Aelii Donati in Phormionem Terenti commentum
Praefatio
I. postqvam poeta vetvs poetam non potest
1 Hanc comoediam manifestum est prius
ab Apollodoro sub alio nomine, hoc est
Epidicazomenes
1, Graece scriptam esse quam
Latine a Terentio Phormionem. quamobrem nulla dubitatio est hanc
solam esse, cui nomen poeta mutauerit, et errare eos, qui in
hac2 Phormionem parasitum putant a formula litis,
quam intenderit, nominatum, cum Graeca lingua Formio 3 fiscus sparteus et stramen
nauticum sic dicatur : a cuius rei uel capacitate uel uilitate etiam
ab Apollodoro parasitus Phormionis nomine nuncupatur. 2 haec igitur4
tota motoria est 3 et in affectibus
constituta paene maioribus quam comicus stilus posceret, nisi quod
arte poetae omnia moderata sunt. 4 primas in ea partes, ut ipse poeta professus est,
tenet Phormio, secundas Geta, tertias Demipho, subinde ceteri, prout
cuiusque actus5 ostendit. 5 prologus Phormionis nimis concitatus est, adeo ut
ipse semet ueluti reprehendat ob hanc ipsam peruicaciam et simul
argumentum suae purgationis inducat. atque in ea cum et πρότασις et ἐπίτασις et καταστροφή magni moliminis
et negotii sint, ita uariis leporibus asperguntur, ut etiam rerum
tristium grauitatem poeta lepidus comica serenitate tranquillet.
6 haec acta est ludis Megalensibus
L.
Lucio
Cornelio Merula aedili curuli et
L.
Lucio
Postumio Albino6 , agentibus
L.
Lucio
Cassio,
L.
Lucio
Atilio7 et
L.
Lucio
Ambiuio, modos faciente Flacco Claudi
liberto8 ,
tibiis Serranis tota. 7 deuerbiis
quoque facetissimis et gestum desiderantibus scaenicum et
suauissimis ornata canticis fuit. 6* editaque est quarto loco
M.
Marco
Valerio
C.
Caio
9
Fannio consulibus. 8 persona etiam in
huius protasi non una est, sed duae, quarum altera extra argumentum
posita est, cui narratur fabula, altera in argumento, quae narrat
fabulam. 9 argumentum quoque non
simplicis negotii habet nec unius adulescentis, ut in Hecyra, sed
duorum, ut in ceteris fabulis. 10 scire autem conuenit uno die transigi Phormionem,
non ut Heautontimorumenon duobus. 11
Πρόλογος
correpte ἀπὸ
τοῦ προλέγειν
dicitur, non producte ἀπὸ
τοῦ πρῶτον λέγειν
, nam officium prologi ante narrationem10 quidem rei semper est,
uerumtamen et post principium fabulae inducitur, ut apud Plautum in
Milite glorioso et apud ceteros magnae auctoritatis ueteres
poetas.
I. postqvam poeta vetvs poetam non potest
1 Il est évident que cette comédie a
d'abord été écrite, en grec, par Apollodore, sous un autre titre,
La jeune fille mariée par jugement (Epidikazoménè), avant que
Térence n'écrive son Phormion en latin. Il n'y a aucun
doute que cette comédie soit la seule dont le poète a changé le
titre, et que ceux qui pensent que, dans cette comédie, Phormion, le
parasite, a été nommé d'après la formule du procès qu'il a intenté
se trompent, puisque, en grec, on appelle
phormio
une corbeille de sparterie et une litière de marin.
C'est à cause de la capacité ou de l'insignifiance de cet objet que
le parasite est désigné du nom de Phormion même par Apollodore.
2 Cette comédie est donc tout entière
une pièce pleine de mouvements, 3 et
elle est composée de passions qui seraient presque plus grandes que
ce qu'exige le genre comique, si ce n'était le fait qu'elle sont
toutes tempérées par l'art du poète. 4 Comme le poète l'a lui-même déclaré, Phormion tient
le premier rôle dans cette pièce, Géta tient le second, Démiphon, le
troisième, et les autres viennent ensuite, dans l'ordre qu'impose la
part de chacun dans l'action. 5 Le
prologue du Phormion est extrêmement véhément, au point
que l'auteur se fait comme des reproches à lui-même au sujet de cet
acharnement et qu'il introduit en même temps l'argument nécessaire à
sa justification. Et comme, dans cette comédie, à la fois
l'exposition (πρότασις), le nœud (ἐπίτασις) et le dénouement
(καταστροφή)
pouvaient comporter un gros effort et un gros travail, elles sont
saupoudrées de traits d'humour variés, de telle sorte que le
plaisant poète apaise, par sa comique sérénité, la gravité d'une
situation sombre. 6 La pièce a été
jouée aux Jeux Mégalésiens alors que Lucius Cornelius Merula et
Lucius Postumius Albinus étaient édiles curules, sous la direction
de Lucius Cassius, Lucius Atilius et Lucius Ambivius, avec une mise
en musique, pour la totalité de la pièce, de Flaccus, affranchi de
Claudius, à la flûte tyrienne. 7 Elle
est également parée de parties parlées très plaisantes et qui
appellent le jeu de scène, ainsi que de parties chantées très
agréables. 6* Et elle a été publiée à la quatrième place, sous le
consulat de Marcus Valerius et de Caius Fannius. 8 Dans l'exposition de celle-ci, le personnage n'est
pas unique, mais il y en a deux : l'un est extérieur à l'intrigue,
et c'est pour lui que l'on raconte la pièce ; l'autre est interne à
l'intrigue, et c'est lui qui raconte la pièce. 9 La pièce possède un argument qui ne repose pas sur
une intrigue simple et un seul jeune homme, comme dans
L'Hécyre, mais sur deux intrigues et deux jeunes gens,
comme dans toutes les autres pièces. 10 Il faut savoir que le Phormion se passe
en un seul jour, et non en deux, comme
L'Héautontimorouménos. 11 On dit
πρόλογος
(prologue) avec un o bref comme dans
προλέγειν
(parler avant), et non avec un o long comme dans
πρῶτον λέγειν
(parler en premier), car la fonction du prologue
intervient certes avant la narration de l'intrigue, mais cependant
elle est parfois introduite après le début de la pièce, comme chez
Plaute dans Le Soldat fanfaron et chez d'autres poètes
anciens de grande importance563.
II. Cum Chremes Demiphonis frater
adscito sibi ad fallaciam nomine, quod11 Stilphonem se dici fecerat, duas eodem
tempore habuisset uxores, Athenis diuitem, pauperem Lemni, ex diuite
sustulit filium, qui dictus est Phaedria, ex paupere furtim suscepit
atque educauit filiam, Phanium nomine, eamque consilio cum fratre
habito destinauit filio suo12 Antiphoni uxorem dare.
quibus complacitis uno tempore profecti Athenis senes, Demipho in
Ciliciam, Chremes Lemnum ad accersendam filiam, quae iam illinc cum
matre nauigauerat, occasionem dederunt amandi adulescentibus. nam
statim Phaedria citharistriam sub lenone coepit ardere, Antipho
illam filiam patrui Phanium desponsatam sibi nesciens nescientem,
mox ut Athenas uenit nec patrem repperit falsa13 duplici eius nomine, matrem mortuam dum
lamentatur, adamauit consilioque et opera parasiti secundum leges
Atheniensium, quasi14 sibi cognata esset, tamquam in iure uictus et
uelut coactus eam accepit uxorem per absentiam patris. qui cum
aduenisset et eam uellet expellere, primo confutatur per impudentiam
parasiti, post cum suo fratre sic decipitur, ut dum eam credit ab
Antiphone posse disiungi, eam parasitus ipse ducat uxorem
et15
det ducturo triginta minas praesentis dotis puellae nomine,
quas Phormio acceptas Phaedriae dedit, ille lenoni ad citharistriam
redimendam. quibus gestis tandem Chremes agnoscit filiam suam
coniunctam esse fratris filio. quare mutato consilio dum triginta
minas a Phormione per rixam conatur exigere, per eundem proditus
uxori suae Nausistratae et aperte16 libidinis reus non ante
ueniam meruit a matre familias, quam et triginta minarum et amoris
citharistriae ueniam dedisset filio.
II. Chrémès, frère de Démiphon, ayant
pris un nom d'emprunt pour mener à bien une fourberie et s'étant
fait appeler Stilphon, avait eu deux épouses en même temps, une
riche à Athènes, et une pauvre à Lemnos ; de celle qui était riche,
il conçut un fils que l'on appela Phédria, et de celle qui était
pauvre, une fille du nom de Phanium, qu'il eut et éleva en
cachette ; après s'être concerté avec son frère Démiphon, il la
destina à épouser le fils de celui-ci, Antiphon. Une fois conclus
ces projets qui les satisfaisaient l'un et l'autre, les deux
vieillards quittèrent Athènes : Démiphon partit en Cilicie, et
Chrémès alla à Lemnos chercher sa fille, qui en était déjà partie en
bateau avec sa mère ; par leur départ, les deux vieillards donnèrent
aux jeunes gens l'occasion de tomber amoureux. De fait,
sur-le-champ, Phédria s'enflamma pour une joueuse de cithare qui
était sous la coupe d'un entremetteur ; d'autre part, sans qu'aucun
des deux ne connaisse l'identité de l'autre, Antiphon s'éprit de
Phanium, la fille de son oncle qui lui était fiancée, alors que, peu
après l'arrivée de la jeune fille à Athènes, induite en erreur par
la double identité de son père, elle ne retrouvait pas ce dernier,
et qu'elle pleurait sa mère morte ; grâce aux conseils et au
concours d'un parasite, Antiphon épousa Phanium durant l'absence de
son père, en faisant comme si elle était une parente, qu'il avait
perdu un procès et qu'il était forcé de la prendre pour femme. Une
fois le père revenu, il veut chasser la jeune fille : il est tout
d'abord confondu par l'effronterie du parasite ; puis, en même temps
que son frère, il est induit à croire faussement que, tandis que
pour sa part il pense que le mariage de Phanium avec Antiphon peut
être rompu, le parasite lui-même va se marier avec elle, et qu'il
doit donner à ce dernier, pour qu'il l'épouse, trente mines à titre
de dot pour la jeune fille ; une fois cette somme reçue, Phormion la
donne à Phédria, qui la donne à son tour à l'entremetteur pour
racheter la joueuse de cithare. Mais sur ces entrefaites, Chrémès
reconnaît finalement que c'est sa fille qui a été mariée au fils de
son frère. C'est pourquoi, alors qu'il a changé d'avis, et pendant
qu'il entreprend de réclamer à Phormion les trente mines et qu'il se
querelle avec lui, ce dernier le dénonce à sa femme Nausistrata ;
accusé ouvertement de débauche, il n'obtient pas le pardon de la
mère de famille avant qu'il n'ait donné les trente mines à son fils
et qu'il ne lui ait pardonné de s'être épris d'une joueuse de
cithare.
III. 1 Primus actus in colloquio est Daui et Getae, per
quos discit populus argumentum. 2 secundi actus tenor continet aduentum senis
turbulentum et eiusdem iurgium aduersus Getam et Phaedriam17. 3 tertio actui attribuitur litigium senis et
Phormionis, tum consultatio cum aduocatis, tum Antiphonis in scaenam
reditus colloquiumque cum Geta, tum lenonis ac Phaedriae
colluctatio, tum adhortatio Getae de inueniendo argento ad
redimendam Phaedriae citharistriam. 4 quartum actum ista concelebrant: aduentus Chremetis
eiusdemque cum fratre deliberatio per errorem de eicienda Phanio,
Getae uerba de fallendis senibus, Antiphonis oratio apud semet ipsum
de amore tractantis, Getae rursus cum senibus callida et mox cum Antiphone18 de eadem causa simplex disputatio,
senum inter se colloquium de expulsione mulieris et ad extremum
uerba Chremetis agnoscentis nutricem ac per eandem filiam suam cum
Antiphone coniunctam. 5 in quinto
actu per Demiphonis errorem Phormio accipit argentum dotis nomine et
conuenitur Nausistrata, ut exire domo compellat Phanium. a
patre cognitam19 permissamque, ut uxor
uxor20 habeatur, per Getam Antiphoni
et Phormioni nuntiatur21 . quae cum
ita nupta sit, exposcitur argentum a Phormione per rixam senum, a
quibus ille oppressus rem omnem aperit Nausistratae. ad quod primum
irata ut in tali re uxor mox lenitur in fine fabulae et tutissimum a
patris iracundia praestat Phaedriam.
III. 1 Le premier acte consiste en une conversation entre
Dave et Géta ; il permet au public d'apprendre l'argument de la
pièce. 2 On trouve, au cours du
second acte, l'arrivée perturbatrice du vieillard et l'altercation
qui oppose celui-ci à Géta et Phormion. 3 On place dans le troisième acte la dispute entre le
vieillard et Phormion et aussi la consultation des avocats, le
retour d'Antiphon en scène et sa conversation avec Géta, la lutte
entre l'entremetteur et Phédria, et également l'exhortation de Géta
à trouver de l'argent pour racheter la joueuse de cithare de
Phédria. 4 Voici les nombreux faits
qui occupent le quatrième acte : arrivée de Chrémès qui se demande,
avec son frère, tout en se méprenant, s'il faut chasser Phanium,
propos de Géta sur le fait de tromper les vieillards, discours à
part soi d'Antiphon qui discute de l'amour, et ruses de Géta à son
retour en compagnie des vieillards et, peu après, simple échange
d'arguments avec Antiphon sur le même sujet, dialogue des deux
vieillards seul à seul, au sujet de l'éviction de la femme et pour
finir, propos de Chrémès quand il reconnaît la nourrice et qu'il
comprend grâce à elle que c'est sa fille qui a été mariée à
Antiphon. 5 Dans le cinquième acte,
Phormion, à la faveur de la méprise de Démiphon, reçoit l'argent à
titre de dot et Nausistrata se laisse convaincre de forcer Phanium à
quitter la maison. Son père la reconnaît et autorise l'épouse à être
traitée en épouse, ce qu'Antiphon et Phormion apprennent grâce à
Géta. Ainsi, puisqu'elle est mariée, les vieillards réclament
l'argent à Phormion et se querellent avec lui, et lui, alors qu'ils
font pression sur lui, révèle toute l'affaire à Nausistrata. Elle se
met d'abord en colère, comme le fait une épouse en pareil cas, mais
s'apaise bientôt, à la fin de la pièce, et garantit la totale
protection de Phédria contre la colère de son père.
Prologus
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34
Postquam poeta uetus poetam non
potest
Depuis que le vieux poète ne peut au
poète
1
postqvam poeta
vetvs poetam non potest hoc initium ad
destructionem22 personae aduersarii
sumitur coniunctum cum insinuatione personae Terentianae.
2 postqvam poeta vetvs
p.
poetam
n.
non
p.
potest
nota postquam apud ueteres non praeterito
modo sed etiam praesenti tempori23
adiungi, ut «
postquam nos Amaryllis habet, Galatea reliquit
1 ». quamquam sunt qui postquam pro quoniam accipi uelint. 3 postqvam poeta
v.
vetvs
p.
poetam
n.
non
p.
potest
24 qui iam diu est, non qui
iam diu fuit. ergo ut uinum
uetus, non25 uetus
Ennius26 . 4 postqvam poeta vetvs poetam iucunda
repetitio, ut «
diua deam
2 » et «
notos pueri27 puer
i.
indue
u.
uultus
3 ». 5 postqvam poeta vetvs poetam non
potest ἀντίθετον primum per σύλλημψιν primam, ita ut
extrinsecus nouum
audiri28
poetam oporteat.
1
postqvam poeta
vetvs poetam non potest ce début est employé pour ruiner
la personne de l'adversaire et aussi pour introduire de manière
détournée le personnage de Térence. 2 postqvam poeta vetvs poetam non potest
remarquez que, chez les Anciens, postquam s'emploie non seulement avec
le passé, mais aussi avec le présent, comme dans « postquam nos
Amaryllis habet, Galatea reliquit » (depuis qu'Amaryllis nous
tient, Galatée nous a quitté). Mais il y a des gens pour lire
postquam pour quoniam (puisque). 3 postqvam poeta vetvs poetam non potest
poeta uetus
signifie qui iam diu
est (qui vit depuis longtemps), et non pas qui iam diu fuit (qui a vécu il y a
longtemps) ; il faut donc comprendre uetus comme dans uinum uetus (un vin vieux) et non pas
comme dans uetus Ennius
(le vieil Ennius)564. 4
postqvam poeta
vetvs poetam la répétition est agréable, comme dans « diua
deam » (déesse s'adressant à une déesse) et « notos pueri puer
indue uultus » (enfant, revêts les trais, qui te sont connus, de
cet enfant). 5 postqvam poeta vetvs poetam non
potest antithèse (ἀντίθετον) de la première catégorie par
syllepse (σύλλημψις) de la première catégorie, de
sorte qu'il faut comprendre implicitement un poète nouus (nouveau).
retrahere a studio et transdere hominem
in otium,
arracher son étude et le pousser
l'homme à l'oisiveté,
1
retrahere a
stvdio sic loquitur, quasi rem scaenicam magis laedere
uoluerit Luscius quam Terentium. 2
transdere tradere : ueteres sonantius, quod nos
lenius tradere, ut
translatum, nos tralatum e contrario29 . 3 et transdere hominem comice et uenuste
inseruit hominem, ut
Laeuius «
ter hinc anus conserua tam cat<e> id dedit † hu
<***> dedecus erat †
4 »30
.
1
retrahere a
stvdio c'est dit comme si Luscius avait voulu faire du
tort au théâtre plus qu'à Térence. 2 transdere pour tradere ; les Anciens prononçaient
ainsi d'une manière plus sonore ce que nous prononçons, nous, de
façon plus douce tradere,
comme translatum, alors
que nous disons, nous, tralatum. 3 et transdere hominem il greffe hominem de façon comique et élégante,
comme chez Laevius « ter hinc anus conserua tam cat<e> id
dedit † hu <***> dedecus erat † » (trois fois alors la
vieille, compagne d'esclavage, l'a donné avec force ruse, ....
c'était une honte)565.
maledictis deterrere ne scribat
parat ;
par ses insultes, c'est à le détourner
d'écrire qu'il s'emploie.
1
maledictis
deterrere sensus hic est: ipse se
aduersarius, inquit, fatetur uictum, qui a rebus exclusus ad uerba
delapsus est. 2 maledictis
deterrere deest eum, ut «
quarum quae forma pulcherrima
D.
Deiopea
5 »31.
1
maledictis
deterrere ici le sens est celui-ci : l'adversaire
lui-même, dit-il, s'avoue vaincu, lui qui, empêché d'agir, s'est
rabattu sur les paroles. 2 maledictis
deterrere il manque eum 566, comme dans « quarum quae
forma pulcherrima Deiopea » (la plus belle d'entre elles,
Déiopéa).
qui ita dictitat, quas antehac1393 fecit
fabulas
Il va répétant que les pièces qu'il a
faites jusqu'ici
1
qvi ita
dictitat imprudentiam32 ostendit per frequentatiuum uerbum.
2 qvas antehac fecit fabvlas
et hic lentum accusatorem facit, qui praeterita ingerat et de
quibus iam sit iudicatum in melius.
1
qvi ita
dictitat il fait apparaître la stupidité de Luscius par
l'emploi du fréquentatif. 2 qvas antehac fecit
fabvlas et, ici, il fait de l'accusateur un homme
lourdaud, puisqu'il reproche des choses passées et des choses dont
on a déjà mieux jugé.
tenui esse oratione et scriptura
leui
sont inconsistantes dans leur forme et
dans leur style sans force,
1
tenvi esse
oratione et scriptvra levi imperitum inducit criminatorem,
qui hoc obiciat, quod proprium debet esse comici stili. 2 Reuera autem hoc deterior33 Menandro Terentius
iudicabatur, quod minus sublimi oratione uteretur ; quod ipsum
nunc purgat dicens in tragoedia altiora posse transire.
1
tenvi esse
oratione et scriptvra levi il met en scène un calomniateur
inexpérimenté, puisqu'il reproche ce qui doit être le propre du
genre comique. 2 Térence était jugé
réellement inférieur à Ménandre parce qu'il utilisait moins le
style élevé ; mais, à cet endroit du texte, il se justifie en
disant que, même dans la tragédie, peuvent apparaître en passant
des éléments qui ne sont que moyennement élevés.
parce qu'il n'a jamais écrit qu'un
jeune homme en délire
1
qvia nvmqvam
insanvm scripsit advlescentem ideo uidemur leues tenuesque
quia, inquit, in comoediam prodigia facta sunt et tragoedias
concitamus34 ne modo callide errorem
reprehenderet sed etiam ut ipsum ostenderet imperite Luscium
Lanuuinum scripsisse35 . 2
Scripsit igitur advlescentvlvm ut comicam personam ostendat
et36 artificiose imminuit
adulescentulum, quo
magis persona a sublimitate tragica discessisset.
1
qvia nvmqvam
insanvm scripsit advlescentem la raison qui lui fait dire
"je suis considéré comme léger et frivole parce que, comme le dit
Luscius, il y a des prodiges en comédie et donc nous nous faisons
dans la tragédie"567 c'est qu'il veut non
seulement corriger l'erreur, mais aussi montrer que Luscius de
Lanuvium lui-même a écrit sans y rien connaître. 2 Il a écrit advlescentvlvm de manière à présenter un
personnage comique et il a utilisé avec art le diminutif
adulescentulus, afin que
le personnage soit davantage éloigné du sublime de la
tragédie568.
ceruam uidere fugere et sectari
canes
voit la fuite d'une biche et la
poursuite des chiens,
1
cervam videre
fvgere hic affectus a comoediis remouendus
est. 2 cervam videre fvgere et sectari
canes ambiguitas per accusatiuum casum perseuerans usque
ad ultimum de industria, ut etiam ipsa perplexitas odiosa sit.
1
cervam videre
fvgere cette passion ne doit pas apparaître dans les
comédies. 2 cervam videre fvgere et sectari
canes une ambiguïté délibérée persiste jusqu'à la fin du
vers à cause de l'accusatif, de sorte que l'obscurité même du
propos est détestable569.
et eam plorare, orare ut subueniat
sibi.
et qu'elle pleure, le supplie de venir
à son secours.
et eam plorare orare vt svbveniat sibi haec
omnis peristasis
37 tragica
est et ideo in comoedia uitiosa ducitur.
et eam plorare orare vt svbveniat sibi
toutes ces circonstances (peristasis) sont tragiques et leur
présence dans une comédie est donc contraire aux règles.
quod si intellegeret, cum stetit olim
noua,
S'il se rendait compte que, si jadis a
réussi sa nouvelle comédie,
1
cvm stetit
olim nova bene hoc: potuit enim responderi « cur igitur
stetit et non exacta est a populo ? » 2 cvm stetit olim nova recte olim, quasi dicat: cum adhuc
Terentius non scriberet, penuria meliorum est probata. deinde quod
ait noua, hoc significat
omnia carmina ipsa nouitate commendari, etsi nullius momenti
sunt38 .
1
cvm stetit
olim nova c'est bien, car on aurait pu répondre :
"pourquoi donc la pièce a-t-elle réussi et n'a-t-elle pas été
sifflée par le public ?". 2 cvm stetit olim
nova olim est
employé à juste titre, comme s'il disait : "vu que, jusqu'alors,
Térence n'écrivait pas, la pièce a été applaudie parce qu'il n'y
en avait pas de meilleures". Ensuite, parce qu'il dit noua, il veut dire que c'est
précisément leur nouveauté qui fait valoir les pièces, même si
elles sont insignifiantes.
actoris opera magis stetisse quam
sua,
ce fut grâce au talent du producteur
qu'elle a réussi plus qu'au sien,
actoris opera magis stetisse una
opera et suffragium
scaenicorum comparat et laedit aduersarium.
actoris opera magis stetisse il
met à la fois en balance opera et le jugement porté sur les
acteurs, et il charge son adversaire.
minus multo audacter quam nunc laedit
laederet1396
il mettrait beaucoup moins d'audace à
offenser qu'il n'offense maintenant.
minvs mvlto avdacter minus multo audacter est une
expression inédite570, qui équivaut à notre minus audacter (moins
audacieusement).
nunc si quis est qui hoc dicat aut sic
cogitet :
Maintenant s'il y a quelqu'un qui dise
ou pense :
1
qvi hoc dicat
avt sic cogitet omne quod in mentem uenit aut cogitamus
aut dicimus. Vergilius «
et mihi iam multi crudele canebant artificis
s.
scelus
et
t.
taciti
u.
uentura
u.
uidebant
6 ». 2 Hic sensus est: nunc
si quis est qui hoc dicat aut censeat « improbus est Terentius,
qui omnes prologos de maledictis habet », habeat is hoc
responsum sibi « aduersarium coegisse qui prouocauerit ». nam quid
faceret Terentius, cum de palma artis musicae certandum uideat
esse sibi ?
1
qvi hoc dicat
avt sic cogitet cogitet renvoie à tout ce qui nous
vient à l'esprit, que nous pensons ou que nous disons. Virgile :
« et mihi iam multi crudele canebant artificis scelus et taciti
uentura uidebant » (et déjà beaucoup me prédisaient une cruelle
scélératesse du maître en artifices, et, sans le dire, voyaient ce
qui allait se passer). 2 Ici, le
sens est le suivant : s'il y a à présent quelqu'un pour dire ou
pour être d'avis que "Térence est méchant : ses prologues ont pour
sujet des injures", que l'on réponde à cette personne que "c'est
son adversaire qui l'y a contraint en le provoquant". Qu'aurait pu
faire d'autre Térence, en effet, alors qu'il voyait qu'il lui
fallait rivaliser pour la palme de l'art poétique ?
"uetus si poeta non lacessisset
prior,
« Le vieux poète s'il n'avait pas
attaqué le premier,
lacessisset prior aut lacessisset abundat aut prior.
lacessisset prior lacessisset est en trop, ou bien
prior.
nullum inuenire prologum potuisset
nouus1397
jamais il n'aurait pu trouver de
prologue, le nouveau,
1
nvllvm
invenire prologvm prologum modo non hominem sed verba
significat. 2 novvs hic, quod supra
praetermisit, ueteri supposuit nouum.
1
nvllvm
invenire prologvm prologum renvoie ici non pas à un
homme, mais à des propos571. 2
novvs
ici, il met nouus après
uetus ; plus
haut572, il a omis de mettre
nouus.
quem diceret, nisi haberet cui
malediceret,"
à débiter, faute d'avoir de qui
médire »
nisi haberet cvi malediceret mire
haberet, quasi dubium non
sit maledicendum esse.
nisi haberet cvi malediceret haberet est remarquable, comme s'il
disait qu'il n'est pas douteux qu'il faille en dire du mal573.
is sibi responsum hoc habeat, in medio
omnibus
qu'il reçoive la réponse que voici :
c'est au milieu du terrain, et pour tous les concurrents,
1 is scilicet Luscius Lanuuinus41 . 2 is sibi responsvm hoc habeat in medio huic
rei per qualitatem respondet: aduersarium cogere, ut sic agat.
3 in medio omnibvs palmam esse
positam sensus hic est : inueniret, inquit, sed maluit, cum de
palma certandum sit, aduersario respondere laedenti. uerum oratorie
manifesta soluere non curauit, hoc est « inueniret » ; hoc enim subiciendum
fuit. 4 omnibvs et nouis et
ueteribus poetis. 5 palmam pro
causa certaminis posuit, et ideo non esse mirandum, si pugnant,
quibus causa certaminis praesto est.
1
is
Luscius de Lanuvium évidemment. 2
is sibi
responsvm hoc habeat in medio il répond à cela par
l'argument de la qualité574 : c'est l'adversaire qui le force à agir
ainsi. 2 in medio omnibvs palmam esse
positam ici le sens est le suivant : il aurait trouvé
(inuenire), mais, puisque
l'enjeu de la lutte était la palme, il a préféré répondre
(respondere) à
l'adversaire qui lui faisait du tort575. Mais, à la
manière des orateurs, il ne s'est pas soucié de répondre à une
question évidente, c'est-à-dire de répondre inueniret ; car il aurait fallu qu'il
en parle après576. 3 omnibvs à la fois les nouveaux et les
anciens poètes. 4 palmam il a
mis palma pour la raison
de la lutte, et il ne faut donc pas s'étonner s'ils luttent : la
raison de leur lutte est à portée de leur main.
palmam esse positam qui artem
tractant1398 musicam.
que la palme est placée, pour eux qui
s'appliquent à l'art des Muses.
1
qvi artem
tractant Vergilius «
nec quicquid ubique est gentis Dardaniae,
m.
magnum
q.
quae
s.
sparsa
p.
per
o.
orbem
7 ». 2 et περιφραστικῶς ἀντὶ τοῦ
qui comoedias
scribunt.
1
qvi artem
tractant Virgile : « nec quicquid ubique est gentis
Dardaniae, magnum quae sparsa per orbem » (ni tout ce qui peut
aujourd'hui subsister de la nation dardanienne dispersée dans le
vaste monde). 2 Et cette expression
est mise de façon périphrastique (περιφραστικῶς) au lieu de (ἀντὶ τοῦ) qui comoedias scribunt (ceux qui
écrivent des comédies).
ille ad famem hunc a studio studuit
reicere :
Lui, pour réduire le nôtre à la
famine, a étudié comment le dégoûter de son étude ;
1
ille ad famem
hvnc ab stvdio hic maxime incipit
soluere, quod sibi superius ipse proposuit. 2 ille ad famem hvnc ab stvdio nunc
« quid est » inquit « poetam uituperare nisi ad famem
reicere ? » ; nam poetae probi uendebant fabulas suas et harum
pretiis alebantur. 3 ille ad famem hvnc ab
stvdio 42
4 ab stvdio stvdvit
rei.
reicere
uetuste, ut «
luserat ludum
8 » et « pugnam pugnauit ».
1
ille ad famem
hvnc ab stvdio il commence surtout à répondre au but qu'il
s'est préalablement proposé. 2
ille ad famem
hvnc ab stvdio il demande à présent : "qu'est-ce que
critiquer un poète, sinon le réduire à la famine ?" ; les poètes
honnêtes577 vendaient en effet leurs pièces,
et vivaient de l'argent qu'ils en tiraient. 3 ille ad famem hvnc ab stvdio578 .
4 ab stvdio stvdvit reicere
tour vieilli, comme « luserat ludum » et « pugnam pugnauit » (il
s'est battu à la bataille)579.
hic respondere uoluit, non
lacessere.
le nôtre a voulu répondre, non
attaquer.
benedictis si certasset, audisset
bene :
Si c'est de compliments qu'il avait
fait assaut, on l'aurait complimenté.
1
benedictis si
certasset cur, lacessitus, respondens « certamen
est » inquit. an hoc43 bene certasset, quia supra dixit « in
medio omnibus palmam esse positam », quasi dicat : quicquid in
certamen uenerit, in eo uincendos aemulos esse. 2 si certasset ἀντὶ τοῦ
prior44 prouocasset :
ab eo quod praecedit id quod sequitur. Vergilius « nec te certasse
priorem paeniteat ». 3 avdisset bene
bene audire est bene dici, laudari.
1
benedictis si
certasset pourquoi, alors qu'il est harcelé, dit-il en
répondant "c'est une lutte" ? Ou bien certasset est-il bien dit, parce
qu'il a dit plus haut « in medio omnibus palmam esse positam »,
comme s'il disait : "quoi qu'il advienne dans la lutte, nous
rivalisons pour en sortir vainqueurs". 2 si certasset au lieu de (ἀντὶ τοῦ) prior prouocasset (s'il l'avait
provoqué le premier) : ce qui suit découle de ce qui précède.
Virgile « nec te certasse priorem paeniteat » (et tu ne saurais te
reprentir de l'avoir devancé). 3
avdisset
bene bene
audiresignifie bene
dici (être le sujet de bons propos), laudari (faire l'objet d'éloges).
quod ab illo allatum est, sibi esse
rellatum putet.
Ce qu'il a apporté, voilà ce qu'il
remporte, qu'il se le dise.
1
qvod ab illo
allatvm est id est maledictum. 2 qvod ab illo allatvm est id sibi rellatvm
pvtet prouerbiale est: quod dedit, recepit. 3 et geminauit l, ut « relliquias
Danaum ».
1
qvod ab illo
allatvm est c'est-à-dire maledictum (méchanceté)580. 2 qvod ab illo allatvm
est id sibi rellatvm pvtet l'expression est proverbiale :
donnant donnant. 3 Et il a redoublé
le l, comme Virgile : « relliquias Danaum » (restes échappés aux
Danaens).
de illo iam finem faciam dicendi
mihi,
Pour ce qui est de lui, maintenant je
vais mettre une trêve à mes paroles,
1
de illo iam
finem faciam ἀπὸ
τῆς ἐπιεικείας τοῦ αἰτοῦντος 45. 2 dicendi mihi peccandi
cvm ipse de se et mihi et de se proprie positum est, et
praeterea ἀμφιβολία.
1
de illo iam
finem faciam en raison de la modération du demandeur
(ἀπὸ τῆς ἐπιεικείας τοῦ
αἰτοῦντος). 2 dicendi mihi peccandi
cvm ipse de se et mihi et de se sont employés au sens propre ;
il y a par ailleurs une amphibologie (ἀμφιβολία)581.
peccandi cum ipse de se finem non
facit.
quoique, à sa malignité, lui de son
côté ne mette pas de trêve.
1
peccandi maledicendi an uere
peccandi ? 2 cvm ipse de se finem non
f.
facit
prius ego, inquit, de illo finem faciam quam
ipse de se. 3 et prius ego
dicendi faciam quam ille peccandi finem. 4 non facit pro non faciat, ut « mirum ni egomet
turpiter hodie hic dabo ».
1
peccandi maledicendi (de médire) ou vraiment
peccandi ? 2 cvm ipse de se finem non facit
je m'arrêterai, moi, dit-il, de parler de lui avant que lui ne
s'arrête de parler de lui-même. 3 Et je m'arrêterai, moi, de parler avant que lui ne
s'arrête de se montrer en faute. 4
non
facit au lieu de non
faciat, comme dans « mirum ni egomet turpiter hodie
hic dabo »582.
nunc quid uelim animum attendite :
adporto nouam
Maintenant ce que je veux, faites-y
attention. Je vous apporte une nouvelle
1
nvnc qvid
velim animvm attendite deest quaeritis, ut sit : nunc quid uelim quaeritis ? animum
attendite. 2 novam
Latinam dicit.
1
nvnc qvid
velim animvm attendite il manque quaeritis (vous demandez), pour qu'on
ait : nunc quid uelim quaeritis ?
animum attendite 583. 2 novam il veut dire Latinam (latine).
Epidicazomenon quam uocant
comoediam
comédie qui s'appelle
l'Epidicazomenos
epidicazomenon qvam vocant comoediam
manifeste hic errat Terentius ; nam haec fabula quam transtulit
Epidicazomene dicta est a puella, de qua iudicium est, cum sit
alia fabula Epidicazomenos eiusdem Apollodori. debuit
ergo dicere Epidicazomenen.
epidicazomenon qvam vocant comoediam
manifestement, Térence se trompe sur ce point : la pièce qu'il
transpose a été nommée Epidicazoménè d'après la jeune
fille qui est l'enjeu du procès, tandis qu'il existe une autre
pièce, également d'Apollodore, dont le titre est
Epidicazoménos. Il aurait donc du dire « Epidicazomenen ».
