possim
Allons-y ; et pour la fille, en même temps, par que biais par la suite je pourrai

qvo pacto porro porro postea, deinceps.
qvo pacto porr porro équivaut à postea (ensuite), deinceps (sitôt après).

614
potiri, consilium uolo capere una tecum. An.-fiat.
la posséder, je veux en discuter avec toi. An.-D'accord.

Actus quartus

scaena prima

Dorias

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615
Do.-Ita me di bene426 ament, quantum ego illum uidi, non nil timeo misera,
Do.-Bonté divine, pour ce que j'ai vu, j'ai bien peur, malheureuse,

1 ita me di ament qvantvm ego illvm vidi ea persona quaesita est, quae terribilem credat militem, ut eo magis in experiundo uanus ac ridiculus esse possit. 2 ita me di bene ament hoc loco post scaenam quid gestum sit, hoc est in conuiuio militis, ancilla demonstrat, ut iam quae in proscaenio gerantur, ex his possimus agnoscere.
1 ita me di ament qvantvm ego illvm vidi ce qu'il faut, c'est un personnage qui croie que le soldat est terrifiant de façon à ce qu'à l'usage il se montre d'autant plus vain et ridicule. 2 ita me di bene ament dans cette tirade, ce qui s'est déroulé hors scène, à savoir lors du repas du soldat, est révélé par la servante, en sorte que nous puissions à partir de là comprendre ce qui se joue à l'avant-scène.

616
nequam ille hodie insanus turbam faciat aut uim Thaidi.
que ce dingue aujourd'hui ne fasse un esclandre ou du vilain à Thaïs.

neqvam ille hodie < i. insanvs > illum et ille insanus sic affertur, ut omnibus insuauis miles esse noscatur.
neqvam ille hodie insanvs illum (cet homme) et ille insanus sont des expressions qui servent à faire savoir que tout le monde trouve le soldat désagréable.

617
nam postquam iste aduenit Chremes adulescens, frater uirginis,
Car quand arrive ce jeune Chrémès, le frère de la fille,

nam postqvam iste advenit instanter admonet, qui sit Chremes.
nam postqvam iste advenit elle indique aussitôt l'identité de Chrémès.

618
militem rogat ut illum admitti iubeat: ille continuo irasci,
elle demande au soldat qu'il le fasse entrer. Lui aussitôt se met en colère,

1 militem rogat et hic quasi de odioso militem dixit, non Thrasonem. 2 continvo irasci ut riuali.
1 militem rogat et là, comme elle le ferait pour un fâcheux, elle l'appelle le soldat et non Thrason253. 2 continvo irasci comme à l'égard d'un rival.

619
neque negare audere;Thais porro instare ut hominem inuitet.
sans oser dire non ; Thaïs continue à insister pour qu'il invite le type.

1 neqve negare avdere ut amicae poscenti. 2 instare vt hominem invitet uide impudentiam meretricis: primum petit, ut eum iubeat admitti, post ut inuitet, quod est maius.
1 neqve negare avdere comme à l'égard d'une maîtresse qui réclame quelque chose. 2 instare vt hominem invitet remarquez l'effronterie de la courtisane : d'abord elle lui demande de l'autoriser à le recevoir, ensuite de l'inviter à manger, ce qui est davantage.

620
id faciebat retinendi illius causa, quia illa quae cupiebat
Elle faisait cela pour le retenir, parce que, ce qu'elle voulait,

id faciebat retinendi illivs cavsa admonet spectatorem, ne existimet altero riuali iniuriam fieri Phaedriae. et simul hic προπαρασκευή est uirginis agnoscendae.
id faciebat retinendi illivs cavsa elle indique au spectateur qu'il ne doit pas croire qu'on porte un mauvais coup à l'autre rival, Phédria. Et en même temps c'est une scène qui sert de préparation (προπαρασκευή) à la reconnaissance de la jeune fille.

621
de sorore eius indicare ad eam rem tempus non erat.
lui donner des renseignements sur sa sœur, elle n'en avait pas le temps.

622
inuitat tristis: mansit. ibi cum illa427 sermonem occipit428 ilico;
Il l'invite en faisant la tête. Il est resté et là, avec elle, il commence à discuter aussitôt.

1 invitat tristis mansit ibi cvm illa adulescens scilicet. 2 Et mansit pro remoratus est, id est accubuit nec recessit. <nam id> mansit significat. 3 Si miles, mansit passus est; si Chremes, mansit immoratus est conuiua; nec enim statim discessisse accipiendus est. 4 tristis inuitus, non libenter, ut e contrario Vergilius «  uobis laetus e. ego h. hoc c. candentem i. in l. litore t. taurum c. constitutam a. ante a. aras u. uoti reus 272 » et «  accipio tristis 273 » eodem modo. 5 sermonem occipit sermonem colloquium dicit.
1 invitat tristis mansit ibi cvm illa le jeune homme, évidemment. 2 Et mansit est mis pour remoratus est (il s'est installé), c'est-à-dire qu'il s'est mis à table et n'est pas reparti. Car tel est le sens de mansit . 3 Si c'est le soldat le sujet, mansit signifie passus est (il a supporté) ; si c'est Chrémès, mansit signifie immoratus est (il s'est attardé), en qualité de convive ; car il est exclu qu'on comprenne qu'il est parti tout de suite254. 4 tristis malgré lui, à contrecœur, comme on a, au contraire, chez Virgile « uobis laetus ego hoc candentem in litore taurum constituam ante aras uoti reus » (moi je vous consacrerai joyeux sur ce rivage un taureau blanc devant vos autels, comme m'y contraint un vœu) et dans le même registre « accipio tristis ». 5 sermonem occipit par sermo elle veut dire colloquium (conversation255).

623
miles uero putare ante oculos sibi adductum aemulum429;
Mais le soldat s'imagine que sous ses yeux on lui a amené un rival,

1 miles vero pvtare ante ocvlos sibi addvctvm aemvlvm plus dixit adductum quam admissum. 2 Et simul quia uidebat furibundum Chremetem, totum crimen reuocat ad Thaidem. 3 Et haec est causa, cur a milite in eius domo nullam rixam patiatur Chremes.
1 miles vero pvtare ante ocvlos sibi addvctvm aemvlvm en disant adductus elle dit plus qu'avec admissus 256 (admis). 2 Et en même temps, comme il voyait Chrémès furieux, il rejette toute la faute sur Thaïs. 3 Et c'est pourquoi Chrémès ne tolère aucune dispute de la part du soldat dans sa maison.

624
uoluit facere contra huic aegre: « heus » inquit « puer, accerse
il a voulu pour répliquer être désagréable avec elle : « Holà ! petit, s'écrie-t-il, va chercher

1 volvit facere contra hvic aegre huic Thaidi, non adducto. 2 hevs inqvit pver hic ostenditur, quod supra est apparatum. 3 accerse pamphilam non prouoca sed accerse, quia non est aptum militi.
1 volvit facere contra hvic aegre huic se rapporte à Thaidi et non à adducto (Chrémès). 2 hevs inqvit pver ici est montré le jeu de scène qui a été préparé plus haut. 3 accerse pamphilam il ne dit pas prouoca (convoque) mais accerse, parce que ce n'est pas approprié257 au discours d'un soldat.

625
Pamphilam430 ut delectet hic nos ». illa exclamat431 « minime gentium:
Pamphila, pour qu'elle nous divertisse ici ». Elle pousse un cri : « Pas le moins du monde !

1 vt delectet hic nos quasi dicat quod haec non facit. 2 Sed delectare fidicinae est, quia supra de illa dixerat «  et fidibus scire 274 ». 3 Et bene hic, quasi: <ubi> insuauiter nunc tractamur. 4 illa exclamat non respondet inquit, sed exclamat. 5 minime gentivm hoc magis mirum minime gentium, quam nusquam gentium.
1 vt delectet hic nos comme s'il disait et ce n'est pas le cas de celle-ci. 2 Mais c'est le propre d'une joueuse de lyre que de charmer, parce que ci-dessus Thaïs disait d'elle « et fidibus scire ». 3 Et il dit bien hic, comme s'il disait là où nous nous ennuyons pour le moment. 4 illa exclamat elle ne dit pas respondet (elle répond), mais exclamat. 5 minime gentivm l'expression minime gentium surprend davantage que nusquam gentium (nulle part au monde258).

626
in conuiuium illam? » miles tendere: inde ad iurgium.
Elle, dans un banquet ? ». Le soldat insiste, et hop, une scène !

1 in convivivm illam ἐμφατικῶς, ut «  cantando tu illum? 275 ». 2 illam deest accersis. et est figura ἀποσιώπησις. 3 miles tendere proprie dixit tendere, quod significat pertinacem contentionem. Vergilius «  uasto certamine tendunt 276 ». 4 inde ad ivrgivm subauditur uentum est.
1 in convivivm illam emphatique (ἐμφατικῶς) comme « cantando tu illum ? » (en chantant, toi vaincre ce grand poète ?). 2 illam il manque accersis (tu la fais venir) et c'est la figure de l'aposiopèse (ἀποσιώπησις). 3 miles tendere elle dit tendere au sens propre, qui indique un effort opiniâtre. Virgile dit « uasto certamine tendunt » (ils s'obstinent en un vaste combat). 4 inde ad ivrgivm sous-entendu uentum est (on en vint).

627
interea aurum sibi clam mulier demit, dat mi ut auferam.
Entretemps, la dame retire ses objets de valeur en douce et me les donne pour que je les emporte.

1 interea avrvm sibi clam mvlier demit ne aurum pro uirgine, quod retinebat, amitteret. 2 avrvm demit ut esset ad fugam expeditior uel ad rixam. 3 Opportune mulierem dixit, non Thaidem, ut ostenderet malitiam sexus.
1 interea avrvm sibi clam mvlier demit pour ne pas perdre l'or qu'elle gardait pour racheter la jeune fille. 2 Ou avrvm demit pour être plus légère pour fuir ou se battre. 3 Elle dit justement la femme et non Thaïs, pour montrer qu'il s'agit d'une malice toute féminine.

628
hoc est signi: ubi primum poterit, se illinc subducet scio.
C'est signe : dès qu'elle pourra, elle s'éclipsera de là-bas : je le sais.

1 hoc est signi vbi primvm poterit ad quam rem signi? utrum: hoc est signi, quam ob rem metuam, ne quam ille hodie insanus turbam faciat aut uim Thaidi ? an: hoc est signi, unde scio quod ubi primum poterit, illinc <se> subducet? 2 Erit igitur subaudiendum hic unde et quod, ut sit: unde scio quod ubi primum poterit.
1 hoc est signi vbi primvm poterit à quoi se rapporte signi ? est-ce c'est l'indice de ma crainte que ce dingue ne fasse aujourd'hui du raffut ou du mal à Thaïs ? ou bien c'est l'indice par lequel je sais que, dès qu'elle le pourra, elle se volatilisera de là ? 2 Dans ce cas il faudra sous-entendre unde (par lequel) et quod (que), pour avoir par lequel je sais que, dès qu'elle le pourra…

scaena altera

Phaedria

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629
Ph.-Dum rus eo, coepi egomet mecum inter uias,
Ph.-En me rendant à la campagne, je me suis mis en moi-même, chemin faisant,

1 dvm rvs eo coepi egomet hic nunc causa narratur, cur statim in urbem redeat Phaedria, qui discesserat abfuturus biduum ob tollendum iurgium militis, sed importune redit. 2 dvm rvs eo coepi egomet iam tempus est reuocandi in scaenam Phaedriam, postquam acta sunt omnia, quae illius absentiam desiderabant. 3 coepi egomet mecvm ordo: coepi aliam rem ex alia cogitare. 4 inter vias figurate et noue inter uias.
1 dvm rvs eo coepi egomet dans cette scène est maintenant raconté pourquoi Phédria revient si vite en ville alors qu'il était parti pour s'absenter deux jours et dans le but d'éviter une querelle avec le soldat ; mais il revient au mauvais moment..259 2 dvm rvs eo coepi egomet c'est le moment de faire revenir Phédria sur scène maintenant qu'a été fait tout ce qui réclamait son absence. 3 coepi egomet mecvm ordre des mots : coepi aliam rem ex alia cogitare. 4 inter via sens figuré et inédit du tour inter uias (en chemin).

630
ita ut fit ubi quid in animo est molestiae,
comme d'habitude quand, dans le cœur on a du chagrin,

631
aliam rem ex alia cogitare et ea omnia in
à penser à une chose et une autre, et toujours dans

et ea omnia in peiorem partem utrum subauditur cogitare an ibant uergebant ut quid tale?
et ea omnia in peiorem partem faut-il sous-entendre cogitare (penser au pire) ou ibant, uergebant (mes pensées penchaient vers le pire) ou quelque chose de ce genre ?

632
peiorem partem. quid opus est uerbis? dum haec puto,
le sens du pire. Bref sans en dire plus, en pensant à ça,

1 dvm haec pvto id est aestimo, ut «  multa putans sortemque animi miseratus iniquam 277 ». 2 An ἀφαίρεσις pro reputo? putamus enim instantia, reputamus praeterita.
1 dvm haec pvto c'est-à-dire aestimo (j'estime), comme « multa putans sortemque animi miseratus iniquam » (soupesant beaucoup d'éléments et prenant en pitié dans son coeur son sort injuste) 2 Ou est-ce une aphérèse (ἀφαίρεσις) pour reputo ? En effet, nous pensons (puto) au présent, nous repensons260 (reputo) au passé.

633
praeterii inprudens uillam. longe iam abieram
j'ai dépassé sans m'en rendre compte notre maison de campagne. J'étais déjà loin,

634
cum sensi: redeo rursum, male me uero habens.
quand je m'en suis aperçu. Je reviens sur mes pas, en m'insultant moi-même.

635
ubi ad ipsum ueni diuerticulum, constiti:
Quand je suis arrivé juste au petit chemin, je me suis arrêté

1 vbi ad ipsvm veni diverticvlvm diuerticulum est, ubi iter de uia flectitur. 2 Et proprie, quia diuerticula dicuntur in uia domicilia, ad quae de itinere diuertendum sit. 3 constiti plus est nunc scientem restitisse quam praeteriisse nescientem.
1 vbi ad ipsvm veni diverticvlvm diuerticulum désigne l'endroit où le chemin se détourne de la route. 2 Et c'est au sens propre, parce qu'on appelle diverticula des habitations qui sont sur la route mais qu'il faut rejoindre en se détournant du chemin. 3 constiti c'est davantage de s'être arrêté en connaissance de cause que d'avoir passé son chemin sans le savoir.

636
occepi mecum cogitare « hem biduum hic
et j'ai commencé à me dire en moi-mêmer : « Holà ! pendant deux jours, ici,

hem bidvvm h. hic m. manendvm e. est < hem > interiectio laborantis animi; biduum sic pronuntia ut longum nimiumque tempus; tum deinde hic tamquam in loco solo atque tristi.
hem bidvvm hic manendvm est hem interjection qui marque la souffrance psychologique ; biduum prononcez cela comme si c'était une durée longue et excessive ; et ensuite hic comme dans un pays désert et sinistre.

637
manendum est soli sine illa? quid tum postea?
il faut rester tout seul, sans elle ? —Eh bien, après ?

1 soli sine illa scilicet sine illa. 2 Aut sine alio oblectamento. 3 sine illa satis amanter. 4 sine illa iam causa est, cur biduum grauetur loco tristi, cur solacium conquirendum. sunt autem qui idem putent esse soli sine illa, ut sine illa ἐξήγησις eius sit quod dixerat soli.
1 soli sine illa c'est-à-dire sans elle. 2 Ou sans aucun autre plaisir. 3 sine illa c'est bien dans la façon d'un amoureux. 4 sine illa il donne la raison pour laquelle il lui est pénible de rester deux jours dans un endroit sinistre, pourquoi il lui faut chercher une consolation. Certains sont d'avis que soli et sine illa sont une seule et même chose et que sine illa est une explication (ἐξήγησις) de soli.

638
nil est. quid nihil? si non tangendi copia est,
Ce n'est rien. — Comment ça, rien ? Si je n'ai pas de moyen de la toucher,

nihil est qvid nihil si non etc amantium disputationes intermiscent quaedam consilia sanae mentis, quae tamen statim resurgentis amoris saeuitia deuincantur.
nihil est qvid nihil si non etc aux réflexions des amoureux s'entremêlent certains traits de bon sens, que pourtant tout de suite la violence de l'amour ressurgissant vient anéantir.

639
eho ne uidendi quidem erit? si illud non licet,
holà ! je n'en aurai pas non plus de la voir ? Si l'un n'est pas permis,

eho ne videndi qvidem erit eho ridicule additum, tamquam omnino non secum loquatur sed cum altero.
eho ne videndi qvidem erit eho est un ajout pour faire rire, comme s'il n'était pas en train de monologuer mais de parler à un autre.

640
saltem hoc licebit. certe extrema linea
l'autre du moins le sera. En tout cas, être dans les tribunes,

1 saltem hoc licebit bene bis dictum licet licebit, quasi de re magna loquatur. totum ergo amatorie. 2 certe extrema linea et hoc recte, quia quinque lineae perfectae sunt ad amorem: prima uisus, secunda alloquii, tertia tactus, quarta osculi, quinta coitus. 3 An sic dixit extrema linea, quemadmodum dicitur longis lineis quid fieri, id est de longinquo?
1 saltem hoc licebit il fait une répétition à bon escient du verbe licet (il est permis) licebit (il sera permis), comme s'il s'agissait d'une chose d'importance. C'est donc tout à la façon d'un amoureux. 2 certe extrema linea bien dit car il y a cinq étapes261 à franchir pour accéder à l'amour : la première est la vision, la seconde l'adresse verbale, la troisième le contact physique, la quatrième les baisers, la cinquième le rapport sexuel. 3 Ou bien parle-t-il ainsi de la dernière étape comme on dit que quelque chose arrive longis lineis 262, après de longues étapes pour ce qui vient de loin ?

641
amare haud nihil est ». uillam praetereo sciens.
et aimer quand même, ça n'est pas rien ». Je dépasse notre maison, exprès.

1 amare havd nihil est amare modo frui amore dicit. Plautus in Bacchidibus «  prius adero40 quam te amare desinam 278 » et «  sine te amem 279 ». 2 villam praetereo sciens sciens quidem, sed non minus amator quam prius.
1 amare havd nihil est amare veut parfois dire jouir de l'amour. Ainsi Plaute dans Les Bacchides « prius adero quam te amare desinam » (je serai de retour avant que de cesser de t' aimer) et « sine te amem » (laisse-moi t'aimer). 2 villam praetereo sciens certes en connaissance de cause, mais tout autant amoureux qu'avant son départ.

642
sed quid hoc quod timida subito egreditur Pythias?
Mais qu'est-ce qui fait que Pythias sort brusquement tout effarée ?

1 sed qvid hoc qvod timida svbito egreditvr pythias ex huius uerbis persona in scaenam ueniens et locutura describitur. 2 Et timida modo aegra, turbata, commota. Plautus «  nam ut ex mari timida es 280 »41 et hic ipse «  uxorem inquit Philumenam pauitare nescio quid dixerunt 281 ». 3 timida timens: aliud naturale est, aliud euentus est, ut «  addit se sociam timidisque superuenit Aegle, <Aegle>, naiadum pulcherrima 282 ».
1 sed qvid hoc qvod timida svbito egreditvr pythias avec cette réplique, on nous décrit l'entrée en scène d'un personnage qui va parler. 2 Et timida signifie parfois malade, troublée, secouée. Plaute dit « nam ut ex mari timida es » (car tu es tout incommodée de ta traversée) et Térence lui-même dit : « uxorem Philumenam pauitare nescio quid dixerunt ». 3 timida ayant peur : une chose est d'avoir peur par nature, une autre à cause d'un événement comme « addit se sociam timidisque superuenit Aegle, Aegle, naiadum pulcherrima », (elle s'ajoute au groupe en alliée et vient au secours des craintifs, Eglé, Eglé la plus belle des Naïades).

scaena tertia

Phaedria Pythias Dorias

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643
Py.-Vbi ego illum scelerosum misera atque impium inueniam? aut ubi quaeram?
Py.-Où le trouver, ce scélérat, malheureuse !, ce mécréant ? Où le chercher ?

1 vbi ego illvm scelerosvm misera atqve impivm inveniam in hac scaena operae pretium delectatio est spectatoribus ex querela ancillae Thaidis atque errore Phaedriae. 2 vbi ego illvm s. scelerosvm hoc initio ostenditur tamquam persequens fugientem progressa esse persona. 3 scelerosvm misera scelerosus est multorum, scelestus uel unius. 4 Scelerosus proprie auctor est sceleris, sceleratus in quo scelus sit constitutum aut commissum. 5 scelerosvm accusatio personae. 6 scelerosvm atqve impivm scelerosum in Thaidem, impium in uirginem.
1 vbi ego illvm scelerosvm misera atqve impivm inveniam dans cette scène, ce qui mérite notre attention, c'est le plaisir que procurent aux spectateurs la lamentation de la servante de Thaïs et la méprise de Phédria. 2 vbi ego illvm scelerosvm ce début montre que le personnage s'avance sur scène comme s'il poursuivait un fugitif. 3 scelerosvm misera scelerosus 263 qualifie celui qui a commis beaucoup de forfaits, scelestus celui qui n'en a commis même qu'un seul. 4 scelerosus qualifie à proprement parler l'auteur du forfait, sceleratus celui envers qui le forfait a été prémédité ou commis. 5 scelerosvm accusation portant sur une personne. 6 scelerosvm atqve impivm scelerosum à l'égard de Thaïs, impium à l'égard de la jeune fille.

644
hoccin tam audax facinus facere esse ausum! Ph.-perii: hoc quid sit uereor.
avoir eu l'audace de faire ce forfait si audacieux ! Ph.-Je suis mort ! j'ai peur de ce que c'est.

1 avdax facinvs facere esse avsvm facinus facere figura ἀρχαϊσμός. 2 hoc qvid sit vereor unum pro duobus dixit, pro: et nescio et uereor.
1 avdax facinvs facere esse avsvm facinus facere est un archaïsme.264 (ἀρχαϊσμός). 2 hoc qvid sit vereor il n'emploie qu'un seul verbe (uereor) au lieu de deux (et nescio et uereor (je ne sais pas et je crains).

645
Py.-quin etiam insuper scelus, postquam ludificatus est uirginem,
Py.-Et en plus, ce bandit, après s'être bien amusé avec la fille,

1 qvin etiam insvper accusatio facti. 2 scelvs αὔξησις: plus enim est scelus quam scelestus, ut Lucilius «  carcer uix carcere dignus 283 ». 3 postqvam lvdificatvs est virginem argumentum ab his, quae sunt post negotium gestum. 4 Et mire postquam ludificatus est, conscidit dixit, cum ille uidelicet, dum uirgo reluctatur, hoc fecerit. 5 Et mire expressit uitium illatum uirgini ab eo quidem, qui uitiare iam posset, sed tamen eiusmodi ab adulescentulo, cuius propter teneras adhuc uires ad explicandam uenerem longiore nixu aduersus uirginem utendum fuit. nam ideo praeter occasionem familiae discedentis tempus, locus et cetera attributa negotio etiam somnus uirginem opprimens adiuuat Chaeream. 6 Et mire ludificatus potius quam complexus est aut tale aliquid, quod amorem indicaret.
1 qvin etiam insvper accusation portant sur un fait. 2 scelvs amplification (αὔξησις), car scelus est plus fort que scelestus, comme chez Lucilius « carcer uix carcere dignus » (prison à peine digne de la prison). 3 postqvam lvdificatvs est virginem preuve fournie par ce qui subsiste après l'acte. 4 Et c'est paradoxal qu'elle dise postquam ludificatus est, conscidit, alors que vraisemblablement le personnage a commis la seconde action pendant que la jeune fille se débattait. 5 Et cela exprime – c'est remarquable – que l'outrage a été infligé à la jeune fille par un homme qui pouvait certes déjà l'outrager, mais qui n'était qu'un tout jeune homme : étant encore peu robuste, il a dû lutter plus longtemps avec la jeune fille pour satisfaire son désir. Aussi, outre l'occasion, le fait que ce soit le moment où la domesticité se retire, le lieu et toutes les autres circonstances de l'affaire, et même le sommeil qui accable la jeune fille contribuent au succès de Chéréa. 6 Et l'emploi de ludificatus est étonnant, on attendrait plutôt complexus est (il l'a embrassée) ou tout autre verbe équivalent qui fasse référence à l'amour.

646
uestem omnem miserae discidit, tum ipsam capillo conscidit.
il lui a déchiré tous ses habits, la pauvre, et lui a arraché les cheveux.

1 vestem omnem miserae discidit adeo non amore fecit sed iniuria. 2 Et uide ut ex his appareat multum uirginem reluctatam. 3 tvm ipsam capillo conscidit multo melius, quam si diceret capillum illi conscidit.
1 vestem omnem miserae discidit il l'a donc fait non par amour mais en causant un préjudice. 2 Et voyez, ces termes montrent que la jeune fille s'est beaucoup débattue. 3 tvm ipsam capillo conscidit est bien meilleur que s'il disait capillum illi conscidit 265.

647
Ph.-hem. Py.-qui nunc si detur mihi,
Ph.-Hein ! Py.-Celui-là, maintenant, si on me le donnait,

648
ut ego facile unguibus432 illi in oculos inuolem uenefico!
avec quelle facilité, avec mes ongles, je lui arracherais les yeux à cet empoisonneur !

1 vt ego facile vngvibvs illi in ocvlos involem nonne credis Pythiam id comminari, quod a uirgine minus factum sit? quod, quia puella, non potuit. 2 vngvibvs quibus armatur hic sexus. 3 in ocvlos quasi amatori. 4 venefico commutanti homines et ex uirginibus mulieres facienti. 5 An uenefico amatori, quia amor uenenum? Vergilius «  occultum i. inspires i. ignem fq. fallasque ueneno 284 » et «  longumque b. bibebat a. amorem 285 ».
1 vt ego facile vngvibvs illi in ocvlos involem Pythias menace de faire ce qu'une jeune fille ne saurait guère faire, n'est ce pas ? elle ne pourrait le faire, n'étant qu'une enfant. 2 vngvibvs ce sont là les armes du sexe féminin. 3 in ocvlos comme si c'était un amant. 4 venefico celui qui transforme les humains et fait des jeunes filles des femmes. 5 A moins que uenefico ne renvoie à l'amant, parce que l'amour est un poison (uenenum) ? Virgile « occultum inspires ignem fallasque ueneno » (insuffle en elle un feu caché, et abuse-la avec ton poison) et « longumque bibebat amorem » (buvait l'amour à longs traits).

649
Ph.-nescio quid profecto absente nobis turbatum est domi.
Ph.Il est sûrement arrivé je ne sais quel esclandre en mon absence à la maison.

1 nescio qvid profecto absente nobis tvrbatvm est domi aut subdistinguendum et subaudiendum me, aut ἀρχαϊσμός est figura absente nobis pro absentibus nobis. Pomponius in Ergastilo «  praesente amicis inter cenam d. d??? o. o??? 286 »; Varro in Marcello «  id praesente legatis omnibus exercitu pronuntiat 287 ». 2 Absente nobis cum dicit, pro praepositione ponit absente, ut si diceret coram amicis.
1 nescio qvid profecto absente nobis tvrbatvm est domi ou bien il faut établir une ponctuation et sous-entendre me, ou bien considérer que absente nobis est un archaïsme (ἀρχαϊσμός) pour dire absentibus nobis. Pomponius dans L'Ergastile « praesente amicis inter cenam d. o.266 » (en présence des amis, au milieu du repas,..) ; Varron dans Marcellus « id praesente legatis omnibus exercitu pronuntiat » (en présence de tous les légats il adresse ces mots à l'armée). 2 Lorsqu'il dit absente nobis, il fait d' absente une préposition.267, comme dans coram amicis.

650
adibo. quid istuc? quid festinas? aut quem quaeris, Pythias?
Je vais y aller. De quoi tu parles ? Pourquoi cours-tu ? Qui cherches-tu, Pythias ?

qvid festinas propere turbaris et trepidas. Sallustius «  festinantibus in summa inopia patribus 288 ».
qvid festinas tu es troublée et tu t'affoles vite. Salluste « festinantibus in summa inopia patribus » (les sénateurs, au comble de la misère, s'affolaient).

651
Py.-ehem Phaedria, egon? quem quaeram? in hinc quo dignus es cum donis tuis
Py.-Tiens ! Phédria, moi, qui je cherche ? Va-t'en où tu le mérites avec tes cadeaux

egon qvem qvaeram deest rogas.
egon qvem qvaeram il manque rogas (tu demandes).

652
tam lepidis? Ph.-quid istuc est rei?
si jolis. Ph.-Qu'est-ce que cette histoire ?

653
Py.-rogas me? eunuchum quem dedisti nobis quas turbas dedit!
Py.-Cette demande ! L'eunuque que tu nous as donné, quel esclandre il a fait !

1 evnvchvm qvam dedisti nobis qvas tvrbas dedit aut σύλλημψις, ut «  urbem quam statuo, uestra est 289 », aut quem cum interrogatione pronuntiandum, ut sit qualem. 2 Et quidam uolunt quem subdistinguere, quasi dicat qualem, sed nesciunt hac figura multum ueteres usos esse; eunuchum enim ad dedisti uerbum rettulit nunc. ad dedit ergo propter aliud ἀξίωμα adsumendum extrinsecus is eunuchus; nam quotiens uno nomine aut pronomine diuersae declinationis enuntiationes comprehenduntur, necesse est quod alteri accommodatum fuerit ab altero discrepare. 3 qvem dedisti qvas tvrbas dedit et quem et quas sic accipe, quasi dixerit qualem eunuchum et quales turbas.
1 evnvchvm qvem dedisti nobis qvas tvrbas dedit ou bien il s'agit d'une syllepse (σύλλημψις), comme « urbem quam statuo, uestra est » (la ville que je décide de fonder est à vous), ou bien quem est prononcé sur un ton interrogatif, comme si c'était qualem. 2 Certains veulent mettre une ponctuation sur quem comme s'il disait qualem, mais ils ne savent pas que les Anciens utilisaient beaucoup cette figure ; de fait, eunuchum se rapporte ici au verbe dedisti. Donc à dedit il faut ajouter un autre énoncé pris à côté, hors de la proposition : is eunuchus. Car chaque fois que l'énoncé emploie en déclinant différemment un même nom ou un même pronom, il est nécessaire que l'accord se fasse avec l'un sans se faire avec l'autre. 3 qvem dedisti qvas tvrbas dedit comprenez quem et quas comme s'il avait dit qualem eunuchum et quales turbas.

654
uirginem quam erae dono dederat miles, uitiauit. Ph.-quid ais?
La fille que le soldat avait donnée à la maîtresse, il l'a violée. Ph.-Que dis-tu ?

qvid ais hoc admirantis est potius quam interrogantis.
qvid ais prononcé sur un ton étonné plutôt qu'interrogatif.

655
Py.-perii. Ph.-temulenta es. Py.-utinam sic sint qui mihi male uolunt!
Py.-Je suis morte. Ph.-Tu es ivre. Py.-Qu'il en soit ainsi pour ceux qui me veulent du mal !

1 temvlenta es ebria, a temeto, quo nomine antiqui graue uinum appellabant, ideo quod temptaret mentem, id est labefactaret. Vergilius «  temptatura p. pedes o. olim u. uincturaque l. linguam 290 » 2 vtinam sic sient qvi mihi male volvnt bene non esse ebriam in maledictum uersum, quasi uere temulentum 42 esse felicitatis sit. 3 An non negat ebriam <se esse>, sed non uino sed malo ebriam uult intellegi?
1 temvlenta es tu es ivre. De temetum, nom utilisé par les Anciens pour évoquer un vin capiteux, appelé ainsi car il attaquait (temptare) la tête, autrement dit, il la faisait tourner268. Virgile : « temptatura pedes olim uincturaque linguam » (qui un beau jour rendra titubantes les jambes du buveur et qui lui enchaînera la langue) 2 vtinam sic sient qvi mihi male volvnt c'est bien répondu de faire de l'absence d'ivresse une parole de malédiction, comme si, en vérité, être éméché était lié à la félicité.  3 A moins que, sans démentir son ivresse, elle veuille que l'on comprenne qu'elle est ivre non pas de vin, mais de douleur?

656
Do.-au obsecro, mea Pythias, quod istuc nam monstrum fuit?
Do.-Mais, dis-moi, ma bonne Pythias, c'était quoi, ce monstre ?

1 av obsecro mea pythias mea et «  mea tu 291 » et «  amabo 292 » et alia huiuscemodi mulieribus apta sunt blandimenta. 2 <qvod istvc> nam monstrvm fvit scilicet monstrum est omne contra naturam. si igitur eunuchus est et uitiauit uirginem, contra rerum naturam factum est et recte monstrum est. 3 Et ordo: quodnam istuc monstrum fuit?
1 av obsecro mea Pythias mea, « mea tu », « amabo » et les autres paroles caressantes de ce genre sont adaptées aux femmes. 2 qvod istvc nam monstrvm fuit assurément monstrum renvoie à tout ce qui est contre nature. Donc si l'autre est un eunuque et qu'il a déshonoré la jeune fille, cela va à l'encontre de la nature et il est effectivement un monstre. 3 Et l'ordre des mots est : quodnam istuc monstrum fuit ?

657
Ph.-insanis: qui istuc facere eunuchus potuit? Py.-ego illum nescio
Ph.-Tu es folle. Comment un eunuque aurait-il pu faire cela ? Py.-Moi je ne sais pas quelle sorte d'homme,

1 qvi istvc facere evnvchvs potvit istuc facere honestius apud puellam, quam si uitiare dixisset. 2 Et potest uideri aliquid nutu significare. 3 ego illvm nescio qvi siet bene uitauit eunuchi nomen, ut uitiasse uirginem obtinere possit.
1 qvi istvc facere evnvchvs potvit istuc facere est plus pudique en présence d'une jeune fille que vitiare (déshonorer). 2 C'est possible qu'il ait l'air de signifier quelque chose par un signe de tête. 3 ego illvm nescio qvi siet elle évite bien le nom de l'eunuque, pour pouvoir maintenir le constat qu'il a déshonoré la jeune fille.

658
qui siet433; hoc quod fecit, res ipsa indicat.
c'est ; mais sur son acte, le fait est assez parlant.

659
uirgo ipsa lacrimat neque, cum rogites, quid sit audet dicere.
La fille elle-même pleure et quand on lui demande ce qu'elle a, elle n'ose pas le dire.

1 virgo ipsa lacrimat nunc ostendit quid fecerit et ostendit argumentis. 2 neqve cvm rogites qvid sit avdet dicere quid si uerberata est? sed non puderet queri. haec autem iniuria apud uirginem non habet nomen.
1 virgo ipsa lacrimat maintenant elle montre ce qu'il a fait, et elle le montre par des preuves. 2 neqve cvm rogites qvid sit avdet dicere serait-ce le cas si elle avait été battue ? Non, elle n'aurait pas honte de se lamenter. Mais ce préjudice infligé à une jeune fille n'a pas de nom.

660
ille autem bonus uir nusquam apparet. etiam misera hoc434 suspicor,
Quant à ce brave garçon, il ne se montre nulle part et même, malheureuse, je soupçonne,

1 bonvs vir εἰρωνικῶς, non enim iam eunuchus. 2 nvsqvam apparet nescias utrum fugam eius queratur an culpam; sed constat haec argumenta esse, quod ipse uirginem uitiauerit. 3 bonvs vir bene uir, quia hoc illum esse contendit. 4 etiam misera hoc svspicor bene etiam, quia et hoc suspicatur, uirgine uitiata 43.
1 bonvs vir ironique (εἰρωνικῶς), en effet elle ne dit plus l'eunuque. 2 nvsqvam apparet on ne saurait dire si elle se lamente sur sa fuite ou bien sur sa faute. Mais c'est un fait, il y a des preuves qui montrent qu'il a lui-même déshonoré la jeune fille. 3 bonvs vir uir est utilisé à bon escient, puisqu'elle soutient que c'est bien un homme. 4 etiam misera hoc svspicor etiam est utilisé à bon escient, parce qu'elle le soupçonne en plus de cela, après le viol de la jeune fille .

661
aliquid domo abeuntem abstulisse. Ph.-nequeo mirari satis
qu'en partant il a pris quelque chose dans la maison. Ph.-Je n'en reviens pas,

1 neqveo mirari satis bene hic omnes suspiciones ad eunuchum quem nouit reuocat, nescit Chaeream. 2 Et mira locutio: pro eo quod est nescio nequeo mirari satis, quo ille abire ignauus possit longius.
1 neqveo mirari satis à bon escient ici : il rappelle tous les soupçons dirigés contre l'eunuque qu'il connaît, il ne sait pas que c'est Chéréa le coupable. 2 Cette expression est étonnante : à la place de nescio il y a nequeo mirari satis, quo ille abire ignauus possit longius.

662
quo ille abire ignauus possit longius, nisi si domum
cette loque n'a pas pu aller bien loin ; à moins que ce soit à la maison,

663
forte ad nos rediit. Py.-uise amabo num sit. Ph.-iam faxo scies.
peut-être, chez nous, qu'il soir revenu. Py.-Va voir, je te prie, s'il y est. Ph.-Je te le fais savoir tout de suite.

1 vise amabo <nvm> sit domi subaudiendum est. 2 Aut: num sit quod dicis.
1 vise amabo nvm sit domi doit être sous-entendu. 2 ou alors : est-ce que c'est ce que tu dis ?

664
Do.-perii, obsecro! tam infandum facinus, mea tu, ne audiui quidem.
Do.-Je suis morte, par pitié ! Un forfait si infâme, ma chérie, je n'en ai jamais entendu parler.

665
Py.-at pol ego amatores audieram mulierum esse eos maximos,
Py.-Moi, nom d'un chien, je m'étais bien laissé dire qu'ils étaient les plus grands amateurs de femmes,

666
sed nihil potesse; uerum miserae non in mentem uenerat;
mais qu'ils étaient impuissants. Mais, malheureuse, cela ne me serait pas venu à l'esprit,

1 sed nihil potesse ut uoluntatis rei sint, non et facti. 2 vervm miserae non in mentem venerat non nihil posse sed amatores esse maximos; ad partem enim sententiae pertinet quod dicit non in mentem uenerat, non ad totum, quod audiuisse se dicit. 3 Et iam si penitus consideraueris, controuersia inerit: si44 enim nihil posse audieras, quid est quod in mentem non uenerit ut uitares ? utrum igitur amatores mulierum esse maximos audieras? quod ipsum uitandum fuit; neque enim hoc satis est ad pudicitiam stuprum uitasse, cum impudica fieri uel solo osculo possit, quam omni modo integram et inlibatam uelis. an uerum non erit coniunctio sed nomen, ut illud quasi falsum audierit, hoc autem quod uerum inuentum est, non suspicata sit? nam in mentem uenire non reminisci tantum, sed etiam cogitare significat. sic Cicero «  in mentem tibi non uenit causam45 publicam sustinere 293 » id est: non recogitas, non suspicaris. 4 vervm miserae si uerum pro coniunctione accipimus, subaudiendum erit hic amatores mulierum esse eos maximos. 5 in mentem non v. venerat non quod audieram, sed quod hic fecit. 6 An aliud non in mentem uenerat, non scilicet facturum fuisse quod fecit? 7 non in mentem venerat aut non cogitaram aut non eram recordata.
1 sed nihil potesse c'est-à-dire qu'ils veulent sans pouvoir faire. 2 vervm miserae non in mentem venerat le sujet n'est pas nihil posse mais amatores esse maximos ; lorsqu'elle dit non in mentem uenerat, cela se rapporte à une partie de la phrase, non pas à tout ce qu'elle dit avoir entendu. 3 Et maintenant, si vous examinez ce texte à fond, il y aura controverse. Car même s'il est vrai que tu avais entendu dire qu'ils sont impuissants, comment expliquer qu'il ne te soit pas venu à l'esprit qu'il fallait prendre garde ? Avais-tu donc oui ou non entendu amatores mulierum esse maximos ? Cela même aurait dû te mettre en garde. Car il ne suffit pas d'avoir évité l'attentat à la pudeur, alors que même un seul baiser peut dépraver une femme que tu ne voudrais pour rien au monde voir touchée ou souillée. A moins que uerum ne soit pas une conjonction, mais un nom : elle aurait entendu la première proposition en considérant que c'était faux, sans se douter que la seconde était vraie ? De fait, in mentem uenire ne signifie pas seulement reminisci (se souvenir), mais aussi cogitare (réfléchir). Cicéron « in mentem tibi non uenit causam publicam sustinere », (il ne t'est pas venu à l'esprit de soutenir une cause publique) c'est-à-dire : tu n'y as pas réfléchi, tu ne t'en es pas douté. 4 vervm miserae si nous comprenons uerum comme une conjonction.269, il faudra sous-entendre les termes amatores mulierum esse eos maximos. 5 in mentem non venerat non pas que je l'aie entendu, mais qu'il ait fait cela. 6 Ou bien est-ce autre chose qui ne lui est pas venu à l'esprit, à savoir évidemment qu'il n'aurait pas pu faire ce qu'il a fait. 7 non in mentem venerat ou bien je n'y avais pas pensé, ou bien je ne m'en étais pas souvenu.

667
nam illum aliquo conclusissem neque illi commisissem uirginem.
sinon, je l'aurais enfermé quelque part et je ne lui aurais pas confié la fille.

1 nam illvm aliqvo conclvsissem mire conclusissem dixit ut feram. sic alibi «  conclusam hic habeo uxorem saeuam 294 ». 2 neqve illi commisissem virginem si uel amatorem tantum meminissem.
1 nam illvm aliqvo conclvsissem étonnant ce conclusissem mis pour feram. On a la même chose ailleurs « conclusam hic habeo uxorem saeuam ». 2 neqve illi commisissem virginem si seulement je m'étais souvenu qu'il pouvait être un amant.

scaena quarta

Phaedria Pythias Dorias Dorus

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668
Ph.-Exi foras, sceleste. at etiam restitas,
Ph.-Viens dehors, scélérat. Mais en plus tu résistes,

1 exi foras sceleste at etiam restitas fvgitive iucundus error, in quo non dubitat Phaedria ipsum esse qui quaeritur, uerum insuper sic aggreditur, tamquam sciat ipse. 2 sceleste quale est scelestum appellari, qui nihil sciat! 3 restitas necessario restitat, qui miratur se protrahi.
1 exi foras sceleste at etiam resistas fvgitive délicieuse méprise à la faveur de laquelle non seulement Phédria ne doute point que l'eunuque soit précisément l'homme qu'il cherche, mais en outre, il s'en prend à lui comme si l'eunuque lui-même le savait. 2 sceleste ce que c'est qu'être appelé  scélérat alors qu'on ne sait rien270 ! 3 restitas il cherche forcément à résister, celui qui s'étonne d'être traîné au dehors.

669
fugitiue? prodi, male conciliate. Dor.-obsecro. Ph.-oh
bandit en cavale ! Avance, mauvaise affaire ! Dor.-Je t'en supplie ! Ph.-Oh !

1 fvgitive et scelestum et fugitiuum increpat, in hunc crimen transferens Chaereae. 2 prodi male conciliate opportune adulescens et hic exprobrat munus magno emptum. 3 male magno significat, ut Plautus in Amphitruone «  haec nox scita est exercendo scorto conducto male 295 ». 4 Ergo male conciliate magno empte significat. 5 male conciliate omnis conuentio uniuscuiusque unicuique conciliatio nominatur. conciliatum ergo magno emptum.
1 fvgitive il le réprimande en le traitant de  scélérat et de fuyard parce qu'il reporte sur lui les raisons d'accuser Chéréa. 2 prodi male conciliate opportunément, le jeune homme blâme ici aussi un cadeau acheté à un prix élevé. 3 male signifie à un prix élevé, de même Plaute dans Amphitryon : « haec nox scita est exercendo scorto conducto male » (cette nuit a été fixée pour donner de l'exercice à une catin engagée à un prix élevé). 4 male conciliate signifie donc acheté à un prix élevé. 5 male conciliate toute réunion d'un bien individuel à un individu a pour nom conciliatio  (acquisition). Conciliatum, c'est donc acheté à un prix élevé.

670
illud uide, os ut sibi distorsit carnifex!
regarde ça, sa gueule, comme il se la tord, le gibier de potence !

os vt sibi distorsit et hic memor adulescens insinuandi muneris dixit illum os sibi distorsisse, qui natura sit pulcher. [os autem illi dicimur distorquere, quem natura pulchrum deturpamus.]46
os vt sibi distorsit ici aussi, le jeune homme, qui n'oublie pas d'essayer de défendre son cadeau, dit que celui-ci s'est déformé le visage alors qu'il est naturellement beau. [On dit que nous déformons le visage de quelqu'un quand nous le défigurons alors qu'il est naturellement beau.]

671
quid tibi huc435 reditio est? quid uestis mutatio?
Pourquoi es-tu revenu ici ? Pourquoi as-tu changé de costume ?

1 qvid tibi hvc reditio est eleganter reditio ei obicitur, qui re uera loco se non mouerit. 2 qvid vestis mvtatio sic ueteres. Plautus in Trinummo «  quid tibi interrogatio47 aut <in> consilium huc accessio? 296 »; Caecilius in Ἁρπαζομένῃ «  quid tibi acceptio est argumentum aut de meo amore uerbificatio est patri? 297 ».
1 qvid tibi reditio est il l'accuse judicieusement d'être revenu alors qu'en réalité, il n'a pas bougé de là. 2 qvid vestis mvtatio c'est ainsi que disaient les Anciens : Plaute dans Trinummus : « quid tibi interrogatio aut in consilium huc accessio ? »  (qu'est-ce donc que cette question que tu poses, et cette irruption dans notre discussion ?) ; Cécilius dans L'Harpazoménè : « quid tibi acceptio est argumentum aut de meo amore uerbificatio est patri ? » (quel argument est-ce donc que cet accueil de ta part, et que ce discours au sujet de mon amour pour mon père ?).

672
quid narras? paululum436 si cessassem, Pythias,
Qu'est-ce que tu racontes ? Si j'avais tardé un rien de temps, Pythias,

pavlvlvm si cessassem pythias familiare iratis est auertere se ad aliam personam ab ea, in quam commoueantur.
pavlvlvm si cessassem pythias il est courant que les personnages en colère se tournent vers un autre personnage en se détournant de celui qui suscite leur agitation.

673
domi non offendissem, ita iam adornabat437 fugam.
je ne l'aurais pas trouvé à la maison, il préparait déjà sa fuite !

1 ita iam adornabat fvgam uestis mutatu scilicet; nam liberi uestem habebat utpote Chaereae, serui uero atque eunuchi deposuerat. 2 ita iam adornabat ut supra «  adornant, ut lauet 298 ». 1 ita iam adornabat fvgam vraisemblablement en changeant de vêtement, car il portait le vêtement d'un homme libre, en l'occurrence Chéréa, et il avait posé celui d' esclave et d' eunuque. 2 ita iam adornabat de même plus haut: «  adornant, ut lauet 299 ».

674
Py.-habesne hominem, amabo? Ph.-quidni habeam? Py.-o factum bene.
Py.-Tu as le type, s'il te plaît ? Ph.-Bien sûr que je l'ai.Py.-Ah ! bien fait !

1 habesne hominem amabo haec omnia Pythias cernens eunuchum loquitur; id enim erit iucundum, ut quaerat illum quem uidet. 2 qvidni habeam quidni quid nisi, hoc est cur non habeam?
1 habesne hominem amabo tout cela, Pythias le dit en regardant l'eunuque ; ce qui va être délicieux, en effet, c'est qu'elle cherche celui qu'elle a sous les yeux. 2 qvidni habeam   quidni , c'est   quid nisi  (que.. ne… pas… ?), c'est-à-dire : pourquoi ne l'aurais-je pas ?

675
Do.-istuc pol uero bene. Py.-ubi est? Ph.-rogitas? non uides?
Do.-Vraiment bien fait, nom d'un chien. Py.-Où est-il ? Ph.-Cette demande ! Tu ne vois pas ?

1 vbi est Dorionem contemplata dicit ubi est?, quia non ipsum sed alterum nouit. 2 rogitas non vides stomachatur uterque errans mirifice: illa quod eunuchum credidit Chaeream uidens, hic quod eunucho obicit quod commisit Chaerea.
1 vbi est c'est après avoir observé Dorion qu'elle dit où est-il ?, parce que ce n'est pas lui qu'elle connaît, mais l'autre. 2 rogitas non vides chacun des deux s'irrite et se méprend formidablement : elle parce qu'à la vue de Chéréa, elle l'a pris pour l'eunuque, lui parce qu'il accuse l'eunuque de l'acte commis par Chéréa.

676
Py.-uideam? obsecro quem? Ph.-hunc scilicet. Py.-quis hic est homo?
Py.-Voir ? qui, je te prie ? Ph.-Ben lui. Py.-C'est qui ce type ?

hvnc scilicet hoc iam tangens eunuchum dicit Phaedria.
hvnc scilicet Phédria dit cela tout en touchant l'eunuque.

677
Ph.-qui ad uos deductus hodie est. Py.-hunc oculis suis
Ph.-Celui qu'on a emmené chez vous aujourd'hui. Py.-Lui ! De ses yeux

hvnc ocvlis svis nostrarvm nvsqvam qvisqvam vidit phaedria uel ἀρχαϊσμός est figura pro nostrum, uel nostrarum id est quae familiae nostrae sunt, ut parum sit non uidisse Thaidem, nisi addatur ne familiarium quidem ullam esse, quae hunc uiderit.
hvnc ocvlis svis nostrarvm nvsqvam qvisqvam vidit phaedria soit c'est là une figure d'archaïsme (ἀρχαϊσμός) mise pour   nostrum (de nous), soit c'est bien nostrarum (des nôtres), c'est-à-dire les servantes qui sont les nôtres, vu qu'il ne suffirait pas que Thaïs ne l'ait pas vu si l'on n'ajoutait point qu'il n'y a personne, même parmi les servantes, qui l'ait vu.

678
nostrarum nusquam438 quisquam uidit, Phaedria.
aucune de nous ne l'a jamais vu, Phédria.

qvisqvam antiqua locutio est.
qvisqvam c'est une expression archaïque.

679
Ph.-non uidit? Py.-an tu hunc credidisti esse, obsecro,
Ph.-Jamais vu ! Py.-Vraiment, tu croyais que c'était celui-là, je te prie,

non vidit totidem iisdemque uerbis repetita interrogatio stuporem admirantis ostendit et iam ueluti consentientis.
non vidit cette question, qui consiste en la reprise de termes identiques et en nombre égal, montre la stupeur d'un homme qui s'étonne et commence déjà, pour ainsi dire, à comprendre la même chose qu'elle.

680
ad nos deductum? Ph.-nam quem439 alium habui neminem. Py.-au
qu'on a amené chez nous ? Ph.-Oui, car je n'en ai jamais eu d'autre. Py.-Oups !

1 nam qvem alivm habvi neminem bene ad illud quod ait an hunc, quasi ex multis. 2 av ne comparandvs qvidem est ad illvm au interiectio est conturbatae feminae nec constantis sibi.
1 nam qvem alivm habvi neminem bien répondu à ce que dit Pythias : an hunc, comme s'il y en avait beaucoup. 2 av ne comparandvs qvidem est ad illvm au est une interjection féminine271 traduisant le trouble profond et la perte de maitrise de soi.

681
ne comparandus quidem est ad illum440: ille erat
Il ne se compâre même pas avec l'autre : l'autre avait

1 ille erat honesta facie τῷ ἰδιωτισμῷ erat quasi de mortuo aut qui iam domi scilicet Thaidis48, quia fugit. 2 honesta facie et liberali commode est descriptus Chaerea.
1 ille erat honesta facie par idiotisme (τῷ ἰδιωτισμῷ),  erat s'emploie comme pour un mort ou quelqu'un qui n'est plus évidemment chez Thaïs, parce qu'il s'est enfui. 2 honesta facie et liberali Chéréa est convenablement décrit.

682
honesta facie et liberali. Ph.-ita uisus est
une air comme il faut et raffiné. Ph.-Il t'a paru tel

683
dudum, quia uaria ueste exornatus fuit.
tout à l'heure, parce qu'il avait un costume bariolé.

684
nunc tibi uidetur foedus, quia illam non habet.
Maintenant il te paraît laid parce qu'il ne l'a plus.

nvnc tibi videtvr foedvs facete uidetur foedus: nunc enim est.
nvnc tibi videtvr foedvs   uidetur foedus est humoristique : maintenant, en effet, il l'est vraiment.

685
Py.-tace obsecro: quasi uero paullum intersiet.
Py.-Tais-toi, je t'en prie ; comme s'il n'y avait entre eux qu'une légère différence !

1 tace obsecro apte dictum est tace femineo stomacho quasi impudenter assistenti formae improbae et argumenta inaniter pertinaciterque inuocanti. 2 tace obsecro de consuetudine dictum est tace et bene additum obsecro, ne tace ipsum uideretur iniuria.
1 tace obsecro tace est dit conformément à l'irritation féminine qui, effrontément, apporte en quelque sorte son soutien à une apparence hideuse et invoque sans fondement mais avec insistance des arguments. 2 tace obsecro   tace est dit par habitude et il est bon d'avoir ajouté  obsecro afin que  tace tout seul ne semble pas injurieux.

686
ad nos deductus hodie est adulescentulus,
Celui qu'on a amené chez nous aujourd'hui, c'est un petit jeune homme

687
quem tu uidere uero uelles, Phaedria.
que tu aurais vraiment plaisir à voir, Phédria.

1 qvem tv videre velles phaedria commota aduersus Phaedriam cogitur eum laudare, cui irata est, et ideo totum callide. 2 qvem tv videre velles facete, quasi hunc nec ipse 49 qui misit conspectum uelit. 3 An uelles talem <qualem> loquor? 4 Et breuiter forma laudata est, cum prolixius illius sit describenda deformitas. 5 qvem tv videre vero uere pulcher est, cuius forma nec odium nec conuitia commeruit. Lucilius «  athyonidi50 satin ex facie florem delegeris 300 ». 6 qvem tv videre quare tu? an quia istae iam nolunt, iratae scilicet ob uitiatam uirginem? an tu quasi «  spectator formarum elegans 301 », ut qui amator sis Thaidis?
1 qvem tv videre vero velles phaedria après s'être agitée contre Phédria, elle est contrainte de louer celui contre lequel elle est en colère, et pour cette raison, tout cela est habilement fait. 2 qvem tv videre velles c'est humoristique, comme si même celui qui l'a envoyé ne voulait pas le voir. 3 Ou bien est-ce que tu voudrais (uelles) qu'il soit tel que je le dis ? 4 Et sa beauté est louée brièvement, alors que l'absence de beauté de l'autre doit être décrite plus abondamment. 5 qvem tv videre vero est vraiment beau celui dont la beauté ne suscite ni haine, ni invectives. Lucilius : « athyonidi satin ex facie florem delegeris »  (que tu aies choisi une fleur d'après son aspect). 6 qvem tv videre pourquoi tu ? est-ce parce qu'elles ne le veulent plus, étant évidemment en colère à cause du viol de la jeune fille ? ou bien est-ce que tu vaut à peu près « spectator formarum elegans », puisque tu es l'amoureux de Thaïs ?

688
hic est uietus uetus ueternosus senex,
Lui il est flétri, un vieux croûton croulant,

1 hic est vietvs vetvs veternosvs senex sic hoc totum pronuntiandum, quasi irascatur huic, propter quem laudauerit Chaeream. 2 vietvs mollis flaccidusque et flexibilis corpore, unde et uimina et uimenta et uites et uietores dicuntur. — 3 Et uiere ligare dicitur, quia uietis uirgis ligare possumus quidlibet — <sic et> Lucretius araneae dixit «  uietam uestem 302 », id est putri mollitia praeditam. 4 vetvs ad uituperationem ponitur modo, non ad laudem, ut «  ueteris poetae maledictis respondeat 303 ». 5 Vetus est, cuius diminutiuum est uetulus; ueternosus morbo uetere confectus ac diuturno, quales sunt qui hydropem patiuntur; — 6 Ei recte, nam saepe eunuchi in senecta ueternosi sunt et cito hoc laborant morbo.senex ex malo aegritudineque rugosus. 7 senex utrum <uere> senex an quia ita uidetur ob deformitatem?
1 hic est vietvs vetvs veternosvs senex tout cela doit être déclamé comme si elle se mettait en colère contre celui à cause duquel elle a loué Chéréa. 2 vietvs mou, flasque et flexible physiquement272  ; c'est de là que les uimina (baguettes souples), uimenta (branchages flexibles), uites (vignes) et uietores (vanniers) tirent leurs noms. – 3 Et uiere signifie aussi "ier", parce qu'avec des tiges uietae (souples), on peut lier ce que l'on veut. – Ainsi, Lucrèce aussi mentionne « uieta uestis », la toile souple de l'araignée, c'est-à-dire une toile molle et friable. 4 vetvs n'est mis que pour exprimer la critique, pas l'éloge, de même « ueteris poetae maledictis respondeat ». 5 C'est de ce uetus -là que uetulus est le diminutif ;  ueternosus signifie : accablé par une longue maladie de vieillesse, tels ceux qui souffrent d'hydropisie ; – 6 Et c'est correct car les eunuques, dans leur vieillesse, sont souvent léthargiques et incommodés par cette maladie rapide. –  senex signifie : endurci par le malheur et la maladie. 7 senex est-ce que c'est vraiment un vieillard ou est-ce que c'est parce qu'il en a l'air à cause de sa laideur ?

689
colore mustellino441. Ph.-hem quae haec est fabula?
avec un teint de fouine. Ph.-Hein ! qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

1 colore mvstellino errauit Terentius non intellegens Menandricum illud «  αὐτός ἐστιν γαλεώτης γέρων 304 ». ait autem stellionem, quod animal lacertae non dissimile est maculoso corio; namque ad id genus facies exprimitur eunuchorum corporis, quia plerique lentiginosi sunt. hic ergo errauit ideo, quia «  γαλῆ 305 » mustella dicitur, γαλεώτης stellio, ὥσπερ Ἀριστοφάνης ἐν ταῖς Νεφέλαις: «  ἥσθην γαλεώτῃ καταχέσαντι Σωκράτους 306 ». 2 At ego Edesionum sequor, qui recte intellexit Terentium scientem mustellino colore dixisse eunuchum uelut subliuido, quia uere eunuchi aut ex candidissimis lentiginosi fiunt, ut ex Gallis51 et eiusmodi occidentalibus, aut ex fuscis subliuidi, ut ex Armeniis et aliis orientalibus.
1 colore mvstellino Térence s'est trompé et n'a pas compris cette formule de Ménandre :  αὐτός ἐστιν γαλεώτης γέρων (lui-même est un vieux stellion). Il parle du stellion, animal qui ressemble au lézard par sa peau tachetée ; en effet, c'est en le comparant à cette espèce que l'on représente l'aspect du corps des eunuques, parce que la plupart sont couverts de taches brunes. Térence s'est donc trompé parce qu'en grec,   mustella  (la belette) se dit γαλῆ et le stellion, γαλεώτης comme Aristophane dans Les Nuées (ὥσπερ Ἀριστοφάνης ἐν ταῖς Νεφέλαις) : ἥσθην γαλεώτῃ καταχέσαντι Σωκράτους  (je suis charmé qu'un stellion ait chié sur Socrate)273. 2 Mais moi, je suis de l'avis d'Edesionus, qui a correctement compris que Térence dit sciemment que l'eunuque est  mustellino colore, autrement dit d'une couleur pâle, parce qu'il est vrai que soit les eunuques, s'ils sont très blancs, se couvrent de taches brunes, comme il advient des Gaulois et des Occidentaux de ce type, soit, s'ils sont basanés, deviennent pâles, comme il advient des Arméniens et des autres Orientaux.

690
eo rediges me ut quid emerim442 egomet nesciam?
Tu me ferais croire que ce que j'ai acheté je ne le sais plus moi-même ?

vt qvid emerim egomet nesciam nesciam pro non meminerim uel non agnoscam.
vt qvid emerim egomet nesciam   nesciam est mis pour  non meminerim  (que je ne me souvienne pas) ou  non agnoscam  (que je ne reconnaisse pas).

691
eho tu, emin ego te? Dor.-emisti. Py.-iube mihi denuo
Eh, toi : est-ce moi qui t' acheté? Dor.-Oui. Py.-Dis-lui maintenant de me

1 eho tv emin ego te miro stomacho quod ipse fecit, id ex alio audire conatur et, donec haec audiat, an haec fecerit dubitat. 2 ivbe mihi denvo respondeat hoc est quod in Rhetoricis Cicero ait «  contra firmam argumentationem aliam aeque firmam aut firmiorem opponamus 307 »52. haec est igitur aeque firma. denuo autem ad respondeat pertinet, non ad mihi. 3 denvo respondeat iube <denuo>, non mihi denuo intellegendum est.
1 eho tv emin ego te avec une irritation paradoxale, ce qu'il a lui-même fait, il tâche de l'entendre dire d'autrui et, jusqu'à ce qu'il l'ait entendu, il doute de l'avoir fait. 2 ivbe mihi denvo respondeat c'est ce que Cicéron dans ses livres de rhétorique formule ainsi : « contra firmam argumentationem aliam aeque firmam aut firmiorem opponamus » (contre une argumentation solide, proposons une argumentation aussi solide ou plus solide). C'est donc une argumentation aussi solide. Denuo porte sur respondeat, non pas sur mihi. 3 denvo respondeat il faut comprendre iube denuo (ordonne-lui aussi), et non mihi denuo (à moi aussi).

692
respondeat. Ph.-roga. Py.-uenisti hodie ad nos? negat.
répondre. Ph.-Interroge-le. Py.-Es-tu venu aujourd'hui chez nous ? II dit que non.

roga mire utriusque fiducia confertur et apud utrumque est ueritas, cum uterque fallatur.
roga remarquable comparaison de la loyauté des deux personnages ; et tous deux disent vrai, bien que tous deux se trompent.

693
at ille alter uenit annos natus sedecim,
Mais c'est l'autre qui est venu, celui de seize ans,

at ille alter venit bene institit, quasi ex parte iam obtinuerit Pythias.
at ille alter venit  Pythias fait bien d'insister, comme si elle avait déjà obtenu gain de cause sur un point au moins.

694
quem secum adduxit Parmeno. Ph.-agedum hoc mihi expedi
que Parménon a amené avec lui. Ph.-Ah ! explique-moi ça

1 agedvm hoc mihi haec Plautina sunt, cum in iisdem longa sit disputatio; sed mire a Terentio proferuntur ad eius exemplum et, quod est plus, carent Plautinis nugis. 2 agedvm παρέλκον est, et adiuuat ex animo loquentem.
1 agedvm hoc mihi manière plautinienne,  puisque le même sujet entraîne une longue discussion ; mais Térence fait un remarquable développement à son exemple à l'exception (et c'est mieux ainsi) des plaisanteries à la Plaute. 2 agedvm c'est un pléonasme (παρέλκον) qui aide celui qui parle de tout son cœur.

695
primum: istam quam habes unde habes uestem? taces?
d'abord : ce costume que tu as, d'où l'as-tu ? Tu te tais,

taces et recte tacet, quia metuit Chaeream.
taces et il fait bien de se taire, car il craint Chéréa.

696
monstrum hominis, non dicturus es? Dor.-uenit Chaerea.
monstre d'homme ? Tu ne vas pas parler ? Dor.-Chéréa est venu.

monstrvm hominis bene eunucho dictum monstrum hominis, hoc est: nec mas nec femina. sic et supra «  senem mulierem 308 » dixit.
monstrvm hominis formule bien trouvée pour un eunuque que ce monstrum hominis, à savoir ni homme ni femme. De même ci-dessus il disait « senem mulierem ».

697
Ph.-fraterne? Dor.-ita. Ph.-quando? Dor.-hodie. Ph.-quam dudum? Dor.-modo.
Ph.-Mon frère ? Dor.-Oui. Ph.-Quand ? Dor.-Aujourd'hui. Ph.-Il y a combien de temps ? Dor.-Un petit moment.

qvam dvdvm < m. modo > nota modo aperte pro praeterito tempore dictum esse, id est iamdudum. nam qui iam uitiauerat uirginem, non modo sed longe ante uestem mutauit cum eunucho Phaedriae.
qvam dvdvm modo il faut noter que modo est clairement mis pour renvoyer au passé, synonyme ici de iamdudum (depuis longtemps). Car l'auteur du viol de la jeune fille n'a pas échangé son vêtement avec l'eunuque de Phédria tout à l'heure mais depuis longtemps déjà.

698
Ph.-quicum? Dor.-cum Parmenone. Ph.-norasne eum prius?
Ph.-Avec qui ? Dor.-Avec Parménon. Ph.-Le connaissais-tu d'avant ?

qvicvm praepositio cum his dictionibus supponitur: quicum nobiscum uobiscum; in ceteris uero, ita ut ipsum nomen praescribit, praeponitur: cum amicis, cum exercitu, cum aduocatis.
qvicvm la préposition cum se postpose dans les mots suivants : quicum nobiscum uobiscum ; partout ailleurs, comme l'implique la forme même du nom préposition, elle s'antépose : cum amicis, cum exercitu, cum aduocatis.

699
Dor.-non. nec quis esset umquam audieram dicier.
Dor.-Non, et qui c'était, je n'en avais jamais entendu parler.

700
Ph.-unde igitur eum fratrem meum443 esse sciebas444? Dor.-Parmeno
Ph.-D'où savais-tu, alors, que c'était mon frère ? Dor.-Parménon

1 vnde igitvr evm fratrem mevm esse sciebas utpote nouicius et eum, qui ex Piraeo raro discesserit et longo interuallo in astu uenerit. 2 Et hae sunt obliquae interrogationes, quibus uti oratores uidemus, cum deriuare testimonium nituntur. 3 Et ideo sic ait Phaedria, ut frustretur omnia, quae confessus est Dorio 53: uult enim fratri esse consultum. 4 parmeno dicebat evm esse prope infirmatum est testimonium: quod enim Parmeno dicebat eum esse, potest falsum esse. 5 dicebat mire < dicebat, non> dixit, ut «  sola mihi talis c. casus C. Cassandra c. canebat 309 »; sic autem dicimus, quando non semel quid factum sed saepius demonstramus.
1 vnde igitvr evm fratrem mevm esse sciebas à savoir alors que tu es un esclave récent dans la maison et que lui a rarement quitté le Pirée et est arrivé en ville après une longue période. 2 Et ce sont des interrogations indirectes, comme celles dont usent les orateurs quand ils tentent de détourner un témoignage. 3 Et Phédria s'exprime ainsi pour rendre vain tout ce que Dorion vient d'avouer : il veut en effet qu'on veille aux intérêts de son frère. 4 parmeno dicebat evm esse le témoignage est presque infirmé274 : car ce que Parménon disait qu'il était peut être faux. 5 dicebat choix admirable de dicebat, plutôt que de dixit (il a dit), comme dans « sola mihi talis casus Cassandra canebat » (seule Cassandre m'annonçait ces épreuves) ; or c'est ainsi que nous disons quand nous voulons signifier un fait qui s'est produit non pas une fois mais assez souvent.

701
dicebat eum esse. is dedit mi hanc. Ph.-occidi.
disait que c'était lui. C'est lui qui m'a donné ce costume. Ph.-Je suis mort.

702
Dor.-meam ipse induit: post una ambo abierunt foras.
Dor.-Lui a mis le mien ; après quoi, iensemble, tous les deux, ils sont sortis.

703
Py.-iam satis credis sobriam esse me et nil mentitam tibi?
Py.-Alors, es-tu suffisamment convaincu que je ne suis pas ivre et que je ne t'ai pas menti ?

iam satis credis sobriam me quia supra dixit «  temulenta es 310 », quasi grauem iniuriam hoc dicto passa sit, memoriter rettulit dictum, ut «  en ego uicta situ 311 » et «  pulsus ego 312 »?
iam satis credis sobriam me parce qu'il avait dit ci-dessus « temulenta es », et comme quelqu'un qui a reçu une grave insulte avec ce terme, elle a mémorisé la formule, comme dans « en ego uicta situ » (me voici, moi que la décrépitude a vaincue) et « pulsus ego ? » (moi, repoussé ?).

704
iam satis certum est uirginem uitiatam esse? Ph.-age nunc, belua,
Alors, est-il suffisamment clair que la fille a été violée ?Ph.-Allons donc ! grosse bête,

iam satis certvm est virginem vitiatam esse ordine agit, cum primo de se, tum de aduersario loquitur.
iam satis certvm est virginem vitiatam esse elle plaide en mettant les choses dans l'ordre275 en parlant d'abord de son cas personnel, puis de celui de l'adversaire.

705
credis huic quod dicit445? Py.-quid isti credam? res ipsa indicat.
tu crois à ce qu'il dit ? Py.-Quel besoin ai-je de le croire ? le fait est assez parlant.

1 credis hvic qvod dicit a personae qualitate derogat fidem; nam quid credendum est seruo eunucho fugitiuo? 2 qvid isti credam res ipsa indicat haec a persona quae conuincebatur oratorie ad factum se rettulit.
1 credis hvic qvod dicit par la référence à la qualité du personnage, il ôte tout crédit à l'affirmation ; car que peut-on croire d'un esclave276 eunuque fugitif ? 2 qvid isti credam res ipsa indicat Pythias, de façon tout oratoire, revient de la personne que l'on suspecte au fait.

706
Ph.-concede istuc paululum446: audin? etiam nunc paululum: sat est.
Ph.-Recule un peu là-bas. M'entends-tu ? encore un peu. Suffit.

concede istvc pavlvlvm ad se uersum dicit istuc, ut longe sit a Pythia. eunucho enim dicit Phaedria.
concede istvc pavlvlvm il se montre lui-même en disant istuc, pour que l'eunuque s'éloigne de Pythias. Phédria parle en effet à l'eunuque.

707
dic dum hoc rursum: Chaerea tuam uestem detraxit tibi?
Dis-le donc encore une fois : Chéréa t'a arraché ton costume ?

708
Dor.-factum. Ph.-et ea est indutus? Dor.-factum. Ph.-et pro te huc deductus est? Dor.-ita.
Dor.-C'est cela. Ph.-Et il l'a mis ? Dor.-C'est cela. Ph.-Et c'est à ta place qu'on l'a emmené ici ? Dor.-Oui.

709
Ph.-Iuppiter magne, o scelestum atque audacem hominem! Py.-uae mihi:
Ph.-Grand Jupiter ! quel scélérat, quel risque-tout ! Py.-Pauvre de moi !

1 o scelestvm atqve avdacem hominem Chaeream uel Parmenonem. sed sic pronuntiandum est, ut putet ancilla de eunucho dici, hoc ipso qui praesto est; ideo illa uae mihi: etiam nunc non credis? 2 vae mihi quidam hoc totum uae mihi usque ad irrisas modis a Pythia dici existimant.
1 o scelestvm atqve avdacem hominem Chéréa ou Parménon. Mais il faut prononcer de façon à ce que la servante croie qu'on parle de l'eunuque, celui-là même qui est à portée de main ; d'où son vae mihi ! tu ne crois pas encore ? 2 vae mihi certains attribuent à Pythias toute la réplique depuis vae mihi jusqu'à irrisas modis.

710
etiam nunc non credes indignis nos esse inrisas modis?
Tu vas persister à ne pas croire qu'on s'est fichu de nous d'une indigne façon ?

711
Ph.-mirum ni tu credas quod iste dicat. quid agam nescio.
Ph.-On dirait bien que tu crois ce qu'il dit. Que faire ? Je ne sais pas.

1 mirvm ni tv credas qvod iste dicat utrum serua quod seruus? an stulta quod stultus? an femina quod eunuchus? 2 mirvm ni tv clare dicit; quidam pressius putant.
1 mirvm ni tv credas qvod iste dicat faut-il comprendre que tu, c'est la servante, et iste l'esclave ? ou la sotte et le sot ? ou la femme et l'eunuque ? 2 mirvm ni tv il le dit haut et clair ; certains supposent qu'il le dit en aparté.

712
heus negato rursum. possumne ego hodie ex te exsculpere
Hé ! ne vas-tu pas revenir sur ce que tu as dit ?. Ne pourrai-je aujourd'hui t'extorquer

1 hevs negato rvrsvm rursum non ad negato pertinet, sed ad interrogationem, ut sit: rursus interrogo te. 2 rvrsvm retro, id est <e> contrario ac per hoc: contrarium superioribus dicito.
1 hevs negato rvrsvm rursum ne se rapporte pas à negato, mais à l'interrogation, pour donner : je t'interroge encore une fois. 2 rvrsvm c'est-à-dire au contraire et par ce mot : dis le contraire de ce qui précède.

713
uerum? uidistine fratrem Chaeream? Dor.-non. Ph.-non potest
la vérité ? As-tu vu mon frère Chéréa ? Dor.-Non. Ph.-Il ne peut pas

1 non potest sine malo fateri video ampliatio [dilatio] quaestionis argumentum est nihil constitisse. adde quod poenam minatur non tamquam iam incerto sed iam falso testi. deinde ipsum fateri consideremus quale sit: non est testis, sed rei. hic igitur ut in illum culpam transferat uniuersam, fateri dixit, non indicare, ut ipse reus, non alieni facti testis esse dicatur. 2 non potest sine malo quasi nec haec fuerit nec illa confessio, in quibus ueritas nulla sit.
1 non potest sine malo fateri video le renvoi de la question à plus ample informé tient à ce que l'argument n'est pas du tout établi. Ajoutez qu'il le menace d'une punition comme on le ferait non pas d'un témoin incertain mais d'un faux témoin. Ensuite considérons le sens du verbe fateri (avouer) : c'est le fait non d'un témoin, mais d'un accusé. Donc Phédria, pour faire porter à l'eunuque l'intégralité de la faute, dit fateri (avouer) et non pas indicare (indiquer), en sorte qu'on peut dire que l'eunuque est lui-même l'accusé et non le témoin de l'acte d'un tiers. 2 non potest sine malo comme si n'avaient existé ni le premier ni le second aveu, dans l'idée qu'on n'y trouvait rien de vrai.

714
sine malo fateri, uideo: sequere hac. modo ait modo negat.
avouer sans qu'on le batte, je le vois bien. Suis-moi par ici. Des fois c'est oui, des fois c'est non.

1 seqvere hac tamquam ad tormenta. 2 modo ait modo negat testis aut ab aduersario conuincitur falsitatis aut a se ipso, si uariauerit dicta. ergo priora quia non potuerant conuinci, ab inconstantia testis praesidium defensionis est inquisitum.
1 seqvere hac comme s'il l'emmenait à la torture. 2 modo ait modo negat un témoin est convaincu de mensonge soit par l'adversaire, soit par lui-même s'il s'est contredit. Par conséquent, comme les premiers faits sont incontestables, c'est dans l'inconstance277 du témoin que l'on cherche un moyen de défense.

715
ora me. Dor.-obsecro te uero, Phaedria. Ph.-i intro nunciam.
Implore-moi. Dor.-Je te demande grâce tout de bon, Phédria. Ph.-Rentre là-dedans à présent.

1 ora me hoc lentius, ut sit causa non saeuiendi. 2 obsecro te vero phaedria bene uero, nam quia ille dixerat, ut simularet preces, hic anxius uero addidit ostendens serio se rogare et ex animo, non ut ille iubebat, dolo. 3 i intro terribiliter, dummodo eum submoueat. 4 i intro utrum intro domum ad Phaedriam an ad Thaidem? sed non oportet ad Thaidem intellegi, ne celandarum rerum index teneatur.
1 ora me il dit cela avec assez de calme, pour qu'il y ait une raison de ne pas sévir. 2 obsecro te vero phaedria vero est bien trouvé, car puisque Phédria avait dit à l'eunuque de simuler des prières, ce dernier, avec angoisse, ajoute vero, montrant par là qu'il implore sérieusement et de tout son cœur et non pas, comme il en avait reçu l'ordre, par ruse. 3 i intro dit sur un ton terrifiant, pourvu que cela éloigne l'eunuque. 4 i intro faut-il comprendre rentre chez Phédria ou chez Thaïs ? en fait, il ne faut pas comprendre chez Thaïs pour éviter qu'il y soit gardé prisonnier et révèle des choses qui doivent rester secrètes.

716
Dor.-oiei. Ph.-alio pacto honeste quomodo hinc abeam nescio.
Dor.-Aïe ! aïe ! Ph.-D'autre moyen de me tirer de là honnêtement,je n'en vois pas.

1 oiei apte σχετλιασμόν rusticum posuit utpote serui ac nouicii. et est deploratio ab eis sic dicta. 2 alio pacto honeste contra officium fuit mentiri docuisse seruum et adfuisse mendacio liberalem adulescentulum. sed uide quemadmodum defendatur: dum se mentiri coactum dicit, consulit honestati. hanc autem causam longae sermocinationis ad hoc inducit artifex poeta, ut apud: omnes iam certum sit a Chaerea uitiatam uirginem, ne ullo errore ulterius impediantur nuptiae uel finis fabulae differatur. 3 alio pacto honeste nullo alio scilicet nisi per hanc fallaciam.
1 oiei terme de plainte (σχετλιασμόν) de la campagne bien adapté, qui convient à un esclave, qui plus est récent. Et la lamentation chez eux s'exprime ainsi. 2 alio pacto honeste c'est contraire au devoir que d'avoir appris à un esclave à mentir et que ce mensonge ait été fait en présence d'un jeune homme de naissance libre. Mais voyez comme il s'en défend : tout en disant qu'il a été obligé de mentir, il veille à préserver son honnêteté. Or si le poète, en bon faiseur, a introduit cette longue conversation, c'est dans l'idée que tous désormais aient la certitude que c'est bien par Chéréa que la jeune fille a été violée, pour qu'aucune méprise supplémentaire ne vienne empêcher les noces et que la fin de la pièce n'en soit différée. 3 alio pacto honeste d'aucune autre façon évidemment que par ce mensonge.

717
actum est, siquidem tu me hic etiam, nebulo, ludificabere.
C'en est fait de toi si tu continues à la maison, espèce de mollusque, à t'amuser avec moi.

actvm est siqvidem hoc rursus clare. et sic dicit tamquam adhuc iratus eunucho suo.
actvm est siqvidem cela est dit à haute voix à nouveau. Et il le dit comme s'il était encore en colèrecolère contre son eunuque.

718
Py.-Parmenonis istam447 scio esse hanc technam quam me uiuere.
Py.-C'est du Parménon, je le sais, cette fourberie, aussi sûr que je suis en vie.

parmenonis istam scio esse <technam> qvam me vivere deest magis, ut sit: magis scio quam me uiuere.
parmenonis istam scio esse technam qvam me vivere il manque magis pour faire magis scio quam me uiuere (je sais que c'est un tour de Parménon plus encore que je ne sais que je suis en vie).

719
Do.-sic est. Py.-inueniam hodie pol448 parem ubi referam gratiam.
Do.-C'en est. Py.-Je trouverai bien aujourd'hui, nom d'un chien, de quoi lui rendre la pareille.

inveniam hodie pol parem hic iam προοικονομία 54 ad futurum exitum fabulae <est>; nam dum se ulciscitur Pythias, fit indicium patri Chaereae et confirmantur nuptiae.
inveniam hodie pol parem il s'agit là d'une préparation (προοικονομία) du dénouement de la pièce qui s'annonce ; car en même temps que Pythias obtient vengeance, Chéréa est dénoncé à son père et les noces sont confirmées.

720
sed nunc quid faciundum censes, Dorias? Do.-de istac rogas
Mais pour le moment, que faut-il faire à ton avis, Dorias ? Do.-Tu veux dire à propos d'elle,

721
uirgine? Py.-ita, utrum taceam an praedicem449? Do.-tu pol, si sapis,
la fille ? Py.-Oui. Dois-je me taire ou l'annoncer ? Do.-Toi, nom d'un chien, si tu as de la jugeotte,

1 vtrvm taceamne an praedicem tertium παρέλκον: abundat enim aut utrum aut ne. 2 Aut certe, < τὸ > ἑξῆς < utrumne >, ut sit figura τμῆσις. 3 tv pol si sapis qvod scis nescis non possumus nescire, quod scimus. Sed ita sane «  concordia discors 313 »; Vergilius «  sequiturque sequentem 314 ». 4 tv pol si sapis qvod scis nescis uideamus, cur nolit poeta de uitio uirginis continuo scire Thaidem: utrum ne improuiso malo uehementius commoueatur ac doleat? an ut ex eiusdem uirginis habitu uultuque ista cognoscat, quod est actuosius? an quod proximum uero est, ut illam et Thais et frater ignorantes uitiatam animosius aduersum militem defendant repetitum eam uenientem cum tanto strepitu ac minis? nam quo ore praeterea diceret Thais Chremeti de sororis pudore sollicito «  educata ita, ut teque illaque dignum est 315 », si sciret illam uirginem non esse?
1 vtrvm taceamne an praedicem troisième pléonasme (παρέλκον) : car ou bien utrum ou bien ne est en trop. 2 Ou au moins il y a succession (τὸ ἑξῆς) utrumne , pour avoir la figure appelée tmèse (τμῆσις). 3 tv pol si sapis qvod scis nescis nous ne pouvons pas ne pas savoir ce que nous savons. Mais on a aussi bien « concordia discors » (concorde discordante) ; ou chez Virgile « sequiturque sequentem » (il suit celui qui le suit). 4 tv pol si sapis qvod scis nescis voyons pourquoi le poète refuse que Thaïs sache tout de l'outrage subi par la jeune fille : est-ce pour lui éviter d'être trop violemment émue et affligée si un tel malheur lui était annoncé à l'improviste ? ou pour qu'elle apprenne la chose de l'attitude même et de la physionomie de la jeune fille, ce qui est plus dans l'action ? ou, ce qui est le plus proche de la vérité, pour que Thaïs et son frère, tous deux ignorants de l'outrage dont elle a été victime, la défendent avec plus de cœur contre le soldat venu la réclamer avec force clameurs et menaces ? car avec quel visage Thaïs pourrait-elle dire après cela à Chrémès, inquiet de la vertu de sa sœur, « educata ita, ut teque illaque dignum est », si elle savait qu'elle n'est plus vierge ?

722
quod scis nescis de eunucho450neque de uitio uirginis.
ce que tu sais tu ne le sais pas, au sujet l'eunuque et du viol de la fille.

1 de evnvcho quod fuerit. 2 de evnvcho quod Chaerea sit, non eunuchus. 3 qvod scis nescis de evnvcho in Heautontimorumeno «  nescis quod scis, Dromo, si sapis 316 »55. et hoc est quod κακόζηλον dicitur. 4 qvod scis nescis prouerbiale est et multum apud διαλεκτικούς tractatum, ut facio et non facio et amicus sum et non sum et audio et non audio et cetera huiusmodi. 5 de vitio virginis quod iam mulier facta sit.
1 de evnvcho ce qu'il en a été de l'eunuque. 2 de evnvcho que c'était Chéréa et non un eunuque. 3 qvod scis nescis de evnvcho de même dans L'Héautontimorouménos « nescis quod scis, Dromo, si sapis » (tu ne sais pas ce que tu sais, si tu es malin, Dromon). Et c'est la figure dite excès de préciosité (κακόζηλον). 4 qvod scis nescis C'est proverbial et ça traîne beaucoup dans les livres de dialectique, comme je fais et ne fais pas, je suis ami et ne le suis pas, j'entends et n'entends pas et autres énoncés de cet acabit. 5 de vitio virginis qu'elle est maintenant devenue femme.

723
hac re et te omni turba euolues et illi gratum feceris.
Par ce moyen tu te tireras de toute l'embrouille et tu lui feras plaisir.

1 hac re et te omni tvrba evolves causa quaesita, cur ante iurgium cum milite Thais nesciat uitiatam uirginem. 2 et illi gratvm feceris cui nisi uirgini? cuius crimen et supra silentio texeris praesertim tacentis iniuriam suam et sic dolentis amissam uirginitatem, ut nec confessionem calamitatis suae subire possit.
1 hac re et te omni tvrba evolves on cherche la raison pour laquelle Thaïs, avant sa dispute avec le soldat, ignore que la jeune fille a été déshonorée. 2 et illi gratvm feceris à qui, si ce n'est à la jeune fille, dont, par surcroît, tu auras caché le crime par ton silence, alors qu'elle tait l'injustice qu'elle a subie et déplore la perte de sa virginité sans avoir à subir l'aveu de son malheur ?

724
id modo dic, abisse Dorum. Py.-ita faciam. Do.-sed uideon Chremen?
Dis seulement ça, que Dorus est parti. Py.-C'est ce que je vais faire. Do.-Mais n'est-ce pas Chrémès que je vois ?

id modo dic abisse dorvm id pro hoc, subiunctiuum pro praepositiuo.
id modo dic abisse dorvm id est mis pour hoc, anaphorique pour cataphorique.

725
Thais iam aderit. Py.-quid ita? Do.-quia, cum inde abeo, iam tum occeperat
Thaïs sera bientôt ici. Py.-Pourquoi ça ? Do.-Parce que, quand je suis partie de là-bas, ça avait déjà commencé,

1 thais iam aderit bene dixit: huic enim aderit Thais. 2 qvia cvm inde aliam ex alia causa supposuit, quasi dicat uideo causam.
1 thais iam aderit bien dit : car Thaïs va venir à lui. 2 qvia cvm inde il suppose une raison à partir d'une autre, comme s'il disait je vois la cause.

726
turba inter eos. Py.-tu aufer aurum hoc. ego scibo ex hoc quid siet.
la dispute entre eux. Py.-Toi, emporte cet or ; moi, je vais savoir de lui ce qu'il en est.

scaena quinta

Pythias Chremes

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727
Chr.-Attat data hercle uerba mihi sunt: uicit uinum quod bibi.
Chr.-Eh mais ma foi ! on m'a payé de mots ! Ce qui m'a vaincu c'est le vin que j'ai bu.

1 atat data hercle verba mihi svnt vicit vinvm hic semigrauis inducitur uino Chremes priorum memor, titubans in praesentibus, ut fere adpoti solent. 2 atat atat interiectio est paulatim percepti atque intellecti mali. 3 data verba fraus facta. 4 data hercle verba a milite an a meretrice, cuius iam pridem dolum malum in omni re suspectatus est? an magis a uino quasi captioso aliquo data uerba sunt, quia bibere dulce est, ebrium fieri turpissimum? adeo his quae sequuntur quasi subtilem fraudem ebrietatis inducit. Plautus de uino «  pedes captat primo, luctator dolosus est 317 »; Vergilius de uua idem «  temptatura pedes olim uincturaque linguam 318 ».
1 atat data hercle verba mihi svnt vicit vinvm arrive à ce moment Chrémès, bien aviné, ayant bien en tête les faits antérieurs mais hésitant sur les faits actuels, comme cela est souvent le cas avec les personnes ivres. 2 atat atat est une interjection qui signale qu'on a petit à petit perçu et interprété un malheur278. 3 data verba comprendre un tour qui a été joué. 4 data hercle verba joué par le soldat ou par la courtisane, dont il soupçonne depuis peu un mauvais coup dans cette affaire ? ou n'est-ce pas plutôt le vin qui, comme un enjôleur, lui a joué un tour, parce que si boire est agréable, s'enivrer est une infâmie ? d'ailleurs, avec les répliques suivantes, il met en scène la ruse subtile de l'ivresse. Plaute dit du vin : « pedes captat primo, luctator dolosus est » (il t'attrape d'abord les pieds, c'est un lutteur fourbe) ; Virgile de même dit du raisin « temptatura pedes olim uincturaque linguam » (il va bientôt vous tenir les pieds et vous lier la langue).

728
ac451 dum accubabam quam uidebar mihi452 esse pulchre sobrius!
Et, pendant que j'étais à table, il me semblait que j'étais joliment sobre ;

1 ac dvm accvbabam hic uerba data sunt. 2 qvam videbar mihi esse pvlchre sobrivs nihil elegantius: non dixit uidebar mihi tunc esse sobrius, sed ut hoc ipsum iam erroris esset ac uinolentiae, uidebar mihi inquit nimium sobrius. 3 pvlchre fortiter ac nimis.
1 ac dvm accvbabam c'est là qu'on lui a joué le tour. 2 qvam videbar mihi esse pvlchre sobrivs on ne saurait mieux dire : il ne dit pas je me faisais l'effet à ce moment-là d'être sobre mais, pour montrer qu'on a là les effets mêmes de l'erreur et de l'ivresse, je me faisais l'effet d'être trop sobre. 3 pvlchre signifie fortiter (fort) et nimis (trop).

729
postquam surrexi neque pes neque mens satis suum officium facit.
quand je me suis levé, ni mes pieds, ni ma tête ne font plus bien leur service.

1 neqve pes ad incessum, neqve mens ad facta et dicta. 2 satis svvm officivm facit bene: nec enim omnino non facit, nam hoc insaniae est, sed non satis facit, quod est ebrietatis.
1 neqve pes se réfère à sa démarche, neqve mens à ses faits et dires. 2 satis svvm officivm facit bien trouvé : car il ne dit pas que les organes ne fonctionnent pas du tout, ce qui est le propre de la folie, mais ils ne fonctionnent pas assez bien, ce qui est le propre de l'ivresse.

730
Py.-Chreme. Chr.-quis est? ehem Pythias quanto nunc formosior
Py.-Chrémès ! Chr.-Qui est là ? Tiens, Pythias ! Oh ! combien plus jolie

1 qvis est ehem pythias εἰρωνικῶς et satis miro exemplo mutatam credit, postquam ipse mutatus est. 2 qvanto nvnc formosior videre mihi qvam dvdvm hoc multum Academicos iuuat, qui aiunt, prout habiti fuerimus atque affecti, ita nobis aliud atque aliud uideri et ideo nihil certi comprehendi posse.
1 qvis est ehem pythias dit par ironie (εἰρωνικῶς) et avec un exemple remarquable il croit que c'est elle qui a changé alors que c'est lui. 2 qvanto nvnc formosior videre mihi qvam dvdvm voilà qui plaît beaucoup aux philosophes de l'Académie279, qui disent que, selon notre humeur et notre tempérament, nous trouvons bon telle ou telle chose, en sorte qu'on ne peut rien saisir de certain.

731
uidere mihi quam dudum! Py.-certe tu quidem pol multo hilarior.
tu me parais à cette heure que tout à l'heure ! Py.-En tout cas, toi, nom d'un chien, tu es beaucoup plus souriant.

1 certe tv qvidem pol et certe et pol haec dixit, ut appareret hanc uere loqui quae sobria est, illum uero ex uino falli. 2 Et honorifice atque ut sobria non dixit temulentior <aut> lasciuior <sed hilarior>.
1 certe tv qvidem pol elle dit à la fois certe (certes) et pol (parbleu) pour bien montrer qu'elle, qui est sobre, dit la vérité alors que lui se trompe sous l'effet du vin. 2 Et pour lui faire honneur et parce qu'elle est sobre, elle ne dit pas bien éméché ou bien folâtre mais bien gai .

732
Chr.-uerbum hercle hoc uerum erit « sine Cerere et Libero friget Venus ».
Chr.-Le proverbe, ma foi, se vérifiera : « Sans Cérès ni Bacchus, Vénus grelotte ».

1 verbvm hercle hoc id est prouerbium, ut in Andria «  uerum illud uerbum est, uulgo quod dici solet 319 ». 2 sine cerere et libero friget venvs hoc si ad sententiam reuoces, non conueniet ebrio, si ad petulantiam, quam scite dictum est! nam et improbior factus est et, cum tropice locutus sit, tamen ordinem naturalem seruauit; nam primum cibus, deinde potus, postremo libido ueneria. friget autem, quia omnis huiuscemodi uoluptas in calore sanguinis constituta est, qui his rebus alitur. 3 Et friget proprie non adhaeret; translatum est enim hoc prouerbium friget a picatione uasorum, quae frigida picem non tenent, cum alia multa meliora sint ad usum frigida, ut ferrum, aurum et argentum et cetera huiusmodi. nam sic alibi ait «  ubi friget, huc euasit 320 ». 4 Et uide tres μετωνυμίας · Cererem, Liberum, Venerem.
1 verbvm hercle hoc c'est-à-dire le proverbe, comme dans L'Andrienne « uerum illud uerbum est, uulgo quod dici solet ». 2 sine cerere et libero friget venvs si on s'en tient à l'énoncé, il ne conviendra pas à un homme ivre, mais si on l'applique à son étourderie, comme c'est sagement dit ! car d'une part il s'est conduit honteusement, d'autre part, bien qu'il ait parlé par tropes, il n'en a pas moins respecté l'ordre naturel : car il y a d'abord la nourriture, ensuite la boisson, ensuite le désir sexuel. friget (elle a froid), parce que ce genre de désir se manifeste grâce à la chaleur du sang, qui se nourrit de ces choses. 3 Et friget au sens propre signifie non adhaeret (ça n'adhère pas) ; car ce proverbe friget vient d'une métaphore tirée de l'enduit des récipients en terre cuite, lesquels, quand ils sont froids, ne retiennent pas l'enduit, alors que beaucoup d'autres matières sont bien meilleures à l'usage à froid, comme le fer, l'or, l'argent et d'autres de cet acabit. En effet, Térence dit ailleurs « ubi friget, huc euasit ». 4 Et voyez les trois métonymies (μετωνυμίας) Cérès, Liber, Vénus.

733
sed Thais multo ante uenit? Py.-anne abiit iam a milite?
Mais Thaïs est arrivée depuis longtemps ? Py.-Elle est déjà partie de chez le soldat ?

sed thais mvlto ante venit interrogatiue pronuntiandum est. et scias de his esse interrogationibus hanc ipsam, in quibus ita quaerimus, ut quod interrogatur responsuri nobis ipsi nescire uideantur.
sed thais mvlto ante venit à prononcer sur le mode interrogatif. Et il faut savoir que c'est l'une de ces questions que nous posons sans que ceux qui vont répondre nous paraissent savoir sur quoi porte la question.

734
Chr.-iamdudum, aetatem. lites factae sunt inter eos maximae.
Chr.-Ça fait longtemps, un siècle. Le litige qu'il y a eu entre eux est énorme.

1 iamdvdvm aetatem quia iamdudum infinitae morae est, addidit aetatem, ut ostenderet multum abiisse temporis, ut factum est. 2 iamdvdvm aetatem pro longinquo tempore, ut Lucilius «  ut multos mensesque diesque, non tamen aetatem 321 ». 3 aetatem diu longoque et prolixo tempore, ut est aetas. nam sic dicimus de die et dieculam , aliquantulam moram.
1 iamdvdvm aetatem comme iamdudum (voilà longtemps) n'implique pas de limite temporelle, il ajoute aetatem (un siècle) pour montrer qu'il s'est écoulé beaucoup de temps, ce qui est le cas. 2 iamdvdvm aetatem signifie un temps long ; ainsi chez Lucilius « ut multos mensesque diesque, non tamen aetatem » (de nombreux mois et jours, tout de même pas un siècle). 3 aetatem longtemps, et pendant une durée longue et étendue, comme l'est le siècle. Car de la même façon, nous disons diecula pour dies pour désigner un court moment.

735
Py.-nihil dixit ut453 sequerere sese? Chr.-nihil, nisi abiens mihi innuit.
Py.-Elle ne t'a pas dit de la suivre ? Chr.-Pas du tout. Sauf qu'en partant elle m'a fait un signe.

1 nihil dixit vt seqverere sese pro non. Vergilius «  deponunt animos n. nil m. magnae l. laudis e. egentis 322 ». 2 nihil nisi abiens mihi innvit apparet et quasi iratam discessisse Thaidem a milite et tamen sic iratam, ut illi ira consilium non ademerit: innuit inquit cum abiret.
1 nihil dixit vt seqverere sese nihil est mis pour non. De même chez Virgile « deponunt animos nil magnae laudis egentis » (on laisse partir des âmes qui n'ont en rien besoin d'une grande gloire). 2 nihil nisi abiens mihi innvit il est clair que Thaïs a quitté le soldat comme en colèrecolère, mais sans pour autant que cette colèrecolère lui ait ôté tout jugement : Chrémès dit elle m'a fait signe en s'en allant.

736
Py.-eho nonne id sat erat? Chr.-sed454 nesciebam455 id dicere illam, nisi quia
Py.-Eh bien ! n'était-ce pas assez ? Chr.-Mais je ne savais pas que c'était cela qu'elle voulait dire, sauf que

1 eho nonne id sat erat adeo simplex hic inducitur adulescens, ut a Pythia reprehendi possit. nam quid opus fuit dicere, si innuit? 2 sed nesciebam id dicere illam dicere pro uelle significare. sic alibi «  quasi tu dicas factum id consilio meo 323 ». 3 nisi qvia correxit miles qvod intellexi minvs hoc uidetur sapientius et facetius dici quam ab ebrio rustico adulescentulo debuisset. hoc uitium tunc fit, cum ingenium suum poetae in personas conferunt.
1 eho nonne id sat erat c'est un jeune homme si simplet qui est mis en scène ici que Pythias peut le reprendre. Car quel besoin y avait-il de parler dès lors qu'elle a fait un geste ? 2 sed nesciebam id dicere illam dicere est mis pour uelle significare (vouloir dire). De même : « quasi tu dicas factum id consilio meo ». 3 nisi qvia correxit miles qvod intellexi minvs la chose paraît trop sage et spirituelle pour un jeune campagnard ivre. Ce défaut se produit quand les poètes transfèrent leur propre génie sur leurs personnages.

737
correxit miles, quod intellexi minus; nam me extrusit foras.
le soldat a corrigé ce que je n'avais pas bien compris ; il m'a flanqué à la porte.

qvod intellexi minvs uerisimile hunc tantum extrusum, non etiam uapulasse, quia miles magis Thaidi quam huic irascitur.
qvod intellexi minvs il est vraisemblable que Chrémès a seulement été mis dehors mais n'a pas été jusqu'à prendre une rossée, car le soldat en veut davantage à Thaïs qu'à lui.

738
sed eccam ipsam: miror ubi ego huic anteuerterim.
Mais la voici justement. Je me demande bien où j'ai pu la dépasser.

1 miror vbi ego hvic anteverterim ubi in qua parte uiae. 2 hvic anteverterim hanc praecesserim.
1 miror vbi ego hvic anteverterim ubi signifie à quel endroit du chemin. 2 hvic anteverterim je l'ai dépassée.

scaena sexta

Pythias Chremes Thais

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739
Th.-Credo equidem illum iam adfuturum esse, ut illam a me eripiat: sine ueniat.
Th.-Je crois pour ma part qu'il ne va pas tarder à être là pour me l'arracher. Laisse-le venir.

1 credo eqvidem illvm iam adfvtvrvm uides, ut ex ipsis apparet uerbis, quam concita et recens a litigio Thais ueniat. itaque nec nominat militem aut uirginem, sed pronomine utrumque significat quasi in medio constituta negotio. 2 adfvtvrvm esse eum uidi aduenturum, ut «  adfuit et Mnestheus 324 ». 3 sine veniat cui dicit sine? nulli, sed comminantis est, ut «  sine modo 325 ».
1 credo eqvidem illvm iam adfvtvrvm on voit, comme cela apparaît des termes mêmes, à quel point Thaïs est émue et encore toute à sa dispute au moment d'entrer en scène. C'est pourquoi elle ne donne pas le nom du soldat ni de la jeune fille mais les désigne tous les deux par un pronom, comme quelqu'un qui est à plein dans son affaire. 2 adfvtvrvm esse je l'ai vu sur le point d'arriver, comme dans « adfuit et Mnestheus » (Mnesthée aussi arriva). 3 sine veniat à qui dit-elle laisse ? A personne, mais c'est une forme de menace, comme dans « sine modo ».

740
atque456 si illam digitulo457 attigerit uno, oculi ilico effodientur.
Mais s'il la touche ne serait-ce que du bout du doigt, on lui arrachera immédiatement les yeux.

1 atqve si illam digitvlo attigerit vno moris <est> comminantium ad exiguum reuocare commissa, quae se ulturos praedicent. 2 ocvli ilico effodientvr et femineae minae sunt et in libidinosos quam maxime; nam hunc amatorem suspicatur esse uirginis. sic et alibi «  ut ego illi facile in oculos inuolem uenefico! 326 » in oculos autem maxime saeuire feminas et tragoediae fere et comoediae protestantur.
1 atqve si illam digitvlo attigerit vno c'est l'usage de ceux qui profèrent une menace que de minimiser les faits commis dont ils affirment qu'ils vont se venger. 2 ocvli ilico effodientvr et ce sont des menaces féminines280 et dirigées surtout contre les libidineux ; car elle le soupçonne d'être l'amant de la jeune fille. De même ailleurs « ut ego illi facile in oculos inuolem uenefico ! ». De fait, c'est surtout aux yeux que les femmes affirment vouloir s'en prendre dans les tragédies presque généralement comme dans les comédies.

741
usque adeo ego illius ferre possum ineptias458 et magnifica uerba,
Le moment où je peux supporter ses inepties et ses discours grandiloquents,

1 vsqve adeo ego illivs ferre possvm ineptias et magnifica verba non dixit usque adeo illum possum amare, sed quam insuauis iam diu sit, ostendit dicendo ferre possum. 2 Et cito ostendit, quae sit amicitia militis: ineptias inquit et magnifica uerba.
1 vsqve adeo ego illivs ferre possvm ineptias et magnifica verba elle ne dit pas usque adeo illum possum amare (je peux l'aimer jusqu'à un certain point), mais elle montre comme il est désagréable depuis longtemps en disant je peux le supporter. 2 Et elle montre aussitôt quelle sorte d'amitié elle a pour le soldat281 : elle parle de ses sottises et de ses formules qui en jettent.

742
uerba dum sint; uerum quae459 si ad rem conferentur, uapulabit.
c'est tant que ça reste des discours ; mais si on passe aux actes, il va morfler !

1 verba dvm sint hoc est: quae uim non admisceant. 2 qvae si ad rem conferentvr vapvlabit si discesserit a uerbis et rem experiri uolet, uapulabit. 3 Et bona locutio, ut si dicas: uerba ad rem contulit, hoc est: agere quod dicebat aggressus est.
1 verba dvm sint c'est-à-dire qui n'ajoutent pas des coups. 2 qvae si ad rem conferentvr vapvlabit dès qu'il aura renoncé aux mots et qu'il voudra essayer de passer à l'acte, il se fera casser la figure. 3 Et c'est une bonne expression, comme si on disait : uerba ad rem contulit (il a comparé les mots à la chose), c'est-à-dire il a commencé à faire ce qu'il disait.

743
Chr.-Thais, ego iamdudum hic adsum. Th.-o mi Chreme, te ipsum exspectabam.
Chr.-Thaïs, moi, ça fait déjà un moment que je suis là. Th.-Mon cher Chrémès, c'est justement toi que j'attendais.

744
scin tu turbam hanc propter te esse factam? et adeo ad te attinere hanc
Sais-tu que c'est à cause de toi que cet esclandre a eu lieu et qu'ainsi c'est de toi que dépend

745
omnem rem? Chr.-ad me? quid460? quasi istuc... Th.-quia, dum tibi sororem studeo
toute la chose ? Chr.-De moi ! Comment ? comme si cela... Th.-Parce que, pendant que pour toi, ta sœur, je m'efforce

ad me qvid qvasi istvc et rusticus et timidus et pudens commotus est meretriculae dicto.
ad me qvid qvasi istvc c'est un paysan timide et réservé qui se laisse démonter par le propos d'une courtisane de rien du tout.

746
reddere ac restituere haec atque huiusmodi sum passa multa461
de te la rendre et de te la ramener, voilà ce que j'ai subi et beaucoup du même genre.

1 haec atqve hvivsmodi svm passa mvlta facunde meretrix et haec imputat adulescenti quae uidit et alia quibus non interfuit. 2 reddere ac restitvere proprie redditur cupientibus, uti domino seruus, restituitur cupiens, ut patriae ciuis, et redditur et restituitur <cupientibus> cupiens, ut parentibus filius. 3 Ergo in hac utrumque est: et reddi et restitui.
1 haec atqve hvivsmodi svm passa mvlta la courtisane s'exprime avec faconde et elle met sur le compte du jeune homme ce qu'il a vu de ses yeux et ce à quoi il n'a pas assisté. 2 reddere ac restitvere au sens propre, un individu est rendu (redditur) à qui le souhaite, comme par exemple un esclave à son maître, un individu qui le souhaite est restitué (restituitur), comme un citoyen à sa patrie, et une personne qui le souhaite est à la fois rendue (redditur) et restituée (restituitur) à qui le souhaite, comme un fils à ses parents. 3 Donc, pour la petite jeune fille, c'est l'un et l'autre : on la rend et on la restitue.

747
Chr.-ubi ea est? Th.-domi apud me. Chr.-hem. Th.-quid est?
Chr.-Où est-elle ? Th.-A la maison, chez moi. Chr.-Ah ! Th.-Qu'est-ce qu'il y a ?

hem extimuit adulescens, quod sororem suam in domo meretricis esse audiuit, cui rei occurrit Thais statim.
hem le jeune homme prend peur parce qu'il apprend que sa sœur est dans la maison de la courtisane, situation à laquelle elle a aussitôt pourvu.

748
educta ita ut teque illaque dignum462. Chr.-quid ais? Th.-id quod res est.
Elle a été élevée d'une façon digne de toi et d'elle-même. Chr.-Que dis-tu ? Th.-Ce qui est.

1 edvcta subauditur est domi apud me. 2 edvcta ita vt teqve illaqve est dignvm bene purgauit, quod ex quaestu meretricio exspectabatur: non, inquit, ut me dignum est, apud me est. 3 qvid ais recte, quia mirum apud meretricem liberaliter <hanc esse eductam>.
1 edvcta sous-entendre elle est à la maison, chez moi. 2 edvcta ita vt teqve illaqve est dignvm elle se justifie bien du reproche selon lequel la petite était prévue pour pratiquer le métier de courtisane en disant non pas elle a été élevée d'une façon digne de moi mais chez moi. 3 qvid ais bien dit, parce qu'on peut s'étonner que la petite ait été élevée selon les bonnes manières chez une courtisane.

749
hanc tibi dono do neque repeto pro illa quicquam abs te pretii.
Cette fille, je te la donne en cadeau et ne te demande en retour pour elle aucune forme de dédommagement.

1 hanc tibi dono do melius dixit quam dono, ut dominus potior sit uel deus. 2 neqve repeto pro illa qvicqvam abs te pretii ex e? quod potuit iure facere, beneficium demonstrauit oratorie dicens se id non esse facturam.
1 hanc tibi dono do elle dit mieux qu'en disant je t'en gratifie (dono), en sorte qu'elle en fait un maître plus puissant qu'elle ou un dieu. 2 neqve repeto pro illa qvicqvam abs te pretii d'une chose qu'elle aurait pu faire légitimement, elle fait un bienfait en disant de façon tout oratoire qu'elle ne la fera pas.

750
Chr.-et habetur et referetur, Thais, ita uti merita es gratia.
Chr.-On a et on te rendra, Thaïs, toute la reconnaissance que tu as méritée.

et habetvr et refertvr thais qui habet apud se gratiam, nondum rettulit; rettulit qui destitit habere. multum ergo hic dixit: et habituiri gratiam et restitutuiri tamen. quem sensum transtulit Sallustius in bellum Iugurthinum «  arma, pecuniam sume utere, et quoad uixeris, numquam tibi redditam gratiam putaris: semper apud me integra erit56 327 ».
et habetvr et refertvr thais celui qui sait gré n'a pas encore rendu la pareille ; a rendu la pareille celui qui n'a plus besoin de savoir gré. Du coup, ici il dit beaucoup : et qu'il lui en saura gré et qu'il lui rendra la pareille. C'est ce sens que Salluste exploite métaphoriquement dans Jugurtha « arma, pecuniam sume utere, et quoad uixeris, numquam tibi redditam gratiam putaris : semper apud me integra erit » (prends pour les utiliser mes armes, mon argent et, tant que tu seras en vie, ne crois pas que je serai quitte à ton égard de ma dette de reconnaissance : elle restera entière pour moi).

751
Th.-at enim caue ne prius quam hanc a me accipias amittas, Chreme;
Th.-Mais prends garde, avant même que je l'aie remise entre tes mains, de la perdre, Chrémès ;

1 ne privs qvam hanc accipias a. amittas c. chreme hoc in comoedia licet more uulgi dicere; ceterum non potest amitti quod nondum acceptum sit. 2 An quia iam dudum sumptum est?
1 ne privs qvam hanc accipias amittas chreme il est permis en comédie d'user d'un registre populaire ; par ailleurs on ne peut pas perdre ce qu'on n'a pas encore reçu. 2 Ou alors est-ce parce que cela fait longtemps que ç'a été pris ?

752
nam haec ea est quam miles a me ui nunc ereptum uenit.
car c'est elle que le soldat vient maintenant m'arracher de force.

nam haec ea est qvam miles a m. me vi n. nvnc e. ereptvm v. venit non ad terrendum, sed ad parandum animum adulescentis haec dixit, quem audacem putat aliter ac res ipsa est. nam mox Thais mutabit orationem et dicet «  quicum res tibi est, peregrinus est, minus potens quam tu, m. minus n. notus , m. minus a. amicorum h. hic h. habens 328 ».
nam haec ea est qvam miles a me vi nvnc ereptvm venit ce n'est pas pour lui faire peur qu'elle dit cela, mais pour qu'il prépare son courage de jeune homme, qu'elle juge autrement audacieux que ce n'est le cas en réalité. Car bientôt Thaïs changera de discours et lui dira « quicum res tibi est, peregrinus est minus potens quam tu, minus notus, minus amicorum hic habens ».

753
abi tu, cistellam, Pythias, domo ecfer cum monumentis.
Va, toi ; la cassette, Pythias, apporte-la de la maison avec les preuves.

cvm monvmentis haec sunt, quae Graeci dicunt σπάργανα.
cvm monvmentis il s'agit de ce que les Grecs appellent σπάργανα (vieux vêtements).

754
Chr.-uiden tu illum, Thais,... Py.-ubi sita est? Th.-in risco: odiosa cessas.
Chr.-Tu le vois, Thaïs... Py.-Où se trouve-t-elle ? Th.-Dans le coffre. Tu es insupportable, arrête.

1 viden tv illvm thais longe uidere timoris est indicium. 2 vbi sita est trepidantes personas miscuit. 3 in risco cista pelle contecta; nomen Phrygium.
1 viden tv illvm thais le voir arriver de loin est un signe d'appréhension. 2 vbi sita est le passage mêle des personnages agités. 3 in risco c'est un coffret recouvert de cuir ; le mot est phrygien282.

755
Chr.-militem secum ad te quantas copias adducere?
Chr.-Le soldat, avec lui, contre toi, quelles troupes considérables il amène !

qvantas copias addvcere proprie dixit copias, nam sic dicuntur legiones in unum collectae. conuenit tamen rudi et rustico adulescenti sex homines copias dicere: militem, parasitum, Donacem, Syriscum, Simalionem, Sangam.
qvantas copias addvcere copiae est pris au sens propre, car c'est ainsi qu'on appelle des légions rassemblées en un seul point. Cela convient bien tout de même à un jeune homme fruste et campagnard d'appeler troupes un groupe de six hommes, le soldat, le parasite, Donax, Syriscus, Simalion et Sanga.

756
attat... Th.-num formidulosus obsecro es, mi homo? Chr.-apage sis:
Houlà ! Th.-Est-ce que par hasard tu serais peureux, s'il te plaît, mon bonhomme ? Chr.-Go back home, s'il te plaît !

1 nvm formidolosvs obsecro es m. mi h. homo formidulosus et terribilis et timidus intellegitur. 2 apage sis Plautus in Trinummo «  apage amor 329 »57.
1 nvm formidolosvs obsecro es mi homo formidulosus signifie à la fois terribilis (terrible) et timidus (craintif). 2 apage sis De même Plaute dans Trinummus « apage amor » (fiche le camp, amour).

757
egon formidulosus? nemo est hominum qui uiuat minus.
Moi peureux ? Il n'y a pas d'âme qui vive qui le soit moins.

758
Th.-atque463 ita opus est. Chr.-ah metuo qualem me hominem esse464 existimes.
Th.-Et c'est ce qu'il faut ! Chr.-Holà, j'ai peur à l'idée de l'homme que tu crois que je suis.

1 atqve ita opvs est ut minus formidulosus sis. 2 metvo qvalem me h. hominem e. esse uidetur ebrius factus hic Chremes iam etiam displicere nolle mulieri; nam idcirco fatetur se timere malam de se opinionem Thaidis. 3 Et metvo qvalem noue dixit pro metuo ne ignores.
1 atqve ita opvs est à savoir que tu sois moins froussard. 2 metvo qvalem me hominem existimes il semble que Chrémès, tout ivre qu'il soit, ne veuille tout de même pas déplaire à la jeune femme ; car il avoue craindre que Thaïs n'ait de lui une mauvaise opinion. 3 Et metvo qvalem est une construction inédite pour metuo ne ignores (j'ai peur que tu ignores).

759
Th.-immo hoc cogitato: quicum res tibi est peregrinus est,
Th.-Réfléchis plutôt à cela : celui à qui tu as affaire est un étranger,

1 peregrinvs est minvs potens qvam tv ipsa nunc eloquitur, quid efficiatur ex eo quod ait peregrinus est. 2 minvs potens qvam tv bene sic dixit, quia tardum fuit dicere ille impotens, tu potens etc.
1 peregrinvs est minvs potens qvam tv elle-même développe maintenant les conséquences qui découlent de ce qu'elle dit : il est étranger. 2 minvs potens qvam tv c'est bien dit, car il serait fastidieux de dire lui n'a pas de pouvoir, toi tu en as, etc.

760
minus potens quam tu, minus notus, minus amicorum hic habens.
moins puissant que toi, moins connu et ayant ici moins d'amis.

761
Chr.-scio istuc. sed tu quod cauere possis stultum admittere est.
Chr.-Je sais cela. Mais toi, ce que tu peux éviter, il est idiot de l'accepter.

1 sed tv qvod cavere p. possis s. stvltvm a. admittere e. est ostendere uult Terentius plures sententias ad timiditatem congruere quam ad audaciam: nam et mox dicturus est «  omnia prius experiri quam a. armis s. sapientem d. decet 330 », quia ex prouidentia timor, ex audacia temeritas prouenit. 2 stvltvm <admittere est stultum> est fieri sinere. 3 Et melius dixit quam pati: hoc generale est. nam nunc admittere pati fieri significat.
1 sed tv qvod cavere possis stvltvm admittere est Térence veut montrer que plusieurs maximes révèlent davantage de poltronerie que d'audace : car il dira ci-dessous « omnia prius experiri quam armis sapientem decet », parce c'est de la prudence que naît la crainte et de l'audace que naît la témérité. 2 stvltvm admittere est il est sot de laisser faire. 3 Et c'est mieux dit que pati (supporter), qui est plus général. Car en fait admittere signifie supporter que quelque chose se fasse.

762
malo ego nos prospicere quam hunc ulcisci accepta iniuria.
Je préfère moi nous prémunir que nous venger de lui une fois l'outrage reçu.

1 malo ego nos prospicere pro cauere ne fiat, id est prospicere et cauere: ab eo quod praecedit id quod sequitur. 2 accepta inivria hic causa ostenditur, cur illud malit.
1 malo ego nos prospicere mis pour cauere ne fiat (veiller à ce que ça ne se fasse pas), c'est-à-dire prendre ses précautions et veiller : il tire la suite de ce qui précède. 2 accepta inivria voici la raison de sa préférence.

763
tu abi atque obsera ostium intus, dum ego hinc transcurro ad forum:
Toi, va et ferme la porte de l'intérieur pendant que moi, je cours d'ici au forum.

1 tv abi atqve o. obsera o. ostivm i. intvs pauidi consilium nihil aliud continet praeter claustra et fugam; nam sera est claustrum ianuae. 2 dvm ego h. hinc t. transcvrro a. ad f. forvm transcurro dixit, non curro, ut proximitatem fori ostenderet.
1 tv abi atqve obsera ostivm intvs la décision du pleutre ne concerne rien d'autre que les serrures et la fuite ; car sera (barre, serrure, verrou) désigne la serrure de la porte. 2 dvm ego hinc transcvrro ad forvm il dit transcurro et non curro (je cours), pour montrer que le forum est tout proche.

764
uolo ego adesse hic aduocatos nobis in turba hac. Th.-mane.
Ce que je veux, moi, c'est qu'il y ait ici des défenseurs pour nous dans l'esclandre que voilà. Th.-Attends.

1 volo ego a. adesse quasi minus timeat, cupio non inquit sed uolo. 2 in tvrba hac uide timidum turbam appellare, in qua mulier non timet.
1 volo ego adesse comme s'il avait moins peur, il ne dit pas cupio (je souhaite), mais uolo. 2 in tvrba hac voyez que le craintif appelle turba (émeute) quelque chose qui ne fait pas peur à la jeune femme.

765
Chr.-melius est. Th.-mane. Chr.-omitte: iam adero. Th.-nihil opus est istis, Chreme.
Chr.-Cela vaut mieux. Th.-Attends. Chr.-Laisse tomber. Je reviens tout de suite. Th.- Tu n'as pas besoin d'eux, Chrémès.

1 melivs est fugae occasionem hic cupit dari. 2 mane hoc gestu iam adiuuatur. 3 omitte iam a. adero ex huius uerbis apparet etiam manu comprehensum esse adulescentem. 4 omitte iam a. adero quia causam probari non uidet, celeritatem redeundi pollicetur. 5 nihil opvs est istis istis utrum aduocatis an istis omnibus quae dixisti?, ut Vergilius «  aut quid petis istis? 331 ».
1 melivs est il souhaite qu'on lui donne une occasion de s'enfuir. 2 mane cette réplique s'accompagne bien d'un geste. 3 omitte iam adero on voit à ses mots que le jeune homme a été retenu de la main. 4 omitte iam adero comme il voit que son excuse n'est pas acceptée, il promet de revenir vite. 5 nihil opvs est istis faut-il suppléer aduocatis (nul besoin de ces auxiliaires) ou omnibus quae dixisti (toutes ces choses que tu as dites) ? ainsi Virgile « aut quid petis istis ? » (ou qu'attends-tu de tout cela ?)

766
hoc modo dic, sororem illam tuam et te paruam uirginem
Dis seulement ceci, qu'elle est ta sœur et que toi, quand elle était toute petite,

1 hoc modo dic sororem esse i. illam t. tvam ordine exsequitur: primo utrum personam habeat, dic sororem inquit esse illam tuam; utrum negotium habeat, et te paruam uirginem amisisse ; cur hodie agat, nunc cognosse, et unde probet, signa ostende. 2 et t. te p. parvam v. virginem a. amisisse haec omnia sic pronuntianda sunt, ut et iusta et factu facilia demonstrentur.
1 hoc modo dic sororem esse illam tvam elle fait son développement dans le bon ordre : d'abord pour répondre à la question de la personne, elle dit : dis que c'est ta sœur ; sur la question de son affaire, elle lui dit : dis que tu l'as perdue quand elle était toute petite ; pour la raison de son action ce jour : que tu l'as reconnue ; et pour la question de la preuve : montre les signes. 2 et te parvam virginem amisisse il faut dire tout cela d'une façon qui rende les choses justes et faciles à faire.

767
amisisse, nunc cognosse. signa ostende. Py.-adsunt. Th.-cape.
tu l'as perdue. Que maintenant tu la reconnais. Montre les indices. Py.-Les voici. Th.-Prends.

768
si uim faciet, in ius ducito hominem: intellextin? Chr.-probe.
S'il use de violence, traîne le type au tribunal. As-tu compris ? Chr.-C'est bon.

si vim f. faciet in ivs d. dvcito h. hominem recte, quia uiolento ciuiliter resisti solet.
si vim faciet in ivs dvcito hominem c'est correct, parce qu'habituellement on résiste à la violence de façon civilisée.

769
Th.-fac animo haec praesenti dicas. Chr.-faciam. Th.-attolle pallium.
Th.-Rassemble ton courage pour lui dire cela quand il sera là. Chr.-Je le ferai. Th.-Ne laisse pas traîner ton pallium.

1 fac animo haec praesenti dicas haec non dicerentur a Thaide, nisi in illius uultu pauor nimius appareret. 2 faciam adiuuandum pronuntiatione est faciam timide dictum. 3 attolle pallivm ex huius uerbis Chremetis animum demonstrauit nimium liberaliter pauidi adulescentuli. 4 attolle pallivm uel quia simplex est uel quia ebrius, trahit pallium Chremes.
1 fac animo haec praesenti dicas cela ne devrait pas être dit par Thaïs, à moins qu'une peur excessive ne se manifeste sur le visage de Chrémès. 2 faciam il faut aider par la prononciation ce faciam dit sur un ton craintif. 3 attolle pallivm par ses mots il nous est montré le caractère trop courtoisement apeuré de Chrémès. 4 attolle pallivm ou parce qu'il est simplet ou parce qu'il est ivre, Chrémès laisse traîner son manteau.

770
perii, huic ipsi est opus patrono, quem defensorem paro.
Je suis morte. Celui-là même qui a besoin d'un protecteur, c'est celui que je prends pour défenseur.

perii hvic ipsi est opvs patrono q. qvem d. defensorem p. paro haec meretricis querela rudem adulescentulum magis et honeste natum quam culpandum esse demonstrat.
perii hvic ipsi est opvs patrono qvem defensorem paro cette plainte de la courtisane révèle que le petit jeune homme est plutôt fruste et de bonne famille que coupable.

scaena septima

Chremes Thais Thraso Gnatho Sanga

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771
Thr.-Hancine ego ut contumeliam tam insignem in me accipiam, Gnatho?
Thr.-Cet affront si insigne, moi, je l'accepterais, Gnathon ?

1 hancine ego vt contvmeliam t. tam i. insignem i. in m. me a. accipiam g. gnatho hic rursus inepti uanitas militis demonstratur ad amicam tamquam ad hostilem exercitum pergentis irritato animo, concito cursu, undanti chlamyde, trepidi et quatientis caput. 2 Et haec uerba pro hortatu imperatoris accipienda sunt, quandoquidem omnia de exercitu transferuntur. 3 contvmeliam proprie et ut miles. Sallustius «  ne quam contumeliam 332 » etc. 4 in me accipiam gnatho apparet Gnathonem dehortatorem esse certaminis et ad pocula militem prouocare, maxime cum uideat persuasisse ista consilia, ut hoc certamen moueretur. 5 insignem et insignem ut miles dixit, quia insignia armorum sunt.
1 hancine ego vt contvmeliam tam insignem in me accipiam gnatho dans cette scène, on montre de nouveau la vanité du stupide soldat qui court vers sa maîtresse comme vers une armée ennemie, l'esprit bourru, au pas de course, la chlamyde ondoyante, tout frémissant et secouant la tête. 2 Et ces mots doivent s'interpréter comme l'encouragement d'un général, puisque tout est une métaphore militaire. 3 contvmeliam au sens propre et en soldat. Salluste « ne quam contumeliam » etc. (de ne pas laisser une flétrissure entacher l'honneur d'une armée victorieuse). 4 in me accipiam gnatho on voit que Gnathon tâche de dissuader le soldat de combattre et de l'encourager à boire, surtout en voyant que ses conseils l'ont poussé à engager ce combat. 5 insignem et insignem (insigne) dans la bouche du soldat fait penser aux insignes (enseignes) militaires.

772
mori me satius est. Simalio, Donax, Syrisce, sequimini.
J'aime mieux mourir. Simalion, Donax, Syriscus, suivez-moi.

1 mori me sativs est ridicula praesumptio, tamquam aduersus meretricem <iurgia> numquam Thraso sumere ausurus esset nisi morte proposita. ergo uelut mortis contemptu opus est ad tale proelium. 2 mori me s. sativs e. est tamquam aliter miles aduersus mulierem audere non posset, uel quia nihil uel quia amator. 3 mori me s. sativs e. est quasi ille sibi dicat uel molestum esse certamen uel amicam non esse laedendam. 4 simalio et hoc concite pronuntiandum. 5 seqvimini huiusmodi militia per tumultum repente suscipitur et dicitur euocatio, ubi dux alloquitur ciues qui rem pu. publicam saluam uultis esse, sequimini! unde Vergilius sic ait «  desuetaque bello a. agmina i. in a. arma u. uocat s. subito fq. ferrumque r. retractat 333 ». et alibi «  ipse u. uocat p. pugnas ; s. sequitur t. tunc < c. cetera > p. pubes 334 ».
1 mori me sativs est assurance ridicule, comme si Thrason ne pouvait avoir l'audace d'envisager un combat contre la courtisane que dans le cas d'un combat à mort. Donc il faut qu'un tel combat se fasse pour ainsi dire au mépris de la mort. 2 mori me sativs est comme si un soldat ne pouvait oser agir autrement envers une femme, soit parce que ce n'est rien qui vaille soit parce qu'il est amoureux. 3 mori me sativs est c'est un peu comme s'il se disait que le combat l'ennuie ou qu'il ne faut pas blesser une maîtresse. 4 simalio il faut prononcer cela en accéléré. 5 seqvimini la troupe est soutenue au milieu de la mêlée par un cri soudain de ce genre, qui s'appelle evocatio 283 (appel), quand le chef apostrophe ses concitoyens en leur disant ceux d'entre vous qui voulez sauver la république, suivez-moi ! D'où le vers de Virgile « desuetaque bello agmina in arma uocat subito ferrumque retractat » (il appelle aux armes soudain des troupes déshabituées de la guerre et reprend en main son fer) et ailleurs « ipse uocat pugnas ; sequitur tum cetera pubes » (lui-même appelle les combats ; alors le reste de la jeunesse le suit).