Graeci, Latini Phormionem
nominant
en grec, en latin
Phormion,
1
latini
phormionem
n.
nominant
φόρμιον
46 tegiculum dicunt Graeci, a quo insternitur
pauimentum, — unde
Φορμίων
correpta prima syllaba apud Apollodorum est. non ergo a formula, ut quidam putant — et
inde parasitus, uilissimae condicionis homo, nomen accepit.
2 phormionem si a formula esset nomen comoediae,
produceremus primam syllabam, si a phormione, corripere debemus.
1
latini
phormionem nominant les Grecs appellent
φόρμιον
la natte qui recouvre le sol, - d'où le nom de
Phormion (Φορμίων) chez Apollodore,
avec la première syllabe brève. Le mot ne vient donc pas de
formula(formule
judiciaire), comme certains le pensent584 - et c'est de là que le parasite, être
humain de la condition la plus vile, tire son nom. 2 phormionem si le nom de la comédie venait
de formula (formule
judiciaire), nous allongerions la première syllabe, mais s'il
vient de phormio, nous
devons l'abréger585.
quia primas partes qui aget is erit
Phormio
parce que celui qui y tiendra le
premier rôle sera Phormion,
qvia primas partes qvi aget primas nunc maximas : ad actorem enim rettulit.
Cicero « saepe illum, qui est secundarum aut tertiarum
partium ».
qvia primas partes qvi aget primas se dit aujourd'hui maximas (les plus grandes) : cela
renvoie en effet à l'acteur. Cicéron : « saepe illum, qui est
secundarum aut tertiarum partium » (souvent, celui qui a le second
ou le troisième rôle).
parasitus, per quem res geretur
maxime
un parasite, par qui l'intrigue sera
menée principalement,
1
per qvem res
geretvr maxime quia primae
partes etiam aliud significabant. non ergo nunc
primum actum dicit, sed
summas partes .
2 et bene maxime, quia et per alios.
per qvem res geretvr maxime parce que
primae partes avait aussi
un autre sens586. Il ne dit donc pas primus actus (le premier acte), mais
summae partes. 2 Et il fait bien de dire maxime, parce que l'action est aussi
menée par d'autres.
uoluntas uestra si ad poetam
accesserit.
pour peu que votre bonne volonté soit
acquise au poète.
volvntas vestra si ad
p.
poetam
a.
accesserit
d.
date
o.
operam
si uoluntas
accesserit pro si
faueritis noue, scilicet uoluntatem pro fauore ponit.
volvntas vestra si ad poetam accesserit date
operam mettre si voluntas
accesserit pour si
faueritis (si vous m'êtes favorables) est une
nouveauté, il met bien entendu uoluntas pour fauor (faveur).
date operam, adeste aequo animo per
silentium,
Aidez-nous, regardez-la avec un
esprit de justice et en silence,
1
adeste aeqvo
animo fauor in comoedia silentium spectatoris est. recte
ergo addidit per
silentium. 2 aeqvo animo
nunc pro positiuo47
est.
adeste aeqvo animo dans la comédie, le
silence des spectateurs est une faveur. C'est donc à juste titre
qu'il ajoute per
silentium. 2 aeqvo animo
est à présent mis pour le positif587.
ne simili utamur fortuna atque usi
sumus
pour que nous ne subissions pas le
même sort que celui que nous avons subi
ne simili vtamvr fortvna atqve vsi svmvs ne
populum laederet, fortunam maluit accusare.
ne simili vtamvr fortvna atqve vsi svmvs
afin de ne pas offenser le public, il préfère accuser la
fortune.
cum per tumultum noster grex motus
est loco :
lorsqu'une manifestation fit déloger
notre troupe de la place,
1
cvm per
tvmvltvm noster apparet Hecyram ante Phormionem actam
esse, cui contigit id quod queritur populum subaccusans.
2 noster grex motvs est loco
locus est distributio
temporum, quae cuique in spectaculum uenturo attribuuntur ab
aedilibus ; unde loco
motus dicitur, qui suas horas non obtinuerit inter praecedentes et consecuturos. ergo proprie.
3 Sic et Cicero «
loco ille motus est, cum est ex urbe pulsus
9 ».
1
cvm per
tvmvltvm noster il apparaît que L'Hécyre a
été jouée avant le Phormion : il est arrivé à la
première ce dont il se plaint en accusant le public à mots
couverts. 2 noster grex motvs est loco
le locus est l'allocation
d'un moment que les édiles attribuent à quiconque veut représenter
une pièce ; c'est pourquoi on dit loco
motus (délogé de sa place) pour quelqu'un qui n'a pas
obtenu d'heure pour sa représentation entre ceux qui précèdent et
ceux qui suivent. L'expression est donc employée au sens propre.
3 Ainsi, Cicéron : « loco ille
motus est, cum est ex urbe pulsus » (en le refoulant hors de Rome,
nous l'avons délogé de sa position).
quem actoris uirtus nobis restituit
locum
place que nous a rendue la valeur de
notre producteur,
1
qvem actoris
virtvs ubique laudat actorem ; est enim poetae utile.
2 qvem actoris virtvs qui
exclusus totiens animos non abiecerit, sed perseuerauerit agere.
ideo uirtus est.
3 restitvit locvm bene
repetiuit locum, ut
ἀμφιβολίαν
uitaret, ne quem
tumultum dicere
uideretur.
1
qvem actoris
virtvs partout, il loue le chef de troupe ; en effet,
c'est profitable pour le poète588. 2 qvem actoris virtvs lui qui, après avoir
été chassé tant de fois de la place, n'a pas perdu courage mais a
continué à faire jouer. C'est pourquoi il y a uirtus. 3 restitvit locvm il est bien qu'il ait
répété locum, afin
d'éviter l'amphibologie (ἀμφιβολία), et de ne pas laisser croire
que quem renvoie à
tumultum.
bonitasque uestra adiutans atque
aequanimitas.
ainsi que votre bienveillance
secourable et votre justice d'esprit.
1
bonitasqve
vestra adivtans atqve
ae.
aeqvanimitas
bonitas in omnibus generaliter rebus,
aequanimitas in spectando.
2 An bonitas in spectandis his quae bona
sunt, aequanimitas in
ignoscendis uitiis atque delictis ? 3 An ταυτολογία est ? 4 An bonitas
circa eum, nam48 aequanimitas circa Terentium ?
5 bonitasqve vestra ne totum
actori attribuens nihil populo praeter culpam
religionis49 reliquisse
uideretur, honoris causa hoc addidit. 6 adivtans sic maluerunt ueteres quam
adiuuans dicere. Ennius «
o Tite, si quid ego te adiuto curamue leuasso
10 »50.
1
bonitasqve
vestra adivtans atqve aeqvanimitas bonitas pour toutes les situations en
général, aequanimitas
quand il s'agit du spectacle. 2 Est-ce que bonitas renvoie au spectacle de ce
qui est bon et aequanimitas au pardon dû aux défauts
et aux fautes ? 3 Ou est-ce une
tautologie (ταυτολογία) ? 4 Ou bien encore est-ce que bonitas s'applique à lui, dans la
mesure où aequanimitass'applique à Térence ?
5 bonitasqve vestra pour ne
pas donner l'impression d'attribuer tout le mérite au chef de
troupe et de ne reconnaître au public, en fait de marque de
respect589, que sa faute, il ajoute
ces mots, afin de marquer sa considération pour ce dernier.
6 adivtans les Anciens
préféraient dire cela plutôt que adiuuans. Ennius : « o Tite, si quid
ego te adiuto curamue leuasso » (ô Titus, si je t'aide, moi, et si
je te soulage de ton souci en quelque façon).
Actus primus
scaena prima
Dauus
Da.-Amicus summus meus et popularis
Geta
Da.-Mon grand ami et compatriote
Géta
1
amicvs svmmvs
mevs et popvlaris quod in omnibus fere comoediis, in
quibus perplexa argumenta sunt, fieri solet, id in hac quoque
Terentius seruat, ut προτατικὸν πρόσωπον, id est personam
extra argumentum, inducat, cui51 dum ob hoc ipsum, quod ueluti
aliena a tota fabula est, res gesta narratur, discat populus
textum ex continentia 52
rerum sitque instructus ad cetera. 2 amicvs svmmvs mevs in hac scaena, quae
docendi atque instruendi spectatoris causa inducitur,
mire 53 extrinsecus lepores facetiaeque cernuntur et
sales comici. id enim est artis poeticae, ut cum narrationi
argumenti detur opera, iam tamen res agi et comoedia spectari
uideatur. 3 amicvs svmmvs mevs
insinuatio personae eius, quae inducitur ad audiendum argumentum.
4 et uide seruum ostendi Dauum et non
ostendi, cuius sit seruus. 5
amicvs svmmvs
mevs causa, cur in scaenam procedat Dauus. 6 amicvs a uoluntate, popvlaris a fortuna.
7 popvlaris eiusdem
condicionis gregisque. Sallustius «
popularis sceleris sui
11 ». 8 et popvlaris
populo amatus est.
9 popvlaris ciuis est. 10 popvlaris humilis est. 11 popvlaris uilis
populoque facetus54
, ut si quis dicat sordidum popularemque
ciuem. 12 amicvs svmmvs mevs Dauus
extra duas familias inducitur, quae in hac sunt fabula, alienus ac
per hoc ignarus, cui Geta narret argumentum.
1
amicvs svmmvs
mevs et popvlaris on trouve d'ordinaire, dans presque
toutes les comédies dont l'intrigue est complexe, un élément que
Térence conserve dans cette comédie aussi : la mise en scène d'un
personnage protatique (προτατικὸν πρόσωπον), c'est-à-dire d'un
personnage qui ne fait pas partie de l'intrigue590. Le but est que, pendant qu'on lui raconte la
situation antérieure parce qu'il est comme étranger à l'essence de
la pièce, le public apprenne la trame à partir des faits qu'elle
contient, et soit armé591 pour comprendre tout le reste. 2 amicvs svmmvs mevs dans cette scène, qui
est introduite pour informer et bien armer le spectateur, il est
remarquable qu'on trouve des traits d'esprit hors de propos, et
aussi des bons mots comiques. Car c'est le propre de l'art du
poète de faire que, alors même qu'il se consacre à raconter le
sujet de la pièce, il semble déjà qu'il y a une action et que des
matériaux comiques592 sont donnés à voir. 3 amicvs svmmvs mevs introduction
implicite593 de
son personnage, qui est mis en scène pour faire connaître le
sujet. 4 Et remarquez qu'on
présente cet esclave sous le nom de Dave, mais qu'on ne présente
pas de qui il est l'esclave594. 5
amicvs svmmvs
mevs raison pour laquelle Dave se présente sur scène.
6 amicvs, argument par la
volonté, popvlaris, argument par la fortune.
7 popvlaris de la même
condition et du même groupe. Salluste « popularis sceleris sui »
(ses complices). 8 Et un popvlaris est
aimé du populus (peuple).
9 popvlaris signifie
ciuis (citoyen).
10 popvlaris signifie
humilis (humble)595. 11 popvlaris uilis (vil) et populo facetus (amusant pour le
peuple), comme quand on dit "un citoyen ignoble et populaire".
12 amicvs svmmvs mevs c'est
un Dave extérieur aux deux familles qui entre en scène, et donc
ignorant, pour que Géta lui raconte l'argument.
heri ad me uenit (erat ei de
ratiuncula
est venu me voir hier (sur un petit
compte
1
heri ad me
venit apparet heri fuisse nuptias. 2 heri ad me venit propter cognationem
e et i litterarum non dubitauerunt
antiqui et here et
heri dicere et mane et mani et uespere et uesperi. 3 erat ei de rativncvla deest nam, sed mire subtractum est.
4 erat ei de rativncvla
opportuna diminutio in re seruili : ratiuncula et « pauxillulum ». 5 erat ei de rativncvla moraliter intulit
erat ei : magis enim
facetum est et comicum, cum ἀσυνδέτως infertur, quam si diceret
nam erat ei.
1
heri ad me
venit il est clair que le mariage a eu lieu la veille.
2 heri ad me venit en raison
de la proximité entre le e et le i, les Anciens n'ont pas hésité à
dire à la fois here et
heri 596, mane et
mani, uespere et uesperi 597. 3 erat ei de
rativncvla il manque nam (en effet), mais il est étonnant
qu'il ait été omis. 4 erat ei de
rativncvla la forme diminutive convient quand il s'agit
d'affaires d'esclaves598 : ratiuncula et pauxillulum. 5 erat ei de rativncvla il met erat ei en conformité avec le
caractère du personnage599 : puisque cela introduit une asyndète (ἀσυνδέτως), c'est plus
plaisant et plus comique que s'il disait nam erat ei.
iam pridem apud me relicuom
pauxillulum
je lui devais depuis longtemps un
tout petit reliquat
1
iam pridem
apvd me
r.
relicvom
de argumento sumitur causa colloquii: nam
« debui » inquit « Getae, et illemet 55 exigit, ut
muneretur dominus ob nuptias factas ». 2 pavxillvlvm quartus gradus diminutionis :
paulum paululum pauxillum pauxillulum.
1
iam pridem
apvd me relicvom la raison de cette conversation avec Géta
se tire de l'argument600 : il dit en effet : "je devais de l'argent à
Géta, et l'autre là me réclame de faire un cadeau à son maître
pour son mariage". 2 pavxillvlvm
quatrième degré du diminutif : paulum, paululum, pauxillum, pauxillulum 601.
nummorum) id ut conficerem. confeci :
affero.
de monnaie) pour que je réalise la
somme : j'ai fait de l'argent, je lui apporte la somme.
1
id vt
conficerem ἔλλειψις prima. 2 Et conficerem proprie, nam fieri pecunia dicebatur. Sallustius
II «
quae pecunia ad Hispaniense bellum Metello facta
erat
12 ». 3 conficerem quia in promptu
non erat. 4 confeci affero bene, quasi
reddendi mora non habere fuerit.
1
id vt
conficerem ellipse (ἔλλειψις) de la première catégorie.
2 Et conficerem est utilisé au
sens propre602, car on disait
fieri (faire) pour
l'argent. Salluste au livre II : « quae pecunia ad Hispaniense
bellum Metello facta erat » (on avait fait de l'argent pour
Métellus en vue de la guerre d'Hispanie). 3 conficerem parce qu'il n'était pas prêt.
4 confeci affero c'est bien
dit, comme si le retard à rendre était dû au fait de ne pas avoir
l'argent.
nam erilem filium eius duxisse
audio
Car le fils de son maître, m'a-t-on
dit, vient de prendre
1
nam erilem
filivm
τρόφιμον
56
dicunt. atque haud scio an Latini quoque alumnum dicere potuerint, nisi hoc
mallent. 2 nam erilem filivm
eivs dvxisse avdio mire se applicat argumento.
1
nam erilem
filivm on dit
τρόφιμος
(nourrisson). Et peut-être bien que les Latins
aussi auraient pu dire alumnus (nourrisson), s'ils n'avaient
pas préféré cette expression603. 2 nam erilem filivm
eivs dvxisse avdio il se consacre d'une façon étonnante à
exposer le sujet de la pièce604.
uxorem : ei credo munus hoc
corraditur.
femme : il est sans doute en train de
lui gratter un cadeau.
1
ei credo mvnvs
hoc corraditvr mire : heri quidem fuerunt nuptiae, sed
munus adhuc corraditur, quia in nuptiis etiam septimus dies
instaurationem uoti habet, ut in funere nonus dies, quo denicalia
concluduntur. 2 ei credo
uxori scilicet. 3 mvnvs hoc
cor.
corraditvr
hoc
pecuniae scilicet munus ei
c.
corraditur.
et est figura ἐφεξήγησις. 4 credo pro uere scio. 5 Et ei an uxori an absolute, ut sit :
ei rei ? 6 corraditvr apta in uerbo difficultas, ut in
Adelphis «
minas decem corradet alicunde
13 ». et
«
corrasi omnia
14 ».
1
ei credo mvnvs
hoc corraditvr c'est étonnant : les noces ont eu lieu la
veille, mais on récupère encore un cadeau, parce que pour un
mariage on renouvelle encore le vœu le septième jour605, comme on fait pour des funérailles le
neuvième jour, quand s'achèvent les Denicalia606. 2
ei
credo c'est-à-dire pour l'épouse. 3 mvnvs hoc corraditvr C'est "cela"
(hoc), implicitement de
l'argent, qui "sera un cadeau" (munus
ei corraditur)607
et c'est une figure d'épèxégèse (ἐφεξήγησις)608. 4 credo mis
pour uere scio (je sais
bien). 5 Et ei renvoie-t-il à
uxor ou est-il employé
absolument609, de sorte qu'on ait ei rei ? 6 corraditvr l'idée de difficulté est
attachée à ce verbe610, comme dans Les Adelphes
« minas decem corradet alicunde ». Et « corrasi omnia » (j'ai fait table rase de
tout).
quam inique comparatum est, ei qui
minus habent
Comme les choses sont mal faites !
ceux qui ont peu,
1
qvam iniqve
comparatvm est miro ἰδιωτισμῷ morem pro lege
conqueritur57 : comparatum enim constitutum ei lege
58. 2 Et hi qui minus
habent diuitioribus dixit, ne diceret serui dominis ; uult enim latius
patere quod dicit et generalem esse sententiam. 3 qvam iniqve comparatvm est hi qvi minvs
habent garrulos seruos et sententiosos amat comoedia,
tristes et parue loquentes tragoedia.
1
qvam iniqve
comparatvm est par un idiotisme (ἰδιωτισμός) étonnant611, il se
plaint que la coutume ait force de loi : car comparatum signifie constitutum ei lege (institué pour
lui par la loi). 2 Et il dit
hi qui minus habent
diuitioribus pour ne pas dire serui dominis (les esclaves aux
maîtres), car il veut que son propos ait une portée plus large, et
que sa sentence s'applique à tous612. 3 qvam iniqve
comparatvm est hi qvi minvs habent la comédie affectionne
les esclaves bavards et sentencieux, la tragédie les aime sombres
et taciturnes613.
ut semper aliquid addant
diuitioribus !
ce sont toujours eux qui ajoutent à
la fortune des riches.
1
vt semper
aliqvid addant mire non dent sed addant et non aliquando sed semper. 2 divitioribvs pro minus pauperibus.
1
vt semper
aliqvid addant il est étonnant qu'on n'ait pas dent mais addant, et qu'on n'ait pas aliquando (parfois) mais semper. 2 divitioribvs mis pour minus pauperibus (aux moins
pauvres)614.
quod ille unciatim uix de demenso
suo
Ce que lui, sou par sou, à
grand-peine, sur ses rations,
1
qvod
ille docte ad singularem numerum transit a plurali.
2 qvod ille redit ad Getam.
3 vnciatim sic ueteres
multa. 4 vnciatim cum pecunia
expensa ferretur more ueterum, non ut nunc adnumeraretur, assis
libra erat eiusque partes unciae ; rursum uncia
duodecima pars libellae dicebatur 59. merito ergo non per singulos sestertios
neque per singulos denarios neque per singulos asses, sed id quod
ὑπερβολικῶς
minimum fuit, per singulas uncias unciatim dixit. et Cicero «
ecquis Volcacio, si sua sponte uenisset, unam libellam
dedisset ?
15 ». 5 vnciatim vix
potuit et unciatim et
cito conflari peculium, ut
multa pauxillatim sed cito fiunt maxima. merito ergo additum est
uix. 6 Sed quid si et unciatim et uix et tamen de lucro ? de dimenso suo inquit. quid si ex
abundanti ? « suum defrudans genium ». deinde non adquisiuit sed comparsit et ad postremum miser, ut iniquitas consuetudinis
comploratione finiretur. 7 de dimenso
svo serui quaternos modios frumenti in mense accipiebant
et id dimensum dicebatur.
8 Et utrum a mense an a metiendo incertum est.
1
qvod
ille il passe doctement615 du
pluriel au singulier. 2 qvod ille il
revient à Géta. 3 vnciatim
suffixe fréquent chez les Anciens616. 4 vnciatim quand on portait une somme en
compte à quelqu'un à la façon des Anciens (on ne compterait pas
ainsi de nos jours), l'as équivalait à une livre, et ses
subdivisions étaient les unciae (onces) ; inversement, on
nommait uncia (once) le
douzième d'une livre617. C'est donc à juste titre qu'il n'a pas dit
"sesterce par sesterce", "denier par denier", ou "as par as", mais
qu'il a employé, de façon hyperbolique (ὑπερβολικῶς), l'unité de mesure la plus
petite : once par once, unciatim. Et Cicéron : « ecquis
Volcacio, si sua sponte uenisset, unam libellam dedisset ? » (Qui
donc, s'il était venu de son propre mouvement, aurait donné même
un as à Volcacius ?). 5 vnciatim vix
il aurait pu économiser de l'argent à la fois unciatim et cito (vite), à la façon de nombreuses
choses qui deviennent très grandes peu à peu, mais vite. C'est
donc avec raison que le poète a ajouté uix. 6 Mais comment se fait-il qu'on ait à la fois
unciatim et uix et qu'on parle cependant de
bénéfice ? de dimenso suo
dit-il. Mais comment ce surplus est-il possible ? « suum defrudans
genium618 ». Ensuite, il n'a pas acquis en plus
(adquisiuit) mais
économisé (comparsit) et
finalement il est malheureux (miser), de sorte que, par la
déploration de sa situation, un terme est mis au caractère injuste
de celle-ci. 7 de dimenso svo les
esclaves recevaient quatre boisseaux de blé par mois, et on
appelait ces boisseaux dimensum. 8 Et on ne sait pas avec certitude si ce mot vient
de mensis (mois) ou de
metior
(mesurer)619.
suum defraudans genium comparsit
miser,
en fraudant son génie, a épargné, le
pauvre,
svvm defravdans genivm ut contra genialia
curare dicitur, qui uiuit lautius.
svvm defravdans genivm de même que l'on dit
que celui qui vit trop richement va à l'encontre des intérêts de
son génie (genialia).
id illa uniuersum arripiet, haud
existimans
elle va le rafler en une fois, sans
se douter
1
id
illa nupta scilicet. 2
vniversvm
arripiet contra illud quod «
unciatim
16 » dixerat. 3 vniversvm
arripiet magna uirtus paene in singulis syllabis : contra
illud quod ait «
ille
17 » illa rettulit,
contra «
unciatim uix
18 » et «
de dimenso suo
19 » uniuersum,
contra id quod ait «
munus corraditur
20 » arripiet,
contra «
suum defraudans genium
21 » et «
comparsit miser
22 » «
haud existimans quanto labore partum
23 ». 4 havd existimans uel
intellegens uel recogitans ac reputans. 5 havd existimans pro aestimans. Sallustius «
si, Quirites, parum existimaretis
24 ».
1
id
illa c'est-à-dire la mariée. 2 vniversvm arripiet au contraire de
unciatim. 3 vniversvm arripiet il y a beaucoup de force
dans presque chaque syllabe : illa renvoie et s'oppose à ille, uniuersum, à unciatim uix et de dimenso suo, arripiet, à munus corraditur, et haud existimans quanto labore partum,
à suum defraudans genium
et comparsit miser.
4 havd existimans ou
intellegens (sans le
comprendre), ou bien recogitans (sans y songer) et
reputans (sans y
réfléchir). 5 havd existimans pour
aestimans. Salluste :
« si, Quirites, parum existimaretis » (si, citoyens, vous étiez
peu capables de distinguer la différence...).
quanto labore partum. porro autem
Geta
du travail qu'il lui en a coûté. Et
puis Géta
1
qvanto labore
partvm hoc sic pronuntiandum, quasi nunc ei uenerit in
mentem saepius passurum Getam, quod semel tolerare grauissimum
iudicarit. 2 qvanto labore ut «
reliquias Troia ex ardente receptas
25 ». 3 partvm
partum
proprie dicitur de eo quod labore quaesitum est, quia
nullus partus est sine
doloribus ac labore. 4 porro
avtem geta ferietvr ad paupertatem rettulit
ferietur, nam et
damnum plaga et res sanguis dicitur.
1
qvanto labore
partvm il faut prononcer cela comme s'il comprenait à
l'instant que Géta allait subir assez souvent ce qu'il aurait jugé
très grave de supporter une seule fois. 2 qvanto labore comme dans « reliquias Troia
ex ardente receptas » (restes sauvés des flammes de Troie)620. 3
partvm
partum s'emploie au sens
propre de ce qui s'acquiert dans la peine621, car nul enfantement
(partus) ne se fait sans
douleur ni peine. 4 porro
avtem geta ferietvr ferietur renvoie à la pauvreté, car
on parle de plaga (plaie)
pour une perte financière (damnum), et de sanguis (sang) pour sa fortune
(res).
ferietur alio munere ubi era
pepererit ;
sera frappé d'un nouvel impôt, quand
la patronne accouchera,
1
ferietvr alio
mvnere significanter non fungetur munere sed ferietur dixit. 2 ferietvr alio mvnere ex consuetudine
ferietur, nam et
plagam damnum et sumptum sanguinem nostrum dicimus. 3 vbi era pepererit quae supra «
illa
26 » dicta est.
1
ferietvr alio
mvnere d'une manière expressive, il ne dit pas fungetur munere (il s'acquittera
d'une somme), mais ferietur. 2 ferietvr alio mvnere ferietur est dit par habitude, car
pour dire damnum (perte
financière) nous disons plaga (plaie) et pour dire sumptus (dépense), sanguis noster (notre sang).
3 vbi era pepererit elle a
été désignée plus haut par illa.
porro autem alio ubi erit puero
natalis dies ;
puis d'un autre encore à chaque
anniversaire du petit,
1
porro alio
avtem alio et
alio quod dicit pro
multis pronuntiandum
est. 2 vbi erit pvero natalis
dies cum adiectione temporis cuiuslibet natalis melius
dicitur, ut natalis hora
et natale
astrum. sed Vergilius seruiens personae rusticae
«
meus est natalis » inquit « Iolla
27 », nec addidit dies.
1
porro alio
avtem les deux aliud doivent être prononcés comme
des équivalents de multa
(nombreux). 2 vbi erit pvero natalis
dies il est mieux de dire natalis en ajoutant une mesure de
temps quelconque, comme dans natalis
hora (heure de naissance) et natale astrum (signe de
naissance)622. Mais Virgile, se pliant
à la façon de parler d'un personnage campagnard623, lui fait dire : « meus est
natalis Iolla » (c'est mon anniversaire, Iollas), sans ajouter
dies.
ubi initiabunt. omnia haec1399 mater
auferet :
à chacune de ses initiations : tout
cela c'est la mère qui l'empochera .
1
vbi
initiabvnt hoc uultuose pronuntiandum. 2 vbi initiabvnt ut quidam cibo et potu, ut
quidam sacris. 3 vbi
initiabvnt legitur apud Varronem initiari pueros Eduliae
et Poticae et Cubae, dis edendi et potandi et cubandi, ubi primum
a lacte et a cunis transierint ; quod Vergilius «
nec deus hunc mensa, dea nec dignata cubili est
28 ». hoc annotauit Probus ; sed Terentius Apollodorum
sequitur, apud quem legitur initiis Samothracum a certo tempore
pueros imbui more Atheniensium, quod ut in palliata probandum est
magis. 4 vbi initiabvnt hoc sic
inferendum est, non quasi hoc solum sit, sed quasi defatigatus sit
enumerando occasiones dandorum munerum. 5 omnia haec mater avferet hoc rettulit ad
offerentis irrisionem, qui putat se puero dare. 6 mater avferet nutrix. an uere mater ?
1
vbi
initiabvnt il faut prononcer cela avec un air de
circonstance. 2 vbi
initiabvnt selon certains, avec de la nourriture et de la
boisson, selon certains, par des rites religieux. 3 vbi initiabvnt on lit chez Varron que les
enfants étaient initiés (initiari) à Edulia, Potica et
Cuba624, les déesses de la nourriture, de la
boisson et du lit, dès qu'ils avaient cessé de boire du lait et de
dormir dans un berceau ; à ce propos Virgile : « nec deus hunc
mensa, dea nec dignata cubili est » (un dieu ne l'a pas jugé digne
de sa table, ni une déesse de sa couche). Probus a commenté cela ;
mais Térence suit Apollodore, chez qui on lit que les enfants
étaient « initiés » aux mystères de Samothrace, à partir d'une
certaine époque, selon la coutume des Athéniens, ce qu'il faut
d'autant plus approuver que l'on est dans une palliata625. 4 vbi initiabvnt il ne faut pas prononcer
comme s'il ne s'agissait que de cela, mais comme si Dave était las
d'énumérer les occasions de faire des cadeaux. 5 omnia haec mater avferet il raconte cela
pour se moquer de celui qui fait des cadeaux, et qui pense les
faire à l'enfant. 6 mater avferet
mater signifie nutrix (nourrice). Ou bien est-ce
vraiment mater ?
puer causa erit mittundi. sed uideon
Getam ?
Le petit sera un prétexte à cadeaux.
Mais ne vois-je pas Géta ?
1
pver cavsa
erit mittvndi proprie dixit mittundi de muneribus. 2 sed videon getam locuturum ostendit Getam.
3 sed videon getam apparet
poetam nihil putasse amplius addendum ad insinuandam populo
personam Daui et ideo iam induxisse Getam, ut sit causa
commutandae orationis.
1
pver cavsa
erit mittvndi il dit mittundi au sens propre à propos de
cadeaux626. 2
sed videon
getam il montre Géta sur le point de parler. 3 sed videon getam manifestement, le poète a
pensé qu'il n'y avait rien de plus à ajouter pour introduire
implicitement devant le public le personnage de Dave627, et c'est pourquoi il fait dès lors entrer
Géta, pour qu'il y ait une raison de changer de type de
discours628.
scaena altera
Dauus Geta
51 | 52 | 53 | 54 | 55 | 56 | 57 | 58 | 59 | 60 | 61 | 62 | 63 | 64 | 65 | 66 | 67 | 68 | 69 | 70 | 71 | 72 | 73 | 74 | 75 | 76 | 77 | 78 | 79 | 80 | 81 | 82 | 83 | 84 | 85 | 86 | 87 | 88 | 89 | 90 | 91 | 92 | 93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 100 | 101 | 102 | 103 | 104 | 105 | 106 | 107 | 108 | 109 | 110 | 111 | 112 | 113 | 114 | 115 | 116 | 117 | 118 | 119 | 120 | 121 | 122 | 123 | 124 | 125 | 126 | 127 | 128 | 129 | 130 | 131 | 132 | 133 | 134 | 135 | 136 | 137 | 138 | 139 | 140 | 141 | 142 | 143 | 144 | 145 | 146 | 147 | 148 | 149 | 150 | 151 | 152
Ge.-Si quis me quaeret rufus...
Da.-praesto est, desine. Ge.-oh !
Gé.-Si quelqu'un me demande, un
rouquin, ... Da-Il est là, arrête. Gé.-Ah !
1
si qvis me
qvaeret rvfvs mira fide poeta desideratum a Geta ostendit
Dauum, siquidem ipsum60
loquitur, a quo reddi sibi debitum sperat. 2 si qvis me qvaeret rvfvs ἀποσιώπησις secunda, nam
apparet plura dicturum fuisse. 3
praesto est
desine tertia persona de se loquens usus
est61 , quia
ille nominatiuum praetulit.
1
si qvis me
qvaeret rvfvs le poète nous montre que Géta recherche Dave
avec une confiance étonnante, si vraiment il évoque celui dont il
espère qu'il lui rende ce qu'il lui doit. 2 si qvis me qvaeret rvfvs aposiopèse
(ἀποσιώπησις) de
la deuxième catégorie, car il allait manifestement en dire
davantage629. 3 praesto est
desine troisième personne en parlant de lui-même, puisque
l'autre a mis un nominatif630.
at ego obuiam conabar tibi, Daue.
Da.-accipe, em !
moi qui voulais aller à ta rencontre,
Dave ! Da-Prends, tiens !
1
at ego obviam
conabar tibi dave conabar absolute. 2 An ἔλλειψις est, ut desit ire ? 3 Et est aduerbium loci. 4 accipe praeuenit petitionem dicendo
accipe. et hoc cum gestu
offerentis dicitur. 5 em hoc est
quod ait «
confeci : affero
29 ».
1
at ego obviam
conabar tibi dave conabar est employé absolument.
2 Ou bien est-ce une ellipse
(ἔλλειψις), de
sorte qu'il manque ire
(aller) ? 3 Et il y a un adverbe de
lieu631.
4 accipe il devance la
réclamation632 en
disant accipe. Et cela est
dit avec le geste d'offrir l'argent. 5 em c'est ce qu'il dit : « confeci : affero ».
Lectum est ; conueniet numerus
quantum debui.
C'est du bon ; ça concordera avec ce
que je te devais.
1
lectvm
est absolute, nam non dicit quid, utrum debitum an
argentum. 2 lectvm est
Lucilius «
lecti omnes : Atticon hoc est
30 ». 3 lectvm est conveniet
nvmervs ordine : prius enim qualitas, deinde numerus
pecuniae spectari solet. 4 lectvm est conveniet
nvmervs qvantvm debvi tribus modis debitum pecuniarium
soluitur : pensione, spectatione, numero ; quocirca «
accipe
31 62 » lectum
est conueniet numerus
quantum debui. 5
lectvm
est lectum
bonum uel splendidum, ut «
arma Serestus lecta refert humeris
32 ». quamuis quidam putant lecta ab eo quod est lego dicta. 6 qvantvm debvi pro debitum tibi a me est.
1
lectvm
est emploi absolu : il ne dit pas quoi, si c'est la somme due
ou l'argent. 2 lectvm est
Lucilius : « lecti omnes : Atticon hoc est » (ils sont tous de
choix : c'est attique). 3 lectvm est conveniet
nvmervs dans l'ordre, car d'ordinaire on regarde en
premier la qualité de l'argent, puis si cela fait le compte.
4 lectvm est conveniet nvmervs
qvantvm debvi il y a trois étapes dans un remboursement de
dettes : on paye, on examine l'argent, on vérifie le compte ;
c'est pourquoi on a accipe, lectum est et conueniet numerus quantum debui.
5 lectvm est lectum signifie bonum (bon) ou splendidum (brillant), comme dans
« arma Serestus lecta refert humeris » (Séreste emporte sur ses
épaules des armes de choix). Certains pensent cependant que
lecta vient de lego (recueillir)633. 6 qvantvm debvi
pour debitum tibi a me est
(ce que je t'ai dû).
Ge.-amo te et non neglexisse habeo
gratiam.
Gé.-Je t'adore, et je te remercie de
n'avoir pas oublié.