773
primum aedes expugnabo. Gn.-recte. Thr.-uirginem eripiam. Gn.-probe.
D'abord, je vais prendre la maison d'assaut. Gn.-Affirmatif. Thr.-Je vais enlever la fille. Gn.-C'est bon.

1 primvm aedes expvgnabo debet hic esse uociferatio uana: ad hoc et uerbum militis cum quodam motu ingenti et immanes minae sine ulla ui rerum. 2 Et uana comminatio, uelle aedes expugnare, cum foris sit meretrix.
1 primvm aedes expvgnabo ce doit être une vocifération sans effet : il faut pour cela des paroles du soldat accompagnées de grands gestes et des menaces immenses sans aucune portée. 2 Et la menace de vouloir prendre d'assaut la maison est vaine puisque la courtisane est dehors.

774
Thr.-male mulcabo ipsam. Gn.-pulchre. Thr.-in medium huc agmen cum uecti, Donax;
Thr.-Je vais lui coller une raclée, à elle. Gn.-Joli. Thr.-Ici, au milieu de la colonne, avec le levier, Donax.

1 male mvlcabo ipsam uide ordinem belli: expugnatio moenium, recuperatio captarum rerum, poena praedonum. 2 pvlchre postquam non obtinuit quod uolebat Gnatho, assentatur ad omnia. uide autem manifestam irrisionem ex ipso genere laudandi; nam quid est in aedium expugnatione recti? quid in uirginis ereptione probitatis? quid in male mulcanda muliere pulchritudinis? sed hoc est quod ait supra de se ipso parasitus «  quicquid d. dicunt l. laudo 335 ». 3 in medivm hvc agmen c. cvm v. vecti d. donax mire composita ad contemptum nomina legionariorum; nam Donax ab arundine nomen, ueluti sit inanis et fragilis, Simalio a simio uel a simia deriuatum est ob foeditatem oris uel nasi, Syriscus iam diminutiuum est a Syro. 4 in medivm hvc ridicule satis armaturas leues non putat aduersus Thaidem idoneas et ideo agmen cum uecti uult uenire in medium. 5 An ideo cum uecti, quia ad expugnationem uenitur aedium?
1 male mvlcabo ipsam voyez là l'ordre conforme aux usages guerriers : prise d'assaut des murailles, recouvrement de l'objet volé, punition des brigands. 2 pvlchre faute d'avoir obtenu ce qu'il voulait, Gnathon consent à tout. Voyez en outre la moquerie manifeste qu'il y a dans ce type d'éloge : car qu'y a-t-il de juste dans la prise d'assaut d'une maison ? quoi d'honnête dans l'enlèvement d'une jeune fille ? quoi de beau dans le mauvais traitement infligé à une femme ? Mais on a l'illustration de ce que le parasite disait de lui ci-dessus « quicquid dicunt laudo ». 3 in medivm hvc agmen cvm vecti donax ses légionnaires ont des noms composés à connotation péjorative ; car Donax tire son nom du roseau, comme s'il était creux et frêle, Simalion tire le sien du nom du singe ou de la singesse, en raison de la laideur de sa bouche ou de son nez, Syriscus est un diminutif de Syrus (le Syrien). 4 in medivm hvc pour faire rire, il pense que des armures légères ne suffiront pas contre Thaïs et, pour cette raison, il réclame qu'on vienne dans l'arène avec une barre. 5 Ou faut-il une barre parce qu'on vient pour prendre d'assaut la maison ?

775
tu, Simalio, in sinistrum465; tu, Syrisce, in dextrum.
Toi, Simalion, à gauche ; toi, Syriscus, à l'aile droite.

tv simalio in sinistrvm tv syrisce in dextrvm c. cedo hic agmen instruitur. facetum autem est, cum a rebus magnis res ridiculae deriuantur.
tv simalio in sinistrvm tv syrisce in dextrvm cedo là, la colonne se met en place. Or c'est amusant quand d'un domaine sérieux on tire des éléments qui font rire.

776
cedo alios: ubi centurio est Sanga et manipulus furum? Sa.-eccum adest.
A moi, les autres ! Où est le centurion Sanga et son manipule des voleurs ? Sa.-Présent !

1 cedo alios non reliquos dixit sed alios, quasi multi sint. 2 sanga nec Sangarius, saltem ut nomen esset. 3 manipvlvs fvrvm proprie manipulus milites centum Romani et Latini sub uno centurione, ex manipulo herbae, quem pro signo sequebantur. merito igitur centurionem uidens manipulum desiderauit, hoc est cocum uidens conuiuas desiderauit, qui apparuerant, quotiens cocus affuit, id est conuiuium instructum est. alii manipulum furum coci discipulos putant dici. 4 eccvm adest pro se ac pro discipulis Sanga.
1 cedo alios il ne dit pas le reste, mais les autres, comme s'ils étaient nombreux. 2 sanga et non pas Sangarius284 (Phrygien), pour qu'au moins ça fasse un nom. 3 manipvlvs fvrvm au sens propre, un manipule c'est cent soldats romains ou latins sous le commandement d'un seul centurion ; le mot tire son nom de la poignée (manipulus285) d'herbes qu'ils suivaient comme insigne. C'est donc à juste titre que voyant un centurion, il réclame un manipule, c'est-à-dire que voyant un cuisinier il réclame des invités, lesquels se montraient dès que le cuisinier n'était plus là, donc le banquet est prêt. Certains sont d'avis que le manipule de voleurs désigne la brigade de cuistots du chef-cuisinier. 4 eccvm adest Sanga répond pour lui et pour sa brigade de cuistots.

777
Thr.-quid ignaue? peniculon pugnare qui istum huc portes, cogitas?
Thr.-Quoi, feignasse ? Te battre avec ce torchon que tu portes, c'est ça ton idée ?

1 qvid ignave p. penicvlon p. pvgnare apparet cocum ad repentinum strepitum sic exisse, ut artem suam fuerat expediturus. 2 qvi istvm peniculum scilicet.
1 qvid ignave penicvlon pvgnare on voit que le cuisinier est arrivé tout soudain pour la mêlée alors qu'il était en train de s'occuper de son art. 2 qvi istvm la lavette évidemment.

778
Sa.-egone? imperatoris uirtutem noueram et uim militum;
Sa.-Moi ! La valeur du général, je la savais, et la force des soldats.

1 egone imperatoris virtvtem n. noveram haec causa est. 2 imperatoris virtvtem noveram et vim m. militvm hoc plus habebit salis, si sic intellectum fuerit, ut Sanga uno et eodem tempore et quaerat quid dicat et respondeat tamen hoc fieri saepe.
1 egone imperatoris virtvtem noveram ça c'est la raison. 2 imperatoris virtvtem noveram et vim militvm cela aura plus de sel si l'on fait comprendre qu'il est fréquent que Sanga, en même temps qu'il se demande ce qu'il va bien pouvoir dire, réponde tout de même.

779
sine sanguine hoc fieri non posse466: qui abstergerem uulnera?
Ça ne peut pas se faire sans effusion de sang : avec quoi j'essuierais les blessures ?

1 sine sangvine hoc fieri non posse ἀπροσδοκήτως: quid igitur, si hoc sciebat? 2 qvi abstergerem vvlnera tamquam hoc fuerit auxilii genus. 3 qvi hoc est unde. 4 vvlnera quorum uulnera? utrum utriusque partis an, quod magis ridiculum est, suorum?
1 sine sangvine hoc fieri non posse propos dit contre toute attente (ἀπροσδοκήτως) : pourquoi donc cela, s'il le savait ? 2 qvi abstergerem vvlnera comme si l'outil pouvait être d'un quelconque secours. 3 qvi c'est-à-dire unde (d'où). 4 vvlnera les blessures de qui ? celles des deux partis en présence ou, ce qui est plus cocasse, les siennes propres ?

780
Thr.-ubi alii? Gn.-qui malum « alii »? solus Sannio seruat domum467.
Thr.-Où sont les autres ? Gn.-Quels foutus autres ? Il ne reste que Sannion pour garder la maison.

1 solvs s. sannio s. servat d. domvm haec figura παρόμοιον dicitur. 2 solvs sannio servat domvm ut «  sola mihi talis casus C. Cassandra c. canebat 336 ». 3 solvs sannio s. servat d. domvm pro remanet et obseruat. nam seruat domum rectum erat, non seruat domi, si custodit intellegeretur. 4 Vel servat pro sedet et seruat, ab eo quod sequitur id quod praecedit; nam non seruat nisi qui prius in eodem loco sederit. 5 qvi malvm alii malum κατὰ παρένθεσιν suauiter infertur. Plautus in Epidico «  quae, malum, haec impudentia est? 337 » et non interponitur malum nisi conuersis oculis ad eum, qui id quod reprehendimus dixerit. 6 malvm interiectio nunc est.
1 solvs sannio servat domvm c'est la figure dite de l'allitération (παρόμοιον). 2 solvs sannio servat domvm comme « sola mihi talis casus Cassandra canebat » (seule Cassandre m'annonçait ces épreuves). 3 solvs sannio servat domvm mis pour remanet (il reste) et obseruat (il fait le guet). Car seruat domum (il garde la maison) était correct, mais non pas seruat domi (il garde à la maison), si l'on comprend custodit (il surveille). 4 Ou alors servat équivaut à sedet (il s'installe) et seruat (il garde) ; il tire la suite de ce qui précède; car on ne garde pas sans s'être au préalable installé au même endroit. 5 qvi malvm alii malum (fléau !) est agréablement mis entre parenthèses (κατὰ παρένθεσιν). De même Plaute dans L'Epidicus « quae, malum, haec impudentia est ? » (fléau ! Qu'est-ce que c'est que cette impudence ?) et on n'insère malum ! qu'en tournant les yeux vers celui qui a dit ce que nous blâmons. 6 malvm ici c'est une interjection.

781
Thr.-tu hosce instrue; ego hic ero post principia: inde omnibus signum dabo.
Thr.-Toi, dispose-les. Moi je serai là, derrière les premières lignes ; de là je donnerai le signal à tous.

1 post principia magnifice ad risum commouendum, nam dicere debuit post uos. et hunc locum sibi optimum elegit ut timidus. 2 post principia militare dictum est. et ambigunt multi, utrum in extremo agmine sit hic locus an in medio. 3 inde omnibvs signvm dabo tamquam non omnibus dari possit, si aliunde detur.
1 post principia grandiloquent, pour provoquer le rire ; car il aurait dû dire derrière vous. Et il a choisi en peureux le lieu qui lui convient le mieux. 2 post principia c'est du lexique militaire. Et les avis divergent beaucoup pour savoir si le terme désigne l'arrière de la colonne ou le milieu. 3 inde omnibvs signvm dabo comme si on ne pouvait donner de signal à toute la troupe d'un autre endroit.

782
Gn.-illuc est sapere: ut hosce instruxit, ipse468 sibi cauit loco.
Gn.-Voilà qui est sage. Une fois qu'il les a disposés, lui il s'est cherché une planque pour lui.

1 ipse sibi c. cavit l. loco loco simpliciter, quia post principia. 2 An loco in loco, opportune, εὐκαίρως, ut «  pecuniam in loco n. neglegere m. maximum i. interdum <est> l. lucrum 338 »? 3 An pro de loco?
1 ipse sibi cavit loco loco (lieu) simplifie, parce que cela reprend post principia (derrière les premières lignes). 2 Ou loco est-il mis pour in loco de façon opportune, (εὐκαίρως), comme dans « pecuniam in loco neglegere maximum interdum est lucrum ». 3 Ou mis pour de loco (il a pris des précautions quant au lieu) ?

783
Thr.-idem hoc469 Pyrrus factitauit. Chr.-uiden tu, Thais, quam hic rem agit?
Thr.-Telle était la tactique habituelle de Pyrrhus. Chr.-Vois-tu, Thaïs, ce qu'il est en train de faire ?

1 idem hoc pyrrhvs f. factitavit irridet quidem poeta, uerumtamen ostendit officium imperatoris hoc esse, ne se in periculum proiciat. sic Sallustius «  et in proeliis actu promptus 339 ». 2 Et hoc totum non quasi in palliata, sed concessum poetis fuit. Pyrrhus autem peritissimus strategematum fuit primusque, quemadmodum ea disciplina per calculos in tabula traderetur, ostendit.
783 1 idem hoc pyrrhvs factitavit certes le poète se moque, mais en même temps il montre que c'est le devoir du général de ne pas se mettre en danger. Ainsi chez Salluste « et in proeliis actu promptus » (et au combat prompt à agir). 2 Et toute cette réplique va presque à l'encontre du genre de la palliata mais c'est une licence poétique. Quant à Pyrrhus, c'était un expert en stratégie et il fut le premier à montrer comment on pouvait transmettre des instructions sur une table avec de petits cailloux.

784
nimirum consilium illud rectum est de occludendis aedibus.
Il y a une décision qui s'impose, c'est de barricader ta maison.

nimirvm consilivm illvd rectvm est de occlvdendis aedibvs < nimirum consilium> illud rectum est et noua locutio et similis superiori «  nimirum dabit haec Thais mihi m. magnum m. malum 340 », pro sine dubio rectum est.
nimirvm consilivm illvd rectvm est de occlvdendis aedibvs nimirum consilium illud rectum est l'expression est inédite et ressemble à celle qu'on a ci-dessus « nimirum dabit haec Thais mihi magnum malum », mise pour sine dubio rectum est (sans doute c'est juste).

785
Th.-sane quod tibi nunc uir uideatur esse hic, nebulo magnus est:
Th.-Au moins, celui qui te paraît maintenant être un héros, n'est qu'un gros mollusque.

1 sane qvod tibi nvnc vir videatvr esse hic figurata locutio et praeterea ὑπερβατῷ intermixta, nam hic ordo est: sane hic nebulo <est>: ne metuas. 2 An hic ordo erit et sensus, ut sit dictum: ne metuas: sane quod tibi uir uidetur esse hic, nebulo magnus est? 3 Et recte, nam dum obit terretur adulescens et aetate militis, quod iam uir est, et magnitudine, quod magnus corpore: quae utraque in illo uana esse meretrix ut experta iam indicat. nebulo autem uel inanis et uanus uel mollis, ut nebula est, dicitur. 4 Et εἰρωνικῶς hoc dictum est: meretrix enim corripiens frustra metuentem Chremetem sane inquit nimis58 consilium rectum est de occludendis aedibus. 5 Et deest non est, ut sit: non est quod tibi nunc uir uideatur esse hic: nebulo magnus est. sic et alibi «  si te in platea hac offendero posthac, q. qvod d. dicas m. mihi "alium quaerebam, iter hac habui", peristi 341 », ut sit: non est quod dicas mihi.
1 sane qvod tibi nvnc vir videatvr esse hic expression figurée avec, en outre, une hyperbate (ὑπερβάτῳ) car tel est l'ordre naturel des mots : c'est un vrai vaurien : n'aie pas peur. 2 Ou bien l'ordre et le sens seront-ils quelque chose comme ça : n'aie pas peur : tu le prends manifestement pour un homme : c'est un grand vaurien ? 3 Et c'est bien vu car, tout en y allant, le jeune homme est terrifié par l'âge du soldat, parce que c'est un homme fait, et par son physique, parce qu'il est de grande taille : mais que ces deux aspects ne vaillent rien chez lui, c'est ce que la courtisane montre en femme maintenant pleine d'expérience. Quant au mot nebulo, il veut dire vide et vain ou mou comme un nuage (nebula). 4 Et c'est ironique (εἰρωνικῶς) : car la courtisane, en blâmant le jeune Chrémès qui a peur pour rien, venait de dire sane nimis consilium rectum est de occludendis aedibus. 5 Et il manque non est (ce n'est pas), pour faire : ce n'est pas à bon escient que ce type te paraît être un homme : c'est un grand vaurien. De même ailleurs « si te in platea hac offendero posthac quod dicas mihi : 'alium quaerebam, iter hac habui', peristi », pour dire : tu n'as rien à me dire.

786
ne metuas. Thr.-quid uidetur? Gn.-fundam tibi nunc nimis uellem dari,
n'aie pas peur. Thr.-Que t'en semble ? Gn.-C'est une fronde que je voudrais trop qu'on te donne.

1 qvid videtvr non dicere miles, si staret in sententia. sed iam uidetur timore mutatus. 2 qvid videtvr dubitant, a quo dictum sit quid uidetur? ego sane hoc militem puto dicere, quem paulatim <timor> a uiolentis atque acribus principiis ad torporem desidiamque perducit. nam primo ipse praecedit, utpote qui dicat «  sequimini 342 »; tum deinde, posteaquam propius uentum est, «  post principia 343 » refert pedem; post iam nihil ipse audet, sed quaerit consilium parasiti; denique ubi comminus iam res gerenda est, dixit «  mane 344 »et continet irruentes; ad postremum diffisus nescit quid agat <et> ad parasitum spectans «  quid agimus? 345 » inquit. 3 fvndam tibi nvnc mire parasitus, quia militem uidet nolle uel non audet repugnare, consilium formidulosum et aptum metuenti dedit, subtiliter tamen; nam funda pugnant, qui comminus non possunt, et ex occulto, qui non audent palam. 4 Sed honesta causa: non quia timentur inquit, sed ut fugiant, tamquam nisi hostes fugerint, non sit tutum accedere. 5 fvndam tibi non dixit hastam aut lanceam sed [sagittam] fundam, qua nimirum longe iactatur, ut ex hoc interuallo pauorem ostenderet non audentis accedere. 6 Et mire tibi, tamquam ipse parasitus nec hoc audeat. 7 Sunt autem, qui putant haec a Thaide ad Chremetem dici, sed male: non enim conueniunt ista meretricis dictis superioribus nisi quia mouet me, quod ex occulto dicit: constat enim ei dudum uideri militem et ipsum non uidisse, cum qua pugnaturus sit.
1 qvid videtvr le soldat ne dirait pas cela s'il avait de la suite dans les idées. Mais on dirait que déjà la peur l'a changé. 2 qvid videtvr on se sait trop qui dit cette phrase quid uidetur ? ; moi je crois que c'est une réplique du soldat que la peur, petit à petit, fait passer de velléités au début véhémentes et agressives à de la torpeur et de l'inaction. Car on le voit d'abord en tête, quand il dit : « sequimini » ; ensuite, une fois qu'on s'est approché, il se replie « post principia » ; ensuite il n'ose plus rien par lui-même mais requiert l'aide du parasite ; enfin quand il s'agit de passer au combat rapproché, il dit « mane » et retient ses hommes qui partent à l'assaut ; à la fin de la scène, en manque de confiance, il dit, tourné vers le parasite : « quid agimus ? ». 3 fvndam tibi nvnc remarquable réplique du parasite qui, parce qu'il voit que le soldat n'a pas envie d'y aller ou parce qu'il n'ose pas s'opposer à lui, donne un conseil craintif et qui convient bien à un peureux, mais il le fait avec subtilité ; car combattent à la fronde ceux qui ne peuvent pas faire du combat rapproché et à couvert ceux qui n'osent pas se battre à découvert. 4 Mais le prétexte est honorable : il ne dit pas que ce n'est pas parce qu'on les craint, mais pour qu'ils fuient, comme si l'on ne pouvait avancer tranquillement qu'après la fuite des ennemis. 5 fvndam tibi il ne dit pas un javelot ou une lance mais une fronde, une arme qui lance vraiment loin, pour que la distance entre les belligérants montre la peur de celui qui n'ose pas s'approcher. 6 Et tibi est remarquable, comme si le parasite lui-même n'osait pas même cela. 7 Certains pensent que c'est Thaïs qui dit la réplique à Chrémès, mais ils ont tort : car ces mots ne s'accordent pas avec les propos précédents de la courtisane, hormis le fait troublant qu'elle pourrait dire ex occulto (à couvert), car il est clair qu'elle voit depuis longtemps le soldat mais que lui n'a pas vu contre qui il allait combattre.

787
ut470 illos procul471 ex occulto caederes: facerent fugam.
pour que de loin tu les frappes à couvert. Ils prendraient la fuite.

1 vt illos procvl ex occvlto meretricem cum suis, ut alibi ait «  hos prius introducam 346 ». 2 facerent fvgam deest rursus ut, <ut sit: ut> facerent fugam. 3 Vel ἀσυνδέτως inlatum. 4 facerent fvgam desiderat coniunctionem enim, ut sit: facerent enim fugam. 5 vt caederes pro caedendo cogeres, <ut> facerent fugam.
1 vt illos procvl ex occvlto la courtisane avec sa bande, comme elle disait ailleurs « hos prius introducam ». 2 facerent fvgam il manque à nouveau ut pour faire ut facerent fugam (pour qu'ils s'enfuient). 3 Ou bien la réplique est lancée de façon asyndétique (ἀσυνδέτως). 4 facerent fvgam il faut la conjonction enim pour faire : facerent enim fugam (car ils seraient partis en débandade). 5 vt caederes mis pour caedendo cogeres, ut facerent fugam (pour qu'en les massacrant tu les forces à partir en débandade).

788
Thr.-sed eccam Thaidem ipsam uideo? Gn.-quam mox inruimus? Thr.-mane:
Thr.-Mais n'est-ce pas Thaïs elle-même que je vois ? Gn.-C'est bientôt que nous chargeons ?Thr.-Attends.

1 sed eccam thaidem ipsam eccam et ipsam figura ἔμφασις, quasi eccam <causam> belli et ipsam contra quam pugnandum est. 2 qvam mox irrvimvs hoc parasitus irridens militem dixit. 3 Et irruere proprie dicuntur, qui cum furore proelium ineunt.
1 sed eccam thaidem ipsam eccam et ipsam forment la figure de l'emphase (ἔμφασις) comme s'il fallait lire eccam causam belli (la voici, la cause de la guerre) et ipsam contra quam pugnandum est (en personne, celle contre qui il faut combattre). 2 qvam mox irrvimvs le parasite dit cela en se moquant du soldat. 3 Et irruere (fondre sur) s'applique au sens propre à ceux qui vont au combat pleins de fureur.

789
omnia prius experiri quam armis sapientem decet.
Tout essayer avant de recourir aux armes, tel est ce qui convient au sage.

1 omnia privs experiri qvam a. armis s. sapientem d. decet animaduerte, quantam uim habeant ad delectandum in comoediis seuerae sententiae, cum ab ridiculis personis proferuntur. quale est apud Plautum, ubi miles suam formam admirans ait «  nimia est miseria nimis pulchrum esse hominem 347 ». 2 qvam armis sapientem decet ἀνακόλουθον pro quam arma. 3 Aut ἔλλειψις est, si subaudimus agere. 4 Et mire non dixit me sed sapientem: hoc est enim magis ridiculum.
1 omnia privs experiri qvam armis sapientem decet observez la faculté à plaire qu'ont, dans les comédies, les maximes sérieuses quand elles sont proférées par des personnages grotesques. Ainsi chez Plaute, quand le soldat, s'étonnant de sa propre prestance, dit « nimia est miseria nimis pulchrum esse hominem » (quelle pitié d'être trop bel homme !). 2 qvam armis sapientem decet anacoluthe (ἀνακόλουθον) pour quam arma. 3 Ou c'est une ellipse (ἔλλειψις), si nous sous-entendons agere (agir). 4 Et de façon remarquable, il ne dit pas je mais le sage : car c'est encore plus risible.

790
qui scis an quae iubeam sine ui faciat? Gn.-di uestram fidem,
Comment sais-tu si, ce que j'ordonne, elle ne le fera pas sans recours à la force ? Gn.-Bonté divine !

1 qvi scis an q. qvae i. ivbeam s. sine v. vi f. faciat et hoc mire: non uelim sed iubeam. 2 ivbeam uelim, ut «  iubeo Chremetem 348 ». 3 di vestram fidem bona analogia: qui leuiora laudauerat, hic exclamare iam debet. et hoc est quod supra ait «  id rursum si negant, laudo id quoque 349 ». nam negat rursum male pugnandum esse, qui superius retineri non poterat, quin in proelium uel moriturus irrueret. 4 di vestram fidem q. qvanti e. est s. sapere nvmqvam accedo qvin abs te a. abeam d. doctior mire egit personam admirantis per trinam apostropham: ad deos di uestram fidem!, ad se ipsum quanti est sapere!, ad militem numquam accedo, quin abs te < a. abeam d. doctior >.
1 qvi scis an qvae ivbeam sine vi faciat là encore c'est remarquable : non pas uelim (je veux) mais iubeam (j'ordonne). 2 ivbeam équivaut à uelim (je veux), comme dans « iubeo Chremetem ». 3 di vestram fidem bonne analogie : celui qui avait loué des actions trop légères doit désormais s'exclamer. Et c'est l'illustration de ses propos antérieurs : « id rursum si negant, laudo id quoque ». Car il dit à rebours qu'il ne faut pas combattre dans de mauvaises conditions faute d'avoir pu précédemment empêcher qu'on aille au combat fût-ce au péril de sa vie. 4 di vestram fidem qvanti est sapere nvmqvam accedo qvin abs te abeam doctior il joue remarquablement le personnage admiratif, grâce à une triple adresse : aux dieux di uestram fidem !, à soi-même quanti est sapere !, au soldat numquam accedo, quin abs te abeam doctior.

791
quanti est sapere! numquam accedo quin abs te abeam doctior.
ce que c'est que la sagesse ! Jamais je ne m'approche de toi sans en repartir plus instruit.

1 nvmqvam accedo ridicule parasitus numquam accedo dixit, qui numquam recessit. 2 qvin abs te abeam doctior nimis impudens assentatio, se fieri doctiorem ex militis sapientia.
1 nvmqvam accedo le parasite dit numquam accedo (je ne t'approche jamais) de façon risible, puisqu'il ne s'en est jamais éloigné. 2 qvin abs te abeam doctior flatterie qui passe la mesure que de dire qu'il devient plus sage au contact de la sagesse du soldat.

792
Thr.-Thais, primum hoc: cum tibi do istam uirginem,
Thr.-Thaïs, ceci d'abord : quand je te donnions cette fille,

1 thais primvm hoc uide iam missam intentionem repetendae uirginis: non enim iam puellam sed pactum exigit, ut amator. 2 cvm tibi do indiligenter ut ueteres pro cum tibi darem. sed miles loquitur.
1 thais primvm hoc voyez qu'il laisse tomber pour l'instant son intention de récupérer la jeune fille ; car ce n'est pas la petite qu'il exige, mais les termes du contrat, comme un amoureux. 2 cvm tibi do incorrection de la langue archaïque pour cum tibi darem (quand je te donnais). Mais c'est le soldat qui parle.

793
dixtin hos dies mihi soli dare te? Th.-quid tum postea?
n'as-tu pas dit que ces jours-ci c'est à moi seul que tu les donnais ? Th.-Et après ?

qvid tvm postea aut dixi respondendum erat aut non dixi. sed uide contumaciam meretricis in contemptionem personae militis: interrogantem interrogare maluit quam capi per inductionem.
qvid tvm postea elle aurait dû répondre oui ou non. Mais voyez comme la courtisane s'ingénie avec opiniâtreté à mépriser la personne du soldat : elle préfère répondre à une question par une question plutôt que de se laisser prendre par un raisonnement inductif.

794
Thr.-rogitas? quae mihi ante oculos coram amatorem adduxti tuum...
Thr.-Cette demande ! Toi qui, sous mes yeux, à ma barbe, viens d'amener ton amant...

1 rogitas contemptionis genus est in interrogantem. 2 qvae mihi ante ocvlos <coram> utrum significatur inepti militis dictum <an> ante oculos minus est quam coram? 3 ante ocvlos < c. coram > potest ante oculos et longe intellegi: coram etiam proximitatem significat.
1 rogitas marque de mépris à l'égard de celui qui pose la question. 2 qvae mihi ante ocvlos coram s'agit-il de signifier l'ineptie du propos du soldat ou ante oculos (sous mes yeux) vaut-il moins que coram (devant moi) ? 3 ante ocvlos coram peut-être ante oculos se comprend-il aussi comme au loin : coram signifie aussi, quant à lui, la proximité.

795
Th.-quid cum illo472 agas? Thr.-et cum eo clam te subduxti mihi?
Th.-Qu'as-tu à faire de lui ? Thr.-...et t'es éclipsée avec lui en douce de moi ?

1 qvid cvm illo agas omnino meretrix non putat idoneum, cui reddenda sit ratio cuique se purget: adeo apud illam amicitiae eius pertaesum est; nam errant qui dicant uelle militi se conciliari59. 2 et cvm eo clam <te> svbdvxti mihi inuidiose et cum eo, nam ut supra legimus, exclusit Chremetem. 3 svbdvxti mihi furtim subtraxisti. Vergilius «  et fidum c. capiti s. subduxerat e. ensem 350 »
1 qvid cvm illo agas la courtisane estime qu'il ne mérite absolument pas qu'on lui rende raison ou qu'on s'excuse auprès de lui : elle commence à en avoir par dessus la tête de sa liaison avec lui. Car ils se trompent ceux qui disent qu'elle veut s'attirer les bonnes grâces du soldat. 2 et cvm eo clam te svbdvxti mihi et cum eo est dit sur un ton haineux, car, comme on l'a vu plus haut, il a flanqué Chrémès à la porte. 3 svbdvxti mihi tu t'es soustraite en douce. Virgile : « et fidum capiti subduxerat ensem » (elle avait pris à mon chevet ma fidèle épée).

796
Th.-libuit. Thr.-Pamphilam ergo huc redde, nisi ui mauis eripi.
Th.-Tel a été mon bon plaisir. Thr.-Pamphila, dans ce cas, rends-la ici, sauf si tu préfères qu'on l'arrache de force.

1 libvit superbum et meretricium uerbum. sic Cicero ait de Chelidone «  libenter ait se facturam 351 ». 2 hvc redde huc redde idioma est pro contumelia reposcentis. sic et in Hecyra «  renumeret d. dotem h. huc e. eat 352 ». 3 nisi vi mavis eripi < deest> alterum si, ut sit: nisi si.
1 libvit terme plein de morgue et digne d'une courtisane. Ainsi Cicéron parlant de Chélidon dit « libenter ait se facturam » (elle dit qu'elle le fera à sa guise). 2 hvc redde huc redde c'est un idiotisme (idioma) qui marque le reproche d'un débiteur. De même dans L'Hécyre « renumeret dotem huc eat ». 3 nisi vi mavis eripi il manque un deuxième si pour faire nisi si (sauf si).

797
Chr.-tibi illam reddat aut tu illam473 tangas, omnium...? Gn.-ah quid agis? tace.
Chr.-A toi, qu'elle te la rende, elle ! Que tu la touches, elle, espèce de parfait... Gn.-Ah ! que fais-tu ? Tais-toi.

1 tibi illam r. reddat hic se primum interponit Chremes, ut adulescentulus potuit, iam fracto milite. 2 avt tv illam t. tangas o. omnivm ait utrumque Chremes; nam quia dixit «  nisi tibi mauis eripi 353 », ait tu illam tangas? <et> addidit omnium. et est ἀποσιώπησις secunda. sic autem loqui solent plus gestu quam uerbis conciti. 3 tibi illam <reddat> avt <tv> illam magna uis in pronominibus et significatio est, ut «  cantando tu illum? 354 ».
1 tibi illam reddat voici la première intervention de Chrémès, qui s'interpose autant qu'il est possible à un tout jeune homme, dans la mesure où le soldat est déjà abattu. 2 avt tv illam tangas omnivm c'est Chrémès qui prononce les deux segments. Car comme l'autre avait dit « nisi tibi mauis eripi », il répond toi, tu illam tangas ? et il ajoute omnium (de tous..). Et c'est la seconde aposiopèse (ἀποσιώπησις). Or c'est ainsi que s'expriment ceux qui habituellement parlent sous le coup d'une colèrecolère suscitée plutôt par un geste que par des mots. 3 tibi illam reddat avt tv illam la force du sens et la signification reposent sur les pronoms, comme « cantando tu illum ? » (toi, le vaincre lui au chant ?).

798
Thr.-quid tu tibi uis? ego non tangam meam? Chr.-tuam autem, furcifer?
Thr.-Qu'est-ce que tu veux, toi ? Moi je ne toucherais pas à celle qui est à moi ? Chr.-A toi, pourriture !

1 qvid tv tibi vis recte: cum Thaide enim loquebatur, non cum hoc. 2 ego non tangam meam bene addidit meam: hinc enim probatur iniuste dictum «  tu illam tangas? 355 ». 3 tvam avtem fvrcifer incongrue ut imperitus adulescens liberum seruilibus conuitiis exagitat.
1 qvid tv tibi vis à juste titre : car c'est à Thaïs qu'il parlait, non à lui. 2 ego non tangam meam il ajoute justement meam : car ainsi il réfute comme illégitime la réplique « tu illam tangas ? ». 3 tvam avtem fvrcifer c'est de façon incongrue et en jeune homme inexpérimenté qu'il agresse un homme libre en l'insultant comme un esclave286.

799
Gn.-caue sis: nescis cui maledicas nunc uiro. Chr.-non tu hinc abis?
Gn.-Prends garde, je t'en prie. Tu ne sais pas quel héros tu es en train d'insulter. Chr.-Tu ne vas pas dégager d'ici, toi ?

1 cave sis nescis cvi maledicas nvnc viro animaduerte parasitum neque tacere omnino, ne defuisse patrono uideatur, neque in aliena causa rixam in se transferre. 2 non tv hinc abis hoc parasito, illud militi Chremes. 3 cave sis quia imperatiua uerba uelut contumeliosa sunt, addebant ueteres sis, quod significat si uis.
1 cave sis nescis cvi maledicas nvnc viro observez que le parasite ne se tait pas complètement, pour ne pas paraître manquer à son patron, ni ne prend à son compte la dispute en en changeant le motif. 2 non tv hinc abis Chrémès dit cette réplique au parasite, la précédente au soldat. 3 cave sis comme les verbes à l'impératif sont trop insultants, les anciens ajoutaient sis, c'est-à-dire si uis (si tu veux bien).

800
scin tu ut tibi res se habeat? si quicquam hodie hic turbae coeperis,
Et toi, sais-tu comment l'affaire va tourner pour toi ? Si tu causes aujourd'hui ici le moindre esclandre,

scin tv non tu parasito, scin tu militi dicit.
scin tv il dit non tu au parasite, scin tu (sais-tu bien) au soldat.

801
faciam ut huius loci dieique meique semper memineris.
je te ferai souvenir pour toujours de cette place, de ce jour et de moi.

1 faciam vt hvivs loci d. dieiqve m. meiqve s. semper m. memineris moris est magnas esse minas hominum meticulosorum. specta ergo, quam acriter timidus comminetur. 2 hvivs l. loci d. dieiqve m. meiqve s. semper m. memineris loci in quo caesus, diei quo caesus, mei a quo caesus.
1 faciam vt hvivs loci dieiqve meiqve semper memineris c'est dans le caractère des pleutres de faire de grandes menaces. Voyez donc comment ce peureux fait des menaces violentes. 2 hvivs loci dieiqve meiqve semper memineris loci (de l'endroit) où tu auras été massacré, diei (du jour) où tu auras été massacré, mei (de moi) qui t'aurai massacré.

802
Gn.-miseret me tui474 qui hunc tantum hominem facias inimicum tibi.
Gn.-J'ai pitié de toi, qui d'un si grand personnage te fais un ennemi.

1 miseret me tvi hic parasitus nunc quasi monitor Chremeti respondet. 2 qvi hvnc tantvm hominem facias inimicvm tibi ne nunc quidem parasitus a militis assentatione discessit.
1 miseret me tvi le parasite se fait là donneur de leçon en répondant à Chrémès. 2 qvi hvnc tantvm hominem facias inimicvm tibi même en cette circonstance, le parasite persiste dans son attitude de flatteur du soldat.

803
Chr.-diminuam ego caput tuum hodie, nisi abis. Gn.-ain uero, canis?
Chr.-Moi, je te réduirai ta tête aujourd'hui, tu si ne dégages pas. Gn.-Ah, vraiment, chien ?

1 diminvam ego capvt tvvm hodie nisi abis rusticius dixit caput tuum diminuam, quam si dicere diminuam tibi caput. 2 ain vero canis hoc uerbo impudentibus inimicis conuitium fieri solet; nam militare dictum est in hostem canis et apud Homerum pro graui contumelia in aduersarium dicitur, uelut in illo loco ************ 60.
1 diminvam ego capvt tvvm hodie nisi abis l'expression caput tuum diminuam (je vais réduire ta tête) est plus campagnarde que s'il disait diminuam tibi caput (je vais te réduire la tête). 2 ain vero canis c'est un terme qui d'habitude sert d'insulte à des ennemis arrogants ; car chien ! est un mot de soldat qu'on jette à l'ennemi et chez Homère c'est une insulte grave qu'on lance à son adversaire comme dans ce vers : ************.

804
sicin agis? Thr.-quis tu homo es? quid tibi uis? quid cum illa rei tibi est?
Est-ce ainsi que tu le prends ? Thr.-T'es qui toi comme type ? Qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu as à faire avec elle ?

qvis tv homo es q. qvid t. tibi v. vis ἐπιτροχασμός figura est, ubi multa terribiliter interrogantur, ut «  state, uiri. quae c. causa u. uiae ? q. quiue e. estis i. in a. armis ? 356 ».
qvis tv homo es qvid tibi vis épitrochasme, c'est la figure qui consiste à multiplier les mots brefs (ἐπιτροχασμός), quand on pose beaucoup de questions qui font peur, comme dans « state, uiri. quae causa uiae ? quiue estis in armis ? » (arrêtez, guerriers. Pourquoi prendre ce chemin ? Qui êtes-vous ainsi armés ?)

805
Chr.-scibis: principio eam esse dico liberam. Thr.-hem. Chr.-ciuem Atticam. Thr.-hui.
Chr.-Tu vas le savoir. Pour commencer, je dis qu'elle est née libre. Thr.-Hein ! Chr.-Citoyenne d'Athènes. Thr.-Pfft !

1 scibis non obsequenter sed figurate dicitur ab irato. 2 principio eam esse dico l. liberam quo tollitur tuam uideri. 3 scibis et scies et scibis dicitur per productionem tertiae coniugationis. 4 principio eam esse d. dico l. liberam in tria diuisit officium defensionis suae: in adsertoris principio eam esse dico liberam, in cognitoris ciuem Atticam, in fratris meam sororem. 5 Bonus ordo: libera, ciuis, nobilis. 6 civem atticam quo etiam negotium potest ei fieri, qui se pro domino gessit in ciuem. 7 hvi hem et hui et cetera id genus sannae sunt aduersus eos, quibus irascimur.
1 scibis le mot est dit non pas par complaisance, mais de façon figurée par un homme en colèrecolère. 2 principio eam esse dico liberam ce qui enlève la possibilité qu'elle semble être à toi. 3 scibis on dit aussi bien scies que scibis (tu sauras), avec l'allongement propre à la troisième conjugaison. 4 principio eam esse dico liberam il a fait trois parties à son plan de plaidoirie : en tant que garant de qualité principio eam esse dico liberam (j'affirme d'abord qu'elle est de naissance libre), en tant que garant d'identité ciuem Atticam (citoyenne d'Athènes), en qualité de frère meam sororem (ma sœur). 5 C'est le bon ordre : jeune fille libre, citoyenne, de bonne naissance. 6 civem atticam ce qui fait qu'on peut même chercher noise à celui qui s'est comporté en maître à l'égard d'une citoyenne. 7 hvi hem et hui et tous les mots de ce genre sont des moqueries contre ceux qui nous ont mis en colère.

806
Chr.-meam sororem. Thr.-os durum. Chr.-miles, nunc adeo edico tibi
Chr.-Ma sœur. Thr.-Il a du toupet. Chr.-Soldat, maintenant je t'avise solennellement

1 meam sororem quo constat praesto esse defensionem puellae. 2 < os dvrvm> quasi ex omnibus hoc sit impudentius, quod et sororem suam dicat. 3 os dvrvm os impudens, ut contra mollis frontis dicuntur, qui sunt reuerentes. 4 nvnc adeo edico tibi ne < v. vim f. facias > superbe et quasi militi; nam edictum praetoris dicitur et imperatoris. 5 miles nvnc adeo edico tibi et miles de his officiis, quae suo nomine contumeliosa sunt. sic in Adelphis «  delibera hoc, dum ego redeo, leno 357 ».
1 meam sororem ce qui rend évident que la protection de la jeune fille est toute prête. 2 os dvrvm comme si, sur l'ensemble, cet argument de dire que c'est aussi sa sœur était plus éhonté. 3 os dvrvm bouche éhontée, de même qu'à l'inverse on taxe de mous du front ceux qui sont obséquieux. 4 nvnc adeo edico tibi ne vim facias plein de morgue et dit comme à un soldat ; car on parle d'édit du préteur ou du général. 5 miles nvnc adeo edico tibi et soldat fait partie de ces noms de métiers qui par eux-mêmes sont insultants. Ainsi dans Les Adelphes : « delibera hoc, dum ego redeo, leno ».

807
ne uim facias ullam in illam. Thais, ego eo ad Sophronam
de ne lui faire aucune violence. Thaïs, moi, je vais chez Sophrona,

1 ne vim facias vllam in illam seruauit praecepta meretricis adeo, ut meminerit «  si uim faciet, in ius ducito hominem 358 ». 2 ego eo ad sophronam hoc lentius ad Thaidem.
1 ne vim facias vllam in illam il conserve les leçons de la courtisane jusqu'à se souvenir de ce quelle a dit : « si uim faciet, in ius ducito hominem ». 2 ego eo ad sophronam cette réplique est dite à l'attention de Thaïs sur un ton plus bas.

808
nutricem, ut eam adducam et signa ostendam haec. Thr.-tun me prohibeas
la nourrice, pour la ramener et lui montrer ces indices. Thr.-Toi, tu m'interdirais

809
meam ne tangam? Chr.-prohibebo inquam. Gn.-audin tu? hic furti se adligat:
de toucher à celle qui est à moi ? Chr.-Je te l'interdirai, te dis-je. Gn.-Tu entends ; il se met en flagrant délit de vol.

1 prohibebo inqvam non satis exercitate adulescens totidem uerbis dictum repetit militis. 2 avdin tv hic fvrti se alligat Gnatho occasionem finiendi litigii iamdudum quaerit ob desiderium mensae et cibi, et ideo quasi de iure consilium suggerit, hunc reum furti esse posse, qui paratus sit alienam rem suam dicere et id in iure profiteri, hoc est apud praetorem. 3 Ergo furti se alligat reum se efficit fraudis, nam μεταλημπτικῶς furtum pro omni dolo et fraude accipimus et iniuria. alligat autem obstringit et inlaqueat et obnoxium facit. 4 Omne igitur quod fraude fit, furtum est. sic Virgilius insidias «  furta paro belli 359 », adulterium «  et dulcia furta 360 », omne malum factum «  quae quis apud superos, furto l. laetatus i. inani , distulit i. in s. seram c. commissa p. piacula m. mortem 361 ». 5 Furtum duobus modis dicitur: uno, cum omne maleficium generaliter significatur, altero, cum res subrepta demonstratur. nunc ergo furti maleficii.
1 prohibebo inqvam par manque de pratique, le jeune homme répète l'intégralité de la phrase du soldat. 2 avdin tv hic fvrti se alligat Gnathon cherche depuis lontemps une occasion de mettre fin à la dispute pour pouvoir aller boire et manger et pour cette raison il tire du droit l'idée que Chrémès peut être accusé de vol puisqu'il est prêt à revendiquer pour sien un bien qui appartient à autrui et à l'avouer en séance, à savoir devant le préteur. 3 Donc furti se alligat (il s'emberlificote tout seul dans une affaire de vol) veut dire il se rend coupable de vol, car, par métalepse (μεταλημπτικῶς) furtum (vol) se dit pour tout dol, toute fraude et toute injustice. Alligat (il lie) signifie obstringit (il attache), inlaqueat (il enserre) et obnoxium facit (il rend coupable). 4 Donc tout ce qui est fait par fraude est un vol. C'est par ce terme que Virgile évoque une embuscade « furta paro belli » (je prépare une ruse de guerre), un adultère « et dulcia furta » (et les doux larcins), n'importe quel forfait « quae quis apud superos, furto laetatus inani, distulit in seram commissa piacula mortem » (les abominations commises qu'après s'être réjoui de l'impunité d'un forfait on traîne pour une mort différée auprès des dieux). 5 Furtum se dit de deux façons : l'une pour désigner de façon générale un méfait quel qu'il soit, l'autre pour signaler qu'un objet a été dérobé. Ici donc furti est mis pour maleficii (méfait).

810
satis hoc tibi est. Thr.-idem hoc tu ais, Thais? quaere qui respondeat.
Ça te suffit. Thr.-Dis-tu comme lui, Thaïs ? Th.-Cherche quelqu'un d'autre pour te répondre.

1 satis hoc tibi est ad repetendam scilicet uirginem sumendamque in iure uindictam. 2 qvaere qvi respondeat et contempsit interrogantem et indixit inimicitias, professione iracundiae cum dicit indignum militem. 3 idem hoc tv ais thais idem hoc quod Chremes scilicet. et tamquam et ipsam circumuenturus interrogat, quod illa intellegens malitiose < quaere inquit qui respondeat >. 4 qvaere qvi respondeat satis contumeliose: illud enim quaeritur, quod difficile reperitur. ergo: non modo indignus es, inquit, cui ego respondeam, sed uix inuenies qui te dignum responso iudicet.
1 satis hoc tibi est pour récupérer la fille évidemment et avoir réparation judiciaire. 2 qvaere qvi respondeat d'une part elle traite par le mépris celui qui pose la question, d'autre part elle déclare officiellement sa haine en avouant sa colèrecolère quand elle dit que le soldat est indigne. 3 idem hoc tv ais thais la même chose que Chrémès évidemment. Et il l'interroge elle-même comme pour la circonvenir, ce que voyant elle répond avec malice : cherche quelqu'un qui te réponde. 4 qvaere qvi respondeat de façon assez insultante : car ce à quoi s'applique quaerere c'est ce qui est difficile à trouver. Donc : non seulement tu ne mérites pas, dit-elle, que je te réponde, mais tu auras peine à trouver quelqu'un qui te juge digne d'une réponse.

811
Thr.-quid nunc agimus? Gn.-quin redeamus: iam haec tibi aderit supplicans
Thr.-Et maintenant, que faisons-nous ? Gn.-Eh bien ! Rentrons. Bientôt elle sera là à te supplier

1 qvid nvnc agimvs uide ut nunc euanuerit actio militis: primo dixit «  omnia prius experiri q. quam a. armis s. sapientem d. decet 362 », post «  idem hoc tu ais, Thais? 363 », postremo quid nunc agimus? 2 Et quid agimus consilium quaerentis est, quid nunc agimus est languidi atque defessi. 3 qvid nvnc agimvs ubi est illud quod ait «  primum aedis 364 » <etc.>? sed uani impetus hunc exitum semper accipiunt. 4 qvin redeamvs quin modo immo. 5 Non abeamus inquit sed redeamus, ut irritos conatus uerbo ostenderet.
1 qvid nvnc agimvs voyez comment l'action du soldat s'est réduite à rien. Il dit d'abord « omnia prius experiri quam armis sapientem decet », puis « idem hoc tu ais, Thais ? », et enfin quid nunc agimus ? 2 Et si que faisons-nous ? est la question d'un homme qui cherche, que faisons-nous maintenant ? est celle d'un homme affaibli et abattu. 3 qvid nvnc agimvs où est passé son propos précédent « primum aedis » ? Mais les élans vains connaissent toujours pareil dénouement. 4 qvin redeamvs quin signifie parfois immo (eh bien). 5 Il ne dit pas abeamus (partons) mais redeamus (rentrons) pour marquer d'un mot l'échec du projet.

812
ultro. Thr.-credin? Gn.-immo certe: noui ingenium mulierum:
d'elle-même. Thr.-Tu crois ? Gn.-C'est sûr. Je sais comment sont les femmes.

1 credin ex parte consentit, qui sic interrogat. 2 credin credere dubitantis est, certum esse fidentis.
1 credin on est en partie d'accord quand on pose ainsi la question. 2 credin croire est le fait de qui hésite, être sûr est le fait de qui a confiance.

813
nolunt ubi uelis, ubi nolis cupiunt ultro. Thr.-bene putas.
Elles ne veulent pas quand tu veux. Quand tu ne veux pas, elles en ont envie d'elles-mêmes. Thr.-Tu penses juste.

1 nolvnt vbi <velis vbi> nolis c. cvpivnt v. vltro plus intulit spei non reuocando uerbum quod exspectabatur, hoc est uolunt, sed cupiunt. 2 Ergo uariauit: non enim intulit uolunt ultro. 3 bene pvtas hoc est recte putas, sapis uel intellegis. Vergilius «  multa putans s. sortemque a. animo m. miseratus i. iniquam 365 » 4 Vel conicis. 5 Vel pvtas disputas. 6 Vel pvtas cogitas.
1 nolvnt vbi velis vb nolis cvpivnt vltro il lui laisse un peu plus d'espoir en ne mettant pas le verbe attendu, c'est-à-dire uolunt (elles veulent), mais cupiunt (elles désirent). 2 Il fait donc une variation: il ne dit pas en effet uolunt ultro (elles veulent spontanément). 3 bene pvtas c'est-à-dire recte putas (tu penses juste), sapis (tu es sage) ou intellegis (tu es intelligent). Virgile dit « multa putans sortemque animo miseratus iniquam » (méditant longuement et déplorant un sort injuste). 4 Ou conicis (tu conjectures). 5 Ou pvtas vaut pour disputas (tu dissertes bien). 6 Ou pvtas vaut pour cogitas (tu réfléchis bien).

814
Gn.-iam dimitto exercitum? Thr.-ubi uis. Gn.-Sanga, ita ut fortis decet
Gn.-Maintenant je congédie l'armée ? Thr.-Quand tu veux. Gn.-Sanga, comme il convient aux braves

1 iam dimitto e. dimitti exercitus dicitur uel pace facta uel uexatis hostibus. ridicula ergo magnificentia dictorum est, cum sint facta deformia. 2 sanga ita vt f. fortis d. decet m. milites d. domi f. fociqve f. fac v. vicissim v. vt m. memineris mire in cocum, qui focum curat in domo, quia milites hi fortiter pugnant, qui sunt memores domorum. 3 Ergo uide quam utrumque comicum: ad ineundum proelium resque bellicas Donax primus est, ad res domesticas Sanga, qui cocus est.
1 iam dimitto exercitvm on dit que l'armée est congédiée soit quand la paix est faite soit quand l'ennemi a été anéanti. Donc la grandeur des propos fait rire, puisqu'il s'agit de faits mesquins. 2 sanga ita vt fortis decet milites domi fociqve fac vicissim vt memineris remarquable adresse au cuisinier qui s'occupe du foyer à la maison, parce que les soldats qui combattent courageusement sont ceux qui pensent à leur maison. 3 Voyez donc le comique des deux situations : c'est Donax le premier à aller au combat et aux choses guerrières, pour les choses domestiques c'est Sanga, qui est cuisinier.

815
milites, domi focique fac uicissim ut memineris.
soldats, fais-en sorte de te souvenir du foyer et du fourneau.

1 domi fociqve f. fac v. vicissim v. vt m. memineris domi focique, <quia> uicissim domi uicissim foci ministerium satagebat. 2 Et domi genetiuus est. Caecilius «  decora domi 366 »; Plautus «  quamquam domi cupio, opperiar tamen 367 »61.
1 domi fociqve fac vicissim vt memineris domi focique (à la maison et au foyer), parce que tour à tour à la maison ou au foyer il se démenait pour faire son service. 2 Et domi est au génitif. De même Caecilius « decora domi » (les beautés de la maison) ; Plaute « quamquam domi cupio, opperiar tamen » (bien que j'aie envie de la maison, je m'arrête tout de même).

816
Sa.-iam dudum animus est in patinis. Gn.-frugi es. Thr.-uos me hac sequimini.
Sa.- Ça fait longtemps que j'ai le cœur dans les casseroles. Gn.-Tu es un gars bien.Thr.-Vous, par ici, suivez-moi.

1 iam dvdvm animvs est in p. patinis hic aperuit causam poeta, cur et inuitus Gnatho iret ad litem et libens domum redeat. 2 frvgi es frugi utilis ac necessarius, a frugibus, quae quod his fruamur, ita dictae sunt; unde fructus et frumentum. 3 Frui autem est uesci, a frumine, quae est summa pars gulae. quare etiam his, quae cibo poculoque non sunt, frui dicitur καταχρηστικῶς, ut rebus ueneriis et delectatione odoris, uisus, auditus.
1 iam dvdvm animvs est in patinis ici le poète explique pourquoi Gnathon allait de mauvaise grâce à la dispute, mais rentre chez lui de bon cœur. 2 frvgi es frugi signifie utile et nécessaire ; le mot vient de fruges (céréales), lesquelles tirent leur nom du verbe frui (jouir) ; de là aussi fructus (fruit) et frumentum (froment). 3 Quant à frui, c'est se nourrir ; le mot vient de frumen qui désigne la partie supérieure du gosier. C'est pourquoi on peut aussi dire qu'on jouit de choses qui ne se mangent ni ne se boivent, par catachrèse (καταχρηστικῶς) comme des choses de l'amour et du plaisir de l'odorat, de la vue, de l'ouïe.

Actus quintus

scaena prima

Thais Pythias

817 | 818 | 819 | 820 | 821 | 822 | 823 | 824 | 825 | 826 | 827 | 828 | 829 | 830 | 831 | 832 | 833 | 834 | 835 | 836 | 837 | 838 | 839

817
Th.-Pergin, scelesta, mecum perplexe loqui?
Th.-Vas- tu continuer, coquine, à me donner tes explications embrouillées ?

1 pergin scelesta mecvm perplexe loqvi nunc demum uirgo uitiata esse cognoscitur a Thaide, opportune, postquam magnopere et defensa est et retenta. nam statim consequentur nuptiae eius et Chaereae, qui illam uitiauit. 2 perplexe loqvi ideo perplexe, quia statuerat uitium celare uirginis.
1 pergin scelesta mecvm perplexe loqvi c'est maintenant seulement, au bon moment, que Thaïs apprend que la jeune fille a été déshonorée, après avoir été préservée et tenue à l'écart avec beaucoup de soin. En effet, s'ensuivra aussitôt son mariage avec Chéréa, qui l'a déshonorée. 2 perplexe loqv perplexe est mis parce qu'elle avait décidé de cacher le déshonneur de la jeune fille.

818
« scio... nescio... abiit... audiui... ego non adfui ».
« Je sais... je ne sais pas... il est parti... j'ai entendu dire... moi, je n'étais pas là ».

1 scio nescio a. abiit a. avdivi mire ex dictis omnibus pauca decerpens et ostendit, quid dixerit perplexe, et stomachum saeuientis expressit dominae: scio flere puellam, nescio uitiatam, abiit eunuchus, audiui hoc admissum, ego non adfui cum hoc fieret. 2 Acriter iratorum est repetere quae proxime dixerint, quibus irascuntur, ut «  en ego uicta situ q. quam u. ueri e. effeta s. senectus 368 ».
1 scio nescio abiit avdivi remarquable : en omettant délibérément quelques mots de toutes ses paroles, à la fois elle montre pourquoi elle a dit perplexe et elle donne à voir la colèrecolère violente de sa maîtresse : scio je sais que la jeune fille pleure, nescio, j'ignore qu'elle a été déshonorée, abiit l'eunuque est parti, audiui j'ai entendu parler de ce crime, ego non adfui je n'y étais pas quand cela a eu lieu. 2 c'est le propre de ceux qui sont dans une colèrecolère noire que de répéter ce qu'ils viennent de dire à ceux contre qui ils sont en colèrecolère, comme « en ego uicta situ quam ueri effeta senectus », (me voilà, celle qu'a vaincue la décrépitude, qu'une vieillesse qui n'a plus la force d'atteindre au vrai…).

819
non tu istuc mihi dictura aperte es quidquid est?
Tu ne vas pas me dire clairement ce qu'il en est ?

non tv istvc m. mihi d. dictvra a. aperte e. es q. qvidqvid e. est non est haec interrogatio.
non tv istvc mihi dictvra aperte es qvidqvid est ce n'est pas là une question.

820
uirgo conscissa ueste lacrimans obticet;
La fille a les habits déchirés, elle pleure et reste muette.

1 virgo c. conscissa v. veste l. lacrimans o. obticet haec omnia rixam significarent, nisi obticeret. 2 Tacemus consilia, ut «  nec tacui demens etc. 369 », reticemus dolores, ut «  ne retice, ne uerere 370 », obticemus quorum pudet, ut in Phormione «  hem, quid nunc obtices62? 371 ».
1 virgo conscissa veste lacrimans obticet tous ces éléments seraient les signes d'une dispute si elle ne gardait pas le silence. 2 Nous taisons des réflexions, comme « nec tacui demens etc. ». (je ne me suis pas tu, malgré mon égarement), nous retenons nos peines, comme « ne retice, ne uerere » (ne te retiens pas, n'aie pas peur), nous gardons le silence sur ce qui nous fait honte, comme dans le Phormion « hem, quid nunc obtices ? ».

821
eunuchus abiit quam ob rem? aut quid factum est? taces?
L'eunuque est parti, pourquoi ? Que s'est-il passé ? Tu ne dis rien ?

1 evnvchvs abiit quia nescit causam, non fugit dixit sed abiit, nec Chaerea sed eunuchus. 2 qvam ob rem qvid f. factvm e. est taces haec ἀσύνδετα instantis dominae uultum habitumque demonstrant.
1 evnvchvs abiit c'est parce qu'elle en ignore la raison, qu'elle ne dit pas fugit (il s'est enfui), mais abiit, pas Chaerea (Chéréa) mais eunuchus. 2 qvam ob rem qvid factvm est taces ces asyndètes (ἀσύνδετα) sont la transcription de la physionomie et de la contenance de la maîtresse menaçante.

822
Py.-quid tibi ego dicam misera? illum eunuchum negant
PY-Que veux-tu que je te dise, malheureuse ? L'autre en fait d'eunuque, ils disent

823
fuisse. Th.-quis fuit igitur? Py.-iste Chaerea.
que ce n'en était pas un. Th.-Qui était-ce donc ? PY-Ce maudit Chéréa.

1 qvis fvit igitvr 63 haec cunctatiue pronuntianda sunt, quia aut inuita indicat aut dubitat de nomine ignoti aut trepidat per timorem, ut non uideatur adfuisse uel scisse, cum fieret, aut <ostendat>, quam non libenter dicat eius nomen, cui irascitur. 2 Sed ego agnosco ancillarum consuetudinem, quod obliuiosae sunt dominarum.
1 qvis fvit igitvr ces mots doivent être prononcés avec hésitation, parce que soit elle les dit contre son gré, soit elle hésite à propos du nom de celui qu'elle ignore, soit elle tremble de peur, en sorte qu'elle ne semble pas avoir été présente ni être au courant, alors que cela avait lieu, soit elle montre combien c'est à dessein qu'elle ne dit pas le nom de celui contre qui elle est en colère. 2 quant à moi, je reconnais bien là l'habitude des servantes, à savoir qu'elles sont négligentes envers leurs maîtresses.

824
Th.-qui Chaerea? Py.-iste ephebus475 frater Phaedriae.
Th.-Quel, Chéréa ? Py.-Ce maudit éphèbe, le frère de Phédria.

1 ephebvs iste ephebi nomen ad aetatem rettulit, non ad facinus commissum. 2 iste ephebvs cito ostendit, cur <sit> iste eunuchus creditus.
1 ephebvs iste le nom éphèbe se rapporte à l'âge, non au crime commis. 2 iste ephebvs elle montre rapidement pourquoi on a fait confiance à ce maudit eunuque.

825
Th.-quid ais, uenefica? Py.-atqui certe comperi.
Th.-Que dis-tu, poison ? Py.-Mais, je le sais de source sûre.

1 qvid ais v. venefica redit rursus ad iracundiam. 2 Aptum conuitium et comicum in ancillas uenefica64; <sic et> lupa, «  uipera 372 », «  excetra 373 », et infra «  sacrilega 374 ».
1 qvid ais venefica elle se met à nouveau en colère. 2 L'injure uenefica est appropriée et propre à la comédie contre les servantes ; de même que lupa (louve), « uipera  » (vipère), « excetra » (serpent) et plus bas «  sacrilega ».

826
Th.-quid is obsecro ad nos? quam ob rem adductus est? Py.-nescio;
Th.-Pourquoi celui-là, je te le demande, est-il venu chez nous ? Pourquoi l'y a-t-on amené ? Py.-Je ne sais pas ;

qvid is obsecro ad nos non rogantis est obsecro, sed dolentis.
qvid is obsecro ad nos on ne dit pas obsecro pour émettre une requête mais pour se plaindre.

827
nisi amasse credo Pamphilam. Th.-hem misera occidi,
sauf qu'il était amoureux, je crois, de Pamphila. Th.-Hélas, malheureuse ! je suis morte,

nisi amasse credo p. pamphilam deest quod, ut sit: nisi quod.
nisi amasse credo pamphilam il manque quod (le fait que), pour avoir : si ce n'est le fait que.

828
infelix, siquidem tu istaec uera praedicas.
malheureuse, si ce que tu annonces là est vrai.

829
num id lacrimat virgo? Py.-id opinor. Th.-quid ais, sacrilega?
Est-ce pour cela que la fille pleure ? Je suppose. Th.-Que dis-tu, mécréante ?

1 nvm id lacrimat v. virgo ut supra «  id uero serio t. triumphat 375 », pro ob id. 2 id opinor callide Pythias opinor dixit, cum sciat. 3 qvid ais sacrilega αὔξησις: primo «  scelesta 376 », deinde «  uenefica 377 », postremo sacrilega.
1 nvm id lacrimat virgo comme plus haut « id uero serio triumphat » à la place de ob id (à cause de cela). 2 id opinor avec astuce, Pythias dit bien opinor, alors qu'elle sait. 3 : qvid ais sacrilega amplification (αὔξησις) : d'abord «  scelesta », ensuite «  uenefica », enfin sacrilega.