1
amo te et non
neglexisse
h.
habeo
g.
gratiam
amat quod reddiderit pecuniam, agit gratias
quod diligenter. 2 Et quare ? utrum
quia condictum non fefellerit an quia lectum attulerit et numero
congruenti ? 3 Et recte dixit,
nam redditio63 debiti hoc agit, ut
etiam agamus gratiam. 4 amo te et
n.
non
n.
neglexisse
h.
habeo
g.
gratiam
hoc pro gratiarum actione ponitur, et
ostenditur uere necessariam fuisse pecuniam. 5 non neglexisse
h.
habeo
g.
gratiam
in Andria «
et id gratum fuisse aduersum te habeo gratiam
33 ».
1
amo te et non
neglexisse habeo gratiam ce qu'il "adore", c'est qu'il lui
ait rendu l'argent, et le remercie de l'avoir fait
scrupuleusement. 2 Et pourquoi ?
parce qu'il n'a pas manqué à ce qu'ils étaient convenus, ou parce
qu'il a apporté des espèces sonnantes et trébuchantes ? 3 Et il a eu raison de le dire, car le
remboursement d'une dette exige que l'on remercie aussi celui qui
la rembourse. 4 amo te et non
neglexisse habeo gratiam cela est mis pour un
remerciement, et montre que l'argent était vraiment nécessaire.
5 non neglexisse habeo
gratiam dans L'Andrienne : « et id
gratum fuisse aduersum te habeo gratiam ».
Da.-praesertim ut nunc sunt mores :
adeo res redit :
Da-Surtout comme sont les gens
aujourd'hui. Voilà où on en arrive :
1
praesertim vt
nvnc svnt mores sic et illud dictum est «
namque hoc tempore obsequium amicos, ueritas odium
parit
34 », quia consuetudinis imago est uituperare praesentia.
2 adeo res redit
figurate poeta loquens adeo res
redit dixit. 3 Et proprie
redisse res dicitur, cum aliquid peius ab
exspectatione contigit.
1
praesertim vt
nvnc svnt mores dans le même genre, il y a aussi ce mot :
« namque hoc tempore obsequium amicos, ueritas odium
parit »634, parce que critiquer le présent est un lieu
commun635. 2 adeo res redit le poète dit adeo res redit en parlant au sens
figuré. 3 Et on dit qu'une
"affaire" (res) en "est
arrivée là" (redisse) au
sens propre, quand il arrive quelque chose de pire que ce que l'on
avait imaginé636.
siquis quid reddit magna habenda est
gratia.
quand quelqu'un rend quelque chose,
il faut lui dire merci beaucoup.
1
si qvis qvid
reddit
m.
magna
h.
habenda
e.
est
g.
gratia
id est : etsi non rem magnam, magna habenda
est gratia. hoc
enim significat quid
reddit . 2
si qvis qvid
reddit magna
h.
habenda
e.
est
g.
gratia
hoc qui interrogatiue pronuntiauerit, parum
belle explicat conceptam sententiam. 3 habenda est gratia deest ei.
1
si qvis qvid
reddit magna habenda est gratia c'est-à-dire : même si ce
n'est pas une somme importante, le remerciement doit l'être. Car
c'est ce que signifie quid
reddit. 2 si qvis qvid reddit
magna habenda est gratia supposons que
quelqu'un prononce cela de façon interrogative, il ne rendra que
trop imparfaitement compte de la tournure de l'idée637. 3 habenda est gratia il manque ei (à lui).
sed quid tu es tristis ? Ge.-egone ?
nescis quo in metu et
Mais pourquoi es-tu soucieux ?
Gé.-Moi ? Tu ne sais pas dans quelle inquiétude et
1
sed qvid tv es
tristis hic admonemur omnem ab initio sermonem Getae quasi
satagentis et anxii pronuntiari accommodatis praesertim ad uultum
uerbis. nam et «
si quis me quaeret
35 » et «
at ego obuiam conabar tibi, Daue
36 » et «
amo te et non neglexisse habeo gratiam
37 » in se quoddam contractioris animi occupatique signum
habent. 2 sed qvid tv es tristis
sed particula transitum
significat ad mentionem alterius rei. 3 sed qvid tv es tristis egone nescis qvo in
m.
metv
descensus ad argumentum ab eo sermone, qui
extrinsecus a poeta informatus est, ne nuda appareret σύνθεσις comoediae. et
est ἀποσιώπησις.
4 nescis qvo in metv qvanto in
pericvlo et pronuntiantis et interrogantis potest esse.
5 nescis qvo in metv duae
perturbationum bigae sunt : a malo una, ex cupitis altera. ergo a
mali bigis praesentis temporis periculum esse dicimus et futuri
metum. 6 nescis qvo in metv pronuntiatiue magis quam
percontatiue efferendum est. sic enim solemus de magnis rebus
dicere. 7 nescis qvo in metv et
q.
qvanto
i.
in
p.
pericvlo
s.
simvs
uix alterum sustineri potest eorum, quae nunc
utraque posuit et metum et
periculum.
1
sed qvid tv es
tristis nous sommes ici avertis que, dès le début, tout le
discours de Géta, qui est comme agité et inquiet, est prononcé
avec des propos qui s'accordent tout particulièrement à son
visage638. De fait, « si quis me
quaeret », « at ego obuiam
conabar tibi, Daue » et « amo te et non neglexisse habeo
gratiam » sont en soi le signe d'une âme assez
oppressée, absorbée. 2 sed qvid tv es
tristis la particule sed signifie que l'on passe à un
autre sujet. 3 sed qvid tv es tristis egone
nescis qvo in metv à partir de ce propos on en vient à
l'intrigue, et le poète a conçu ce mouvement comme une digression,
afin que la composition (σύνθεσις) de la comédie ne soit pas
immédiatement visible639. Et il y a une aposiopèse (ἀποσιώπησις)640. 4 nescis qvo in metv qvanto in pericvlo cela
peut être déclaratif et interrogatif641. 5
nescis qvo in
metv il y a deux attelages de deux passions : l'un relève
du mal, l'autre des préférables. Donc, dans l'ensemble que
constitue l'attelage du mal, nous disons que le periculum relève du présent et le
metus, du futur642. 6 nescis qvo in metv il faut le prononcer
plutôt de façon déclarative que de façon interrogative. Car c'est
ainsi que nous avons coutume de parler d'affaires importantes.
7 nescis qvo in metv et qvanto in
pericvlo simvs c'est à peine s'il pourrait en supporter un
des deux, alors qu'il dit les deux à la fois, metum et periculum.
quanto in periculo simus ! Da.-quid
istuc est ? Ge.-scies
dans quel grand péril nous sommes.
Da-De quoi s'agit-il ? Gé.-Tu le sauras,
qvid istvc est fac hunc scire et narrandi
non erit locus. necessario igitur ignarus inducitur Dauus.
qvid istvc est si on décide643 qu'il
est au courant, il n'y aura pas d'occasion de récit ; c'est donc
nécessairement un Dave ignorant qui entre en scène.
modo ut tacere possis. Da.-abi sis,
insciens :
si seulement tu es capable de te
taire. Da-Vas-y, quoi ! Crétin !
1
modo vt tacere
possis uere argumentum est64 celari id, quod Antipho non coactus
sed uolens duxit uxorem. 2 modo vt tacere
possis ut pro
ne non. quod si est,
subaudiendum est uide aut
quid tale. 3 modo vt tacere possis
modo pro tantummodo, ut «
modo Iuppiter adsit
38 ». 4 abi sis insciens
insciens nunc pro
inscito posuit. 5 Vel inscientem modo stultum dicit, alias «
ignarum
39 ».
1
modo vt tacere
possis à vrai dire l'intrigue impose de cacher le fait
qu'Antiphon s'est marié non sous la contrainte, mais de son plein
gré644. 2 modo vt tacere
possis ut pour
ne non. Si c'est cela, il
faut sous-entendre uide
(fais en sorte) ou quelque équivalent. 3 modo vt tacere possis modo pour tantummodo (seulement), comme dans
« modo Iuppiter adsit » (que seulement Jupiter nous assiste).
4 abi sis insciens
à cet endroit il a mis insciens pour inscitus (ignorant). 5 Ou bien insciens veut tantôt dire stultus (sot), et
ailleurs645 ignarus (qui ne sait pas).
cuius tu fidem in pecunia
perspexeris,
Celui dont tu viens d'éprouver la
loyauté en matière d'argent,
1
cvivs tv fidem
in pecvnia perspexeris sententiose dixit, quasi in omnibus
credendum sit seruaturum fidem esse eum, qui in pecunia
seruauerit. 2 Et hoc ideo
interposuit, ne longus esset, dum persuadet ut dicat, quemadmodum
in aliis fabulis. 3 cvivs tv fidem in
pecvnia
p.
perspexeris
proprie locutus est de pecunia et fidem dicendo et credere, nam fides est eorum quibus
datur, creditores dicuntur
ipsi qui dant. 4 in pecvnia a
maiore ad minus. 5 perspexeris
non inspexeris sed
perspexeris quod plus est
dixit.
1
cvivs tv fidem
in pecvnia perspexeris il parle de façon
sentencieuse646, comme s'il fallait que tout le monde croie
qu'il va conserver la probité (fides) qu'il a gardée en matière
d'argent. 2 Et il intercale cela
afin afin qu'il ne soit pas long à parler, tandis qu'il le
persuade de parler, comme dans d'autres pièces647.
3 cvivs tv fidem in pecvnia
perspexeris il s'exprime au sens propre au sujet de
l'argent, lorsqu'il dit fidem et credere, car la fides est le propre de ceux à qui
l'on donne, et on nomme creditores ceux qui prêtent.
4 in pecvnia du plus grand
au plus petit648. 5 perspexeris
il ne dit pas inspexeris
(tu as examiné) mais perspexeris, ce qui est plus
fort649.
uerere uerba ei credere, ubi quid
mihi lucri est
tu crains de lui confier des paroles,
là où ça me rapporte quoi
1
verere verba
ei credere uerba
cum pronuntiatione dicit, ut ostendat multum distare inter
pecuniam et uerba. 2 vbi qvid mihi lvcri
est te fallere a coniectura quae dicitur cui
bono65 ? 3 Et bene, quia
seruus nihil de honestate dicit. 4
vbi qvid
mihi significantius dixit quid quam si diceret nihil.
1
verere verba
ei credere il dit uerba en le
déclamant650, pour
montrer combien il y a d'écart entre de l'argent et des paroles.
2 vbi qvid mihi lvcri est te
fallere argument par conjecture que l'on appelle "à qui
cela profite-t-il ?"651. 3 Et c'est bien dit, puisque l'esclave ne dit
rien sur l'honnêteté652. 4 vbi qvid mihi il dit quid de manière plus
expressive653 que s'il disait nihil (rien).
te fallere ? Ge.-ergo ausculta.
Da.-hanc operam tibi dico.
de te tromper ! Gé.-Écoute-donc.
Da-Je suis à ton service.
1
ergo
avscvlta ergo nunc
uelut increpatio tarde facientis est. quia hic igitur
obloquendo impediuerat narraturum, ergo dixit. sic Vergilius
«
ergo age, care pater, ceruici imponere nostrae
40 ». 2 hanc operam tibi dico
auscultandi scilicet et
audiendi operam. 3 hanc operam tibi
dico plus est dico
quam do : dicatur perpetuo, datur ad tempus.
1
ergo
avscvlta ergo est
ici comme un reproche de lenteur. C'est donc parce que l'autre, en
lui coupant la parole, l'empêchait de faire son récit alors qu'il
était sur le point de le faire, qu'il dit ergo 654. Ainsi Virgile : « ergo age, care pater, ceruici
imponere nostrae » (allons, père chéri, place-toi sur notre cou).
2 hanc operam tibi dico
c'est-à-dire auscultandi et audiendi
operam (à ton service pour te prêter l'oreille et
t'écouter). 3 hanc operam tibi dico
dico est plus fort que
do (donner) : on consacre
(dico) pour toujours,
alors qu'on donne (do)
pour un temps.
Ge.-senis nostri, Daue, fratrem
maiorem Chremem
Gé.-Notre vieux maître, Dave, son
frère aîné, Chrémès,
1
senis nostri
dave fratrem
m.
maiorem
dicendo senis ostendit et adulescentem se
dominum habere, dicendo nostri ostendit esse et alienum,
dicendo fratrem non unum
esse monstrauit, dicendo maiorem etiam minoris facit indicium.
sic argumenti partem maximam nondum narrans in ipsa iam
interrogatione transegit. haec autem omnia propter populum sic
aguntur ; ideo ille «
quidni ?
41 » dicit, ne sit opus pluribus uerbis. 2 senis nostri
d.
dave
f.
fratrem
mirum compendium narrationis quasi per
interrogationem fecit, ne ex alto repeteret. sic Vergilius «
fando aliquod si forte tuas peruenit ad aures Βelidae
nomen Palamedis et incluta fama gloria
42 » et «
nostin hanc, quam amat frater ?
43 » in Eunucho.
1
senis nostri
dave fratrem maiorem en disant senis, il montre qu'il considère
aussi le jeune homme comme son maître, en disant nostri, il montre que l'autre
appartient à un autre maître655, en disant fratrem, il montre qu'il n'est pas
seul, en disant maiorem,
il signale qu'il y en a un plus jeune. Ainsi, sans raconter encore
la plus grande partie de l'intrigue, il est déjà passé à la
question en elle-même. Tout cela se passe ainsi à cause du
public ; c'est pourquoi il dit « quidni ? », afin qu'il n'y ait pas
besoin de faire plus long. 2
senis nostri
dave fratrem il fait une étonnante économie de récit en
utilisant pour ainsi dire656 l'interrogation657, afin
de ne pas reprendre de loin. Ainsi Virgile : « fando aliquod si
forte tuas peruenit ad aures Βelidae nomen Palamedis et incluta
fama gloria » (peut-être quelque récit a-t-il porté à tes oreilles
le nom de Palamède, le fils de Bélus, et sa gloire d'illustre
renom)658 et dans
L'Eunuque : « nostin hanc, quam amat frater ? ».
nostin ? Da.-quidni ? Ge.-quid ? eius
gnatum Phaedriam ?
tu le connais ? Da-Comment non ?
Gé.-Et son fils Phédria ?
1
qvidni qvid
eivs gnatvm phaedriam non dixit quid ? Phaedriam ?, sed addidit
eius gnatum, ut magis
docere quam interrogare uideretur. 2 qvid eivs gnatvm phaedriam deest nosti.
1
qvidni qvid
eivs gnatvm phaedriam il ne dit pas "quid ? Phaedriam ?", mais ajoute
eius gnatum, en sorte
qu'il semble davantage donner des renseignements que poser des
questions. 2 qvid eivs gnatvm phaedriam
il manque nosti (tu
connais).
Da.-tam quam te. Ge.-euenit senibus
ambobus simul
Da-Comme je te connais. Gé.-Il est
arrivé que les deux vieux, tous les deux d'un coup,
1
tam qvam
te o uarietas : illic «
quidni ?
44 », hic tam quam
te ! 2 evenit senibvs
ambobvs simvl iter non euenit
iter, sed euenit ut iter
esset. 3 simvl
uno tempore.
1
tam qvam
te oh la variation : tantôt « quidni ? », tantôt « tam quam te » ! 2 evenit senibvs ambobvs simvl iter non pas
euenit iter, mais
euenit ut iter esset
659.
3 simvl signifie uno tempore (dans le même temps).
iter illi in Lemnum ut esset, nostro
in Ciliciam
sont partis, l'un pour Lemnos, le
nôtre pour la Cilicie,
illi in lemnvm vt esset recte tacetur cur
Chremes ierit et dicitur cur Demipho : utrumque pro argumento
est.
1
illi in lemnvm
vt esset il fait bien660 de
taire661 la raison pour laquelle
Chrémès est parti et de la dire dans le cas de Démiphon : les deux
points sont mis pour servir l'intrigue662.
ad hospitem antiquum. is senem per
epistulas
chez un vieil ami ; le vieux, c'est
par ses lettres
1
ad hospitem
antiqvvm sic Vergilius «
ueterem Anchisen agnouit amicum
45 ». hoc autem addidit, ut esset idonea causa nauigandi
seni. 2 senem per epistolas
pellexit epistolas
dicendo ostendit non semel scripsisse.
1
ad hospitem
antiqvvm ainsi Virgile : « ueterem Anchisen agnouit
amicum » (il a reconnu Anchise, son ami d'autrefois). Il ajoute
cela pour qu'il y ait une raison justifiant le voyage du
vieillard. 2 senem per epistolas
pellexit en disant epistolas au pluriel, il montre que
l'hôte n'a pas écrit qu'une fois663.
pellexit modo non montes auri
pollicens.
qu'il l'a attiré, tout juste s'il ne
lui promettait pas des montagnes d'or.
1
pellexit induxit. sic Vergilius «
pellacis Ulixi
46 ». 2 modo non montes avri
p.
pollicens
prouerbialis ὑπερβολή facta per exceptionem aut per
superlationem aut aequam collationem. eiusmodi est illud
Demosthenis «
μόνον οὐχί λέγει
φωνὴν ἀφιείς
47 ». 3 modo non montes avri
p.
pollicens
Sallustius «
maria montesque polliceri coepit
48 ». 4 modo non montes
a.
avri
p.
pollicens
more ueterum, quia hospites hospitibus multa
donabant.
1
pellexit induxit (il l'a déterminé). Ainsi
Virgile : « pellacis Ulixi » (l'insidieux Ulysse)664. 2 modo non montes avri pollicens hyperbole
(ὑπερβολή)
proverbiale, que l'on peut faire soit en usant de l'infériorité,
soit de la supériorité, soit de l'égalité665. Ce mot de Démosthène relève de cela :
« μόνον οὐχί λέγει φωνὴν
ἀφιείς » (peu s'en faut qu'il n'élève la voix pour dire
que...). 3 modo non montes avri
pollicens Salluste : « maria montesque polliceri coepit »
(il se mit à lui promettre monts et merveilles). 4 modo non montes avri pollicens à la façon
des Anciens, parce que les hôtes faisaient beaucoup de présents à
leurs invités666.
Da.-qui tanta erat res et supererat ?
Ge.-desinas :
Da-Lui qui en avait déjà tant et
plus ? Gé.- Arrête !
1
qvi tanta erat
res qui66 datiuus casus est. "dominone tuo,
inquit, haec pollicebatur, cui
t.
tanta
e.
erat
r.
res
?". 2 cvi tanta erat
r.
res
deest eum, ut sit : eum pellexit, cui tanta erat res.
3 et svpererat plus est
superesse quam esse. 4 desinas sic est ingenivm necessaria
praestructio67
est ad fabulae περίστασιν auaritia Demiphonis, ut maiore
periculo illo absente duxerit filius indotatam. nam mox dicturus
est «
illene indotatam uirginem atque ignobilem daret
illi ?
49 ».
1
qvi tanta erat
res qui est un
datif667. Est-ce qu'il ne promettait pas cela à
ton maître, dit-il, dont la fortune était si grande ? 2 cvi tanta erat res il manque eum (lui), pour qu'on ait :
eum pellexit, cui tanta erat
res. 3 et svpererat
superesse est plus fort
que esse (être).
4 desinas sic est ingenivm
l'avarice de Démiphon est nécessaire aux circonstances annexes
(περίστασις) de
la pièce668, pour que, pendant l'absence de son père, le
danger soit plus grand, pour le fils, de se marier à une jeune
fille sans dot. Il va bientôt dire en effet : « illene indotatam
uirginem atque ignobilem daret illi ? ».
sic est ingenium. Da.-oh regem me
esse oportuit !
Il est comme ça. Da-Oh ! c'était moi
qui aurais dû être le boss !
1
sic est
ingenivm bona praeparatio, quia68 et
diues et auarus describitur Demipho, ut indotatas nuptias filii
ferre non possit. 2 sic est
ingenivm recte : non enim fortuna, inquit, auarus est sed
natura. 3 sic est ingenivm omnium an
domini ? omnium69 sed
domini magis. 4 o regem me esse
o.
oportvit
ostendit ἐν ἤθει pauperum affectiones, qui sese
solos uti diuitiis scire aiunt, si eas habeant. 5 o regem me esse
o.
oportvit
me
acue.
1
sic est
ingenivm la préparation est bonne parce que Démiphon est
présenté comme riche et avare, pour qu'il supporte difficilement
que son fils se marie avec une jeune fille sans dot. 2 sic est ingenivm à juste titre : car ce
n'est pas à cause de la fortune qu'il est avare, dit-il, mais par
nature. 3 sic est ingenivm de tous
ou du maître ? de tous, mais surtout du maître. 4 o regem me esse oportet il montre, en
conformité avec le caractère du personnage (ἐν ἤθει), les sentiments
des pauvres, qui disent qu'ils seraient les seuls à savoir
utiliser les richesses, s'ils les avaient. 5 o regem me esse oportet prononcez
me avec un accent
aigu669.
Ge.-abeuntis ambo hic tum senes me
filiis
Gé.-Alors les deux vieux en partant
d'ici m'ont près de leurs fils
1
abevntes70 ambo hinc et hinc et hic legitur. et est ordo : hinc71
relinquunt filiis. 2
filiis
propter filios.
1
abevntis ambo
hinc on lit à la fois hinc et hic. Et l'ordre est : hinc relinquunt filiis. 2 filiis signifie propter filios (à cause de ses
fils).
relinquunt quasi magistrum. Da.-o
Geta, prouinciam
laissé comme qui dirait en
précepteur. Da-O Géta, le poste
1
relinqvvnt id est non secum abducunt.
2 qvasi magistrvm bene
quasi, quia non
compleuit72 hoc ipsum nec uult esse. 3 magistrvm sic Latini, quem Graeci
paedagogum. 4 o geta provinciam
c.
cepisti
d.
dvram
acquisitae bello longe ab Italia regiones
prouinciae dictae a
procul73
uel porro
et uincendo ; ad quas
praetores quia cum officio
mittebantur, officia
quoque prouinciae
nominabantur. 5 o geta
provinciam splendide prouinciam dixit.
1
relinqvvnt c'est-à-dire qu'ils ne
l'emmènent pas avec eux. 2 qvasi
magistrvm quasi
est bien dit, parce qu'il n'a pas rempli ce rôle et ne veut pas le
tenir. 3 magistrvm désigne chez les
Latins celui que les Grecs nommaient paedagogus (pédagogue)670.
4 o geta provinciam cepisti
dvram on appelait prouinciae les régions éloignées de
l'Italie dont on avait pris possession par les armes ; le mot
vient de procul ou
porro (au loin) et de
uincere (vaincre) ; les
prouinciae étaient aussi
nommées officia (charges),
parce que les préteurs y étaient envoyés avec l'officium (mission)671.
5 o geta provinciam il dit
prouinciam avec
emphase.
cepisti duram. Ge.-mi usu uenit, hoc
scio :
que tu as pris en charge, c'est dur !
Gé.-Par expérience, je le sais :
memini relinqui me deo irato meo.
m'est avis que j'ai été laissé, un
jour que mon ange gardien m'en voulait.
1
memini
relinqvi me
d.
deo
i.
irato
m.
meo
sic Vergilius «
nec di texere Cupencum Aenea ueniente sui
50 ». hoc Asper, sed mihi uidetur ad hoc addidisse
meo, ne esset ἀμφίβολον, cui diceret
irato deo. Naeuius in
Stalagmo «
nisi74
deo meo propitio meus homo est
51 ». 2 memini relinqvi me deo irato
meo domino dicit.
an uere deo ? 3 Et bene meo, ne esset ἀμφίβολον. 4 Et sic dixit memini relinqui, ut in Andria «
memini uidere
52 » et «
memini me fieri pauum
53 » Ennius.
1
memini
relinqvi me deo irato meo ainsi Virgile : « nec di texere
Cupencum Aenea ueniente sui » (et les dieux qu'il servait ne
protégèrent pas Cupencus quand Enée est venu)672. C'est
l'analyse d'Asper, mais il me semble qu'il a rajouté673 meo pour
qu'il n'y ait pas d'ambiguïté (ἀμφίβολον) sur la personne qu'il désigne
comme complément d'irato.
Naevius dans le Stalagmus : « nisi deo meo propitio
meus homo est » (à moins que par
l'effet de ma bonne étoile ce ne soit mon homme).
2 memini relinqvi me deo irato
meo il veut dire domino (à mon maître). Ou bien est-ce
vraiment à un dieu ?674. 3 Et
meo est bien dit, afin
qu'il n'y ait pas d'ambiguïté (ἀμφίβολον). 4 Et il dit memini
relinqui, comme dans L'Andrienne :
« memini uidere », et comme Ennius : « memini me fieri pauum »
(m'est avis que je deviens un paon)675.
coepi aduersari primo : quid uerbis
opus est ?
Au début, j'ai voulu m'opposer ;
mais, inutile de le dire,
qvid verbis opvs est repente infertur
quid uerbis opus est ? et
satis moraliter.
qvid verbis opvs est soudain, et de façon
assez conforme au caractère du personnage676, il introduit « quid uerbis opus est ? ».
seni fidelis dum sum scapulas
perdidi.
en restant fidèle au vieux, je me
suis ruiné les épaules.
1
seni fidelis
dvm svm opportune seni dixit, ut ostendat quam stultum
sit seni aduersum iuuenes fidelem esse. 2 seni fidelis dvm svm fidus est amicus, fidelis seruus. 3 scapvlas perdidi plus est perdidi quam si diceret dolui. 4 Et bene rettulit perdidi75 πρὸς τὸ fidelis : fidelis enim officium est seruare
aliquid.
1
seni fidelis
dvm svm il dit seni à propos, pour montrer combien
il est idiot d'être fidèle à un vieillard en s'opposant à de
jeunes gens. 2 seni fidelis dvm svm un
ami est fidus (fidèle), un
esclave est fidelis.
3 scapvlas perdidi
perdidi est plus fort que
s'il disait dolui (j'ai
souffert). 4 Et il fait bien de
rapporter perdidi à
(πρὸς τὸ)
fidelis : car le devoir de
quelqu'un de fidelis est
de veiller sur quelque chose.
Da.-uenere in mentem mihi istaec :
namque inscitia est
Da-C'est ça que j'ai pensé : vraiment
c'est folie
1
venere in
mentem mihi
i.
istaec
uenire in
mentem non ad recordationem tantum dicitur, sed ad
reputationem et intellegentiam. 2
namqve
inscitia est adversvm
s.
stimvlvm
c.
calces
hoc dictum et superioris personae potest esse
et alterius.
1
venere in
mentem mihi istaec on dit uenire in mentem non seulement pour
le fait de se souvenir, mais aussi pour la réflexion et la
compréhension. 2 namqve inscitia est
adversvm stimvlvm calces ce dicton pourrait émaner d'une
personne autre et de rang supérieur677.
aduersum1400 stimulum calces. Ge.-coepi is
omnia
de regimber contre l'aiguillon.
Gé.-Tout ce qu'ils voulaient, je me suis mis
1
adversvm
stimvlvm calces παροιμία cum ἐλλείψει : deest enim iactare. 2 Et stimulum pro domino adulescente posuit. 3 calces modo calces non partes plantae, sed
percussiones pedum plagasque significat. aliter Vergilius «
calcemque terit iam calce Diores
54 ».
1
adversvm
stimvlvm calces proverbe (παροιμία) contenant une ellipse (ἔλλειψις), car il manque
iactare
(agiter)678. 2 Et
il met stimulus pour
dominus adulescens (son
jeune maître). 3 calces ici
calces ne désigne pas la
partie du pied, mais un coup de pied et un coup. Dans un autre
sens, Virgile : « calcemque terit iam calce Diores » (déjà Diorès
presse de son pied le pied de son rival)679.
facere, obsequi quae uellent.
Da.-scisti uti foro.
à le faire et à obéir à leurs quatre
volontés. Da-Tu as bien exploité le marché.
1
scisti vti
foro secundum illos negotiatores, qui ante locum commercii
non praescribunt, quanto uendant quae aduehunt, sed secundum
annonam fori, quam deprehenderint, consilium de uendundis aut non
uendundis mercibus sumunt. 2
scisti vti
foro forum pro
tribus intellegitur : loco, tempore et persona ; scisti, inquit,
his uti. et est uulgare prouerbium. sensus autem hic est : scisti,
inquit, quid te facere oportuerit76.
1
scisti vti
foro en référence aux marchands qui n'inscrivent pas
devant leur étal le prix des marchandises qu'ils apportent, mais
qui décident de les vendre ou de ne pas les vendre en fonction du
cours du blé sur le marché, après l'avoir intercepté. 2 scisti vti foro forum renvoie à trois réalités : un
lieu, un moment et un personnage ; "tu as su, dit-il, les
utiliser". C'est un proverbe populaire. Le sens est par ailleurs
le suivant : "tu as su, dit-il, ce qu'il convenait que tu
fasses"680.
Ge.-noster mali nihil quicquam
primo ; hic Phaedria
Gé.-Le nôtre n'a rien fait de mal
d'abord. L'autre, Phédria,
1
primo hic
phaedria bene additum primo, quia non perpetuo. 2 noster nihil mali qvicqvam quartum77 παρέλκον, ut in Hecyra
«
nam nemo quisquam illorum, scito, ad te
uenit
55 ». 3 noster nihil mali qvicqvam
noster πρὸς ἀντιδιαστολήν
Phaedriae, qui non noster.
1
primo hic
phaedria il fait bien d'ajouter primo, parce que ça ne va pas
durer681. 2
noster nihil
mali qvicqvam pléonasme (παρέλκον)682 de la quatrième
catégorie, comme dans L'Hécyre : « nam nemo quisquam
illorum, scito, ad te uenit ». 3 noster nihil mali qvicqvam noster pour distinguer par opposition
(πρὸς
ἀντιδιαστολήν) avec Phédria, pour qui il ne peut pas
dire noster 683.
continuo quandam nactus est
puellulam
tout de suite s'est trouvé une
fille,
1
continvo
qvandam bene continuo, quasi uix exspectauerit
profectionem patris. 2 pvellvlam
citharistriam istis nominibus hoc agit, ut causa amoris et
ex aetate et ex arte puellae uideatur. nam ideo puellulam78 dicit.
1
continvo
qvandam continuo
est bien dit, comme s'il avait à peine attendu le départ de son
père. 2 pvellvlam citharistriam
c'est exprimé par ces noms pour que la raison de son amour semble
liée à la fois à l'âge et aux qualités artistiques684 de la jeune fille. C'est
pourquoi, de fait, il dit puellulam.
citharistriam, hanc ardere coepit
perditus1401.
une joueuse de cithare, et s'est mis
à l'aimer éperdument.
1
amare coepit
perditvs legitur et perdite. 2 Et amare
perdite utpote puellulam et citharistriam.
1
amare coepit
perditvs on lit aussi perdite. 2 Et amare
perdite685 parce que c'est une toute
jeune fille (puellulam) et
une 'joueuse de cithare' (citharistriam).
ea seruiebat lenoni inpurissimo,
Elle était esclave d'un maquereau, un
vrai pourri,
1
ea serviebat
lenoni
i.
inpvrissimo
et honeste et cito dixit seruiebat lenoni inpurissimo : et
quare non fuisset libera et cuius fuisset ancilla et qualis
hominis fuerit demonstrauit. 2
ea serviebat
lenoni
i.
inpvrissimo
magna praeparatio ad rerum difficultatem
imminentium : puella citharistria, auarus leno, amator perditus,
inopia.
1
ea serviebat
lenoni inpvrissimo il dit seruiebat lenoni inpurissimo de façon
à la fois appropriée et rapide686 : et il explique pourquoi elle n'était
pas libre, au service de qui elle était et quel type d'homme
c'était. 2 ea serviebat lenoni
inpvrissimo importante préparation des
obstacles imminents : une jeune fille joueuse de cithare, un
entremetteur cupide, un amoureux éperdu, pas d'argent.
neque quod daretur quicquam ; id
curarant patres.
et rien à donner : les pères y
avaient veillé.
id cvrarant patres expedite dixit
patres. si enim patrem eius tantum dixisset,
restabat, ut ei per patrui filium succurreretur, et ideo dixit
ambos non habuisse.
id cvrarant patres il dit patres de façon astucieuse : s'il
s'était contenté de dire pater
eius (son père), il restait l'opportunité à Phédria
d'être aidé par le fils de son oncle, et c'est pourquoi il dit que
les deux n'ont rien eu.
restabat aliud nihil nisi oculos
pascere,
Il ne lui restait qu'à repaître ses
yeux de la belle,
nisi ocvlos pascere hoc enim solum erat,
quod leno non uenderet.
nisi ocvlos pascere car c'était la seule
chose que l'entremetteur ne pourrait vendre.
sectari, in ludum ducere et
reducere.
à la suivre partout, à l'amener à
l'école et la ramener.
1
sectari in
lvdvm dvcere et redvcere bene cauillatus est. 2 Et ioculariter in adulescentem, cui aetas
ad philosophos sectandos
apta erat. hinc
et philosophorum sectae
. 3 Sed sectari proprie, ut taurus buculam et
aries ouem. Vergilius «
trahit sua quemque uoluptas
56 ». 4 redvcere σύλλημψις prima :
a ludo enim
subauditur.
1
sectari in
lvdvm dvcere et redvcere c'est bien plaisanté687. 2 Et c'est amusant pour un jeune homme qui avait
l'âge de suivre les cours (sectari) des philosophes. Et c'est de
là aussi que vient chez les philosophes le sens de sectae (écoles
philosophiques)688.
3 Mais sectari est employé au sens propre,
comme le taureau suit la génisse et le bélier, la brebis.
Virgile : « trahit sua quemque uoluptas » (chacun est entraîné par
son plaisir)689. 4 redvcere
syllepse (σύλλημψις) de la première catégorie, car
on sous-entend a ludo (de
l'école).
nos otiosi operam dabamus
Phaedriae.
Nous, qui n'avions rien à faire, nous
nous consacrions à Phédria.
1
nos otiosi
operam dabamvs cum τύπῳ79 dixit nos ueluti magistrum excusans
obsequentem ei, cui custos sit datus, et ideo addidit otiosi. 2 nos otiosi relatio ad illud, quod mox
otiosi non erunt.
3 nos otiosi operam dabamvs
aut ad pudorem sumitur hoc pronomen in
singulari80 numero aut ad
dignitatem. sed nunc potest nos et propter Antiphonem dixisse.
4 nos otiosi operam dabamvs
Apollodorus « ἡμεῖς δὲ
συνεπεμελούμεθα ». 5
operam dabamvs
phaedriae ille amicae, nos illi.
1
nos otiosi
operam dabamvs en conformité avec son type de personnage
(τύπος), il dit
nos comme s'il excusait le
maître qui cède aux plaisirs de celui à qui il a été donné comme
gardien690, et c'est pourquoi il
ajoute otiosi. 2 nos otiosi en relation avec le fait qu'ils
ne seront bientôt plus otiosi. 3 nos otiosi operam dabamvs ce pronom pluriel
est employé pour un objet singulier, pour exprimer la retenue ou
la dignité. Mais ici il peut aussi dire nos à cause d'Antiphon. 4 nos otiosi operam dabamvs Apollodore :
« ἡμεῖς δὲ
συνεπεμελούμεθα » (et nous, nous nous y consacrions en
même temps). 5 operam dabamvs phaedriae
lui se consacrait à son amie, et nous à lui.
in quo haec discebat ludo, exaduersum
ei loco
L'école où elle allait, juste en face
de cet endroit,
1
in qvo haec
discebat lvdo figurate
τῷ
in quo haec discebat
ludo additum est ei
loco. 2 ex adversvm ei
loco legitur et illico. et annotatur « ex abundanti
additum, ut apud ueteres multa sunt ». 3 ex adversvm ei loco παρέλκον quartum.