830
istucine interminata sum hinc abiens tibi?
Est-ce là l'ordre impérieux que je t'avais donné en sortant ?

1 istvcine interminata svm satis moraliter. 2 istvcine interminata svm pro: non hoc tibi comminata sum? 3 istvcine i. interminata s. svm h. hinc a. abiens t. tibi apparet haec post scaenam esse mandata; nam supra non meminit, sed dixerat tantum «  hos prius introducam et quae uolo simul i. imperabo : p. post h. huc c. continuo e. exeo 378 ».
1 istvcine interminata svm assez dans le caractère du personnage. 2 istvcine interminata svm est mis pour ne t'ai-je pas mise en garde ? 3 istvcine interminata svm hinc abiens tibi il est clair qu'elle a confié cette mission hors scène ; car elle n'en a pas parlé plus haut, et elle a seulement dit « hos prius introducam et quae uolo simul imperabo : post huc continuo exeo ».

831
Py.-quid facerem? ita ut tu iusti, soli credita est.
Py.- Que pouvais-je faire ? Comme tu l'as ordonné, c'est à lui seul qu'elle a été confiée.

1 qvid facerem ita vt tv i. ivsti s. soli c. credita est dixerat enim Chaerea «  edicit ne u. uir q. quisquam a. ad e. eam , < a. adeat e. et > m. mihi n. ne a. abscedam i. imperat 379 ». 2 ivsti συγκοπή metaplasmus pro iussisti.
1 qvid facerem ita vt tv ivsti scelesta Chéréa avait en effet dit « edicit ne uir quisquam ad eam adeat et mihi ne abscedam imperat ». 2 ivsti syncope (συγκοπή) métaplasme pour iussisti (tu l'as ordonné).

832
Th.-scelesta, ouem lupo commisisti. dispudet
Th.-Coquine ! Tu as mis le loup dans la bergerie. Je meurs de honte

1 scelesta ovem lvpo c bene dilatum tot occasionibus prouerbium personae Thaidis adscriptum est; continet enim in se et femineam reuerentiam <et> meretricium sensum. 2 Reditque rursus ad minora conuitia, quia uidet se esse conuictam. et est prouerbium ouem lupo commisisti 65.
1 scelesta ovem lvpo commisisti c'est à bon escient que ce proverbe proféré en de si nombreuses occasions est porté au compte du personnage de Thaïs ; il comprend en effet en lui-même à la fois la réserve féminine et la sensualité des courtisanes. 2 elle en revient à des insultes moins graves, parce qu'elle voit qu'elle a été leurrée. Et c'est un proverbe que ouem lupo commisisti.

833
sic mihi data esse uerba. quid illuc hominis est?
d'avoir été ainsi payée de mots. Qu'est-ce que c'est que ce type ?

1 sic mihi data esse verba uidetur plura fuisse dictura, nisi superueniret Chaerea. 2 qvid illvc h. hominis e. est per genetiuum casum iniuriose dicitur, per nominatiuum honorifice. 3 qvid illvc h. hominis e. est non continuo agnoscit hunc meretrix, quia etsi adhuc ueste eunuchi indutus est, attamen exuit spadonis incessum uultumque mutauit et praeter uestem totus in Chaeream rediit.
1 sic mihi data esse verba il semble qu'elle allait en dire davantage si Chéréa n'avait fait son apparition. 2 qvid illvc hominis est au génitif c'est injurieux, au nominatif élogieux. 3 qvid illvc hominis est la courtisane ne le reconnaît pas tout de suite, parce que, même s'il est encore vêtu du costume de l'eunuque, il a abandonné sa démarche de castrat, a changé de jeu de physionomie, et, hormis le costume, est redevenu tout entier Chéréa.

834
Py.-era mea, tace476, obsecro, saluae sumus:
Py.- Ma maîtresse, tais-toi, s'il te plaît ! Nous sommes sauvées.

1 era mea t. tace o. obsecro blande ac puellariter arridet. 2 tace non silentium indicentis est, sed securam facientis, ut «  tace, egomet conueniam ipsum 380 ».
1 era mea tace obsecro elle sourit avec un air caressant et bon enfant. 2 tace n'est pas ici pour marquer qu'on impose le silence, mais bien qu'on donne une assurance, comme « tace, egomet conueniam ipsum ».

835
habemus hominem ipsum. Th.-ubi is est? Py.-em ad sinisteram.
Nous tenons le type lui-même. Th.-Où est-il, celui-là ? Py.-Là, à gauche.

habemvs hominem i. ipsvm mire hominem dixit ut reum.
habemvs hominem ipsvm c'est remarquable de dire hominem comme on dit reum l'accusé.

836
uiden? Th.-uideo. Py.-iube conprehendi477, quantum potest.
Tu le vois ? Th.-Je le vois. Py.-Ordonne qu'on l'appréhende autant que possible.

1 ivbe comprehendi qvantvm potest pro comprehende: τὸ iube enim uelis significat. 2 Et qvantvm potest deest cito.
1 ivbe comprehendi qvantvm potest à la place de comprehende (attrape-le) : le iube signifie en effet veuille. 2 Et qvantvm potest il manque cito (vite).

837
Th.-quid illo faciemus, stulta? Py.-quid facias, rogas?
Th.-Et que ferons-nous de lui, idiote ? Py.-Ce que tu en feras ? Cette demande !

1 qvid illo faciemvs comprehenso subauditur. 2 qvid facias rogas moraliter expressit puellae stupentis uerba et non habentis quid respondeat ad ea, quae dicta sunt.
1 qvid illo faciemvs comprehenso (après l'avoir attrapé) est sous-entendu. 2 qvid facias rogas conformément au caractère de son personnage, elle imite les paroles de la jeune fille qui reste interdite et qui n'a pas de quoi répondre à ce qui est dit.

838
uide amabo, si non, cum aspicias, os inpudens
Regarde, s'il te plaît, si, quand on le regarde, ce n'est pas d'un mal embouché

vide amabo si non c. cvm a. aspicias o. os i. inpvdens v. videtvr mire ab eo, quod respondere coeperat, ad aliud transit mirata confidentiam Chaereae: is est an non est?
vide amabo si non cvm aspicias os inpvdens videtvr remarquable : en partant de ce à quoi elle avait commencé à répondre, elle passe à autre chose, après s'être étonnée de l'assurance de Chéréa : est-ce lui ou non ?

839
uidetur! non est? tum quae eius confidentia est!
qu'il a l'air. N'est-ce pas vrai ? Et puis quelle confiance en soi !

tvm qvae eivs c. confidentia e. est non est impudens66, inquit, non est nisi similis impudenti. sic alibi «  ueritas inest i. in u. uultu a. atque < i. in > u. uerbis f. fides 381 ».
tvm qvae eivs confidentia est il n'est pas impudent, dit-elle, il n'est que tout à fait semblable à un impudent. ainsi ailleurs, « ueritas inest in uultu atque in uerbis fides ».

scaena altera

Thais Pythias Chaerea

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840
Ch.-Apud Antiphonem uterque, mater et pater,
Ch.-Chez Antiphon les deux, son père et sa mère,

1 apvd antiphonem v. vterqve m. mater et p. pater rediens in uiciniam suam causas reddit Chaerea, cur non mutauerit uestem. oportuit autem et iam e re argumenti fuit non mutasse, ut eum uideret meretrix cum turpi habitu incedentem ut reum uitiatae uirginis. 2 apvd antiphonem v. vterqve m. mater et p. pater <apud> Antiphonem dixit pro <in> domo eius. 3 vterqve mater et pater non uterque pater et utraque mater, sed uterque parens, quia mater et pater.
1 apvd antiphonem vterqve mater et pater revenant dans son quartier, Chéréa explique les raisons pour lesquelles il n'a pas changé de costume : c'est une nécessité commandée par l'intrigue de ne pas en avoir changé, pour que la courtisane le voie entrer avec une tenue honteuse, comme suspect d'avoir déshonoré la jeune fille. 2 apvd antiphonem vterqve mater et pater il dit apud Antiphonem, à la place de in domo eius (chez lui). 3 vterqve mater et pater non pas chacun des deux pères et chacune des deux mères, mais chacun des deux parents, parce qu'il dit mater et pater la mère et le père287.

841
quasi dedita opera domi erant ut nullo modo
comme s'ils s'étaient donné le mot, étaient à la maison ce qui fait que pas moyen

1 qvasi dedita o. opera d. domi e. erant non tam mirum, si domi erant, sed illud magis mirum, quod in ea domus parte, qua in aedes introeundum erat adulescentulo. 2 vt nvllo modo introire possem superius causa continetur, cur non mutauerit uestem, inferius autem, cur huc redierit.
1 qvasi dedita opera domi erant cela n'est pas si étonnant, s'ils étaient chez eux, mais ce qui est plus étonnant, c'est qu'ils étaient dans la partie de la maison par laquelle le jeune homme devait pénétrer dans la demeure. 2 vt nvllo modo introire possem la raison pour laquelle il n'a pas changé de costume est donnée ci-dessus ; celle pour laquelle il est revenu est donnée ci-dessous.

842
introire possem quin uiderent me. interim
de pouvoir entrer sans qu'ils me voient. Entretemps,

qvin modo quominus.
qvin parfois équivaut à quominus (sans que).

843
dum ante ostium sto, notus mihi quidam obuiam
pendant que j'étais debout devant leur porte, quelqu'un que je connais en face de moi

1 dvm ante ostivm s. sto Antiphonis scilicet. 2 notvs mihi qvidam obviam venit qui me possit agnoscere uel qui me nouerit, id est amicus.
1 dvm ante ostivm sto évidemment d'Antiphon. 2 notvs mihi qvidam obviam venit capable de me reconnaître ou qui me connaît, c'est-à-dire un ami.

844
uenit. ubi uidi, ego me in pedes quantum queo
arrive. Dès que je l'ai vu, je détale à toutes jambes

qvantvm qveo deest uelociter.
qvantvm qveo il manque uelociter (rapidement).

845
in angiportum quoddam desertum, inde item
dans un coin de rue désert, puis encore

1 in angiportvm qvoddam uide non illum uitasse sub una clausula bis in dicere: in pedes, in angiportum. 2 angiportvm sic dicebant uicum non peruium uia publica. 3 desertvm inde deest fugiens.
1 in angiportvm qvoddam voyez comme il n'a pas évité la répétition de in à l'intérieur d'un seul membre de phrase in pedes, in angiportum. 2 angiportvm c'est ainsi qu'on désignait un quartier que ne traversait pas une voie publique. 3 desertvm inde il manque fugiens (en prenant la fuite).

846
in aliud, inde in aliud: ita miserrimus
un autre et un autre encore. Au comble du malheur

1 ita miserrimvs fvi f. fvgitando id est: fatigatus, lassus et languidus sum, dum fugio. 2 Et honesta locutio67, ut miser amando, miser curando.
1 ita miserrimvs fvi fvgitando c'est-à-dire que je suis épuisé, harassé, sans forces durant ma fuite. 2 Et expression de registre élevé, comme on dit miser amando (malheureux à cause de l'amour), miser curando (malheureux à cause des tourments amoureux).

847
fui fugitando nequis me cognosceret.
que j'étais, fuyant toujours pour que personne ne me reconnaisse.

neqvis me cognosceret pro agnosceret nota improprie dictum.
neqvis me cognosceret à la place de agnosceret (qui me reconnût) : notez comme ce mot est employé de façon impropre.

848
sed estne haec Thais quam uideo? ipsa est. haereo
Mais n'est-ce pas Thaïs que je vois ici ? C'est elle-même. Je suis coincé,

1 sed estne haec thais iampridem uisus ipse nunc primum uidet. 2 haereo incertus remaneo atque defigor. primus metus adimit consilium, sed recogitatio reddit confidentiam.
1 sed estne haec thais alors qu'il a été vu depuis longtemps, maintenant pour la première fois il voit de lui-même. 2 haereo je demeure dans le doute et je suis cloué sur place. D'abord la peur ôte la faculté de réflexion, puis le fait de recouvrer ses esprits rend confiance.

849
quid faciam. hem478, quid mea autem? quid faciet mihi?
que faire ? Bah ! Après tout, qu'est-ce que ça fait ? Qu'est-ce qu'elle va me faire ?

1 hem qvid mea avtem qvid f. faciet m. mihi colligit se rursus ad impudentiam Chaerea. 2 Et uide si non eadem est audacia in Chaerea, quae in suscipiendo facinore fuit. 3 Et ἐλλειπτικῶς < quid mea autem? >. 4 qvid mea avtem qvid f. faciet m. mihi opportune se confirmauit, quia si extimuisset aufugissetque, nihil nuptiae promouerentur.
1 hem qvid mea avtem qvid faciet mihi Chéréa se ressaisit et retrouve son impudence. 2 Et voyez si Chéréa ne fait pas montre de la même audace que celle qui le poussa à commettre le crime. 3 Et de manière elliptique (ἐλλειπτικῶς), sous-entendu quid mea autem ?. 4 qvid mea avtem qvid faciet mihi il se raffermit au bon moment, parce que s'il avait éprouvé de la crainte et s'il avait fui, le mariage n'aurait en rien été avancé.

850
Th.-adeamus. bone uir Dore, salue: dic mihi,
Th.-Abordons-le. Mon bon garçon, Dorus. Bonjour. Dis-moi...

1 bone vir dore hoc totum figurate dicit ut meretrix et subtiliter; nam scit Chaeream esse quem alloquitur, non eunuchum. 2 Et hic magna occasio datur meretrici adeundi adulescentis, qui habitum non mutauit et adhuc quasi eunuchus et seruus est. 3 bone vir d. dore s. salve maior obiurgatio est per hanc dissimulationem Thaidis aduersum Chaeream, quam si illum id quod est appellet.
1 bone vir dore elle dit tout ceci de façon détournée, en bonne courtisane, et subtilement ; car elle sait que c'est à Chéréa qu'elle s'adresse, et non à l'eunuque. 2 Et ici c'est une grande opportunité qui est donnée à la courtisane d'approcher le jeune homme, qui n'a pas changé d'allure et qui jusque là est presque comme un eunuque et un esclave. 3 bone vir dore salve à travers cette dissimulation, Thaïs blâme Chéréa plus fortement que si elle nommait ce dont il s'agit.

851
aufugistin? Ch.-era, factum. Th.-satin hoc479 tibi placet?
tu t'es enfui ? Ch.-Maîtresse, je l'ai fait. Th.-Es-tu content de ce que tu as fait ?

1 era factvm non potuit subtilius respondere Chaerea, quam accommodare se interroganti. 2 satin hoc tibi pl. placet hoc potest et non figurate dici sed aperte.
1 era factvm Chéréa n'aurait pas pu répondre plus subtilement qu'en se montrant accommodant avec celle qui l'interroge. 2 satin hoc tibi placet ceci peut être dit aussi non pas de manière détournée, mais ouvertement.

852
Ch.-non. Th.-credin te inpune habiturum? Ch.-unam hanc noxiam
Ch.-Non. Th.-Penses-tu que tu t'en tireras impunément ? Ch.-Cette seule faute,

vnam hanc noxiam a. amitte trisyllabo nomine noxiam dixit quasi noxam. alibi aliter «  dominam esse extra noxiam68 382 ».
vnam hanc noxiam amitte le trisyllabique noxiam vaut presque dans sa bouche pour noxam (crime). Ailleurs il en allait autrement « dominam esse extra noxam » (ma maîtresse n'a rien à voir avec le crime).

853
amitte: si aliam admisero umquam, occidito.
pardonne-la. Si j'en commets une autre une seule fois, tue-moi.

1 si aliam a. admisero v. vmqvam o. occidito uerba seruorum, quibus nihil horribile est praeter praesentes plagas. 2 Et non caedito 69 sed occidito. 3 Et illa Chaerea dixerat quasi irrisor ; abhinc ut fugitiuus 70.
1 si aliam admisero vmqvam occidito mots d'esclaves, pour qui rien n'est terrible hormis les coups immédiats. 2 Et il ne dit pas caedito (roue-moi de coups), mais occidito. 3 Et Chéréa parlait jusqu'ici comme s'il se moquait, à partir de maintenant il parle en esclave fugitif.

854
Th.-num meam saeuitiam ueritus es? Ch.-non. Th.-quid igitur?
Th.-C'est vraiment ma cruauté que tu craignais ? Ch.-Non. Th.-Quoi alors ?

nvm meam saevitiam veritvs es deest ut 71 fugeres.
nvm meam saevitiam veritvs es il manque ut fugeres (en sorte que tu as pris la fuite).

855
Ch.-hanc metui ne me criminaretur tibi.
Ch.-C'est d'elle que j'avais peur, qu'elle m'accuse auprès de toi.

hanc metvi ne me c. criminaretvr t. tibi perfecte imitatus est uerba fugitiuorum, quae apud dominos faciunt comprehensi.
hanc metvi ne me criminaretvr tibi il imiteà la perfection les paroles des esclaves fugitifs, qui rendent à leur égard les maîtres compréhensifs.

856
Th.-quid feceras? Ch.-paullum quiddam. Py.-eho « paullum », inpudens?
Th.-Qu'avais-tu fait ? Ch.-Un petit rien. PY.-Oh ! « un petit rien » ! Mal embouché !

857
an paullum hoc esse tibi uidetur, uirginem
C'est un petit rien, d'après toi, une fille,

virginem vitiare c. civem bene intulit ciuem, quod plus est etiam uirginem uitiare: αὔξησις gradatim facta.
virginem vitiare civem elle lui a bien jeté à la face ciuem (citoyenne), ce qui est plus grave que uirginem uitiare (déshonorer une jeune fille) : l'amplification (αὔξησις), est produite progressivement.

858
uitiare ciuem? Ch.-conseruam esse credidi.
de la violer, une citoyenne ? Ch.-Je la croyais ma compagne d'esclavage.

1 conservam esse credidi locus erat, ut diceret seruam esse credidi, sed admirabiliter conseruam dixit. 2 Et hoc ipsum miserabiliter pronuntiandum est, tamquam <eam aliam> crediderit atque erat et quasi conseruam debuerit uitiare.
1 conservam esse credidi c'était l'occasion pour qu'il dise j'ai cru qu'elle était esclave, mais il dit admirablement conserva. 2 Et ce mot précisément doit être prononcé sur un ton plein de pitié, comme s'il croyait qu'elle était autre qu'elle n'était, et comme s'il avait dû déshonorer une compagne d'esclavage.

859
Py.-conseruam! uix me contineo quin inuolem in
Py.-Compagne d'esclavage ! Je me retiens à peine de te voler dans

1 conservam opportune stomachatur Pythias facta mentione conseruae. 2 vix me contineo qvin invol. involem in ca. capillvm minae istae proprie feminarum sunt et in se et in alios unguibus saeuientium, ut «  unguibus o. ora s. soror f. foedans et p. pectora p. pugnis 383 ». 3 Sed inuolem ab auibus tractum est, ut apud Vergilium «  praedam p. pedibus c. circumuolat u. uncis 384 ». 4 Ergo hoc gestu et digito et motu corporis est adiuuandum. 5 involem in c. capillvm apparet more ueterum intonsum72 esse.
1 conservam à juste titre, Pythias se met en colèrecolère à la mention de la compagne d'esclavage. 2 vix me contineo qvin involem in capillvm ces menaces sont au sens propre celles de femmes dont les ongles s'acharnent contre elles-mêmes et contre les autres, comme « unguibus ora soror foedans et pectora pugnis » (sa sœur, se lacérant le visage et la poitrine à coups d'ongle et de poings). 3 mais inuolem est une image tirée des oiseaux, comme chez Virgile « praedam pedibus circumuolat uncis » (aux pattes crochues, survole sa proie). 4 Donc ce mot doit être soutenu à la fois par la gestuelle, un mouvement du doigt, et le mouvement du corps. 5 involem in capillvm il est clair que, conformément à l'usage des Anciens, il n'a pas les cheveux coupés.

860
capillum, monstrum: etiam ultro derisum aduenit.
les plumes, monstre. Et en plus, spontanément, il vient se moquer de nous !

etiam vltro derisvm a. advenit mire nunc addidit ad accusationem, quod non fugerit saltem.
etiam vltro derisvm advenit admirable : il ajoute maintenant à l'accusation le fait qu'au moins il n'ait pas pris la fuite.

861
Th.-abin hinc, insana? Py.-quid ita? uero debeam,
Th.-Vas-tu dégager, pauvre folle. Py.-Comment cela ? Je lui serais encore redevable,

1 qvid ita vero debeam abeam subauditur; uero autem εἰρωνικῶς pronuntiandum est. 2 Sane debere dicimur poenas pro iniuria ei, cui iniuriam fecerimus: quas se non debituram Chaereae ut furcifero dicit Pythias, si illi caedem intulerit in seruili habitu constituto.
1 qvid ita vero debeam abeam est sous-entendu ; quant à uero (mais), on doit le prononcer ironiquement (εἰρωνικῶς). 2 on dit debere pour un châtiment qui répare un tort à l'égard de quelqu'un à qui on a fait du tort : or ce châtiment Pythias dit qu'elle n'en sera pas redevable à Chéréa puisque c'est un pendard Chéréa si elle a causé sa perte alors qu'il était dans la tenue d'un esclave.

862
credo, isti quicquam furcifero si id fecerim;
à mon avis, à cette pourriture, si je faisais quelque chose de ce genre,

si id fecerim si inuolauerim in capillum eius.
si id fecerim si je lui volais dans les plumes.

863
praesertim cum se seruum fateatur tuum.
surtout qu'il avoue qu'il est ton esclave.

864
Th.-missa haec faciamus. non te dignum, Chaerea,
Th.-Laissons tomber cela. Ce n'était pas digne de toi, Chéréa,

1 missa haec faciamvs quae? haec scilicet iocularia et futilia. 2 non te dignvm chaerea fecisti artificiose meretrix ab eo quod licuit ad id quod oportuit transit nec tractat quid sit legitimum, sed quid sit honestum. itaque totam illam partem facti accusandi omittit et ab accidentibus personae adulescentis obiurgat: scit enim uno uerbo obstari posse licuit mihi, in domo meretricia scilicet, contra meretricem, ne uideatur irrationabilis audacia ingenui a poeta inducta esse. 3 non te dignvm c. chaerea f. fecisti dignum pro digne, aut deest facinus, ut sit: non te dignum facinus fecisti. 4 Mira accusatio: mixta laudi et blandimento.
1 missa haec faciamvs lesquelles : évidemment ces plaisanteries et futilités. 2 non te dignvm chaerea fecisti la courtisane passe artificiellement de ce qui était permis à ce qui était indispensable, et n'aborde pas ce qui est légitime, mais ce qui est honnête. C'est pourquoi elle omet toute la partie de l'objet d'accusation et profère ses critiques à partir de ce qui arrive au personnage du jeune homme : elle sait en effet qu'il peut s'opposer d'un seul mot à la courtisane licuit mihi, naturellement dans la demeure de la courtisane, pour que le poète ne semble pas mettre en scène l'audace déraisonnable d'un homme libre. 3 non te dignvm cherea fecisti  : dignum est mis pour digne (dignement), ou il manque facinus (le forfait), pour donner : tu as commis un crime indigne de toi. 4 étonnante accusation mêlée d'éloge et de flatterie.

865
fecisti; nam si ego digna hac contumelia
ce que tu as fait. Car si moi je suis digne de cet affront,

1 nam si ego d. digna deest et, ut sit: etsi. <et> est ordo: nam etsi maxime. 2 Et bene additum maxime, ut appareat, etsi digna sit pati meretrix, non tamen maxime dignam Thaidem.
1 nam si ego digna il manque et (même), pour donner : même si. Et l'ordre est : car même si pleinement. 2 Et elle ajoute fort à propos maxime (pleinement), pour qu'il soit clair que, même si une courtisane est digne de souffrir, Thaïs n'en est cependant pas pleinement digne.

866
sum maxime, at tu indignus qui faceres tamen.
au plus haut point, en tout cas toi, tu n'étais pas digne de me le faire.

at tv indignvs qvi faceres tamen recte dixit: quattuor enim sunt modi in eiusmodi rebus, ita ut aut uterque dignus sit aut uterque indignus aut altero digno alter indignus aut contra.
at tv indignvs qvi faceres tamen elle dit justement : il y a en effet quatre possibilités dans des affaires de ce genre, de sorte que soit l'un et l'autre sont dignes, soit l'un et l'autre sont indignes, soit l'un est digne mais l'autre indigne, soit l'inverse.

867
neque edepol quid nunc consili capiam scio
Et, nom d'un chien, quelle décision prendre maintenant, je ne sais pas,

1 neqve edepol qvid nvnc c. consili c. capiam s. scio intellegit Thais amari uirginem ab hoc et ideo sic ait, ut conciliet nuptias. nam satis signi est, quod eunuchi habitum propter hanc sumpsit. 2 Et uide quemadmodum ad captionem nuptiarum res eant: quod tamen dicere non audet Thais, sed tantum ostendit adulescenti, quem temptat sciens, et ostendit uiam petendae sibi uxoris.
1 neqve edepol qvid nvnc consili capiam scio Thaïs comprend que la jeune fille est aimée de ce jeune homme et c'est pour cela qu'elle s'exprime de façon à arranger les noces. Car c'est un indice suffisant qu'il ait pris pour la séduire l'habit d'un eunuque. 2 Et voyez comment l'affaire évolue vers le piège des noces : ce que Thaïs n'ose cependant pas dire, et montre seulement au jeune homme, qu'elle met à l'épreuve sciemment, et elle lui montre la voie pour prendre femme.

868
de uirgine istac: ita conturbasti mihi
à l'égard de cette fille. Tu m'as si bien embrouillé

869
rationes omnis, ut eam non possim suis
tous mes plans qu'elle je ne peux aux siens

870
ita ut aequum fuerat atque ut studui tradere,
comme c'était équitable et comme je m'y efforçais, la rendre

871
ut solidum parerem hoc mihi beneficium, Chaerea.
pour me faire naître de là un solide capital de sympathie, Chéréa.

hoc mihi beneficivm chaerea blande nomen repetitum est Chaerea.
hoc mihi beneficivm chaerea c'est avec flatterie qu'elle répète le nom de Chéréa.

872
Ch.-at nunc dehinc spero aeternam inter nos gratiam
Ch.-Mais maintenant, dorénavant, j'espère que ce sera entre nos une éternelle sympathie

at nvnc dehinc spero nunc iam Chaerea uera ueris <repens>at <ac> recedit a iocularibus.
at nvnc dehinc spero donc à présent Chéréa dit la vérité en échange de la vérité et abandonne les plaisanteries.

873
fore, Thais. saepe ex huiusmodi re quapiam et
qu'il y aura, Thaïs. Souvent d'une situationde ce genre et

1 saepe ex hvivs modi re hoc est turbulenta. 2 qvapiam quacumque uel aliqua.
1 saepe ex hvivs modi re c'est-à-dire agitée. 2 qvapiam mis pour quacumque (n'importe laquelle) ou aliqua (certaine).

874
malo principio magna familiaritas
d'un mauvais début, une grande intimité

875
conflata est. quid si hoc quispiam uoluit deus?
a été forgée. Et qui sait si quelque dieu ne l'a pas voulu ?

1 qvid si hoc qvispiam v. volvit d. devs pleraque repentinis impulsionibus nata mirisque prouentibus deo adscribi solent, ut «  descendo ac d. ducente d. deo f. flammam i. inter et h. hostis e. expedior 385 » et «  hinc me digressum u. uestris d. deus a. adpulit o. oris 386 » et Sallustius «  ut tanta repente mutatio non sine deo uideretur 387 ». 2 qvid si hoc q. qvispiam v. volvit d. devs uult amorem intellegi deum.
1 qvid si hoc qvispiam volvit devs la plupart des événements dus à des impulsions soudaines et avec des résultats admirables sont souvent attribués à un dieu, comme « descendo ac ducente deo flammam inter et hostis expedior » (sous la conduite d'un dieu, je descends et je me dégage des flammes et de l'ennemi). « Hinc me digressum uestris deus adpulit oris » (lorsque je partis de là, un dieu me poussa vers vos rivages) et Salluste « ut tanta repente mutatio non sine deo uideretur » (si bien qu'on ne verrait un si grand changement sans l'aide d'un dieu). 2 qvid si hoc qvispiam volvit devs il veut que l'amour soit compris comme divin.

876
Th.-equidem pol in eam partem accipioque et uolo.
Th.-Pour ma part, nom d'un chien, c'est en ce sens que je le prends et le souhaite.

1 eqvidem pol in eam partem accipioqve et volo ut aeterna inter nos sit gratia et ex malo principio confletur magna familiaritas. 2 et volo euenire subauditur. et est σύλλημψις tertia.
1 eqvidem pol in eam partem accipioqve et volo pour qu'il y ait entre nous une reconnaissance éternelle et qu'à partir d'un mauvais début naisse une grande intimité. 2 et volo euenire (arriver) est sous-entendu. C'est la troisième syllepse (σύλλημψις).

877
Ch.-immo ita quaeso. unum hoc scito, contumeliae
Ch.-Vraiment faisons ainsi, je t'en prie. Sache une seule chose : ce n'est pas pour t'outrager

1 immo ita qvaeso utrum meretricem an deos quaeso? utrumque enim accipi potest. 2 An quaeso unum hoc scito?
1 immo ita qvaeso je prie la courtisane ou les dieux ? on peut en effet accepter l'un et l'autre. 2 Ou quaeso unum hoc scito  (je t'en prie, sache seulement une chose) ?

878
me non fecisse causa, sed amoris. Th.-scio,
que je l'ai fait, mais par amour. Th.-Je sais,

scio unde sciat Thais, inepte quaeritur, cum ipsa res clamet numquam hanc condicionem, ut pro seruo se fingeret, subiturum Chaeream sine amoris impulsu.
scio d'où Thaïs le sait-elle, c'est une question hors de propos, puisque l'affaire elle-même crie que jamais Chéréa n'en serait venu à se faire passer pour un esclave si l'amour ne l'avait pas poussé.

879
et pol propterea mage nunc ignosco tibi.
et, nom d'un chien, c'est pour cela que je te pardonne davantage maintenant.

nvnc ignosco tibi quod culpa non sit hominis sed amoris.
nvnc ignosco tibi à savoir que ce ne serait pas la faute de l'homme mais de l'amour.

880
non adeo inhumano ingenio sum, Chaerea,
Je ne suis pas d'un caractère si inhumain, Chéréa,

non adeo inhvmano ingenio non tantum, quantum putas; ut «  non obtusa adeo gestamus pectora Poeni 388 ».
non adeo inhvmano ingenio pas autant que tu le penses ; comme « non obtusa adeo gestamus pectora Poeni » (Nous, Phéniciens, nous n'avons pas le cœurs émoussé à ce point).

881
neque tam480 inperita ut quid amor ualeat nesciam.
ni inexpérimentée au point d'ignorer la force de l'amour.

1 neqve tam imperita vt qvid amor v. valeat n. nesciam non inhumano quia homo, non imperita quia meretrix. 2 Et neque tam imperita inquit, quasi dicat: neque tam pudica sum, ut quid amor ualeat nesciam.
1 neqve tam imperita vt qvid amor valeat nesciam non inhumano, parce que c'est un homme ; non imperita parce que c'est une courtisane. 2 et elle dit neque tam imperita, comme si elle disait : je ne suis pas si chaste que j'ignore ce que peut l'amour.

882
Ch.-te quoque iam, Thais, ita me di bene ament, amo.
Ch.-Toi aussi désormais, Thaïs, bonté divine, je t'aime.

te qvoqve iam thais bene quoque: non enim iam hanc ita amat, ut illam neglegat, sed hanc illius causa.
te qvoqve iam thais quoque, bien dit : en effet il n'aime pas encore celle-ci au point de négliger celle-là, mais celle-ci du fait de celle-là.

883
Py.-tum pol tibi ab isto481, era, cauendum intellego.
Py.-Alors, nom d'un chien, de ce personnage, maîtresse, méfie-toi, je le sais.

pol tibi ab isto e. era c. cavendvm intellego facete, tamquam qui soleat capillum ac uestem conscindere, quam73 amauerit.
pol tibi ab isto era cavendvm intellego amusant : comme s'il avait l'habitude d'arracher les cheveux et les vêtements de celle qu'il aime.

884
Ch.-non ausim. Py.-nihil tibi quicquam credo. Th.-desinas.
Ch.-Je n'oserais pas. Py.-Je ne te crois pas du tout. Th.-Arrête.

1 non avsim pro non audebo. et est uerbum huius temporis tantum. 2 non avsim utrum propter aetatem an potius propter fratrem Phaedriam? 3 nihil tibi qvicqvam παρέλκον quartum. 4 Aut nihil pro non. 5 desinas pro eo quod est desine, aut deest fac ut sit: fac desinas.
1 non avsim pour non audebo (je n'oserai pas). Et c'est un verbe qui n'a que ce temps 2 non avsim à cause de son âge ou plutôt à cause de son frère Phédria ? 3 nihil tibi qvicqvam quatrième pléonasme (παρέλκον). 4 ou nihil (en rien) pour une simple négation. 5 desinas à la place de la forme desine, (cesse), ou bien il manque fac, (fais que), pour donner : fais en sorte de cesser.

885
Ch.-nunc ego te in hac re mi oro ut adiutrix sies,
Ch.-Maintenant, moi, je te prie dans cette affaire d'être mon auxiliaire.

886
ego me tuae commendo et committo fidei,
Je me recommande à toi et m'en remets à ta loyauté.

1 ego me tvae commendo et committo fidei satis amatorie, ut appareat nunc maxime captum Chaeream ac mancipatum uirgini. 2 commendo et c. committo f. fidei commendamus nos cognitis, committimus ignotis. ergo αὔξησις est maioris officii fideique circa Thaidem.
1 ego me tvae commendo et committo fidei avec un ton assez amoureux, pour qu'il soit clair maintenant que Chéréa est entièrement épris et abandonné à la jeune fille. 2 commendo et committo fidei nous nous confions à des gens que nous connaissons, nous nous en remettons à des gens que nous ne connaissons pas. Donc l'amplification (αὔξησις) s'attache à un plus grand devoir et une plus grande fidélité à l'égard de Thaïs.

887
te mihi patronam capio, Thais, te obsecro:
C'est toi que je me prends comme avocate, Thaïs, je t'en conjure.

te mihi patronam capio te adiectum uim habet <et> ex animo supplicantis habitum adulescentis ostendit.
te mihi patronam capio l'ajout de te (toi), a de la force et révèle l'attitude du jeune homme suppliant de tout son cœur.

888
emoriar si non hanc uxorem duxero.
Je mourrai, si je ne prends pas cette fille pour épouse.

emoriar si non hanc v. vxorem d. dvxero uide <an ex> animo iurauerit adulescentulus, cui in ipso flore nihil dulcius uita est.
emoriar si non hanc vxorem dvxero voyez comme le tout jeune homme a juré du fond de son cœur, lui pour qui, en pleine fleur de l'âge, rien n'est plus doux que la vie.

889
Th.-tamen si pater... Ch.-ah quid uolet482, certe483 scio,
Th.-Pourtant si ton père... Ch.-Ah ! ce qu'il voudra, je le sais de façon sûre,

1 tamen si pater ἔλλειψις. 2 Vel ἀποσιώπησις secunda. 3 ah qvid volet certe scio ah, quid?: deest dicat. et ista omnia ad confirmationem ualent.
1 tamen si pater ellipse (ἔλλειψις). 2 Ou seconde aposiopèse (ἀποσιώπησις). 3 ah qvid volet certe scio ah, quid ? il manque dicat (il dirait). Et tous ces mots ont valeur de confirmation.

890
ciuis modo haec sit. Th.-paullulum opperirier
pourvu qu'elle soit citoyenne Th.-Attends un petit moment,

1 civis modo haec sit mire id in uotum conuersum est, quod timere potuit non ducturus uxorem. 2 pavlvlvm opperirier si vis iam f. frater i. ipse h. hic a. aderit v. virginis adeo cito probari potest.
1 civis modo haec sit il a admirablement transformé en souhait, le fait qu'il ait pu craindre de ne pas se marier. 2 pavlvlvm opperirier si vis iam frater ipse hic aderit virginis jusque là il peut aisément être mis à l'épreuve.

891
si uis, iam frater ipse hic aderit uirginis;
si tu veux, bientôt le propre frère de la fille sera là.

892
nutricem accersitum iit quae illam aluit paruulam:
Il est allé chercher la nourrice qui l'a allaitée quant elle était toute-petite.

893
in cognoscendo tute ipse aderis, Chaerea.
Tu seras là toi-même pour la reconnaissance, Chéréa.

894
Ch.-ego uero maneo. Th.-uin interea, dum uenit,
Ch.-Eh bien, moi, je reste. Th.-Veux-tu qu'en attendant qu'il arrive

ego vero uero modo consentientis est aduerbium, alias confirmantis, alias coniunctio est, alias particula ironiam iuuans, ut «  egregiam uero laudem et s. spolia a. ampla r. refertis t. tuque p. puerque t. tuus 389 »
ego vero uero dans ce cas est un adverbe de consentement, ailleurs de confirmation, ailleurs c'est une conjonction, ailleurs une particule supportant l'ironie, comme « egregiam uero laudem et spolia ampla refertis tuque puerque tuus » (Quelle gloire insigne, quel ample butin vous rapportez là, toi et ton fils !).

895
domi potius484 opperiamur quam hic ante ostium?
ce soit plutôt dans la maison que nous attendions qu'ici devant la porte ?

domi potivs opperiamvr qvam h. hic a. ante o. ostivm non ignara illecebrarum meretrix non solum retinet Chaeream, uerum etiam uocat ubi uirgo est, et satis callide interrogat an uelit, quasi nesciat uelle.
domi potivs opperiamvr qvam hic ante ostivm assez experte en séduction, la courtisane non seulement retient Chéréa, mais elle l'appelle encore là où se trouve la jeune fille, et assez astucieusement elle demande s'il le veut, comme si elle ignorait qu'il veut.

896
Ch.-immo percupio. Py.-quam tu rem actura obsecro es?
Ch.-Vraiment c'est ce que je désire ! Py.-Que vas-tu faire là, je te prie ?

immo percvpio amatorie non uolo sed percupio.
immo percvpio à la façon d'un amoureux, il dit non pas uolo (je veux) mais percupio.

897
Th.-nam quid ita? Py.-rogitas? hunc tu in aedes cogitas
Th.-Comment cela ? Py.-Cette demande ! Lui, toi, dans la maison, tu songes

1 hvnc tv in aedes pronomen in his plus ualet quam accusatio. 2 hvnc tv in aedes cogitas mire cum illa iam uelit, cogitas dixit uolens, ut ne cogitet. 3 rogitas <hvnc tv> in aedes < c. cogitas > r. recipere per ancillae uerba uult ostendere, quam sit <experta> meretrix tractandorum adulescentium.
1 hvnc tv in aedes le pronom a plus de force dans ce contexte que l'accusation. 2 hvnc tv in aedes cogitas étonnant, alors qu'elle le veut désormais, elle dit cogitas en voulant précisément qu'il n'y réfléchisse pas. 3 rogitas hvnc tv in aedes cogitas recipere à travers les mots de la servante, l'auteur veut montrer combien la courtisane est habile à traiter avec les jeunes gens.

898
recipere posthac? Th.-cur non? Py.-crede hoc meae fidei,
à le recevoir après ça ? Th.-Pourquoi non ? Py.-Crois-moi sur parole :

1 posthac post hoc factum, post hanc audaciam. 2 crede hoc meae fidei puellariter dixit meae fidei.
1 posthac après ce qui s'est passé, après cette audace. 2 crede hoc meae fidei il dit innocemment meae fidei.

899
dabit hic pugnam aliquam denuo. Th.-au tace obsecro.
il fera de la bagarre de nouveau. Th.-Oups ! tais-toi, je t'en prie.

1 dabit hic pvgnam aliqvam pugnam pro stupro. Vergilius «  at non in Venerem segnes nocturnaque bella 390 », ut «  ueretur bella et ingens facinus 391 », «  392 »74 - 2 ut Lucilius «  uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam 393 ». — dabit autem proprie ut de re magna, ut «  dabit ille ruinam arboribus s. stragemque s. satis 394 ». 3 av tace obsecro au interiectio est perturbatae mulieris, ut apud Graecos αἰαῖ 75.
1 dabit hic pvgnam aliqvam pugnam est mis pour relations sexuelles. Virgile « at non Venerem segnes nocturnaque bella », (pourtant vous n'êtes pas sans énergie pour Vénus et ses guerres nocturnes), comme « ueretur bella et ingens facinus » (il craint les guerres et un immense forfait). 2 Comme Lucilius « uicimus o socii et magnam pugnauimus pugnam » (nous avons vaincu, camarades, et avons mené un grand combat) quant à dabit, il est employé au sens propre pour parler d'une chose importante, comme « dabit ille ruinam arboribus stragemque satis » (il causera la ruine des arbres et le ravage des semailles). 3 av tace obsecro au est une interjection de femme qui a perdu son calme, comme en grec αἰαῖ.

900
Py.-parum perspexisse eius uidere audaciam.
Py.-Tu te rends trop mal compte de son audace, il me semble.

1 parvm perspexisse eivs videre avdaciam ironia est parum. 2 Et non sensisse sed perspexisse dixit, ut iam non sit experienda, quae sit perfecte cognita.
1 parvm perspexisse eivs videre avdaciam parum est de l'ironie. 2 et elle ne dit pas sensisse (s'être rendu compte), mais perspexisse, de sorte que, parfaitement instruite, elle n'ait plus à en faire l'expérience.

901
Ch.-non faciam, Pythias. Py.-non pol485 credo, Chaerea,
Ch.-Je ne le ferai pas, Pythias. Py.-Nom d'un chien, je ne te crois pas, Chéréa,

1 non faciam pythias bene et moraliter appositum Pythias. 2 non pol credo chaerea nisi <si> commissvm non erit ioculariter ut ille Pythias dixit, ita haec Chaerea.
1 non faciam pythias Pythias est apposé avec profit et conformément au type du personnage. 2 non pol credo chaerea nisi si commissvm non erit plaisamment, de même qu'il a dit Pythias, de même elle dit Chéréa.

902
nisi si commissum non erit. Ch.-quin, Pythias,
sauf si l'on ne t'a rien confié. Ch.-Alors, Pythias,

1 qvin pythias iterum nomen uultuose est additum. 2 qvin pro immo.
1 qvin pythias à nouveau son nom est ajouté avec une expression de visage. 2 qvin pour immo (bien plus).

903
tu me seruato. Py.-neque pol seruandum tibi
toi, garde-moi. Py.-Non, nom d'un chien, quoi qu'il faille garder,

neqve pol servandvm tibi qvicqvam dare avsim totum garrule et gesticulose, ut puellam cum adulescentulo fabulari uideas.
neqve pol servandvm tibi qvicqvam dare avsim le tout avec force bavardages et gesticulations, pour que l'on voie que c'est une jeune fille qui discute avec un petit jeune homme.

904
quicquam dare ausim neque te seruare: apage te.
je n'oserais te le confier, ni te garder toi-même. Go back home.

905
Th.-adest optime ipse frater. Ch.-perii hercle: obsecro
Th.-Voici à point nommé le frère en personne. Ch.-Je suis perdu, ma foi. De grâce,

adest optime ipse frater optime opportune. et non additum cuius frater, utpote in re manifesta.
adest optime ipse frater optime : à propos. Et il n'est pas ajouté le frère de qui, comme il est naturel dans une chose évidente.

906
abeamus intro, Thais: nolo me in uia
flions à l'intérieur, Thaïs. Je ne veux pas que dans la rue il me

nolo me in via cvm h. hac v. veste v. videat subtiliter adulescens, quia nihil profecerat dicendo percupio, inuenit causam, qua tandem ingredi possit.
nolo me in via cvm hac veste videat avec subtilité, le jeune homme, parce qu'il n'avait rien obtenu de plus en disant percupio, invente un prétexte grâce auquel il puisse cependant entrer.

907
cum hac ueste uideat. Th.-quam ob rem tandem? an quia pudet?
voie avec ce costume. Th.-Pourquoi enfin ? C'est parce que tu as honte ?

1 qvam ob rem tandem tandem pro tamen. 2 Interrogatio haec increpationem continet impudentissimi facti. 3 an qvia p. pvdet haec interrogatio irrisionis plena est in eum, quem nihil pudeat.
1 qvam ob rem tandem tandem est mis pour tamen (cependant). 2 cette question comprend une critique de cet acte tout à fait honteux. 3 an qvia pvdet cette question est pleine de moquerie contre celui qui n'a honte de rien.

908
Ch.-id ipsum. Py.-id ipsum? uirgo uero! Th.-i prae, sequor.
Ch.-Exactement. Py.- Exactement ! Une vraie minette ! Th. Passe devant, je te suis.

1 id ipsvm hoc uelut modesto uultu dicitur, adeo ut imitetur dictum uultumque eius Pythias. 2 virgo vero uero εἰρωνικῶς. 3 Nam ironia est, ut «  egregiam uero laudem 395 ». 4 virgo quasi quidquam minis reuerentis ac uirginalis uerecundiae76. 5 i prae seqvor manifestum est, cur meretrix docta capiendorum more iuuenum praeire uelit Chaeream: ut in consequendo ipsa sit tardior; uult enim illi liberum sine arbitris cum puella esse colloquium et licitum amorem. nisi forte putamus Terentium haec sine causa fecisse, qui sit artificiosissimus poeta. nam neque ipsa ingreditur cum Chaerea neque ingredi simul permittit Pythiam.
1 id ipsvm cela est dit comme avec une expression de modestie, pour cette raison que Pythias imite ses paroles et son expression. 2 virgo vero uero avec ironie (εἰρωνικῶς). 3 car c'est de l'ironie, comme « egregiam uero laudem » (vraiment ! quelle insigne gloire !). 4 virgo comme ce serait le propre de quelqu'un qui redoute quelque chose de ses menaces et qui a une pudeur de jeune fille. 5 i prae seqvor la raison pour laquelle la courtisane, qui sait piéger les jeunes gens, veut que Chéréa la devance est évidente : pour que, en le suivant, elle-même soit plus en arrière ; elle veut en effet qu'il ait un entretien libre, sans témoins, avec la jeune fille et que son amour soit permis ; à moins que nous ne pensions par hasard que Térence a fait cela sans raison, alors qu'il est un poète d'une très grande habileté. En effet elle n'entre pas avec Chéréa et elle ne permet pas que Pythias entre en même temps.

909
tu istic mane ut Chremem introducas, Pythias.
Et toi, reste là pour faire entrer Chrémès, Pythias.

tv istic mane vt chremem introdvcas pythias relicta est Pythias ob multas causas et imprimis, ut possit per eam delusus Parmeno pauore suo senem compellere ingredi ad meretricem et praesentem fieri ad confirmandas nuptias.
tv istic mane vt chremem introdvcas pythias Pythias a été laissée de côté pour de nombreuses raisons et en premier lieu pour que Parménon abusé par son entremise puisse, par peur, forcer le vieillard à entrer chez la courtisane et qu'il soit présent pour sceller le mariage.

scaena tertia

Pythias Chremes Sostrata

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910
Py.-Quid, quid uenire in mentem nunc possit mihi,
Py.-Qu'est-ce que... qu'est-ce qui pourrait bien me venir à l'idée,

qvid qvid venire in mentem nvnc possit mihi in hoc loco cogitantis disputatio est apud se ipsam Pythiae, quatenus Parmenonem dolo possit ulcisci.
qvid qvid venire in mentem nvnc possit mihi dans ce passage, il y a une délibération de Pythias qui réfléchit en elle-même, jusqu'où elle va pouvoir se venger des ruses de Parménon.

911
quidnam qui referam sacrilego illi gratiam
pour payer la monnaie de sa pièce à ce mécréant ?

1 qvidnam sic Cicero «  quem? quemnam? 396 ». 2 qvi referam quomodo uel ut.
1 qvidnam ainsi Cicéron « quem ? quemnam ? » (qui ? qui donc ?) 2 qvi referam qui vaut pour quomodo (comment) ou si l'on veut ut (comment).

912
qui hunc supposuit486 nobis. Chr.-moue uero te487 ocius
qui nous a fourgué celui-là ? Chr.-Bouge-toi donc plus vite,

1 qvi hvnc svpposvit nobis proprie supposuit; nam ut subduci dicuntur, quae nolumus amittere, ita supponi, quae non desideramus. sic Plautus «  huic supponatur hircus unctus nautea 397 »77. 2 move vero te ocivs uero pro interiectione est stomachantis.
1 qvi hvnc svpposvit nobis supposuit est au sens propre ; de fait, de même que l'on dit subduci (être dérobé) pour les choses que nous ne voulons pas perdre, de même on dit supponi, pour les choses que nous ne regrettons pas. Ainsi Plaute « huic supponatur hircus unctus nautea » (puisse-t-il trouver dans son lit, … un bouc frotté d'un parfum de sentine !). 2 move vero te ocivs uero est mis pour l'interjection de quelqu'un qui est en colèrecolère.

913
nutrix. So.-moueo. Chr.-uideo, sed nihil promoues.
nourrice. So.-Je bouge. Chr.-Je vois, mais tu n'avances pas du tout.

1 video sed nihil promoves hinc est illud Vergilianum «  illa g. gradum s. studio c. celebrabat a. anili 398 », scilicet non re celebrabat sed studio. 2 promoves proficis.
1 video sed nihil promoves de là vient cette expression virgilienne « illa gradum studio celebrabat anili », (elle suivait son pas avec un zèle de vieille femme) évidemment elle ne la suivait pas en réalité, mais mettait son zèle à le faire. 2 promoves mis pour proficis (tu avances).

914
Py.-iamne ostendisti signa nutrici? Chr.-omnia.
Py.-As-tu déjà montré les indices à la nourrice ? Chr.-Tous.

915
Py.-amabo, quid ait? cognoscitne? Chr.-ac memoriter.
Py.-S'il te plaît, qu'a-t-elle dit ? Les reconnaît-elle ? Chr.-Oui, par cœur.

1 amabo qvid ait cognoscitne exhibitum spectatori est, quod post scaenam geretur, id est agnitio puellae. 2 ac memoriter plus intulit quam interrogabatur; nam magna sunt signa, in quibus anilis memoria non errat. 3 ac memoriter responsionis breuitas attulit compendium perquirenti, ne plura interrogaret.
1 amabo qvid ait cognoscitne on montre au spectateur ce qui se passera en coulisse c'est-à-dire la reconnaissance de la jeune fille. 2 ac memoriter elle répond au-delà de la question qu'il posait ; de fait les signes sont grands si une mémoire de vieille femme ne s'y trompe pas. 3 ac memoriter la brièveté de la réponse fournit à celle qui pose la question un résumé afin qu'elle ne demande plus rien.

916
Py.-probe edepol narras; nam illi faueo uirgini.
Py.-C'est bien, nom d'un chien, ce que tu racontes ; car je suis du côté de cette fille.

nam illi faveo virgini quasi dicat: illi faueo, non Chaereae. et simul causa est, cur illum ulcisci cupiat, quia scilicet multum illi fauet.
nam illi faveo virgini c'est comme si elle disait : c'est elle que je soutiens pas Chéréa. et en même temps c'est la raison pour laquelle elle désire se venger de lui : parce que vraiment elle la soutient beaucoup.

917
ite intro: iamdudum era uos exspectat domi.
Entrez : ça fait déjà un moment que la maîtresse vous attend à la maison.

918
uirum bonum eccum Parmenonem incedere
Le bon garçon que voici, Parménon, qui arrive

1 virvm bonvm ironia. 2 eccvm parmenonem incedere video res odio dignior: non iter sed incessus.
1 virvm bonvm ironie. 2 eccvm paemenonem incedere video chose vraiment haïssable : il n'est pas en marche, il fait une entrée.

919
uideo: uide ut otiosus sit488! si dis placet,
je le vois. Voyez comme il est désinvolte. S'il plaît au Ciel

1 vide vt otiosvs sit inuidet illi securitatem, quem sollicitum redditura est; non enim erit ulla alia uindicta post praeter istam. 2 vide vt otiosvs sit et uultu dicit et gestu esse securum. 3 Et mire poeta laetum describit, ut repente ostendat esse commotum. 4 si dis placet proprium est exclamantibus propter indignitatem alicuius rei.
1 vide vt otiosvs sit elle lui reproche sa sécurité alors qu'elle va le rendre inquiet ; il n'y aura pas pour elle ensuite d'autre vengeance que celle-là. 2 vide vt otiosvs sit elle dit qu'il est en sécurité en considérant à la fois sa physionomie et sa gestuelle. 3 Et c'est remarquable de voir le poète décrire Parménon joyeux, pour le montrer aussitôt bouleversé. 4 si dis placet exclamation propre devant l'indignité d'une chose.

920
spero me habere qui hunc meo excruciem modo.
j'espère trouver de quoi le mettre au supplice à ma façon.

1 spero me habere pro habituram. 2 Aut spero pro credo more suo. 3 meo modo id est: ut uolo.
1 spero me habere mis pour habituram (que j'aurai). 2 Ou spero est mis pour credo (je crois) comme à son habitude. 3 meo modo c'est-à-dire, comme je veux.

921
ibo intro ut489 de cognitione certum sciam:
Je vais rentrer pour avoir des nouvelles sûres de la reconnaissance ;

ibo intro vt de cognitione certvm sciam eleganter fatigare Parmenonem non necessarium putat, sed ex occasione. adeo non propter eum dicit se ire intro, exituram autem, <ut> in timorem coniciat.
ibo intro vt de cognitione certvm sciam avec élégance elle ne juge pas nécessaire de harceler Parménon, mais seulement de tirer parti de l'occasion. C'est ce qui fait que sans se soucier de lui elle dit qu'elle entre, mais qu'elle ressortira pour le frapper de terreur.

922
post exibo atque hunc perterrebo sacrilegum.
après, je sortirai et je flanquerai la frousse à ce mécréant.

scaena quarta

Pythias Parmeno

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923
Pa.-Reuiso quidnam Chaerea hic rerum gerat.
Pa.-Je reviens voir ce que fabrique Chéréa.

reviso qvidnam chaerea hic rervm gerat qvod si a. astv r. rem t. tractavit astu pro astute modo aduerbium est, alias nomen, ut «  an in astu uenit? 399 ».
reviso qvidnam chaerea hic rervm gerat qvod si astv rem tractavit astu est mis pour astute c'est tantôt un adverbe, ailleurs un nom comme dans « an in astu uenit ? ».

924
quod si astu rem tractauit, di uestram fidem,
S'il a fait l'affaire avec adresse, bonté divine,

di vestram fidem modo non inuocantis sed mirantis est: figura ἐπιμονή per ἐκφώνησιν facta.
di vestram fidem cette fois ce n'est pas l'expression d'une invocation, mais de l'étonnement : la figure de dilatation (ἐπιμονή) naît de l'exclamation (ἐκφώνησις).

925
quantam et quam ueram laudem capiet Parmeno!
la grande et authentique gloire que recevra Parménon !

926
nam ut omittam490 quod ei amorem difficillimum et
Pour ne rien dire de son amour si difficile et

1 nam vt omittam qvod ei a. amorem d. difficillimvm et c. carissimvm cum dicere deberet quod ei amorem difficillimum et carissimum confeci, primo quasi oblitus dicti superioris transiit ad uirginem, deinde addidit eam ex abundanti. quod <si> dixisset amorem confeci, posset intellegi confeci expediui, perfeci. at uero uirginem confeci quid intellegemus nisi hoc unum, quod insultanter Parmeno confectam uirginem quasi dicat superatam atque deuictam pro alio? nam proprie hoc uerbum conuenit gladiatoribus his, qui grauissimis uulneribus occubuerint. sic Cicero in Catilinam «  gladiatori illi confecto et saucio 400 ». 2 Conuenit ergo seruilibus uerbis et uelut ioco se uerniliter iactanti et rem confectam esse in puella uirgine et non exhiberi Chaereae damnum uel negotium. 3 difficillimvm quia a meretrice auara.
1 nam vt omittam qvod ei amorem difficillimvm et carissimvm alors qu'il devrait dire que je lui ai rendu l'amour extrêmement difficile et précieux, il commence, comme s'il avait oublié ce qu'il a dit auparavant et passe à la jeune fille, puis ajoute de manière pléonastique eam (elle). Et s'il avait dit amorem confeci, on aurait pu comprendre confeci comme j'ai achevé, j'ai accompli. Mais dans uirginem confeci, que comprenons-nous sinon ce simple fait : de manière insultante Parménon dit j'ai rendu la fille comme s'il disait j'en ai triomphé et je l'ai vaincue à la place d'un autre ? de fait au sens propre ce verbe convient aux gladiateurs qui ont succombé aux blessures les plus sérieuses. Ainsi Cicéron dans la Catilinaire « gladiatori illi confecto et saucio » (à ce gladiateur fini et blessé). 2 Cela convient donc aux paroles d'un esclave qui en plus comme par jeu se vante de manière bouffonne288 d'avoir fini la partie du travail qui concerne la jeune fille et que le dommage ou le travail n'ait pas été montré à Chéréa. 3 difficillimvm parce que a meretrice auara.

927
carissimum, a meretrice auara uirginem
si cher, chez un courtisane avare, cette fille

1 a meretrice avara virginem qvam amabat ἀποσιώπησις secunda. 2 carissimvm quia uirginem quam amabat.
1 a meretrice avara virginem qvam amabat deuxième aposiopèse (ἀποσιώπησις). 2 carissimvm parce que uirginem quam amabat.

928
quam amabat, eam confeci sine molestia
dont il était amoureux, je la lui ai fait avoir sans coup férir,

929
sine sumptu et sine dispendio: tum hoc alterum,
sans bourse délier, sans mettre la main à la poche. Mais l'autre truc,

930
id uero est quod ego mihi puto palmarium,
c'est vraiment ce qui je crois me mérite une palme :

1 id vero est uero nisi ornatiuum esset, nihil significaret. 2 palmarivm palma dignum.
1 id vero est uero s'il n'était pas là pour l'ornement n'aurait aucun sens. 2 palmarivm digne de la palme.

931
me repperisse quo modo adulescentulus
j'ai trouvé comment le gamin

qvo modo advlescentvlvs mer. meretricvm ing. ingenia et m. mores p. posset n. noscere optime non meretricis dixit sed potius meretricum.
qvo modo advlescentvlvs meretricvm ingenia et mores posset noscere excellent de n'avoir pas dit de la courtisane, mais plutôt des courtisanes.

932
meretricum ingenia et mores posset noscere
pouvait apprendre à connaître les us et coutumes des courtisanes,

933
mature, ut cum cognouerit perpetuo oderit.
au bon moment, afin que, les connaissant, il les déteste à tout jamais.

1 matvre cito et ante tempus. 2 vt cvm cognoverit suauiter non nouerit sed cognouerit dixit, quod est plene ac perspicue <nouerit>. 3 matvre vt cvm c. cognoverit p. perpetvo o. oderit bene addidit < perpetuo oderit >: fere enim cito cognouisse obfuit si id ad illecebram fuit, quod cognitum est cito.
1 matvre vite et avant le moment. 2 vt cvm cognoverit de manière agréable il ne dit pas nouerit (il sut), mais cognouerit (il connut), ce qui signifie il sut pleinement et de manière limpide. 3 matvre vt cvm cognoverit perpetvo oderit il a bien fait d'ajouter perpetuo oderit : en effet avoir vite connu aurait presque pu être un obstacle si ce qu'il avait vite connu l'avait charmé.

934
quae dum foris sunt nihil uidetur mundius,
Quand elles sont dehors, rien ne semble plus propre,

1 qvae dvm foris svnt apud amantes scilicet. 2 nihil videtvr mvndivs bene uidetur, non enim sunt. 3 nihil videtvr mvndivs nec m. magis c. compositvm qvicqvam n. nec m. magis e. elegans bona uarietas: nam nec omnia per magis aduerbium profert nec omnia per comparatiuum gradum.
1 qvae dvm foris svnt chez les amants évidemment. 2 nihil videtvr mvndivs bon emploi de uidetur, en effet ce n'est pas la réalité. 3 nihil videtvr mvndivs nec magis compositvm qvicqvam nec magis elegans bon usage de la variation : de fait il ne dit pas tout ni en utilisant l'adverbe magis, ni tout en utilisant le degré comparatif.

935
nec magis491 compositum quicquam nec magis elegans;
rien de plus raffiné, de plus élégant ;

nec magis compositvm q. qvicqvam n. nec m. magis e. elegans ne diceret compositius aut elegantius, more suo, ut supra «  hoc nemo fuit minus ineptus, magis78 seuerus q. quisquam n. nec m. magis c. continens 401 ».
nec magis compositvm qvicqvam nec magis elegans pour ne pas dire compositius ou elegantius, comme à son habitude ; ainsi plus haut « hoc nemo fuit minus ineptus, magis seuerus quisquam nec magis continens ».

936
quae cum amatore suo492 cum cenant liguriunt.
mais, lorsqu'elles dînent avec leur amant, elles chipotent.

1 qvae cvm amatore s. svo c. cvm c. cenant unum cum praepositio est, alterum cum coniunctio. et dicitur haec figura πλοκή. 2 ligvrivnt ἀπὸ τοῦ λιγυροῦ, quod suaue secundum Graecos intellegitur, ligurire dicitur, qui eleganter et morose cumque multo fastidio suauiora quaeque degustat,
1 qvae cvm amatore svo cvm cenant un des cum est une préposition, l'autre cum est une conjonction. et cette figure s'appelle répétition (πλοκή). 2 ligvrivnt vient de λιγυρόν (ἀπὸ τοῦ λιγυροῦ), qui signifie en Grec doucement, on dit ligurire, pour qui goûte de chaque mets assez doux avec affectation et de manière chagrine, et en montrant beaucoup de dégoût.

937
harum uidere ingluuiem493 sordes inopiam,
Mais voir leur goinfrerie, leur saleté, leur misère,

harvm videre i. inglvviem ordo erat: harum ingluuiem uidere s. salus e. est a. adulescentium .
harvm videre inglvviem l'ordre était : harum ingluuiem uidere salus est adulescentulis.

938
quam inhonestae solae sint domi atque auidae cibi,
comme elles sont indécentes lorsqu'elles sont seules à la maison et gloutonnes,

qvam inhonestae s. solae s. sint id est: cum solae sunt, ut immundae 79 atque auidae cibi, quae cum foris cenant, liguriunt!
qvam inhonestae solae sint c'est-à-dire : quand elles sont seules combien elles sont immondes et avides de nourriture, les mêmes qui quand elles mangent dehors picorent !

939
quo pacto ex iure hesterno panem atrum uorent,
comme dans du bouillon de la veille elles dévorent du pain noir,

1 qvo pacto ex ivre ex pro cum positum est. 2 Aut deest madidum aut maceratum aut emollitum. nam apparet et sordidum esse, quia sit ater, et durum utique, qui ex iure hesterno sit comedendus. cui contrarium Sallustius qui 80 de deliciis militum loquens «  panem in dies mercari 402 » inquit. 3 ex ivre hesterno panem atrvm vorent panem atrum hesterno ex iure, ut quidam uolunt, ex antiquitate mucidum accipimus.
1 qvo pacto ex ivre ex est mis pour cum. 2 Ou bien il manque madidum (humide) ou maceratum (imbibé) ou emollitum (amolli). De fait, il est clair que c'est un pain à la fois ignoble parce qu'il est noir et également dur qu'il faut manger avec un bouillon de la veille. A l'inverse, Salluste qui dit en parlant des délices des soldats « panem in dies mercari » (ils se procuraient leur pain au jour le jour). 3 ex ivre hesterno panem atrvm vorent panem atrum hesterno ex iure, selon l'opinion de certains, nous le comprenons comme moisi parce que passé de date.

940
nosse omnia haec salus est adulescentulis.
Connaître tout cela, c'est le salut des gamins.

941
Py.-ego pol te pro istis dictis et factis, scelus,
Py.-Nom d'un chien, de toi, pour ce que tu as dit et fait, scélérat,

ego pol te pro istis dictis et factis scelvs vlciscar miro artificio poetae et ab initio non placatur Pythias nec redit in gratiam Chaereae et insuper nunc a Parmenone irritatur magis, ut per eam Parmeno terreatur, per Parmenonem ingredi ad Thaidem cogatur senex, per senem nuptiae confirmentur. haec ergo artificibus et eruditis, cetera spectatoribus poeta exhibet.
ego pol te pro istis dictis et factis scelvs vlciscar par une étonnante habileté du poète, au début Pythias ne s'apaise pas et elle ne revient pas dans les bonnes grâces de Chéréa ; de plus elle est maintenant irritée davantage encore par Parménon, en sorte que Parménon soit frappé de terreur par elle, et que le vieillard soit contraint par Parménon d'entrer voir Thaïs et que le mariage soit confirmé par le vieillard. Ces détails sont donc pour les habiles et les savants289, tout le reste le poète le montre ouvertement aux spectateurs.

942
ulciscar, ut ne inpune in nos inluseris.
je vais me venger, pour que tu ne te sois pas impunément joué de nous.

943
(scaena quinta)494 pro deum fidem, facinus foedum! o infelicem adulescentulum!
(Scène 5) Bonté divine ! L'affreux forfait ! Oh ! le pauvre gamin !

94381 1 pro devm fidem facinvs foedvm uim magnam ostendit deorum implorans fidem, quasi in hoc negotio nihil prosit humanum auxilium. 2 pro d. devm f. fidem hoc loco simulata perturbatione sui Parmenonem terret Pythias. 3 pro d. devm f. fidem haec singula pronuntianda sunt pauido et attonito uultu. 4 foedvm pro crudele. Sallustius «  foedi oculi 403 ». 5 o infelicem advlescentvlvm plus est misereri iam adulescentis Pythiam quam irasci ei.
1 pro devm fidem facinvs foedvm elle montre une grande force en implorant la loyauté des dieux, comme si dans cette affaire le secours des hommes n'était d'aucun effet. 2 pro devm fidem dans ce passage, en feignant un trouble extrême Pythias terrifie Parménon. 3 pro devm fidem il faut détacher chaque mot et le prononcer avec une expression de crainte et d'étonnement. 4 foedvm mis pour cruel (crudele). Salluste « foedi oculi » (des yeux cruels). 5 o infelicem advlescentvlvm c'est mieux pour Pythias d'avoir pitié du jeune homme que de s'irriter contre lui.

944
o scelestum Parmenonem, qui istum huc adduxit! Pa.-quid est?
Oh ! Scélérat de Parménon qui l'a amené ici ! Pa.-Quoi ?

o scelestvm parmenonem ut uerba sunt, periit profecto miser adulescens, cum in eodem peccato Parmenoni irascatur Pythias, non Chaereae.
o scelestvm parmenonem comme c'est dit ici, le pauvre jeune homme s'est vraiment perdu, alors que pour la même faute, Pythias s'irrite contre Parménon et non contre Chéréa.

945
Py.-miseret me: itaque ut ne uiderem, misera huc ecfugi foras.
Py.-Il me fait pitié et pour ne pas voir ça, malheureuse, je me suis sauvée dehors.

miseret me haec omnia quasi secum loquitur et fingit se nescire quod astet Parmeno.
miseret me tout cela elle le dit comme en aparté et elle feint d'ignorer que Parménon est là.

946
quae futura exempla dicunt in eum495 indigna! Pa.-o Iuppiter,
Quel exemple ils vont, disent-ils, faire sur lui, une horreur ! Pa.-O Jupiter !

1 qvae fvtvra exempla dicvnt in evm indigna graues poenae, quae possunt ceteris documento esse, exempla dicuntur. 2 qvae f. fvtvra e. exempla d. dicvnt i. in e. evm < i. indigna > modo per indigna foeda crudeliaque significat, ut «  atque illi Misenum in l. litore s. sicco u. ut u. uenere u. uident i. indigna m. morte p. peremptum 404 », qui «  cantu uocabat in c. certamina d. diuos 405 »82.
1 qvae fvtvra exempla dicvnt in evm indigna de lourds châtiments poenae, qui ont une valeur didactique universelle, on les nomme exemples. 2 qvae fvtvra exempla dicvnt in evm indigna dans ce cas, en disant indigna elle veut dire ignobles et cruels, comme « atque illi Misenum in litore sicco ut uenere uident indigna morte peremptum » (et soudain, en arrivant, ils aperçoivent Misène, gisant au sec sur le rivage, ravi à la vie par une mort indigne), lui qui « invitait les dieux à un concours de chant ».

947
quae illaec turba est? numnam ego perii? adibo. quid istuc, Pythias?
Qu'est-ce que c'est que cet esclandre ? Ça y est, je suis mort ? Je vais lui parler. Qu'y a-t-il, Pythias ?

qvae illaec tvrba est quae loquitur an quam ostentat ex uultu ac dictis? sed apparet uultum Pythiae turbam dicere, ut in Andria «  sed quidnam P. Pamphilum e. exanimatum u. uideo ? uereor quid siet. o. opperiar u. ut s. sciam n. num q. quid h. haec t. turba t. tristitiae a. adferat 406 ».
qvae illaec tvrba est qui parle ou qu'elle montre par son expression et ses paroles ? Mais on voit bien que le visage de Pythias dit son trouble, comme dans L'Andrienne « sed quidnam Pamphilum exanimatum uideo ? uereor quid siet. opperiar ut sciam num quid haec turba tristitiae adferat ».

948
quid ais? in quem exempla fient? Py.-rogitas, audacissime?
Que dis-tu ? Sur qui va-t-on faire un exemple ? Py.-Cette demande, monstre d'audace ?

rogitas avdacissime totum hoc terribile est in gestu ac uultu Pythiae et nimis usitatum ac femineum.
rogitas avdacissime tout cela est aussi terrible dans la mimique que dans l'expression de Pythias et parfaitement courant et typiquement féminin.

949
perdidisti istum quem adduxti pro eunucho adulescentulum,
Tu as causé la perte de celui tu as amené ici à la place de l'eunuque, le gamin,

perdidisti istvm qvem addvxti pro evnvcho artificiose non accusat quid peccauerit aduersus Thaidem, quasi ex poena adulescentis plus doleat quam irascatur.
perdidisti istvm qvem addvxti pro evnvcho avec habileté elle ne l'accuse pas de la faute envers Thaïs, comme si elle concevait plus de douleur que de colèrecolère du châtiment du jeune homme.

950
dum studes dare uerba nobis. Pa.-quid ita? aut quid factum est? cedo.
en t'efforçant de nous payer de mots. Pa.-Comment ça ? Que s'est-il passé ? Parle.

1 dvm stvdes dare verba nobis bene studes dare: neque enim dedisti. 2 qvid ita dicis deest, ut sit: quid ita dicis?
1 dvm stvdes dare verba nobis studes dare est bien dit : en effet tu n'as pas donné le change. 2 qvid ita dicis manque pour avoir : que dis-tu ?

951
Py.-dicam: uirginem istam, Thaidi hodie quae dono data est,
Py.-Je vais te dire : cette fille dont à Thaïs aujourd'hui on a fait cadeau,

952
scin496 eam hinc ciuem esse? et fratrem eius esse apprime nobilem?
sais-tu qu'elle est citoyenne d'ici et que son frère est on ne peut plus de la haute ?

1 scin eam hinc c. civem e. esse eam abundat, quemadmodum supra «  quam amabat uirginem83, eam confeci sine molestia 407 ». 2 et fratrem eivs esse apprime nobilem haec ad terrorem gradatim aucta sunt; nam primo uirginem posuit, post ciuem, ad ultimum nobilis sororem.
1 scin eam hinc civem esse eam fait pléonasme, de même que plus haut « quam amabat uirginem, eam confeci sine molestia ». 2 et fratrem eivs esse apprime nobilem ces paroles sont disposées en gradation pour augmenter la terreur ; il met d'abord uirginem, puis ciuem, et pour finir nobilis sororem.

953
Pa.-nescio. Py.-atqui sic inuenta est: eam istic uitiauit miser.
Pa.-Je ne sais pas. Py.-Eh bien, c'est ce qu'on a découvert. C'est elle qu'a violée ce misérable.

1 nescio perturbatus Parmeno nec negare potuit nec consentire, <quare> quasi defensionis loco dixit nescio. 2 atqvi sic inventa est facile est, ut credat qui nescit, ergo Pythias non laborat, ut suadeat ciuem esse. 3 atqvi sic inventa est magnum horrorem incutit audienti non accusando sed miserando Chaeream.
1 nescio dans son trouble Parménon ne peut ni nier ni acquiescer, c'est pourquoi comme seul argument pour sa défense il dit je ne sais pas. 2 atqvi sic inventa est il est facile de faire croire à celui qui ne sait pas ; donc Pythias ne prend aucune peine pour le persuader qu elle est citoyenne. 3 atqvi sic inventa est elle provoque chez l'auditeur une vive réaction d'horreur en n' accusant pas Chéréa mais en le prenant en pitié.

954
ille ubi id resciuit factum frater uiolentissimus...
L'autre quand il a appris ce qui s'est fait, le frère, qui est une vraie brute...

frater violentissimvs hoc inuentum est, quo declaretur «  adeo nobilem 408 ».
frater violentissimvs invention pour justifier « adeo nobilem ».

955
Pa.-quidnam fecit? Py.-conligauit primum eum miseris modis.
Pa.-Qu'a-t-il fait ? Py.-D'abord il l'a attaché que c'en était une misère.

conligavit evm primvm miseris modis mira tarditas ad torquendum Parmenonem; simul etiam relictus ad succurrendum locus.
conligavit evm primvm miseris modis étonnante lenteur pour mieux torturer Parménon ; en même temps aussi elle laisse de la place pour lui porter secours.

956
Pa.-hem conligauit? Py.-atque equidem497 orante ut ne id faceret Thaide.
Pa.-Hein, il l'a attaché ? Py.-Oui, malgré Thaïs, qui le priait de ne pas le faire.

atqve eqvidem orante vt ne id faceret thaide adeo uiolentissimus. et recte hoc additum, ne speret auxilium de Thaide.
atqve eqvidem orante vt ne id faceret thaide  : c'est ce qui explique uiolentissimus. Et c'est juste d'ajouter cela afin qu'il n'espère aucune aide de Thaïs.

957
Pa.-quid ais? Py.-nunc minatur porro sese id quod moechis solet:
Pa.-Que dis-tu ? Py.-A présent il le menace de ce qu'on fait d'ordinaire aux adultères,

1 nvnc minatvr p. porro s. sese bene minatur, ut succurri possit ei, qui non sit passus. 2 minatvr p. porro s. sese deest facturum. 3 id qvod moechis < s. solet > subauditur fieri et facturum.
1 nvnc minatvr porro sese .: c'est bien de dire minatur, pour qu'on puisse le secourir puisqu'il n'a pas encore souffert. 2 minatvr porro sese il manque de faire (facturum). 3 id qvod moechis solet sous-entendre de faire maintenant et plus tard (fieri et facturum).

958
quod ego numquam uidi fieri neque uelim. Pa.-qua audacia
chose que je n'ai jamais vue et que je ne voudrais pas. Pa.-Par quelle audace

959
tantum facinus audet? Py.-quid ita « tantum »? Pa.-an non tibi hoc maximum est?
ose-t-il un si grand forfait ! PY.-Comment ça « si grand » ? Pa.-Pour toi ce n'est pas le plus grand ?

qvid ita tantvm nimis callide Pythias et dicit uiolentum et tamen iniustum audacem que dici non patitur, sed defendit, ut magis terreat Parmenonem.
qvid ita tantvm c'est extrêmement rusé de la part de Pythias de dire violent sans aller jusqu'à dire injuste et effronté et en le défendant pour terrifier encore davantage Parménon.

960
quis homo pro moecho umquam uidit in domo meretricia
Quel type a jamais vu que pour adultère dans une maison de passe

in domo meretricia p. prendi q. qvemqvam causa finalis: uirginem ciuem apud meretricem uitiauit, mercedem offert, petitur ad supplicium.
in domo meretricia prendi qvemqvam cause finale : il a déshonoré une jeune fille citoyenne chez une courtisane, il offre un prix, on le conduit au supplice.

961
prendi quemquam? Py.-nescio. Pa.-at ne hoc nesciatis, Pythias:
on appréhende quelqu'un ? Py.-Je ne sais pas. Pa.-Mais pour que vous n'en ignoriez rien, Pythias,

nescio quam astute dixit nescio, ne laborans ad contradicendum amitteret fidem personae simplicis ac uera dicentis. uult enim magis nuntii officio fungi quam persuadentis.
nescio quelle astuce dans ce nescio, de peur qu'en peinant pour le contredire elle ne perde son crédit de personne simple et qui dit la vérité. Elle veut en effet remplir plutôt l'office de messager que celui de conseiller.

962
dico edico uobis nostrum esse illum erilem filium. Py.-hem
je clame et déclare à votre intention que celui-là, c'est le fils de notre maître. Py.- Hein !

1 dico edico αὔξησις, ut supra «  ubi quaeram, u. ubi i. inuestigem 409 ». 2 dico edico dico tibi, Pythias, edico omnibus tuis. 3 Ergo ad uniuersos utrumque refertur, et dico et edico.
1 dico edico gradation (αὔξησις), comme plus haut « ubi quaeram, ubi inuestigem ». 2 dico edico dico à toi, Pythias, edico à tous les tiens. 3 donc il rapporte à tout le monde en même temps les deux verbes dico et edico.

963
obsecro, an is est? Pa.-nequam in illum Thais uim fieri sinat!
s'il te plaît, c'est lui ? Pa.-Que Thaïs ne permette pas qu'on lui fasse violence !

1 obsecro an is est insultanter, ut in Phormione «  ho, tune is eras? 410 », nam sciebat ipsum esse. 2 ne qvam in illvm thais vim f. fieri s. sinat quam bene prouidit Pythias, quae dixit «  equidem orante, ut ne id f. faceret , Thaide 411 ».
1 obsecro an is est avec insolence, comme dans le Phormion « ho, tune is eras ? », de fait elle savait que c'était lui. 2 ne qvam in illvm thais vim fieri Comme cela a été bien prévu de la part de Pythias qui a dit « equidem orante, ut ne id faceret, Thaide ».

964
atque adeo autem cur non egomet intro eo? Py.-uide, Parmeno,
Et au fait, pourquoi ne pas entrer moi-même ? Py.-Attention, Parménon,

965
quid agas, ne neque illi prosis et tu pereas; nam hoc putant
à ce que tu fais de peur de ne lui servir de rien et de te perdre toi-même ; car voilà ce qu'ils pensent :

<ne> neqve illi prosis et tv pereas totum hoc ad id additum, ut senex intromittatur ad confirmandas nuptias. sed poeta hoc agit, personae nesciunt.
ne neqve illi prosis et tv pereas tout ce qui suit est un ajout pour permettre l'entrée du vieillard pour confirmer le mariage. Mais c'est ce que fait le poète, les personnages n'en savent rien.

966
quidquid factum est ex te esse ortum. Pa.-quid igitur faciam miser?
tout ce qui est arrivé c'est de toi que ça sort. Pa.-Que puis-je donc faire, malheureux ?

967
quidue incipiam? ecce autem uideo rure redeuntem senem.
Qu'entreprendre ? Mais voici que je vois, revenant de sa campagne, le vieux.

1 qvidve incipiam facimus mediocria, incipimus negotia. 2 ecce avtem video r. rvre r. redevntem s. senem choragi est administratio, ut opportune in proscaenium.
1 qvidve incipiam le verbe facere s'emploie pour des tâches sans grande conséquence, incipere pour des affaires importantes. 2 ecce avtem video rvre redevntem senem le régisseur doit veiller à ce qu'il apparaisse à ce moment précis sur l'avant-scène.

968
dicam huic an non? dicam498 hercle; etsi mihi magnum malum
Je lui dis ou pas ? Je lui dis, ma foi, même si c'est une bonne raclée

dicam hvic an non dicam h. hercle non esset uerisimile, nisi dubitasset; quod enim ad Chaeream pertinet, non quod ad ipsum pertinet, dubitat.
dicam hvic an non dicam hercle ce ne serait pas vraisemblable s'il n'était pas pris d'un doute ; c'est en effet sur ce qui concerne Chéréa qu'il doute, non sur ce qui le regarde lui.

969
scio paratum; sed necesse est huic ut subueniat. Py.-sapis.
je le sais, qui m'attend. Mais il faut absolument que j'aide l'autre. Py.-Tu es un sage.

1 scio paratvm sed necesse est haec causa dubitandi fuit, quod hinc Parmenonis, illinc adulescentis periculum cernitur. 2 sapis sapis dicit non uidens quid futurum sit, sed tantum derisisse contenta. 3 sed necesse est me huic dicere subaudiendum, ut sit: sed necesse est dicere. 4 Et ἀσυνδέτως inferendum est quod sequitur; < deest> enim propterea uel quid tale.
1 scio paratvm sed necesse est la cause de son hésitation est que d'un côté il voit venir du danger pour Parménon, de l'autre pour le jeune homme. 2 sapis elle dit tu agis sagement en ne voyant pas ce qui va se produire, mais en se contentant de s'être moquée de lui. 3 sed necesse est il faut sous-entendre que je lui dise pour avoir : mais il faut que je lui dise. 4 Et c'est rapporté en asyndète (ἀσυνδέτως) à ce qui suit ; il manque en effet propterea (pour cette raison) ou quelque chose de ce genre.

970
ego abeo intro: tu isti narra omnem ordinem ut factum siet.
Moi, je file à l'intérieur. Toi, raconte-lui tous les épisodes, comment ça s'est passé.

scaena quinta

Parmeno Senex

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971
Se.-Ex meo propinquo rure hoc capio commodi:
Vi.-Dans la proximité de ma campagne, voilà l'avantage que je trouve,

1 ex meo propinqvo rvre hoc c. capio c. commodi adnotandum, quod huius senis nomen apud Terentium non est: apud Menandrum Simon dicitur. 2 ex meo propinqvo rvre hoc c. capio c. commodi formatur status mentis trepidantis senis, ut appareat, quam inopinato malo amens fieri possit: quod ipsum superius et in Parmenone seruatum est; imparatis enim mentibus mala maiora sunt. 3 Ergo nunc tam otiosus incedit senex, ut neque mores increpet neque quicquam suspicetur mali, sed agat gratias proximae uillae, cuius beneficio non scit quid in urbe filii gerant, et nunc adest ubi opus est poetae. 4 Et uide hanc causam fuisse, cur non ad uillam diuerterit: omnes uillas comicas suburbanas esse; commoditatem ipsam nunc explicat et ostendit.
1 ex meo propinqvo rvre hoc capio commodi il faut noter que ce vieillard n'a pas de nom chez Térence : chez Ménandre il s'appelle Simon. 2 ex meo propinqvo rvre hoc capio commodi l'état d'esprit du vieillard est présenté comme tout agité de sorte qu'il soit bien clair qu'un malheur inopiné puisse lui faire perdre la tête : ce même dispositif a été aussi employé plus haut dans le cas de Parménon ; pour les esprits qui n'y sont pas préparés en effet les maux sont plus grands. 3 Donc maintenant c'est un vieillard oisif qui entre en scène et qui ne fera aucun reproche sur les mœurs et ne soupçonnera aucun mal, un vieillard qui remercie sa maison de campagne toute proche qui lui permet d'ignorer ce que ses fils font en ville et se trouve maintenant où le poète290 a besoin qu'il soit. 4 Et observez que c'est là la raison pour laquelle il ne s'en est pas allé à sa maison de campagne : toutes les maisons de campagne de comédie sont proches de la ville ; il en explique et montre ici les avantages mêmes.

972
neque agri neque urbis odium me umquam percipit.
c'est que ni la campagne, ni la ville ne me causent jamais d'ennui.

1 neqve agri neqve vrbis odivm me v. vmqvam p. percipit tragicus apparatus: delicias memorat, qui pericula cogniturus est. 2 odivm me v. vmqvam p. percipit fastidium ex abundantia.
1 neqve agri neqve vrbis odivm me vmqvam percipit disposition tragique : il évoque le souvenir des plaisirs celui qui va connaître les périls. 2 odivm me vmqvam percipit dégoût provoqué par l'abondance.

973
ubi satias coepit fieri commuto locum.
Dès que je commence à en avoir assez, je change de lieu.

1 vbi satias coepit suffecerant ad hanc sententiam duo superiores hi uersus, sed hic ἐνάργεια est senilis eloquii, faceti et garruli simul. 2 commvto locvm mira breuitate duas res explicuit simul. 3 vbi satias c. coepit deest nam, ut sit: nam ubi s. c. fieri. 4 Et coepit pro coeperit. 5 satias odium: ab eo quod praecedit id quod sequitur.
1 vbi satias coepit il suffisait pour exprimer cette idée des deux vers précédents, mais ici il y a une hypotypose (ἐνάργεια) de la façon de parler à la fois bonhomme et bavarde d'un vieil homme. 2 commvto locvm avec une étonnante densité il expose deux choses à la fois. 3 vbi satias coepit il manque nam (de fait) pour avoir : de fait, dès que la satiété me prend. 4 Et coepit est mis pour coeperit. 5 satias ennui : de ce qui précède on tire ce qui suit.

974
sed estne ille noster Parmeno? et certe ipsus est.
Mais n'est-ce pas là notre Parménon ? Mais oui, c'est bien lui.

sed estne ille noster p. parmeno et c. certe i. ipsvs est et dubitauit et affirmauit postea utpote senex uisu iam languido atque oculis propter aetatem defessis.
sed estne ille noster parmeno etcerte ipsvs est en même temps il doute puis il affirme après coup comme un vieillard dont la vue a déjà baissé et dont les yeux sont fatigués par l'âge.

975
quem praestolare, Parmeno, hic ante ostium?
Qui attends-tu, Parménon, ici devant cette porte ?

1 qvem praestolare p. parmeno h. hic a. ante o. ostivm noue non cui praestolare, sed quem dixit. aliter Tullius «  qui tibi ad F. Forum A. Aurelium p. praestolarentur a. armati 412 ». 2 Praestolari est praesto esse et apparere, hoc est obsequi.
1 qvem praestolare parmeno hic ante ostivm c'est une construction nouvelle que de ne pas construire praestolare avec le datif, mais avec l'accusatif. Il en va autrement chez Tullius « qui tibi ad Forum Aurelium praestolarentur armati » (pour t'attendre au Forum Aurelium). 2 Praestolari c'est être sous la main et se montrer, c'est-à-dire obéir.

976
Pa.-quis homo est? ehem saluum te aduenire, ere, gaudeo.
Pa.-Qui c'est ce type ? Ah ! Te voilà revenu en bonne santé, maître : j'en suis ravi.

qvis homo est quare quis homo est?, cum praeuiderit uenientem? utrum non uult uideri praeuidisse, ne quid fallaciae parasse uideatur? — sic et in Andria «  quasi de i. improuiso r. respice a. ad e. eum 413 » — <an> quia perturbatus exanimatusque, dum quid apud Thaidem geratur auscultat, non uidit senem propius accedere quem longe uiderat? an uero hoc fingit idcirco, quia quod parabat dicere de Chaerea, postquam comminus uentum est, non audet loqui?
qvis homo est pourquoi quis homo est ?, alors qu'il l'a vu venir ? est-ce qu'il ne veut pas paraître l'avoir vu venir, de peur de paraître avoir préparé quelque fourberie ? — ainsi également dans L'Andrienne « quasi de improuiso respice ad eum » — ou parce qu'il est profondément troublé et hors de lui-même, en entendant ce qui se passe chez Thaïs, et ne voit pas que s'est approché le vieillard qu'il avait vu de loin ? ou aussi il imagine cette ruse parce qu'il n'ose plus dire maintenant qu'il est tout près, ce qu'il avait préparé de dire au sujet de Chéréa ?

977
Se.-quem praestolare? Pa.-perii: lingua haeret metu. Se.-hem
Vi.-Qui attends-tu ? Pa.-Je suis mort. Ma langue reste collée de peur ! Vi.-Hé bien !

lingva haeret metv Vergilius «  et uox faucibus haesit 414 ».
lingva haeret metv Virgile « et uox faucibus haesit » (la voix se figea dans sa gorge).

978
quid est? quid trepidas? satin499 salue? dic mihi.
qu'y a-t-il ? Qu'as-tu à trembler ? Tout va bien ? Dis-moi.

1 qvid trepidas instandum est seni ad audienda, quae de facili numquam fateretur Parmeno. 2 satin salve salue integre, recte, commode. Plautus in Trinummo «  beneuolens tuus atque amicus. — satin salue? dic mihi 415 »; — 3 Nunc aduerbium est producta e littera. — Sallustius «  inde ortus sermo percunctantibus utrimque, satin salue, quam grati ducibus suis, quantis familiaribus copiis agerent 416 ».
1 qvid trepidas le vieillard doit se faire pressant pour entendre ce que Parménon n'avouera jamais avec facilité. 2 satin salve ça va bien, gaillardement, et comme il faut. Plaute dans Trinummus : « beneuolens tuus atque amicus. — satin salue ? dic mihi » (bien disposé à ton égard et ami. –ça va bien ? Dis moi) ; — 3 dans le cas présent c'est un adverbe car la lettre e est longue. — Salluste « inde ortus sermo percunctantibus utrimque, satin salue, quam grati ducibus suis, quantis familiaribus copiis agerent » (une conversation s'engagea alors entre ceux qui des deux côtés hésitaient, allaient-ils bien, comment étaient ils vus de leurs chefs, avec quelles ressources de leurs maisonnées ils agissaient).

979
Pa.-ere, primum te arbitrari id500 quod res est uelim:
Pa.-Maître, d'abord je voudrais que tu penses une chose qui est la vérité,

ere primvm te arbitrari i. id q. qvod r. res e. est v. velim quod ante narrationem confirmatio inducitur, contra morem <est> et praecepta; sed merito, quia perturbatus est, quid ut simul possit dicere84.
ere primvm te arbitrari id qvod res est velim le fait que la confirmation soit introduite avant la narration est contraire à l'usage et aux préceptes ; mais c'est à bon droit car il est profondément troublé pour pouvoir dire en même temps aussi quelque chose .

980
quidquid huius factum est, culpa non factum est mea.
tout ce qui s'est passé dans cela, ce n'est pas de ma faute si ça s'est passé.

1 qvicqvid hvivs factvm est absolute, ut supra «  et quicquid huius feci, causa uirginis feci 417 ». 2 Aut deest rei, ut sit: huius rei.
1 qvicqvid hvivs factvm est de manière absolue, comme plus haut « et quicquid huius feci, causa uirginis feci ». 2 Ou alors il manque chose (rei), pour avoir de cette chose.

981
Se.-quid? Pa.-recte sane interrogasti: oportuit
Vi.-Quoi ? Pa.-Au moins, tu as raison de poser la question. Il aurait fallu

1 qvid stomachose quid interrogat: quis enim ante crimen quam obiciatur aut proponatur neget? 2 recte sane i. interrogasti docte Terentius ipse se reprehendit: non ordine factum est prae timore et conscientia.
1 qvid avec colèrecolère il demande quid : qui en effet peut nier avant que le crime soit exposé ou mis devant les yeux ? 2 recte sane interrogasti savamment Térence lui-même se reprend : cela n'a pas été fait dans l'ordre à cause de la peur et de la mauvaise conscience.

982
rem praenarrasse me. emit quendam Phaedria
que je te raconte d'abord l'affaire. Phédria a acheté un

1 emit qvendam phaedria evnvchvm uide narrationem a necessariis et urgentibus coeptam non in se continere nisi quod rei condicio cogit fateri: emit inquit eunuchum, quem dono huic daret, <et> non dixit, cui dono daret; aliter ab amoris mentione coepisset. deinde τὸ quendam ἐξουθενισμόν et εὐτέλειαν significat. 2 Et huic more dixit potius quam meretrici. quin etiam interrogatus «  Thaidi 418 » potius dicturus est quam ut nomen dicat, in quo is offenditur senex. eunuchi autem solius mentio necessaria est, quia dicturus est «  pro eunucho 419 » deductum Chaeream.
1 emit qvendam phaedria evnvchvm observez que la narration qui commence aux choses indispensables et urgentes ne contient pas en elle autre chose que ce que la condition de prévenu oblige à avouer : il dit emit eunuchum, quem dono huic daret, et il ne dit pas à qui il voulait le donner ; autrement il aurait commencé par mentionner son amour. Ensuite le (τὸ) quendam exprime une marque de mépris (ἐξουθενισμόν) et de mesquinerie (εὐτέλειαν). 2 Et il dit selon son habitude huic plutôt que meretrici. Bien plus quand on le questionnera il dira « Thaidi » (à Thaïs) plutôt que de dire un nom qui offenserait le vieillard. Or la mention du seul eunuque est indispensable car il dira que Chéréa a été introduit « pro eunucho ».

983
eunuchum quem dono huic daret. Se.-cui? Pa.-Thaidi.
eunuque pour lui en faire cadeau. Vi.-A qui ? Pa.-A Thaïs.

984
Se.-emit? perii hercle. quanti? Pa.-uiginti minis.
Vi.-Acheté ? Je suis mort, ma foi. Combien ? Pa.-Vingt mines.

985
Se.-actum est. Pa.-tum quandam fidicinam amat hic Chaerea.
Vi.-C'en est fait. Pa.-Alors, il y a une joueuse de cithare dont Chéréa ici est amoureux.

1 actvm est uerbum desperantis. 2 qvandam fidicinam extenuatio est criminis, quod uirginem, quod ciuem uitiauerit. 3 tvm qvandam fidicinam mire et necessario uariauit: ille emit ut eunuchum mittat ad Thaidem, hic amat, ut deduci se «  pro eunucho 420 » uelit.
1 actvm est parole d'un désespéré. 2 qvandam fidicinam il y a là atténuation du forfait : il a bel et bien déshonoré une jeune fille et une citoyenne. 3 tvm qvandam fidicinam il varie de manière étonnante et indispensable : l'un a acheté (emit) pour envoyer un eunuque à Thaïs, l'autre aime (amat) au point de vouloir être introduit « pro eunucho » (à la place de l'eunuque).

986
Se.-hem quid? amat? an scit iam ille501 quid meretrix siet?
Vi.-Hein ! quoi ? amoureux ! Sait-il déjà, celui-là, ce que c'est qu'une courtisane ?

1 hem qvid amat haec singula pronuntianda sunt, ut stuporem nimiae indignationis ostendat. 2 an scit iam ille qvid meretrix siet quia fidicina meretrix est.
1 hem qvid amat il faut détacher chaque mot dans la prononciation pour montrer l'hébétude où le plonge l'excès d'indignation. 2 an scit iam ille qvid meretrix siet parce que la joueuse de lyre est une courtisane.

987
an in astu uenit? aliud ex alio malum!
Est-ce qu'il est venu en ville ? Malheur de malheur !

1 an in astv venit in astu in urbem de Piraeo. 2 an in astv venit sic Athenienses uocabant urbem suam, unde ipsi incolae ἀστοί uocantur. 3 alivd ex alio malvm hoc separatim dicit senex fixis in Parmenonem oculis.
1 an in astv venit in astu veut dire en ville depuis le Pirée. 2 an in astv venit c'est ainsi que les Athéniens nommaient leur ville, d'où on tire le nom de ses habitants ἀστοί. 3 alivd ex alio malvm cette réplique est dite par le vieillard détachée du reste et les yeux fixés sur Parménon.

988
Pa.-ere, ne me spectes: me inpulsore haec non facit.
Pa.-Maître, ne me regarde pas : sous ma gouverne, il ne fait pas cela.

ere ne me spectes me impvlsore haec non facit ipsum accusat conscientia; non enim, quod leuius est, dixit me sciente, cum plus inferat me impulsore.
ere ne me spectes me impvlsore haec non facit sa conscience l'accuse ; en effet, il ne dit pas, ce qui serait moins grave, me sciente (je le savais), tandis qu'il s'exprime avec plus de force en disant me impulsore (j'ai eu l'idée).

989
Se.-omitte de te dicere. ego te, furcifer,
Vi.-Arrête de parler de toi. Moi, en ce qui te concerne, pourriture,

ego te fvrcifer si vivo modo omnis saeuitia comica aut in comminatione est aut in apparatu uerborum.
ego te fvrcifer si vivo en comédie toute la violence291 ne réside que soit dans les menaces, soit dans l'agencement des mots.

990
si uiuo...! sed istuc quidquid est primum expedi.
si je vis... Mais ce dont tu me parles quoi que ce soit, d'abord dis-le vite.

1 si vivo ἀποσιώπησις, quam necessario sequitur < sed >. 2 sed istvc qvicqvid est inuenta causa, cur supplicia differantur, donec uxorem ducat Chaerea et ipse purget Parmenonem secundum argumenta, quae sibi ipse prospexit: iussum coactumque fecisse et imperio erilis filii sui, id est Chaereae.
1 si vivo aposiopèse (ἀποσιώπησις), qui est inévitablement suivie par mais. 2 sed istvc qvicqvid est c'est la raison inventée pour retarder le supplice le temps nécessaire à Chéréa pour épouser la fille et disculper lui-même Parménon en suivant les arguments qu'il a prévus pour lui-même : il l'a fait sur ordre et contraint par le fils de son maître c'est-à-dire Chéréa.

991
Pa.-is pro illo eunucho ad Thaidem hanc deductus est.
Pa.-C'est lui qui, à la place de cet eunuque, a été emmené chez cette Thaïs.

is pro evnvcho ad thaidem hanc dedvctvs est bene deductor ipse siletur.
is pro evnvcho ad thaidem hanc dedvctvs est bien vu de faire garder le silence à celui-là même qui l'a introduit.

992
Se.-pro eunuchon? Pa.-sic est. hunc pro moecho postea
Vi.-A la place de l'eunuque ? Pa.-C'est comme ça ! Et lui, en flagrant délit d'adultère, ensuite,

1 pro evnvchon non interrogat, sed exhorrescit. 2 hvnc pro moecho postea bene studuit Terentius pro bis numero dicere: et pro eunucho et pro moecho. pro moecho autem quasi excusans dixit; nam uere in uirginem Atticam non pro moecho, sed moechus. 3 sic est hvnc pro moecho postea bene utrumque pro, quia neque eunuchus est qui uitiauit uirginem, neque moechus qui in domo meretricia. 4 Et specta quam oratorie transilierit mentionem uitiatae uirginis: pro moecho inquit, ut culpam Chaereae sub meretricis accusatione celaret. 5 hvnc pro moecho bene τὸ pro, quia neque eunuchus, qui ephebus, neque adulter, qui amator.
1 pro evnvchon ce n'est pas une question, c'est un cri d'effroi. 2 hvnc pro moecho postea bien calculé de la part de Térence que de dire deux fois pro : à la fois pro eunucho et pro moecho. pro moecho de ce fait est dit comme pour s'excuser ; de fait à la vérité, s'agissant d'une jeune fille de l'Attique, il n'est pas en lieu et place d'un adultère (pro moecho), mais bel et bien adultère. 3 sic est hvnc pro moecho postea bien vu de redoubler pro, parce qu'un homme qui a déshonoré une jeune fille ne peut pas être un eunuque, ni un adultère celui qui s'est introduit dans une maison de courtisane. 4 Et observez avec quel effet oratoire il glisse sur la mention de la jeune fille déshonorée : il dit pro moecho, afin de cacher la faute de Chéréa en faisant porter l'accusation sur la courtisane. 5 hvnc pro moecho bien vu le (τὸ) pro, parce que ce n'est ni un eunuque puisque c'est un éphèbe, ni un adultère, puisque c'est un amoureux.

993
conprehendere intus et constrinxere. Se.-occidi.
ils l'ont appréhendé et ligoté. Vi.-Je suis mort !

1 comprehendere i. et c. quo dictum uim ingentem inferri significat Chaereae. 2 comprehendere i. intvs et c. constrinxere comprehendere significat strictim in facinore reprehensum.
1 comprehendere intvs et constrinxere en disant cela il veut dire qu'on va exercer contre Chéréa une très grande violence. 2 comprehendere intvs et constrinxere comprehendere veut dire pris sur le fait et serré de près.

994
Pa.-audaciam meretricum specta. Se.-numquid est
Pa.-L'audace des courtisanes, regarde un peu ! Vi.-As-tu par hasard

1 avdaciam m. meretricvm s. specta maior ἔμφασις accusationis est per pluralem numerum quam per singularem. sic alibi «  an potius ita me comp. comparem non per. perpeti meretricum contumelias ? 421 ». 2 avdaciam meretricvm ueteratorie auertit iram senis a se atque a Chaerea et deriuat in meretricem. 3 nvm qvid est alivd mali damnive bene interrogat, quia omnia inuitus seruus dicere uidebatur. 4 Et cum et damnum malum sit, de proximo collatum discernitur et damnum ad emptionem eunuchi, malum ad comprehensum pertinet et constrictum Chaeream.
1 avdaciam meretricvm specta l'insistance (ἔμφασις) mise sur l'accusation est plus grande en recourant au pluriel qu'en recourant au singulier. Ainsi ailleurs « an potius ita me comparem non perpeti meretricum contumelias ? ». 2 avdaciam meretricvm en vieux briscard il détourne la colèrecolère du vieillard de lui et de Chéréa et la fait porter sur la courtisane. 3 nvm qvid est alivd mali damnive bonne question, car l'esclave paraît tout dire contre son gré. 4 Et bien qu'un damnum soit aussi un malum, le contact immédiat des deux mots crée une distinction : le damnum porte sur l'achat de l'eunuque et le malum sur l'arrestation et la mise aux fers de Chéréa.

995
aliud mali damniue quod non dixeris
quelque malheur ou dommage que tu n'as pas dit

996
relicuum? Pa.-tantum est. Se.-cesso ego502 huc intro rumpere?
encore ? Pa.-Juste ça. Vi.-Qu'est-ce que j'attends pour foncer là-bas dedans ?

cesso ego hvc intro rvmpere in tantam formidinem coniectus est senex, ut non miremur, quod tam subito nuptias firmet ephebi et uirginis quamuis <non> honestae, tantum quia ex ingenti metu uel indigno matrimonio filii uitam pacisci uellet.
cesso ego hvc intro rvmpere le vieillard est plongé dans une telle épouvante que nous ne nous étonnons pas de le voir si soudainement confirmer le mariage de l'éphèbe et de la jeune fille, bien qu'elle ne soit pas comme il faut, pour la seule raison que, poussé par une immense crainte, il désire obtenir que son fils ait la vie sauve, même au prix d'un mariage indigne.

997
Pa.-non dubium est quin mihi magnum ex hac re sit malum;
Pa.-Aucun doute, pour moi, de cette affaire, il va sortir un grand malheur.

non dvbivm est qvin mihi magnvm malvm ex hac re siet suaue est nescire personas quid agat poeta: ita non periclitaturus Parmeno.
non dvbivm est qvin mihi magnvm malvm ex hac re siet il est agréable de voir les personnages ignorer ce que fait le poète : ainsi Parménon ne courra aucun danger.

998
nisi, quia necessus fuit hoc facere, id gaudeo
Sauf que, parce qu'on ne pouvait pas faire autrement, je suis content d'une chose :

1 nisi qvia necessvs fvit hoc facere necessus nomen est. nam necessus et necessis et necessitas et necessum lectum est. 2 id gavdeo ut scilicet succurreretur Chaereae periclitanti.
1 nisi qvia necessvs fvit hoc facere necessus est un nom. De fait on lit necessus et necessis et necessitas et necessum. 2 id gavdeo pour évidemment secourir Chéréa qui est en danger.

999
propter me hisce aliquid esse euenturum mali.
c'est que, grâce à moi, à elles aussi il va arriver du malheur.

1 propter me plus dixit, quam si per me diceret. 2 hisce aliqvid meretricibus, non adulescentibus. et item pluraliter suo more, ut «  audaciam meretricum specta 422 » et «  non perpeti meretricum contumelias? 423 ».
1 propter me il dit plus que s'il disait per me. 2 hisce aliqvid pour les courtisanes, non pour les jeunes gens. Et encore une fois au pluriel selon son habitude comme « audaciam meretricum specta » et « non perpeti meretricum contumelias ? ».

1000
nam iam diu aliquam causam quaerebat senex
Il y a déjà longtemps que le vieux cherchait un prétexte

nam iam div aliqvam c. cavsam q. qvaerebat s. senex nota causam pro occasione.
nam iam div aliqvam cavsam qvaerebat senex notez l'emploi de causa pour occasio.

1001
quam ob rem insigne aliquid faceret is: nunc repperit.
pour faire un exemple avec elles : maintenant il l'a trouvé.

1 qvam ob rem insigne aliqvid faceret manifestius hoc Menander explicat iampridem infestum meretrici senem propter corruptum ab ea Phaedriam, nunc demum se inuenta occasione uindicaturum. 2 qvam ob rem quamuis dixisset causam, intulit quam ob rem. 3 insigne aliqvid magnum et nobile facinus. 4 faceret is n. nvnc r. repperit ἰδιωτικῶς dixit.
1 qvam ob rem insigne aliqvid faceret l'explication est plus claire chez Ménandre : cela fait longtemps que le vieillard est hostile à la courtisane parce que c'est elle qui a corrompu Phédria, maintenant seulement il va se venger car il a trouvé une occasion. 2 qvam ob rem bien qu'il ait dit la cause, il ajoute quam ob rem. 3 insigne aliqvid grande et noble action. 4 faceret is nvnc repperit il parle par idiotisme (ἰδιωτικῶς).

scaena sexta

Parmeno Pythias

1002 | 1003 | 1004 | 1005 | 1006 | 1007 | 1008 | 1009 | 1010 | 1011 | 1012 | 1013 | 1014 | 1015 | 1016 | 1017 | 1018 | 1019 | 1020 | 1021 | 1022 | 1023 | 1024

1002
Py.-Numquam edepol quicquam iam diu quod mage uellem euenire
Py.-Jamais, nom d'un chien, quelque chose que depuis longtemps je voulais davantage voir arriver

1 nvmqvam edepol qvicqvam iam div Pythias egreditur uelut irrisura Parmenonem, ut ipsa putat; egredi autem a poeta cogitur, ut doceat populum, quid intus egerit senex. 2 Ergo persona cachinnans inducitur quaerens Parmenonem aspectuque eius ob nimium risum uix loqui posse. 3 nvmqvam edepol q. qvicqvam rarum est euenire quod uelis, et quod maxime uelis, est rarum magis.
1 nvmqvam edepol qvicqvam iam div Pythias entre en scène avec l'intention de se moquer de Parménon, comme elle le croit ; de fait, le poète la fait entrer en scène pour apprendre au public ce que le vieillard a fait à l'intérieur. 2 Donc il met en scène un personnage qui pouffe de rire en cherchant Parménon et qui en le voyant s'étrangle de rire au point d'à peine pouvoir parler. 3 nvmqvam edepol qvicqvam il est rare qu'il arrive ce qu'on veut et ce que l'on veut extrêmement c'est plus rare encore.

1003
mi euenit quam quod modo senex intro ad nos uenit errans.
ne m'est arrivé, que l'entrée du vieux chez nous tout perdu.

intro ad nos v. venit e. errans non gressu errans nec uia, sed animo et opinione.
intro ad nos venit errans son erreur n'est pas de chemin ou de route, mais intérieure et dans son opinion.

1004
mihi solae ridiculo fuit quae quid timeret scibam.
C'était pour moi seule que c'était drôle, parce ce qui l'effrayait je le savais.

mihi solae ridicvlo f. fvit solae: regulariter dicitur soli, nam recte; solae antique, ut alibi «  alterae dum n. narrat , f. forte a. audiui 424 ».
mihi solae ridicvlo fvit solae : normalement on dit au datif soli, et de fait c'est correct ; solae est une forme archaïque, comme ailleurs « alterae dum narrat, forte audiui ».

1005
Pa.-quid hoc autem est? Py.-nunc id prodeo ut conueniam Parmenonem.
Pa.-Qu'est-ce que c'est que ça ? Py.-A présent ce pour quoi je sors, c'est pour aller trouver Parménon.

1 qvid hoc avtem ridentem miratur Parmeno. 2 nvnc id prodeo propter id.
1 qvid hoc avtem Parménon la regarde rire avec étonnement. 2 nvnc id prodeo id équivaut à propter id.

1006
sed ubi obsecro est? Pa.-me quaerit haec. Py.-atque eccum uideo: adibo.
Mais où est-il, je vous prie ? Pa.-C'est moi qu'elle cherche. Py.-Ah ! le voilà, je le vois. J'y vais.

1007
Pa.-quid est, inepta? quid tibi uis? quid rides? pergin? Py.-perii:
Pa.-Qu'y a-t-il, idiote ? Qu'est-ce que tu cherches ? Qu'est-ce qui te fait rire ? Tu continues ? Py.-Je suis morte.

1 qvid rides pergin ex huius uerbis ostendit, quam multum rideat petulans puella. 2 perii proprie hoc uerbum est <eius>, quae sit lassa ridendo.
1 qvid rides pergin c'est par ses paroles qu'il montre combien rit l'effrontée. 2 perii c'est là le mot propre d'une personne qui s'est épuisée à rire.

1008
defessa iam sum misera te ridendo. Pa.-quid ita? Py.-rogitas?
Je suis épuisée maintenant, pauvre de moi, à force de rire de toi. Pa.-Comment ça ? Py.-Cette demande !

1009
numquam pol hominem stultiorem uidi nec uidebo. ah
Jamais, nom d'un chien, je n'ai vu et ne verrai un type plus bête. Ah !

nvmqvam pol hominem stvltiorem v. vidi n. nec v. videbo postquam rogitas <dixit>, quasi narratura uidebatur, <sed> rediit ad insultationem.
nvmqvam pol hominem stvltiorem vidi nec videbo après avoir dit rogitas, comme si elle avait l'air de s'apprêter à raconter quelque chose, mais elle revient aux insultes.

1010
non possum satis narrare quos ludos praebueris intus.
je ne trouve pas les mots pour décrire le divertissement que tu as offert là-dedans.

qvos lvdos praebveris i. intvs ex errore et metu nimio senis credentis constrictum filium se offensurum in domo meretricis.
qvos lvdos praebveris intvs en raison de l'erreur et de la crainte excessives du vieillard qui croit que son fils maintenant aux fers va lui faire honte dans la maison de la courtisane.

1011
at etiam primo callidum et disertum credidi hominem.
Quand je pense que je te croyais habile et beau parleur, comme type !

at etiam primo c. callidvm et d. disertvm c. credidi h. hominem haec omnia sic in scaena pronuntiata sunt, ut risu interrumpi uerba puellae uiderentur, maiorisque insultationis est, si is qui fatigat alterum dicat se ante de illo multum sensisse.
at etiam primo callidvm et disertvm credidi hominem toutes ces paroles sont prononcées sur scène en sorte que le rire paraisse empêcher la jeune fille de parler, et il y a une injure plus grande quand celui qui accable son interlocuteur vient à dire qu'il avait auparavant une haute opinion de lui.

1012
quid? ilicone credere ea quae dixi oportuit te?
Hé, quoi ! Est-ce que d'emblée, ce que je disais, tu étais obligé de le croire ?

1 qvid ilicone credere non ideo hoc dicit, quod personae suae fidem deroget, sed quod res incredibilis fuerit quam illi persuaserit, aut certe si credendum fuerit, non statim 85 neque examinata neque facta rei cognitione. 2 ilicone c. credere obiurgatio de tempore.
1 qvid ilicone credere elle ne dit pas cela parce qu'elle ôte tout crédit à son personnage, mais parce qu'il lui semble incroyable qu'elle ait pu le persuader, ou du moins, si c'était chose croyable, ce n'aurait pas dû être immédiat sans examen et sans avoir pris connaissance de la chose. 2 ilicone credere reproche reposant sur le moment.

1013
an paenitebat flagiti, te auctore quod fecisset
Tu ne regrettais pas le scandale qu'à ton instigation avait fait

1 an paenitebat f. flagiti illud quod supra, a stulto, hoc quod nunc dicit, a malo fieri potuit; illud ab imprudente, hoc quod peius est, a sciente. 2 an p. paenitebat f. flagiti parum uidebatur. ipse alibi «  quantum hic o. operi f. fiat p. paenitet 425 »; Plautus in Truculento «  paenitetne te quod ancillam solam? 426 »86.
1 an paenitebat flagiti ce qu'elle vient de dire a pu être le fait d'un imbécile, ce qu'elle dit à présent n'a pu l'être que d'un mauvais sujet ; le premier acte pouvait être celui d'un imprudent, celui-là, qui est pire, ne peut l'être que de quelqu'un qui agit en connaissance de cause. 2 an paenitebat flagiti cela lui semblait trop peu. Lui-même ailleurs « quantum hic operi fiat paenitet » (l'ouvrage qui se fait chez toi ne te satisfait pas) ; et Plaute dans Truculentus « paenitetne te quod ancillam solam » (ça te déplaît que ce soit une servante) ?

1014
adulescens, ni miserum et insuper503 patri indicares?
le jeune homme, sans aller, le malheureux, par-dessus le marché, le dénoncer à son père ?

1 ni miservm e. et i. insvper p. patri i. indicares duo obicit: unum quod male consuluerit, alterum quod prodiderit male consulta sua. 2 Et bene indicares, nam indicium dicitur eius qui una peccauerit. 3 ni miservm et i. insvper p. patri i. indicares ad inuidiam Parmenonis miserum dicit adulescentem eo modo, quo Iuno Venerem accusans ait «  an miseros qui Troas Achiuis obiecit? 427 » sic enim agimus, cum ab his, qui falso rei sunt, in auctores culpam sceleris remouemus.
1 ni miservm et insvper patri indicares elle fait une double objection : la première, il a mal réfléchi, la seconde, il a divulgué le fruit de ces mauvaises réflexions. 2 Et c'est bien de dire indicares, de fait il est traité de dénonciateur de celui qui a fauté en même temps que lui. 3 ni miservm et insvper patri indicares pour attirer la haine contre Parménon elle dit le pauvre jeune homme de la même manière que Junon quand elle accuse Vénus dit « an miseros qui Troas Achiuis obiecit ? » (ou celui qui opposa aux Achéens les malheureux Troyens ?). En effet nous nous exprimons 292 ainsi, quand nous détournons la faute d'un crime de ceux qui en sont faussement incriminés vers ceux qui en sont véritablement responsables.

1015
nam quid illi credis animi tum fuisse, ubi uestem uidit
Car, lui, d'après toi, quelle impression a-t-il eue, quand il a vu le costume,

nam qvid i. illi c. credis adulescenti scilicet.
nam qvid illi credis évidemment le jeune homme.

1016
illam esse eum indutum pater? quid est? iam scis te perisse?
celui dont il était habillé, le père ? Alors ! Maintenant, tu sais que tu es mort ?

qvid est iam scis te p. perisse hoc non 87 stupentibus dicitur at fatentibus culpam.
qvid est iam scis te perisse cela se dit non à des gens qui restent stupéfaits, mais à des gens qui avouent leur faute.

1017
Pa.-hem504 quid dixti, pessima? an mentita es? etiam rides?
Pa.-Hein ! Qu'as-tu dit, espèce d'horreur ? Tu as menti ? Et en plus ça te fait rire ?

1 hem qvid d. dixti p. pessima nunc demum intellegit Parmeno se esse delusum. 2 etiam rides apparet eam ex huius stomacho uehementius cachinnare.
1 hem qvid dixti pessvma c'est maintenant seulement que Parménon comprend que l'on s'est joué de lui. 2 etiam rides selon toute évidence la colèrecolère de l'esclave la fait rire encore plus fort.

1018
itan lepidum tibi uisum est, scelus, nos irridere? Py.-nimium.
Ça t'a paru tellement joli, scélérate, de te moquer de nous ? Py.-Excessivement.

nos irridere superbius dixit, quam si diceret me.
nos irridere c'est dit avec plus de superbe que s'il disait me (moi).

1019
Pa.-si quidem istuc inpune habueris... ! Py.-uerum? Pa.-reddam hercle. Py.-credo:
Pa.-Si jamais tu t'en tires impunément... Py.-Vraiment ? Pa.-Je te le rendrai, ma foi ! Py.-Je te crois :

1 si qvidem istvc impvne h. habveris subauditur tum 88 nimium. 2 vervm irridentis interrogatio est.
1 si qvidem istvc impvne habveris on sous-entend alors oui excessivement. 2 vervm c'est la question de quelqu'un qui se moque.

1020
sed in diem istuc, Parmeno, est fortasse quod minare.
mais c'est pour un autre jour, Parménon, peut-être, ce dont tu me menaces.

sed in diem istvc p. parmeno e. est f. fortasse q. qvod m. minare in longam dilationem, unde dilatio est dicta diei prolatio .
sed in diem istvc parmeno est fortasse qvod minare dans un avenir éloigné, le mot dilatio en est venu à désigner la remise à plus tard (prolatio 293) du jour (dies).

1021
tu iam pendebis qui stultum adulescentulum nobilitas
Toi, maintenant, tu vas être pendu pour avoir mis en vedette ce gamin stupide

1 tv iam p. pendebis iam nimiam uelocitatem significat. 2 nobilitas < f. flagitiis et e. evndem indicas> duas res significat simul: et cogis facere flagitia et facientem indicas.
1 tv iam pendebis iam signifie ici une vitesse extrême. 2 nobilitas flagitiis et evndem indicas cela veut dire deux choses à la fois : en même temps que tu pousses à commettre une infâmie, tu dénonces celui qui la commet.

1022
flagitiis et eundem indicas: uterque exempla in te edent505.
avec des scandales et l'avoir dénoncé : tous les deux de toi vont faire un exemple.

1 vterqve e. exempla i. in t. te e. edent noua et mira tormenta, quae pro exemplis narrantur aut quae documento sint ceteris ne delinquant, exempla dicuntur. 2 Et edent et edet legitur. si edent, figuratum est; si edet, rectum. 3 Et plus est edet quam dabit.
1 vterqve exempla in te edent nouveaux tourments inattendus qui sont racontés à la place des exemples ou dits à titre d'exemples pour enseigner aux autres à se garder de mal agir. 2 on lit à la fois edent et edet. Si l'on choisit edent, il y a une figure294 ; si on choisit edet, c'est dit de la façon correcte. 3 Et c'est dire plus de dire edet que dabit (donnera).

1023
Pa.-nullus sum. Py.-hic pro illo munere tibi honos est habitus: abeo.
Pa.-Je suis anéanti. Py.-Voilà pour ce cadeau l'honneur que tu as gagné. Je m'en vais.

1 nvllvs svm hoc secum Parmeno. 2 hic pro illo mvnere t. tibi h. honos e. est h. habitvs a. abeo εἰρωνικῶς et μεταφορικῶς: pro munere et honos munerigerulis praeberi solet.
1 nvllvs svm cette réplique est un aparté de Parménon. 2 hic pro illo mvnere tibi honos est habitvs abeo c'est à la fois dit ironiquement (εἰρωνικῶς) et métaphoriquement (μεταφορικῶς) : pour récompense, on offre aussi d'ordinaire une marque d'honneur aux porteurs de présents.

1024
Pa.-egomet meo indicio miser quasi sorex hodie perii.
Pa.-Moi-même, avec ma dénonciation, malheureux, comme un rat, aujourd'hui, je suis fait !

1 egomet meo i. indicio m. miser q. qvasi s. sorex < h. hodie > p. perii proprium soricum est uel stridere clarius quam mures uel strepere magis, cum obrodunt friuola. ad quam uocem multi se intendentes quamuis per tenebras noctis transfigunt eos. Plautus «  confossiorem te faciam soricina nenia 428 ». 2 qvasi sorex hodie perii quia latere potuit nec occidi, si taceret. 3 Nunc repetit prouerbium in eos, qui ipsi se produnt, quia sorex non facile caperetur, nisi emitteret uocem noctu.
1 egomet meo indicio miser qvasi sorex hodie perii le propre des souris est soit d'émettre un cri plus strident que celui des rats, ou de faire plus de bruit en rongeant des babioles. C'est en se dirigeant sur leur voix que beaucoup de gens les transpercent malgré l'obscurité de la nuit. Plaute « confossiorem te faciam soricina nenia »(je te crèverai plus qu'un intestin de souris). 2 qvasi sorex hodie perii car il aurait pu rester cacher et ne pas se perdre, s'il s'était tu. 3 Il reprend ici à son compte un proverbe qui s'applique à ceux qui se trahissent eux-mêmes, car il ne serait pas facile de prendre une souris, s'il elle ne poussait son cri dans la nuit.

scaena septima

Thraso Gnatho

1025
Gn.-Quid nunc? qua spe aut quo consilio huc imus? quid inceptas506, Thraso?
Gn.-Quoi maintenant ? Dans quel espoir, dans quel dessein venons-nous ici ? Qu'entreprends-tu, Thrason ?

1 qvid nvnc qva spe avt qvo consilio hvc imvs reminiscere hunc esse, qui militi supra dixit de Thaide «  iam dudum te amat 429 »et rursus «  iam haec tibi aderit s. supplicans u. ultro 430 », et hinc uidebis, quos exitus habeat assentatio; nam idem militi auctor est summae desperationis. et animaduerte, quod semper a mensa inuitus abstrahatur; nam et supra, cum ad litem uenitur, ex uerbis Thrasonis manifestum est Gnathonem inuitum sequi, ubi dicit «  hancine ego ut contumeliam tam insignem in m. me a. accipiam , G. Gnatho ? m. mori m. me s. satius est 431 ». 2 Et bene qva spe avt qvo consilio , tamquam omnia expertus et nec muneribus gratus nec terroribus metuendus. 3 qvid nvnc q. qva s. spe a. avt q. qvo c. consilio parasitus intellegit quid agat miles, sed ad hoc inducitur interrogare militem, ut populus audiat, quo consilio ueniat ad Thaidem. 4 qvid nvnc qva spe summa desperatio est apud militem reconciliandae amicae ad hoc, ut aequo animo ferat admitti Phaedriam, dum ipse quoque recipiatur; nam neuter in fine fabulae contristandus est. 5 qvid inceptas t. thraso incipere magnorum facinorum est et audaciae.
1 qvid nvnc qva spe avt qvo consilio hvc imvs souvenez-vous que c'est lui qui a dit plus haut au soldat parlant de Thaïs « iam dudum te amat » et de nouveau « iam haec tibi aderit supplicans ultro », et vous verrez par là à quoi aboutit la flatterie ; de fait, il est aussi la raison du désespoir total du soldat et remarquez qu'il est toujours détourné de son repas bien malgré lui ; de fait plus haut également quand on en venait au procès, il est évident à partir des paroles de Thrason que Gnathon le suit bien malgré lui, quand il dit « hancine ego ut contumeliam tam insignem in me accipiam, Gnatho ? mori me satius est ». 2 Et c'est bien de dire qva spe avt qvo consilio , en homme qui a tout enduré et qui n'est ni bien accueilli avec ses cadeaux, ni redoutable par ses menaces. 3 qvid nvnc qva spe avt qvo consilio le parasite comprend ce que fait le soldat, mais il est conduit à interroger le soldat pour que le public entende dans quel dessein il vient voir Thaïs. 4 qvid nvnc qva spe le soldat désespère totalement de se réconcilier avec son amie au point qu'il puisse supporter sans broncher que Phédria soit autorisé à entrer pourvu qu'il soit reçu lui aussi ; de fait, ni l'un ni l'autre ne doit éprouver de tristesse à la fin de la pièce. 5 qvid inceptas thraso incipere s'applique pour de grandes entreprises et des actes audacieux.

1026
Thr.-egone? ut Thaidi me dedam et faciam quod iubeat. Gn.-quid est?
Thr.-Moi ? Me rendre à Thaïs et faire ce qu'elle voudra. Gn.-Quoi ?

1 vt thaidi me dedam post indictionem belli et instructionem pugnae quid sequatur nisi deditio superatorum? 2 et faciam qvod ivbeat proprie, nam in deditione uictores iubent, uicti obsequuntur.
1 vt thaidi me dedam après la déclaration de guerre et le plan de bataille, que voit-on sinon la reddition des vaincus ? 2 et faciam qvod ivbeat au sens propre, de fait dans une reddition, les vainqueurs commandent et les vaincus obéissent.

1027
Thr.-qui minus quam Hercules seruiuit Omphalae? Gn.-exemplum placet.
Thr.-Pourquoi serais-je moins son esclave qu'Hercule fut celui d'Omphale ? Gn.-Exemple bien choisi !

1 qvi minvs q. qvam h. hercvles et hic Terentius exprimit consuetudinem, in qua ignauis rationes criminum et exempla suppeditant; nam sic et supra de Pyrrho. 2 omphalae Lydiae reginae. Omphala Herculem seruientem sibi etiam ad lanificium compulit, cum ipsa calathum et colum cultusque femineos sagittis, claua, leonis tegmine mutauisset. 3 servivit omphalae subauditur ego seruiam Thaidi?
1 qvi minvs qvam hercvles ici aussi Térence exprime l'habitude selon laquelle pour les lâches ce sont aussi les exemples qui fournissent des raisons de mal agir ; de fait, de même plus haut aussi à propos de Pyrrhus. 2 omphalae reine de Lydie. Omphale réduisit Hercule qui était son esclave à filer la laine, alors qu'elle même avait troqué sa corbeille et sa quenouille pour les flèches, la massue et la peau de lion. 3 servivit omphalae sous-entendre ego seruiam Thaidi (moi je serai l'esclave de Thaïs) ?