1
in qvo haec
discebat lvdo avec une figure691, on ajoute ei
loco à (τῷ) in quo
haec discebat ludo. 2
ex adversvm ei
loco on lit aussi illico. Et en annotation : « ex
abundanti additum, ut apud ueteres multa sunt » (c'est un ajout
par pléonasme, comme c'est souvent le cas chez les Anciens)692. 3 ex adversvm ei loco pléonasme (παρέλκον) de la quatrième
catégorie.
tonstrina erat quaedam : hic
solebamus fere
il y avait un genre de coiffeur :
c'était là que nous avions l'habitude presque
1
tonstrina
erat apta sedes otiosis. 2
tonstrina erat
qvaedam παρέλκον tertium quaedam. 3 hic solebamvs fere plervmqve παρέλκον tertium
fere plerumque.
1
tonstrina
erat lieu approprié à des gens désœuvrés. 2 tonstrina erat qvaedam quaedam est un pléonasme (παρέλκον) de la troisième
catégorie. 3 hic solebamvs fere
plervmqve fere
plerumque est un pléonasme (παρέλκον) de la troisième
catégorie693.
plerumque eam opperiri dum inde iret
domum.
tout le temps de l'attendre, jusqu'à
ce qu'elle reparte de là chez elle.
1
dvm inde iret
domvm ad se
scilicet. 2 Et iret domum pro rediret. 3 Vel certe iret
d.
domum
81
figura παρέλκον.
1
dvm inde iret
domvm c'est-à-dire ad
se (chez elle). 2 Et
iret domum pour rediret (qu'elle revienne).
3 Ou bien certainement iret domum est une figure de
pléonasme (παρέλκον)694.
interea dum sedemus illi,
interuenit
Un jour que nous étions assis là,
survient
1
dvm
sedemvs proprie sedemus ut in tonstrina. 2 illi intervenit illi pro ibi, ut «
illi mea tristia facta
57 ». 3 Et nota
illi pro illic. 4 intervenit advlescens qvidam lacrimans
Apollodorus tonsorem ipsum nuntium facit, qui dicat se nuper
puellae comam ob luctum abstulisse, quod scilicet mutasse
Terentium, ne externis moribus spectatorem Romanum offenderet.
1
dvm
sedemvs sedemus au
sens propre, comme dans une boutique de coiffeur. 2 illi intervenit illi pour ibi, comme chez Virgile : « illi mea
tristia facta » (là-bas, mes sinistres exploits)695. 3 Et notez que illi est mis pour illic (là-bas). 4 intervenit advlescens qvidam lacrimans
Apollodore fait de ce même coiffeur le messager qui dit avoir
coupé les cheveux d'une jeune fille en raison d'un deuil ; il va
de soi que Térence a changé ce point pour ne pas choquer le
spectateur romain avec des mœurs étrangères696.
adulescens quidam lacrimans. nos
mirarier :
un jeune homme en larmes ; nous, nous
nous étonnons,
1
nos
mirarier recte mirarier :
mirae
enim in adulescentibus lacrimae, ut contra «
tristisque senectus
58 ». 2 nos mirarier ut «
solam nam perfidus ille te colere
59 ».
1
nos
mirarier mirarier
est employé à juste titre : les larmes sont en effet mirae (étonnantes) chez les
adolescents, comme inversement dans « tristisque senectus » (et la
triste vieillesse). 2 nos mirarier
comme dans « solam nam perfidus ille te colere » (car pour toi
seule ce perfide avait des égards)697.
rogamus quid sit. “numquam aeque”
inquit “ac modo
nous lui demandons ce qu'il y a.
« Jamais, dit-il, comme aujourd'hui
1
rogamvs qvid
sit quod lacrimet82, non
quid sit ipse, ut stulti
putant. 2 nvmqvam aeqve inqvit ac
modo mire ostendit semper sibi hoc uisum quod dicit, sed
numquam aeque.
1
rogamvs qvid
sit comment il se fait (quid
sit) qu'il pleure, et non pas pas ce qu'il est
lui-même (quid sit ipse),
comme le pensent les idiots. 2
nvmqvam aeqve
inqvit ac modo de façon étonnante, il montre que la
pauvreté dont il parle lui a toujours paru évidente, mais jamais
autant (numquam
aeque).
paupertas mihi onus uisum est et
miserum et graue.
je n'ai trouvé le fardeau de la
pauvreté aussi pénible et aussi lourd.
pavpertas mihi onvs visvm est statim fit
mentio paupertatis, ut sit causa fallaciae Phormionis.
pavpertas mihi onvs visvm est il est
aussitôt fait mention de sa pauvreté, pour qu'il y ait une raison
à la tromperie montée par Phormion.
modo quandam uidi uirginem hic
uiciniae
Je viens de voir une jeune fille ici
dans le voisinage
1
modo qvandam
vidi virginem bene quandam, ne ob familiaritatem laudare
uideretur. 2 hic viciniae aduerbium in
loco est, cuius ad locum «
huc uiciniae
60 ». 3 Et statim
proximitas insinuatur, ut sit spes et causa uidendi. 4 modo qvandam vidi virginem uide sic agi, ut
non tam morte mulieris quam solitudine pulchrae uirginis moueatur
affectus, simul et ea describi, quae matronae futurae magis
conueniant quam quae temere amanda sit. nam hic obitus feminae ad
comicum exitum spectat, quandoquidem plus ex morte eius
securitatis quam molestiae sentiat argumentum.
1
modo qvandam
vidi virginem quandam est bien dit, afin qu'il ne
donne pas l'impression de la louer parce qu'il la connaîtrait.
2 hic viciniae c'est un
adverbe pour le lieu où l'on se trouve, pour le lieu où l'on va
c'est huc uiciniae 698. 3 Et on insinue
aussitôt implicitement qu'elle se trouve à proximité, pour qu'il y
ait un espoir et une raison de la voir. 4 modo qvandam vidi virginem remarquez que
l'intrigue est menée de telle sorte que la passion n'est pas tant
suscitée par la mort de la femme que par l'état d'abandon de la
belle jeune fille, et qu'en même temps on décrit des détails qui
conviennent davantage à une future mère de famille qu'à une fille
qu'on devrait aimer à la légère. De fait ici la mort de la femme
vise à un dénouement de comédie puisque cette mort provoque dans
l'argument plus de sécurité que de trouble699.
miseram suam matrem lamentari
mortuam.
au désespoir, qui pleurait sa mère
morte.
1
miseram ab affectu. 2 Et subdistinguendum, ut ad uirginem referatur. 3 lamentari mortvam a probitate, quae piis
attribuitur. 4 Et lamentari
mortvam ambiguitas, sed sensu manifesta.
1
miseram argument du pathétique. 2 Et il faut séparer ce mot par une virgule,
de sorte qu'il renvoie à uirginem 700. 3 lamentari
mortvam argument de l'honnêteté que l'on attribue aux gens
pieux. 4 Et lamentari mortvam
ambiguïté, mais elle est levée par le sens701.
ea sita erat ex aduerso1402 neque illi
beniuolus
Celle-ci était exposée en face
d'elle, et près d'elle ni bonne âme,
1
ea sita
erat sita
posita. Sallustius cum
adiectione in II «
cum praedixero positum insulae
61 », et hoc eius reciprocum est. 2 ea sita erat ex adverso expositio
paupertatis et quam facile uirgo uideri possit.
1
ea sita
erat sita équivaut
à posita (située).
Salluste au livre II, avec adjonction du préfixe : « cum
praedixero positum insulae » (puisque j'ai parlé plus haut de la
position de l'île), et c'est ici le tour réciproque. 2 ea sita erat ex adverso exposition de la
pauvreté de la jeune fille et de la grande facilité avec laquelle
on pouvait voir celle-ci702.
neque notus neque uicinus extra unam
aniculam
ni connaissance, ni voisin, en dehors
d'une petite vieille,
1
neqve notvs
neqve vicinvs αὔξησις secunda fit, quia res minuitur,
crescit sententia. Sallustius «
non repugnantibus modo, sed ne deditis quidem armis
bellum excitare metuentibus
62 » 2 neqve vicinvs ἀναφορά. 3 neqve notvs neqve vicinvs extra
v.
vnam
a.
anicvlam
haec praestruuntur, ut sit spes potiundae
uirginis. 4 neqve notvs neqve vicinvs extra
v.
vnam
a.
anicvlam
haec descriptio paupertatis adiuuat
argumentum, ut et uisere audeant adulescentes uirginem et amet
Antipho.
1
neqve notvs
neqve vicinvs amplification (αὔξησις) de la deuxième catégorie,
puisque le sens est diminué, mais que la phrase s'allonge703. Salluste : « non repugnantibus modo, sed ne
deditis quidem armis bellum excitare metuentibus » (à des gens qui
non seulement y répugnaient, mais qui craignaient de provoquer la
guerre alors même qu'on leur avait donné des armes)704. 2 neqve vicinvs anaphore (ἀναφορά)705. 3 neqve notvs neqve
vicinvs extra vnam anicvlam ces éléments sont
mis en place d'avance pour qu'il y ait un espoir de s'emparer de
la jeune fille. 4 neqve notvs neqve
vicinvs extra vnam anicvlam cette description de la
pauvreté aide l'intrigue, de sorte qu'à la fois les jeunes gens
osent voir la jeune fille et qu'Antiphon s'éprenne
d'elle706.
quisquam aderat qui adiuuuaret1403 funus :
misertum est.
il n'y avait personne pour l'aider
aux funérailles. Quelle pitié.
1
qvi adivvaret
fvnvs ipsum officium funus dixit. 2 misertvm est hoc est : misertus sum eius. et hic uidetur
ostendisse, cur lacrimaret.
1
qvi adivvaret
fvnvs il appelle funus l'office funèbre lui-même.
2 misertvm est
c'est-à-dire : misertus sum
eius (j'ai été saisi de pitié pour elle). Et ici il
semble montrer pourquoi il pleurait.
uirgo ipsa facie egregia.” quid
uerbis opus est ?
La jeune fille elle-même, un visage
magnifique. » Inutile de le dire,
1
virgo ipsa
facie egregia a forma indignatio. 2 virgo ipsa bene ipsa, quia quod supra dixit, non ad
ipsam, sed ad euentum eius pertinebat. 3 qvid verbis opvs est sic dicit Terentius,
ubi ad effectum properat.
1
virgo ipsa
facie egregia l'indignation vient de ce que la jeune fille
est belle. 2 virgo ipsa ipsa est bien dit, puisque ce qu'il a
dit plus haut ne se rapportait pas à elle mais à son sort.
3 qvid verbis opvs est
Térence s'exprime ainsi quand il se hâte vers le résultat707.
commorat omnes nos. ibi continuo
Antipho
il nous avait tous bouleversés. Là,
d'un coup, Antiphon :
1
commorat omnes
nos pro commouerat : figura συγκοπή. 2 Et bene omnes, quia res
83
ad Antiphonem tantum. 3
ibi continvo
antipho hic reddit nomen adulescentis. et est παρασκευή84 .
1
commorat omnes
nos pour commouerat : figure de la syncope
(συγκοπή).
2 Et omnes est bien dit, puisque l'affaire
ne concerne en réalité qu'Antiphon. 3 ibi continvo antipho ici il redonne le nom
du jeune homme. Et c'est une préparation (παρασκευή)708.
“uultisne eamus uisere ?” alius
“censeo :
« Voulez-vous que nous allions la
voir ? » ; un autre, « D'accord »
1
vvltisne eamvs
visere ut «
populare penates uenimus
63 ». 2 vvltisne eamvs ipse
hortator inducitur, qui amaturus est. 3 alivs censeo Phaedria uel quilibet.
4 alivs censeo eamvs dvc nos sodes
imvs venimvs haec omnia diuersi dicunt, et apparet tot
esse homines, quot per μίμησιν ἀσύνδετα demonstrantur dramatica
relatione.
1
vvltisne eamvs
visere comme dans « populare penates uenimus » (nous
sommes venus ravager les pénates)709. 2 vvltisne
eamvs celui qui est présenté comme l'instigateur du projet
est précisément celui qui va tomber amoureux. 3 alivs censeo Phédria ou n'importe qui
d'autre. 4 alivs censeo eamvs dvc nos sodes
imvs venimvs toute cette réplique est dite par divers
personnages et il est clair que le nombre des intervenants est
égal, par imitation (μίμησις), à celui des asyndètes (ἀσύνδετα) que l'on voit
apparaître dans ce récit dramatisé.
eamus : duc nos sodes.” imus
uenimus
« allons-y, conduis-nous, je te
prie. » Nous partons, nous arrivons,
1
imvs venimvs
videmvs virgo pvlchra ἀσύνδετα κατὰ βραχυλογίαν85 . 2 imvs venimvs
v.
videmvs
v.
virgo
p.
pvlchra
ἀσύνδετον primum per βραχυλογίαν.
1
imvs venimvs
videmvs virgo pvlchra asyndètes (ἀσύνδετα) par brachylogie (κατὰ βραχυλογίαν).
2 imvs venimvs videmvs virgo
pvlchra asyndète (ἀσύνδετον) de la première catégorie par
brachylogie (βραχυλογία).
uidemus. uirgo pulchra, et hic1404 magis
diceres,
nous voyons. Belle fille, et on
pouvait d'autant mieux le dire,
1
virgo
pvlchra bene non dixit uidemus
uirginem pulchram, sed ἀπὸ τῆς καταπλήξεως uirgo pulchra : illud enim frigidius,
hoc concitatius. 2 et hic86 magis
diceres diceres
pro crederes, ut «
audacter dicito
64 » saepe Plautus. 3 virgo pvlchra
ἀπὸ τῆς
καταπλήξεως 87. 4 Et duo ingentia, et uirgo et pulchra.
1
virgo
pvlchra il fait bien de ne pas dire uidemus uirginem pulchram (nous
voyons une belle jeune fille), mais, sous le coup de l'admiration
(ἀπὸ τῆς
καταπλήξεως), uirgo
pulchra, car le premier choix aurait induit trop de
froideur, et le second marque plus d'animation710. 2 et hic magis diceres diceres pour crederes (tu croirais), comme Plaute
écrit souvent « audacter dicito » (tu peux le dire hardiment).
3 virgo pvlchra sous le coup
de l'admiration (ἀπὸ τῆς
καταπλήξεως). 4 Et à la
fois uirgo et pulchra sont deux mots au sens très
fort.
nihil aderat adiumenti ad
pulchritudinem :
elle n'avait rien pour faire valoir
sa beauté :
nihil aderat
adivm.
adivmenti
proprie aderat : adest enim id quod adiuuat.
nihil aderat adivmenti
aderat est employé au sens
propre711 : car on emploie adest pour ce qui aide (adiuuo).
capillus passus, nudus pes, ipsa
horrida,
le cheveu épars, le pied nu, toute
mal peignée,
1
capillvs
passvs singularem numerum pro plurali posuit. sic et alibi
«
capillus pexus, prolixus, circum caput reiectus
neglegenter
65 », ut pars magna.
—
2
passvs
temere dispersus
88
. a Graeca oratione profluxit haec dictio. 3 capillvs passvs ipsa horrida et lacrimae ad
luctum pertinent, nvdvs pes et vestitvs tvrpis ad
pauperiem. 4 capillvs
p.
passvs
n.
nvdvs
p.
pes
i.
ipsa
h.
horrida
συντομία
μετ᾽ ἐναργείας 89 quasi extra
ipsam ; est enim, quod dicitur nudus pes et capillus passus. et tale est apud
Vergilium «
illum autem, quamuis aries sit candidus ipse, nigra
subest udo tantum cui lingua palato, reice
66 ». sic alibi de arbore «
tum fortes late ramos et bracchia tendens huc illuc
media ipsa ingentem sustinet umbram
67 » et «
ipse arduus
68 ». 5 capillvs passvs nvdvs pes
facetius, quam si pluraliter dixisset. Vergilius «
quibus acer Eryx in proelia suetus ferre manum
69 ».
1
capillvs
passvs il met le singulier pour le pluriel. Ainsi ailleurs
également « capillus passus, prolixus, circum caput reiectus
neglegenter » (les cheveux épars, lâchés, rejetés négligemment
autour de la tête), comme dans l'expression pars magna (une grande partie de…)
— 2 passvs signifie temere dispersus (répandu au hasard).
— Cette expression vient du grec712. 3 capillvs passvs ipsa
horrida et lacrimae éléments relatifs au deuil, nvdvs pes et
vestitvs
tvrpis éléments relatifs à la pauvreté. 4 capillvs passvs nvdvs pes ipsa
horrida brièveté (συντομία) avec une hypotypose (μετ᾽ ἐναργείας), comme si
c'était en dehors d'elle. C'est en effet ce qui est dit avec ce
"pied nu" (nudus pes) et
cette "chevelure éparse" (capillus
passus). Et on trouve quelque chose de ce genre chez
Virgile : « illum autem, quamuis aries sit candidus ipse, nigra
subest udo tantum cui lingua palato, reice » (quant au bélier,
fût-il lui-même d'une blancheur éclatante, s'il a seulement sous
son palais humide une langue noire, écarte-le). Ainsi ailleurs au
sujet d'un arbre : « tum fortes late ramos et bracchia tendens huc
illuc media ipsa ingentem sustinet umbram » (alors qu'il tend au
loin ses branches et ses bras robustes en tous sens, son tronc,
lui, au centre, soutient un gigantesque ombrage) et « ipse
arduus » (lui-même, gigantesque)713.
5 capillvs passvs nvdvs pes
plus plaisant que s'il avait utilisé le pluriel. Virgile :
« quibus acer Eryx in proelia suetus ferre manum » (ceux dont
l'indomptable Eryx avait coutume d'armer la main pour la
lutte)714.
lacrimae, uestitus turpis : ut, ni
uis boni
des larmes, des vêtements
pitoyables, au point que, si l'attrait de la bonté n'avait
1
lacrimae
vestitvs tvrpis ἀσύνδετον tertium. 2 vt ni vis boni plus est uis boni quam bonum. 3 vt ni vis boni in ipsa inesset
f.
forma
h.
haec
f.
formam
e.
exstingverent
fornum
ueteres ignem et calorem quendam quasi feruorem dixerunt, et ideo fornaces, forcipes, formam et formosos, ex quibus amoris ignis
exsoluitur. laudandus ergo Terentius proprietate seruata, qui cum
formam praetulisset,
subiecit exstinguerent.
4 Ergo et Vergilius sic ait «
at mihi sese offert ultro meus ignis Amyntas
70 ».
1
lacrimae
vestitvs tvrpis asyndète (ἀσύνδετον) de la troisième catégorie.
2 vt ni vis boni uis boni est plus fort715 que
bonum. 3 vt ni vis boni in ipsa inesset forma haec
formam exstingverent les Anciens appelaient
fornus (four) un feu et
une chaleur quelconques au sens de feruor (chaleur), et de là viennent
fornax (fourneau),
forceps (tenailles),
forma et formosus (beau), expressions qui
désignent le feu amoureux716. Il faut donc louer Térence
pour avoir conservé le sens propre de ce mot, puisque, alors qu'il
a mis formam auparavant,
il ajoute exstinguerent.
4 Donc Virgile aussi dit
ainsi717 :
« at mihi sese offert ultro meus ignis Amyntas » (à moi s'offre
spontanément l'objet de ma flamme, Amyntas).
in ipsa inesset forma, haec formam
exstinguerent.
pas été inclus à l'intérieur de sa
beauté, tout cela aurait éteint sa beauté.
1
in ipsa
inesset forma haec formam exstingverent figura πλοκή : aliud enim supra,
aliud infra forma repetita
significat. 2 in ipsa inesset
f.
forma
geminauit praepositionem, ut alibi «
in amore haec omnia insunt uitia
71 ». 3 exstingverent bene
exstinguerent, quia
forma calor. 4 Et forma ab igne et calore dicta
est.
1
in ipsa
inesset forma haec formam exstingverent figure de la
répétition (πλοκή) : car le sens de forma est différent la première fois
et la deuxième fois718. 2 in ipsa inesset
formam il redouble la préposition719 comme
ailleurs : « in amore haec omnia insunt uitia ». 3 exstingverent exstinguerent est bien dit, parce que
la forma est une chaleur.
4 Et forma est étymologiquement lié à la
notion de feu et de chaleur720.
ille qui illam amabat fidicinam
tantummodo
L'autre, l'amoureux de la joueuse de
lyre, se borne
1
ille qvi illam
amabat bene illam,
quia iam supra insinuauit personam citharistriae. 2 ille qvi illam amabat ratio, cur non
amauerit uirginem. 3 fidicinam
supra
citharistriam
72. ergo indifferenter. 4
tantvmmodo
satis inqvit sensus est : laudauit tantummodo, non etiam
captus est in amorem.
1
ille qvi illam
amabat illam est
bien dit, puisqu'il a déjà introduit plus haut le personnage de la
joueuse de cithare. 2 ille qvi illam
amabat raison pour laquelle il n'est pas tombé amoureux de
la jeune fille. 3 fidicinam
plus haut citharistriam.
Il n'y a donc pas de différence721. 4 tantvmmodo satis
inqvit le sens est : "il a seulement fait son éloge, il
n'est pas lui aussi tombé amoureux".
“satis” inquit “scita est” ; noster
uero... Da.-iam scio :
à dire : « Elle est plutôt
mignonne » ; mais le nôtre... Da-Je sais déjà :
1
satis inqvit
scita magna laus, formam amanti aliam placuisse.
2 noster vero ἀποσιώπησις, quae
succurrit, quotiens uerba rebus minora sunt. 3 satis inqvit scita scita bella, ut in Andria «
scitus puer est natus Pamphilo
73 ».
1
satis inqvit
scita c'est un grand éloge que sa beauté ait plu à
quelqu'un qui en aimait une autre. 2 noster vero aposiopèse (ἀποσιώπησις), qui sert de
recours chaque fois que les mots sont inférieurs aux faits.
3 satis inqvit scita
scita signifie bella (belle), comme dans
L'Andrienne : « scitus puer est natus Pamphilo ».
amare coepit. Ge.-scin quam ? quo
euadat uide.
il est tombé amoureux. Gé.-Tu ne
peux pas savoir à quel point. Vois où il en est venu.
1
amare
coepit ille, inquit, laudauit tantum, hic amare coepit.
2 Et bene coepit, non amauit, ut ostendat uim amoris non
paruam esse et rem quae semel suscipi possit. 3 scin qvam ἀποσιώπησις, qua in
narrationibus in compendium Terentius uti solet. 4 scin qvam amare
coepit subauditur. 5
qvo evadat
vide euadat
perueniat, nam euadere est per obstantia peruenire.
1
amare
coepit le premier, dit-il, s'est contenté de faire son
éloge, alors que le second en est tombé amoureux. 2 Et coepit
est bien dit, plutôt que amauit (il a aimé), pour montrer que
la force de l'amour n'est pas petite, et de montrer l'effet
qu'elle peut causer en une seule fois. 3 scin qvam aposiopèse (ἀποσιώπησις) que Térence
a l'habitude d'utiliser dans les récits pour faire bref722. 4 scin qvam on
sous-entend amare coepit
(il tomba amoureux). 5 qvo evadat
vide euadat
signifie perueniat (qu'il
parvienne), car euadere
c'est per obstantia
peruenire (parvenir à passer au milieu des
obstacles).
postridie ad anum recta pergit :
obsecrat
Le lendemain, il va tout droit chez
la vieille ; il la supplie
1
postridie ad
anvm recta pergit hoc praestruens aniculae fecerat mentionem.
2 Et bene memor et uirginis et honestae non
ipsam adiri facit sed anum, neque ab ipsa petit90 fructum uoluptatis, ex
cuius persona maior desperatio nascebatur, sed a nutrice potius,
per quam suaderi puellae posse creditur quicquid libet. 3 postridie ad anvm recta ἐμφατικῶς statim, ut qui
posthabuerit omnia alia. 4 recta quia
non per nuntium.
1
postridie ad
anvm recta pergit préparant cela, il avait fait mention de
la petite vieille (anicula). 2 Et se souvenant qu'elle est vierge et honnête, il
a raison de faire que ce ne soit pas elle qui se fasse aborder,
mais la vieille femme, et il réclame l'assouvissement de sa
passion non pas d'elle, un personnage qui ne laisse guère
d'espoir, mais plutôt de sa nourrice, dont il croit qu'elle peut
persuader la jeune fille de n'importe quoi723.
3 postridie ad anvm recta
dit sur-le-champ de façon emphatique (ἐμφατικῶς)724, à la façon de quelqu'un qui fait passer
tout le reste après. 4 recta parce
qu'il ne passe pas par l'intermédiaire d'un messager.
ut sibi eius faciat copiam. illa
enim se negat
de lui faciliter les choses avec
elle. Elle refuse net,
1
vt sibi eivs
faciat copiam uide, ut nihil de uirgine speret, qui omnia
ab anicula petat. 2 illa enim se
negat facturam
copiam subauditur.
1
vt sibi eivs
faciat copiam voyez comme il n'espère rien de la jeune
fille, lui qui demande tout à la petite vieille. 2 illa enim se negat on sous-entend
facturam copiam.
neque enim aequum ait facere ; illam
ciuem esse Atticam,
en effet elle dit faire cela ça
n'est pas bien ; elle est citoyenne d'Athènes,
1
neqve enim
aeqvvm ait facere non quia amet, sed quia petat.
2 neqve enim aeqvvm ait
facere quod peteret scilicet. 3 illam civem esse esse ait illam cum ἐμφάσει uel
ἄρσει
91
dixit, quasi dicat quam sic contemnant, eam esse ciuem
Atticam. 4 civem quod ad iura
pertinet, bonam92 quod ad ipsam.
1
neqve enim
aeqvvm ait facere non pas parce qu'il l'aime, mais parce
qu'il la demande. 2 neqve enim aeqvvm ait
facere c'est-à-dire implicitement le fait qu'il la
demande. 3 illam civem esse elle dit
illam avec emphase
(ἔμφασις)725 ou bien en levant (ἄρσις) la voix, comme si elle
disait que celle qu'ils méprisent à ce point est citoyenne
athénienne. 4 civem pour ce qui relève
du droit, bonam pour ce
qui relève de sa nature propre726.
bonam bonis prognatam : si uxorem
uelit,
un fille bien née de gens bien ;
s'il la veut pour femme,
1
bonam
non uilem, quia boni non uiles. unde superlatiuus
gradus optimates facit,
quia bonus melior optimus dicitur. 2 bonis prognatam quod a
maioribus93 eius. 3 si vxorem velit recte subiunxit si uxorem uelit, postquam in uirgine
ea praetulit, quae solent ornare nuptas94.
1
bonam
signifie non uilem (non
vile), parce que les boni
ne sont pas uiles (vils).
De là, le superlatif donne optimates (aristocrates), parce que
l'on dit bonus, melior, optimus 727. 2 bonis
prognatam pour ce qui relève de ses ancêtres728.
3 si vxorem velit il ajoute
si uxorem uelit à juste
titre, après avoir mis en avant chez une jeune fille ce qui
d'ordinaire fait la parure des femmes mariées.
lege id licere facere : sin aliter,
negat.
la loi lui permet de le faire ;
sinon, c'est non.
1
lege id licere
facere incerta distinctio est, utrum uxorem uelit lege an lege id licere facere et pudice anus
et tamen illecebrose licere
facere dixit, quod ille impudentius petit, ut sibi
eius faciat copiam.
2 sin aliter negat σύλλημψις : facturam ex eo quod sequitur
facere.
1
lege id licere
facere la ponctuation est incertaine729 : ou bien uxorem uelit lege, ou bien lege id licere facere et la vieille
femme répond avec retenue, et cependant d'une manière
encourageante, qu'on peut faire (licere facere) ce que l'autre demande
avec assez d'impudence730, à
savoir qu'elle lui permette l'accès (faciat copiam). 2 sin aliter negat syllepse (σύλλημψις) : facturam qui provient du fait que
cela suit facere.
noster quid ageret nescire : et
illam ducere
Notre garçon ne sait pas quoi
faire : l'épouser,
1
noster qvid
ageret nescire proposita deliberatio, cuius tamen altera
pars uincet ; nam ducturus est per absentiam patris. 2 qvid ageret nescire pro nesciebat ; sed recte, quia
subiuncturus est «
cupiebat et metuebat
74 ». 3 illam dvcere cvpiebat et
metvebat uide ambiguitatem, qua sequentia non
coguntur.
1
noster qvid
ageret nescire proposition d'un sujet de
délibération731, dont l'un des deux termes l'emportera
cependant ; de fait il va l'épouser en profitant de l'absence de
son père. 2 qvid ageret nescire pour
nesciebat (il ne savait
pas)732 ; mais à juste titre, parce
qu'il va ajouter cupiebat
et metuebat. 3 illam dvcere cvpiebat et metvebat voyez
l'ambiguïté733, qui n'affecte pas la
suite734.
cupiebat et metuebat absentem
patrem.
il voulait bien, mais ça lui faisait
peur que son père soit absent.
metvebat proprie dixit :
metuimus enim eos, qui nos
amant, timemus etiam
inimicos.
metvebat il le dit au sens
propre : car nous redoutons (metuimus) ceux qui nous aiment, et
nous craignons (timemus)
en plus nos ennemis.
Da.-non, si redisset, ei pater
ueniam daret ?
Da-Et il ne lui aurait pas, à son
retour, accordé son pardon, le père ?
1
non si
redisset ei pater veniam bene interrogat Dauus : hoc enim
ni 95 sperari posset, non erat opus fraudibus
Phormionis. 2 non si
r.
redisset
si
pro postquam, ut «
si nona diem mortalibus
al.
almum
75 ». 3 non si redisset ei pater
veniam si
cum redisset96.
1
non si
redisset ei pater veniam Dave fait bien de poser la
question : car s'il ne pouvait espérer cela, il n'y aurait pas
besoin des ruses de Phormion. 2
non si
redisset si pour
postquam (après que),
comme dans « si nona diem mortalibus almum735 » (si la neuvième, apportant aux mortels le jour et
ses bienfaits...). 3 non si redisset ei
pater veniam si
redisset signifie cum
redisset.
Ge.-illene1405 indotatam uirginem atque
ignobilem
Gé.-Lui ? Une fille sans dot et sans
naissance,
1
illene
indotatam virginem ἐμφατικῶς ille, de quo dixerat97 «
desinas : sic est ingenium
76 » et is98 propter spem lucri nauigauerat
senex. insinuandum igitur fuit : hoc enim erit omne
periculum fabulae. 2
Ex99 ordine Terentius prius insinuauit
personam senis, ut grauiora fierent, quae dirimebant nuptias.
3 illene indotatam virginem atqve
ignobilem duo dixit, et indotatam et ignobilem ; haec enim duo
principaliter expetuntur, cum sint quattuor, quae in ipsis sponsis
quaeruntur : forma, probitas, dos, nobilitas. sed manifestum est,
cur de forma et probitate nihil dicat, quippe quae supra100
magnopere collaudauerit in puella. 4 virginem simpliciter accipimus uirginem, an
subaudimus101
quamuis, ut sit :
quamuis uirginem ?
1
illene
indotatam virginem il dit ille avec emphase (ἐμφατικῶς) au sujet d'un
vieillard dont il disait : « desinas : sic est ingenium » et qui
avait pris la mer parce qu'il espérait gagner de l'argent. Il
fallait donc l'indiquer implicitement : car cela sera tout le
danger de la pièce736.
2 Et dans l'ordre, Térence
introduit d'abord implicitement le personnage du vieillard pour
que soient plus graves les choses qui pouvaient rompre le
mariage737. 3
illene
indotatam virginem atqve ignobilem il dit les deux, à la
fois indotatam et
ignobilem ; car ces deux
qualités sont principalement attendues, alors qu'il y en a quatre
qui sont requises dans les fiançailles mêmes : la beauté,
l'intégrité morale, la dot, la naissance. Mais la raison pour
laquelle il ne dit rien de la beauté et de l'intégrité morale est
évidente : en effet, il les a largement louées plus haut à propos
de la jeune fille. 4 virginem
est-ce que nous comprenons uirginem tout seul ou bien
sous-entendons-nous quamuis (certes), de sorte qu'on
ait : quamuis uirginem
(vierge certes)738 ?
daret illi ? numquam faceret.
Da.-quid fit denique ?
la lui donner ? Jamais de la vie !
Da-Qu'est-ce qui se passe après ?
1
daret
illi bono affectu dixit daret
illi ? filius enim familias non tam ducit uxorem quam
a patre accipit, quippe cum patri committatur puella potius in
huiusmodi condicionibus quam marito. 2 daret illi nvmqvam faceret ἀποσιώπησις secunda : hic
enim non transit ad aliud, sed instat incepto, ut et per
interrogationem diceret daret
illi ? et per responsionem inferret numquam faceret. 3 Et nota numquam pro non in maiorem negationis
significantiam poni semper. 4
daret
illi mire daret,
ut ostenderet nihil esse potestatis in filio. 5 qvid fit deniqve more suo Terentius
denique posuit in fine sensus102. et est aduerbium ordinis. sic et in
Heautontimorumeno «
fodere aut arare aut aliquid ferre denique
77 », ut sit denique
uel deinde uel ad postremum.
1
daret
illi il dit daret
illi ? avec un sentiment conforme au bien, car ce
n'est pas tant le fils de famille qui prend femme que son père qui
la lui donne ; en effet, dans des circonstances de ce genre, la
jeune fille est plutôt confiée au père du marié qu'au marié.
2 daret illi nvmqvam faceret
aposiopèse (ἀποσιώπησις) de la deuxième catégorie :
car, ici, il ne passe pas à autre chose, mais reste sur ce qu'il a
commencé, pour à la fois dire, comme question, daret illi ? et ajouter, comme
réponse, numquam faceret.
3 Et remarquez que numquam est toujours mis pour
non afin de donner plus de
force à la négation. 4 daret illi
daret est remarquable,
pour montrer que rien n'est possible au fils. 5 qvid fit deniqve comme à son habitude,
Térence met denique en fin
de phrase. Et ce mot est un adverbe de succession739.
Ainsi également dans L'Héautontimorouménos : « fodere
aut arare aut aliquid ferre denique » (bêcher ou labourer ou enfin
transporter quelque chose), de sorte que denique équivaut ou à deinde (ensuite) ou à ad postremum (en dernier lieu).
Ge.-quid fiat ? est parasitus quidam
Phormio,
Gé.-Ce qui se passe ? Il y a un
parasite, Phormion,
1
qvid
fiat deest rogitas. et est ἀποσιώπησις quarta.
2 est parasitvs qvidam
phormio Phormio
non a formula sed a
phormione dictus sparteo,
quem nos eronem dicimus
triuialiter et pro consuetudine. 3
qvid
fiat seruatur affectus tristis hominis, ut supra ait
«
sed quid tu es tristis ?
78 ».
1
qvid
fiat il manque rogitas (tu demandes). Et il y a une
aposiopèse (ἀποσιώπησις) de la quatrième catégorie.
2 est parasitvs qvidam
phormio Phormio
vient non pas de formula (formule) mais de
phormio qui désigne un
panier fait en sparte740, que nous appelons
familièrement et usuellement ero (panier d'osier)741. 3 qvid fiat il rend bien l'état d'esprit d'un
homme sombre, comme quand il dit plus haut : « sed quid tu es
tristis ? »742.
homo confidens : qui illum di omnes
perduint !
le genre qui ne doute de rien... Que
tous les dieux le perdent !
1
homo
confidens homo
comice additum, nam quis ignoret parasitum hominem esse ?
2 confidens hic confidens pro improbo, audaci et temerario posuit, ut «
o ingentem confidentiam !
79 » 3 qvi illvm qui utinam est, ut Lucilius in secundo
«
qui te, Nomentane, malum
80 » et ad cetera pergit ; aut qui103 «
hoc consilium quod dicam
dedit
81 ». 4 qvi illvm di omnes
perdvint qui aut
expletiuum est aut pronomen, quo incipiens Phormionem describere
cohorruit consideratione eius et in hanc uocem quasi confusus
erupit. hoc autem certum genus est παρενθέσεως 104.
1
homo
confidens homo est
ajouté de façon comique743 : qui ignore en effet qu'un parasite est un
homme ? 2 confidens ici il met
confidens pour improbus (malhonnête), audax (audacieux) et temerarius (téméraire), comme dans
« o ingentem confidentiam ! »744. 3 qvi illvm
qui est la même chose
qu'utinam (pourvu que),
comme Lucilius au livre II : « qui te, Nomentane, malum » (salaud
de Nomentanus, pourvu qu'on te... !) et il passe à la suite ou
qui va avec hoc consilium quod dicam dedit.
4 qvi illvm di omnes
perdvint qui est
soit explétif, soit un pronom, par lequel il commençe à décrire
Phormion, et se met à frissonner à sa pensée et fait éclater ces
mots comme s'il était troublé. D'autre part, c'est un certain
genre de parenthèse745
(παρένθεσις)746.
Da.-quid is fecit ? Ge.-hoc
consilium quod dicam dedit :
Da-Qu'a-t-il fait ? Gé.-Il a donné
un conseil, je vais te dire lequel :
1
qvid is
fecit correxit interrogatiue errantem, ut rediret ad
nominatiuum casum qui105 aberrauerat et «
illum
82 » dixerat. 2 hoc consilivm qvod
dicam secundum quosdam ordo est : qui hoc consilium, quod dicam,
dedit.
1
qvid is
fecit il le corrige par une question alors qu'il s'écarte
de son sujet, pour qu'il revienne au nominatif qui, lui qui s'en était éloigné en
disant illum
747. 2 hoc consilivm qvod
dicam selon certains, l'ordre est : qui hoc consilium, quod dicam,
dedit.
“lex est ut orbae, qui sint genere
proximi,
« Il y a une loi pour les
orphelines : leur plus proche parent
1
lex
est haec lex ut in palliata recte ponitur, nam Graecorum
fuit. ideo et in Andria sic ait «
inopia et cognatorum neglegentia coacta
83 ». 2 lex est alia causa
narrationi interponitur. et dicitur παρένθεσις. 3 lex est a causa litis : potuit enim dici
non habes causam.
4 vt orbae qvi svnt genere
proximi « orba proximo nubat, orbam proximus ducat »
Atticum ius est. et est ordo : lex
est, ut orbae his nubant.
1
lex
est cette loi est mentionnée à juste titre vu que l'on est
dans une palliata : elle était en effet grecque748. C'est pourquoi il dit aussi dans
L'Andrienne : « inopia et cognatorum neglegentia
coacta ». 2 lex est : il intercale un
autre sujet à l'intérieur de son récit. Et on appelle cela une
parenthèse (παρένθεσις)749.
3 lex est argument par la
raison du litige, il750 aurait pu dire en effet
non habes causam (tu n'as
aucune raison). 4 vt orbae qvi svnt
genere proximi « orba proximo nubat, orbam proximus
ducat » (que l'orpheline épouse son parent le plus proche, et que
le parent le plus proche épouse l'orpheline) : c'est le droit
athénien. Et l'ordre est : lex est, ut
orbae his nubant.
is nubant, et illos ducere eadem
haec lex iubet.
elles doivent l'épouser, et lui doit
se marier avec elle, la même loi l'ordonne.
1
eadem haec lex
ivbet non duas res iubet haec una lex, sed puellis
permittit nubere, cognatos cogit ducere. 2 eadem haec lex ivbet bene iubet : minorem uim habet enim ea lex
quae aliquid permittit,
quam ea quae aliquid iubet. 3 et illos dvcere bene additum : nihil enim
ad rem, si ducendi necessitas non fuisset.
1
eadem haec lex
ivbet cette loi unique n'ordonne pas deux choses mais à la
fois permet aux jeunes filles de se marier et force leurs parents
à les épouser. 2 eadem haec lex
ivbet iubet est
bien dit : car la loi qui permet (permittit) quelque chose a moins de
force que celle qui ordonne (iubet) quelque chose751. 3 et illos dvcere bien ajouté : car cela ne
servirait à rien s'ils n'étaient pas obligés de les épouser.
ego te cognatum dicam et tibi
scribam dicam ;
Je dirai, moi, que c'est toi le
parent, et je te ferai un procès ;
1
ego te
cognatvm dicam et tibi s. d. a persona eius, cum quo
tum106 agitur : potuit enim
dici quid mecum est tibi ?
2 ego te cognatvm dicam et tibi
s.
scribam
d.
dicam
ἀπογράψομαί
σε
107. 3 Haec narratio est, quam dicit Tullius in
personis108
constitutam, et ipse «
tibi uni parcam
84 » inquit in Verrinis ; repente enim transitur ad uerba
personarum ab earum descriptione, sed hoc ipsum ad commouendos
auditores ualet plurimum. 4 et tibi scribam
dicam a denuntiatione in personam, ne diceret non mihi denuntiasti. 5 et tibi scribam dicam Cicero «
scribitur Heraclio dica
85 ». 6 dicam supra uerbum, infra
nomen est totidem litteris diuerso accentu dicam.
1
ego te
cognatvm dicam et tibi scribam dicam argument par la
personne de celui dont il s'agit, car on aurait pu lui rétorquer
"quel lien entre toi et moi ?". 2
ego te
cognatvm dicam et tibi scribam dicam je vais te poursuivre
en justice (ἀπογράψομαί
σε)752. 3 C'est la narration
dont Tullius dit qu'elle est consacrée aux personnes753 ;
et lui-même dit dans les Verrines : « tibi uni parcam » (toi seul
tu seras épargné), car il passe soudain de la description des
personnage à leurs propos, mais cela précisément fonctionne très
bien pour émouvoir un auditoire. 4
et tibi
scribam dicam argument par la dénonciation faite à une
personne afin qu'il ne puisse pas dire non mihi denuntiasti (tu ne m'as pas
prévenu)754. 5 et tibi scribam
dicam Cicéron : « scribitur Heraclio dica » (il fait
notification par écrit à Héraclius de l'action qu'on lui intente).
6 dicam plus haut,
dicam est un verbe, plus
bas, c'est un nom ; les deux s'écrivent de la même façon, mais
n'ont pas la même accentuation755.
paternum amicum me adsimulabo
uirginis :
je me ferai passer pour un ami du
père de la fille.
paternvm amicvm me
a.
adsimvlabo
a persona109 litigantis :
potuit enim opponi « personam non habes ».
paternvm amicvm me
adsimvlabo argument par le statut social de celui qui
plaide756, car il
aurait pu se voir opposer : personam
non habes (tu n'as pas le bon statut social)757.
ad iudices ueniemus : qui fuerit
pater,
Nous irons devant les juges ; qui
est son père,
qvi fverit pater
qui hic pronomen est,
infra quomodo
significat.
qvi fverit pater
qui est ici un pronom,
plus bas il signifie quomodo (comment)758.
quae mater, qui cognata tibi sit,
omnia haec
qui sa mère, comment elle est ta
parente, tout cela,
1
qvae
mater uirginis scilicet. 2
qvi cognata
tibi sit qui
quo modo et qua ratione. 3 omnia haec confingam omnia haec non ex abundanti posuit,
sed oratorie quasi tam
multa. et est ἀριθμός, nam post enumerationem ueteres haec dicebant. et Sallustius in
Iugurta «
haec omnia praesidio adsunt
86 ».
qvae mater la mère de la
jeune fille, évidemment. 2 qvi cognata tibi
sit qui signifie
quo modo (comment) et
qua ratione (par quel
moyen). 3 omnia haec confingam
omnia haec n'est pas mis
par pléonasme, mais de façon oratoire759, comme si on avait tam multa (de si nombreuses choses).
Et c'est un dénombrement (ἀριθμός), car les Anciens disaient
haec après une
énumération. Et Salluste dans la Guerre de Jugurtha : « haec
omnia760
praesidio adsunt » (tout cela est à leur disposition pour les
aider).
confingam, quod erit mihi bonum
atque commodum ;
je l'inventerai, au profit et
avantage de ma cause.
1
qvod
erit totum110 confingam. 2 qvod erit mihi bonvm atqve commodvm
111 ἐν ὑποκρίσει : quod mihi, inquit, faustum
ac felix erit, hoc est confingere atque mentiri. 3 qvod erit mihi bonvm atqve commodvm totum
ioculariter parasitus, quippe qui confingam dicens112 non solum non erubuerit de falsiloquio, sed quasi
praeclari facinoris inceptionem etiam auspicatus sit omenque
susceperit dicendo quod erit mihi
bonum atque commodum ; sic enim ueteres « quod faustum
felixque sit » dicebant aliquid aggressuri.
1
qvod
erit se comprend avec totum
confingam 761. 2 qvod erit mihi bonvm
atqve commodvm conformément à son rôle762 (ἐν ὑποκρίσει) : ce qui,
dit-il, sera pour moi favorable et heureux, c'est de "combiner"
(confingere) et de mentir.
3 qvod erit mihi bonvm atqve
commodvm le parasite s'exprime entièrement sur le mode de
la plaisanterie, puisque non seulement, quand il dit confingam, il ne rougit pas de son
mensonge763, mais que, en disant
quod erit mihi bonum atque
commodum, il fait comme prendre les auspices et
accueillir un présage en vue d'une scélératesse de grand
style764 : car les Anciens disaient ainsi, quand ils
allaient entreprendre quelque chose, « quod faustum felixque sit »
(que cela soit favorable et heureux).
cum tu horum nihil refelles uincam
scilicet :
Comme, toi, tu ne réfuteras rien de
tout cela, alors je gagnerai, c'est sûr !
1
cvm tv horvm
nihil refelles vincam scilicet hoc interrogatiue
pronuntiandum est. 2 refelles
refutabis, redargues. nam
proprie113 refellere est redarguere falsitatem.
1
cvm tv horvm
nihil refelles vincam scilicet cela doit être prononcé
d'une manière interrogative765. 2
refelles signifie refutabis (tu réfuteras), redargues (tu convaincras). En effet,
au sens propre, refellere,
c'est redarguere
falsitatem (convaincre de fausseté).
pater aderit : mihi paratae lites :
quid mea ?
Ton père reviendra ; j'aurai des
procès sur les bras ; qu'est-ce que ça me fait ?
1
pater aderit
mihi paratae lites
q.
qvid
m.
mea
mire συκοφαντεῖ 114 : quod maxime alter
metueret, hic pro ridicula re contempsit pater aderit et paratae lites. exquisite autem
subiectum est, cum supra dixerit « mihi paratae lites », « quid
mea ? » 2 pater et lites ut
Antiphoni formidanda ista sunt, ita ridicula parasito.
1
pater aderit
mihi paratae lites qvid mea façon paradoxale de faire le
sycophante (συκοφαντεῖ)766 : ce qu'un autre
craindrait très fortement, pater
aderit et paratae
lites, lui s'en moque et le considère comme quelque
chose de plaisant767.
C'est par ailleurs avec beaucoup de recherche qu'il ajoute
quid mea ? alors qu'il
vient de dire mihi paratae
lites. 2 pater et
lites
de même que ces éléments sont à craindre par Antiphon, ils sont
plaisants pour le parasite768.
illa quidem nostra erit.”
Da.-iocularem audaciam !
La fille, en tout cas, elle sera à
nous. » Da-Une drôle d'audace !
1
illa qvidem
nostra erit ἠθικῶς nostra, cum Antiphonis tantum esse
debeat. 2 iocvlarem avdaciam
εἰρωνεία κατὰ
ἀντίφρασιν, hoc est minime
iocularem. 3 An quae ex
ludo et ioco in periculum ueniat ? 4 iocvlarem avdaciam deest audio ex te aut dicis.
1
illa qvidem
nostra erit nostra
est en conformité avec le caractère du personnage (ἠθικῶς), puisque la jeune
fille doit être la propriété du seul Antiphon769.
2 iocvlarem avdaciam ironie
par antiphrase (εἰρωνεία
κατὰ ἀντίφρασιν), c'est-à-dire minime iocularem (très peu
plaisante). 3 Ou alors il s'agit de
l'impudence qui, née du jeu et de la plaisanterie, aboutit à un
danger ? 4 iocvlarem avdaciam il
manque audio ex te (je
t'entends dire) ou dicis
(tu dis).
Ge.-persuasum est1406 homini :
factum est : uentum est : uincimur :
Gé.-Mon homme se laisse persuader.
On le fait, on y va, nous sommes battus,
1
persvasvm est
homini hic iam de Antiphone queritur, cui persuasum sit. 2 factvm est adeo audax Phormio. 3 ventvm est ἐφεξήγησις : quomodo factum est ?
uentum est : uincimur :
duxit. 4 factvm est ventvm est
vincimvr dvxit ἀσύνδετον, ut supra «
imus, uenimus,
uidemus
87 ». 5 factvm est
v.
ventvm
e.
est
v.
vincimvr
d.
dvcit
amat hoc Terentius, ut «
it, lauit, rediit
88 », «
imus, uenimus, uidemus
89 » et «
funus interim procedit, sequimur, ad sepulcrum uenimus,
in ignem posita est, fletur
90 ». his uerbis non modo breuior narratio est, sed etiam
auditoris animum ad id, quod restat, intendit.
1
persvasvm est
homini ici il se plaint à présent d'Antiphon, qui s'est
laissé persuader (persuasum)770. 2 factvm est tellement Phormion est
impudent771. 3 ventvm est épexégèse (ἐφεξήγησις)772 : comment est-ce que
ça s'est fait ? uentum est :
uincimur : duxit. 4
factvm est
ventvm est vincimvr dvxit asyndète (ἀσύνδετον), comme plus
haut « imus, uenimus,
uidemus 773 ».
5 factvm est ventvm est
vincimvr dvxit Térence apprécie cela, comme dans
« it, lauit, rediit », « imus,
uenimus, uidemus » et « funus interim procedit,
sequimur, ad sepulcrum uenimus, in ignem posita est, fletur ». Par
ces mots, non seulement la narration est plus brève, mais l'esprit
de l'auditeur est davantage dirigé vers ce qui reste.
duxit. Da.-quid narras ? Ge.-hoc
quod audis. Da.-o Geta,
il a épousé. Da-Qu'est-ce que tu
racontes ? Gé.-Ce que tu entends. Da-O Géta,
1
qvid
narras admirantis uox est, non interrogantis. 2 hoc qvod avdis sic pronuntia, quasi
periturum contempleris Getam et iam eum sub certo interitu
defleat115 . 3
o geta qvid te
est fvtvrvm scilicet qui magister relictus sis
Antiphoni.
1
qvid
narras réplique admirative, et non pas interrogative.
2 hoc qvod avdis prononcez
comme si vous aviez sous les yeux Géta sur le point de périr et
que l'autre le pleure alors qu'il est à coup sûr à l'article de la
mort774. 3
o geta qvid te
est fvtvrvm comprendre "toi qui avais pourtant été laissé
pour servir de précepteur à Antiphon"775.
quid te est futurum1407 ?
Ge.-nescio hercle ; unum hoc scio,
que vas-tu devenir ? Gé.-Je n'en
sais, ma foi, rien ; la seule chose que je sache, c'est que,
1
nescio hercle
vnvm hoc scio qvod fors feret
fer.
feremvs
ae.
aeqvo
a.
animo
ἠθικῶς : desperatione rerum fortis est
seruus. 2 Et simul
uigilauit poeta, ne, si et hic eiularet, res tota migraret in
tragoediam.
1
nescio hercle
vnvm hoc scio qvod fors feret feremvs aeqvo animo en
conformité avec le caractère du personnage (ἠθικῶς) : un esclave est
courageux dans une situation désespérée776. 2 Et en même temps le poète est attentif à ce que
l'action ne se transforme pas totalement en tragédie, ce qui
serait le cas si lui aussi se lamentait ici777.
quod fors feret feremus aequo animo.
Da.-placet :
quoi que le sort nous serve, nous le
souffrirons sans faiblir. Da-Ça me plaît !
1
qvod fors
feret feremvs
a.
aeqvo
a.
animo
hae graues sententiae ex persona seruorum cum
dicuntur, ridiculae sunt et eo consilio interponuntur. 2 feremvs aeqvo animo hoc secundum seruos,
qui futura contemnunt. 3 Et mire meritum
culpae suae ad fortunam rettulit.
1
qvod fors
feret feremvs aeqvo animo ces maximes graves, puisqu'elles
sont proférées par un personnage qui est un esclave, suscitent le
rire et sont introduites dans ce but778. 2 feremvs aeqvo animo c'est conforme aux
esclaves qui méprisent l'avenir. 3 Et de façon étonnante779, il
renvoie la punition de sa faute à la fortune.
em istuc uiri est officium. Ge.-in
me omnis spes mihi est.
voilà ce que doit faire un homme.
Gé.-C'est en moi qu'est mon seul espoir.
1
em istvc viri
est officivm compendium consolationis est, quod hic
libenter accepit et ideo statim approbat. 2 in me omnis spes mihi est quomodo ? ut
strenue se defendat ? an ut fugiat ? an ut patiens sit
plagarum ?
1
em istvc viri
est officivm c'est une consolation en résumé, que l'autre
reçoit avec plaisir et approuve780. 2
in me omnis
spes mihi est comment ? pour se défendre vivement ? ou
bien pour fuir ? ou encore pour supporter les coups ?
Da.-laudo. Ge.-ad precatorem adeam
credo qui mihi
Da-Bravo. Gé.-C'est un intercesseur
qu'il faut que j'aille voir, je crois, pour que pour moi
1
ad precatorem
abeam bene poeta omnia tractat, quae in tali re
dicenda116 seruo essent, nisi aliud posceret
argumentum. 2 ad precatorem abeam sic in
Heautontimorumeno «
nec tutorem tibi nec precatorem pararis
91 ». 3 qvi mihi sic oret
mihi oret id est
pro me oret.
1
ad precatorem
abeam le poète traite bien tous les recours auxquels un
esclave pourrait accéder en pareil cas si l'intrigue ne demandait
pas autre chose781. 2 ad precatorem abeam ainsi dans
L'Héautontimorouménos : « nec tutorem782
tibi nec precatorem pararis » (ne te ménage ni un tuteur ni un
intercesseur). 3 qvi mihi sic
oret mihi oret
c'est-à-dire pro me oret
(il plaidera en ma faveur)783.
sic oret : “nunc amitte quaeso
hunc ; ceterum
il plaide ainsi : « Pour cette fois,
oublie-le, je t'en prie ; par ailleurs,
1
nvnc amitte
qvaeso hvnc mimesis 117
dicitur, ubi non uerba modo, uerum etiam gestum uocemque fingamus
alienam. 2 nvnc qvaeso amitte hvnc
quod nos dimitte. ut
«
amissos hinc iam obliuiscere Graios
92 » et Sallustius «
pactione amisso Publio legato
93 ».
1
nvnc amitte
qvaeso hvnc on parle de représentation (mimesis) lorsque l'on
figure non seulement les propos, mais aussi les gestes et le
ton784 de quelqu'un d'autre. 2 nvnc qvaeso amitte hvnc nous disons, nous,
dimitte 785. De même « amissos
hinc iam obliuiscere Graios » (oublie désormais les Grecs, ils
sont perdus pour toi786) et
Salluste : « pactione amisso Publio legato » (arrangement que,
lorsqu'on eut laissé tomber l'ambassadeur Publius...).
posthac si quicquam, nihil precor.”
tantummodo
si après cela ça recommence, je
n'intercède plus. » C'est tout juste,
1
posthac si
qvicqvam nihil precor facile impetrat, qui non omnia
extorquet. ergo
ars precatoria est mitigare praesentia, futura permittere.
2 Simul etiam, quia omnis causa in
hoc est, ne uideatur seruus ob impunitatem in delictis amplius
peccaturus. 3 posthac si qvicqvam ut
solet, eleganter per ἔλλειψιν. 4 Et simul non si
tantundem peccauerit, sed si uel minimum. tale est et illud
«
si sensero hodie quicquam in his te nuptiis fallaciae
conari
94 » et «
si quicquam inuenies me mentitum,
occidito
95 ». 5 nihil precor nihil pro non. sed plena negatio est nihil .
1
posthac si
qvicqvam nihil precor il obtient facilement tout ce qu'il
veut, celui qui ne cherche pas à l'obtenir par la
force787. Donc l'art de
demander est d'adoucir le présent et de rendre possible l'avenir.
2 En même temps aussi, parce que
toute l'affaire est dans le fait que l'esclave n'aille pas
commettre des fautes plus graves en raison de son impunité788. 3 posthac si qvicqvam comme à son habitude,
c'est dit avec élégance au moyen d'une ellipse (ἔλλειψις). 4 Et en même temps ce n'est pas si tantundem peccauerit (s'il commet
une telle faute), mais si uel minimum
peccauerit (s'il commet la moindre
faute)789. On trouve aussi
cet équivalent : « si sensero hodie quicquam in his te nuptiis
fallaciae conari », et « si quicquam inuenies me mentitum,
occidito ». 5 nihil precor nihil pour non 790.
Mais la négation complète est nihil.
non addit : “ubi ego hinc abiero,
uel occidito.”
s'il n'ajoute pas : « Quand je serai
parti d'ici, occis-le, si tu veux. ».
1
vbi ego hinc
abiero hic ostendit nullum precatorem ex animo postulare
ueniam seruo. 2 vel occidito
uel pro etiam. 3 occidito tu tantum caedere uolebas : ego dico etiam occidito.
1
vbi ego hinc
abiero ici il montre qu'aucun intercesseur ne peut
demander du fond du cœur le pardon pour l'esclave. 2 vel occidito uel pour etiam (même). 3 occidito toi tu voulais seulement "frapper"
(caedere)791, mais
moi je dis : "vas-y, occis" (etiam
occidito).
Da.-quid paedagogus ille qui
citharistriam,
Da-Et le baby-sitter, celui de la
joueuse de cithare,
1
qvid
paedagogvs ille qvi citharistriam moraliter quaerit uolens
audire de Phaedria, postquam de Antiphone cognouit, maxime quia
haec interrogatio responsionem elicit, qua spectator instruitur ad
cognoscenda cetera. 2 qvid paedagogvs ille
q.
qvi
c.
citharistriam
quia dixit «
sectari, in ludum ducere et reducere
96 » et quia «
puellulam
97 » dixit ab aetate, paedagogus
ille118
ait. 3 qvi
citharistriam Phaedria scilicet, quia neque abscedit a
custodia puellae neque illam ipse contingit. 4 qvi citharistriam ἔλλειψις : sectatur, amat uel quid tale subaudiendum
est.
1
qvid
paedagogvs ille qvi citharistriam il pose la question en
conformité avec son personnage792,
voulant avoir des nouvelles de Phédria après qu'il en a eu
d'Antiphon, surtout parce que cette interrogation amène à une
répose qui prépare le spectateur à connaître toute la suite.
2 qvid paedagogvs ille qvi
citharistriam parce qu'il a dit : « sectari, in ludum ducere et
reducere » et qu'il a dit « puellulam » à cause de son âge, il
dit paedagogus ille
793.
3 qvi citharistriam
c'est-à-dire Phédria, parce qu'il ne baisse pas sa garde auprès de
la jeune fille et qu'il ne la touche pas lui-même. 4 qvi citharistriam ellipse (ἔλλειψις) : il faut
sous-entendre sectatur (il
poursuit), amat (il aime)
ou quelque équivalent794.
quid rei gerit ? Ge.-sic, tenuiter.
Da.-non multum habet
comment vont ses affaires ?
Gé.-Couci couça, petitement. Da-Il n'a pas beaucoup
1
sic
tenviter sic119
dicendum est cum aliquo gestu. 2
non mvltvm
habet qvod det fortasse cum commiseratione amatoris
adulescentis pronuntiandum est non
multum habet, quod det, fortasse.
1
sic
tenviter il faut dire sic en faisant un geste795. 2 non mvltvm habet qvod det fortasse il faut
prononcer non multum habet, quod det,
fortasse avec la pitié que l'on éprouve pour un jeune
homme amoureux.
quod det fortasse ? Ge.-immo nihil
nisi spem meram.
à donner, peut-être. Gé.-A vrai dire
rien, sauf du pur espoir.
1
immo nihil
nisi spem meram bene spem, quia amat nemo cum non
sperarat120 . 2 meram
solam.
1
immo nihil
nisi spem meram spem (espoir) est bien dit, puisque
personne n'aime sans avoir au préalable espéré. 2 meram signifie solam (seule).
Da.-pater eius rediit an non ?
Ge.-nondum. Da.-quid ? senem
Da-Son père, il est revenu ou pas ?
Gé.-Pas encore. Da-Tiens ! le vieux,
1
pater eivs
rediit an non Chremes scilicet. 2 nondvm quia ueniet, iam non plena negatio
est. 3 qvid senem qvoad exspectatis
vestrvm animaduerte τὸ 121 quid secundum morem cotidianum tum
dici, cum fit transitus a mentione alterius rei ad alteram. sic et
supra «
quid paedagogus
ille ?
98 ».
1
pater eivs
rediit an non c'est-à-dire Chrémès. 2 nondvm parce qu'il viendra ; il ne s'agit
pas dès lors d'une négation totale796. 3 qvid senem qvoad
exspectatis vestrvm remarquez que le (τὸ) quid est employé selon l'usage de la
langue familière, lorsque l'on passe de la mention d'une chose à
la mention d'une autre. Ainsi plus haut également : « quid paedagogus ille ? ».
quoad exspectatis uestrum ? Ge.-non
certum scio,
pour quand l'attendez-vous, le
vôtre ? Gé.-Je ne sais rien de sûr ;
qvoad exspectatis
quoad quamdiu. et recte locutus est, quia
aduentus finis est exspectationis.
qvoad exspectatis
quoad signifie quamdiu (pendant combien de temps).
Et c'est dit à bon droit, parce que l'arrivée marque la fin de
l'attente (expectatio).
sed epistolam ab eo allatam esse
audiui modo
mais une lettre de lui est arrivée,
je l'ai appris tout à l'heure,
sed epistolam ab eo allatam esse
avdivi mire paratur inopinatus subito aduentus senis ; nam
ipse ueniet, cuius epistolam sperat.
sed epistolam ab eo allatam esse
avdivi l'arrivée inopinée du vieillard est préparée de
façon étonnante ; en effet il viendra en personne, celui dont il
espère une lettre.
et ad portitores esse delatam : hanc
petam.
et on l'a remise aux douaniers : je
vais la chercher.
1
ad portitores
esse delatam more ueterum magistri tributorum, id est
publicani, operas in portu dabant, inferendarum et efferendarum
rerum uectigal exigentes. 2 ad portitores
ad eos, qui in portu sunt.
3 122 ex quo
more hoc dixerit uide, Attico an Romano.
1
ad portitores
esse delatam à la façon des Anciens, les responsables des
tributs, c'est-à-dire les publicains, travaillaient sur le port,
réclamant une redevance pour les marchandises à l'import et à
l'export797. 2 ad portitores vers ceux qui sont dans le
port (portus)798. 3 Et remarquez d'après quelle coutume il dit
cela, athénienne ou romaine.
Da.-numquid, Geta, aliud me uis ?
Ge.-ut bene sit tibi.
Da-Tu me veux autre chose, Géta ?
Gé.-Juste que tu ailles bien.
1
nvm qvid geta
alivd me vis absque illo, quod argento tibi a me opus
fuit. 2 vt bene sit tibi ἀστεϊσμός pro nihil.
1
nvm qvid geta
alivd me vis hormis le fait que tu as eu besoin de me
réclamer de l'argent799. 2 vt bene sit
tibi trait d'esprit (ἀστεϊσμός)800 pour nihil (rien).
puer, heus. nemon huc1408 prodit ? cape, da
hoc Dorcio.
Holà ! garçon ! Personne ne sort ?
prends, donne ça à Dorcium.
1
pver hevs
nemon hvc prodit moralis expressio, nam eos uocat, quibus
initio dicebat egrediens «
si quis me quaeret rufus
99 ». 2 cape da hoc dorcio ad
κωφὸν πρόσωπον
loquitur. 3 dorcio Dorcium femininum nomen est, ut
Planesium, Glycerium.
1
pver hevs
nemon hvc prodit tour de phrase conforme au caractère du
personnage : il appelle en effet ceux à qui il disait en
sortant801 : « si quis me quaeret rufus ».
2 cape da hoc dorcio il
parle à un personnage muet (κωφὸν πρόσωπον). 3 dorcio Dorcium est un nom féminin, comme
Planesium et Glycerium 802.
scaena tertia
Antipho Phaedria
153 | 154 | 155 | 156 | 157 | 158 | 159 | 160 | 161 | 162 | 163 | 164 | 165 | 166 | 167 | 168 | 169 | 170 | 171 | 172 | 173 | 174 | 175 | 176 | 177 | 178
An.-Adeon rem redisse ut qui mihi
consultum optime uelit esse,
An.-Faut-il que les choses en soient
là, que l'homme qui me veut le plus de bien,
1
adeon rem
redisse vt qvi mihi consvltvm optime velit esse in hac
scaena color uitae est eorum, qui quicquid immodice concupierint,
spernunt postquam uenerit ; quod apertiore sententia ostendit
poeta dicendo «
nostri nosmet paenitet
100 ». 2 adeon rem redisse vt qvi
mihi comparatiua qualitas in hac scaena est inter
Antiphonis uitam et Phaedriae ; genus causae demonstratiuum.
contendunt autem, uter magis miser sit. 3 vt qvi mihi
c.
consvltvm
o.
optime
v.
velit
e.
esse
ph.
phaedria
mira sententia, qua ostendit adulescentulos
in peccatis neminem magis metuere quam eos, a quibus maxime
diliguntur. simulque inducitur rerum imminentium praestructio, in
qua sic audax loquitur123 Phaedria,
ut124 defensor futurus
sit.
1
adeon rem
redisse vt qvi mihi consvltvm optime velit esse dans cette
scène, le style de vie représenté803 est celui de ceux qui méprisent tout ce qu'ils
ont, parce qu'ils l'ont désiré au-delà de toute raison, une fois
qu'ils l'ont obtenu. Le poète montre cela assez explicitement dans
une sentence, lorsqu'il dit : «
nostri nosmet paenitet
». 2 adeon rem redisse vt
qvi mihi ce qui caractérise cette scène c'est la
comparaison804
entre la vie d'Antiphon et celle de Phédria ; quant au genre de la
cause, il est démonstratif805. Ils rivalisent d'autre part pour savoir qui
des deux est plus malheureux que l'autre. 3 vt qvi mihi consvltvm optime velit esse
phaedria phrase étonnante ; grâce à elle, le poète montre
que les jeunes gens, quand ils commettent une faute, craignent
plus que tout ceux dont ils sont le plus aimés. Et en même temps
il introduit la préparation des événements qui sont imminents, de
telle sorte que, dans cette préparation, celui qui parle avec
audace est Phédria, car il sera le défenseur.
Phaedria, patrem ut extimescam ubi
in mentem eius aduenti ueniat !
Phédria, mon père, soit pour moi un
objet de terreur, quand je songe à son retour !
1
patrem vt
extimescam ferienda pronuntiatio in eo quod ait patrem timidus Antipho, ut qui
fugiturus sit125 . hoc enim magis mirum est ideo patrem
timeri, quia
consultum optime uelit
101. 2 vbi in mentem eivs adventi
nota in mentem uenire
ueteres non recordationis causa tantum sed etiam recogitationis
considerationisque posuisse. 3
vbi in mentem
eivs adventi veniat sic ueteres genitiuo casu proferebant.
4 in mentem veniat Cicero
«
fac tibi paternae legis Aciliae ueniat in
mentem
102 ». 5 veniat adventi
multipliciter declinatur : et126
aduentus. sic et in Andria
«
nihil ornati, nihil tumulti
103 ». 6 veniat legitur et
uenit.
1
patrem vt
extimescam la prononciation du mot patrem par un Antiphon craintif et
qui va fuir806 doit être
percutante. De fait, ce qu'il y a de plus étonnant, c'est qu'il
craigne son père, parce que précisément "il lui veut plus de
bien". 2 vbi in mentem eivs adventi
venit remarquez que les Anciens mettaient in mentem uenire non pas seulement
pour le fait de se souvenir, mais aussi de repenser ou de
considérer807. 3 vbi in mentem eivs adventi venit les
Anciens utilisaient cette forme du génitif808.
4 in mentem veniat Cicéron :
« fac tibi paternae legis Aciliae ueniat in mentem » (tâche
qu'elle te revienne à la mémoire, la loi Acilia, la loi de ton
père). 5 veniat adventi
aduentus
se décline au génitif de plusieurs façons : on trouve à
la fois aduenti et
aduentus. Ainsi dans
L'Andrienne aussi : « nihil ornati, nihil
tumulti »809. 6 veniat on lit
aussi uenit.
quod ni fuissem incogitans, ita eum
exspectarem ut par fuit
Si je n'avais pas été si irréfléchi,
je l'attendrais avec les sentiments qu'il faut.
1
incogitans temerarius. Probus «
nomen incogitans » inquit « in usu est,
at non eodem modo cogitans
104 ». 2 ita exspectarem vt par
fvit nota exspectarem nunc opperirer, alias sperarem.
1
incogitans temerarius (téméraire). Probus dit :
« nomen incogitans in usu
est, at non eodem modo cogitans » (le nom incogitans est en usage, mais non
pas, analogiquement, le nom cogitans)810. 2 ita exspectarem vt par fvit remarquez
qu'exspectarem signifie
ici opperirer
(j'attendrais), mais ailleurs, sperarem (j'espérerais).
Pha.-quid istuc est ? An.-rogitas,
qui tam audacis facinoris mihi conscius sis ?
Phé.-De quoi s'agit-il ? An.-Tu le
demandes, toi qui, dans un forfait si hardi, es mon complice
?
1
qvid istvc
est haec interrogatio est stomachosa extenuare uolentis
metum fratris ; diuersa enim sentit ob diuersum amoris euentum.
2 qvi tam avdacis facinoris mihi
conscivs sis proprie ad terrorem, qui de facinore
loquitur, conscium dixit.