1028
(utinam tibi commitigari uideam sandalio caput!)
(puissé-je te voir amollir la tête à coups d'escarpins !)

1 vtinam tibi c. commitigari v. videam s. sandalio c. capvt commitigari est tundendo deprimi atque deponi. 2 sandalio capvt plus dixit caput quam aliam partem corporis [dicere] uerberari. 3 Et mire: calciamento caput.
1 vtinam tibi commitigari videam sandalio capvt commitigari c'est être écrasé et renversé à force de coups. 2 sandalio capvt dire frapper la tête (caput) est plus fort que toute autre partie du corps. 3 Et calciamento caput est une expression remarquable.

1029
sed fores crepuerunt ab ea. Thr.-perii: quid hoc autem est mali?
Mais la porte a grincé chez Thaïs. Thr.-Je suis mort ! Qu'est-ce que c'est encore que ce malheur ?

perii qvid hoc avtem est mali eunuchi habitu Chaerea, sed uirili confidentia prosilit et militem uelut noui riualis terret aspectu.
perii qvid hoc avtem est mali Chéréa se précipite en tenue d'eunuque, certes, mais avec une assurance toute masculine et frappe le soldat de terreur à l'aspect de ce qu'il prend pour un nouveau rival.

1030
hunc ego numquam uideram etiam: quidnam hic properans prosilit?
Celui-là je ne l'avais pas encore vu. Pourquoi se précipite-t-il ici en sautant partout ?

hvnc ego nvmqvam videram ideo Chaeream miratur.
hvnc ego nvmqvam videram c'est ce qui fait qu'il s'étonne de voir Chéréa.

scaena octaua

Thraso Gnatho Chaerea Parmeno Phaedria

1031 | 1032 | 1033 | 1034 | 1035 | 1036 | 1037 | 1038 | 1039 | 1040 | 1041 | 1042 | 1043 | 1044 | 1045 | 1046 | 1047 | 1048 | 1049 | 1050 | 1051 | 1052 | 1053 | 1054 | 1055 | 1056 | 1057 | 1058 | 1059 | 1060 | 1061 | 1062 | 1063 | 1064 | 1065 | 1066 | 1067 | 1068 | 1069 | 1070 | 1071 | 1072 | 1073 | 1074 | 1075 | 1076 | 1077 | 1078 | 1079 | 1080 | 1081 | 1082 | 1083 | 1084 | 1085 | 1086 | 1087 | 1088 | 1089 | 1090 | 1091 | 1092 | 1093 | 1094

1031
Ch.-O populares, ecquis me uiuit hodie507 fortunatior?
Ch.-Oh, vous qui êtes là, y a-t-il aujourd'hui en vie un être plus fortuné que moi ?

1 o popvlares ecqvis me vivit h. hodie f. fortvnatior hic persona Chaereae est feruens gaudio ut adulescentuli et in prosperis rebus. 2 o popvlares ecqvis me vivit h. hodie f. fortvnatior non mirum est, si insane exsultat nuptiis, qui iamdudum ob id solum, quod uitiauerat uirginem, laetabatur.
1 o popvlares ecqvis me vivit hodie fortvnatior ici le personnage de Chéréa est tout bouillant de joie, comme il convient à un petit jeune homme, qui plus est au milieu d'événements heureux. 2 o popvlares ecqvis me vivit hodie fortvnatior il n'est pas étonnant de le voir sauter de joie comme un fou à l'idée de son mariage, lui qui depuis longtemps déjà se réjouissait du seul fait qu'il avait déshonoré la jeune fille.

1032
nemo hercle quisquam; nam in me plane di potestatem suam
Personne, ma foi, pas un. Car c'est sur moi d'évidence, que les dieux de leur puissance

1 nemo hercle qvisqvam et interrogauit et respondet sibi. 2 nemo hercle q. qvisqvam παρέλκον tertium.
1 nemo hercle qvisqvam il a posé la question et il se répond à lui-même. 2 nemo hercle qvisqvam troisième pléonasme (παρέλκον).

1033
omnem ostendere cui tam subito tot congruerint commoda.
universelle ont montré l'étendue moi à qui si soudainement tant d'avantages sont échus.

cvi tvm svbito tot c. congrverint c. commoda tam qualitatis, tot quantitatis est.
cvi tam svbito tot congrverint commoda tam porte sur la qualité, tot sur la quantité.

1034
Pa.-quid hic laetus est? Ch.-o Parmeno mi, o mearum uoluptatum omnium
Pa.-Qu'est-ce qu'il a, celui-là, à être joyeux ? Ch.-O mon cher Parménon, toi, qui de toutes mes plaisirs

qvid hic laetvs est inuenta persona est, propter quam gesta hic narrat Chaerea, ut et populus et miles instruantur et sciant, quid intus gestum sit.
qvid hic laetvs est le poète a trouvé 295 un personnage à cause duquel Chéréa raconte ici ce qu'il a fait afin que le public et le soldat soient instruits et au courant de ce qui s'est passé dans la maison.

1035
inuentor inceptor perfector, scis me in quibus sim gaudiis?
es l'inventeur, l'auteur, le réalisateur ; tu sais dans quelle jouissance je suis ?

1 inventor inceptor <perfector> inuenire sapientis est, incipere audacis, perficere constantis: ergo plena laudatio est. 2 Et constat hoc Chaeream laudatiue dicere, nam in subditis solum consilium attributurus est Parmenoni. 3 scis me in qvibvs sim g. gavdiis σύλλημψις est. 4 Et nota scis me, cum sufficeret scis. 5 Ergo abundat me. et est figura ἀρχαϊσμός.
1 inventor inceptor perfector inuenire s'applique à un sage, incipere à un audacieux, perficere à un persévérant : donc l'éloge est complet. 2 Et il est évident que Chéréa dit cela en manière d'éloge ; de fait, dans ce qui va suivre, il va attribuer le plan au seul Parménon. 3 scis me in qvibvs sim gavdiis c'est une syllepse (σύλλημψις). 4 Et remarquez scis me, alors que scis suffirait296. 5 Donc me est pléonastique. Et c'est la figure dite archaïsme (ἀρχαϊσμός).

1036
scis Pamphilam meam inuentam ciuem? Pa.-audiui. Ch.-scis sponsam mihi?
Tu sais que ma Pamphila s'est révélée citoyenne ? Pa.-Je l'ai entendu dire. Ch.-Tu sais qu'elle m'a été promise ?

1 scis pamphilam meam amatorie dixit meam, — 2 Vel potius sponsam meam. — id est quam amo. 3 inventam cognitam. 4 civem deest esse. 5 scis s. sponsam m. mihi deest et esse. et est sponsam nunc participium.
1 scis pamphilam meam en amant il dit meam (ma chérie), — 2 ou plutôt si l'on préfère ma fiancée297 — à savoir celle que j'aime. 3 inventam reconnue. 4 civem il manque esse. 5 scis sponsam mihi il manque aussi esse. Et sponsam est maintenant un participe.

1037
Pa.-bene, ita me di ament, factum. Gn.-audin tu, hic quid ait? Ch.-tum autem Phaedriae
Pa.-Bonté divine, bien fait. Gn.- Entends-tu ce qu'il dit, celui-là ? Ch.-De plus, Phédria,

avdin tv hic qvid ait hoc uultu mutato et conturbato dicitur.
avdin tv hic qvid ait cela est dit avec une expression du visage altérée et troublée.

1038
meo fratri gaudeo esse amorem omnem in tranquillo: una est domus;
mon frère, j'ai la joie de le voir aimer totalement en paix. Il n'y a plus qu'une maison.

1 amorem omnem i. in t. tranqvillo bene in tranquillo, quia mari et tempestatibus nimia amicae mobilitas et instabilitas comparatur. sic Horatius «  simplex munditiis, heu quotiens fidem mutatosque deos flebit et aspera nigris aequora uentis et mirabitur insolens, qui nunc te fruitur credulus aurea 432 » etc. 2 vna est domvs propter Pamphilae nuptias.
1 amorem omnem in tranqvillo c'est bien de dire in tranquillo, parce que l'excès de versatilité et le caractère changeant de son amie sont comparés à la mer et à ses tempêtes. Ainsi Horace « simplex munditiis, heu quotiens fidem mutatosque deos flebit et aspera nigris aequora uentis et mirabitur insolens, qui nunc te fruitur credulus aurea etc. » (O négligente ? Hélas ! combien il pleurera la foi et les dieux trahis, combien il s'étonnera, inaccoutumé, des flots battus par les sombres vents, celui qui, maintenant, crédule, te possède toute dorée). 2 vna est domvs à cause du mariage de Pamphila.

1039
Thais patri se commendauit, in clientelam et fidem
Thaïs s'est recommandée à mon père, c'est désormais dans notre clientère et sous notre protection

1 thais patri se commendavit in c. clientelam et f. fidem n. nobis d. dedit hoc est, quod profuit Phaedriae. 2 in clientelam et fidem in clientelam ut ametur, in fidem ut defendatur.
1 thais patri se commendavit in clientelam et fidem nobis dedit c'est ce qui a rendu service à Phédria. 2 in clientelam et fidem in clientelam pour être aimée, in fidem pour être défendue.

1040
nobis dedit se. Pa.-fratris igitur Thais tota est? Ch.-scilicet.
qu'elle s'est placée. Pa.-Ton frère possède totalement Thaïs ? Ch.-Evidemment.

fratris igitvr t. thais t. tota est bene tota, ut ne ex parte quidem sit militis.
fratris igitvr thais tota est c'est bien de dire tota, en sorte qu'elle n'appartient plus au soldat, même pour une part.

1041
Pa.-iam hoc aliud est quod gaudeamus: miles pelletur foras.
Pa.-Il y a encore autre chose pour nous réjouir : le soldat va être flanqué dehos.

miles p. pelletvr f. foras sunt gaudia ex nostris bonis, sunt gaudia ex aliorum malis, hostium aut inimicorum. ergo utrumque genus gaudiorum complexus est.
miles pelletvr foras on trouve des motifs de joie dans les biens qui nous arrivent et dans les maux qui arrivent à d'autres, ennemis ou adversaires. Donc il embrasse ici les deux genres de motifs de joie.

1042
Ch.-tu frater ubi ubi est fac quam primum haec audiat. Pa.-uisam domum.
Ch.-Toi, mon frère, où qu'il soit, fais en sorte qu'il l'apprenne dès que possible. Pa.-Je vais voir à la maison.

visam d. domvm bene domi quaeritur amator exclusus, nam neque ruri est neque in foro.
visam domvm c'est bien vu de faire chercher à la maison l'amant qui a été flanqué à la porte, car il n'est ni à la campagne ni au forum.

1043
Thr.-numquid, Gnatho, tu dubitas quin ego nunc perpetuo perierim?
Thr.-Et alors, Gnathon, tu doutes que je sois maintenant définitivement mort ?

1 perpetvo perierim quia illud periisse supra temporale uidebatur. 2 qvin ego nvnc p. perpetvo p. perierim hic iam militi nec seruiendi amicae, ut uidet, praebetur locus.
1 perpetvo perierim parce que l'expression periisse plus haut paraissait porter une acception temporelle. 2 qvin ego nvnc perpetvo perierim ici désormais le soldat n'a plus lieu fût-ce de servir son amie298.

1044
Gn.-sine dubio opinor. Ch.-quid commemorem primum aut laudem maxime?
Gn.-Aucun doute, je crois. Ch.-Que raconter d'abord, de quoi faire le plus l'éloge ?

1 sine dvbio opinor quia non quis dicitur 89 perpetuo periisse. quid enim opus hac exceptione est, quando nemo ita perit, ut temporaliter pereat et postea fiat non perditus? correxit parasitus stulti dictum militis, non illum perpetuo sed sine dubio 90 periisse. 2 sine dvbio opinor te perisse: pro certo confirmatur periisse miles, ut post tot munera ex desperato supplex, ex supplices patiens riualis exsistat. 3 qvid commemorem primvm διαπόρησις oratoria, familiaris laudantibus. Cicero «  unde igitur potius incipiam? 433 »; hoc autem fit, ubi omnia et magna uidentur et paria.
1 sine dvbio opinor parce qu'on ne dit pas mourir perpetuo (pour toujours). En effet quel besoin a-t-on de cette distinction, puisque personne ne meurt en sorte que sa mort ne dure qu'un moment et qu'ensuite il s'avère ne pas être mort ? le parasite corrige les paroles de cet imbécile de soldat, en disant non qu'il est mort pour toujours, mais qu'il est mort sans aucun doute. 2 sine dvbio opinor que tu es mort : de manière certaine il est confirmé que le soldat est mort, afin qu'après tant de cadeaux il passe de l'état de désespéré à celui de suppliant, de celui de suppliant à celui de rival souffrant. 3 qvid commemorem primvm embarras (διαπόρησις) oratoire, habituel à ceux qui font un éloge. Cicéron « unde igitur potius incipiam ? » (où commencer de préférence ?) ; or c'est ce qui arrive quand tout paraît également grand.

1045
illum508 qui mihi dedit consilium ut facerem, an me qui id ausus sim
celui qui m'a donné le conseil de le faire, ou moi qui ai osé

1 illvm q. qvi m. mihi d. dedit c. consilivm attribuuntur personis consilia, facta, casus, orationes. ergo hic laudatur consilium Parmenonis, factum Chaereae, casus fortunae id est euentus, oratio senis. 2 illvm qvi mihi d. dedit c. consilivm tria sunt in uita hominum: consilia, facta, successus. consilium animi est, factum corporis, successus fortunae. 3 illvm Parmenonem scilicet.
1 illvm qvi mihi dedit consilivm on attribue aux personnages des plans, des actes, des coups du sort, des discours. Ici donc sont loués le plan de Parménon, l'acte de Chéréa, le coup de la fortune, c'est-à-dire le dénouement, le discours du vieillard. 2 illvm qvi mihi dedit consilivm il y a trois choses dans la vie des hommes : les plans, les actes et leurs conséquences. Le plan vient de l'esprit, l'acte du corps, la conséquence de la fortune. 3 illvm évidemment Parménon.

1046
incipere, an fortunam conlaudem quae gubernatrix fuit,
entreprendre ? ou bien est-ce la fortune que je comblerai d'éloges qui a tenu la barre,

1047
quae tot res tantas tam opportune in unum conclusit diem,
qui, en un seul jour, a conclu tant de si grandes choses si heureusement,

qvae tot res t. tantas t. tam o. opportvne in v. vnvm c. conclvsit d. diem eunuchum, pro quo duceretur, commendationem uirginis, absentiam meretricis, occasionem uitii inferendi, patris interuentum nuptias.
qvae tot res tantas tam opportvne in vnvm conclvsit diem l'eunuque, sous l'apparence duquel on l'a amené ici, le fait qu'on lui ait confié la jeune fille, l'absence de la courtisane, l'occasion qu'il a eue de pouvoir la déshonorer, l'intervention de son père et le mariage.

1048
an mei patris festiuitatem et facilitatem? o Iuppiter,
ou l'amabilité et l'indulgence de mon père ? O Jupiter,

1 an mei patris f. festivitatem <et> fa. facilitatem etiam patri impertienda laus est; nam non erat transeundum festiuitatem <et facilitatem>, quod ut festiuus amori non obstitit, quod ignouit ut facilis. 2 Et festiuitas in dictis est, facilitas in animo et factis. 3 festivitatem laetitiam, ut festiuus dies est.
1 an mei patris festivitatem et facilitatem même le père a droit à un éloge ; de fait, il ne fallait pas qu'il passât sous silence sa gentillesse et sa bénignité, gentil en ne faisant pas obstacle à son amour, bienveillant en pardonnant. 2 Et la gentillesse est dans les paroles, la bénignité dans l'esprit et dans les actes. 3 festivitatem la joie299, comme festiuus dies est (c'est jour de fête).

1049
serua obsecro haec bona nobis! Ph.-di uestram fidem, incredibilia
conserve-nous, je t'en conjure, ces biens présents. Ph.-Bonté divine ! c'est incroyable

di vestram fidem cito interuenit91 Phaedria, utpote qui domi erat.
di vestram fidem Phédria vu qu'il était dans la maison intervient brutalement.

1050
Parmeno modo quae narrauit. sed ubi est frater? Ch.-praesto adest.
ce que vient de raconter Parménon. Mais où est mon frère ? Ch.-Il est là, à portée de main.

1 qvae narravit nimius affectus in utramque partem defectus orationis amat. 2 Ergo ἔλλειψις est: deest enim gaudia.
1 qvae narravit l'excès de passion dans l'un ou l'autre sens aime les interruptions brutales du discours. 2 Donc c'est une ellipse (ἔλλειψις) : il manque en effet gaudia.

1051
Ph.-gaudeo. Ch.-satis credo. nil est Thaide hac, frater, tua
Ph.-Je m'en réjouis. Ch.-Je le crois bien. Il n'y a pas, mon frère, de créature plus que cette chère Thaïs

satis credo sic dici uota agentibus solet. recte igitur huic dicitur cui fient nuptiae gaudeo, et ille sic respondet, ut amicis gratulantibus decet, id est credo; ideo autem, quia multi se fingunt conlaetari, cum inuideant, gaudere cum doleant.
satis credo on a coutume de dire cela à ceux qui formulent des voeux. C'est donc correct de dire gaudeo à celui qui va se marier et lui répond comme il convient à des amis qui présentent leurs félicitations, c'est-à-dire credo ; la raison cependant en est que beaucoup font croire qu'ils participent à la joie alors qu'ils sont jaloux, qu'ils sont joyeux alors qu'ils souffrent.

1052
dignius quod ametur: ita nostrae omni est fautrix familiae. Ph.-hui
digne d'être aimée, tellement elle est le soutien de notre famille ! Ph.-Eh !

1053
mihi illam laudas? Thr.-perii, quanto minus spei est tanto magis amo.
c'est à moi, c'est d'elle que tu fais l'éloge ! Thr.-Je suis mort ! moins j'ai d'espoir, plus je suis amoureux.

1 mihi illam l. lavdas scilicet amatori eius. et mihi pronuntiatione iuuandum est. 2 perii qvanto minvs s. spei est t. tanto m. magis a. amo hic uero est ardor insanissimus, ut Vergilius «  formosum pastor Corydon ardebat Alexin, delicias d. domini , n. nec q. quid s. speraret h. habebat 434 » 3 Et profecto sic est: sapientes spe maxime ad amorem coguntur, stulti forma tantum.
1 mihi illam lavdas comprendre devant son amant. et il faut appuyer mihi par une prononciation particulière. 2 perii qvanto minvs spei est tanto magis amo c'est là à la vérité une ardeur complètement folle, comme Virgile « formosum pastor Corydon ardebat Alexin, delicias domini, nec quid speraret habebat » (le berger Corydon brûlait pour le bel Alexis, les délices de son maître, et il n'avait pas ce qu'il espérait). 3 Et de fait c'est ainsi : les sages sont conduits à l'amour principalement par l'espérance, les imbéciles par la seule beauté physique.

1054
obsecro, Gnatho, in te spes est. Gn.-quid uis faciam? Thr.-perfice hoc
Je t'en supplie, Gnathon ; c'est en toi que j'espère. Gn.-Que veux-tu que je fasse ? Thr.-Obtiens une chose

1 obsecro gnatho in te spes est mire quasi desperatis omnibus auxiliis abiecta nimis supplicatio inducitur. nam et obsecro et Gnatho id significat et in te spes est . 2 qvid vis faciam non est hoc interrogantis sed ostendentis non esse quid faciat.
1 obsecro gnatho in te spes est c'est étrange, comme si désespérant de tous les autres secours, il introduisait une supplication excessivement humble. De fait c'est le sens à la fois d' obsecro, de Gnatho et de in te spes est. 2 qvid vis faciam ce n'est pas là une question, mais un moyen de montrer qu'il n'y a plus rien à faire.

1055
precibus pretio ut haeream in parte aliqua tandem apud Thaidem.
en priant, en payant : que je garde un lien, n'importe lequel, avec Thaïs.

1 precibvs pretio nihil militi superest praeter precem ut uicto <et> pretium ut diuiti. uide igitur, quam sic res eant, ut personae eius commiserescat 92. 2 precibvs pretio ἀσύνδετα uelut <uoce> afflicta et lassa pronuntianda sunt. 3 pretio uarie, quia alibi dixit «  precario 435 ». 4 vt haeream τὸ haeream ultimum genus beneficii est. 5 Et in parte aliqua, non in parte dixit, ne aequa intellegatur. 6 tandem et hoc desperantis et difficile credentis. 7 tandem non est aduerbium temporis, sed nunc saltem significat.
1 precibvs pretio il ne reste rien au soldat sinon la prière puisqu'il est vaincu et de quoi payer puisqu'il est riche. Voyez donc comment vont les choses pour que l'on aie pitiépitié de son personnage . 2 precibvs pretio asyndète (ἀσύνδετα) qu'il faut prononcer avec une voix affligée et épuisée. 3 pretio variation parce qu'ailleurs il a dit « precario ». 4 vt haeream le fait représenté par (τὸ) haeream est l'ultime sorte de bienfait. 5 Et in parte aliqua, il ne dit pas en partie (in parte) de peur que l'on comprenne à part égale. 6 tandem parole d'un désespéré qui a du mal à le croire. 7 tandem ce n'est pas un adverbe de temps, mais cela signifie au moins.

1056
Gn.-difficile est. Thr.-siquid conlibitum est509 noui te. hoc si feceris,
Gn.-C'est difficile. Thr.-Si tu le décides, je te connais. Et ça, si tu le fais,

1 novi te deest perfecisse sed ubique gestu plura significat miles utpote infantissimus. 2 difficile est uultu et pronuntiatione et asseueratione firmandum est. 3 si qvid conlibitvm est ἔλλειψις pro si quid conlibitum est, efficis.
1 novi te il manque perfecisse mais en tout cas c'est par sa gestuelle que le soldat dit la suite vu qu'il reste absolument sans voix. 2 difficile est il faut souligner ces mots par une expression du visage, la prononciation et un ton catégorique. 3 si qvid conlibitvm est ellipse (ἔλλειψις) pour si c'est là ton bon plaisir et que tu le fais.

1057
quoduis donum praemium a me optato: id optatum feres510.
attends de moi n'importe quel cadeau en récompense : ce que tu attends, tu l'auras.

1 qvod vis donvm p. praemivm a m. me o. optato donum praemium est munus praemium. 2 Sed donum praemium dis datur, munus praemium hominibus. Nam separatim donum deorum est, praemium uirorum est fortium, munus hominum. 3 Et donum munusque tam ante factum quam post factum datur, praemium non nisi post factum est. 4 donum uoluntarium est, praemium debetur. 5 alii uero ἀσυνδέτως pronuntiant: primo donum et sic praemium quasi unam partem orationis. 6 qvod vis d. donvm < p. praemivm a m. me o. optato > donum petito ut a largo homine, praemium ut pro claro facinore. 7 qvod vis donvm p. praemivm a m. me o. optato i. id o. optatvm f. feres donum optato, ob quod praemium accipias. 8 praemivm a me optato totum militariter, nam et optio dicitur et optari a militibus, ut uir fortis optet quod uolet praemium.
1 qvod vis donvm praemivm a me optato un don et un présent sont tous deux une récompense. 2 Mais un don est donné comme récompense aux dieux, un présent comme récompense aux hommes. De fait, si l'on prend les choses séparément, un don appartient aux dieux, une récompense aux hommes courageux300, un présent aux gens du commun. 3 Et on fait un don et un présent aussi bien avant qu'après l'accomplissement d'un acte, on ne donne une récompense qu'après l'accomplissement de l'acte. 4 Un don est volontaire, une récompense est due. 5 D'autres en revanche prononcent ces mots en asyndète (ἀσυνδέτως) : d'abord donum et praemium comme s'ils ne faisaient qu'une seule partie de discours. 6 qvod vis donvm praemivm a me optato réclame un don puisque c'est un homme à l'aise, une récompense puisque l'acte est noble. 7 qvod vis donvm praemivm a me optato id optatvm feres espère un don grâce auquel tu puisses recevoir une récompense301. 8 praemivm a me optato il dit tout cela à la manière d'un soldat, de fait le mot optio et optari appartiennent au vocabulaire militaire302, comme dans « un homme courageux peut espérer la récompense qu'il voudra »303.

1058
Gn.-itane? Thr.-sic erit. Gn.-si efficio hoc, postulo ut mihi tua domus
Gn.-Ah oui ? Thr.-Il en sera ainsi. Gn.-Si je le fais, je demande que pour moi ta maison,

si efficio hoc postvlo vt mihi tva domvs te praesente absente pateat prouerbiale est praesente absente, ut sursum deorsum, ultro citro et cetera huiusmodi quod 93 fanda nefanda, iusta iniusta, digna indigna, uelit nolit .
si efficio hoc postvlo vt mihi tva domvs te praesente absente pateat praesente absente est un proverbe304, comme sursum deorsum (ça et là), ultro citro (par ci par là) et toutes les autres expressions de ce genre ce que sont aussi fanda nefanda (licite ou illicite), iusta iniusta (à bon ou mauvais droit), digna indigna (qu'il le mérite ou non), uelit nolit (bon gré mal gré).

1059
te praesente absente pateat, inuocato ut sit locus
que tu sois présent ou absent, reste ouverte et que, sans être invité, j'y aie ma place

1 invocato vt sit l. locvs inuocato non uocato, id est αὐτομάτως: in etenim et auget et minuit dictionem. 2 invocato male intellegunt precibus uocato, cum sit τῷ αὐτομάτῳ, id est etiam non inuitato: quin ultro uenire debeat in suam domum.
1 invocato vt sit locvs inuocato veut dire non uocato (sans avoir été appelé), c'est-à-dire de son plein gré (αὐτομάτως) : le préfixe in en effet est à la fois emphatique et privatif. 2 invocato c'est mal comprendre que de croire que le sens est appelé par des prières, alors que le sens est spontanément (τῷ αὐτομάτῳ), c'est-à-dire même si on ne l'y a pas invité ; bien plus : [que l'autre lui dise] qu'il doit venir dans sa maison à lui, comme bon lui semble.

1060
semper. Thr.-do fidem futurum. Gn.-accingar. Ph.-quem ego hic audio?
toujours. Thr.-Je te donne ma parole: ce sera fait. Gn.-Je m'y mets. Ph.-Qui est-ce que j'entends ici ?

1 do fidem iuro, confirmo, spondeo. 2 accingar non quia facile est quod negauit supra, sed suis uotis parasitus adductus est <ad> conandum. ideo et accingar dixit: sic enim dicimus in magnis rebus suscipiendis, ut«  accingunt o. omnes o. operi 436 »
1 do fidem je jure, j'assure, je promets. 2 accingar ce n'est pas que soit facile ce dont il a dit plus haut que ce ne serait pas facile, mais le parasite est poussé à essayer par ses prières. C'est pourquoi il dit aussi accingar : c'est en effet ainsi que nous nous exprimons quand il s'agit d'entreprendre de grandes choses, comme « accingunt omnes operi » (tous s'attèlent à la tâche).

1061
o Thraso. Thr.-saluete. Ph.-tu fortasse quae hic facta511 sient
Thrason... Thr.-Je vous salue. Ph.-Toi, peut-être, ce qui vient de se passer ici

1 salvete supplex sine gratia et sine timore, modo inimicus et infestus. 2 tv fortasse qvae hic facta sient nescis hoc totum superbe et minaciter adulescens.
1 salvete en suppliant sans plaisir et sans peur, un peu hostile et inamical. 2 tv fortasse qvae hic facta sient nescis tout cette réplique du jeune homme est dite avec hauteur et d'un ton menaçant.

1062
nescis. Thr.-scio. Ph.-cur te ergo in his ego conspicor regionibus?
tu ne le sais pas. Thr.-Si. Ph.-Pourquoi alors est-ce que je te vois dans ces parages ?

1 scio compendium poetae, ne rursus eadem dicerentur. 2 conspicor commune uerbum est conspicor.
1 scio résumé du poète pour éviter les redites. 2 conspicor le verbe déponent conspicor est à la fois de sens actif et de sens passif.

1063
Thr.-uobis fretus... Ph.-scin quam fretus? miles, edico hoc512 tibi,
Thr.-Je comptais sur vous... Ph.-Tu sais comment tu dois y compter ? Soldat, je te l'affirme solennellement :

1 vobis fretvs et hoc stulte: quis enim et riualibus et inimicis fretum esse se dicat? deinde ἀνακόλουθος et uitiosa responsio est: nisi enim addideris sum, erit soloecismus conueniens loquenti, impolito homini et militi. 2 scin qvam f. fretvs esse debeas subaudiendum est. 3 miles edico hoc tibi et contumeliose edico hoc tibi et proprie ut militi miles inquit edico.
1 vobis fretvs nouvelle parole stupide : qui en effet pourrait dire qu'il a confiance en ses rivaux et ses adversaires ? ensuite c'est une anacoluthe (ἀνακόλουθος) et il y a une faute dans la réponse : en effet, si l'on n'ajoute pas sum (je suis), on aura un solécisme qui convient au personnage qui parle, un homme sans éducation et un soldat. 2 scin qvam fretvs il faut sous-entendre esse debeas (tu devrais être). 3 miles edico hoc tibi c'est à la fois injurieux de dire edico hoc tibi et propre au langage d'un soldat quand il parle à un autre soldat.

1064
si te in platea offendero hac post umquam quod dicas mihi
si jamais je te trouve dans cette rue après ça, tu auras beau me dire :

1 si te in p. platea o. offendero hac id est casu inuenero. et in platea inquit, non circa meretricis fores. 2 qvod dicas mihi aut deest non <est>, ut sit: non est quod dicas mihi, id est nihil est; aut quod dicas mihi pro ut dicas mihi, ut sit quod pro ut; aut quod pro quid enim, <ut sit: quid enim> dicas mihi. certum est autem ueteres sic locutos esse.
1 si te in platea offendero hac c'est-à-dire "si je te trouve par hasard". Et il dit "dans la rue" et non "à rôder autour de la porte de la courtisane". 2 qvod dicas mihi ou bien il manque non est, pour donner : non est quod dicas mihi (tu n'as rien à me dire), autrement dit ce n'est rien ; ou bien quod dicas mihi est mis pour ut dicas mihi, de sorte que quod soit mis pour ut ; ou bien encore quod est mis pour quid enim, pour donner : en effet que pourrais-tu me dire. Il est certain que les Anciens s'exprimaient ainsi.

1065
« alium quaerebam, iter hac habui », peristi! Gn.-heia haud sic decet.
« C'est quelqu'un d'autre que je cherchais, mon chemin passait par là », tu es mort. Gn.-Allez ! Ça ne se fait pas.

1 alivm q. qvaerebam aut alium pro quendam posuit, ut sit: quendam quaerebam, id est aliquem; aut alium hoc est: non quem tu putas, hoc est: alium, non Thaidem. sed si aliam diceret, neque commode neque εὐφώνως loqueretur; praeualet enim masculinum genus. 2 peristi ordo est: <si te> post umquam in platea offendero hac, peristi. 3 heia interdum hortantis est. ergo nunc heia correptionem significat.
1 alivm qvaerebam ou bien alium est mis pour quendam, pour donner : je cherchais un homme, à savoir quelqu'un ; ou bien c'est alium (un autre) : non pas celui auquel tu penses, c'est-à-dire : un autre, pas Thaïs. Mais s'il disait aliam, ce ne serait ni habile ni euphonique (εὐφώνως) ; en effet le masculin l'emporte 305. 2 peristi l'ordre des mots est : "si te post umquam in platea offendero hac, peristi". 3 heia parfois avec un sens d'exhortation. Donc dans le cas présent heia marque le blâme.

1066
Ph.-dictum est. Gn.-non cognosco uestrum tam superbum... Ph.-sic ago.
Ph.-C'est dit. Gn.-Je ne vous savais pas autant de superbe... Ph.-C'est ma façon de faire.

1 non cognosco vestrvm t. tam s. svperbvm locutio adnotanda. 2 Mire laudauit, ut persuadere potuisset. 3 vestrvm tam s. svperbvm noue uestrum superbum. 4 vestrvm svperbvm absolute, ut «  pol, Crito, a. antiquum o. obtines 437 » 5 Ergo subaudimus uel ingenium uel animum uel morem uel institutum.
1 non cognosco vestrvm tam svperbvm locution remarquable. 2 il fait un éloge paradoxal en sorte qu'il a pu le persuader. 3 vestrvm tam svperbvm c'est innover que de dire uestrum superbum. 4 vestrvm svperbvm de manière absolue comme « pol, Crito, antiquum obtines ». 5 Donc nous sous-entendons soit ingenium (le talent), soit animum (l'esprit) soit morem (le caractère), soit institutum (l'éducation).

1067
Gn.-prius audite paucis: quod cum dixero, si placuerit,
Gn.-D'abord écoutez quelques mots. Quand j'aurai parlé, si tel est votre bon plaisir,

1 privs a. avdite p. pavcis mira insinuatione agit, qui non ut consentiant, sed ut audiant paucis, petit. 2 Bene prius, quasi non obstet, quominus faciant quod uelint. tum deinde quod attentionem excitat, addidit paucis, deinde si placuerit: facilius enim flectitur, cum quo non pugnamus, ut consentiat. 3 privs a. avdite p. pavcis prius audite quod <dicit>, fiduciam ostentat persuasoriam rem dicturi.
1 privs avdite pavcis il procède avec une étonnante insinuation en demandant non qu'ils lui accordent quelque chose, mais qu'ils l'écoutent paucis (pour quelques mots). 2 prius est bien dit, comme s'il ne les empêchait pas de faire ce qu'ils veulent. Ensuite il attire leur attention en ajoutant paucis, ensuite si placuerit : en effet, il est plus facile de fléchir et de faire consentir quelqu'un avec qui nous ne nous affrontons pas. 3 privs avdite pavcis écoutez d'abord ce qu'il dit, montre qu'il est assuré de dire quelque chose de persuasif.

1068
facitote. Ch.-audiamus. Gn.-tu concede paululum513 istuc, Thraso.
agissez. Ch.-Écoutons. Gn.-Toi, va-t'en voir un peu là-bas, Thrason.

1 avdiamvs bene non faciamus sed audiamus dixit, nam prima oratoris impetratio in mala causa audiri meruisse. 2 tv concede pavlvlvm istvc thraso Thraso hoc in bonam partem accipit et ideo paret; putat enim uel turpe esse, si humiliter precetur suo nomine se audiente parasitus, uel incongruum sibi, si in os praesens a Gnathone laudetur. 3 istvc thraso non ad se uocat, sed locum ostendit, quo abeat atque concedat.
1 avdiamvs c'est bien de ne pas dire faciamus (faisons), mais audiamus, de fait la première victoire d'un orateur dans une cause mauvaise c'est d'avoir obtenu qu'on l'écoute. 2 tv concede pavlvlvm istvc thraso Thrason prend bien cette réplique et c'est la raison pour laquelle il obéit ; il pense en effet soit que ce serait une honte si le parasite faisait en son nom d'humbles prières en sa présence, ou si l'on préfère que ce serait inconvenant que Gnathon fasse son éloge en sa présence. 3 istvc thraso il ne l'appelle pas à lui, mais lui montre l'endroit où il doit se retirer et se tenir.

1069
principio ego uos ambos credere hoc mihi uehementer uelim,
Pour commencer, moi, vous deux, je voudrais vraiment que vous me croyiez sur une chose :

principio ego vos ambos credere h. hoc m. mihi v. vehementer v. velim uidet neque se <esse> odio neque offendi animos audientium <nisi> in militis nomine. ergo oratorie pro eo homine in quo offenditur eum in quo non offenditur94 posuit.
principio ego vos ambos credere hoc mihi vehementer velim il voit que ce n'est pas lui qui est un objet de haine et qu'il n'offusque pas ses auditeurs sinon au nom du soldat. Donc c'est de manière oratoire qu'il met à la place de l'homme en la personne duquel il y a offense celui en qui il n'y a pas offense.

1070
me huius quicquid facio id facere maxime causa mea;
moi, tout ce que j'y fais, je le fais surtout pour moi.

1 me hvivs qvicqvid facio id facere <maxime> cavsa mea deest rei, aut est, ut sit: me huius quicquid est quod facio, id facere maxime causa mea. 2 Hic a persona discessit et rem non odiosam pro perodiosa supposuit, id est parasiticam pro aemuli amore et commodo.
1 me hvivs qvicqvid facio id facere maxime cavsa mea il manque soit rei, soit est, pour donner : me huius quicquid est quod facio, id facere maxime causa mea (quoi que ce soit dans cette affaire que je fasse, c'est surtout pour moi que je le fais). 2 ici il se désolidarise du personnage et met à la place d'une chose extrêmement déplaisante une chose qui n'a rien de déplaisant, c'est-à-dire une remarque de parasite au lieu de l'amour et de l'intérêt d'un rival.

1071
uerum si idem uobis prodest uos non id514 facere inscitia est.
Mais si la même chose vous rapporte aussi, que vous ne la fassiez pas, serait idiot.

1 vervm si idem vobis p. prodest multum attulit ad persuadendum: non esse militi commodum admitti militem, sed ipsorum esse commodum. 2 vos non id facere i. inscitia e. est oratorie et secundum insinuationis praecepta sic dixit; nam remittendo et dubitando magis flectit animos, quam si aperte ac pertinaciter asseueret.
1 vervm si idem vobis prodest il apporte beaucoup d'arguments pour persuader : ce n'est pas l'intérêt du soldat que le soldat soit autorisé à entrer, mais leur intérêt à eux. 2 vos non id facere inscitia est il s'exprime ainsi de manière oratoire et en suivant les principes de l'insinuation ; de fait, en faisant une concession et en doutant, il fléchit plus leur esprit que s'il affirmait ouvertement et fermement.

1072
Ph.-quid id est? Gn.-militem ego riualem515 recipiendum censeo. Ph.-hem
Ph.-De quoi s'agit-il ? Gn.-Le soldat pour ma part je pense qu'il faut l'accepter comme rival. Ph.-Hein !

1 militem ego rivalem recipiendvm censeo artificiose satis semel intulit omne quod durum dictu ad persuadendum erat. nam quod militem et riualem dixit, ad eam rem ualet, ut magis admittendus sit quam excludendus. et simul fiducia sic dicentis parat animos ad audienda quae dicet. 2 militem ego r. rivalem r. recipiendvm c. censeo riuales dicuntur aemuli de mulieribus, facta translatione nominis a feris bestiis, quae sitientes cum ex eodem riuulo haustum petunt, in proelium contra se inuicem ueniunt. sic Cicero pro Caelio sin erit ex illo fonte riuulus inquit, et Homerus ******. 3 censeo <uide> uirtutem poetae: non dixit peto sed censeo, tamquam illis iam consulat, non pro milite agat. 4 militem ego r. rivalem considera, quo uultu hoc dicendum sit, et intelleges et militem et riualem et recipiendum et ego et censeo quanta significent. non enim dixit Thrasonem sed militem, quod ad stultitiam ualet nomen; nec socium sed riualem, quod ostendit, quandoquidem riualis in meretrice capiendus, hunc potius eligendum, nec non excludendum sed recipiendum dixit, ut et ostenderet adeo prodesse, ut etiam de industria retinendus sit; et non uolo aut rogo sed censeo, ut consiliarius, non parasitus uideatur loqui. nam quod ego addidit nunc, eo dicto usus est, quo uti solent qui plus in negotio uident, <ut in hoc ipso pronomine consiliarii auctoritas inesse uideatur>. nam sic in Phormione iurisc. iurisconsulti «  <ego> quae in rem tuam sint ea uelim facias 438 », «  ego sedulo hunc dixisse credo 439 », «  ego amplius deliberandum censeo 440 ».
1 militem ego rivalem recipiendvm censeo de manière assez habile il expose en une fois tout ce qui est dur à dire pour persuader. De fait, parler de soldat et de rival, vise à montrer qu'il vaut mieux le laisser entrer que le flanquer à la porte. et en même temps l'assurance du personnage qui parle prépare l'esprit des autres à écouter ce qu'il va dire. 2 militem ego rivalem recipiendvm censeo on nomme rivaux ceux qui se disputent des femmes, par un glissement de sens de l'expression qui désigne les bêtes sauvages, qui, quand elles ont soif, en viennent à se battre entre elles, quand elles cherchent à boire au même ruisseau (riuulus). Ainsi Cicéron dans le pro Caelio dit «sin erit ex illo fonte riuulus »306 (s'il se trouve un ruisseau de la même source), et Homère307. 3 censeo voyez la force du poète : il ne dit pas peto (je demande) mais censeo, comme s'il s'occupait d'eux au lieu de plaider pour le soldat. 4 militem ego rivalem considérez, avec quelle expression du visage il faut dire cela, et vous comprendrez à la fois la force des mots militem, riualem, recipiendum, ego et censeo. En effet il ne dit pas Thrason mais le soldat, ce qui implique l'idée de stupidité ; non pas le compagnon, mais le rival, ce qui montre que, puisqu'il faut bien admettre un rival auprès de la courtisane, c'est celui-là plutôt qu'un autre qu'il faut laisser entrer et il dit qu'il ne faut pas le flanquer à la porte, mais le recevoir, pour montrer à quel point il est utile de devoir le retenir même volontairement ; et il ne dit pas uolo ou rogo, mais censeo, en sorte qu'il paraisse parler comme un conseiller et non comme un parasite. De fait, en ajoutant maintenant ego, il utilise le mot dont se servent ordinairement ceux qui voient plus dans une affaire, en sorte que dans ce pronom même il paraisse y avoir tout le crédit d'un conseiller. De fait, c'est ainsi que parlent les jurisconsultes dans le Phormion « ego quae si in rem tuam sint ea uelim facias ». « ego sedulo hunc dixisse credo ». « ego amplius deliberandum censeo ».

1073
recipiendum? Gn.-cogita modo: tu hercle cum illa, Phaedria,
L'accepter ! Gn.-Réfléchis un peu. Toi, ma foi, avec elle, Phédria,

1 cogita modo modo aut tantummodo significat aut temporis est aduerbium. 2 Et simul incerta distinctio est.
1 cogita modo modo soit signifie seulement soit est un adverbe de temps. 2 Et en même temps, la ponctuation n'est pas sûre.

1074
et516 libenter uiuis (etenim bene libenter uictitas),
tu aimes vivre, et de fait tu sais drôlement bien vivre.

et libenter vivis id est: bonorum ciborum es atque edax.
et libenter vivis c'est-à-dire : tu es homme à faire grande chère et glouton.

1075
quod des paullum est et necesse est multum accipere Thaidem.
A donner tu as peu et il faut bien que Thaïs reçoive beaucoup.

1076
ut tuo amori suppeditare possit sine sumptu tuo ad
Pour pouvoir subvenir à ton amour sans qu'il t'en coûte rien, pour

svppeditare possit sine svmptv tvo aut pro suppeditari aut deest se, ut «  accingunt o. omnes o. operi 441 »
svppeditare possit sine svmptv tvo ou bien le verbe est mis pour suppeditari ou bien il manque se, comme « accingunt omnes operi » (tous s'attèlent à la tâche).

1077
omnia haec, magis opportunus nec magis ex usu tuo
tout cela, d'homme plus approprié et davantage à ton profit,

1 ad omnia haec magis opportvnvs nec magis ex vsv tvo nemo est locutio est ex negatiuis tertia, ut «  agrum in his r. regionibus m. meliorem n. neque p. preti m. maioris n. non h. habet 442 »95 2 <magis> ex vsv pro utilior, magis opportvnvs pro opportunior.
1 ad omnia haec magis opportvnvs nec magis ex vsv tvo nemo est l'expression est à cause des négations une définition du troisième type308, comme « agrum in his regionibus meliorem neque preti maioris non habet » (il n'y a pas dans ce canton de terre meilleure et qui vaille autant que la tienne). 2 magis ex vsv mis pour le comparatif utilior, magis opportvnvs mis pour le comparatif opportunior.

1078
nemo est. principio et habet quod det et dat nemo largius.
il n'y en a pas. D'abord, il a de quoi donner, et personne ne donne plus largement.

1 nemo est 96 hoc est ex usu tuo. 2 habet qvod det ut diues, et dat nemo largivs ut liberalis.
1 nemo est c'est-à-dire dans ton intérêt. 2 habet qvod det car il est riche, et dat nemo largivs puisqu'il est généreux.

1079
fatuus est, insulsus, tardus, stertit noctesque517 et dies:
C'est un prétentieux, un crétin, un balourd, il ronfle nuit et jour :

1 fatvvs est hoc est opportunus. 2 insvlsvs sine sale et sapientia, aut sine saltu ac facilitate. 3 tardvs in uenerem scilicet. 4 stertit plus dixit stertit quam dormit. 5 noctesqve et dies plus significat, quam si <diceret> diebus et noctibus. 6 fatvvs inepta loquens. a fando fatuus dicitur; inde Fauni Fatui et Nymphae Fatuae uocatae sunt. 7 fatvvs est insvlsvs fatuus est uerbis ac dictis, insulsus corde atque animo; tardvs tardus corpore ac membris; quamuis etiam intellectu tardos dicamus, qui stulti sunt. 8 Sed melius est sic intellegi, ut ea uitia dicere uideatur, quae inamabilem faciant etiam diuitem largumque amatorem. nam aut uerba commendant, ut «  pendetque i. iterum n. narrantis a. ab o. ore 443 », hic fatuus est; aut sapientia gratum facit, ut «  multa uiri u. uirtus a. animo 444 », et hic insulsus est. 9 Sed mihi uidetur fatuum dicere, qui tantum glorietur et blandiri amicae nesciat, insulsum qui non sit salax et cupidus coitus, tardum qui non facile explicet uenerem, quae res meretricibus odiosissima est. fatvvs insvlsvs sunt qui fatuum animo putent, insulsum dictis, sed male. nam Fatui di quoque sunt, qui et Fauni dicuntur, et non stulti sed multum fantes, id est loquentes. fatvvs est insvlsvs haec quae nunc addit non ex superioribus pendent. sed cum superiora ualeant plurimum — nam quia et diues et liberalis, potuit obesse riualibus —, haec omnia bona in milite corrumpuntur, quod fatuus, quod insulsus, quod cetera quae ipse persequitur. fatvvs est insvlsvs haec bene adduntur, quia <quod> dixit «  et habet quod det et dat nemo largius 445 », ad eam rem ualebat, ut amaretur miles a meretrice et praeponendus esset omnibus: sed ingrata sunt mulierculis maximeque lasciuis haec omnia quae subiecit. fatvvs est insvlsvs hoc pro aceruo uitiorum cum quadam uultus improbitate prolatum est, quo magis res in medio posita esse uideatur.
1 fatvvs est c'est-à-dire commode. 2 insvlsvs sans humour ni intelligence, ou sans agilité ni souplesse. 3 tardvs comprendre aux choses de Vénus. 4 stertit c'est plus fort de dire stertit que dormit (il dort). 5 noctesqve et dies le sens est plus fort que s'il disait le jour et la nuit. 6 fatvvs qui dit des inepties. Le mot fatuus vient du verbe fari ; d'où on a tiré le nom des Faunes Fatui (bavards) et des Nymphes Fatuae (bavardes). 7 fatvvs est insvlsvs fatuus s'applique aux paroles et aux dires, insulsus au cœur et à l'esprit ; tardvs tardus dans son corps et son physique ; bien que nous disions aussi lents à comprendre, ceux qui sont idiots. 8 Mais il vaut mieux comprendre ainsi pour qu'il paraisse dire les défauts qui rendent peu aimable cet amant tout riche et généreux qu'il soit. De fait ce sont soit les paroles qui recommandent quelqu'un comme « pendetque iterum narrantis ab ore » (et à nouveau reste suspendue aux lèvres du narrateur), celui-là est un fat ; ou alors c'est l'intelligence qui fait que l'on est bien reçu « multa uiri uirtus animo » (sans cesse lui reviennent à l'esprit la grande valeur du héros), et celui-là est idiot. 9 Mais il me semble qu'il le dit fatuus parce qu'il se vante tant et ne sait pas flatter son amie, insulsus parce qu'il n'est pas libidineux mais avare de sexe, tardus parce qu'il est lent à conclure en amour, chose que les courtisanes ne supportent absolument pas. fatvvs insvlsvs il y a des gens qui pensent que fatuus porte sur l'esprit et insulsus sur les paroles, mais c'est à tort. De fait, on parle de Fatui di, que l'on nomme aussi Faunes, et ils ne sont pas idiots mais très fantes c'est-à-dire bavards. fatvvs est insvlsvs ce qu'il ajoute maintenant n'a aucun lien avec ce qui précède. Mais alors que ce qu'il vient de dire a une grande force — de fait parce qu'il est riche et généreux, il aurait pu contrecarrer ses rivaux —, toutes ces belles qualités sont gâtées chez le soldat, parce qu'il est fat, parce qu'il est idiot, parce qu'il est tout ce qu'il dit ensuite. fatvvs est insvlsvs bon ajout, parce que, en disant « et habet quod det et dat nemo largius », il pousse la courtisane à aimer le soldat et à le préférer à tous les autres : mais pour les femmes et en particulier celles qui sont chaudes tout ce qu'il indique ensuite est rédhibitoire. fatvvs est insvlsvs cela est mis en avant de la masse de ses défauts, avec quelque expression de malice, afin que la chose paraisse plus visible à tous.

1080
neque istum metuas ne amet mulier: facile pellas ubi uelis.
et un type pareil tu n'as pas à craindre qu'une femme tombe amoureuse de lui. Tu pourras le flanquer à la porte, quand tu voudras.

vbi velis quando uel < quando>cumque.
vbi velis ubi est mis pour quando (quand) ou si l'on préfère quandocumque (à n'importe quel moment).

1081
Ch.-quid agimus? Gn.-praeterea hoc etiam quod ego uel primum puto,
Ch.-Que faisons-nous ? Gn.-En outre, il y a aussi cela, qui pour moi est même peut-être le principal :

1 qvid agimvs initium consensionis dubitatio est eius, qui negauerit. 2 hoc etiam deest est uel habet. 3 qvod ego parasitus scilicet. 4 primvm pvto primum puto quasi parasitus.
1 qvid agimvs l'assentiment commence quand on doute de celui qui a dit le contraire. 2 hoc etiam il manque est ou si l'on préfère habet (il a). 3 qvod ego le parasite évidemment. 4 primvm pvto primum puto en tant que parasite.

1082
accipit homo nemo melius prorsus neque prolixius.
c'est que personne ne reçoit mieux que lui, pas un, ni en dépensant plus.

1 accipit homo alit, pascit, inuitat, ut «  illos p. porticibus rex a. accipiebat i. in a. amplis 446 ». 2 nemo melivs prorsvs < n. neqve p. prolixivs > horum alterum apparatum indicat, alterum copiam.
1 accipit homo il nourrit, fait manger, invite, comme « illos porticibus rex accipiebat in amplis » (le roi les accueillait sous de vastes portiques). 2 nemo melivs prorsvs neqve prolixivs de ces deux mots, l'un indique les préparatifs du repas, l'autre son abondance.

1083
Ch.-mirum ni illoc homine quoquo pacto opus est. Ph.-idem ego arbitror.
Ch.-Ce serait étonnant si d'un type pareil d'une manière ou d'une autre nous n'avions pas l'usage. Ph.-Je suis du même avis, moi aussi.

1 mirvm ni illoc h. homine q. qvoqvo p. pacto o. opvs est facete dixit adulescens rei parcus et qui putet amorem sine damno esse oportere quique fefellerit meretricem, non solum eiciendum non esse militem, sed etiam quouis modo sustinendum ac perferendum. 2 mirvm ni i. illoc h. homine obtinuit parasitus iam quod negabatur: primo deliberatum, ut quid agimus?, post concessum, ut mirum ni i. illoc h. homine q. quoquo p. pacto o. opus e est . 3 mirvm ni illoc h. homine q. qvoqvo p. pacto o. opvs e. est hic, inquit, eiusmodi est, ut etiam cum mala condicione paciscendum sit. 4 idem ego arbitror iam opus fuit consensionis praecipue Phaedriae, cuius res agitur; nam ita et seruata persona est tarde consentientis amatoris.
1 mirvm ni illoc homine qvoqvo pacto opvs est c'est avec humour que le jeune homme, qui est près de ses sous, jusqu'à penser que l'amour doit être sans dommage et qui a trompé la courtisane, dit que non seulement il ne faut pas flanquer le soldat à la porte, mais qu'il faut même en quelque façon supporter et endurer sa présence. 2 mirvm ni illoc homine le parasite a obtenu ce qu'on lui refusait : d'abord qu'on y réfléchisse, comme le montre quid agimus ?, ensuite qu'on lui concède ce point comme le montre mirvm ni illoc homine qvoqvo pacto opvs est 3 mirvm ni illoc homine qvoqvo pacto opvs est ce personnage, dit-il, est tel que même si les conditions de l'accord n'étaient pas bonnes il faudrait quand même l'accepter. 4 idem ego arbitror désormais c'est principalement de Phédria qu'il faut obtenir l'accord car c'est de lui qu'il s'agit ; de fait, il garde ainsi son caractère d'amant lent à consentir.

1084
Gn.-recte facitis. unum etiam518 uos oro, ut me in uestrum gregem
Gn.-Vous faites bien. Encore une grâce que j'ai à vous demander, c'est que dans votre compagnie

1 recte facitis gratiarum actio est. 2 vnvm etiam vos oro subtiliter etiam parasitus hic se adiungit suasque partes circa hos agit. 3 vt me in vestrvm gregem iam hos laudat et nimis parasitus est, si recordaris eundem dixit «  facete, lepide, laute, n. nil s. supra 447 ».
1 recte facitis c'est un remerciement. 2 vnvm etiam vos oro subtilement même le parasite se joint à eux et plaide sa cause auprès d'eux. 3 vt me in vestrvm gregem désormais il les loue et se comporte tout à fait en parasite, si on se souvient que c'est le même qui a dit « facete, lepide, laute, nil supra ».

1085
recipiatis: satis diu iam hoc519 saxum uoluo520. Ph.-recipimus.
vous me receviez. Voilà assez longtemps que je roule ce rocher. Ph.-Nous recevons.

1 satis div iam h. hoc s. saxvm v. volvo uide quemadmodum paulatim serpat etiam in horum assentationem ex uituperatione militis. 2 hoc saxvm volvo prouerbium in eos, qui inextricabili labore afflicti sunt. 3 Et bene saxum de stulto milite, et ipsum <se> Sisyphum fecit. 4 hoc saxvm volvo uelut Sisyphus apud inferos.
1 satis div iam hoc saxvm volvo voyez comment peu à peu il met à profit le blâme du soldat pour s'insinuer dans leurs bonnes grâces. 2 hoc saxvm volvo proverbe se rapportant à ceux qui sont affligés d'une peine dont ils ne peuvent se défaire. 3 Et c'est bien de dire un roc pour cet imbécile de soldat, et il se transforme en Sisyphe. 4 hoc saxvm volvo comme Sisyphe aux enfers.

1086
Ch.-ac libenter. Gn.-at ego pro istoc, Phaedria et tu Chaerea,
Ch.-Et de bon cœur. Gn.-Eh bien ! en échange, Phédria, et toi, Chéréa,

1 at ego pro istoc subaudimus et sum hic, aliter non ut parasitus. 2 phaedria et tv chaerea ambos nominat, quasi legibus paciscantur.
1 at ego pro istoc sous-entendons aussi sum hic (je suis ici), autrement ce n'est pas dans le genre d'un parasite. 2 phaedria et tv chaerea il les nomme tous deux comme s'il s'agissait d'une stipulation officielle.

1087
hunc comedendum propino et deridendum. Ch.-placet.
je porte un toast : bouffez-le, grugez-le. Ch.-C'est décidé.

1 hvnc comedendvm cum ceteris rebus summus poeta etiam fidem ostendit amicitiae parasiticae exemplo Gnathonis de milite loquentis hoc modo. 2 propino facete dixit ut parasitus et qui de conuiuio loqueretur.
1 hvnc comedendvm en plus de tout le reste, l'excellent poète nous montre aussi la loyauté d'une amitié de parasite avec l'exemple de Gnathon qui parle en ces termes du soldat. 2 propino avec humour il parle en parasite qui parle d'un banquet.

1088
Ph.-dignus est. Gn.-Thraso, ubi uis accede. Thr.-obsecro te, quid agimus?
Ph.-Il le vaut bien. Gn.-Thrason, quand tu veux, approche. Thr.-S'il te plaît, que faisons-nous ?

1 dignvs est haec uerba ultima longi sermonis eiusmodi sunt, ut haec miles audiens laudatum se esse et approbatum existimet. 2 vbi vis honorifice reuocat ablegatum cum iniuria dicendo ubi uis, quia accede imperatiuum erat. 3 Et ubi nisi quando intellexeris, uitium est.
1 dignvs est ces paroles, les dernières d'un long discours sont telles qu'en les entendant le soldat pense qu'on l'a loué et approuvé. 2 vbi vis c'est en lui faisant honneur qu'il rappelle celui qu'il a écarté de manière insultante en lui disant ubi uis, car accede est un impératif. 3 Et si on ne comprend pas ubi comme équivalent de quando intellexeris, c'est une faute.

1089
Gn.-quid? isti te ignorabant: mores ostendi tuos
Gn.-Ce que nous faisons ! Ces pauvres gens ne te connaissaient pas : j'ai fait valoir ton caractère,

1 isti te ignorabant figura διλογία: ad utrumque enim pertinet, et ad laudem et ad < uituperationem>. 2 mores ostendi t. tvos et hoc ambiguum.
1 isti te ignorabant la figure est un double sens (διλογία) : en effet l'expression vaut à la fois pour l'éloge et le blâme. 2 mores ostendi tvos cela aussi est ambigu.

1090
et conlaudaui secundum facta et uirtutes tuas,
et je t'ai loué selon tes actes et tes mérites,

1 secvndvm facta et v. virtvtes t. tvas i. impetravi et hoc ἀμφίβολον, nam uirtutes εἰρωνικῶς pro uitiis ponuntur, ut «  nescis qui uir siet 448 » et «  ornatus esses ex tuis uirtutibus 449 ». 2 facta et v. virtvtes t. tvas proprie militibus adscribuntur facta. 3 facta et v. virtvtes t. tvas amarior est ironia in uitiosos homines quam ueritas.
1 secvndvm facta et virtvtes tvas impetravi ici aussi il y a amphibologie (ἀμφίβολον), de fait, les vertus sont mises ironiquement (εἰρωνικῶς) à la place des vices, comme « nescis qui uir siet » et « ornatus esses ex tuis uirtutibus ». 2 facta et virtvtes tvas c'est parler au sens propre que d'attribuer des faits d'armes au soldat. 3 facta et virtvtes tvas l'ironie dirigée contre les gens vicieux est plus amère que la vérité.

1091
impetraui. Thr.-bene fecisti: gratiam habeo maximam.
j'ai gagné. Thr.-Tu as fait fort ; un immense merci.

1092
numquam etiam fui usquam quin me omnes amarent plurimum.
Jamais d'ailleurs je n'ai été quelque part sans devenir le chouchou de tout le monde.

1 nvmqvam etiam fvi vsqvam numquam et locum et tempus significat, usquam locum magis. 2 nvmqvam pro non. 3 Et numquam usquam τῷ ἀρχαϊσμῷ pro non usquam, id est nusquam. 4 qvin me omnes amarent contrarium superiori. quid est enim quod bene non fecerit quisquam, si in illo est, ut ametur?
1 nvmqvam etiam fvi vsqvam numquam a un sens à la fois local et temporel, usquam est plutôt local. 2 nvmqvam mis pour non. 3 Et nvmquam vsquam est un archaïsme (τῷ ἀρχαϊσμῷ) pour non usquam, c'est-à-dire nusquam (nulle part). 4 qvin me omnes amaren c'est le contraire de ce qui a été dit plus haut. En effet quelle raison y a t-il pour que quelqu'un ne rende pas service, s'il est dans sa nature d'être aimé ?

1093
Gn.-dixin ego in hoc esse uobis Atticam elegantiam?
Gn.-Ne vous disais-je pas qu'il y a en lui une élégance attique ?

1 atticam e. elegantiam et hoc εἰρωνικῶς, ut illa quae supra. 2 Atticam dicit ueram atque germanam, quia et cultior eloquentia Attica dicitur et summi oratores Attici appellati sunt.
1 atticam elegantiam cela aussi est ironique (εἰρωνικῶς), comme ce qui précède. 2 Atticam : veut dire vraie et authentique, parce que l'éloquence attique est dite la plus raffinée et que les meilleurs orateurs sont appelés attiques.

1094
Ph.-nil praeter promissum est; ite hac. Cantor. uos ualete et plaudite!
Ph.-Rien moins que promis. Passez par ici. Le Chanteur-Vous, portez-vous bien et applaudissez.

1 praeter promissvm et hoc ad utrumque anceps est intellectu gemino. 2 ite hac quo uocat parasitus? ad meretricem an ad cenam militis, ut promisit «  hunc ego c. comedendum et d. deridendum censeo 450 »97? 3 ite hac comessatum ad militem uel Thaidem. 4 Si cenae interfuit meretrix, quo modo acta post sunt omnia, cum mentio noctis non facta sit? omnia post cenam gesta sunt et non completa per rixam cena superfuit plurimum temporis ad agendum.
1 praeter promissvm cette réplique aussi est à double sens et peut-être comprise de deux manières. 2 ite hac là où le parasite les appelle ? Chez la courtisane ou au repas du soldat, comme il l'a promis « hunc ego comedendum et deridendum censeo »309. 3 ite hac manger chez le soldat ou Thaïs. 4 Si la courtisane était présente au dîner, comment tout a-t-il pu se passer ensuite, alors qu'il n'est pas fait mention d'une nuit ? tout s'est passé après le dîner et le dîner a été interrompu par la dispute, laissant ainsi tout le temps nécessaire à l'action.

Notes

1. Pour une raison qui nous échappe, Wessner numérote ce paragraphe "6*", nous éliminons cette curieuse numérotation et décalons donc d'un toute la numérotation de ce premier chapitre de la préface.2. Ici, pour rétablir le parallélisme, Sabbadini ajoutait "tum". Il est inutile.3. Reifferscheid a identifié ici sans doute à juste titre une lacune, car la phrase n'est pas constructible en l'état, à moins de supposer que "Dorias nuntiat" est en facteur commun, ce qui est incompatible avec le résumé des scènes 2 et suivantes. Peut-être est-ce toutefois une bévue du commentateur lui-même, par raccourci. S'il manque quelque chose, c'est sans doute un petit membre de phrase, du type "on voit aussi". Wessner suivait Reifferscheid et indiquait cette petite lacune.4. Le texte est peu sûr et connaît des variantes "existimat pro existimauit", "existimat pro mauit" ; "existimarit" est une proposition de Bentley, qui remplace une conjecture de Muret "existimabit". Le parfait de l'indicatif gêne manifestement les latinistes depuis au moins Donat.5. Wessner considérait qu'il s'agissait ici d'un "est" ajouté, mais il se trouve dans au moins deux manuscrits (DL). Nous le rétablissons, bien qu'il ne soit pas indispensable.6. Ce texte résulte d'une conjecture de Sabbadini, mais elle est évidente, puisque c'est le texte de Térence. Il est tout aussi évident que ce texte était écrit en grec dans l'original puisque les scribes ne l'ont pas recopié.7. Ce texte demeure étrange, même si nous n'acceptons pas la conjecture de Rabbow solécisante τὸ αὐτόν retenue par Wessner. Peut-être faut-il supposer qu'un copiste helléniste très ancien a fait du zèle et lisant "τὸ idem" a cru bon de tout écrire en grec. Dans ce cas il s'agit d'indiquer avec quelle acrimonie il faut prononcer "idem".8. La présence d'un lemme est incompréhensible à cet endroit, dans la mesure où le commentaire qui s'y rattache ne trouve aucun appui dans le vers en question. Une hypothèse pourrait être qu'une scholie au vers 23 a été déplacée ici sans toutefois que le lemme soit répété. C'est ce que nous faisons en déplaçant la scholie en 23, 1 et en décalant. Un copiste aurait alors fabriqué un lemme correspondant à la place de la scholie créant ainsi une forme apparemment normale. A l'appui de cette hypothèse, on observera l'absence de lemme dans le manuscrit B.9. Sur ce texte importé de 19, voir la note ad loc.10. Ce mot, bien qu'omis par les manuscrits, est une addition indispensable que Wessner reprend à Lindenbrog. En effet le commentaire porte bien sur l'opposition "uerba / res".11. Certains manuscrits ajoutent ici "in", mais cette préposition n'est pas utile.12. Après ce mot, Wessner ajoutait "aduertite ut", sans doute gêné par le caractère très abrupt de la formulation. Cependant cet ajout est loin de se justifier.13. Donat coupe deux mots dans cet extrait : "et suauia in praesentia quae essent prima habere".14. Wessner édite "duas", texte de la plupart des manuscrits, mais se trouve obligé de le faire précéder d'un "<nota>", conjecture de Sabbadini. En réalité, la solution proposée par V que nous retenons est la meilleure d'autant qu'il est fort probable que le texte originel ait été "ii praepositiones".15. Ce mot est un ajout de Sabbadini, mais il s'impose, d'autant qu'une haplographie de "nec necesse" est extrêmement plausible.16. Le commentaire de ce vers aide à restituer la répétition du vocatif "mi", qu'une haplographie avait fait sauter dans tous les mss. conservés de Térence, laissant au demeurant un vers bancal.17. Cet élément inséré par la seconde main n'a aucun rapport direct avec le sujet du lemme. L'erreur est venue de l'expression de l'origine marquée par "unde" et qui a fait croire au second annotateur que l'enjeu du lemme était l'expression de l'origine. Nous supprimons donc cette scholie.18. On soulignera là l'incohérence de Donat qui cite le texte de Térence avec "tum" et propose un commentaire où il met l'accent sur le bon usage de "tunc".19. "Magnum" est un adverbe dans l'esprit de Donat, l'exemple virgilien supposant "magnum sonare".20. Le texte cité ne correspond pas toujours au texte de Térence tel qu'édité, ni au texte que Donat commente ad loc. Ainsi pour la dernière citation, très allusive, et dont l'ordre des mots est peu scrupuleux.21. Dans certaines éditions, "id" termine le vers 149 (…"beneficio meo. Id,/ Amabo," …); dans d'autres, il commence le vers 150 (…"beneficio meo./ Id, amabo,"…). C'est indifférent métriquement. D'autres exemples de ce genre, avec en fin de vers un monosyllabe à initiale vocalique entraînant l'élision du mot précédent, procédé que Marouzeau (Introduction, p. 58) juge être "un trait propre à Térence, et qui est comme sa signature", invitent peut-être, comme le fait Marouzeau, à rapporter le pronom neutre à la fin du vers précédent.22. Donat lit donc sans doute un texte "nihil mi<hi> respondes", attesté dans certains mss., mais qui semble amétrique.23. Wessner considère ce lemme comme impossible à maintenir ici en précisant que le contenu de la scholie paraît se rapporter au lemme suivant. Ce rapport n'est pas évident et le commentateur peut très bien avoir installé cette scholie à la suite de ce lemme qui introduit parfaitement la réflexion sur les cadeaux et leurs motivations.24. En réalité les deux premiers mots de ce lemme appartiennent au vers 200. D'ordinaire, quand un lemme court sur deux vers différents, Wessner le rattache au premier des deux. Il pourrait donc être numéroté 200, 3. Mais la partie commentée du lemme, à savoir le pronom "quemquam", figure bien dans le vers 201. On pourrait donc raccourcir le lemme en "esse quemquam cariorem" pour le mettre en conformité avec les usages de l'édition de référence, ici en auto-contradiction.25. Il y a de toute évidence ici une incertitude sur le texte de la comédie, les trois lemmes a priori identiques donnant en réalité deux textes différents. Nous éditons tel quel et conservons dans la comédie le texte donné par le premier lemme de Donat.26. La forme aspirée implique une surprise douloureuse, tandis que la forme sans aspiration ne marque que ce qu'implique le français "tiens donc !". On comprend alors la répartition des répliques, si l'on se souvient que l'indication du personnage qui parle fait défaut dans les copies antiques.27. Dans l'édition Wessner, le lemme "incurvus etc." porte un commentaire correspondant à un lemme "continuo accurit" (vers précédent) qui n'existe pas. Nous rétablissons l'ordre logique des scholies et le lemme manquant. De ce fait, le premier lemme du vers 336 ne correspond plus à rien, nous le supprimons.28. On note l'incohérence de Donat sur ce passage qui, lorsqu'il cite les vers 298-299 au lemme 348, ne donne pas le texte exact qu'il a précédemment commenté. En effet, il commente au vers 298-299: "O infortunatum senem ! Hic uero est qui si occeperit" ; mais lorsqu'il redonne ces vers dans son commentaire du vers 348 il écrit : "o infortunatum senem, si et hic amare coeperit".29. De façon inexplicable, l'ordre des lemmes dans Wessner est absurde, les lemmes 366 et 367 se trouvent après 370, 1 ; nous rétablissons l'ordre logique.30. L'édition Wessner porte par mégarde "pati" au lieu de "patri", ce que contredit le commentaire de Donat. Nous corrigeons.31. Wessner suppose ici un locus desperatus en considérant que le lemme porte plutôt sur le vers 410, mais la citation de Virgile indique bien que le commentaire porte sur un emploi assez particulier de "solus" dans ce contexte. Nous rétablissons donc ce lemme comme se rapportant directement au vers 407.32. Wessner suppose un locus desperatus: "uel quod illum sic †fugiant omnes constituat, ut hunc libido effeminata", qui n'a aucun sens. Le texte que nous proposons est paléographiquement explicable surtout si l'on considère que la mélecture d'une abréviation a pu entraîner l'impossible "consectant", transformé ensuite en "constituat". De même "fugientem nos" a pu être mécoupé et entraîner "fugient emnos" puis "fugiant omnes". Un passage de Porphyrion (Sat. 1, 2, 105-106) reprend très clairement la métaphore de la chasse au lièvre en contexte érotique et culinaire. On y retrouve "sectantur", "appositus" et l'opposition entre le lièvre vivant et le lièvre servi à table : "Leporem venator vt alta in nive sectetvr, positvm sic t<ang>ere nolit. Quem ad modum uenator fugientem leporem capere, appositum autem in cena non uult tangere, <h>ac specie matronam adpeti ait, quia non sit licitus ac facilis eius complexus, meretrices autem fastidiri, quia copia earum sit in promptu" (Leporem venator vt alta in nive sectetvr, positvm sic t<ang>ere nolit. De même que le chasseur veut prendre le lièvre qui s'enfuit, mais ne veux pas y toucher quand on le lui sert à table, il dit sous cette forme qu'il désire une matrone parce que son étreinte n'est ni permise ni facile, mais qu'il n'a que dégoût pour les courtisanes parce qu'il est à la portée de tout le monde de les avoir"). Pour le sujet abstrait de "consector", le phénomène se rencontre chez Plaute (Trinummus 238 a: "amor consectatur" ; Bacchides 1093: "omnia mala consectantur") et par exemple chez Sénèque (Dial, 11, 9, 4, 6): "inuidia consectatur".33. Le texte Wessner porte ici "tam festiue ui", issu d'un choix entre des variantes manuscrites toutes incompréhensibles, d'autant que "ui" apparaît comme un lemme, ce qu'il ne peut pas être. Une correction minime de "festiue" en "festiua" aboutit à donner un sens très satisfaisant.34. par pro pari edd.35. Wessner considère que ces mots ne peuvent faire partie du lemme, puisqu'ils viennent d'être rapportés à un autre passage. Mais le double rapport n'est pas impossible, étant donné que le point de vue des deux lemmes est assez différent. Dans le premier c'est le caractère de casse-pieds du soldat qui se vante sans cesse qui est visé, dans le second c'est le respect par Phédria de l'intimité et de la liberté de Thaïs.36. Wessner considère que ce lemme se rapporte à ne noram quidem de la fin du vers mais rien ne le prouve. On peut considérer qu'il s'agit d'un commentaire touchant l'ensemble du vers dont Donat ne cite que le début. Nous supprimons donc les cruces de l'éditeur précédent.37. On a "scitatum" chez Mynors et autres éditeurs modernes. Servius donne "scitantem" en précisant "alii scitatum legunt id est inquisitum" (d'autres lisent "scitatum", c'est-à-dire "recherché").38. Ce qui est curieux c'est que ce texte renvoie à l'idée du vers 554 mais nullement à son texte. Donat croit-il faire une citation de mémoire?39. Wessner considère ici qu'il y a un locus desperatus, mais le sens est absolument clair. Il s 'agit de caractériser le ton du personnage.40. Le texte généralement reçu porte ici "prius hic adero".41. Le texte de Plaute est ici très différent: nam uti navi vecta es, credo timida es.42. Wessner édite "temulentam", malgré un certain accord des mss. pour un énoncé de type plus général, qui ne fait ici aucun doute. Il s'agit bien d'une maxime, nous rétablissons donc le texte de V "temulentum".43. Wessner édite suivant l'accord unanime de ses mss. "uirginem uitiatam". Mais ce texte est difficilement compréhensible. Pythias sait déjà de façon certaine que le faux eunuque est un violeur, mais elle se demande à présent s'il n'est pas aussi un voleur. Le sens est donc "puisqu'il a été capable de violer Pamphila, il y a de fort risques qu'il ait en plus volé quelque chose avant de s'enfuir".44. Texte extrêmement délicat. Les mss. portent nisi au lieu de si (conjecture Wessner), et le dernier mot de cette phrase uitares est sujet à caution, un témoin donnant tuta res qui est peut-être une correction humaniste rendue nécessaire par le nisi qui n'a guère de sens. Le sens de la controverse est cependant assez clair: même si Pythias savait que les eunuques étaient impuissants, comme elle savait aussi qu'ils étaient grands amateurs de femmes, elle devait veiller à ce que l'eunuque ne se trouve jamais seul avec Pamphila. En effet, il pouvait, comme l'explique la suite du lemme, sans vraiment la violer, la déshonorer par des attouchements et des baisers. On peut donc conserver le texte édité par Wessner qui est le seul à expliquer le igitur de la seconde phrase.45. La citation de Donat est incomplète. Cicéron écrit: "in mentem tibi non uenit quid negoti sit causam publicam sustinere" (tu n'as pas réfléchi à ce qu'impliquait la défense d'une cause publique).46. Omis par la plupart des MSS utilisés par Wessner, ce commentaire a toutes les chances d'être une addition. Nous le conservons cependant, en raison de son intérêt étymologique dans le jeu sur le double sens de forma, aspect physique et beauté.47. La plupart des éditeurs de Plaute donnent ici "interpellatio".48. Le texte semble douteux à cet endroit. Nous proposons de lire iam domi scilicet Thaidis à la place de qui non est, scilicet Thaidi en nous fondant sur la correction de V qui paraît marquer une lacune dans le texte des autres mss.49. Pour comprendre le lemme nous avons rétabli la leçon ipse qui est celle donnée par les mss. La correction ipsi de Wessner ici n'a aucun sens.50. Ce fragment n'est connu que par ce passage de Donat, mais les deux premiers mots n'ont aucun sens. Le texte est donc régulièrement corrigé par exemple en at <Hym>nidis acri ex facie florem delegeris. Peut-être faut-il voir dans le premier mot un nom de plante à fleur, par exemple at thymnidis; dans le doute, nous laissons le fragment dans l'état où il se trouve dans les mss. utilisés par Wessner.51. Les Gaulois et les Galates passent pour avoir un teint particulièrement pâle, ce topos est induit par l'étymologie populaire par gala le nom du lait en grec.52. Citation de mémoire visiblement, car Cicéron écrit: contra firmam argumentationem aeque firma aut firmior ponitur.53. Il semble qu'il y ait ici un flottement dans la tradition manuscrite sur le nom de l'eunuque.54. Peut-être lire pro55. On édite généralement nescis id quod scis, Dromo, si sapies.56. Pour la citation du Jugurtha de Salluste, les éditeurs modernes donnent le texte suivant: "arma uiros pecuniam, postremo quicquid animo lubet, sume utere, et, quoad uiues, numquam tibi redditam gratiam putaueris : semper apud me integra erit".57. La citation est incomplète. Les éditeurs modernes donnent "apage te amor" pour le vers 257 du Trinummus mais aussi au vers 267.58. Citation approximative d'Eun. 784 ; Donat remplace dans ce lemme "nimirum" par "sane nimis" alors qu'au lemme précédent il a parfaitement donné le texte que nous ont transmis les éditeurs.59. Wessner édite erant qui dicerent si vellet militi reconciliari. Mais les mss. T, C et V donnent se conciliari et T donne dicent et vellem. On peut supposer que le texte est errant qui dicant velle militi se conciliari.60. On peut supposer que le vers qui ici disparu était Iliade 13, 623 (ἣν ἐμὲ λωβήσασθε κακαὶ κύνες)61. Les éditeurs ne prennent pas en compte "tamen".62. Le texte généralement adopté pour ce vers de L'Héautontimorouménos est "obticuisti".63. Wessner indique ici un locus desperatus au motif que le lemme ne s'applique pas au commentaire qui suit. Tout au contraire, pensons-nous, l'expression non libenter dicat eius nomen indique de façon certaine que c'est bien ce passage qui est commenté par Donat.64. Seul emploi chez Térence au féminin ; chez Plaute, "uenefica" s'applique à une servante en Truc. 762, Most. 218, Aul. 86 ("triuenefica"). Pour une autre jeune femme en Epid. 221. Pour "excetra", Cas. 644, Pseud. 218. "Vipera" n'est pas attesté chez Plaute ni chez Térence. On le trouve chez Afranius frg. tog. 282. "Sacrilega" n'apparaît pas dans ce que nous possédons de la comédie romaine. D'ailleurs tous ces mots sont d'emploi relativement rare, plus rare en tout cas que la note de Donat ne le laisse croire.65. Sur ce proverbe, voir Pseud. 140(Otto, p. 198) où c'est un véritable proverbe détaché de tout contexte dramatique. Il faut sans doute ici mettre ce proverbe en rapport avec la mention de lupa (825, 2), qui désigne la courtisane, alors qu'ici le mot désigne l'amant. Victime et bourreau sont donc inversés par rapport à la disposition attendue.66. A mettre peut-être en rapport avec "dispudet", étrangement non commenté par Donat, au vers 832. Voir aussi "impudens" en même place dans le vers en 856.67. Tournure étrange et mal attestée sous la forme que lui donne Donat. En revanche la construction de miser avec le gérondif est fréquente chez Plaute (Pers. 5 où c'est curieusement un esclave qui parle, Truc. 916, Capt. 502)68. Wessner édite "noxam", au lieu de "noxiam". Mais cette variante n'est pas autrement attestée. Nous maintenons le texte ordinairement reçu en considérant qu'il peut s'agir ici d'une simple erreur typographique. En effet l'emploi de l'Héautontimoroumenos est parfaitement conforme au sens attendu de "noxia".69. Comme par exemple en Pseud. 513, dans un emploi ironique, puisque Pseudolus est certain d'échapper à la punition.70. Le texte Wessner porte ici un locus desperatus, ainsi édité: illa quasi cheree dixerat adhinc irrisor ut fugitiuus. Le fait que adhinc n'existe pas fait porter sur ce mot une forte suspicion qui invite à lire (ce qui est paléographiquement facile) abhinc. A ce moment, le sens du lemme s'éclaire moyennant un déplacement minime. En disant unam hanc noxiam amitte, compte tenu de l'énormité de la faute, il se moquait évidemment de Thaïs; en disant maintenant "si tu m'y reprends, exerce ton droit de maîtresse et tue-moi", il se met dans la posture d'un esclave fugitif. Le commentaire du vers 855 rend cette interprétation presque certaine.71. Wessner tient fugeres pour un locus desperatus, mais le manuscrit V porte de toute évidence dans l'interligne le bon texte: deest ut. Nous rétablissons ce texte et éliminons la crux.72. Le mot peut renvoyer à un signe de jeunesse (Tib. 3, 4, 27; Ov. Met. 1, 564). Il se peut aussi que le mot renvoie à la condition d'eunuque, mais c'est moins probable en raison de "more ueterum".73. Il faut comprendre "eius puellae quam".74. Wessner suggère ici un locus desperatus, mais il s'agit tout simplement d'une citation non identifiable. Nous la conservons telle quelle sans nom d'auteur ni référence, mais la joignons aux citations repérables dans le texte.75. Wessner retranscrit ici autay mélecture évidente de l'interjection grecque à laquelle pensait le commentateur. Qu'il puisse avec quelque vraisemblance s'agir de l'interjection αἰαῖ, apparaît d'une scholie à Théocrite 2, 55 : αἰαῖ ἔρως: δακνομένη ὑπὸ τοῦ ἔρωτος ἀπέστρεψε τὸν λόγον πρὸς αὐτόν.76. Wessner considère comme locus desperatus le texte (incohérent) donné par les manuscrits et édite quid nam minis reuerentem ac uirginalis uerecundiae. Le texte proposé, qui fait sens avec ce qui l'entoure est purement conjectural.77. Le texte donné par les éditeurs de Plaute est ei pro scorto supponetur hircus unctus nautea.78. "Magis" est le texte transmis par Donat, les éditeurs modernes préfèrent ici "mage".79. immundae est une restitution facile sur le texte donné comme locus desperatus par Wessner inmotae.80. Wessner indique ici un locus desperatus et édite Sallustius fuit qui n'a aucun sens puisque le verbe inquit est exprimé en fin de lemme. En revanche, une correction minime de fuit en qui rend le texte immédiatement compréhensible.81. Ici, sans doute parce que Pythias aperçoit Parménon et s'adresse à lui, une division de scène a été placée dans certains mss. Elle peut remonter à Donat. Evanthius évoque ce problème dans le De Fab.82. La seconde scitation virgilienne n'est pas tout à fait exacte (on attend "cantu uocat" et non "uocabat") mais elle est iretouchée pour une meilleure insertion dans le texte.83. Les éditeurs de Térence lisent "uirginem quam amabat". Et au vers 927, le lemme donne bien l'ordre térentien "uirginem quam amabat" : la citation est donc un à-peu-près.84. Le texte Wessner indique un locus desperatus ainsi édité: "qui et simul ut possit dicere". Ce texte n'a effectivement aucun sens. Nous proposons la correction indiquée qui convient assez bien au contexte.85. Cette phrase semble très elliptique. Il faut sans doute comprendre non statim persuaserit..86. Le texte de Plaute tel qu'édité par les modernes est très différent; on lit: "paenitetne te quot ancillas alam".87. Wessner met ce "non" entre cruces, mais il n'y a aucune raison de le faire, si on suppose, comme nous le faisons que le "ac" est en réalité un "at". La coordination "non... at" a pu troubler un scribe qui attendait "non... sed".88. La correction de Westerhuis "tuum" adoptée par Wessner n'a pas vraiment de sens. Au contraire "tum nimium" se comprend parfaitement. Pythias a dit "nimium", Parménon lui répond "pour sûr si tu as ce que tu veux, alors tu pourras dire 'nimium'". Cela suppose par parenthèse que "quidem" n'est pas à rattacher à "si", mais est le premier élément d'une structure hypothétique à laquelle répond "tum".89. La construction est difficile à comprendre. Finalement, le mss. C a peut-être raison d'omettre quis, ce qui donne au moins un sens à la phrase. On peut aussi comprendre non quis dici en faisait dériver quis de queo et non de quis. Pour le fond, le commentaire est clair: perpetuo periisse est une absurdité qui demande une explication par une quelconque figure.90. Donat comprend donc, ce qu n'est pas évident, que sine dubio porte sur periisse et non sur opinor.91. On notera que Donat, suivant ainsi une partie des manuscrits, ne considère pas cela comme un changement de scène. Toutefois, à la différence des scribes, il ne paraît pas considérer que Phédria est présent sans rien dire dans un coin pendant la scène précédente.92. Le texte donné par Wessner comme locus desperatus est cum enigerit, qui n'a effectivement aucun sens. Le texte que nous proposons avec la construction de commiseresco impersonnelle et suivie du génitif a pour lui l'appui d'un passage de Térence lui-même, Héc. 129: ibi demum ita aegre tulit ut ipsam Bacchidem, / si adesset, credo ibi eius commiseresceret.93. Le texte Wessner indique un locus desperatus parce que le lien entre la première main et la seconde n'est pas à première vue évident. Par proverbe, Donat paraît entendre une expression figée qui n'est pas susceptible de se rencontrer usuellement à une autre forme que celle qu'il donne. or les deux premières expressions de l'annotateur ne sont pas de ce type, mais il est très vraisemblable que l'annotateur se trompe sur la nature exacte du commentaire fait par Donat, et de ce qu'il vise exactement.94. Nous lisons offenditur comme un impersonnel.95. Les éditeurs modernes écrivent "in his regionibus meliorem agrum".96. L'édition Wessner indique ce lemme entre cruces, on voit mal pourquoi. En effet, le commentaire s'applique parfaitement: il n'est personne de plus utile que lui.97. La citation est très approximative: le texte est "hunc comedendum uobis propino et deridendum".98. Cette notation renvoie à Evanthius Com. VI, 4 pour la typologie des titres "ex nomine", "ex loco", "ex facto", "ex euentu" ; chez Evanthius, le parangon de titre "ex facto" est, à côté de L'Asinaria et des Captivi de Plaute, précisément L'Eunuque de Térence.99. Voir Evanthius Fab. IV, 4.100. Voir Evanthius Fab. V, 5 et Com. VII, 4.101. Allusion à un passage célèbre de L'Art poétique d'Horace (359-360) : "et idem indignor quandoque bonus dormitat Homerus; uerum operi longo fas est obrepere somnum" (Et moi aussi je m'indigne chaque fois que s'endort le bon Homère ; vraiment il est permis pour un œuvre longue que le sommeil s'y glisse).102. Le lever de rideau ("aulaeum tollere") marque, chez les Latins, la fin de la pièce, puisque la scène est au début cachée par un rideau que l'on abaisse pour laisser voir le décor et qui est relevé à la fin.103. Cette mention paraît impliquer que, par la suite, les acteurs ont joué la comédie sans masque, ce que confirme le commentateur lui-même en faisant de multiples remarques sur leurs expressions de visage. On discute pour savoir si Donat a pu voir sur scène tout ou partie des pièces de Térence, par exemple dans des représentations privées. Cette hypothèse n'est sans doute pas invraisemblable.104. Cet acteur est, selon Evanthius (Com. VI, 3), le premier acteur masqué de tragédie. Apparemment, il était aussi acteur comique.105. On peut également se demander si Donat ne veut pas dire que certains vers de la pièce sont passés en proverbes.106. Il est à peu près admis que L'Eunuque est la deuxième, non la troisième, des pièces de Térence et se place après L'Andrienne ; elle a été donnée en 166 pour la première fois, puis à nouveau, comme inédite, en 161, et peut-être même une autre fois. C'est pourquoi les didascalies des mss. de Térence donnent des renseignements qui ne se recoupent pas toujours entre eux, ni avec ceux que donne Donat, sur le nom des consuls, des édiles ou des directeurs de troupe ; dans plus d'un cas sont cités des édiles d'une année et des consuls d'une autre, voire trois consuls ! Le troisième rang accordé ici par Donat à la pièce peut correspondre à la seconde représentation (donnée après L'Andrienne et après la première de L'Héautontimorouménos) ou à l'ordre de la parution écrite, qu'on doit donc supposer différée par rapport à la première représentation. Mais rien n'empêche de penser que Donat se réfère à un ordre alphabétique (selon les crières antiques) et non chronologique, qui donne de fait à la pièce le troisième rang : Andria Adelphoe Eunuchus Formio Hecyra Heautontimorumenus.107. Evanthius (Com. VIII, 1) rappelle qu'on peut soit donner le nom de la pièce avant celui de l'auteur soit le nom de l'auteur avant celui de la pièce ; dans ce dernier cas, c'est un signe de notoriété.108. Le texte consensuel de Térence est "si quisquam est qui placere se studeat bonis" ; le texte de Donat est, malgré son caractère amétrique, garanti aussi par certains mss. de Térence.109. La variété comme liée à l'abondance se trouve en Cic. De Orat. 3, 60, 4 et 3, 121, 10. En De Orat. 1, 50, 7, l'articulation des deux éléments apparaît clairement : la variété est source de "copia" et son absence "d'exilitas" : "Quid ergo interest aut qui discernes eorum, quos nominavi, in dicendo ubertatem et copiam ab eorum exilitate, qui hac dicendi varietate et elegantia non utuntur (quelle différence existe donc, ou comment fait-on la départ entre la richesse et l'abondance oratoire de ceux que j'ai nommés, et la sécheresse des autres) ?110. variante dans le texte reçu de Térence : in me au lieu de in quem et in stulto au lieu de in stultum.111. Dans ce lemme, Donat inverse les natures de dictum par rapport au lemme précédent. Mais il parle sans doute en réalité ici de la citation qu'il fait par comparaison de l'Heaut. Au vers 877 on a en effet dicta qui, vu la structure de la phrase, ne peut être qu'un substantif (mais il y a des variantes manuscrites dictae qui en font un participe), et au vers 881 un emploi participial (nisi idem dictumst centies).112. Il faut comprendre cette indication sur le sens de l'adverbe en l'associant au sens du verbe "uertere" qui est donné dans les deux lemmes suivants. Donat interprète "bene uertendo" de deux façons possibles : ou bien cela signifie "en traduisant bien", comme dans le lemme 2, illustré par un extrait de Plaute, et "bene" a alors son sens habituel, ou cela signifie "en bouleversant vigoureusement <le texte originel>", conformément au sens de "uertere" illustré dans le lemme 3, et dans ce cas "bene" a le sens de "ualde".113. Sur ce passage peu sûr, voir la note apposée au texte latin.114. La pièce ici résumée ne peut être celle qui a servi de modèle à la Mostellaria de Plaute. Le modèle de Plaute est sans doute le Phasma (de Philémon ?). Sur le Phasma de Térence, on a, outre ce résumé assez précis de Donat, une représentation iconographique avérée et nominative avec une mosaïque de la maison du Ménandre à Mitylène, visible dans Kahill et Ginouvès (xxxxx) et qui représente une scène de l'Acte II, sans doute la scène du coup de foudre du jeune homme. Sur cette question, voir Cusset (à p.). Peut-être également (mais implicitement cette fois) sur une mosaïque de la basilique gallo-romaine de Grand (Vosges). Quant à l'auteur du Trésor qui n'est pas nommé, il y a lieu de croire qu'il s'agit aussi de Ménandre, qui peut rester implicite puisqu'il vient d'être cité nommément ; mais il existe un autre modèle de même titre, de Philémon, et qui a été démarqué par Plaute dans le Trinummus.115. On peut ainsi restituer le raisonnement de Donat : ou bien Térence critique Le Fantôme dans son intégralité, sans détailler son blâme, et Le Trésor pour seulement une scène défectueuse ; ou bien il ne critique pas du tout Le Fantôme mais s'en sert seulement pour que son auteur soit reconnu (cf. le lemme 4 ci-dessus). Tout le monde avait déjà dû oublier le calamiteux Trésor de Luscius, déjà ancien, mais chacun se souvenait du récent (et plutôt réussi) Fantôme du même Luscius. La mention du Fantôme n'est alors qu'une manière indirecte de désigner son auteur sans le nommer : rappelons qu'on ne pouvait pas faire de blâme nominatif.116. Et non pas "thensaurus", forme fréquente, mais erronée.117. Il s'agit très probablement d'un banquet funéraire.118. Sur cette expression voir par exemple Liv. 26, 22, 8 et Tac. Ann. 4, 29, 4.119. Le reproche que fait Térence à Luscius est de mauvaise foi. D'abord le poète latin a certainement suivi Ménandre, son modèle ; en outre, l'ordre des discours est le bon, en termes dramaturgiques. Car si on fait parler le jeune homme en premier, selon la procédure, étant donné que le droit est de son côté, il n'y a plus rien à dire et l'affaire est tranchée : inutile de laisser plaider l'avare. Si, en revanche, contre la procédure romaine, on fait parler l'avare en premier, il va réussir à se donner raison dans un premier temps, l'action va se nouer et sembler désavantager le jeune homme pour qui le public a pris fait et cause ; seul son discours et (sans doute) la production de la lettre de son père défunt vont retourner à son profit une situation que l'inversion de l'ordre des discours rendait défavorable : et voilà la catastrophe, c'est-à-dire le retournement qui fonde le dénouement. L'économie de la pièce est indéniablement meilleure ainsi, même si elle contrevient à la procédure. Comme les Romains sont formalistes, Térence espérait sans doute convaincre son public.120. "Quam ille" est amétrique ; les mss. de Térence portent la forme de démonstratif "illic".121. Ce passage fait probablement référence aux catégories d'Hermogène. Dans les Catégories stylistiques, Hermogène définit en effet sept types principaux d'"idées" (ideai) : clarté, grandeur, beauté, vivacité, caractère (naïveté, saveur, piquant, modération ("epieikeia")), sincérité, virtuosité : sur la modération voir 2, 6.122. Ce qui est en cause, c'est la construction de "condonare" avec un objet de personne : "condono te", donc au passif "condonaris", et un accusatif de chose, qui reste à l'accusatif après passivation. Cette tournure avec double accusatif est archaïque. Cicéron écrirait "condono aliquid tibi".123. La remarque phonétique est curieuse : le "e" de la désinence "-erunt" est naturellement bref ; il arrive que par licence métrique il soit allongé, mais qu'il soit scandé bref n'a rien d'anormal ni de remarquable.124. Donat semble comprendre furem comme une sorte de vocatif « il crie 'au voleur !'.. » malgré la difficulté syntaxique que cela entraîne avec la suite.125. Le sens de ce vers de L'Héautontimorouménos est en général considéré comme obscur. Le commentaire de Donat semble indiquer que "rem uidere" est une sorte d'antonyme de "uerba dare".126. Dans l'exemple de Virgile, "Centaurus" est du féminin car c'est le nom d'un bateau ; chez Donat, "Eunuchus" est féminin quand c'est le nom de la pièce : dans les deux cas, la langue semble sous-entendre un terme générique féminin, respectivement "nauis" et "fabula".127. Donat veut dire que la forme "odere" n'est interprétable que comme un parfait de l'indicatif, dernière personne, jamais comme un infinitif.128. Ordre des mots différent selon les mss de Térence : …"dictum sit". Cela est métriquement indifférent.129. Est en cause ici l'emploi de pronoms au datif éthique à côté du verbe "uelle" ; c'est ce particularisme que Donat appelle atticisme.130. texte reçu, Ernout : sin aliter sient animati…131. Marouzeau, dans son édition de la pièce, signale en note une "inconséquence dans le raisonnement". De fait, "utrum… an…" annonce théoriquement un dilemme, mais, là, les deux parties de l'interrogation vont dans le même sens : ne pas se rendre chez Thaïs, qui l'a congédié, et éviter ses avanies de courtisane, c'est le même parti-pris. Marouzeau se demande alors s'il ne faut pas traduire "an" par "et". Donat est gêné aussi par l'incohérence apparente, sur laquelle il revient dans le lemme 492 : l'hésitation n'est pas entre "y aller" ou "ne pas y aller", mais entre "y aller quand on y est invité" ou "y aller même si on n'est pas invité" ; d'où l'importance de la ponctuation, évoquée au lemme 467.132. Au commentaire ad loc. de L'Andrienne, Donat établissait le même parallèle avec ce passage de L'Eunuque, ce qui semble de bonne méthode.133. ici on est proche de la communicatio.134. Donat coupe deux mots dans cet extrait : et suauia in praesentia quae essent prima habere.135. Etymologie farfelue mais assez classique. Festus (168, 3 Lindsay) fait le même rapprochement pour l'adjectif "(g)nauus" : "nauus", "celer ac strenuus", "a nauium celeritate uidetur dictus".136. Le terme de "praepositio" recouvre chez les grammairiens aussi bien les prépositions au sens moderne du terme que les préfixes. La remarque signale que la construction de "insunt" (usuellement avec le datif) est ici, avec "in" + abl., légèrement pléonastique.137. Isidore de Séville (Et. 18, 1, 11) propose la seconde étymologie: "dictae indutiae quasi in dies otia".138. Sur cet aspect particulier de l'"auxèsis", voir De Orat. 3, 104: "Summa autem laus eloquentiae est amplificare rem ornando, quod valet non solum ad augendum aliquid et tollendum altius dicendo, sed etiam ad extenuandum atque abiciendum" (le comble et la perfection de l'éloquence, c'est d'employer à propos les richesses de l'amplification oratoire; ce qui consiste à agrandir et à relever les objets, comme à les atténuer et à les rabaisser).139. Le texte de Plaute dit "quae mi interbibere sola si uino scatat…". Donat a déjà cité ce texte à propos d'un vers de L'Andrienne, 496 : dans les deux cas, il s'agit pour lui d'insister sur la valeur intensive du préfixe "inter-". D'où l'équivalence proposée "inter-cipit" = "totum capit".140. L'autel fumant (cf. Evanthius 1, 2 incensis iam altaribus) d'Apollon Agyée était présent sur la scène (cf.Evanthius VIII 3) ; comme on voit, on pouvait en faire un élément du décor scénique. La mention à Apollon Agyée s'explique par ce que dit Donat, commentant le vers de Térence ci-dessus dans son commentaire à L'Andrienne (726, 1-3) : il y avait deux autels, celui de Liber (Dionysos) et celui du dieu honoré dans les jeux en cours, selon le rappel d'Evanthius. Mais n'en concluons pas que L'Eunuque a été donné dans des jeux en l'honneur d'Apollon (ce qui contredirait l'indication des didascalies) : en fait, l'autel à Liber est de règle dans la tragédie, mais c'est Apollon le dieu référent de la comédie. Dans L'Eunuque comme dans L'Andrienne, l'autel de gauche doit être celui d'Apollon (Agyée) et l'autre autel celui des grands dieux en l'honneur de qui sont célébrés les Jeux Mégalésiens (cf. Evanthius VIII 2). La remarque de Donat, dans le passage commenté, est de type interprétatif : le feu dont il s'agit n'est pas une référence métathéâtrale à l'autel d'Apollon, comme dans le vers 726 de L'Andrienne, mais une métaphore amoureuse classique.141. Donat, à propos d'Andr. 55, commente longuement l'expression plerique omnes, se demandant si elle est pléonastique ou non. A cette occasion, il cite le plus satis ici commenté et, en bonne méthode, on voit que les deux citations s'appellent l'une l'autre.142. On ne trouve pas de théorisation de la notion de satisfactio (réparation) dans les traités rhétoriques cicéroniens. En revanche, le terme est présent en ce sens dans les lettres. Ex : Hic tu me etiam insimulas nec satisfactionem meam accipis (Fam., 7, 13, 1). Ne aliquid satisfactio levitatis habere videatur (Att., 4, 6, 3). Quint. 11, 1, 76 fait de la satisfactio le moyen le plus sûr de détourner les juges de la colère : Tutissimum ergo paenitentiae confessio et satisfactio culpae, perducendusque omni modo iudex ad irae pudorem. Dans Decl. Min. 301, 3, 7, le rhéteur souligne le lien entre défense, innocence et réparation : Tota itaque haec quae pro innocentia mea adhibebitur non tam defensio erit quam satisfactio. " Dans la latinité classique satisfactio désigne une justification, une excuse, une disculpation (César BG 1, 41, 4 et 6, 9, 8 ; Cicéron Fam. 7, 13, 1) ; l'emploi du terme n'implique pas qu'on reconnaisse des torts ni même qu'on se sente coupable (Sall. Cat. 35, 2). Au début de l'époque impériale en revanche le substantif peut déjà s'appliquer à la satisfaction, à la réparation d'une injustice (Tacite Germ. 21, 1) » (C. Moussy, introduction à la Satisfactio de Dracontius dans Dracontius œuvres, tome 2, CUF, p.146). Pour la coloration juridique du mot, voir Ulpien (Dig. 46, 3, 52 : satisfactio pro solutione est).143. Cicéron définit l'adjectif callidus ainsi dans le De natura deorum, 3, 10, 25 : […] callidos [appello] quorum, tamquam manus opere, sic animus usu concalluit (j'appelle callidos (calleux, exercés, habiles) ceux dont l'esprit s'est durci par l'expérience comme la main par le travail).144. Il s'agit de la seconde dissimulation (alia dissimulatio) de Thaïs, après celle évoquée en 88 1 (callide dissimulata iniuria).145. On a ici l'opposition rhétorique traditionnelle des idées et des mots, sententiae et uerba. Sententiae ne désigne donc vraisemblablement pas les « phrases ». A propos du langage de Thaïs comme miroir de la vie quotidienne (consuetudine, ex communi sermone), voir la définition qu'Evanthius donne de la comédie : esse comoediam cotidianae uitae speculum […]. Lectione comoediae imitationem uitae consuetudinisque non aegerrime animaduertimus.146. Donat parle du vocatif "mi" implicitement.147. L'idée contenue dans le terme deriuatio est celle d'un écart par rapport à une idée initiale. Ainsi, la figure de rhétorique dite deriuatio désigne la substitution à une expression initiale d'une expression plus douce, lorsque, par exemple, on dit « économe » et non « avare ». Quint., 3, 7, 25 : utendum proxima derivatione verborum, ut pro temerario fortem, prodigo liberalem, avaro parcum vocemus. Deriuatio causae désigne le procédé, cité par Julius Rufinianus (Rhetores Latini Minores), Schem. Lex., 16, consistant, selon un procédé d'extension, à passer à une autre idée à partir d'une idée initiale.148. variante (métriquement indifférente) des mss. : obstringo fidem, même sens. Les deux expressions sont classiques.149. C'est-à-dire que Parménon file la métaphore du récipient, qui, selon ce qu'on y met, se montre étanche ou poreux.150. Figure de "significatio" : Cic. De Orat 3, 202 : "et inlustris explanatio rerumque, quasi gerantur, sub aspectum paene subiectio; quae et in exponenda re plurimum valent et ad inlustrandum id, quod exponitur, et ad amplificandum; ut eis, qui audient, illud, quod augebimus, quantum efficere oratio poterit, tantum esse videatur; et huic contraria saepe percursio est et plus ad intellegendum, quam dixeris, significatio et distincte concisa brevitas et extenuatio et huic adiuncta inlusio"… Quint. 9, 1, 45 : "Atque alias etiam dicendi quasi uirtutes sequetur : breuitatem si res petet, saepe etiam rem dicendo subiciet oculis, saepe supra feret quam fieri possit : significatio saepe erit maior quam oratio, saepe hilaritas, saepe uitae naturarumque imitatio. Hoc in genere (nam quasi siluam uides) omnis eluceat oportet eloquentiae magnitudo".151. La citation de L'Andrienne en forme de sententia, qui a valeur générique et que Donat utilise ici en l'adaptant au singulier de la situation présente, est littéralement amantium irae amoris integratiost.152. Le commentaire porte sur hoc, qui n'est pas interprété par Donat comme un pronom cataphorique (« et il ajoutait ceci, à savoir que… »), mais comme un adverbe anaphorique (« là <c'est-à-dire aux noms du père et de la mère>, il ajoutait que…). Le latin classique utiliserait l'adverbe huc, mais hoc en est une variante. Cf. Eun.153. C'est mot pour mot le même commentaire et la même citation virgilienne que ci-dessus Eun. 11, 1, qu'il cite aussi, en bonne méthode. En revanche Donat ne citait pas la première fois le passage de L'Andrienne qu'il utilise ici, ni ce passage de L'Eunuque.154. Ou « pour Thaïs ».155. Espèce et quantité sont chez les grammairiens des catégories d'accident du nom.156. Le mot désigne toute forme de parole ou d'acte pouvant procurer du plaisir. Il ne possède apparemment pas à l'époque classique de sens technique, ni dans le domaine du théâtre, ni dans celui de la rhétorique. Toutefois, chez Servius, il n'est pas exclu que le mot puisse renvoyer à une topique de la persuasion, dont les blandimenta constitueraient un élément. Voir par exemple Aen. 1, 430, 11 : sed cum ad eam mulieres accessissent, ut ab ea primo blandimentis post precibus et praemiis elicerent, ut sibi a Cerere commissa patefaceret, atque in silentio perduraret, ab eisdem iratis mulieribus discerpta est (mais, alors que les femmes s'étaient approchées d'elle pour obtenir d'elle d'abord par des caresses puis par des prières et des récompenses, qu'elle révèle ce qui lui avait été confié par Cérès, et qu'elle continuait à observer le silence, elle fut lacérée par ces mêmes femmes en colère).157. Proprie indique qu'il ne s'agit pas ici de prendre le verbe cognoscere au sens d'une indication métathéâtrale « je te reconnais ».158. Pris dans son sens technique : trouver des arguments.159. Ou « dont il est coutumier » s'il trouve déjà le passage euphémisé chez Ménandre. En l'absence du texte de la comédie grecque on ne peut trancher.160. Si l'on en croit les Dictiones d'Ennode de Pavie (mort en 521), les parties de la controverse sont : principium, narratio, obiectio, excessus, exempla, epilogus (Dict.21). Dracontius (Rom. 5) propose après un préambule, narratio, excessus, quaestio, obiectio, epilogi. La zone centrale de la controverse, qui est la plus variable visiblement, comprend ici une partitio cum confirmatione. Quint. 4, 5, 1 : Partitio est nostrarum aut aduersarii propositionum aut utrarumque ordine conlocata enumeratio. Sur l'articulation narratio, confirmatio, voir Quint. 4, 3, 1 : Ordine ipso narrationem sequitur confirmatio; probanda sunt enim quae propter hoc exposuimus. Servius (Aen. 10, 18) prend ses distances face à l'application aux discours épiques des catégories de la controverse : o pater o hominvm et Titianus et Calvus, qui themata omnia de Vergilio elicuerunt et deformarunt ad dicendi usum, in exemplo controversiarum has duas posuerunt adlocutiones, dicentes Venerem agere statu absolutivo, cum dicit Iunoni 'causa fuisti periculorum his quibus Italiam fata concesserant'; Iunonem vero niti statu relativo, per quem ostendit Troianos non sua causa laborare, sed Veneris.161. L'expressivité en Latin vient de la place de la négation, pour la conserver en Français il faut introduire une incorrection qui ne se trouve pas dans l'original.162. "Parare", "se ménager (des amis)", est amétrique ; le texte exact doit être "parere", "faire naître (des amis)", ce qui revient au même pour le sens ; d'ailleurs au lemme suivant, Donat semble bien commenter le verbe "parere" (cf. "pariuntur").163. Donat indique ici que la réplique de Thaïs concentre la totalité de la situation telle qu'elle la présente. Pour pouvoir réussir son plan elle a besoin que Phédria s'éloigne un moment, l'aider c'est donc disparaître deux jours.164. Il s'agit d'une citation approximative d'Andr. 555.165. Dans l'Institution Oratoire (9, 2, 58), Quintilien cite exactement ces vers de Térence (v.155-157) comme exemple d'éthopée, autrement appelée, selon lui, mimésis.166. Parmi les homéotéleutes proposées, on remarque que Donat met sur le même plan un a long en syllabe indifférenciée ("pro sua", fin de vers), un a bref ("dicta") et un a bref élidé ("abrepta"). L'homéotéleute est donc toute relative. En outre on ne trouve pas, au moins chez Quintilien, de réserves ou de méfiance à l'égard de l'homéotéleute ; mais voir Rutilius Lupus : 2, 14.167. Expression obscure, mais très probablement proverbiale, dont le sens ne fait aucune difficulté en contexte. On comprendra "les yeux de la tête".168. C'est l'adverbe "porro" qui est ainsi reformulé.169. "Quid istic ?" est une formule que prononce un personnage qui se range, plus ou moins à contrecœur, à l'avis de son interlocuteur. Ainsi dans cette même pièce Parménon (Eun. 388), et ailleurs Chrémès (And. 572), Déméa (Ad. 133), Géta (Ad. 350), Micion (Ad. 956), Clitiphon (Heaut. 1064). L'ellipse à postuler est plutôt celle de "dicam" que celle de "remoramur" que propose Donat : "que <pourrais-je dire> à l'endroit où tu te trouves <de ton argumentaire> ?".170. Texte peu sûr et sens conjectural.171. Commentaire induit par une étymologie populaire "sincerus" < "sine cera", notamment associée au miel ; de même Ps.-Acron ad Hor. Ep. 2, 15 : "hoc est fauos premit ut ceram separet et mel sincerum reparet".172. Texte peu sûr et sens très conjectural.173. Donat commente ici une construction de exoro avec double accusatif, qui, à vrai dire, n'a rien de rare ni d'inédit : on en trouve d'autres exemples chez Térence (Heaut. 705, Phorm. 515), on en trouve aussi avant lui, chez Plaute (Bacch. 1201). Peut-être en est-ce la première attestation chez Térence, d'où le commentaire noue. Quant à la construction absolute de hoc, il faut comprendre que hoc est détaché de modo, le mot auquel il est accolé. Ne pas comprendre hoc modo « de cette manière », mais hoc, accusatif du pronom, et modo, adverbe, sans lien entre les deux mots.174. Pour Donat et quelques autres grammairiens, le septième cas représente l'ablatif non prépositionnel.175. Comme plus haut (185, 2), Donat utilise l'adverbe absolute pour caractériser une construction. Il faut comprendre ici que huius doit soit être tenu pour un pronom neutre (tour dont il donne deux autres exemples térentiens) soit pour un tour elliptique (huius = huius rei), mais ne doit pas être interprété comme le déterminant de uirginis dans le syntagme huius causa uirginis. Voilà pourquoi il est absolute, c'est-à-dire détaché de uirginis auquel on pourrait le croire lié. Reste que dans cette interprétation, il faut que huius soit un pronom neutre à un cas oblique (ce qui n'est pas dirimant), représentant de manière anaphorique une situation (cf. le lemme 4) et que causa, d'ordinaire postposé, soit ici antéposé (causa uirginis, « pour la jeune fille »), ce que le grammairien pourrait nous faire remarquer. Donat a certainement raison, car la référence à la jeune fille au moyen du démonstratif huius serait une bizarrerie, dans la mesure où cette dernière n'est pas présente sur scène. On attendrait dès lors plutôt illius causa uirginis « pour cette jeune fille ».176. La note est sans doute étymologique et repose sur une synonymie inuenire = acquirere177. Carpere a ici le sens de « recueillir les défauts », donc « blâmer ».178. Le texte aujourd'hui reçu pour ce passage de Plaute porte "creduas".179. L'emploi du présent incipiat me paraît expliquer une plaisanterie de Térence, en répétant sans cesse « j'y vais » sans jamais y aller, Phédria crée un effet comique que Donat pointe ici.180. Le rapport entre la citation virgilienne et le texte de Térence éclaire le commentaire : nisi demande normalement le futur antérieur comme quamuis demanderait chez Virgile le subjonctif parfait. Or on sait que les Latins confondent ces deux temps qui pour eux n'en font qu'un.181. Donat constate que la construction d'"interest" n'est plus en usage à son époque, car il faut ici évidemment qu'"intelligens" soit le sujet d'"interest", ce qui implique que le verbe soit employé de façon personnelle. Certains contemporains de Donat avaient pu résoudre la difficulté, à tort sans doute selon le grammairien, en modifiant la ponctuation pour rattacher "stulto intellegens" à "praestat", où le verbe est évidemment personnel.182. Le commentaire de Donat n'est pas clair : il veut dire que l'usage de l'euphémisme indique que le parasite fait une sorte d'éloge du personnage qu'il rencontre, un brave type qui n'a d'autres qualités que de ne pas avoir de défauts.183. Obsitum vient de obsero qui signifie ensemencer, tandis que sentum doit être rapproché de sentis (le buisson épineux).184. Le commentaire n'est pas clair : interrogatio désigne comme le montre la suite, non la question en elle-même, mais le mot sur lequel porte la question, homo, mulier, ornatus. Le fait de mettre le mot à un cas direct (nominatif ou accusatif rapporté directement au pronom) est distingué de l'emploi du génitif pronom lié à un pronom neutre.185. On a "blanditiis suis abs te" dans les éditions modernes.186. Même remarque sur la sententia chez Servius Auctus, ad loc. : et late patet ista sententia, vel quod alienis egere auxiliis non oporteat, vel quod meminisse singuli spei suae debeant, ut ea sperent tantum, quibus possunt potiri (et cette maxime a une large portée, soit parce qu'il ne faut pas avoir besoin de l'aide d'autrui, soit parce que chacun doit se souvenir de son espérance de façon à n'espérer que ce à quoi il peut prétendre).187. On peut aussi comprendre : « comme si l'autre avait reçu (puis perdu !) quelque bien de fortune ».188. Paraît signifier que désormais Térence va s'inspirer du type du parasite pour faire parler son Gnathon.189. Comprendre : d'abord, c'est-à-dire autrefois, quand les gens étaient sages, puis maintenant c'est-à-dire quand ils sont idiots.190. Donat suppose un jeu de mots sur genus hominum qui signifie "un genre d'homme" ou "le genre humain".191. Wessner édite mantiscinor sur un texte des manuscrits sans doute corrompu. Le verbe mantiscinor est très mal attesté et paraît avoir un sens sans rapport avec le lemme. Il y a donc lieu de se demander si ce texte doit être conservé. S'agissant de la manière dont Gnathon s'enrichit, le verbe manticulor (voler à la tire), tout aussi rare que mantiscinor, est sans doute mieux adapté au contexte. Sur manticulor voir Festus, 133 M qui cite Pacuvius frg 377, 378 et 380 : Manticulari dicebantur qui furandi gratia manticulas attemptabant. Inde poetae pro dolose quid agendo usi sunt eo verbo (On disait que volaient à la tire [ manticulari ] ceux qui pour voler attrapaient les bourses. D'où vient que les poètes ont utilisé ce mot pour désigner le fait d'agir sournoisement).192. Térence écrit Gnathonici (les Gnathoniciens), au lieu de Gnathonicae pour compléter disciplinae.193. Avec syllaba anceps à la césure (Marouzeau) "facit" est un iambe, sans syllaba anceps, "faciat" est scandable en tribraque ou, avec syllaba anceps, en anapeste.194. En fait la nécessité est dramaturgique : ne pas en dire trop pour ne pas dévoiler ce qu'il sait (et le spectateur également) et que l'autre ignore ; voir 282, 2 et 283, 2.195. Ménandre, Com. Frg. 4, 300 : "trophimos" désigne le maître de maison, celui qui est né dans la maison. Il y aurait donc ambiguïté chez Ménandre (c'est le père aussi bien que le fils) et Térence corrige : c'est le fils.196. Nunc peut, d'après Marouzeau, appartenir en fait au vers suivant mais il nous est difficile de le scander ainsi.197. Selon la quantité du i, le verbe signifie "je suis mort" (avec i bref) ou "j'ai tué" (avec i long).198. Le mot signifie évidemment « qui ne pleure pas ».199. Le terme désigne ici qu'il va faire parler l'esclave, le mettre en scène par sa parole à lui.200. Malgré les apparences, ce commentaire porte sur le choix des mots et non sur le sens lui-même. Térence a choisi des mots qui en disent plus que le langage courant et banal.201. Le genre de penus donne lieu à une anecdote amusante chez Aulu-Gelle (N. A. 4, 1, 4) et devait être un problème de grammaire absolument rebattu.202. L'expression peut signifier "bander".203. L'incertitude sur le texte rend préciuse la note de la seconde main. De toute évidence le lemme 2 suppose une lecture habilior, qui contraste avec le commentaire du lemme 1. Or de ce fait, la citation de Virgile n'a plus aucun rapport. On a sans doute là une trace d'une compilation de plusieurs commentaires que « Donat » n'a pas unifiés.204. Voir Servius ad. Buc. 6, 5 : dedvctvm dicere carmen tenue: translatio a lana, quae deducitur in tenuitatem. dedvctvm dicere carmen tenue : métaphore tirée de la laine, laquelle se file jusqu'à devenir fine.205. Evidemment aux projets libidineux de Chéréa.206. La troisième du pluriel ne me paraît pas pouvoir renvoyer à iudices, mais à un indéterminé, qui désigne en fait les avocats. Peut-être peut-on aussi comprendre pronuntiare comme « énoncer la sentence », mais on voit mal alors qui pourrait dire liquet.207. Il s'agit d'opposer la causa c'est-à-dire le traitement que l'avocat fait de l'affaire, à l'affaire elle-même, negotium. L'avocat se perd dans ses propres démonstrations, au lieu de se contenter d'exposer les faits et le juge l'interrompt en disant "on a compris".208. Nous voyons bien le sens avec e long, le mot auquel pense Donat avec e bref nous échappe.209. Ipse est étrange ici, il ne peut à mon sens pas s'agir de Chéréa, mais on attendrait iste.210. Je comprends aliter …aliter sur un ton, sur un autre.211. Donat veut dire que le personnage donne l'impression de l'élocution lente et exaspérante du vieux, mais ne perd pas une heure à mettre en scène la conversation complète.212. Littéralement sur lesquels on a déjà crié son deuil. Servius (En. 2, 233) : conclamant una scilicet voce. et bene de peritura civitate conclamant'dixit, quia semper res perditae conclamatae dicuntur (ils crient évidemment d'une seule voix et c'est bien dit à propos d'une cité qui va périr que conclamant parce qu'on dit toujours à propos des choses définitivement perdues qu'elles sont conclamatae).213. Je comprends detraho au sens tardif avec le datif de « s'en prendre à quelqu'un », faisant allusion à la réplique suivante où il va décrire l'eunuque comme une pauvre chose.214. Detrusio est un mot tardif, qui signifie soit « jeter violemment dans quelque chose », soit comme ici « expulser violemment de quelque chose ».215. Le commentaire est curieux puisqu'il semble indiquer que la question du féminin quisquam est une question de sens, alors qu'il ne s'agit que d'une question de morphologie archaïque, comme le montre le lemme suivant.216. Donat ne semble pas avoir vraiment tranché la question de savoir si probes est pris au sens personnel ou indéfini.217. L'idée est que la première formule laisserait entendre que Chéréa est effectivement eunuque, ce qui serait désobligeant de la part d'un esclave parlant à un maître -et largement démenti par la suite-, la seconde que Chéréa se déguise en eunuque, mais n'en reste pas moins un homme à part entière.218. Commentaire particulièrement obscur.219. Très obscur.220. Otto, Die Sprichwörter der Römer, p. 128 relève l'emploi proverbial signalé par Donat et l'explique ainsi : "Der Sklave Parmeno vergleicht das Vorhaben seines jungen Herrn mit einer Bohnensaat, die für ihn, den Sklaven, böse Früchte tragen werde" (L'esclave Parménon compare le plan de son jeune maître avec un plant de fèves qui pour lui, l'esclave, portera des fruits de mauvais augure).221. Etymologie intéressante : Donat semble rapprocher flagitatio de flagitiosus voire de flagellum au sens de « comportement si honteux qu'il mérite le fouet ».222. Assez confus, il semble que la fin veuille dire que Parménon considère que ce que veut faire Chéréa est autorisé mais inconvenant, alors que Chéréa se demande si c'est autorisé, ou si c'est bel et bien autorisé, si c'est vraiment convenable.223. On peut hésiter sur le genre, mais il me semble que c'est très nettement la courtisane qui a largement mérité qu'on lui joue un mauvais tour.224. Cette remarque explique le métaplasme mentionné juste avant : despicor n'a normalement pas de participe parfait, mais ici Térence en fabrique un, Donat en conclut qu'il étend à despicor la forme de participe que l'on trouve dans conspicor. Cela dit son métaplasme n'en est pas un, car despicatus paraît bien que rare pouvoir être attesté. On trouve trois exemples du superlatif de l'adjectif despicatus chez Cicéron (Verr. 2, 3, 98, 9 ; Sest. 36, 7 et Pis. 64, 5), un chez Plaute qui ressemble beaucoup à celui de Térence (Cas. 189 : Vir me habet pessumis despicatam modis). L'exemple de Salluste quant à lui porte sans doute plutôt sur le sens du verbe que sur sa forme.225. Le texte me semble problématique : in patrem conviendrait sans doute mieux.226. "Ne forte" exprime ici la crainte, d'où la remarque suivante qui rétablit la construction usuelle d'un verbe de crainte.227. L'infinitif de narration n'est pas un mode déterminé par des personnes et des temps et son emploi se justifie ici par sa valeur exclamative que Térence souligne par l'adverbe vero, Donat commente l'effet davantage suggestif qu'il produit dans une phrase intéressante par ses allitérations et assonances.228. Dans son rôle de flagorneur, Gnathon amplifie les paroles du soldat, ce qui fait partie du jeu de la manipulation.229. Il s'agit de la jeune fille amenée en cadeau par le parasite de la part du soldat.230. Triumphat appartient en effet au registre lexical militaire. Il désigne sans doute par là le fait de recevoir les honneurs du triomphe.231. Sur cet emploi du nom propre, face au nom de métier, voir Eun. 455 et Ad. 288, 4.232. C'est le propos de la terrible Junon qui ajoute : l'arrêt inébranlable du destin lui réserve Lavinia pour épouse. Donat pense sans doute à ce moment-là, à la concurrence entre le destin fatum et le pouvoir des dieux. Dans le cas de Thrason, le don du ciel est une idée très forte et le privilège dont se targue le soldat, il l'a lui-même décrété par piètre vantardise.233. Donat pose l'alternative, sans doute ironiquement, en jouant sur la paronymie des figures du discours : l'ellipse de narration ce serait ici l'implicite, ce que le spectateur imagine, et il doute de ce que renferme l'accusatif neutre pluriel ; la syllepse de sens porterait sur omnia.234. Il y a là une question de terminologie. Il ne s'agit pas tant en effet du genre grammatical du mot, que de son emploi, concret pour désigner ‘le sel'et figuré pour ‘l'esprit'.235. Association d'idée difficile à établir, elle porte sur habent qui signifie "ils possédent" ou bien "ils tiennent pour" donc "ils nomment".236. C'est bien un autre avantage que de bénéficier des confidences du prince.237. C'est-à-dire au premier degré.238. Thrason s'est lancé dans une citation qui excède sa culture et sa mémoire. Les mots lui manquent et il demande la complicité de Gnathon.239. Espèce de jeu de mots sur elegans, eligens.240. Inertia me paraît ici pris dans son sens propre d'« absence de toute forme d'ars ».241. Il n'est pas certain que Donat ait tout à fait compris la plaisanterie. Il est préférable de penser que Thrason s'attribue un bon mot dont l'auteur qu'il n'est pas était bien connu.242. Donat semble dire qu'il est normal dans la vie sociale d'embrasser quelqu'un avec qui on est lié, si ces embrassades sont appuyées, c'est le signe d'une affection tendre mais platonique, le reste relève des désirs amoureux.243. Le parasite est en effet un type théâtral, qui se reconnaît à son costume. Cf. Evanthius, VI, 6 : parasiti cum intortis palliis ueniunt. Sur le sort des parasites, voir Plaute, Les Captifs, v. 77- 90 (Quasi mures semper edimus alienum cibum,..).244. En latin : versutus. Cf. Cicéron, De natura deorum, III, 25 : versutos eos appello, quorum celeriter mens versatur (« j'appelle versutos (agiles, retors) ceux dont l'esprit se meut promptement »).245. L'adjectif faceta qualifie la meretrix dans L'Héautontimorouménos, v. 521-522 : mulier commoda et faceta haec meretrix.246. Dans la langue judiciaire, exceptio désigne l'objection que fait l'accusé aux réclamations du plaignant. Le terme désigne alors une « clause restrictive » (De Or., I, 168) que l'on invoque en réplique à l'adversaire.247. En effet, l'habileté de Thaïs naît de ce que le pronom hunc renvoie à une personne bien précise, qu'elle ne nomme pas. Donat (De partibus orationis, Ars minor- De pronomine) classe un tel pronom parmi les finita pronomina (Quae sunt finita ? Quae recipiunt personas, ut ego tu ille).248. Opportune signifie que la réplique vient à point, à propos. On trouve cet adverbe chez Térence lui-même, pour indiquer qu'une situation s'est bien déroulée (Eun., v. 1046-7 : fortunam collaudem…quae tot res tantas tam opportune in unum conclusit diem) ou qu'un personnage est arrivé quand il fallait  (Ad., v. 81).249. On peut donc penser que, selon Donat, les termes pax, dare, etc. sont parfaitement choisis par Térence. Mais proprie pose également ici la question de la métaphore : Cicéron (De Or., III, 155) oppose ainsi l'expression propre (uerbo proprio) à l'expression métaphorique (tralato). Donat veut-il dire qu'ici, les termes guerriers ne sont pas métaphoriques, mais qu'il est bien question d'une véritable guerre ?250. Le verbe lenire est opposé dans la rhétorique cicéronienne au verbe incitare. « Apaiser, adoucir » (lenire) un auditoire, ou au contraire l'« exciter » (incitare) (Or., 132) sont deux moyens d'émouvoir les juges (mouere).251. Cicéron dans le De Or., III, 203, montre en effet que la rogatio ou interrogation oratoire est un des ressorts de l'amplification. Quintilien répertorie la ficta interrogatio dans l'Institution oratoire, IX, 2, 15.252. Le lien avec le lemme précédent semble être l'usage de l'indicatif dans une interrogative indirecte.253. Désigner un personnage par sa fonction est moins amical que de le désigner par son nom d'autant plus que le métier du soldat est rangé par Donat dans les professions infâmes.254. Il faut en effet un certain temps pour que le repas dégénère et que finalement le soldat mette Chrémès à la porte.255. Le sens du commentaire de Donat s'éclaire ici par Cic. Off. 1, 37, 132 : quoniam magna vis orationis est eaque duplex, altera contentionis, altera sermonis: contentio disceptationibus tribuatur judiciorum, contionum, senatus: sermo in circulis, disputationibus, congressionibus familiarium versetur; sequatur etiam convivia, etc., (le sens du mot oratio, dont l'importance est capitale, est double : il désigne les luttes oratoires et la conversation : il y a lutte oratoire quand on défend une cause devant les tribunaux, dans les assemblées populaires, au sénat; on fait la conversation dans les réunions, les discussions, les rencontres et aussi pendant les repas).256. En raison du verbe ducere (conduire) qui est plus fort que le verbe mittere (envoyer).257. Donat semble dire que le verbe arcesso est plus militaire que le verbe provoco. En réalité la differentia n'est pas très claire : arcesso et provoco appartiennent tous deux à la langue du droit, mais sans doute provoco est-il plus spécialisé. L'acception militaire d'arcessere est évidente (voir César BG 7, 33, BC 3, 110 et Bell. Alex. 34, 5 ; 51, 3, Liv. 40, 5, 10 etc) mais peut-être pas aussi dominante que Donat veut bien le dire.258. L'expression nusquam gentium est moins surprenante parce que les deux termes ont un sens local, alors que dans la première qui se traduit littéralement « le moins parmi les peuples », il y a une rupture de la continuité du sens entre les deux éléments.259. . au mauvais moment pour lui et pour Thaïs, mais c'est précisément cela qui va faire avancer l'intrigue, voir lemme suivant.260. Re-puto est interprété comme "re-penser" à quelque chose que nous avons déjà pensé.261. Voir par exemple Ov. Am. 1, 4.262. L'expression n'est pas autrement attestée.263. Différentia identique chez Suétone Prat. 176, 163 : "sceleratvm scelerosvm et scelestvm id differt: sceleratus est suo aliquo scelere contaminatus uel aliqua contagione pollutus et infamis; <scelestus> autem scelerum cogitator et conmissor; scelerosus uero quasi insidiosus, periculosus propter assiduitatem scelerum" (telles sont les différences entre "sceleratus", "scelerosus" et "scelestus" : est "sceleratus" celui qui est contaminé par un "scelus" ou bien qui a été souillé et rendu infâme par quelque contagion ; est "scelestus" celui a a pensé et accompli des "scelera" ; est "scelerosus" celui qui pour ainsi dire est insidieux et prend des risques à cause de la fréquence de ses "scelera").264. . en raison de l'accusatif d'objet interne : « faire un (mé)fait ».265. En effet le tour capillum illi conscendit serait ambigu, on ne saurait qui a pris l'autre par les cheveux, illi pouvant être à la fois masculin ou féminin ; avec ipsam on n'a aucun doute, c'est Chéréa qui a saisi Pamphila.266. Nous ne développons pas cette citation, car c'est le seul endroit où elle se trouve. Nous ne savons donc nullement quels mots cachent les initiales d. o..267. . en raison de la rupture de nombre entre absente (singulier) et nobis (pluriel).268. On trouve la même remarque chez Porphyrion in Epist. 2, 2, 163 : "Temeti. Vini, quod temptet mentem, unde temulenti dicuntur dict<i> prima syllaba producta" ("temetus" se dit du vin parce qu'il fait tourner ("temptare") la tête, de là vient qu'on parle de "temulenti" par allongement de la première syllabe).269. . et non comme le neutre de uerus (une chose vraie).270. Le véritable eunuque, qui est resté à la maison, ne sait rien des événements qui se sont déroulés chez Thaïs, et Donat voit dans cette ignorance le principal ressort comique de cette scène.271. Pour Térence en tout cas, puisque l'interjection n'est utilisée que par des personnages féminins : Sostrata (Heaut. 1015), Sophrona (Ph. 754) et Nausistrata (Ph. 803), Canthara (Ad. 336).272. Même commentaire chez Porphyrion in Epod. 12, 7-8 : Vieta autem dicuntur ex necessitate contorta, ut Terentius ostendit : Viet<u>s ueternosus senex [necessitate contorta] (on appelle vieta des choses qui ont été tordues par la nécessité, comme le montre Térence : Viet<u>s ueternosus senex)273. La confusion est attestée chez les scholiastes d'Aristophane où on lit : οἱ μὲν τὴν ἰδιωτικῶς κάταν φασίν, οἱ δὲ ζῷόν τι ἕτερον αὐτῇ εἰκός (certains disent qu'il s'agit de l'animal que l'on nomme chat en langue vulgaire, d'autres d'une autre bête qui lui ressemble) et qui peut être la belette puisque les Grecs utilisaient les belettes comme nous utilisons les chats. FABIA 1895, 57, note 3, signale une conjecture de NENCINI selon laquelle Térence aurait un texte de Ménandre qui porte non pas le mot γαλεώτης (stellion) mais le mot γαλεώδης, formé sur le nom de la belette, γαλέη : le texte de Ménandre signifierait alors « c’est un vieillard belettoïde ». DAVID 2009, 20-21, suppose que l’acteur jouant Dorus portait un masque brun-jaune (masque non répertorié dans le catalogue de Pollux, le personnage de l’eunuque n’étant pas un type), coulleur connotée négativement chez les Anciens. 274. Le mot est issu du vocabulaire oratoire : Cic. Inv. 2, 54 : ea autem infirmabitur, si falsa demonstrabitur (on la ruinera [la démonstration es adversaires] en montrant qu'elle est fausse).275. Sur cet ordre qui fait mettre en premier ce qui nous concerne et en second ce qui concerne l'adversaire, voir par exemple Cic. Inv. 1, 22 sur la manière de se concilier les juges : Benivolentia quattuor ex locis comparatur: ab nostra, ab adversariorum, ab iudicum persona, a causa (La bienveillance se concilie par quatre sortes de développements : en parlant soit de nous, soit de la personnalité de nos adversaires, soit de la personnalité des juges, soit de la cause). Mais ce n'est pas toujours le cas en particulier si l'adversaire a su gagner la confiance des juges : Inv. 1, 25 : Sin oratio adversariorum fidem videbitur auditoribus fecisse id quod ei, qui intellegit, quibus rebus fides fiat, facile erit cognitu oportet aut de eo, quod adversarii firmissimum sibi putarint et maxime ii, qui audient, probarint, primum te dicturum polliceri, aut ab adversarii dicto exordiri et ab eo potissimum, quod ille nuperrime dixerit, aut dubitatione uti, quid primum dicas aut cui potissimum loco respondeas, cum admiratione (Mais si le discours de nos adversaires qui semble avoir convaincu les auditeurs -un résultat dont se rendra compte aisément quelqu'un qui sait par quels moyens on arrive à convaincre-, il faut promettre de parler d'abord de ce que nos adversaires ont estimé leur plus solide argument ou de ce que les auditeurs ont approuvé le plus ; ou encore tirer l'exorde des paroles de l'adversaire, et particulièrement de ce qu'il a dit à la fin ; on peut aussi employer l'hésitation, en se demandant ce que l'on dira d'abord ou à quel point l'on répondra de préférence, en provoquant l'étonnement).276. Sur ce point, voir Cic. Inv. 2, 176 : sunt igitur res quaedam ex tempore et ex consilio, non ex sua natura considerandae; quibus in omnibus, quid tempora petant, quid personis dignum sit, considerandum est et non quid, sed quo quidque animo, quicum, quo tempore, quamdiu fiat, attendendum est (Il y a donc des choses qui doivent être considérées non d'après leur propre nature, mais d'après les circonstances et les intentions ; pour toutes il faut envisager ce que les circonstances réclament, ce qui convient aux personnes, et il faut regarder non pas l'acte lui-même, mais dans quel esprit, avec qui, à quel moment, pendant combien de temps il se déroule). Un esclave était d'ailleurs considéré comme si peu digne de foi que son témoignage ne pouvait être recueilli que sous la torture.277. cf. Ad Her. 2, 9, 18 : contra testes: vitae turpitudinem, testimoniorum inconstantiam (contre les témoins : déshonneurs dans le mode de vie, inconstance des témoignages).278. La remarque est la même chez Diomède GL 1, 419, 11 : aut ex inprouiso aliquid deprehendentem, ut attat (ou bien qui surprend quelque chose à l'improviste, comme attat).279. Voir par exemple Cic. Acad. 1, 46, 5 : Hanc Academiam novam appellant, quae mihi vetus videtur, si quidem Platonem ex illa vetere numeramus, cuius in libris nihil affirmatur et in utramque partem multa disseruntur, de omnibus quaeritur nihil certi dicitur (Telle est cette Académie qu'on dit nouvelle et qui me paraît ancienne si l'on range, dans celle qu'on appelle ancienne, Platon qui dans ses livres n'affirme rien, donne de nombreux exemples de discussions où sont soutenus le pour et le contre, entreprend sur tous sujets une recherche qui n'aboutit à aucune certitude..).280. Voir Plaut. Capt. 464 et Aulul. 189 : dans les deux cas, il s'agit de personnages masculins menaçant des personnages féminins. En Miles 315, c'est un homme parlant d'un autre homme comme en Térence Ad. 318.281. ou "le soldat a pour elle", mais cette seconde solution est moins probante.282. Le mot est fort rare, c'est Donat qui nous apprend qu'il vient du phrygien.283. Commentaire semblable, bien que plus éclairant chez Servius ad Aen. 8, 1 : aut certe si esset tumultus, id est bellum Italicum vel Gallicum, in quibus ex periculi vicinitate erat timor multus, quia singulos interrogare non vacabat, qui fuerat ducturus exercitum ibat ad Capitolium et exinde proferens duo vexilla, unum russeum, quod pedites evocabat, et unum caeruleum, quod erat equitum -nam caeruleus color maris est, a cuius deo equum constat inventum- dicebat 'qui rem publicam salvam esse vult, me sequatur', et qui convenissent, simul iurabant: et dicebatur ista militia coniuratio. [alii album et roseum vexilla tradunt, et roseum bellorum, album comitiorum signum fuisse.] fiebat etiam evocatio: nam ad diversa loca diversi propter cogendos mittebantur exercitus. modo ergo duo sunt genera militiae, coniuratio et evocatio, quippe in tumultu.. ou du moins s'il y avait du désordre, c'est-à-dire, la guerre italique ou la guerre contre les Gaulois, au cours desquelles à cause de la proximité du danger, la panique était grande, et parce qu'il n'avait pas l'occasion de poser la question à chacun, celui qui devait mener l'armée allait au Capitole d'où il ramenait deux drapeaux, l'un de couleur rouille, qui faisait venir les fantassins, et l'autre de couleur bleu-vert, qui était celui pour les cavaliers –car la couleur bleu-vert est celle de la mer, par le dieu de laquelle il est notoire que le cheval a été inventé- et disait : ‘qui veut sauver la République me suive', et ceux qui en étaient d'accord juraient ensemble : et on appelait ça un serment collectif de soldats. [certains rapportent que les drapeaux étaient blancs et roses et que le rose symbolisait la guerre et le blanc les comices.] il y avait aussi l'appel aux armes : car on en envoyait dans plusieurs directions pour rassembler les armées. Il y a donc seulement deux types d'enrôlement : le serment collectif et l'appel aux armes, qui sont utilisés particulièrement dans les temps de désordre.284. Sangarius est pourtant bien un nom, mais de fleuve ; voir Liv. 38, 18, 8 : Sangarius ex Adoreo monte per Phrygiam fluens miscetur ad Bithyniam Tymbri fluuio (Le Sangarius qui coule depuis le mont Adoreus traverse la Phrygie se mêle au fleuve Thymbris à l'approche de la Bithynie).285. Voir Varron L.L. 5, 88 : manipulus exercitus minima[s] manus quae unum sequitur signum. centuria qui sub uno centurione sunt, quorum centenarius iustus numerus (Le manipule d'une armée est la plus petite unité qui suit une enseigne. Une centurie est composée de ceux qui sont sous les ordres d'un centurion et dont le nombre juste est cent). Sur les manipules Servius ad Aen. 11, 870 : manipli autem dicti sunt signiferi, quia sub Romulo pauper adhuc Romanus exercitus hastis faeni manipulos inligabant, et hos pro signis gerebant; unde hoc nomen remansit (quant aux porte-enseignes, on les appelle manipuli parce que sous Romulus les soldats de l'armée romaine encore pauvre attachaient à leur lance des poignées de foin et les portaient en guise d'enseigne ; d'où leur nom qui s'est maintenu).286. ambiguïté dans la construction : on peut comprendre soit "il l'insulte comme le ferait un esclave", ou "il l'insulte comme il insulterait un esclave".287. Donat vise à désambiguïser une relative ambiguïté : le groupe "mater et pater" est en apposition à "uterque", d'où "l'un et l'autre, à savoir la mère et le père", donc "uterque" est un pronom et non pas un déterminant en facteur commun du groupe "mater et pater", ce qui se comprendrait "l'un et l'autre couple parental", soit deux couples en tout au lieu d'un en réalité.288. ou "servile". Le sens est ici difficile à trancher.ou "servile". Le sens est ici difficile à trancher.289. Commentaire sans doute polémique : Donat a reconstruit une dramaturgie complexe justifiant l'action à ce moment précis et mettant cette analyse au compte de l'adresse de Térence. Le scribe de la deuxième main est plus réservé : ce sont là des réflexions de spécialistes ; le spectateur, lui, se content de suivre le spectacle sans se poser ce genre de questions.290. Donat paraît pointer du doigt le fait que ce gentleman farmer débonnaire n'a rien du vieillard grincheux et ronchon traditionnel dans la comédie, ce qui le prépare très mal aux abominations qu'il va découvrir.291. Donat semble tenir ici un discours général proche de celui qu'on lui voit tenir ailleurs : la comédie répugne à la violence physique, car ce serait entrer dans l'univers de la tragédie.292. Agere semble devoir être pris ici au sens oratoire.293. L'annotateur de Donat découpe vraisemblablement pro-latio en isolant le radical du préfixe, puis lui adjoint le mot jour pour obtenir un improbable *dieilatio transformé étonnamment en dilatio.294. Il s'agit sans doute d'une syllepse puisque uterque exige normalement un verbe au singulier.295. Le sens est : "a eu l'idée de faire intervenir un personnage".296. Il y a prolepse mais Donat n'identifie pas la figure, tout simplement parce que ce qu'il nomme prolepse est tout à fait autre chose.297. Le commentaire de la seconde main contredit Donat en proposant de lire meam sponsam. La proposition est grammaticalement fausse puisque la réplique de Parménon interdit de construire ainsi.298. Le commentaire n'est pas limpide dans la mesure où Donat suit son idée. Le sens pourrait être le suivant : à défaut d'avoir Thaïs pour lui tout seul, il espérait pouvoir encore lui rendre de menus services, mais ici il ne se fait plus aucune illusion. Il est bel et bien mis à la porte.299. Ce commentaire est partiellement contradictoire avec les précédents. Donat paraît bien comprendre plus haut festivitas au sens de gentillesse.300. On retrouve le thème oratoire du "praemium uiri fortis" qu'on a déjà vu évoquer dans L'Andrienne. La differentia a tout d'une différence de rhéteur ; elle ne signifie d'ailleurs pas grand chose. Pourtant, on la retrouve chez Isidore de Séville Etym. 6, 19, 26 avec un sens chrétien : "Dona proprie diuina dicuntur, munera hominum. Nam munera dicuntur obsequia, quae pauperes diuitibus loco munerum soluunt. Itaque munus homini datur, donum Deo" (On parle au sens propre de "donum" pour le divin et de "munus" pour l'humain. Car on dit que les "munera" sont des marques de déférence dont les pauvres s'acquittent auprès des riches en guise de dons. C'est pourquoi on donne un "munus" à l'homme mais un "donum" à Dieu).301. Cette série de scholies embarrassées a pour objet d'expliquer la construction et le sens de cette réplique. "Donum-praemium" forment-ils comme un seul mot par asyndète (scholie 4) ? Le sens est alors "espère de moi n'importe quel don-cadeau". Les deux mots (et même les trois, puisque "munus" se mêle à la differentia) ont-ils le même sens ? Les scholies 1, 2, 3, 4 sont là pour les distinguer. En fait, on ne voit pas bien ce qui gêne Donat. L'expression n'est pas en asyndète, comme proposé à la scholie 5, car les deux substantifs ne sont pas sur le même plan : "praemium" est attribut de l'objt "donum" : "espère de moi n'importe quel don en guise de résompense". Et la scholie 4 est la plus proche du sens : "espère de ma part un cadeau", en tant que le cadeau est un acte volontaire, "en guise de récompense", laquelle t'est due. Je te ferai donc à la fois un cadeau (volontaire) et une récompense (méritée).302. Si le sens miltaire du verbe n'est pas clair pour nous, celui du nom "optio" l'est : dans la langue militaire, le mot "optio" (masculin dans cet emploi) désigne l'optione, un sous-officier.303. Cette phrase n'est pas identifiée comme une citation. Sans doute est-ce simplement un exemple emprunté à la langue commune et destiné à illustrer une dernière fois le syntagme "optato praemium".304. Par proverbe, Donat paraît entendre ici expression figée. Le problème que pose l'ajout de l'annotateur, c'est que les deux premières expressions n'ont pas cette valeur clairement attestée.305. Sur ce passage, le commentaire semble des plus confus : l'euphonie consiste à éviter l'homéotéleute, mais on voit mal le sens de la remarque sur le masculin. L'ensemble des remarques paraît à vrai dire d'assez piètre qualité.306. La citation est très approximative, Cicéron écrit (Pro caelio 8, 19) : "Si mihi ad haec acute arguteque responderit, tum quaeram denique ex quo iste fonte senator emanet. Nam si ipse orietur et nascetur ex sese, fortasse, ut soleo, commouebor; sin autem est riuolus arcessitus et ductus ab ipso capite accusationis uestrae, laetabor, cum tanta gratia tantisque opibus accusatio uestra nitatur, unum senatorem esse solum qui uobis gratificari uellet inuentum" ("S'il s'en tire par une réponse ingénieuse et piquante, je lui demanderai alors pour terminer à quelle source votre sénateur va puiser son accusation, car si cette source coule spontanément et naît d'elle-même, peut-être serai-je ébranlé -cela m'arrive-, mais si l'on est allé chercher et canaliser ce ruisselet à la source de votre accusation, je me réjouirai que cette accusation, qui est soutenue par de si puissantes influences et de si puissants moyens, n'ait trouvé pourtant qu'un seul et unique sénateur disposé à vous complaire", trad. C.U.F. par J. Cousin). Donat semble ainsi avoir recomposé la phrase pour lui faire dire ce qui l'intéresse.307. Wessner ne propose aucun texte homérique ici en raison d'une lacune dans les manuscrits. Le seul texte qui ait quelque rapport avec le contexte est Iliade, 21, 257-259 : ὡς δ᾽ ὅτ᾽ ἀνὴρ ὀχετηγὸς ἀπὸ κρήνης μελανύδρου / ἂμ φυτὰ καὶ κήπους ὕδατι ῥόον ἡγεμονεύῃ.308. Il s'agit ici du troisième mode de définition tel que se le représente la tradition dialectique résumée ainsi par Martianus Capella (4, 420) : non et primum et non secundum ; primum autem igitur et secundum. Il n'est pas vrai que A existe et que B n'existe pas, donc A existe et entraîne B. Mais la situation ici se complique du fait que Donat ne tient pas vraiment compte de la syntaxe proprement dite : son idée est : il n'est pas vrai que Thrason est opportunus et qu'il n'est pas ex usu, donc le fait qu'il soit opportunus entraine le fait qu'il soit ex usu. De même pour le champ, il n'est pas vrai que le champ soit bon et qu'il ne soit pas de grand prix, sa qualité entraîne donc son grand prix. Dans l'exemple de Martianus Capella (non est et bene dicendi scientia rhetorica et non est utilis ; est autem bene dicendi scientia, utilis est igitur), la négation est placée en début de définition de sorte qu'elle soit plus clairement en facteur commun. De plus le verbe choisi est n'est autre chose qu'une copule. Pour comprendre l'énoncé de Donat, il faut ensuite, mais ensuite seulement, considérer que cet ensemble logique est inclus dans une proposition elle-même négative où le verbe n'est pas une copule (exemple de l'Héautontimoroumenos) ou bien où la négation nemo ajoute une proposition logique indépendante du syllogisme de la définition : il n'est personne qui mieux que Thrason ou rien qui mieux que le champ ne remplisse cette définition.309. Il s'agit d'une citation très approximative et à la limite de la reformulation du vers 1087.310. illic add. edd.311. nil edd.312. nil edd.313. uerborum, modo ante modo post dedisse scripserunt Donati codices. Textum acceptum sic edidimus.314. animum attendite edd.315. haec edd.316. esset mihi edd.317. repetitio apud Donatum explicatur at tamen in lemmate deest.318. sin edd.319. potis erat edd.320. uti si edd.321. tum uno edd.322. eras contenta edd.323. ut tibi edd.324. aliquantum edd.325. nil edd.326. parere uel parare legitur apud Donatum.327. nisi si edd.328. ubi mi edd.329. is edd.330. tam del. edd.331. istoc edd.332. fors[it]an edd.333. habeat edd.334. peribit edd.335. mist edd.336. posse me edd.337. adiget edd.338. non edd.339. mage edd.340. mage edd.341. hinc deest apud Donatum, at uide scholiam ad 231,1 et 2.342. siet edd.343. consilium cum re edd.344. amisti edd.345. Post est add. multo.346. profueram edd.347. mi edd.348. tantum honorem edd.349. ut legimus apud Donatum, legitur et quid faciat. At uidetur Donatus putauisse indicatiuum modum melius esse coniunctiuo. Eum secuti sumus.350. legitur et Thainis apud Donatum.351. alia lectio apud Donatum reperta nihil equidem.352. neve edd.353. post modo add. i354. fores hae edd.355. qui placeat edd.356. alterum edd.357. alter edd.358. om. edd.359. Alia lectio apud Donatum reperta quid tu es alacris.360. ostendes te edd.361. in ea re utilitatem edd.362. si edd.363. post ratione add. eam364. esse hominem edd.365. mage edd.366. post dico edd.367. fratris partes edd.368. del. edd.369. quodnam edd.370. nil edd.371. uti edd.372. post intro edd.373. potest edd.374. pergin edd.375. callidum potius esse legendum ait Donatus in commentario.376. iam del. edd.377. is edd.378. rescierint edd.379. haec uerba Parmenoni tribuit Donatus, quae Chaereae recentiores editores tribuerunt.380. gestare edd.381. uero edd.382. miliens edd.383. hahahae edd.384. obsecro te edd.385. haud iniuria edd.386. istac edd.387. suspicatast edd.388. ac edd.389. ehem edd.390. pol om. edd.391. nostri edd.392. tacent satis laudant edd.393. liberum edd.394. tibi obstat edd.395. tum edd.396. esse domini edd. at uide sequentia ubi domini pauperis forte a Donato legitur.397. quem te ego edd.398. huic animum adsentari edd.399. poste continuo edd.400. si Chremes hoc forte aduenerit edd.401. mage edd.402. quid [rei] tibi edd.403. rem diuinam fecisse [se] edd.404. est del. edd.405. qui edd.406. licet mi edd.407. aut om. edd.408. es edd.409. satine edd.410. hominum post nemo est add. edd. non legitur apud Donatum sed forte partem uersus tantum enarrauit.411. ego te obsecro hercle edd.412. quid ego edd. at hic a Donato pars uersus tantum enarratur. Vide sequentia.413. esse om. edd.414. caperes edd.415. praua edd.416. suspectans edd.417. sese edd.418. iit edd.419. lecto edd.420. ante conlocarunt illae add. edd.421. mi edd.422. post tum add. equidem edd. at forte uersus partem tantum Donatus enarrat.423. post uidere add. edd. nimium at forte pars uersus tantum a Donato enarratur.424. flabellulum coniec. edd.425. opprimit edd.426. bene modo add. modo om. Donatus in enarratione. De lectione ergo hic dubitandum est.427. ibi illa cum illo edd.428. occipit om. edd.429. sibi putare adductum ante oculos aemulum edd.430. Pamphilam accerse edd.431. del. edd.432. unguibus facile edd.433. fuerit edd.434. hoc misera edd.435. quid huc tibi reditio est? edd.436. paullum edd.437. ornarat edd.438. numquam edd.439. namque edd.440. hi (c) quidem ad illum est edd.441. mustelino edd.442. egerim edd.443. unde igitur fratrem meum edd.444. scibas edd.445. dicat edd.446. paullum edd.447. tam edd.448. pol hodie edd.449. praedicemne edd.450. nescis neque de eunucho edd.451. at edd.452. mi edd.453. nihil dixit tu ut edd.454. at edd.455. nescibam edd.456. atqui edd.457. digito edd.458. ineptiam edd.459. enim edd.460. qui edd.461. multa passa edd.462. dignumst edd.463. atqui edd.464. metuo qualem tu me esse hominem edd.465. sinistrum cornum edd.466. non posse fieri edd.467. domi edd.468. ipsus edd.469. hoc iam edd.470. ut tu edd.471. procul hinc edd.472. illoc edd.473. eam edd.474. tui me edd.475. legitur apud Donatum et ephebus iste476. tace bis legitur in edd.477. conprehendi iube edd.478. hem legitur apud Donatum. Deest in edd.479. hoc Donatus, id edd.480. ita edd.481. istoc edd.482. ah post quid edd.483. certo edd.484. potius post opperiamur edd.485. pol deest in edd.486. suppos<i>uit edd.487. ante nutrix pos. edd.488. it edd.489. ut post cognitione edd.490. mittam edd.491. mage edd.492. suo del. edd.493. inluuiem edd.494. In codicibus commentarii incipit hic noua scaena. At falso, uide Euuanthii de fabula.495. illum edd.496. scis edd.497. quidem edd.498. ei dicam edd.499. satine edd.500. id deleuerunt editores aliquot.501. ille iam edd.502. ego del. edd.503. insuper etiam edd.504. ehem edd.505. sic legitur apud Donatum ut uidebitur, si abreuiationes perspexeris in te exempla edd.506. coeptas edd.507. hodie uiuit edd.508. illumne edd.509. conlibitum edd.510. auferes edd.511. facta hic edd.512. hoc del. edd.513. paullum edd.514. id del. edd.515. riualem ego edd.516. ut edd.517. noctes et dies edd.518. etiam hoc edd.519. hoc iam edd.520. uerso edd.