3 rogitas qvi tam avdacis
f.
facinoris
bene timens inducitur Antipho, ut sit causa
fugiendi ; ad hoc enim fugiet, ne ad amittendam coniugem cogatur a
patre ante errorem fabulae patefactum.
1
qvid istvc
est cette interrogation trahit l'irritation de quelqu'un
qui veut atténuer la crainte de son frère ; en effet, il est dans
un autre état d'esprit parce que ses affaires de cœur connaissent
une issue différente811. 2 qvi tam avdacis facinoris mihi conscivs sis
lui qui parle d'un forfait, il dit conscius au sens
propre812 pour susciter sa terreur.
3 rogitas qvi tam avdacis
facinoris le poète fait bien de mettre en scène un
Antiphon effrayé, pour qu'il ait une raison de fuir ; car il fuira
pour ne pas être forcé par son père d'abandonner son épouse, avant
que la méprise sur laquelle repose la pièce ne soit révélée.
quod utinam ne Phormioni id suadere
in mentem incidisset
Ah, si seulement Phormion ne s'était
pas mis en tête de me donner ce conseil
1
qvod vtinam ne
phormioni gratissime non Phormioni succenset sed
Phormionis inuento. 2 Et uide, ut et
ipse se culpae subtrahat. 3 Et familiare est
initia accusare rerum, quos alicuius negotii paenitet. 4 vtinam ne
ph.
phormioni
uetus elocutio utinam ne 127, ut
Ennius in Medea «
utinam ne in nemore Pelio unquam sectae cecidissent ad
terram trabes
105 ». 5 Et ne non accipiendum.
1
qvod vtinam ne
phormioni avec beaucoup de reconnaissance, il n'en veut
pas à Phormion mais à son stratagème. 2 Et voyez comme il se dérobe lui-même à la
responsabilité de cette faute. 3 Et
il est courant que ceux qui regrettent une affaire accusent les
débuts de celle-ci. 4 vtinam ne
phormioni utinam
ne est une expression ancienne, comme Ennius dans la
Médée : « utinam ne in nemore Pelio unquam sectae
cecidissent ad terram trabes » (si seulement, il n'y avait jamais
eu dans le bois du Pélion, de grosses branches coupées et tombées
à terre). 5 Et il faut comprendre
ne au sens de
non 813
neu me cupidum eo impulisset, quod
mihi principium est mali !
et ne m'avait pas poussé dans mon
désir, qui est l'origine de mon malheur !
1
nev me cvpidvm
eo impvlisset bene hoc addidit ad excusationem : potuit
enim dici non consentires. 2 eo impvlisset eo scilicet ad uxorem ducendam.
3 An eo in
tantum ? 4 qvod mihi principivm
est mali bene, quasi caput mali non in amore sed in
nuptiis sit.
1
nev me cvpidvm
eo impvlisset il fait bien d'ajouter cela à titre
d'excuse814 ; car on aurait
pu lui dire non
consentires (tu n'aurais pas été d'accord). 2 eo impvlisset eo signifie "à me marier",
évidemment. 3 Ou bien eo in
tantum (à un si haut degré) ? 4 qvod mihi principivm est mali bien dit,
comme si la source du mal n'était pas dans l'affaire amoureuse,
mais dans le mariage.
non potitus essem : fuisset tum
illos mihi aegre aliquot dies,
Je ne l'aurais pas possédée ; ça
m'aurait été douloureux ces quelques jours,
1
non potitvs
essem more hominum loquitur : credit enim ex consequenti
satietate, quod potuerit abstinere amoribus suis. 2 non potitvs essem ἀνθυποφορὰ ut «
uerum anceps pugnae fuerat fortuna. fuisset
106 ». hic enim utraque pars ponitur. non potitus
essem μονομερής non ut si illa
sed potiri uoluisti
posuisset128. 3
fvisset tvm
illos mihi aegre aliqvot dies interrogatiue quidam
pronuntiant totum, nempe fuisset
t.
tum
i.
illos
m.
mihi
ae.
aegre
a.
aliquot
d.
dies
?
1
non potitvs
essem il parle comme on le fait toujours : en effet il
croit, maintenant qu'il a obtenu ce qu'il voulait, qu'il aurait pu
se passer de cet amour. 2 non potitvs
essem est une réplique à une objection possible (ἀνθυποφορὰ), comme
« uerum anceps pugnae fuerat fortuna fuisset » (mais la fortune
d'un combat risquait d'être douteuse. Elle l'aurait été), Ici en
effet Virgile met les deux alternatives. Dans non potitus essem, elle est simple
(μονομερής) à la différence de ce qui se
passerait s'il avait mis ces mots : sed potiri uoluisti (mais tu as voulu
prendre possession). 3 fvisset tvm illos
mihi aegre aliqvot dies certains prononcent tout de façon
interrogative, "n'est-ce pas que "fuisset tum illos mihi aegre aliquot
dies ?
at non cotidiana cura haec angeret
animum. Pha.-audio.
mais ce souci quotidien
n'angoisserait pas mon cœur... Phé.-J'entends.
1
at non
cotidiana cvra haec angeret animvm amatorie loquitur
Antipho. errant129 qui putant eum paenitere sui desiderii — nam si hoc est,
nec maritus firmus uidebitur fore — ; sed hoc dicit : facilius
fuisse abstinere uirgine intacta quam ea cum qua iam consuerit, et
ideo subiungit « dum exspecto quam mox ueniat qui adimat hanc mihi
consuetudinem ». 2 avdio per
εἰρωνείαν
dicitur modo a contemnente130 dictum
Antiphonis. 3 avdio omnia deridet
Phaedria cupiens fructum amoris uel periculis adipisci. est ergo
audio εἰρωνεία pro non audio, hoc est : nihil dicis.
1
at non
cotidiana cvra haec angeret animvm Antiphon parle en
amoureux. Donc, les gens qui pensent qu'il se repent de son désir
se trompent – car, si c'est cela, il ne paraîtra pas être un mari
sans faille ; mais il dit ceci : il aurait été plus facile de
rester à l'écart de la jeune fille sans l'avoir connue, que de
rester à l'écart d'elle à présent qu'il l'a connue ; et c'est
pourquoi il ajoute « dum exspecto quam mox ueniat qui adimat hanc
mihi consuetudinem ». 2 avdio c'est
ici dit par ironie (εἰρωνεία) de la part de quelqu'un qui
méprise815 le
propos d'Antiphon. 3 avdio Phédria
tourne tout en dérision, parce qu'il désire obtenir le bénéfice de
son affaire amoureuse ou du danger dans lequel il s'est mis. Et
audio est donc de l'ironie
(εἰρωνεία) pour
non audio (je n'entends
pas), c'est-à-dire nihil
dicis (ce que tu dis ne vaut rien).
An.-dum exspecto quam mox ueniat qui
adimat hanc mihi consuetudinem.
An.-...en attendant l'arrivée
imminente de celui qui doit m'arracher cette vie commune.
1
dvm exspecto
qvam mox veniat non quando, sed quam cito, quia timet. 2 qvi adimat hanc mihi consvetvdinem mire non
amorem, tamquam amore
carere potuerit, consuetudine non possit. 3 Et nota proprietatem dicti, nam consuetudo specialiter de coitu
dicitur.
1
dvm exspecto
qvam mox veniat quam
mox signifie non pas quando (quand) mais quam cito (sous quel délai), parce
qu'il a peur816. 2 qvi adimat hanc mihi consvetvdinem de façon
étonnante il ne dit pas amorem (amour), comme s'il pouvait se
passer d'amour, mais pas de consuetudo. 3 Et remarquez la propriété de ce mot, car on parle
de consuetudo en
particulier pour les relations intimes.
Pha.-aliis quia defit quod
ament1409
aegre est ; tibi quia superest dolet :
Phé.-Les autres, c'est parce qu'il
leur manque celle qu'ils aiment que c'est douloureux , toi, c'est
parce que tu l'as trop que tu souffres.
1
aliis qvia
defit qvod ament magnificentius aliis quam si diceret mihi. 2 tibi qvia svperest dolet laborauit, ut
ostenderet plus esse dolet
quam aegre est ; et ideo
insanum ait Antiphonem, qui in ea fortuna positus quae
aduersae131 contraria est,
idem patiatur quod miser. et est figura ὑπόζευξις, nam ad utrumque aegre est sufficere potuit. scire
autem debemus132 enuntiatiue et
per interrogationem hoc ipsum posse pronuntiari. 3 tibi qvia svperest
d.
dolet
id est : "eo quod desideras abundas".
4 Ordo est : tibi dolet.
1
aliis qvia
defit qvod ament aliis a plus d'éclat817 que s'il disait mihi (à moi). 2 tibi qvia svperest dolet il s'efforce de
montrer que dolet est plus
fort que aegre est ; et
par là il dit qu'Antiphon est fou parce que, alors qu'il se trouve
dans une situation qui est tout l'opposé d'une situation
défavorable, il éprouve la même chose que quelqu'un de malheureux.
Et c'est la figure de la subordination (ὑπόζευξις)818 : en
effet, aegre est aurait pu
suffire pour l'un et l'autre points819. Par ailleurs, nous devons savoir que cela peut
être prononcé à la fois sur le mode déclaratif et sur le mode
interrogatif820. 3
tibi qvia
svperest dolet c'est-à-dire : "ce que tu désires, tu l'as
en abondance"821. 4 L'ordre est :
tibi dolet 822.
amore abundas, Antipho.
Tu es comblé d'amour, Antiphon.
1
amore abvndas
antipho hoc sic pronuntiandum, quemadmodum solet cum
stomacho dici uituperanti cibum « non esuris » aut « pleno uentre
es ». uult enim ostendere satietatis hoc esse, non
ratiocinationis, quod nunc queritur Antipho. 2 amore abvndas antipho abundare dicitur, qui successu
prospero affluit. Lucilius libro tertio «
ille alter abundans cum septem incolumis pinnis
r.
redit
a.
ac
r.
recipit
s.
se
107 ». 3 amore abvndas antipho hoc
cum pronuntiatione infert.
1
amore abvndas
antipho il faut prononcer cela comme on a l'habitude de
dire avec irritation à quelqu'un qui réclame de la nourriture, "tu
n'as pas faim", ou bien "ton estomac est plein" ; car il veut
montrer que ce qui fait qu'Antiphon se plaint à présent, c'est la
satiété et non la raison. 2 amore abvndas
antipho on dit abundare pour quelqu'un qui dispose
de beaucoup de moyens grâce à une affaire couronnée de succès et
prospère. Lucilius au livre III : « ille alter abundans cum septem
incolumis pinnis redit ac recipit se » (et l'autre, plein aux as,
revient et se ramène sain et sauf avec sept bateaux). 3 amore abvndas antipho il prononce cela en
insistant.
nam tua quidem hercle certe uita
haec expetenda optandaque est.
Ta vie est du moins, ma foi,
vraiment souhaitable et digne d'envie.
1
nam tva qvidem
hercle certe vita haec bene certe, quia supra omnia cum εἰρωνείᾳ dixit.
2 vita haec expetenda
uita dixit, ut ostenderet,
etiamsi non felicitas sed
uita dicatur
optanda133 esse. 3 uita autem et mores significat et animum et alimentum et spatium uiuendi et fortunam
accidentem uiuentibus134, ut modo. 4
expetenda
optandaqve proprie dixit expetenda optandaque : omnia enim
quae habemus135 , aut
industria aut uoto proueniunt, hoc est : aut in nobis sunt aut in
fortuna posita.
1
nam tva qvidem
hercle certe vita haec certe est bien dit823, car plus haut il dit tout avec
ironie (εἰρωνεία). 2 vita haec expetenda il dit uita pour montrer que, même s'il ne
dit pas felicitas
(bonheur) mais uita, c'est
elle qu'il faut choisir. 3 Par
ailleurs, uita signifie à
la fois mores (les
habitudes), animus (le
cœur)824, alimentum
(la nourriture), spatium
uiuendi (la durée de la vie), et le destin qui échoit
à ceux qui sont en vie, comme ici825. 4 expetenda
optandaqve il dit expetenda
optandaque au sens propre ; en effet, tout ce que nous
avons, nous vient par notre adresse ou par la prière, c'est-à-dire
que, ou bien c'est en notre pouvoir, ou bien cela relève de la
fortune.
ita me di bene ament ut mihi liceat
tam diu quod amo frui,
Fasse le Ciel qu'il me soit donné
de jouir aussi longtemps de celle que j'aime,
1
ita me di bene
ament vt mihi liceat necessario iurat, quia quod dicturus
est solis amatoribus uidetur esse credibile. 2 ita me di bene ament vt mihi liceat tam div qvod
amo frvi opportunus locus, in quo ostenditur, quam magno
amore sit possessus Phaedria, cui par impenditur argumentum.
3 tam div qvod amo frvi
quam diu uxore fruitur
Antipho. 4 An tamdiu δεικτικόν, quasi dicat136 : tantum diu et tantisper, hoc est : uel tantillo
tempore ? 5 qvod amo frvi deest
eo, ut sit : eo quod amo frui.
1
ita me di bene
ament vt mihi liceat il jure forcément, puisque ce qu'il
s'apprête à dire paraît n'être crédible que pour les
amoureux826. 2 ita me di bene ament
vt mihi liceat tam div qvod amo frvi passage opportun,
dans lequel il montre la grandeur de l'amour qui a pris possession
de Phédria, et dont la mesure est aussi celle de l'argument827. 3 tam div qvod amo frvi aussi longtemps
(quam diu)828
qu'Antiphon jouit de la présence de sa femme. 4 Ou bien tamdiu est-il un démonstratif
(δεικτικόν),
comme s'il disait tantum
diu (tellement longtemps) et tantisper (pendant tout ce temps),
c'est-à-dire "pendant un temps tellement minuscule"829 ? 5 qvod amo frvi il manque eo, pour qu'on ait : eo quod amo frui (je jouis de ce que
j'aime)830.
iam depacisci morte cupio : tu
conicito cetera,
et je consens à payer ce bonheur de
ma mort. Juge par là du reste,
1
iam depacisci
morte pactione
transigere. 2 tv conicito
cetera aut cetera
abundat aut deest per, ut
sit : per cetera.
1
iam depacisci
morte pactione
transigere (mourir de l'engagement pris). 2 tv conicito cetera cetera est en trop831,
ou bien il manque per
(par), pour qu'on ait : per
cetera (par le reste).
quid ego ex hac inopia nunc capiam
et quid tu ex ista copia,
de ce, moi, que je retire de mon
indigence, et , toi, de ton abondance,
1
qvid ego ex
hac inopia nvnc capiam infortunium scilicet. 2 et qvid tv ex ista copia fructum ac felicitatem.
1
qvid ego ex
hac inopia nvnc capiam l'infortune, évidemment. 2 et qvid tv ex ista copia du profit et du
bonheur.
ut ne addam quod sine sumptu
ingenuam, liberalem nactus es,
pour ne rien dire du fait que, sans
bourse délier, c'est un fille libre et bien élevée que tu as
trouvée ;
1
vt ne
addam παράλειψις 137 figura, in qua uelut ex abundanti enumerantur
adiecta. 2 ingenvam liberalem hoc
natalium, illud morum est. 3
vt ne
addam σχῆμα τῆς
παραλείψεως. 4 vt ne quod
Graeci
ἵνα μή
. 5 sine svmptv ingenvam
liberalem contra ea quae patitur ista posuit omnia : huius
in amore copiam138, suam inopiam ; huius desiderium nullo constitisse sumptu,
sibi a lenone emendam puellam ; huius ingenuam, suam seruam ;
huius liberalem, suam citharistriam ; hunc nactum esse, se sectari
tantum ; huius uxorem, amicam suam ; huius amorem maritalem esse,
suum uelut prodigi, uelut scortatoris.
1
vt ne
addam figure de paralipse (παράλειψις), dans laquelle on énumère des
éléments redondants832. 2 ingenvam
liberalem le dernier mot relève de la naissance, le
premier, du caractère833. 3 vt ne addam
figure de la paralipse (σχῆμα τῆς παραλείψεως). 4 vt ne ce qui, en Grec, se dit
ἵνα μή
(afin que ne pas). 5 sine svmptv ingenvam liberalem à tout ce
que souffre Phédria, il oppose tout cela : l'autre a accès à
l'amour, lui-même ne l'a pas ; l'autre n'a pas dû dépenser pour
combler son désir, lui a dû acheter sa jeune fille à un
entremetteur ; la fiancée de l'autre est de naissance libre, la
sienne est une esclave ; la fiancée de l'autre est de bonne
condition, la sienne est une joueuse de cithare ; l'autre a
obtenu, lui-même recherche encore834 ; pour l'autre, c'est sa femme, pour lui-même,
c'est une amie ; son amour est conjugal, le sien est comme celui
d'un homme prodigue et qui court la gueuse.
quod habes, ita ut uoluisti, uxorem
sine mala fama palam :
que tu as, comme tu le voulais, une
épouse de bonne réputation, aux yeux de tous,
1
qvod habes ita
vt volvisti uoluisti subdistinguendum est et sic
legendum uxorem ἐμφατικώτερον. 2 vt volvisti vxorem bona praeparatio uxoris
futurae. 3 sine mala fama palam multi
superius139 iungunt
palam.
1
qvod habes ita
vt volvisti il faut mettre une virgule après uoluisti, et lire ainsi uxorem de façon plus emphatique
(ἐμφατικώτερον)835.
2 vt volvisti vxorem bonne
préparation pour l'épouse future836. 3 sine mala fama
palam beaucoup relient palam à ce qui précède837.
beatus, ni unum desit, animus qui
modeste istaec ferat.
heureux, s'il ne te manquait une
chose, un esprit capable de supporter avec mesure tes ennuis.
1
ni vnvm hoc
desit animvs qvi modeste istaec ferat modeste moderate. Sallustius libro secundo
«
modestus ad alia omnia nisi ad dominationem
108 ». 2 modeste cum modo.
1
ni vnvm hoc
desit animvs qvi modeste istaec ferat modeste signifie moderate (avec modération). Salluste
au livre II : « modestus ad alia omnia nisi ad dominationem »
(modéré pour toute chose si ce n'est pour la souveraineté).
2 modeste cum modo (avec mesure).
quod si tibi res sit cum eo lenone
quo mihi est tum sentias.
Ah ! si tu avais affaire au
maquereau auquel j'ai affaire, alors, tu le sentirais passer !
1
qvod si tibi
res sit cvm eo lenone et modo non conexiua, sed inceptiua
coniunctio est. Sallustius libro secundo «
et Poeni fere aduersus
a.
a?
n.
n?
e.
e?
m.
m?
109 ». 2 sentias sic alibi «
sit rogas ? sensi
110 ».
1
qvod si tibi
res sit cvm eo lenone et ici n'est pas une conjonction de
liaison, mais initiale838. Salluste au livre II : « et Poeni fere aduersus a.
n. e. m. »839. 2 sentias ainsi ailleurs : « sit rogas ?
sensi » (si elle y est ? tu le demandes ? je m'en suis
aperçu).
ita plerique ingenio sumus omnes :
nostri nosmet paenitet.
Voilà bien notre caractère pour la
plupart d'entre nous tous : nous ne sommes jamais contents de ce
que nous avons.
1
ita pleriqve
ingenio svmvs omnes nostri nosmet paenitet παρέλκον tertium. in
Andria «
quod plerique faciunt omnes adulescentuli
111 ». 2 Et est ἀρχαϊσμός ut «
accede ad ignem hunc : iam calesces plus satis
112 ». 3 nostri nosmet paenitet
paenitet eum, qui parum
putat. ergo
ipsi nos inquit nostra contemnimus . sic et in
Heautontimorumeno «
at enim, dices, me quantum hic operis fiat
paenitet
113 ».
1
ita pleriqve
ingenio svmvs omnes nostri nosmet paenitet pléonasme
(παρέλκον) de la
troisième catégorie840. Dans L'Andrienne : « quod plerique
faciunt omnes adulescentuli ». 2 Et
c'est un archaïsme (ἀρχαϊσμός), comme « accede ad ignem
hunc : iam calesces plus satis »841. 3
nostri nosmet
paenitet on dit paenitet pour quelqu'un qui fait peu
de cas de quelque chose. Il dit donc ipsi nos nostra contemnimus (nous,
nous méprisons nous-mêmes ce qui nous concerne). Ainsi dans
L'Héautontimorouménos aussi : « at enim, dices, me
quantum hic operis fiat paenitet » (c'est que, diras-tu, cela me
fait mal de voir le peu d'ouvrage qui se fait ici).
An.-at tu mihi contra nunc uidere
fortunatus, Phaedria,
An.-mais, pour moi, au contraire,
c'est toi que, en ce moment, je trouve heureux, Phédria,
cui de integro est potestas etiam
consulendi quid uelis :
toi qui es encore complètement
libre de décider ce que tu voudras,
1
cvi de integro
est potestas deinceps. 2 An de
integro id est integris
rebus ?
1
cvi de integro
est potestas de
integro signifie deinceps (ensuite). 2 Ou bien de
integro, c'est-à-dire integris rebus (alors que tout va
bien) ?
retinere amare amittere ; ego in
eum incidi infelix locum
garder, aimer, quitter, tandis que
moi, je suis tombé, infortuné, dans une situation
retinere amare amittere
coniuncte legendum est quid uelis
retinere, ut duo sint amare amittere, quia et infra duo
reddit «
ut neque mihi sit amittendi neque retinendi
copia
114 ».
retinere amare amittere il
faut lire ensemble842 quid uelis retinere, pour qu'il y ait
les deux éléments amare
amittere, parce que les deux reviennent plus bas
également : « ut neque mihi sit amittendi neque retinendi
copia ».
ut neque mihi sit amittendi nec
retinendi copia.
telle que je n'ai plus la faculté
ni de quitter ni de garder.
amittendi propter amorem,
retinendi propter patrem.
amittendi à cause de son
amour, retinendi à cause de son père.
sed quid hoc est ? uideon ego Getam
currentem huc aduenire ?
Mais qu'est-ce que c'est ? N'est-ce
pas Géta que je vois accourir ici ?
is est ipsus. ei, timeo miser quam
hic mihi nunc nuntiet rem.
C'est bien lui. Hélas ! j'ai peur,
pauvre de moi, de la chose qu'il va m'annoncer.
1
ei
ei interiectio
ingemiscentis, ut «
ei mihi, quantum praesidium Ausonia et quantum tu
perdis, Iule !
115 » 2 ei timeo miser qvam recte
iam timet, quia in metu
semper est «
praesaga mali mens
116 ».
1
ei
ei, interjection de
quelqu'un qui se lamente, comme dans « ei mihi, quantum praesidium
Ausonia et quantum tu perdis, Iule ! » (hélas ! Ausonie, quel
appui tu perds, quelle perte pour toi, Iule !). 2 ei timeo miser qvam c'est à bon droit que
désormais il a peur (timet), car il y a toujours dans la
crainte de la « praesaga mali mens » (pressentiment du
malheur)843.
scaena quarta
Antipho Phaedria Geta
179 | 180 | 181 | 182 | 183 | 184 | 185 | 186 | 187 | 188 | 189 | 190 | 191 | 192 | 193 | 194 | 195 | 196 | 197 | 198 | 199 | 200 | 201 | 202 | 203 | 204 | 205 | 206 | 207 | 208 | 209 | 210 | 211 | 212 | 213 | 214 | 215 | 216 | 217 | 218 | 219 | 220 | 221 | 222 | 223 | 224 | 225 | 226 | 227 | 228 | 229 | 230
Ge.-Nullus es, Geta, nisi iam tibi
aliquod1410 consilium celere reperis,
Gé.-Tu es anéanti, Géta, sauf si tu
te trouves une idée rapide,
1
nvllvs es geta
nisi iam tibi aliqvod consilivm in hac scaena serui
currentis officium est tendens ad perturbationem Antiphonis, quem
oportet abesse conspectui patris usque ad cognitionem rerum et
καταστροφήν
fabulae. 2 consilivm celere hoc
celere neutraliter
dicitur.
1
nvllvs es geta
nisi iam tibi aliqvod consilivm dans cette scène, la
fonction de l'esclave qui court844 est de viser à bouleverser Antiphon, qui doit
être loin des yeux de son père jusqu'à ce que les faits soient
reconnus et que le dénouement (καταστροφή) de la pièce ait eu lieu.
2 consilivm celere on dit
celere au
neutre845.
ita nunc inparatum subito tanta te
impendent mala ;
ça te prend tellement de court d'un
coup, ces grands maux qui te menacent !
1
svbito tanta
te impendent mala accusatiuo casu impendent, ut Lucretius «
mare quae impendent uesco sale saxa
peresa140
117 ». 2 Pro in te pendent mala.
1
svbito tanta
te impendent mala impendent se construit avec
l'accusatif, comme chez Lucrèce : « mare quae impendent uesco sale
saxa peresa » (les roches qui baignent dans la mer, et que ronge
le flot salé)846. 2 Pour in te pendent
mala (des malheurs te menacent).
quae neque uti deuitem scio neque
quo modo me inde extraham,1411
Comment les éviter, je ne sais pas,
ni comment m'en tirer.
1
qvae neqve vti devitem scio
cum supra « nullus es, Geta » dixerit, hic transitum
fecit ad primam personam. 2 qvae neqve vti
devitem ruina aut uitanda est aut extrahenda ex ea sunt
corpora, quae oppresserit. 3
devitem antequam141 irruant, inde extraham cum
irruerint.
1
qvae neqve vti
devitem scio bien qu'il ait dit plus haut « nullus es,
Geta », il passe ici à la première personne. 2 qvae neqve vti devitem le désastre doit
être évité ou bien on doit en tirer ceux qu'il accable. 3 devitem avant qu'ils ne se précipitent
dedans, inde
extraham quand ils se seront précipités dedans.
nam non potest celari nostra
diutius iam audacia.
Car il est mpossible de cacher plus
longtemps notre audace.
1
nam non potest
celari nostra divtivs avdacia bene nostra, quia et ipse partem maximam
culpae eius tenet142 ut magister. 2 celari Nigidius
celari
118 quaerit utrum plenum sit an pressum.
1
nam non potest
celari nostra divtivs avdacia nostra est bien dit, parce que lui
aussi porte sur lui la plus grande partie de la faute, en tant que
professeur847. 2 celari Nigidius se demande
si celari est la forme
complète ou condensée848.
An.-quidnam ille1412 commotus
uenit ?
An.-Pourquoi donc accourt-il tout
bouleversé ?
1
qvidnam ille
commotvs venit hic ostendit poeta idcirco confusum induci
Getam, ut de eius metu Antipho terreatur. 2 commotvs venit modo commotus perturbatus atque conterritus.
1
qvidnam ille
commotvs venit ici le poète montre que Géta est
présenté849 en proie à la
confusion, précisément afin qu'Antiphon soit effrayé à cause de sa
peur. 2 commotvs venit commotus signifie ici perturbatus (troublé) et conterritus (effrayé).
Ge.-tum temporis mihi punctum ad
hanc rem est : erus adest. An.-quid illud1413
mali est ?
Gé.-Et puis je n'ai qu'un rien de
temps pour mon affaire : le patron est là. An.-De quel malheur
s'agit-il ?
1
tvm temporis
mihi pvnctvm punctum pro momento, ut Lucilius in
ΧIIΙI143 «
puncto uno horae144 qui quoque inuasit
119 »145. 2 pvnctvm angustissimum spatium. 3 ad hanc rem ad deliberandum quod ago.
4 ervs adest uultu tristi ac
superciliis arduis hoc dicendum est. 5 qvid illvd mali est mire πρὸς τὸ 146 « erus
adest » quid illud mali
est posuit ex persona Antiphonis, cui pro calamitate
est patris aduentus.
1
tvm temporis
mihi pvnctvm punctum pour momentum (moment), comme Lucilius au
livre ΧIV « puncto uno horae qui quoque inuasit » (lui qui a
attaqué à chaque instant). 2
pvnctvm très petit laps de temps.
3 ad hanc rem pour réfléchir
à ce que je vais faire. 4 ervs adest il
faut dire cela avec un visage sombre et en fronçant les sourcils.
5 qvid illvd mali est il est
étonnant qu'en réponse au (πρὸς τὸ) « erus adest » il ait mis quid illud mali est dans la bouche
d'Antiphon, pour qui l'arrivée de son père est un désastre850.
Ge.-quod cum audierit, quod eius
remedium inueniam iracundiae ?
Gé.-Quand il saura la chose, quel
remède trouverai-je à sa colère ?
1
qvod cvm
avdierit scilicet quod uxorem duxit Antipho. 2 qvod eivs remedivm plus est quam si diceret
nullum. 3 qvod cvm avdierit qvod eivs remedivm
i.
inveniam
ir.
iracvndiae
bene non addit quod : secum enim loquitur.
4 qvod eivs re.
i.
inveniam
ir.
iracvndiae
proprie remedium, quasi iracundia sit
morbus.
1
qvod cvm
avdierit le fait qu'Antiphon s'est marié, évidemment.
2 qvod eivs remedivm c'est
plus fort851 que s'il disait nullum (aucun). 3 qvod cvm avdierit qvod eivs remedivm inveniam
iracvndiae il fait bien de ne pas préciser lequel, car il
monologue. 4 qvod eivs remedivm inveniam
iracvndiae remedium au sens propre, comme si la
colère était une maladie.
loquarne ? incendam ; taceam ?
instigem ; purgem me ? laterem lauem.
Parler ? Je l'enflammerais. Me
taire ? Je l'énerverais. Me justifier ? Je laverais une
brique.
1
loqvarne
incendam quia iracundia ignis est. 2 taceam instigem instigari proprie fera dicitur.
3 pvrgem me laterem lavem
παροιμία :
πλίνθον
πλύνεις 147. 4
loqvarne
incendam taceam, instigem σχῆμα διαπόρησις.
5 loqvarne incendam duo sunt
quae fieri in peccando148 solent : aut
loqui aut tacere. sed quid
sibi uult purgem me, cum
idem sit loquarne ? an
quia potest purgatio et
per defensorem aut patronum induci ? 6 Hoc quidam putant, sed melius est haec et
perturbatae et seruilis imperitaeque personae uerba sine arte esse
etsi uim significatus habent149 .
1
loqvarne
incendam parce que la colère est un feu852. 2 taceam instigem on dit instigari au sens propre pour une
bête sauvage. 3 pvrgem me laterem
lavem proverbe (παροιμία) : « πλίνθον πλύνεις » (tu laves une
brique)853. 4 loqvarne incendam
taceam instigem figure (σχῆμα) de l'embarras (διαπόρησις)854. 5 loqvarne incendam il y a deux choses que
l'on fait d'habitude quand on est en faute : parler (loqui) ou bien se taire. Mais que
vient faire là purgem me,
puisque c'est la même chose que loquarne ? Est-il là parce que la
purgatio(justification)
peut être faite par un défenseur ou un patron ? 6 Certains le pensent, mais il est meilleur de
penser que ce sont des propos sans art tenus par une personne en
proie à la confusion, par un esclave sans expérience, même si ces
mots ont du sens855.
heu me miserum ! cum mihi paueo,
tum Antipho me excruciat animi :
Ah ! pauvre de moi ! D'un côté,
j'ai peur pour moi ; de l'autre, Antiphon me met le cœur à la
torture.
1
cvm mihi
paveo cum
praeterquam quod
significat modo. 2 tvm antipho me
excrvciat animi τῷ
ἀττικισμῷ 150 pro eo quod
est propter Antiphonem me excrucio
animo. sic et in Hecyra «
fecit animi ut incertus foret
120 ». genetiuo enim casu ueteres figurabant hanc
locutionem.
1
cvm mihi
paveo cum signifie
ici praeterquam quod
(outre que). 2 tvm antipho me excrvciat
animi par atticisme (τῷ ἀττικισμῷ) pour propter Antiphonem me excrucio animo
856 (je me tourmente à cause
d'Antiphon). Ainsi dans L'Hécyre aussi : « fecit
animi ut incertus foret ». Car les Anciens construisaient cette
expression avec le génitif.
eius me miseret, ei nunc timeo, is
nunc me retinet : nam absque eo esset,
C'est lui qui me fait pitié ; c'est
pour lui que je crains à présent, c'est lui qui me retient
présent ; car si ce n'était pas de lui qu'il s'agit,
1
eivs me
miseret ei nvnc timeo miseret praeteritorum, timeo de futuris. 2 eivs me miseret ei nvnc timeo is nvnc me retinet
nam absqve eo esset figura πολύπτωτον : eius ei151 . 3
is nvnc me
retinet is152 retinet, quomodo excruciat. 4 nam absqve eo esset recte si ad eum res non pertineret, id est
si meum tantummodo peccatum esset hoc ipsum.
1
eivs me
miseret ei nvnc timeo miseret s'emploie pour des choses
passées, timeo pour des
choses futures. 2 eivs me miseret ei
nvnc timeo is nvnc me retinet nam absqve eo esset figure
du polyptote (πολύπτωτον) : eius ei. 3 is nvnc me retinet retinet est comme excruciat 857. 4
nam absqve eo
esset recte signifie si ad eum
res non pertineret (s'il ne s'agissait pas de lui),
c'est-à-dire si cela n'était que ma faute.
recte ego mihi uidissem et senis
essem ultus iracundiam :
j'aurais vite fait de voir ce qui
me concerne et puni la mauvaise humeur du vieux ;
1
recte ego mihi
vidissem et senis essem vltvs iracvndiam facete seruus
occasionem melioris condicionis esse existimat fugae causam ;
tamquam sibi peccanti153 et libertatis genus praestare
posset et praedam. 2 recte ego mihi
vidissem et154 dicimus uide
tibi et uidete
uobis. 3 Et recte uidissem pro155 prouidissem. 4 et senis essem vltvs iracvndiam senis maluit dicere quam domini, ut in ipso nomine et
hortamentum impune fugiendi appareat. 5 Et simul quia non iram sed iracundiam dicturus erat ; nam
ira de
causa156 , iracundia de moribus. 6 et senis essem vltvs
iracvn.
iracvndiam
non dixit euasissem sed ultus essem ; faciunt enim serui
fugiendo, ut dominos paeniteat iratos fuisse. 7 vltvs essem sic Vergilius «
ulta uirum
121 ».
1
recte ego mihi
vidissem et senis essem vltvs iracvndiam de façon
plaisante, l'esclave considère que l'occasion d'obtenir une
meilleure condition constitue une raison de fuir858 ; comme
s'il pouvait s'offrir dans sa faute un genre de liberté et une
récompense. 2 recte ego mihi vidissem et
nous disons uide tibi
(vois en ce qui te concerne) et uidete
uobis (voyez en ce qui vous concerne)859. 3 Et recte uidissem est mis pour
prouidissem (j'aurais
prévu). 4 et senis essem vltvs
iracvndiam il préfère dire senis plutôt que domini (maître), pour que cela
paraisse dit en son nom propre, et que cela semble une exhortation
à s'enfuir impunément860. 5 Et, en même temps, il dit senis parce qu'il va dire, non pas
iram (colère), mais
iracundiam ; en effet
l'ira est suscitée par une
raison, l'iracundia est
due au caractère861. 6 et senis essem vltvs iracvndiam il ne dit
pas euasissem (je me
serais échappé) mais ultus
essem ; car c'est par la fuite que les esclaves font
regretter à leur maître de s'être montrés colériques862. 7
vltvs
essem ainsi Virgile : « ulta uirum » (j'ai vengé mon
époux).
aliquid conuasassem atque hinc me
conicerem protinus1414 in pedes.
je me serais fait la malle et je me
serais immédiatement tiré de là sur mes pieds.