Citations

1. cuius mos maxime est consimilis uestrum, hi se ad uos applicant (TerHeaut. 393)2. tum canit Hesperidum (VergBuc. 6, 61)3. iam senior, sed cruda deo uiridisque senectus (VergAen. 6, 304)4. si quis quid reddit, magna habenda est gratia (TerPho. 56)5. dictum (TerEun. 4)6. in quem quiduis harum rerum conuenit, quae sunt dicta in stultum (TerHeaut. 876-877)7. Plautus uertit barbare (PlautTrin. 19)8. Atheniense bellum, cum Rhodiensibus | quod fuerit, quid ego hic praedicem, quod tu scias? (LuscLanThes)9. genus unde Latinum (VergAen. 1, 6)10. argentum quod habes condonamus te (TerPho. 947)11. matri longa decem tulerunt fastidia menses (VergBuc. 4, 61)12. uerba istaec sunt (TerPho. 517)13. rem10 cum uideas, censeas (TerHeaut. 1023)14. imprudens harum rerum (TerEun. 136)15. Centauro inuehitur magna (VergAen. 5, 122)16. scortari crebro nolunt, nolunt crebro conuiuarier (TerHeaut. 206)17. peccatum (TerEun. 27)18. nam pro deum atque hominum fidem, quid uis tibi aut quid quaeris (TerHeaut. 61-62)19. si aliter fuerint animati neque dent quae petat, sese igitur summa ui uirisque oppidum oppugnassere (PlautAmph. 209-210)20. hem quid agam (VergAen. 4, 534)21. quam inique comparatum est (TerPho. 41)22. prius quam harum scelera et lacrimae confictae dolis (TerAnd. 558)23. nescis heu, perdita, nd. necdum L. Laomedonteae s. sentis p. periuria g. gentis ! (VergAen. 4, 541-542)24. multum ille et terris iactatus et alto (VergAen. 1, 3)25. quae prima mortales ducunt (SallCat. 36, 4)26. et suauia quae essent prima habere (TerHeaut. 962-963)27. ibi tum exanimatus Pamphilus bene dissimulatum amorem et celatum indicat (TerAnd. 131)28. quam diu etiam furor iste tuus eludet? (CicCatil. 1, 1, 1)29. facile omnes, cum ualemus, recta consilia aegrotis damus (TerAnd. 309)30. haec uerba (TerEun. 67)31. quod plerique omnes faciunt adulescentuli, horum ille nihil (TerAnd. 55)32. quos ego...! sed motos praestat componere fluctus (VergAen. 1, 135)33. captique dolis l. lacrimisque c. coactis (VergAen. 2, 196)34. stridenti miserum stipula disperdere carmen (VergBuc. 3, 27)35. una dolo diuum si femina uicta duorum est (VergAen. 4, 95)36. nunc scio, quid sit amor (VergBuc. 8, 43)37. nunc augur Apollo, nunc Lyciae sortes (VergAen. 4, 376)38. iamque uidenti sanguineis frontem moris et tempora pingit (VergBuc. 6, 21-22)39. sin captus prauis cupidinibus (SallJug. 1, 4)40. quae sola interbibere, si uino scatat, Corinthiensem fontem Pirenem potest (PlautAul. 558)41. exclusit, reuocat inquit, redeam? non, si me obsecret (TerEun. 49)42. aut Boreae p. penetrabile f. frigus adu. adurat (VergGeor. 1, 93)43. at mihi sese offert ultro meus ignis Amyntas (VergBuc. 3, 66)44. quam ne quid in illum iratus plus satis faxit, pater (TerHeaut. 198)45. plerique omnes (TerAnd. 55)46. pleraque omnia (TerHeaut. 830)47. egregiam uero laudem et s. spolia a. ampla r. refertis (VergAen. 4, 93)48. cui nisi pariter obuiam iretur (SallHist. 1, frg. 92 M.)49. tune hic eras, mi Phaedria? (TerEun. 86)50. quaesiui: nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt causae (TerEun. 144-145)51. mi Phaedria, et tu (TerEun. 190)52. aut pacem Troiano ab r. rege p. petendum (VergAen. 11, 230)53. arma a. acri f. faciendum u. uiro (VergAen. 8, 441)54. non eam ne nunc quidem, cum accersor ultro (TerEun. 46-47)55. contineo (TerEun. 103)56. adeon est demens? ex peregrina? (TerAnd. 469)57. genus unde Latinum (VergAen. 1, 6)58. qui <scis>?— modo e Dauo audiui (TerAnd. 302)59. causam dicere prius unde petitur aurum (TerEun. 10-11)60. matri mercator dono dedit (TerEun. 108-109)61. accipe n. nunc D. Danaum i. insidias et c. crimine a. ab < u. uno > d. disce o. omnes (VergAen. 2, 65-66)62. sororem plerique esse credebant meam (TerEun. 118)63. utrumque hoc falsum est: effluet (TerEun. 121)64. abs te petere et poscere (TerHeaut. 926)65. tute scis postilla quam intimum habeam te (TerEun. 127-128)66. potin est hic tacere? (TerEun. 101)67. hoc agite si uultis, spectatores (PlautAsin. 1)68. stabulo frenos a. audire s. sonantis (VergGeor. 3, 184)69. emit inquit eam dono mihi (TerEun. 135)70. me miseram! uereor ne illud grauius Phaedria tulerit (TerEun. 81)71. Samia mihi mater fuit (TerEun. 107)72. nunc ego eam, mi Phaedria, multae sunt causae quamobrem cupio abducere: primum quod soror est dicta (TerEun. 144-146)73. egone id timeo? (TerEun. 162)74. egone non ex animo misera dico? (TerEun. 179)75. quam ioco rem a me <..> impetrare abs te nequeo, biduum saltem ut concedas20 (TerEun. 1279-182)76. neque enim ignorantia res claudit (SallHist. 3, frg 48, 25 M.)77. nihil socordia claudebat (SallHist. frg. inc. 23 M.)78. si quisquam est qui placere se studeat bonis quam plurimis et minime multos laedere, in his poeta hic nomen profitetur suum (TerEun. 1-3)79. o, regem me esse oportuit! (TerPho. 70)80. hic sunt tres minae (TerEun. 471)81. nos munera templis quippe tuis ferimus (VergAen. 4, 217-218)82. per uim ac dolum abducta ab Rhodio tibicine (CicVerr. 2, 3, 34, 78)83. falsa lacrimula (TerEun. 67)84. mene fugis? (VergAen. 4, 311)85. nonne ubi dixti cupere te (TerEun. 165)86. sine illum priores partes hosce aliquot dies (TerEun. 151)87. bene fecisti (TerEun. 1091)88. iam uero mitte, Demea, tuam istanc iracundiam (TerAd. 754)89. aut quid petis istis? (VergAen. 9, 94)90. nam eius fratrem spero iam propemodum repperisse (TerEun. 203-204)91. si uanum aut falsum aut fictum est (TerEun. 104)92. ne quid sit huius oro (TerHec. 338)93. nihil me istius facturum, pater (TerHeaut. 571)94. quid petis istis? (VergAen. 9, 94)95. patri quo modo obsequare et ut serues quod labore inuenerit (TerHeaut. 1039-1040)96. qui nolo mentiare (TerHeaut. 701)97. iubesne? (TerEun. 389)98. cogo atque impero (TerEun. 389)99. nullus dixeris (TerHec. 79)100. nullus credas (PlautTrin. 606)101. te indulgebant, tibi dabant (Heaut. 988)102. parasiti personam... et militis (TerEun. 26)103. et laetos oculis afflarat honores (VergAen. 1, 591)104. ita me di ament, honestus (TerEun. 474)105. quamuis solus a. auem c. caelo d. deiecit a. ab a. alto (VergAen. 5, 542)106. obsequium amicos, ueritas (TerAnd. 68)107. conueni (TerEun. 234)108. αἶψα γὰρ ἐν κακότητι βροτοὶ καταγηράσκουσι (HomOd. 19, 360)109. quis hic homo est (TerPho. 991)110. quid hoc est hominis? (TerEun. 546)111. quid mulieris (TerHec. 643)112. quid ornatus (TerEun. 546)113. homo homini quid praestat stulto intellegens? (TerEun. 232)114. nam nemo illorum quisquam ad te uenit, quin ita paret sese, ut abs te blanditiis quam minimo pretio suam uoluptatem expleat (TerHec. 67-69)115. ponite spes sibi quisque (VergAen. 11, 309)116. nec, si miserum fortuna Sinonem finxit, uanum etiam mendacemque improba finget (VergAen. 2, 79-80)117. neque fortuna eget, quippe quae probitatem industriam aliasque artes neque dare neque eripere cuiquam potest (SallJug. 1, 3, 4 - 1, 4)118. uideo sentum (TerEun. 236)119. corpulentior habere atque habitior (PlautEpid. 10)120. quod habui perdidi (TerEun. 237)121. mei loci atque ordinis hominem (TerEun. 234-235)122. sequiturque sequentem (VergAen. 11, 695)123. cum tacent, clamant (CicCatil. 1, 21, 6)124. ego infelix neque ridiculus esse neque plagas pati possum (TerEun. 244)125. his ego non paro me, ut rideant (TerEun. 249)126. hoc tempore obsequium amicos, ueritas odium parit (TerAnd. 67-68)127. quod te isti facilem et festiuum putant, id non fieri ex uera uita neque adeo ex aequo et iusto, sed ex indulgendo atque assentando et largiendo, Micio (TerAd. 986-988)128. uel tu ais uel negas (PlautRud. 1331)129. apud saeclum prius (TerEun. 246)130. aucupium (TerEun. 247)131. Numerius Equitius Cuppes, inquit, et Manius Macellus singulari latrocinio multa loca habuerunt infesta. his in exsilium actis bona publicata sunt, aedes ubi habitabant dirutae eque ea pecunia scalae deum penatium aedificatae sunt. ubi habitabant, locus, ubi uenirent ea, quae uescendi causa in urbem erant allata. itaque ab altero Macellum, ab altero Forum Cuppedinis appellatum (VarrAntHum. 9, 1 Mirsch)132. concurrunt (TerEun. 256)133. salutant (TerEun. 259)134. ad cenam uocant (TerEun. 259)135. donat habere uiro decus et tutamen in armis (VergAen. 5, 262)136. ante ostium (TerEun. 267)137. tristem uideo (TerEun. 267)138. his certe — neque amor causa est — uix ossibus haerent (VergBuc. 3, 102)139. o noster, quid fit? quid agitur? (TerAd. 885)140. nihil dixit, ut sequerere sese? (TerEun. 735)141. ingens uirium (SallHist. 3 frg 91 M)142. diues opum (VergAen. 1, 14)143. abundans < lactis (VergBuc. 2, 20)144. summum suum impertit Gnatho Parmenonem (TerEun. 270-271)145. haec opera ut data sit (TerAd. 530)146. multos tamen ab adulescentia bonos insultauit (SallHist. 2 frg 23 M)147. nota tibi (VergAen. 1, 669)148. haut temere est uisum. c. conclamat ab agmine V. Volcens (VergAen. 9, 375)149. quibus aspera quondam uisa maris facies (VergAen. 5, 767-768)150. cum me ipsum <noris> quam elegans formarum spectator siem? in hac commotus sum (TerEun. 565-566)151. noua figura oris. — papae! (TerEun. 317)152. dabit ille ruinam a. arboribus (VergAen. 12, 453)153. in Eunuchum suam (TerEun. 32)154. ait, quid iam te, senium atque insulse sophista? (LucilSat. 15 frg 4 M)155. floccipendere (TerEun. 411)156. ergo alacris cunctosque p. putans e. excedere p. palma (VergAen. 5, 380)157. ubi quaeram, ubi inuestigem, quem perconter, quam insistam uiam, incertus sum (TerEun. 294-295)158. dum memor ipse mei (VergAen. 4, 336)159. non eadem arboribus pendet uindemia nostris (VergGeor. 2, 89)160. non eadem arboribus p. pendet u. uindemia n. nostris (VergGeor. 2, 89)161. nostri foeda fuga (SallJug. 38, 7)162. quae habitudo est corporis! (TerEun. 242)163. namque humeris de more habilem suspenderat arcum (VergAen. 1, 318)164. at nihil ad nostram hanc (TerEun. 361)165. taedet cotidianarum harum formarum (TerEun. 297)166. et sucus pecori et lac subducitur agnis (VergBuc. 3, 6)167. et Phrygiae molimur montibus Idae (VergAen. 3, 6)168. terribili impexum saeta c. cum d. dentibus a. albis (VergAen. 7,667)169. alma Venus c. caeli s. subter l. labentia s. signa (LucrRerNat. 1, 2)170. ni stulta sis (PlautMen. 110)171. nihil socordia claudebat (SallHist. frg. inc. 23 M)172. demiror (TerHec. 529)173. deamo te, Syre (TerHeaut. 825)174. ante fores autem et triclini limina quidam perditus Tiresia tussi grandaeuus gemebat (LucilInc. 110 M)175. Turnus ut infractos a. aduerso M. Marte L. Latinos d. defecisse u. uidet (VergAen. 12, 1-2)176. uerum: uidi Cantharam suffarcinatam (TerAnd. 769-770)177. haec superat ipsam Thaidem (TerEun. 231)178. o infortunatum senem, si et hic amare coeperit28 (TerEun. 298-299)179. corpora nondum conclamata iacent (LucPhars. 2, 22-23)180. agite amabo (TerEun. 130)181. facie honesta (TerEun. 230)182. et laetos oculis afflarat honores (VergAen. 1, 591)183. senex atque anus (TerHec. 621)184. aut quid petis istis? (VergAen. 9, 94)185. ista quidem qui n. nota m. mihi t. tua m. magne u. uoluntas I. Iuppiter (VergAen. 12, 808-809)186. audio et fateor (TerPho. 236)187. non audio (TerPho. 485)188. hoc tu his probabis (CicInc.)189. migrantis cernas (VergAen. 4, 401)190. tute hoc intristi, tibi hoc est exedendum, accingere (TerPho. 318)191. cum interea Metellus monte degrediens cum exercitu conspicatur, primo dubius quidnam insolita facies ostenderet (SallJug. 49, 5)192. numquam omnes hodie moriemur inulti (VergAen. 2, 670)193. id amabo adiuta me (TerEun. 150)194. audire uocem uisa sum modo militis (TerEun. 454)195. non dabitur regnis, esto, prohibere Latinis (VergAen. 7, 313)196. ait? aio (TerEun. 252)197. uel hic Pamphilus iurabat quotiens Bacchidi, quam sancte (TerHec. 60-61)198. magnas uero agere gratias Thais mihi? (TerEun. 391)199. uectus equo spumante Saces (VergAen. 12, 651)200. Tartessum, Hispaniae ciuitatem, quam nunc Tyrii mutato nomine Gaddirum habent (SallHist. 2 frg 5 M.)201. nulla meis sine te quaeretur gloria rebus, seu pacem seu bella geram: tibi maxima rerum uerborumque fides (VergAen. 9, 278-280)202. solam nam perfidus ille te < c. colere > (VergAen. 4, 421-422)203. inuidere omnes mihi (TerEun. 410)204. illa se i. iactet i. in a. aula Aeol. Aeolus et c. clauso u. uentorum c. carcere r. regnet (VergAen. 1, 140-141)205. fecundi leporis sapiens sectabitur armos (HoratSerm. 2, 4, 44)206. ceruam uidere fugere, sectari canes (TerPho. 7)207. iugularas (TerEun. 417)208. ibus denumerem stipendium (PlautMil. 74)209. emori cupio (TerHeaut. 971)210. lepus tute es et pulpamentum quaeris? (TerEun. 426)211. eone es ferox, quia habes imperium in beluas? (TerEun. 415)212. quid ni esset? (TerEun. 418)213. par pari34 referto, quod eam mordeat (TerEun. 445)214. uisaeque canes ululare per umbram aduentante dea (VergAen. 6, 257-258)215. quid est? ecquid attendis? ecquid animaduertis horum silentium? (CicCatil. 1, 20, 11)216. ecquid nos amas? (TerEun. 456)217. de fidicina (TerEun. 457)218. quique sui memores aliquos fecere merendo (VergAen. 6, 664)219. quae pacta in conuentione non praestitissent (SallHist. fr. inc. 24 M.)220. cuius aduersa uoluntate colloquio militibus permisso corruptio facta paucorum et exercitus Syllae datus est (SallHist. fr. 1, 91 M.)221. cupere ex Aethiopia (TerEun. 165)222. munus nostrum ornato uerbis quoad poteris (TerEun. 214)223. Siculo prospexit a. ab u. usque P. Pachyno (VergAen. 7, 289)224. carcer uix carcere dignus (LucilSat. 3, 1, 1, 10 Marx)225. eunuchum uelle dixti te, quia solae utuntur his reginae: repperi (TerEun. 167-168)226. atque integer aeui (VergAen. 9, 255)227. et laetos oculis afflarat honores (VergAen. 1, 591)228. quid tu ais, Gnatho? numquid habes quod contemnas? — tacet: satis laudat (TerEun. 475)229. quid tu, Thraso? (TerEun. 475)230. docte sermones utriusque linguae (HoratCarm. 3, 8, 5)231. nouimus et qui te (VergBuc. 3, 8)232. qui se uidente amicam patiatur suam (TerHeaut. 913)233. et istum aemulum quod pote<ri>s ab ea pellito (TerEun. 214-215)234. dehonestamento [tamen esse] corporis maxime laetabatur (SallHist. 1, frg, 88 M.)235. non sibi <soli> postulat te uiuere et sua causa excludi ceteros neque pugnas narrat (TerEun. 480-482)236. neque tibi obstat (TerEun. 483)237. ubi <tu uoles, ubi> tempus tibi erit (TerEun. 484-485)238. ait? aio (TerEun. 252)239. seruum hominem causam orare leges non sinunt (TerPho. 292)240. et istum aemulum, quoad poteris, ab ea pellito (TerEun. 214-215)241. domini pauperis miserique (TerEun. 486-487)242. eorum ingenia admiror simul (TerEun. 250)243. quem? quemnam? recte admones, Polycletum esse dicebant (CicVerr. 2, 4, 5, 10-11)244. leti discrimine paruo n. ni t. teneant c. cursus ; c. certum < e. est > d. dare l. lintea r. retro (VergAen. 3, 685-686)245. ne uult (PlautEpid. 586)246. ecqua inde parua perisset soror (TerEun. 521)247. at uide, quam immerito aegritudo haec oritur mihi abs te, Sostrata (TerHec. 223)248. minore numquam fui dispendio (PlautMen. 485)249. tempus constitutum est (TerEun. 541)250. locus constitutus est (TerEun. 541)251. Chaeream ei rei praefecimus (TerEun. 540-541)252. Eurypylum scitantem37 o. oracula Ph. Phoebi m. mittimus (VergAen. 2, 114-115)253. pro Iuppiter (TerEun. 550)254. et studio incassum uideas gestire lauandi (VergGeor. 1, 387)255. at ne tum quidem emersisti, lutulente, quaeso, ex naturae tuae sordibus (CicPis. 12, 27)256. primum ab eo animaduertenda iniuria (TerAnd. 156)257. inibis a me solidam et grandem gratiam (PlautCurc. 405)258. ut pernoscatis, quid sibi Eunuchus uelit (TerEun. 45)259. quid mihi uelim (TerEun. 556)260. sanus sim anne insaniam (TerEun. 556)261. O pietas animi (EnnAnn. 1 frg 15 M.)262. arripui (TerEun. 571)263. uos me sequimini (TerEun. 506)264. haecine erant itiones (TerPho. 1012)265. hunc, oro, sine me furere ante furorem (VergAen. 12, 680)266. ego homuncio hoc non facerem? (TerEun. 591)267. quam mox uirginem accersant (TerAd. 889-890)268. imus, uenimus, <uidemus> (TerPho. 103)269. Oceanum interea surgens Aurora reliquit (VergAen. 11, 1)270. dum lauamur (TerEun. 595)271. namque ut conspectu in medio turbatus i. inermis c. constitit (VergAen. 2, 67-68)272. uobis laetus e. ego h. hoc c. candentem i. in l. litore t. taurum c. constitutam a. ante a. aras u. uoti reus (VergAen. 5, 236-237)273. accipio tristis (TerEun. 596)274. et fidibus scire (TerEun. 133)275. cantando tu illum? (VergBuc. 3, 25)276. uasto certamine tendunt (VergAen. 12, 553)277. multa putans sortemque animi miseratus iniquam (VergAen. 6, 332)278. prius adero40 quam te amare desinam (PlautBacch. 100)279. sine te amem (PlautBacch. 19)280. nam ut ex mari timida es (PlautBacch. 106)281. uxorem inquit Philumenam pauitare nescio quid dixerunt (TerHec. 320-321)282. addit se sociam timidisque superuenit Aegle, <Aegle>, naiadum pulcherrima (VergBuc. 6, 20-21)283. carcer uix carcere dignus (LucilSat. 3, 1, 1, 10)284. occultum i. inspires i. ignem fq. fallasque ueneno (VergAen. 1, 688)285. longumque b. bibebat a. amorem (VergAen. 1, 749)286. praesente amicis inter cenam d. d??? o. o??? (PompErg. Ribb. 3, frg. 2)287. id praesente legatis omnibus exercitu pronuntiat (VarrMarc. Gramm. 47, 2 Funaioli.)288. festinantibus in summa inopia patribus (SallHist. 2, frg. 46 M.)289. urbem quam statuo, uestra est (VergAen. 1, 573)290. temptatura p. pedes o. olim u. uincturaque l. linguam (VergGeor. 2, 94)291. mea tu (TerAd. 289)292. amabo (TerEun. 664)293. in mentem tibi non uenit causam45 publicam sustinere (CicDivCaec. 8, 27)294. conclusam hic habeo uxorem saeuam (TerPho. 744)295. haec nox scita est exercendo scorto conducto male (PlautAmph. 288)296. quid tibi interrogatio47 aut <in> consilium huc accessio? (PlautTrin. 709)297. quid tibi acceptio est argumentum aut de meo amore uerbificatio est patri? (CaecHarp. frg 63, Ribbeck)298. adornant, ut lauet (TerEun. 582)299. adornant, ut lauet (TerEun. 582)300. athyonidi50 satin ex facie florem delegeris (LucilSat. 1, frg. 19 M.)301. spectator formarum elegans (TerEun. 565)302. uietam uestem (LucrRerNat. 3, 386)303. ueteris poetae maledictis respondeat (TerAnd. 7)304. αὐτός ἐστιν γαλεώτης γέρων (MenEun. frg. 3 Meineke)305. γαλῆ (MenInc. 188.1)306. ἥσθην γαλεώτῃ καταχέσαντι Σωκράτους (AristophNub.174)307. contra firmam argumentationem aliam aeque firmam aut firmiorem opponamus (CicInv. 1, 51, 96)308. senem mulierem (TerEun. 357)309. sola mihi talis c. casus C. Cassandra c. canebat (VergAen. 3, 183)310. temulenta es (TerEun. 655)311. en ego uicta situ (VergAen. 7, 452)312. pulsus ego (VergAen. 11, 392)313. concordia discors (LucPhars. 1, 98)314. sequiturque sequentem (VergAen. 11, 695)315. educata ita, ut teque illaque dignum est (TerEun. 748)316. nescis quod scis, Dromo, si sapis (TerHeaut. 748)317. pedes captat primo, luctator dolosus est (PlautPseud. 1251)318. temptatura pedes olim uincturaque linguam (VergGeor. 2, 94)319. uerum illud uerbum est, uulgo quod dici solet (TerAnd. 426)320. ubi friget, huc euasit (TerEun. 517)321. ut multos mensesque diesque, non tamen aetatem (LucilSat. 1, frg 17 M.)322. deponunt animos n. nil m. magnae l. laudis e. egentis (VergAen. 5, 751)323. quasi tu dicas factum id consilio meo (TerAnd. 502)324. adfuit et Mnestheus (VergAen. 10, 143)325. sine modo (TerEun. 65)326. ut ego illi facile in oculos inuolem uenefico! (TerEun. 648)327. arma, pecuniam sume utere, et quoad uixeris, numquam tibi redditam gratiam putaris: semper apud me integra erit56 (SallJug. 110, 4)328. quicum res tibi est, peregrinus est, minus potens quam tu, m. minus n. notus , m. minus a. amicorum h. hic h. habens (TerEun. 759-760)329. apage amor (PlautTrin. 257)330. omnia prius experiri quam a. armis s. sapientem d. decet (TerEun. 789)331. aut quid petis istis? (VergAen. 9, 94)332. ne quam contumeliam (SallJug. 58, 5, 4)333. desuetaque bello a. agmina i. in a. arma u. uocat s. subito fq. ferrumque r. retractat (VergAen. 7, 693-694)334. ipse u. uocat p. pugnas ; s. sequitur t. tunc < c. cetera > p. pubes (VergAen. 7, 614)335. quicquid d. dicunt l. laudo (TerEun. 251)336. sola mihi talis casus C. Cassandra c. canebat (VergAen. 3, 183)337. quae, malum, haec impudentia est? (PlautEpid. 710)338. pecuniam in loco n. neglegere m. maximum i. interdum <est> l. lucrum (TerAd. 216)339. et in proeliis actu promptus (SallHist. frg. 5, 4, 1 M.)340. nimirum dabit haec Thais mihi m. magnum m. malum (TerEun. 508)341. si te in platea hac offendero posthac, q. qvod d. dicas m. mihi "alium quaerebam, iter hac habui", peristi (TerEun. 1064-1065)342. sequimini (TerEun. 772)343. post principia (TerEun. 781)344. mane (TerEun. 788)345. quid agimus? (TerEun. 1088)346. hos prius introducam (TerEun. 492)347. nimia est miseria nimis pulchrum esse hominem (PlautMil. 68)348. iubeo Chremetem (TerAnd. 533)349. id rursum si negant, laudo id quoque (TerEun. 251)350. et fidum c. capiti s. subduxerat e. ensem (VergAen. 6, 524)351. libenter ait se facturam (CicVerr. 2, 1, 138, 4)352. renumeret d. dotem h. huc e. eat (TerHec. 502)353. nisi tibi mauis eripi (TerEun. 796)354. cantando tu illum? (VergBuc. 3, 25)355. tu illam tangas? (TerEun. 797)356. state, uiri. quae c. causa u. uiae ? q. quiue e. estis i. in a. armis ? (VergAen. 9, 376)357. delibera hoc, dum ego redeo, leno (TerAd. 196)358. si uim faciet, in ius ducito hominem (TerEun. 768)359. furta paro belli (VergAen. 11, 515)360. et dulcia furta (VergGeor. 4, 346)361. quae quis apud superos, furto l. laetatus i. inani , distulit i. in s. seram c. commissa p. piacula m. mortem (VergAen. 6, 568-569)362. omnia prius experiri q. quam a. armis s. sapientem d. decet (TerEun. 789)363. idem hoc tu ais, Thais? (TerEun. 810)364. primum aedis (TerEun. 773)365. multa putans s. sortemque a. animo m. miseratus i. iniquam (VergAen. 6, 332)366. decora domi (CaecInc. frg. 34 Ribb.)367. quamquam domi cupio, opperiar tamen (PlautTrin. 842)368. en ego uicta situ q. quam u. ueri e. effeta s. senectus (VergAen. 7, 452)369. nec tacui demens etc. (VergAen. 2, 94)370. ne retice, ne uerere (TerHeaut. 85)371. hem, quid nunc obtices62? (TerPho. 938)372. uipera (IuvSat. 6, 641)373. excetra (PlautPseud. 218)374. sacrilega (TerEun. 829)375. id uero serio t. triumphat (TerEun. 393)376. scelesta (TerEun. 817)377. uenefica (TerEun. 825)378. hos prius introducam et quae uolo simul i. imperabo : p. post h. huc c. continuo e. exeo (TerEun. 492-493)379. edicit ne u. uir q. quisquam a. ad e. eam , < a. adeat e. et > m. mihi n. ne a. abscedam i. imperat (TerEun. 578)380. tace, egomet conueniam ipsum (TerAd. 209)381. ueritas inest i. in u. uultu a. atque < i. in > u. uerbis f. fides (TerAnd. 857)382. dominam esse extra noxiam68 (TerHeaut. 298)383. unguibus o. ora s. soror f. foedans et p. pectora p. pugnis (VergAen. 4, 673)384. praedam p. pedibus c. circumuolat u. uncis (VergAen. 3, 233)385. descendo ac d. ducente d. deo f. flammam i. inter et h. hostis e. expedior (VergAen. 2, 632-633)386. hinc me digressum u. uestris d. deus a. adpulit o. oris (VergAen. 3, 715)387. ut tanta repente mutatio non sine deo uideretur (SallHist. 4, frg. 60 M)388. non obtusa adeo gestamus pectora Poeni (VergAen. 1, 567)389. egregiam uero laudem et s. spolia a. ampla r. refertis t. tuque p. puerque t. tuus (VergAen. 4, 93-94)390. at non in Venerem segnes nocturnaque bella (VergAen. 11, 736)391. ueretur bella et ingens facinus (PoetInc.)392. (PoetInc.)393. uicimus, o socii, et magnam pugnauimus pugnam (LucilInc. 111 M)394. dabit ille ruinam arboribus s. stragemque s. satis (VergAen. 12, 453-454)395. egregiam uero laudem (VergAen. 4, 93)396. quem? quemnam? (CicVerr. 2, 4, 3, 5)397. huic supponatur hircus unctus nautea (PlautCas. 1018)398. illa g. gradum s. studio c. celebrabat a. anili (VergAen. 4, 641)399. an in astu uenit? (TerEun. 987)400. gladiatori illi confecto et saucio (CicCatil. 2, 24, 5)401. hoc nemo fuit minus ineptus, magis78 seuerus q. quisquam n. nec m. magis c. continens (TerEun. 226-227)402. panem in dies mercari (SallJug. 44, 5, 8)403. foedi oculi (SallCat. 15, 5, 2)404. atque illi Misenum in l. litore s. sicco u. ut u. uenere u. uident i. indigna m. morte p. peremptum (VergAen. 6, 162-163)405. cantu uocabat in c. certamina d. diuos (VergAen. 6, 172)406. sed quidnam P. Pamphilum e. exanimatum u. uideo ? uereor quid siet. o. opperiar u. ut s. sciam n. num q. quid h. haec t. turba t. tristitiae a. adferat (TerAnd. 234-235)407. quam amabat uirginem83, eam confeci sine molestia (TerEun. 928)408. adeo nobilem (TerEun. 204)409. ubi quaeram, u. ubi i. inuestigem (TerEun. 294)410. ho, tune is eras? (TerPho. 945)411. equidem orante, ut ne id f. faceret , Thaide (TerEun. 956)412. qui tibi ad F. Forum A. Aurelium p. praestolarentur a. armati (CicCatil. 1, 24, 2)413. quasi de i. improuiso r. respice a. ad e. eum (TerAnd. 417)414. et uox faucibus haesit (VergAen. 2, 774; 3, 48; 4, 280; 12, 868)415. beneuolens tuus atque amicus. — satin salue? dic mihi (PlautTrin. 1177)416. inde ortus sermo percunctantibus utrimque, satin salue, quam grati ducibus suis, quantis familiaribus copiis agerent (SallHist. frg 1, 34, 1)417. et quicquid huius feci, causa uirginis feci (TerEun. 202-203)418. Thaidi (TerEun. 983)419. pro eunucho (TerEun. 991)420. pro eunucho (TerEun. 991)421. an potius ita me comp. comparem non per. perpeti meretricum contumelias ? (TerEun. 47-48)422. audaciam meretricum specta (TerEun. 994)423. non perpeti meretricum contumelias? (TerEun. 48)424. alterae dum n. narrat , f. forte a. audiui (TerHeaut. 271-272)425. quantum hic o. operi f. fiat p. paenitet (TerHeaut. 72)426. paenitetne te quod ancillam solam? (PlautTruc. 533)427. an miseros qui Troas Achiuis obiecit? (VergAen. 10, 89-90)428. confossiorem te faciam soricina nenia (PlautBacch. 888-889)429. iam dudum te amat (TerEun. 448)430. iam haec tibi aderit s. supplicans u. ultro (TerEun. 811-812)431. hancine ego ut contumeliam tam insignem in m. me a. accipiam , G. Gnatho ? m. mori m. me s. satius est (TerEun. 771-772)432. simplex munditiis, heu quotiens fidem mutatosque deos flebit et aspera nigris aequora uentis et mirabitur insolens, qui nunc te fruitur credulus aurea (HoratCarm. 1, 5, 5-9)433. unde igitur potius incipiam? (CicVerr. 2, 4, 3, 1)434. formosum pastor Corydon ardebat Alexin, delicias d. domini , n. nec q. quid s. speraret h. habebat (VergBuc. 2, 1-2)435. precario (TerEun. 319)436. accingunt o. omnes o. operi (VergAen. 2, 235)437. pol, Crito, a. antiquum o. obtines (TerAnd. 817)438. <ego> quae in rem tuam sint ea uelim facias (TerPho. 449)439. ego sedulo hunc dixisse credo (TerPho. 453)440. ego amplius deliberandum censeo (TerPho. 457)441. accingunt o. omnes o. operi (VergAen. 2, 235)442. agrum in his r. regionibus m. meliorem n. neque p. preti m. maioris n. non h. habet (TerHeaut. 63-64)443. pendetque i. iterum n. narrantis a. ab o. ore (VergAen. 4, 79)444. multa uiri u. uirtus a. animo (VergAen. 4, 3)445. et habet quod det et dat nemo largius (TerEun. 1078)446. illos p. porticibus rex a. accipiebat i. in a. amplis (VergAen. 3, 353)447. facete, lepide, laute, n. nil s. supra (TerEun. 427)448. nescis qui uir siet (TerAd. 723)449. ornatus esses ex tuis uirtutibus (TerAd. 176)450. hunc ego c. comedendum et d. deridendum censeo (TerEun. 1087)

Notice Editoriale

Aelii Donati in Eunuchum Terenti commentum
[fr] Commentaire d'Aelius Donat à L'Eunuque de Térence[en] Aelius Donatus' Commentary on Terence's EunuchusAeli Donati quod fertur Commentum Terenti (Vol. 1.2)

Ediderunt, interpretati sunt et adnotauerunt :

[fr] Edition, traduction et commentaire :[en] Edition, translation and commentary by :Bruno Bureau (PR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Christian Nicolas (PR) - Université Jean Moulin-Lyon 3Emmanuelle Raymond (MCF) - Université d'Angers

Auxilio editoribus fuerunt :

[] Assistants à l'édition : [] Assistants to Editors : Sarah Blanchonnet (Professeur agrégé) - Muriel Claisse (Docteur, professeur de classes préparatoires) - Audrey Ferlut (Professeur certifié, docteur) - Marie Formarier (Professeur agrégé, docteur, ATER) - Christelle Laizé (Docteur, professeur de classes préparatoires) - Johanne Lévy (Docteur, professeur de classes préparatoires) - Gaspard Mourier (étudiant) - Cécile Reboul (Professeur de classes préparatoires) - Mireille Revelut (Professeur certifié) - Gérard Salamon (MCF) - ENS LyonFranck Testard (Professeur agrégé) - EditeurUniversité Jean Moulin-Lyon 3UMR 5189 (HiSoMA)AHN (Atelier des Humanités Numériques) ENS LyonLyon2011-04-19

Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti 1.2

Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti accedunt Eugraphi Commentum et Scholia Bembina recensuit Paulus Wessner, Lipsiae, in Aedibus B. G. Teubneri, 1902.Editio textus latini sine ulla translatione a pagina tomi primi editionis Pauli Wessner 263 ad paginam 497. [fr] Edition en latin du commentaire pages 263-497 de l'édition Wessner, tome 1.[en] Latin text without translation corresponding to pages 263-497 of Wessner's edition, vol. 1.

Collection

Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti
[fr] Commentaires de Donat aux comédies de Térence[en] Donatus' Commentary on TerenceAeli Donati quod fertur Commentum Terenti (Vol. 1)EditeurUniversité Jean Moulin-Lyon 3UMR 5189 (HiSoMA)AHN (Atelier des Humanités Numériques) ENS LyonLyon2009-07-27