1
aliqvid
convasassem157 figuratum est a
colligendis158 uasis. 2 hinc me conicerem
πρὸς τὸ
159
«
recte ego mihi uidissem
122 ». 3 protinvs in pedes
protinam
123 fuit, et sic Nigidius legit.
1
aliqvid
convasassem image tirée des bagages qu'on rassemble.
2 hinc me conicerem renvoie
à (πρὸς τὸ)
« recte ego mihi
uidissem ». 3 protinvs in
pedes il y a eu protinam, et Nigidius lit ainsi863.
An.-quam hic fugam aut furtum
parat ?
An.-Celui-là, quelle fuite ou quel
larcin prépare-t-il ?
1
qvam hic
fvgam
πρὸς τὸ
160 «
conicerem in pedes
124 ». 2 avt fvrtvm parat πρὸς τὸ 161 «
aliquid conuasassem
125 ». 3 qvam hic fvgam avt fvrtvm
parat secunda ἀπόδοσις : prius enim furtum quam fugam occurrere debuit.
1
qvam hic
fvgam renvoie à (πρὸς τὸ) « conicerem in pedes »864.
2 avt fvrtvm parat renvoie à
(πρὸς τὸ)
« aliquid conuasassem ».
3 qvam hic fvgam avt fvrtvm
parat apodose (ἀπόδοσις) de la deuxième catégorie, car
le furtum aurait dû avoir
lieu avant la fuga 865.
Ge.-sed ubi Antiphonem reperiam,
aut qua quaerere insistam uia ?
Gé.-Mais où trouverais-je
Antiphon ? dans quelle rue irais-je le chercher ?
1
sed vbi
antiphonem reperiam sed pro ergo, ut sit : ergo ubi Antiphonem reperiam ?
2 An hic pro fine superioris
sententiae est, ut Sallustius «
sed Metellus in ulteriorem prouinciam
126 » ? 3 reperiam si alicubi
cesset ; avt
qva qvaerere insistam via si alicubi ambulet. omnis enim,
qui quaeritur, aut cessat aut ambulat.
1
sed vbi
antiphonem reperiam sed pour ergo (donc), de sorte qu'on ait :
ergo ubi Antiphonem
reperiam (donc où pourrais-je bien trouver
Antiphon)866 ? 2 Ou
bien sed est-il ici mis en
guise de conclusion à la phrase précédente, comme Salluste : « sed
Metellus in ulteriorem prouinciam » (mais Métellus, dans une
province plus lointaine...) ? 3
reperiam s'il se tient quelque part ;
avt qva
qvaerere insistam via s'il se promène quelque part. Car
toute personne que l'on recherche soit se tient quelque part, soit
se promène867.
Pha.-te nominat. An.-nescio quod
magnum hoc nuntio exspecto malum. Pha.-ah
Phé.-Il dit ton nom. An.-Je ne sais
quel grand malheur attendre de ce messager. Phé.-Oh !
1
te
nominat ad hoc dudum auditur Geta et ipse non uidet
adulescentes, ut plus illis terroris incutiat, dum secum loquitur.
2 nescio qvod magnvm hoc nvntio
exp.
exspecto
m.
malvm
diserte locutus est nescio quod magnum hoc nuntio exspecto
malum pro eo quod est nescio quod magnum malum hunc mihi nuntiaturum
arbitror.
1
te
nominat les jeunes gens entendent Géta, mais celui-ci ne
les voit pas : le but est précisément qu'il leur inspire plus de
terreur au fur et à mesure de son monologue. 2 nescio qvod magnvm hoc nvntio exspecto
malvm il dit avec éloquence nescio quod magnum hoc nuntio exspecto
malum au lieu de nescio
quod magnum malum hunc mihi nuntiaturum arbitror (je
pense que cet homme va m'annoncer je ne sais quel grand
malheur)868.
sanun es ? Ge.-domum ire pergam :
ibi plurimum est.
es-tu sain d'esprit ? Gé.-Je m'en
vais rentrer à la maison : c'est là qu'il est le plus souvent.
1
domvm ire
pergam hoc nos ἐλλειπτικῶς domum pergam. 2 ibi plvrimvm est ostendit ab initio se
domum pergere et sic162 uidetur
deliberasse quare. 3 ibi plvrimvm
est scilicet propter amorem uxoris suae. 4 sanvn es τὸ πλῆρες sanusne es. 5 revocemvs hominem comice et moraliter
addidit hominem.
6 sta illico ille reuocemus dixit, hic non progredi
iussit.
1
domvm ire
pergam nous, nous disons de façon elliptique (ἐλλειπτικῶς), domum pergam (je vais
rentrer)869. 2 ibi plvrimvm
est il montre au début qu'il va rentrer chez lui, et il
semble ainsi avoir réfléchi pourquoi. 3 ibi plvrimvm est à cause de l'amour qu'il
éprouve pour sa femme, évidemment. 4 sanvn es la forme complète (τὸ πλῆρες) est sanusne es (as-tu toute ta raison ?).
5 revocemvs hominem il
ajoute hominem
conformément au genre comique et au caractère du
personnage870. 6 sta illico l'un dit
reuocemus, l'autre lui
ordonne de rester sur place.
Pha.-reuocemus hominem. An.-sta
illico. Ge.-hem
Phé.-Rappelons le bonhomme.
An.-Arrête tout de suite. Gé.-Hein !
satis pro imperio, quisquis es.
An.-Geta. Ge.-ipse est quem uolui obuiam.
ça sent bien son ordre, qui que tu
sois. An.-Géta ! Gé.-Le voilà, celui que je cherchais, devant
moi.
1
satis pro
imperio qvisqvis es hic ostendit culpae conscientia nullam
auctoritatem reliquam in magistro Geta. 2 satis pro imperio id est imperiose.
1
satis pro
imperio qvisqvis es ici, Géta montre, par la conscience de
sa faute, qu'il ne lui reste aucune autorité comme professeur.
2 satis pro imperio
c'est-à-dire imperiose
(autoritairement).
An.-cedo quid portas, obsecro ?
atque id, si potes, uerbo expedi.
An.-Allons ; quelle nouvelle
apportes-tu, je t'en prie ? Et si tu peux, débarrasse-t'en en un
seul mot.
1
cedo qvid
portas obsecro ut «
si uera feram, si magna rependam
127 ». nam ferre et
portare de negotiis
maioribus dicitur. 2 cedo qvid portas
obsecro atqve id si potes verbo
exp.
expedi
mire expressit affectum de timore
properantis. 3 verbo expedi deest
uno.
1
cedo qvid
portas obsecro comme « si uera feram, si magna rependam »
(pour autant que je vais te dire la vérité et m'acquitter
largement envers toi). En effet, on dit ferre (apporter) et portare pour des affaires qui ont une
certaine importance871. 2 cedo qvid portas obsecro atqve id si potes verbo
expedi il rend de façon étonnante le sentiment de
quelqu'un que la peur fait se hâter. 3 verbo expedi il manque uno (un seul).
Ge.-faciam. An.-eloquere. Ge.-modo
apud portum... An.-meumne ? Ge.-intellexti. An.-occidi.
Pha.-hem...
Gé.-Je vais le faire. An.-Parle.
Gé.-Tout à l'heure, au port... An.-C'est de mon... Gé.-Tu as
compris. An.-Je suis mort. Phé.-Hein ?
1
eloqvere aliter ostendit quid est
uerbo
exp.
expedi
dicendo eloquere. 2 modo apvd portvm patrem uidi dicturus Geta praeuentus
est ab eo, quem timor intellegentem fecerat. 3 hem proprie uim163 suam cuique
personae exhibuit : celeritatem ex praesagio metuenti Antiphoni et
tarditatem intellectus ex164 quiete pectoris Phaedriae securo.
1
eloqvere il montre ailleurs ce que veut
dire uerbo expedi, en
disant eloquere.
2 modo apvd portvm Géta, qui
est sur le point de dire patrem
uidi, est devancé par Antiphon, que la peur rend
perspicace. 3 hem il met en scène, pour
chaque personnage en particulier, son caractère personnel872 : la rapidité pour
Antiphon qui se montre craintif en raison d'un pressentiment, et
la lenteur d'esprit pour Phédria, en raison de son sentiment de
sécurité.
An.-quid agam ? Pha.-quid ais ?
Ge.-huius patrem me uidisse1415 patruum tuum.
An.-Que faire ? Phé.-Que dis-tu ?
Gé.-Que j'ai vu son père, ton oncle.
1
qvid
agam iam flet Antipho et adhuc non intellegit Phaedria.
2 hvivs patrem me vidisse patrvvm
tvvm mire poeta et Antiphoni minus quam oportet et
Phaedriae plus quam oportet fecit loqui nuntium. ille enim paene
diuinat ex metu, hunc tardum securitas facit. 3 hvivs patrem
m.
me
v.
vidisse
p.
patrvvm
t.
tvvm
reddit utrique proprium, ut ille qui timebat
paucis intellegeret et ille qui erat securus pluribus
edoceretur.
1
qvid
agam à présent, Antiphon pleure, et Phédria ne comprend
toujours pas. 2 hvivs patrem me
vidisse patrvvm tvvm de façon étonnante, le poète fait
s'adresser le messager à Antiphon moins qu'il ne le faudrait, et à
Phédria davantage qu'il ne le faudrait873. De fait, celui-là devine
presque le message en raison de la crainte qu'il éprouve, tandis
que sa tranquillité d'esprit rend celui-ci plus lent à comprendre.
3 hvivs patrem me vidisse
patrvvm tvvm il rend à chacun des deux ce qui lui est
propre, de sorte que celui qui avait peur comprenne en peu de
mots, mais que celui qui se sent en sécurité soit informé plus
longuement.
An.-nam quod ego huic nunc subito
exitio remedium inueniam miser ?
An.-Mais, moi, quel remède trouver
à ce malheur inattendu, pauvre de moi ?
1
nam qvod ego
hvic nvnc svbito nam aut subiunctiua coniunctio est
superiori dicto quod ait «
quid agam
128 » aut ἀναστροφή est nam quod pro quodnam. 2 nvnc svbito exitio remedivm subito et aduerbium et nomen est.
«
cum subito assurgens fluctu nimbosus Orion
129 ». 3 inveniam miser cum
ego supra dixerit,
ἐμφατικῶς
addidit miser.
1
nam qvod ego
hvic nvnc svbito ou bien nam est une conjonction de
coordination qui fait le lien avec le quid agam qui a été dit plus haut, ou
bien nam quod est une
anastrophe (ἀναστροφή) pour quodnam (quel... donc)874. 2
nvnc svbito
exitio remedivm subito est à la fois un adverbe et un
nom : « cum subito assurgens fluctu nimbosus Orion » (quand
soudain, surgissant avec les flots, l'orageux Orion...)875. 3 inveniam miser après avoir dit « ego » plus haut, il ajoute miser avec emphase (ἐμφατικῶς).
quod si eo meae fortunae redeunt,
Phanium, abs te ut distrahar,
si mon destin en est
arrivé,Phanium, à ce qu'on m'arrache à toi
1
qvod si eo
meae fortvnae redevnt tragice amator hoc negotium
fortunas omnes dixit esse.
2 fortvnae redevnt bene
redeunt quasi in peius et
a processu retro et in deterius. 3
phanivm abs te
vt distrahar amatoria προσφώνησις per ἀποστροφήν. 4 abs te vt distrahar non dixit ut a me distraharis. 5 Et uide uerbum uim cohaerentis
ostendere.
1
qvod si eo
meae fortvnae redevnt de façon tragique, l'amoureux dit
que cette affaire engage omnes
fortunas (tout ce qu'il possède)876. 2 fortvnae
redevnt redeunt
est bien dit, comme si cela devenait moins bien, comme si c'était
le résultat d'une régression, comme si cela devenait pire877. 3 phanivm abs te vt
distrahar exclamation (προσφώνησις) amoureuse par apostrophe
(ἀποστροφή).
4 abs te vt distrahar il ne
dit pas ut a me
distraharis (que tu sois arrachée à
moi)878.
5 Et voyez que ce mot manifeste la
force de leur lien.
nulla est mihi uita expetenda.
Ge.-ergo istaec cum ita sunt, Antipho,
plus aucune vie ne m'attire.
Gé.-Donc, les choses étant ce qu'elles sont, Antiphon,
1
nvlla est mihi
vita expetenda nulla pro non. 2 An nullius
condicionis, quasi dicat : ne deorum uita quidem mihi
dulcis est sine te ? 3 nvlla est mihi vita
expetenda scilicet165 ut nulla sibi uita sit expetenda sine Phanio.
1
nvlla est mihi
vita expetenda nulla pour non 879.
2 Ou bien nulla uita signifie uita nullius condicionis (la vie dans
aucune condition), comme s'il disait "sans toi, même la vie des
dieux ne m'est pas douce". 3
nvlla est mihi
vita expetenda comprendre qu'aucune vie n'est souhaitable
(nulla est uita expetenda)
pour lui sans Phanium, évidemment880.
tanto magis te aduigilare
aequomst : fortis fortuna adiuuat.
rester sur tes gardes s'impose
d'autant plus : la fortune aide les forts.
1
tanto magis te
advigilare ad uim
auctiuam nunc habet, ut adlaudabile, admirabile. 2 fortis fortvna adivvat παροιμία 166.
3 Et fortis accusatiuus pluralis est
casus.
1
tanto magis te
advigilare ad a
ici un sens augmentatif, comme dans adlaudabile (louable), admirabile (admirable)881. 2 fortis fortvna
adivvat proverbe (παροιμία). 3 Et fortis
est à l'accusatif pluriel882.
An.-non sum apud me. Ge.-atqui opus
est nunc quam maxime ut sis, Antipho ;
An.-Je ne sais plus où j'habite.
Gé.-Pourtant c'est le moment ou jamais de le savoir,
Antiphon ;
1
non svm apvd
me id agitur, ut supra diximus, quemadmodum Antipho
praesens non sit, quem neque conuenit contra patrem aliquid dicere
neque rursum praesentem opprimi a patre ex argumento est.
2 atqvi opvs est nvnc qvam maxime vt
sis antipho apud
te subauditur.
1
non svm apvd
me ce dont il s'agit, comme nous l'avons dit plus haut,
c'est de justifier qu'Antiphon cesse d'être présent, dans la
mesure où l'argument de la pièce fait ressortir qu'il ne convient
pas, d'un côté, qu'il dise quoi que ce soit contre son père ni
que, d'un autre côté, quand il réapparaîtra, son père l'accable.
2 atqvi opvs est nvnc qvam maxime vt
sis antipho on sous-entend apud te (auprès de toi).
nam si senserit te timidum pater
esse, arbitrabitur
car, s'il s'aperçoit que tu es
craintif, ton père, il croira
1
nam si
senserit te timidvm pater
e.
esse
a.
arbitrabitvr
c.
commervisse
c.
cvlpam
sic Sallustius in historia «
ita fiducia quam argumentis purgatiores
dimittuntur
130 ». 2 nam si senserit te
t.
timidvm
timidum
pro timentem, ut «
addit se sociam timidisque superuenit Aegle
131 » Vergilius.
1
nam si
senserit te timidvm pater esse arbitrabatvr commervisse
cvlpam ainsi Salluste dans son Histoire :
« ita fiducia quam argumentis purgatiores dimittuntur » (ainsi
c'est davantage de confiance qu'en raison de leurs arguments
qu'ils sont renvoyés disculpés)883. 2 nam si senserit te timidvm
timidum pour timentem (craignant), comme Virgile :
« addit se sociam timidisque superuenit Aegle » (à leur aide et au
secours de leur timidité vient Eglé)884.
commeruisse culpam. Pha.-hoc uerum
est. An.-non possum immutarier.
que tu as fauté. Phé.-C'est vrai.
An.-Je ne peux pas me changer.
1
commervisse
cvlpam nunc commeruisse pro commisisse. 2 hoc vervm est congrue fit, ut et Geta et
Phaedria audaciores sint, qui et absque amore sunt. et
hos167 oportet obici pro Antiphone irato
seni. 3 non possvm immvtarier uim
negantis hoc habet quod ait immutarier. ostendit enim naturae
suae timiditatem nullis adhortationibus eici posse.
1
commervisse
cvlpam il dit ici commeruisse pour commisisse (avoir commis). 2 hoc vervm est cela tombe bien que Géta et
Phédria soient tous les deux fort audacieux, eux qui sont aussi
étrangers à l'affaire amoureuse. Et il convient qu'ils se jettent
au devant du vieillard en colère à la place d'Antiphon. 3 non possvm immvtarier il y a une valeur
négative dans son immutarier 885. Il montre en effet que son naturel craintif ne
saurait être chassé par aucune exhortation886.
Ge.-quid faceres si aliud
grauius1416 tibi nunc faciundum foret ?
Gé.-Que ferais-tu si tu avais
quelque chose de plus grave à faire ?
qvid faceres si alivd gravivs tibi
nvnc facivndvm foret bene grauius, quia hoc graue, ut uideas ipsam hortationem
uim habere concedentis : graue esse quod geritur.
qvid faceres si alivd gravivs tibi
nvnc facivndvm foret grauius est bien dit, parce que c'est
graue (grave), afin que
l'on voie que son exhortation même a la valeur d'une concession :
ce qui se passe est graue
(grave)887.
An.-qui1417 hoc non possum, illud minus
possem. Ge.-hoc nihil est, Phaedria : ilicet.
An.-Je ne peux déjà pas faire cela,
l'autre je le pourrais encore moins. Gé.-Ça ne sert à rien,
Phédria, la séance est levée.
1
qvi hoc non
possvm illvd minvs possem hoc intulit παρὰ προσδοκίαν, nam
uidebatur hac interrogatione adduci posse ad sententiam
percunctantis. et haec est dialectica contra ἐπαγωγήν, cum male
respondendo callidae interrogationis interrumpimus argumentum.
2 hoc nihil est phaedria
ilicet hoc
relatiuum. 3 An hoc cum contemptu pro hic Antipho nihil est ? sic Cicero in
Verrinis «
etsi hoc nescio quid nugatorem sciebam
132 » pro hunc.
4 ilicet semper ilicet finem rei significat, ut
«
actum est
133 ». 5 ilicet per syncopam. sic
iudices de consilio dimittebantur, suprema dicta cum praeco
pronuntiasset ilicet, quod
significat ire licet.
1
qvi hoc non
possvm illvd minvs possem il prononce cela contre toute
attente (παρὰ
προσδοκίαν), car il semblait que cette question pouvait
l'induire à une phrase interrogative888. Et c'est la dialectique qui vise à contrer
l'induction (ἐπαγωγή)889, lorsque, en répondant mal à une
question perfide, on coupe court à un propos. 2 hoc nihil est phaedria ilicet hoc est un anaphorique. 3 Ou bien hoc est-il mis, avec mépris, pour
hic Antipho nihil est (cet
Antiphon n'est rien)890 ? Ainsi Cicéron dans
les Verrines : « etsi hoc nescio quid nugatorem
sciebam » (même si je savais pas que c'était je ne sais quel
diseur de balivernes) au lieu de hunc (celui-ci). 4 ilicet ilicet signifie toujours la fin d'une
affaire, comme « actum est » (c'en est fait)891. 5 ilicet par
syncope. Après avoir délibéré, les juges prenaient congé, lorsque
le crieur public avait annoncé, en guise de derniers mots,
ilicet, ce qui signifie
ire licet (vous pouvez
disposer).
quid hic conterimus operam
frustra ? quin abeam1418 ? Pha.-et quidem ego. An.-obsecro,
Pourquoi gaspiller notre énergie
ici ? Eh bien, je m'en vais. Phé.-Et moi aussi. An.-Je vous en
prie !
1
qvin
abeam hunc168 terrorem commouet
Antiphoni. 2 Et quin pro cur non. 3 et qvidem ego ordo : et ego quidem. et deest abeo. 4 obsecro qvid si assimvlo satin est adeo
morale uitium est. ex conscientia enim169 pauor, ut
ipse quoque Antipho nitatur contra neque quicquam promoueat.
1
qvin
abeam telle est la peur qu'il suscite chez Antiphon.
2 Et quin est mis pour cur non (pourquoi ne pas...).
3 et qvidem ego l'ordre
est : et ego quidem. Et il
manque abeo (je m'en
vais). 4 obsecro qvid si assimvlo satin
est tant son caractère a de défauts. En effet, c'est la
conscience qui inspire la peur, en sorte qu'Antiphon aussi
s'efforce lui-même de lutter contre elle sans pouvoir la faire
reculer.
quid si assimulo ? satin est ?
Ge.-garris. An.-uoltum contemplamini : em
Et si j'essayais de faire
semblant ? Ça va comme ça ? Gé.-Tu veux rire. An.-Regardez cette
mimique, hein !
qvid si assimvlo
audacem scilicet.
qvid si assimvlo
l'audacieux, évidemment.
satin sic est ? Ge.-non. An.-quid
si sic ? Ge.-propemodum. An.-quid sic ? Ge.-sat est :
Ça va ainsi ? Gé.-Non. An.-Et si je
le fais comme ça ? Gé.-Presque. An.-Et ainsi ? Gé.-Pas mal.
1
satin sic
est hic locus actoris magis quam lectoris est : ostenditur
enim conari ad simulandam audaciam, quo magis ridicule formidulosa
persona est. 2 propemodvm et hoc non
plenae consensionis est quod ait propemodum. 3 sat est non dixit bene est sed sat est. 4 Et uide uix ad hoc ipsum esse
peruentum.
1
satin sic
est ce passage relève davantage du théâtre joué que du
théâtre lu : Antiphon est présenté en train d'essayer de feindre
l'audace, ce qui rend le personnage encore plus ridiculement
peureux. 2 propemodvm et ce
propemodum ne relève pas
d'un accord total. 3 sat est il ne
dit pas bene est (c'est
bien), mais sat est.
4 Et voyez qu'il y est
difficilement parvenu.
em istuc serua : et uerbum uerbo,
par pari ut respondeas,
Allons, garde celui-là et, mot pour
mot, du tac au tac, tâche de répondre,
1
em istvc serva
et verbvm verbo par pari ut "
par pari referto
134"170. dicendo serua ostendit iam incipere deperire
quod finxit atque assimulauit audaciae. 2 em istvc serva et verbvm verbo par pari
et171
animaduerte quid doceat et uide satin artifex poeta debitum reddat
rebus atque personis. 3 verbvm verbo par
pari duo dixit : non tantum uerbum uerbo sed par pari.
1
em istvc serva
et verbvm verbo par pari c'est comme « par pari referto »
; en disant serua, il
montre qu'en fait d'audace ce qu'il a forgé et simulé commence à
se défaire. 2 em istvc serva et verbvm verbo par
pari et considérez ce qu'il enseigne et voyez si
l'habileté du poète ne rend pas assez bien justice aux faits et
aux personnes892. 3 verbvm verbo par pari il dit deux choses :
pas seulement uerbum
uerbo, mais par
pari 893.
ne te iratus suis saeuidicis dictis
protelet. An.-scio.
pour éviter que, dans sa colère,
avec ses injures insultantes, il te démolisse... An.-Je sais.
1
ne te iratvs
svis saevidicis causalem uim habet quod ait iratus, hoc est : qui ob praesentem
iram uehementius tecum
agat. 2 protelet et172 protelum
a pro et tendendo dictum est, quod est
ante
et
trahere
. alii ab assiduo telorum iactu existimant dici, ut
Lucretius «
undique protelo plagarum continuato
135 », hoc est tenore. 3 protelet protrahat, percutiat 173, exagitet. 4 scio apparet hoc uerbum eo uultu dici, ut
manifestum sit absenti animo esse, quocum174 loquitur.
1
ne te iratvs
svis saevidicis ce mot iratus a un sens causal,
c'est-à-dire : "lui qui, à cause de sa présente colère (ira), manifeste plus d'emportement à
ton égard". 2 protelet protelo et protelum (attelage) viennent tous
deux de pro (en avant) et
de tendo (tendre), qui
signifient respectivement ante (devant) et trahere. D'autres pensent ce mot
vient de tela (traits) et
désigne un jet continu de traits, comme chez Lucrèce : « undique
protelo plagarum continuato » (par les chocs que, sans
discontinuer, ils provoquent de toutes parts), au sens de suite
continue. 3 protelet est synonyme de
protrahat (qu'il
entraîne), percutiat
(qu'il frappe), exagitet
(qu'il pourchasse). 4 scio
visiblement, il dit ce mot avec un visage qui manifeste que celui
avec qui il parle a la tête ailleurs894.
Ge.-ui coactum esse te1419 inuitum.
Pha.-lege, iudicio. Ge.-tenes ?
Gé.-...que tu as été contraint par
la force, malgré toi. Phé.-Par la loi, par le jugement. Gé.-Tu y
es ?
1
vi coactvm
esse te mira breuitas, qua tota defensio continetur. et
subauditur fac respondeas
aut quid tale. 2 invitvm bene
idem repetit ad confirmandam memoriam trepidantis. etenim non
diuersa sunt, sed saepe repetuntur, ut teneri possit id quod
causae opus est. nam ui coactum
esse idem significat quod inuitum . 3 An ideo ui
coactum inuitum iungendum est, quod interdum
etiam ipsi nos cogimur propria uoluntate ? ut ipse in Andria
«
tu coactus tua uoluntate es
136 ». 4 tenes exquisite addidit
tenes : apparet Antiphonem
uultu ostendere, quod nihil horum perturbatus aduertat.
1
vi coactvm
esse te étonnante brièveté qui rassemble la totalité de la
défense895. Et on sous-entend fac respondeas (fais en sorte de
répondre que) ou quelque équivalent. 2 invitvm il fait bien de répéter la même
chose afin de rendre plus assurée la mémoire du jeune homme qui
tremble. Et de fait, ce ne sont pas des arguments différents, mais
ils sont répétés plusieurs fois, afin qu'Antiphon puisse retenir
ce qui va lui servir d'excuse896. En effet,
ui coactum esse a le même sens que
inuitum. 3 Ou bien faut-il construire ui coactum avec inuitum 897 pour cette raison que nous nous forçons
parfois par notre propre volonté ? Comme notre auteur dans
L'Andrienne : « tu coactus tua uoluntate es ».
4 tenes il ajoute tenes avec goût : il est clair que la
mimique d'Antiphon montre que, troublé comme il est, il n'a prêté
aucune attention à tout cela.
sed quis hic1420 est senex quem uideo in
ultima platea ? ipsus est.
Mais qui est ce vieux que
j'aperçois au bout de la rue ? C'est lui !
1
sed qvis hic
est senex sed, ut
diximus, transitum significat ad alteram rem ab ea quae agebatur.
2 qvem video in vltima
platea sic dixit ultima
platea, quemadmodum Vergilius «
imas obsedere fores
137 ». 3 ipsvs est et quia timidior
est et postea de proximo ipse dignoscit magis.
1
sed qvis hic
est senex sed,
comme nous l'avons dit, signifie que l'on passe du sujet dont il
s'agissait à un autre sujet898. 2 qvem video in vltima
platea il dit ultima
platea, comme Virgile dit « imas obsedere fores » (ils
ont pris position au pied de la porte)899.
3 ipsvs est et parce qu'il
est assez apeuré et qu'ensuite, de plus près, il le reconnaît
mieux.
An.-non possum adesse. Ge.-ah quid
agis ? quo abis Antipho ?
An.-Je ne peux pas rester là.
Gé.-Eh, que fais-tu ? Où vas-tu, Antiphon ?
1
non possvm
adesse apparet ex conspectu patris magis confundi quam ex
nuntio aduentus eius filium. 2
qvo abis
antipho sic Vergilius «
quo fugis, Aenea ?
138 » et «
quo fugitis, socii ?
139 » sic enim loquitur qui uult ostendere condicionem
locorum, in qua peruerso modo alius petitur, alius linquitur.
3175 ah
qvid agis ut perturbati intercessoris est dicere
quid agis ?, ut in
Andria 176 «
mea Glycerium, quid agis ? cur te is perditum ?
140 »
1
non possvm
adesse manifestement, apercevoir son père remplit
davantage le fils de confusion qu'apprendre son arrivée900. 2 qvo abis
antipho ainsi Virgile : « quo fugis, Aenea ? » (où
fuis-tu, Enée ?) et « quo fugitis, socii ? » (où fuyez-vous,
compagnons ?). C'est ainsi qu'on s'exprime quand on veut signaler
une disposition topographique qui permet que, de manière éhontée,
on file vers un lieu en en abandonnant un autre901. 3 ah qvid agis
c'est pour ainsi dire le propre d'un médiateur que de dire, quand
il est troublé, quid
agis ?, comme dans L'Andrienne : « mea
Glycerium, quid agis ? cur te is perditum ? »902.
mane, mane, inquam1421.
An.-egomet me noui et peccatum meum :
Reste, reste, te dis-je. An.-Je me
connais ainsi que ma faute.
1
mane mane
inqvam omnia haec habent singularem uim in se reuocantis.
2 egomet me novi et peccatvm
m.
mevm
duo dixit, et hominem pauidum et peccatum
graue.
1
mane mane
inqvam tous ces mots ne servent qu'à rappeler vers soi.
2 egomet me novi et peccatvm
mevm il dit deux choses, à la fois que l'homme est
effrayé, et que la faute est grave.
uobis commendo Phanium et uitam
meam.
Je vous recommande Phanium et ma
vie.
1
vobis commendo
phanivm et vitam meam comice duo duobus rettulit :
« me » et « peccatum meum », Phanium et uitam meam. 2 Et animaduerte, quod amator prius ponat
Phanium quam uitam suam.
1
vobis commendo
phanivm et vitam meam en conformité avec le genre comique,
il rapporte deux éléments à deux autres : me et peccatum meum, Phanium et uitam meam. 2 Et remarquez que l'amoureux place Phanium avant sa
propre vie903.
Pha.-Geta, quid nunc fiet ? Ge.-tu
iam lites audies ;
Phé.-Géta, qu'est-ce qui va se
passer maintenant ? Gé.-Toi, tu vas entendre une sentence,
1
geta qvid nvnc
fiet apparet haec sic pronuntianda, quasi ea de
destituto177
dicantur. 2 tv iam lites avdies non
intulit quod quaerebatur, sed uerba sunt hominis omnia
desperantis. 3 tv iam lites avdies ego plectar
pendens tu audies,
ego uerberabor, ut alibi «
tibi erunt parata uerba, huic homini uerbera
141 ». quod ipsum mire : tu non facies lites, sed audies.
1
geta qvid nvnc
fiet il faut manifestement prononcer ces mots comme s'ils
étaient dits de quelqu'un qui est complètement brisé. 2 tv iam lites avdies il ne répond pas à ce
qu'on lui a demandé, mais ce sont les propos d'un homme en tout
point désespéré. 3 tv iam lites avdies
ego plectar pendens toi tu vas entendre (tu audies), mais moi, je vais être
frappé, comme ailleurs : « tibi erunt parata uerba, huic homini
uerbera » (on réservera, à toi, des sermons, à l'homme que je
suis, du bâton). C'est en soi étonnant : toi tu ne vas pas faire
de procès, mais tu vas l'entendre (audies)904.
ego plectar pendens nisi quid me
fefellerit.
et moi, suspendu en l'air, je me
ferai rouer de coups, sauf erreur de ma part.
ego plectar pendens
plectar feriar, unde et plectrum et plagae dictae.
ego plectar pendens
plectar signifie
feriar (je serai frappé) ;
de ce mot viennent plectrum (plectre) et plagae (coup).
sed quod modo hic nos Antiphonem
monuimus,
Mais ce que nous recommandions ici
tout à l'heure à Antiphon,
sed qvod modo hic nos
deest tamen, ut sit :
sed tamen.
sed qvod modo hic nos il
manque tamen (cependant),
pour qu'on ait : sed
tamen(et pourtant).
id nosmet ipsos facere oportet,
Phaedria.
c'est nous-mêmes qui devrions le
faire, Phédria.
id nosmet ipsos facere
oportet quia « nos » supra dixit, in significatione
actus proprii ipsos
addit.
id nosmet ipsos facere
oportet puisqu'il a dit « nos » plus haut, il ajoute ipsos pour signifier qu'il s'agit de
son acte personnel905.
Pha.-aufer mihi "oportet" : quin tu
quid faciam impera.
Phé.-Ote-moi ce « nous devrions »
et, plutôt, ce que tu veux que je fasse, ordonne-le.
1
avfer mihi
oportet mero 178 ἀττικισμῷ addidit : et sine hoc
mihi
179
sententia plena180
est. 2 qvid tv qvid faciam
impera mire ad omnia paratum se indicat, qui impera dixit seruo.
1
avfer mihi
oportet il ajoute mihi par pur atticisme (ἀττικισμῷ)906 : car même sans cela, la
phrase est complète. 2 qvid tv qvid faciam
impera de façon étonnante, il montre qu'il est prêt à
tout, lui qui dit impera à
l'esclave907.
Ge.-meministi1422 olim ut fuerit uestra
oratio
Gé.-Te rappelles-tu votre
conversation de tout à l'heure,
1
meministi olim
vt fverit vestra oratio mire et consilio et oratione
compendiosus est, quo magis Phaedriam propriis consiliis ac
domesticis permoueret181. 2 vt fverit vestra oratio ut magis excitaret,
non nostra dixit sed
uestra.
1
meministi olim
vt fverit vestra oratio de façon étonnante, il fait court
dans ses conseils et dans son discours, afin de pousser totalement
Phédria à ses propres résolutions personnelles908. 2 vt fverit vestra oratio afin de le pousser
davantage à agir, il ne dit pas nostra (notre) mais uestra 909.
in re incipienda ad defendendam
noxiam,
au moment d'engager l'affaire pour
excuser votre faute,
1
in re
incipienda proprie, quasi diceret182 magna, dixit et alibi «
uide quod inceptet facinus
142 ». 2 ad defendendam noxiam
noxiam183 nunc
culpam, alias rem. et est ἐπένθεσις ab eo quod est noxam. et hoc factum est
propter iambica.
1
in re
incipiendaau sens propre, comme s'il disait magna (grande affaire). Il dit aussi
ailleurs : « uide quod inceptet facinus » (regarde le méfait
qu'elle prépare). 2 ad defendendam
noxiam noxia
signifie ici culpa
(faute), ailleurs qualifie res (affaire)910. Et il y a épenthèse (ἐπένθεσις) à partir du
mot noxa. Et cela se
produit à cause du mètre iambique911.
iustam illam causam facilem
uincibilem optimam ?
que la cause était juste, facile,
gagnée d'avance, excellente ?
1
ivstam illam
cavsam facilem vincibilem optimam considera singula et
inuenies et naturali ordine184 et per αὔξησιν dicta. 2 cavsam pro defensione posuit. 3 Et vincibilem quae
facile uincat.
1
ivstam illam
cavsam facilem vincibilem optimam considérez chacun de ces
mots, et vous verrez qu'ils sont dits à la fois dans un ordre
naturel et par amplification (αὔξησις)912. 2
cavsam
il met causa pour
defensio (défense).
3 Et vincibilem signifie
quae facile uincat (qui
triomphe facilement)913.
Pha.-memini. Ge.-em nunc ipsa est
opus ea aut, si quid potest,
Phé.-Je me rappelle. Gé.-Eh bien,
c'est maintenant qu'on en a besoin, ou même, si possible,
nvnc ipsa est opvs
causa scilicet.
nvnc ipsa est opvs
ipsa renvoie à causa, évidemment.
meliore et callidiore. Pha.-fiet
sedulo.
d'une cause meilleure encore et
plus habile. Phé.-Ça va se faire,i de mon mieux.
1
meliore et
callidiore bene meliore et
callidiore, quia tunc prolusio fuit, nunc ipsum
proelium. 2 fiet sedvlo παρέλκον sedulo, nam suffecerat fiet.
1
meliore et
callidiore meliore et
callidiore est bien dit, parce qu'alors c'était
l'exercice, mais qu'à présent c'est le combat proprement
dit914. 2 fiet sedvlo sedulo fait pléonasme (παρέλκον), car fiet aurait suffi915.
Ge.-nunc prior adito tu, ego in
insidiis hic ero
Gé.-Maintenant attaque le premier,
toi ; moi, je serai ici en embuscade
1
nvnc prior
adito tv adito
quasi ad proelium. Vergilius «
nec quisquam ex agmine tanto audet adire uirum
143 ». 2 ego in insidiis hic ero
tota μεταφορά de
re militari est.
1
nvnc prior
adito tv adito
comme à la bataille. Virgile : « nec quisquam ex agmine tanto
audet adire uirum » (et personne, dans une armée si nombreuse,
n'ose affronter l'homme). 2 ego in insidiis hic
ero toute la métaphore (μεταφορά) est tirée du domaine
militaire.
succenturiatus, si quid deficias.
Pha.-age.
et en supplétif, si tu viens à
défaillir. Phé.-Vas-y.
1
svccentvriatvs succenturiari dicitur, qui explendae
centuriae gratia subicit se ad supplementum ordinum. et est
translatio a re militari. 2 age potuit
dicere uero aut ita, sed age dixit, quod uerbum uim
hortantis185
maximam praebet.
1
svccentvriatvs on dit succenturio pour quelqu'un qui, pour
compléter une centurie, s'engage comme supplétif. Et c'est une
métaphore tirée du registre militaire. 2 age il aurait pu dire uero (mais) ou ita (ainsi), mais il dit age, parce que ce mot offre une très
grande force d'exhortation.
Actus secundus
scaena prima
Phaedria Geta Demipho
231 | 232 | 233 | 234 | 235 | 236 | 237 | 238 | 239 | 240 | 241 | 242 | 243 | 244 | 245 | 246 | 247 | 248 | 249 | 250 | 251 | 252 | 253 | 254 | 255 | 256 | 257 | 258 | 259 | 260 | 261 | 262 | 263 | 264 | 265 | 266 | 267 | 268 | 269 | 270 | 271 | 272 | 273 | 274 | 275 | 276 | 277 | 278 | 279 | 280 | 281 | 282 | 283 | 284 | 285 | 286 | 287 | 288 | 289 | 290 | 291 | 292 | 293 | 294 | 295 | 296 | 297 | 298 | 299 | 300 | 301 | 302 | 303 | 304 | 305 | 306 | 307 | 308 | 309 | 310 | 311 | 312 | 313 | 314
De.-Itane tandem uxorem duxit
Antipho iniussu meo ?
Dé.-Ainsi donc Antiphon s'est marié
sans mon aveu !
1
itane tandem
vxorem dvxit antipho inivssv meo in hac scaena accusatio
est et contradictio per remotiuam qualitatem. ergo
controuersia. 2 itane tandem vxorem
dvxit antipho hic exemplum uitae est, in quo spectatur
nullam esse tam iustam et gratam186 iracundiam patris, quin
uero187 et
fiducia defensoris et interuallo temporis euanescat. 3 itane tandem vxorem dvxit non potuit
uehementius incipere quam ut ipse crimen quod obicit miraretur.
4 itane tandem
v.
vxorem
d.
dvxit
tandem hic expletiua coniunctio est,
ut Cicero «
quousque tandem abutere, Catilina
144 ». 5 itane tandem hic totus
uersus est in hoc : an factum sit,
quod188 factum sit, a quo factum sit, in
cuius iniuriam factum sit189.
1
itane tandem
vxorem dvxit antipho inivssv meo il y a, dans cette scène,
une accusation et une objection qui repose sur le fait de faire
retomber l'accusation sur quelqu'un d'autre916. C'est donc une controverse. 2 itane tandem vxorem dvxit antipho on a ici
un exemple tiré de la vie, dans lequel on voit qu'il n'y a pas de
colère paternelle assez justifiée et bien venue qui en vérité ne
s'évanouisse grâce à la garantie qu'apporte le défenseur de son
fils et au fil du temps. 3 itane tandem vxorem
dvxit il n'aurait pas pu commencer avec plus de véhémence
qu'il ne le fait en s'étonnant personnellement du chef
d'accusation qu'il expose917. 4 itane tandem vxorem dvxit
tandem est ici une
conjonction explétive, comme chez Cicéron : « quousque tandem
abutere, Catilina » (jusques à quand, enfin, abuseras-tu,
Catilina). 5 itane tandem ici, il est
tout entier concentré sur les questions suivantes : est-ce que
cela a été fait, qu'est-ce qui a été fait, par qui cela a-t-il été
fait, à l'encontre de qui le tort a-t-il été fait918.
Ni mon autorité - mais bon,
oublions mon autorité -, ni mon ressentiment,
1
nec mevm
imperivm κατ᾽ ἀποσιώπησιν 190, quia191 non sequitur sed : intulit enim age ; subauditur autem reuereri. sic Lucretius «
nonne uidere
145 ». 2 age omitte192 imperivm
non simvltatem σχῆμα : διὰ
μέσου διόρθωσις 193. Vergilius «
cuius ob auspicium infaustum moresque sinistros
146 ». 3 age omitte194 legitur et ac195
. 4 simvltatem
iurgium, contentionem.
1
nec mevm
imperivm par aposiopèse (κατ᾽ ἀποσιώπησιν), parce que ce n'est pas
sed (mais) qui vient
ensuite : il dit en effet age 919 ; on sous-entend par
ailleurs reuereri
(craindre). Ainsi Lucrèce : « nonne uidere » (ne voyez-vous
pas)920.
2 age mitto imperivm non
simvltatem figure : correction par parenthèse (σχῆμα· διὰ μέσου
διόρθωσις)921. Virgile : « cuius ob auspicium
infaustum moresque sinistros » (de celui qui, par sa mauvaise
étoile et ses funestes dispositions). 3 age mitto on lit aussi ac (et). 4 simvltatem est synonyme de iurgium (querelle), contentionem (conflit).
reuereri saltem ! non pudere ! o
facinus audax, o Geta
au moins, il ne respecte rien ;
aucune honte. Un forfait d'une audace ! Ah ! Géta
1
non
pvdere hoc absolutum est et nulli adnexum. 2 non pvdere hic Nigidius annotauit neminem
uideri pudere ante
delictum.
1
non
pvdere c'est employé absolument et cela n'est rattaché à
personne en particulier922. 2 non pvdere
ici, Nigidius a signalé en note que l'on ne voit personne avoir
honte (pudere) avant
d'avoir commis une faute923.
monitor ! Ge.-uix tandem. De.-quid
mihi dicent aut quam causam reperient ?
le bon conseiller ! Gé.-Ah, tout de
même ! Dé.-Que vont-ils me dire ? Quel prétexte
trouveront-ils ?
1
vix
tandem conuenit hoc dictum ei, qui iam pridem se male
audire putat, et ideo sero uidetur ad hunc senex peruenisse, cum
ille metuens se primum ad accusationem crederet. 2 An uix
tandem ad hoc pertinet, quia ille monitor dixit ? quasi dicat :
uix tandem factum est, ut
me senex laudare coepisset, quia monitor quamuis in contrarium
dixerit, tamen nomen est laudis. 3
vix
tandem εἰρωνεία, quasi paene me oblitus est. 4 An quia tarde ad seruum196 peruenit
senex, quem ille ob conscientiam a se coepturum esse197 credebat ? 5 qvid mihi dicent avt qvam cavsam
r.
reperient
dicent
si negare uoluerint, causam
reperient si purgare : omne enim crimen a defensore
aut negatur aut purgatur.
1
vix
tandem ce propos lui est adapté : depuis quelque temps
déjà, il pense qu'il va être grondé, et c'est précisément pour
cela qu'il lui semble que le vieillard a mis du temps à en venir à
mentionner sa personne, alors que, parce qu'il avait peur, il
croyait qu'il serait le premier à être accusé. 2 Ou bien uix
tandem se rapporte-t-il au fait que l'autre a dit
monitor ? Comme s'il
disait : "enfin (uix
tandem) c'est arrivé, le vieillard s'est mis à faire
mon éloge", parce que monitor – bien que le vieillard
l'emploie de façon péjorative – est un nom connoté
postivement924. 3 vix tandem ironie (εἰρωνεία), comme s'il disait "il m'a
presque oublié". 4 Ou bien parce
que le vieillard met du temps à en venir à l'esclave, alors que
lui, à cause de son sentiment de culpabilité, croyait qu'il allait
commencer par lui ? 5 qvid mihi dicent avt
qvam cavsam reperient dicent s'ils veulent nier, causam reperient s'ils veulent se
disculper : en effet, pour tout chef d'accusation, soit le
défenseur nie, soit il le justifie.
demiror. Ge.-atqui repperi iam1425 : aliud
cura. De.-an hoc dicet mihi :
Je me le demande. Gé.-J'ai trouvé,
ça y est ! Change d'obsession. Dé.-Va-t-il me dire :
1
demiror pro nescio, nam admirationem ignorantia
facit. 2 atqvi repperi iam alivd
c.
cvra
eo animo hoc dicit, quo supra «
uix tandem
147 ». 3 Et cum ille
pluraliter « reperient »
dixerit, hic singulariter repperi respondet, quasi in se solo
sit crimen.
1
demiror pour nescio (je ne sais pas), car
l'ignorance est source d'étonnement. 2 atqvi repperi iam alivd cvra il dit cela
avec le même état d'esprit que, plus haut, « uix tandem ». 3 Et, alors que l'autre a dit « reperient », au pluriel, il répond
repperi, au singulier,
comme si la faute reposait seulement sur lui925.
"inuitus feci. lex coegit" ? audio,
fateor. Ge.-places.
je l'ai fait malgré moi ; la loi
m'y a contraint ? J'entends cela, je ne dis pas non. Gé.-Là, tu me
plais.
invitvs feci lex coegit
bene poeta iam scire facit senem quid isti dicturi sint, ut
uideatur frangi posse qui iam partem defensionum admittit.
invitvs feci lex coegit le
poète, et c'est bien, fait en sorte que le vieillard sache ce que
les autres vont dire, afin qu'il semble pouvoir être fléchi, lui
qui reconnaît une partie de la défense926.
De.-uerum scientem, tacitum causam
tradere aduersariis,
Dé.-Mais sciemment, sans mot dire,
donner gain de cause à ses adversaires,
cavsam tradere
adversariis198 hoc cum maiore
exclamatione dicitur ; non enim dixit concedere aduersariis, sed quod
peius199 est
causam tradere200
.
cavsam tradere adversariis
c'est dit avec une exclamation plus appuyée ; car il ne dit pas
concedere aduersariis
(s'incliner devant ses adversaires), mais causam tradere, ce qui est
pire927.
etiamne id lex coegit ? Pha.-illud
durum. Ge.-ego expediam : sine !
est-ce que la loi l'y a forcé
aussi ? Phé.-Voilà le point qui résiste. Gé.-Je m'en
débrouillerai ; laisse-moi faire.
1
illvd
dvrvm illud durum
dicit, quod supra «
atqui repperi iam : aliud201
148 ». 2 illvd dvrvm ego expediam
sine uide praeparationem futurae defensionis : quam nisi
hoc modo Terentius intulisset, incredibile uideretur subito
sedatum senem.
1
illvd
dvrvm il dit illud
durum parce qu'il a dit plus haut « atqui repperi iam : aliud ».
2 illvd dvrvm ego expediam
sine voyez la préparation de la défense à venir : si
Térence ne l'avait pas introduite de cette façon, il semblerait
incroyable que le vieillard se calme d'un coup928.
De.-incertum est quid agam, quia
praeter spem atque incredibile hoc mihi obtigit :
Dé.-Je ne sais quoi faire, parce
que ça dépasse les attentes et c'est incroyable, ce qui
m'arrive !
1
incertvm est
qvid agam nonnihil iam fracta indignatio est : cum
his uerbis202 non iam ira sed admodum maeror est.
2 qvia praeter spem atqve
incredibile hoc Vergilius «
hunc ego si potui tantum sperare dolorem
149 ». 3 atqve incredibile hoc mihi
obtigit grauius est incredibile quam praeter spem et ideo posterius et in
auctu est. 4 obtigit pro accidit, ob cuius respectum
reciprocum est203 , si quis quid204
accidisse dicat, non
obtigisse.
1
incertvm est
qvid agam l'indignation est déjà quelque peu atténuée : en
effet, il n'y a plus de colère dans ces mots, mais tout au plus de
la tristesse. 2 qvia praeter spem
atqve incredibile hoc Virgile : « hunc ego si potui tantum
sperare dolorem » (si j'ai pu, moi, m'exposer à cette si grande
douleur)929.
3 atqve incredibile hoc mihi
obtigit incredibile a plus de poids que
praeter spem, et c'est
pourquoi il vient en second, dans un mouvement de gradation.
4 obtigit mis pour
accidit (il s'est produit
pas accident) ; à cet égard, la réciproque, c'est quand quelqu'un
dit accidit et non
obtigit (il est advenu
opportunément)930.
ita sum irritatus animum ut nequeam
ad cogitandum instituere.
Je suis dans une telle colère que
je ne peux fixer mon esprit et réfléchir.
1
ita svm
irritatvs irritatus prouocatus et in iram impulsus, hoc est commotus et perturbatus. 2 animvm vt neqveam ad cogitandvm institvere
bene instituere dixit, quo
uerbo quies ostenditur cogitaturae205 mentis, quae nunc non adest.
1
ita svm
irritatvs irritatus signifie prouocatus (provoqué) et in iram impulsus (poussé à la
colère), c'est-à-dire commotus (troublé) et perturbatus (perturbé). 2 animvm vt neqveam ad cogitandvm institvere
il fait bien de dire instituere : ce verbe montre la
tranquillité qu'il faudra à son esprit pour réfléchir,
tranquillité dont il ne dispose pas pour l'instant931.
quam ob rem omnis, cum secundae res
sunt maxime, tum maxime
Aussi, plus les affaires sont
prospères à un moment, plus, à ce moment même,
1
cvm secvndae
res svnt maxime tvm maxime ut «
nudus ara, sere nudus
150 ». 2 Et bona
sententia : tum maxime sapienti metuendum, quo tempore maxime
securus est stultus.
1
cvm secvndae
res svnt maxime tvm maxime comme « nudus ara, sere nudus »
(mets-toi nu pour labourer, mets-toi nu pour semer)932. 2 Et c'est une
bonne maxime : c'est précisément lorsque le sot se sent le plus en
sécurité, que le sage doit éprouver de la crainte933.
meditari oportet secum1426 quo
pacto aduersam aerumnam ferant,
il faut envisager en son for
intérieur comment supporter l'adversité,
1
meditari
oportet secvm bene additum secum : insane206 enim uidebitur hoc palam agere.
2 adversam aervmnam ferant
abundat aduersam.
1
meditari
oportet secvm secum est bien ajouté : on verra en
effet qu'il fait ouvertement cela sous un coup de folie.
2 adversam aervmnam ferant
aduersam est
superflu934.
pericula damna exilia : peregre
rediens semper cogitet
des dangers, des pertes, des exils.
Quand on revient de voyage, il faut toujours se représenter
1
pericvla damna
exilia peregre rediens semper cogitet avt
f.
filii
p.
peccatvm
a.
avt
v.
vxoris
m.
mortem
superiora ἀσύνδετα inferioribus intermixta sunt
coniunctionibus intermixtis207. Sallustius «
nam quid a Pyrrho, Hannibale, aequore et terra
151 ». 2 peregre rediens semper
cogitet mire a genere ad speciem non semel transit ; nam
cum dicit peregre rediens,
iam de se loquitur sed latenter. 3 semper cogitet ad singularem a
plurali208 transit : supra dixit «
omnes
152 », at nunc cogitet. 4 Et est ordo : semper peregre rediens 209,
quicumque peregre redit.
1
pericvla damna
exilia peregre rediens semper cogitet avt filii peccatvm avt
vxoris mortem les asyndètes (ἀσύνδετα) du début sont liées à ce qui
suit par l'insertion de conjonctions. Salluste : « nam quid a
Pyrrho, Hannibale, aequore et terra » (en effet, contre Pyrrhus et
Hannibal, par terre et par mer, qu'est-ce que...)935. 2 peregre rediens
semper cogitet de façon étonnante, il ne passe pas, d'un
seul coup, du général au particulier936 ; en effet, quand il dit
peregre rediens, il parle
déjà de lui, mais à mots couverts. 3 semper cogitet il passe du pluriel au
singulier : plus haut, il a dit « omnes », mais à présent il dit
cogitet. 4 Et l'ordre est : semper peregre rediens,
c'est-à-dire quiconque revient de l'étranger937.
aut filii peccatum aut uxoris
mortem aut morbum filiae,
l'inconduite d'un fils, la mort
d'une femme, la maladie d'une fille,
1
avt filii
peccatvm avt vxoris mortem avt morbvm
filiae quamuis iratus filio non potuit tamen dicere
filii mortem. conuenit
autem seni uxoris mortem non putare magnum incommodum. 2 avt filii peccatvm
a.
avt
v.
vxoris
m.
mortem
avt
m.
morbvm
f.
filiae
uarie post enumerationem conclusam cetera
intulit. Vergilius «
sed neque Medorum siluae ditissima terra
n.
nec
p.
pulcher
G.
Ganges
a.
atque
a.
auro
t.
turbidus
H.
Hermus
153 ».
1
avt filii
peccatvm avt vxoris mortem avt morbvm filiae bien qu'il
soit en colère contre son fils, il ne peut dire filii mortem (la mort de son fils).
Par ailleurs, il convient à un personnage de vieillard de ne pas
considérer que la mort de l'épouse serait un grand
malheur938. 2 avt filii peccatvm
avt vxoris mortem avt morbvm filiae avec un souci de
variation, il met encore plusieurs choses après la clôture de son
énumération. Virgile : « sed neque Medorum siluae ditissima terra
nec pulcher Ganges atque auro turbidus Hermus » (mais ni la terre
des Mèdes, si riche en forêts, ni le beau Gange, ni l'Hermus dont
l'or trouble les eaux)939.
communia esse haec, fieri posse, ut
ne quid animo sit nouom ;
que ces accidents sont communs,
qu'ils peuvent nous arriver, afin que notre esprit ne soit surpris
de rien,
1
commvnia esse
haec fieri posse ordo est : semper cogites communia esse, fieri posse filii
peccatum, uxoris mortem, filiae morbum. 2 commvnia esse commune est, quod accidere omnibus
potest.
1
commvnia esse
haec fieri posse l'ordre est : semper cogites940 communia esse, fieri posse
filii peccatum, uxoris mortem, filiae morbum941 . 2
commvnia
esse est communis
ce qui peut arriver à tout le monde.
quidquid praeter spem eueniat, omne
id deputare esse in lucro.
et tout ce qui arrive contrairement
à ces prévisions, il faut le compter pour un gain.
1
qvicqvid
praeter spem eveniat omne id depvtare esse in lvcro uide
iam senem fractum non culpam filii magnam dicere210 , sed ideo indignari, quod non
crediderit peccaturum in quo ipse se reprehendat. 2 Quod a precatoribus211 dici solebat, hoc dicit : communia esse et fieri posse.
1
qvicqvid
praeter spem eveniat omne id depvtare esse in lvcro voyez
qu'à présent le vieillard, brisé, ne considère pas la faute qu'a
commise son fils comme grande, mais qu'il est indigné parce qu'il
ne croyait pas que son fils commettrait une faute, ce qui fait que
c'est à lui-même qu'il fait des reproches. 2 Il dit communia
esse et fieri
posse, ce que disaient d'ordinaire les
intercesseurs942.
Ge.-o Phaedria, incredibilest
quantum erum ante eo sapientia ;
Gé.-O Phédria, c'est incroyable
comme je dépasse le patron en sagesse :
ervm ante eo sapientia
legitur ante eo
212, sed
pronuntiatiuum213 pro coniunctiuo, ante eo pro ante eam.
ervm ante eo sapientia on
lit ante eo, mais c'est
l'indicatif au lieu du subjonctif, ante eo au lieu d'ante eam (je dépasse).
meditata sunt mihi1427 omnia mea
incommoda erus si redierit.
j'ai envisagé, moi, tous les soucis
qui m'attendent, au retour du maître ;
1
meditata svnt
mihi omnia mea incommoda nimis comice non
clades aut aerumnas posuit seruus, sed
incommoda : molere in pistrino, uapulare, habere compedes et cetera, cum hoc
nomen leue quiddam significet214, ut in Eunucho
«
immo enim infeliciter : nam incommoda alia sunt
dicenda, Parmeno
154 ». 2 ervs si redierit
si
autem215
pro cum seruiliter
ut dubitet ex uoto suo, utrum dominus redeat an non, quod
cupit.
1
meditata svnt
mihi omnia mea incommoda de façon excessivement comique,
l'esclave ne met pas clades (désastre) ou aerumnae (épreuves), mais incommoda : molere in pistrino, uapulare, habere compedes, etc., alors que ce
nom renvoie à quelque chose de léger, comme dans
L'Eunuque : « immo enim infeliciter : nam incommoda
alia sunt dicenda, Parmeno ». 2
ervs si
redierit quant à si, il est mis pour cum (lorsque), à la manière des
esclaves, en sorte que le personnage ne sait pas bien, à l'issue
de son vœu, ce qu'il désire : que son maître revienne ou
non943.
molendum usque1428 in pistrino,
uapulandum ; habendae compedes,
il faudra tourner la meule au
moulin, être battu, que je porte des entraves,
1
molendvm vsqve
in pistrino facete enumerat seruus uniuersa supplicia suae
condicionis excepta cruce et furca, quarum poenam uerbis extenuare
non potuit. 2 habendae compedes uitiosam
locutionem seruili personae dedit Terentius ; nam integrum esset,
si diceret habendas
compedes. unde quidam non esse sed usque legunt.
1
molendvm vsqve
in pistrino l'esclave passe en revue, d'une manière
plaisante, la totalité des châtiments propres à sa condition, à
l'exception de la croix et de la fourche, parce qu'il ne peut
atténuer ces punitions par les mots944. 2 habendae
compedes Térence attribue une expression incorrecte à un
personnage de condition servile ; en effet l'expression correcte
serait habendas compedes.
C'est pourquoi certains lisent, non pas esse, mais usque (jusqu'à)945.
opus ruri faciendum, horum nihil
quicquam accidet animo nouum.
travailler aux champs. Rien de rien
de tout cela ne surprendra mon esprit.
1
opvs rvri
faciendvm uarie : molendum, uapulandum, compedes, opus. 2 Et supra uerba gerundia sunt et infra
participia. 3 horvm nihil qvicqvam accidet animο
novvm recte addidit animo : omne enim quicquid acciderit nouum erit, sed non animo.
4 horvm qvicqvam nihil
παρέλκον
quartum. 5 horvm nihil accidet animo
novvm tale est illud sapientis Aeneae «
non ulla laborum o uirgo, noua mi facies inopinaue
surgit
155 ». et
«
arma parate animis et spe praesumite bellum
156 » et «
hunc ego si potui tantum sperare dolorem
157 » idem.
1
opvs rvri
faciendvm avec un souci de variation946 : « molendum », « uapulandum », « compedes », opus. 2 Et, dans un premier temps, les verbes sont au
gérondif, dans un second temps, ils sont au participe947. 3 horvm nihil qvicqvam accidet animο novvm il
a raison d'ajouter animo :
car tout ce qui arrive (accidit) est nouveau (nouus), mais pas pour l'esprit
(animus). 4 horvm qvicqvam nihil pléonasme (παρέλκον) de la quatrième
catégorie948. 5 horvm nihil accidet
animo novvm ce propos du sage Enée est du même genre :
« non ulla laborum o uirgo, noua mi facies inopinaue surgit »
(aucune de mes épreuves, jeune fille, ne surgit devant moi sous un
aspect nouveau ou inattendu)949. Et de même « arma parate animis et spe
praesumite bellum » (préparez vos cœurs aux combats et envisagez
la guerre avec espoir) et « hunc ego si potui tantum sperare
dolorem » (si j'ai pu, moi, m'exposer à cette si grande douleur)
950.
quicquid praeter spem eueniet, omne
id deputabo esse in lucro.
Tout ce qui arrivera contrairement
à mes prévisions, tout cela, je le compterai pour un gain.
1
qvicqvid
praeter spem eveniet omne id depvtabo esse in lvcro
totidem uerbis usus est, quot senex, ad irrisionem eius. sic et in
Adelphis «
inspicere tamquam in speculum in patinas, Demea,
iubeo
158 ». 2 omne id depvtabo esse in
lvcro hoc idem senex fieri oportere dixit, quod hic fecit.
ergo sapienter
Geta.
1
qvicqvid
praeter spem eveniet omne id depvtabo esse in lvcro il
reprend mot pour mot951 les propos du vieillard
pour se moquer de lui. Ainsi dans Les Adelphes
également : « inspicere tamquam in speculum in patinas, Demea,
iubeo ». 2 omne id depvtabo esse in
lvcro le vieillard a dit qu'il fallait précisément que se
produise ce qu'il fait. Géta se conduit donc en sage.
sed quid cessas hominem adire et
blande in principio alloqui ?
Mais qu'attends-tu pour aller à
l'abordage du bonhomme et lui parler d'abord gentiment ?
1
sed qvid
cessas hominem adire bene adire quasi terribilem et pugnaturum,
ut «
audet adire uirum
159 ». 2 Et hominem comice addidit. 3 et blande in principio alloqvi recte monuit
qui ait216 non perpetuo blande sed in principio agendum, secundum
praeceptum Isocratis.
1
sed qvid
cessas hominem adire adire est bien dit, comme s'il était
effrayant et sur le point de combattre, comme dans « audet adire
uirum » (il ose affronter le guerrier). 2 Et il ajoute hominem en conformité avec le style
comique952. 3 et blande in principio
alloqvi il donne un conseil judicieux en disant qu'il faut
agir blande non pas
continuellement, mais in
principio, conformément au précepte donné par
Isocrate.
De.-Phaedriam mei fratris uideo
filium mihi ire obuiam.
Dé.-J'aperçois Phédria, le fils de
mon frère, qui vient à ma rencontre.
phaedriam mei fratris video
filivm haec uerba ostendunt quam pacato ore suscipiatur
Phaedria.
phaedriam mei fratris video
filivm ces propos montrent combien Phédria est accueilli
avec un visage apaisé953.
Pha.-mi patrue, salue. De.-salue ;
sed ubi est Antipho ?
Phé.-Cher oncle, bonjour.
Dé.-Bonjour, mais où est Antiphon ?
1
mi patrve
salve mi uim
blandimenti habet, nam significat meus. 2 salve sed vbi est antipho bene expressit
promptum animum ad litigandum217,
partim218
adita219 salute et potius ad iurgium
peruertenda220 .
1
mi patrve
salve mi a une
connotation hypocoristique ; il signifie en effet meus (mon cher). 2 salve sed vbi est antipho il restitue bien
l'état d'esprit de quelqu'un qui est prêt à en découdre : la
salutation est à moitié faite954 et
elle se tourne plus volontiers en querelle955.
Pha.-saluum te1429 uenire...
De.-credo ; hoc responde mihi.
Phé.-Te voir revenir sain et
sauf... Dé.-Je te crois. Réponds à ma question.
1
salvvm te
venire ἔλλειψις — uel
ἀποσιώπησις
— : gaudeo enim
subauditur ; quod nisi acceperis, non intelleges cur hic
responderit credo.
2 salvvm venire iracundiam
frangere conatur obsequio et mora. 3 salvvm venire altera salutatio ad leniendum
et ad criminis dissimulationem. sed et tertio addidit «
satin omnia ex sententia ?
160 ». 4 credo hoc responde
mihi hoc incerta distinctione pronuntiatur 221.
1
salvvm te
venire ellipse (ἔλλειψις ) – ou aposiopèse (ἀποσιώπησις) – : on
sous-entend en effet gaudeo (je me réjouis) ; si on ne
comprend pas ainsi, on ne saisit pas pourquoi l'autre répond
credo956 . 2
salvvm
venire il essaie de briser sa colère en utilisant la
déférence pour perdre du temps. 3
salvvm
venire second salut957, afin de l'adoucir et de dissimuler la faute. Mais
il ajoute aussi, dans un troisième temps, « satin omnia ex sententia ? ».
4 credo hoc responde mihi
958
c'est prononcé avec une ponctuation incertaine959.
Pha.-ualet, hic est ; sed satin
omnia ex sententia ?
Phé.-Il va bien ; il est ici. Mais
tout va-t-il comme tu le souhaites ?
1
valet hic
est222 oratorie dissimulat atque ita, quasi
senex non iratus quaerat, sed de salute sollicitus Antiphonis.
2 sed satin omnia ex
sententia quod uulgo omnia
recte ? et deest quaeris aut quid tale.
1
valet hic
est il élude de façon oratoire et comme si le vieillard
l'interrogeait, non pas parce qu'il était en colère, mais parce
qu'il était inquiet pour la santé d'Antiphon960.
2 sed satin omnia ex
sententia ce que l'on dit communément omnia recte ? (tout va bien ?). Et il
manque quaeris (tu
demandes) ou quelque équivalent.
De.-uellem equidem. Pha.-quid istuc
est ? De.-rogitas, Phaedria ?
Dé.-Je voudrais bien ! Phé.-Qu'y
a-t-il donc ? Dé.-Tu le demandes, Phédria ?
1
vellem
eqvidem semper hoc uerbum dolentis est et negantis euenire
quod uoti est. 2 qvid istvc
est magnam uim habet contra iram huiusmodi
interrogatio.
1
vellem
eqvidem961 ce verbe caractérise toujours
l'expression de la souffrance et l'aveu que ne se réalise pas ce
que l'on souhaite962. 2 qvid istvc est une interrogation de ce
genre a beaucoup de pouvoir contre la colère963.
bonas me absente hic confecistis
nuptias.
Et ce beau mariage qu'en mon
absence vous avez réalisé ?
1
bonas me
absente hic confecistis nvptias
mire consuetudinem expressit dicendo bonas. 2 me absente summa criminis. 3 bonas me absente hic confecistis nvptias
crimen in duobus esse demonstrat nunc223 , quod
bonas et quod absente patre.
1
bonas me
absente hic confecistis nvptias en disant bonas, il utilise de manière
paradoxale un usage courant de la langue964. 2 me absente
partie la plus grave de l'accusation. 3 bonas me absente hic confecistis nvptias il
montre maintenant que la faute se divise en deux : bonas et absente patre 965.
Pha.-eho an id succenses nunc
illi ? Ge.-artificem probum !
Phé.-Ah ! est-ce pour cela que tu
es fâché pour l'heure contre lui ? Gé.-Tu parles d'un
comédien !
1
eho an id
svccenses nvnc illi huc tendebat interrogatio, ut tam
integris rebus admiraretur irasci senem. 2 artificem probvm εἰρωνεία, nam non est224 artifex, cuius reprehenditur
locus225 .
1
eho an id
svccenses nvnc illi la question avait pour but que Phédria
s'étonne de ce que le vieillard se met en colère alors que tout va
si bien. 2 artificem probvm ironie
(εἰρωνεία), car
il n'est pas un artifex,
celui dont on reprend les propos pour les critiquer966.
De.-egon illi non succenseam ?
ipsum gestio
Dé.-Je pourrais ne pas être fâché
contre lui ! Je brûle
gestio plus est quam
uolo.
gestio est plus fort que
uolo (je veux).
dari mihi in conspectum, nunc sua
culpa ut sciat
de le voir comparaître devant moi,
pour que, désormais, par sa faute, il sache
dari mihi in conspectvm
non dixit uenire ut
filium, sed dari ut
reum.
dari mihi in conspectvm il
ne dit pas uenire (venir),
comme on dirait d'un fils, mais dari, comme d'un accusé.
lenem patrem illum factum1430 esse
acerrimum.
qu'un père indulgent est devenu
très intraitable.
1
lenem patrem
illvm me artificium226 poetae ! in media patris
saeuitia mentionem lenitatis induxit, ut ostendat quam
facile placari possit227. 2 lenem patrem illvm factvm
e.
esse
a.
acerrimvm
nota ἀντίθετον : non enim leni asperrimum sed acerrimum reddidit, et mutauit gradum
positiuo superlatiuum opponens. 3
lenem patrem
illvm
fac.
factvm
e.
esse
ac.
acerrimvm
sic Vergilius «
quantum mutatus ab illo Hectore
161 ».
1
lenem patrem
illvm me quel art de la part du poète ! au moment même où
se manifeste la sévérité du père, il introduit une mention de sa
lenitas (indulgence), afin
de montrer combien il serait facile de l'apaiser967. 2 lenem patrem illvm factvm esse acerrimvm
remarquez l'antithèse (ἀντίθετον) : en effet, il n'oppose pas à
lenis asperrimus, mais acerrimus 968, et il change de degré en opposant le superlatif
au positif. 3 lenem patrem illvm factvm esse
acerrimvm ainsi Virgile : « quantum mutatus ab illo
Hectore » (il était bien différent du fameux Hector)969.
Pha.-atqui nil fecit, patrue, quod
succenseas.
Phé.-Il n'a pourtant rien fait, mon
oncle, qui mérite ta colère.
1
atqvi nihil
fecit
p.
patrve
summa contradictionis. 2 Et non dixit leuiter peccauit sed nihil fecit, nedum quod punias sed quod succenseas, id quod leuissimum
est.
1
atqvi nihil
fecit patrve point principal de
l'objection970. 2 Et il
ne dit pas leuiter
peccauit (il a commis une petite faute) mais
nihil fecit ; à plus forte
raison971, il ne dit pas quod punias (pour que tu le
punisses), mais quod
succenseas, ce qui est très léger.
De.-ecce autem similia omnia !
omnes congruunt :
Dé.-Et voilà, toujours la même
chose ! Ils s'entendent tous !
1
ecce avtem
similia omnia ecce
autem uox est apta his, quae noua et improuisa animo
accidunt. sic Vergilius «
ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta
162 ». 2 similia omnia omnes
congrvvnt more stomachantis omnia et omnes